SEANCE DU 20 NOVEMBRE 2002


M. le président. « Art. 38. - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
« I. - Au second alinéa de l'article L. 221-4, après les mots : "le fonctionnement du conseil d'administration de la Caisse nationale de l'assurance maladie", sont insérés les mots : "et les modalités de désignation et d'exercice du mandat de ses membres".
« II. - L'article L. 221-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 221-5 . - La commission des accidents du travail et des maladies professionnelles comprend :
« 1° Cinq représentants des assurés sociaux désignés par les organisations syndicales de salariés interprofessionnelles représentatives au plan national ;
« 2° Cinq représentants des employeurs désignés par les organisations professionnelles nationales d'employeurs représentatives. »
« III. - A l'article L. 231-5-1, après la référence : "L. 221-3,", il est inséré la référence : "L. 221-5,".
« IV. - Au deuxième alinéa du I de l'article L. 227-1, les mots : "visées aux 1°, 3° et 4°" sont remplacés par les mots : "mentionnées aux 1°, 2°, 3° et 4°".
« V. - L'article L. 227-2 est complété par les mots : "et, en ce qui concerne la convention d'objectifs et de gestion relative à la branche accidents du travail et maladies professionnelles, par le président de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles et par le directeur de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés".
« VI. - La deuxième phrase de l'article L. 227-3 est ainsi rédigée : "Ces contrats pluriannuels de gestion sont signés, pour le compte de chaque organisme national, par le président du conseil d'administration ou, selon le cas, par le président de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles et par le directeur et, pour le compte de l'organisme régional ou local, par le président du conseil d'administration et le directeur de l'organisme concerné".
« VII. - L'article L. 228-1 est ainsi modifié :
« 1° Dans la première phrase du premier alinéa, après les mots : "Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés", sont insérés les mots : "d'une part pour la branche maladie, maternité, invalidité et décès, d'autre part pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles" ;
« 2° Dans la deuxième phrase du premier alinéa, après les mots : "Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés", sont insérés les mots : "pour la branche maladie, maternité, invalidité et décès" ;
« 3° Au troisième alinéa, après les mots : "Le président de chaque caisse nationale et de l'agence centrale", sont insérés les mots : "et le président de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles". »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 61, présenté par MM. Chabroux et Godefroy, Mme Campion, MM. Cazeau et Domeizel, Mme Printz, M. Vantomme et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 31, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le 2° du VII de cet article :
« 2° Dans la deuxième phrase du premier alinéa, les mots : "Le conseil de surveillance institué" sont remplacés par les mots : "Les conseils de surveillance institués" et les mots : "est en outre composé" sont remplacés par les mots : "sont en outre composés". »
La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour défendre l'amendement n° 61.
M. Gilbert Chabroux. La branche accidents du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale est aujourd'hui au milieu du gué. Le système transactionnel mis en place avec la loi de 1898 - il y a plus de cent ans ! - n'offre pas une réparation suffisante du préjudice, qui est beaucoup mieux indemnisé par l'action en responsabilité.
En effet, il ne prend pas en compte l'intégralité du dommage : préjudice moral, esthétique, rupture dans la carrière professionnelle, etc. Seule la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur donne droit à une indemnisation plus large.
De nombreux contentieux sont, depuis plusieurs années, le reflet de ces insuffisances. Il est avéré qu'un salarié victime d'un accident du travail ou de trajet a souvent intérêt à ne pas le déclarer comme tel pour obtenir une meilleure indemnisation. Outre l'absence chronique de déclaration, due à la pression des employeurs, c'est une réalité que nous ne devons pas méconnaître. Elle illustre pleinement la nécessité de clarifier et de refonder cette branche de notre protection sociale.
A cet égard, il faut aussi souligner que la mutualisation de fait des risques entre les branches professionnelles qui s'est progressivement mise en place ne contribue pas à l'efficacité ni à l'équité du système. Le principe « pollueur-payeur » est trop souvent inversé en matière de cotisations des employeurs.
Nous ne pouvons pas non plus, chaque fois que survient une catastrophe sanitaire telle que celle de l'amiante, créer un organisme d'indemnisation ad hoc qui assurera une réparation intégrale et suppléera ainsi aux carences manifestes du système de droit commun. Cet expédient n'est pas viable de façon durable et générale, alors que le nombre de maladies professionnelles augmente continuellement.
Nous devons mettre un terme à cette situation juridique qui n'est pas saine, qui ne reflète pas la réalité et qui porte préjudice aux victimes ainsi qu'à la collectivité nationale.
Nous devons donc aller vers la réparation intégrale. Il ne doit pas s'agir là d'une éventualité, comme certains le prétendent encore, mais d'une certitude. Je dirai même que c'est une impérieuse obligation.
Nous disposons des différents rapports sur l'évolution de la branche et sur les réformes nécessaires, qui ont été établis à la demande des précédents ministres. Nous en sommes, selon notre rapporteur, à l'étude des coûts et des modalités juridiques éventuelles.
La question qui se pose donc maintenant est, à notre sens, double : dans quels délais peut-on espérer atteindre l'objectif de la réparation intégrale et selon quelles modalités ?
Il existe au moins deux manières de procéder. L'une, que je qualifierai de diligente, consisterait, dès que l'on disposera de l'étude financière et juridique, à poursuivre ce qui a été entrepris, sans doute en poussant un peu les feux.
Quant aux modalités, qui sont liées directement au choix d'agir plus ou moins rapidement, elles peuvent aussi être déterminantes. Et ce n'est pas ce qui nous inquiète le moins !
Il est, selon nous, indispensable que la totalité des parties prenantes au dossier soient intégrées pleinement, dès le départ, au processus de refondation de la branche. Nous entendons par là les représentants des employeurs et les représentants des salariés, mais aussi les représentants des victimes, les associations de personnes qui ont été atteintes dans leur intégrité physique et morale - elles sont parfois handicapées - par un accident ou une maladie en lien avec le travail.
Nous avons le sentiment que tel n'est pas le chemin choisi par le Gouvernement et sa majorité, puisqu'ils décident d'obtