SEANCE DU 20 NOVEMBRE 2002


M. le président. L'amendement n° 136, présenté par Mme Beaudeau, M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Avant l'article 35, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le premier alinéa du II de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999 après les mots : "certaines périodes d'activité donnant lieu à rémunération réduite", est ajoutée la phrase suivante : "Sont notamment pris en compte dans le salaire de référence servant de base à la détermination de l'allocation les éléments de rémunération du bénéficiaire tels que les primes de résultats, primes d'intéressement et primes exceptionnelles". »
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Le II de l'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale 1999 instaurant le dispositif de l'allocation de cessation anticipée d'activité dispose que « le montant de l'allocation est calculé en fonction de la moyenne actualisée des salaires mensuels bruts des douze derniers mois d'activité salariée du bénéficiaire ». La circulaire DSS/4 B n° 99-332 du 9 juin 1999, complétant et précisant le décretn° 99-247 du 29 mars 1999, détaille, dans sa section 3.2, les éléments de salaires à prendre en compte, les éléments de rémunération pris en compte et non pris en compte dans le calcul du salaire de référence servant de base à la détermination de l'allocation de cessation anticipée. Or cette disposition - qui prévoit que soit prises en compte notamment les gratifications de fin d'année mais que soit, en revanche, exclus du salaire de référence les revenus tirés de l'intéressement et de la participation - aboutit à des calculs erronés de la part des CRAM et différenciés d'une CRAM à l'autre.
Le fait que ne soit pas plus détaillée la nature de ces gratifications et de ces revenus tirés de l'intéressement et de la participation ne permet pas, en effet, de déterminer clairement dans quelle catégorie entrent les diverses primes fréquemment mentionnées sur les bulletins de salaires ce qui laisse aux CRAM une liberté d'interprétation dont il faut bien reconnaître, madame la ministre, qu'elle n'est pas toujours utilisée à bon escient ni dans le sens de l'intérêt des demandeurs de l'ACAATA.
Deux problèmes se posent dans ce cadre.
Le premier, je le disais, est un problème d'absence de précision des termes de la circulaire précitée. Il est ainsi évident - et M. le médiateur de la République l'a récemment confirmé à Mme Marie-Claude Beaudeau - que des primes dites exceptionnelles, qui plus est versées chaque fin d'année, constituent des éléments de salaire devant être pris en compte au titre des gratifications de fin d'année. Mais le terme exact de « prime exceptionnelle » n'étant pas inscrit dans la circulaire de 1999, certaines CRAM en refusent la prise en compte. Les associations de victimes de l'amiante constatent ainsi, quotidiennement, des divergences d'interprétation entre les CRAM, qui entraînent, dès lors, un traitement différencié, tantôt juste, tantôt erroné, entre les salariés ou anciens salariés demandant à bénéficier de l'ACAATA, selon la CRAM à laquelle ils sont rattachés.
L'autre problème réside dans l'exclusion, cette fois clairement mentionnée dans la circulaire de 1999, des revenus tirés de l'intéressement et de la participation. Ces éléments de rémunération sont pourtant partie intégrante des revenus des salariés et sont souvent considérés comme l'équivalent de primes de fin d'année. Certes, ces éléments ne figurent pas dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, qui constitue dans cette circulaire le déterminant de la prise en compte ou non d'un élément de rémunération. Cependant, j'attire votre attention, madame la ministre, mes chers collègues, sur la nécessité de passer outre cet énoncé pour constater que de tels éléments de rémunération font en quelque sorte partie des « us et coutumes » et sont assimilés au salaire comme les primes et autres gratifications allouées de façon récurrente et régulière aux salariés.
Madame la ministre, vous n'ignorez pas qu'actuellement seuls 7 000 personnes bénéficient de l'ACAATA. C'est un chiffre faible, qui s'explique, d'une part, par le caractère bien trop sélectif de la liste des établissements ouvrant droit à l'ACAATA et, d'autre part, par le bas niveau des montants de l'allocation proposée aux salariés.
Ainsi, il est courant de voir, dans une même entreprise, des cadres partir en cessation anticipée d'activité alors que les ouvriers et les manoeuvres les personnels pourtant les plus exposés à l'amiante sont contraints de refuser l'ACAATA parce qu'il leur est impossible de vivre décemment avec une allocation qui - j'y reviendrai à l'occasion de l'examen d'un autre amendement - ne peut dépasser 65 % de leur salaire, qui n'est souvent guère plus élevés que le SMIC.
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous invite, mes chers collègues, à vous prononcer en faveur de cet amendement n° 136, qui permettra que soit respecté le droit des demandeurs de bénéficier d'une allocation qui prenne en compte toutes les rémunérations qu'ils ont reçues au titre de leur salaire ou de leurs primes et gratifications diverses.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je tiens à rectifier une petite erreur, monsieur Fischer : il y a plutôt 12 000 allocataires.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et même 16 000 !
M. Guy Fischer. Pourtant, Mme Beaudeau est compétente en la matière !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Certes, mais cela lui a peut-être échappé !
M. Guy Fischer. Nous nous réjouissons malgré tout de cette nouvelle !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Sans aucun doute, je le concède, les CRAM devraient harmoniser leurs règles de calcul. Vous n'avez pas complètement tort sur ce point, monsieur Fischer ; je ne peux donner tort à votre groupe sur tout ! (Sourires.)
Toutefois, je veux vous mettre en garde sur vos accès de générosité. Je comprends très bien que vous souhaitiez aller plus avant, mais êtes-vous certain, monsieur Fischer, que vos propositions soient de nature à respecter l'équité entre tous les salariés ? Les primes, les indemnités, vous le savez, varient très sensiblement d'un salarié à un autre, d'une activité à une autre. Si généreuses soient vos propositions, il faut raison garder, non pas que nous ne souhaitions pas essayer d'aider les intéressés du mieux que nous pouvons, mais parce qu'il ne m'apparaît pas souhaitable d'aller jusque-là.
Cela étant, nous entendrons avec intérêt l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. Je tiens tout d'abord à apporter une précision : il ne s'agit pas de 7 000 à 12 000 bénéficiaires ; à la fin de l'année, 16 000 bénéficiaires seront répertoriés.
M. Guy Fischer. Ah bon !
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. Mais revenons aux principes.
Aux termes de la loi, le montant de l'allocation est calculé en fonction de la moyenne actualisée des salaires mensuels bruts de la dernière année d'activité salariée. Les primes, qu'il s'agisse des primes de résultat, des primes d'intéressement ou des primes exceptionnelles, n'ont pas de caractère régulier. Elles peuvent être versées sur une périodicité supérieure à un an. Il me paraît donc illogique de les intégrer dans le salaire de référence.
Je retiens l'argument que vient de développer M. le rapporteur et qu'approuve le Gouvernement : la prise en compte de ces éléments dans le calcul du montant de l'allocation risquerait d'entraîner une certaine inéquité entre les bénéficiaires du dispositif applicables aux travailleurs de l'amiante.
Quel que soit l'intérêt de votre analyse, monsieur le sénateur, nous sommes défavorables à l'amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 136.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 137, présenté par Mme Beaudeau, M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Avant l'article 35, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Compléter le deuxième alinéa du II de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999 par une phrase ainsi rédigée : "Le montant de l'allocation est strictement égal à la rémunération de référence définie au premier alinéa du présent article, et ne peut en aucun cas être inférieur au SMIC brut mensuel". »
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur About, malgré notre grande capacité de travail et de lecture, nous ne pouvons pas tout lire sur tout. Et puis, vous connaissez les délais de parution des rapports !...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous êtes pardonné !
M. Guy Fischer. L'article 2 du décret n° 99-247 du 29 mars 1999 relatif à l'allocation de cessation anticipée d'activité prévue à l'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 dispose, en son deuxième alinéa, que « le montant mensuel de l'allocation est égal à 65 % du salaire de référence défini à l'alinéa précédent dans la limite du plafond prévu à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale auxquels s'ajoutent 50 % du salaire de référence pour la part de ce salaire comprise entre une et deux fois ce même plafond ».
Selon le troisième alinéa de cet article, « le montant de l'allocation ne peut excéder 85 % du salaire de référence ».
Autant dire, madame la ministre, que l'acceptation de l'ACAATA entraîne une baisse considérable du revenu et du pouvoir d'achat pour ses bénéficiaires.
Lorsqu'un établissement dans lequel travaillent des personnels qualifiés garantit un niveau de salaire plus élevé que la moyenne, les salariés ayant la possibilité de bénéficier de l'ACAATA acceptent souvent ce départ anticipé, malgré la diminution de revenu qu'il induit.
Mais, pour les bas salaires, l'ACAATA, il faut le dire avec fermeté, madame la ministre, est synonyme de revenu largement insuffisant et ne permet pas de vivre décemment.
Or, mes chers collègues, les salariés les plus massivement exposés à l'amiante, auxquels on n'a jamais seulement songé à donner des équipements de protection, sont le plus souvent les plus mal payés de l'établissement ; il s'agit des ouvriers, des manoeuvres, des ajusteurs, des tourneurs...
La disposition visant à instaurer une ACAATA s'élevant à 65 % du salaire en moyenne - et, en tout état de cause, à 85 % au maximum de ce salaire de référence - est donc un vaste contresens qui conduit à exclure de fait du dispositif une grande partie des salariés les plus concernés par ces mesures.
Les exemples ne manquent pas, comme nous en font part tous les jours les associations de victimes, les syndicats et la presse. Et les salariés refusent l'ACAATA.
De nombreuses salariées de l'usine Amisol, gravement touchées par la catastrophe de l'amiante, expliquent ainsi qu'elles ne peuvent partir parce qu'elles n'ont pas les moyens de vivre avec 65 % du SMIC.
Madame la ministre, qui peut aujourd'hui vivre décemment, se loger, se nourrir, se vêtir, se soigner avec un revenu aussi faible, et ce après des années de travail, de souffrances, d'exposition à des conditions de travail et à des produits particulièrement dangeureux ?
Voilà une situation d'une injustice flagrante et d'un cynisme insupportable !
Lorsque l'on est, par exemple, divorcé et que l'on vit seul avec des enfants à charge, comment s'en sortir avec 3 000 ou 4 000 francs par mois ? Qui peut affirmer dès lors que l'ACAATA est un progrès pour tous ?
Mes chers collègues, toutes les conditions ne sont pas réunies pour que l'ACAATA conserve son caractère incitatif au départ anticipé après des années de travail et une espérance de vie déjà considérablement réduite en raison des conséquences de l'exposition à l'amiante.
Dans certaines entreprises d'isolation, de calorifugeage, de flocage, ce sont les cadres, qui ont été les personnels les moins exposés à l'amiante, qui acceptent l'ACAATA, tandis que les ouvriers et les manoeuvres ne quittent pas le travail parce qu'ils ont un faible salaire.
L'ACAATA est, en fait, un salaire de remplacement : il faut, par exemple, préciser que le bénéficiaire continue à cotiser pour la retraite.
Si l'ACAATA a été créée, c'est d'abord, ne l'oublions pas, parce que l'espérance de vie des personnes exposées à l'amiante est réduite. Ces salariés doivent partir plus tôt.
Nous proposons dès lors que le montant de l'ACAATA soit égal au salaire des douze meilleurs mois du bénéficiaire - les clauses iniques de 65 % et 85 % sont donc supprimées - et que le plancher de l'ACAATA soit, en tout état de cause, au moins égal au SMIC mensuel brut.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Monsieur Fischer, je rappelle que vous aviez présenté, l'année dernière, un amendement similaire. Or il avait été repoussé par la Haute Assemblée. Le gouvernement que vous souteniez à l'époque - de plus en plus du bout des lèvres à la fin - avait d'ailleurs émis un avis défavorable sur cet amendement.
Lorsque le système a été mis en place, il a été prévu que subsiste un certain écart entre le revenu de celui qui arrête de travailler et de celui qui fait le choix de poursuivre son activité.
En l'espèce, il est vrai que la personne concernée peut ne pas avoir tellement le choix, compte tenu de sa situation. Toutefois, il apparaît aujourd'hui délicat de revoir les modalités de calcul de cette allocation, car cela ne serait évidemment pas sans conséquence pour l'ensemble des préretraités.
Par conséquent, au moment où le Gouvernement souhaite limiter le recours aux préretraites de droit commun, il me semble difficile de vous suivre dans cette voie, monsieur Fischer.
C'est la raison pour laquelle la commission vous demande de retirer votre amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Je précise tout de même que cette allocation peut se cumuler avec une rente accidents du travail-maladies professionnelles. Evidemment, tous ne bénéficient pas de cette rente, qui constitue tout de même une compensation permettant à ceux qui en bénéficient de percevoir beaucoup plus que 65 % du revenu d'activité.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. Je voudrais simplement rappeler que le décret d'application de la loi de financement de la sécurité sociale prévoit déjà de fixer un montant minimum qui est identique à celui des préretraites du fonds national de l'emploi.
Le relèvement que vous proposez paraît donc excessif.
En effet, il ne serait pas logique de fixer un montant minimum pour un revenu de remplacement qui soit supérieur au minimum auquel a droit un salarié en activité, c'est-à-dire le SMIC net. J'ajoute que le mode de calcul de l'allocation est déjà favorable puisque les périodes de rémunérations réduites ou les périodes de chômage sont neutralisées.
Le montant moyen des allocations est d'environ 1 845 euros par mois. Le nombre de demandes, je le répète, ne cesse de croître rapidement. De 9 000 à la fin de l'année 2001, il devrait être proche de 16 000 à la fin de l'année 2002.
Le dispositif actuel est satisfaisant. Le Gouvernement émet donc sur cet amendement le même avis que la commission : défavorable. M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 137.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 138, présenté par Mme Beaudeau, M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Avant l'article 35, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Le VI de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il est créé au sein de chaque caisse régionale d'assurance maladie une commission réunissant les personnels chargés de la mise en oeuvre du présent article et des représentants des associations de victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles siégeant au Conseil de surveillance du fonds de cessation anticipée d'activité, visant à rectifier les éventuelles erreurs de dates et oublis d'établissements constatés dans les listes mentionnées au I-1° du présent article. »
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Le présent amendement vise à créer au sein de chaque caisse régionale d'assurance maladie une commission visant à permettre aux CRAM d'échanger avec les associations de victimes du travail des informations permettant de compléter et de corriger les listes mentionnées au I de l'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 et d'éviter, de ce fait, les longs délais qui prévalent actuellement en matière de correction et de renforcement de cette liste des établissements ouvrant droit à l'ACAATA.
L'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 a, vous le savez, retenu comme critère d'entrée dans le dispositif non pas a preuve d'une exposition individuelle aux risques liés à l'amiante, mais le fait d'avoir été ou d'être salarié d'un établissement ayant exercé une des activités que ledit article 41 a limitativement désignées. Par exemple, si les dockers ou les marins peuvent désormais bénéficier de l'ACAATA, les métallurgistes, les salariés des fonderies ou ceux des garages ne peuvent en revanche, je le répète, y accéder.
L'élaboration de ces listes a été confiée à la direction des relations du travail du ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Toute demande, quelle qu'en soit la source - salariés, syndicats, associations, par exemple, vous l'avez rappelé tout à l'heure - doit faire l'objet de recoupements, de vérifications et d'échanges, notamment entre les directions régionales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, et les services de prévention des CRAM.
Une fois cet ensemble d'éléments réunis, un projet d'arrêté est soumis à l'avis de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles, qui exerce, vous le savez, dans le domaine des risques professionnels, les attributions dévolues au conseil d'administration de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés. Le contenu final des listes relève enfin du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, et du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui prennent l'arrêté correspondant.
Vous le voyez, une telle procédure, lourde et longue - c'est le moins que l'on puisse dire - ne permet pas l'élaboration rapide et sans erreurs ni omissions des listes des établissements ouvrant droit à l'ACAATA.
Ainsi est privilégiée une information de source administrative, qui, dans le domaine des risques professionnels, est insuffisante, voire souvent erronée, du fait de la sous-déclaration et des nombreuses fraudes à la prévention des risques et à la protection des salariés.
Ainsi ne sont pas - ou si peu ! - pris en compte la parole des salariés ou anciens salariés, leur propre travail de recherche sur les degrés et les périodes d'exposition à l'amiante, les sites en cause, les salariés concernés. Ces salariés, réunis en comités, associations ou syndicats, produisent pourtant de véritables mémoires visant à fournir à la direction des relations du travail tous les éléments dont elle a besoin pour prendre la décision d'inclusion de l'établissement en cause dans les listes ACAATA.
Les listes ACAATA ont été, depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, complétées à plusieurs reprises, mais de façon si restreinte qu'elles ne permettent pas à tous les salariés concernés, loin s'en faut, de demander à bénéficier de cette allocation. Or les associations de victimes de l'amiante possèdent, elles, de nombreuses informations, des témoignages, des attestations, des courriers, bref, nombre de documents qui permettraient de corriger plus rapidement ces listes et de les compléter véritablement.
La création d'une commission dans chaque CRAM réunissant associations de victimes et personnels de la CRAM chargés de l'application de l'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 peut, seule, permettre un travail de collecte et de transmission des informations plus rapide et plus exact. Je vous invite donc, mes chers collègues, à vous prononcer en faveur de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. M. Muzeau vient encore de faire un long développement. Mais la commission a déjà donné son avis à l'occasion de l'examen de l'amendement n° 133, qui tend à faciliter la mise à jour des listes et qui va dans le même sens.
Elle demande le retrait de l'amendement n° 138. A défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. Le Gouvernement émet le même avis que la commission : il est défavorable à cet amendement, pour les motifs que j'ai déjà évoqués il y a un instant.
M. Alain Gournac. Nous aussi !
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Après les remarques qui ont été formulées tout à l'heure sur une insuffisante lecture de notre part des rapports de la commission, je tiens à apporter une précision utile pour chacun d'entre nous.
Le chiffre de 7 000 bénéficiaires de l'ACAATA que nous avons mentionné tout à l'heure a été confirmé il y a deux jours seulement par l'Association nationale des victimes de l'amiante, l'ANDEVA, une association importante, ainsi que par les responsables syndicaux de la fédération de la métallurgie.
Le chiffre de 16 000 que vous venez d'indiquer, madame la ministre, à la suite de M. About - M. Vasselle parlait, lui, de 12 000 - correspond tout simplement au nombre de dossiers déposés, ce qui n'est quand même pas la même chose ! Vous pouvez par conséquent prendre en compte le chiffre de 7 000 que nous avons avancé.
M. Alain Gournac. Il est faux !
M. Guy Fischer. Qui dit la vérité ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. Je me permets d'intervenir pour confirmer le chiffre que j'ai indiqué et qui émane du Gouvernement : il y aura 16 000 bénéficiaires au 31 décembre 2002.
M. Roland Muzeau. Pourtant, dans le rapport de l'ANDEVA, il s'agit bien de 7 000 !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Les bénéficiaires sont bien au nombre de 12 000 en juin et ils seront 16 000 à la fin de l'année. Vous trouverez ces chiffres dans le rapport.
L'ANDEVA est mal informée !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 138.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 139, présenté par Mme Beaudeau, M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Avant l'article 35, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« La deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 434-6 du code du travail est supprimée. »
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. L'amendement n° 139 vise à supprimer la limitation de cumul entre la pension de réversion et la rente d'accident du travail prévue aux articles L. 434-6 et R. 434-10 du code de la sécurité sociale.
L'article L. 434-6 stipule en effet que le cumul d'une rente d'accident du travail avec une pension de réversion « est limité, dans le cas où la pension d'invalidité serait allouée en raison d'infirmités ou de maladies résultant de l'accident qui a donné lieu à l'attribution de la rente, à une fraction du salaire perçu, au moment de l'accident ou de la dernière liquidation ou révision de la rente, par le travailleur valide de la catégorie à laquelle appartenait la victime ».
Cette fraction du salaire perçue par le travailleur valide de la catégorie à laquelle appartenait la victime est fixée, par l'article R. 434-10 du code de la sécurité sociale, à seulement 80 %. Or elle est légitimement fixée, pour les ouvriers des établissements industriels de l'Etat, à 100 % des émoluments de base. Les modalités d'application de cette règle varient donc en fonction des établissements qui emploient les salariés concernés, ce qui crée un déséquilibre entre les salariés dans les diverses possibilités de cumul d'une pension de réversion avec une rente accident du travail.
Pourquoi limiter ce cumul à 80 % dans le cadre du régime général ? Quels éléments justifient un tel chiffre ? Seule une logique purement comptable peut l'expliquer. Or j'estime que, dans ce cadre, cette logique n'a pas sa place, d'autant qu'elle ne s'applique pas à tous.
De plus, cette limitation entraîne très fréquemment des conséquences dramatiques pour les veuves et les veufs des victimes. En effet, ce système donne souvent lieu à perception d'avances sur pension de réversion par des veuves ou veufs en attendant la liquidation définitive qui, les règles du cumul étant alors prises en compte, place ces veuves ou veufs dans une position de débiteur pour trop-perçu sous forme d'avances vis-à-vis, dans le cas par exemple des ouvriers des établissements industriels de l'Etat, du fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat.
L'absence de délai prévu en matière de liquidation définitive des pensions aggrave cette situation et place les veuves et veufs, dont les revenus sont souvent modestes, dans une position financière particulièrement difficile car ils sont dans l'impossibilité de rembourser le trop-perçu qu'on leur réclame et qu'ils n'ont touché que du fait de la lenteur du traitement des dossiers de liquidation des pensions.
Vous le voyez, madame la ministre, mes chers collègues, cette règlede limitation du cumul entraîne non seulement des discriminations, mais aussi des préjudices financiers pour les veuves et veufs de victimes du travail.
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous propose de voter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Cet amendement est entaché d'une double erreur. Tout d'abord, il fait référence au code du travail alors que c'est le code de la sécurité sociale qu'il faudrait viser.
Ensuite, son objet évoque les ayants droit alors que l'article que tend à modifier cet amendement vise les victimes.
Vous comprendrez, mes chers collègues, que, aussi fondé que puisse être l'objectif recherché, il ne soit pas possible d'accepter cet amendement en l'état. La commission n'a donc pas d'autre choix que de se résoudre à émettre un avis défavorable.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. La mort dans l'âme !
M. Roland Muzeau. Vous n'avez jamais soulevé cette objection en commission !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Si, nous l'avons fait !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. Même avis.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 139.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Serge Vinçon.)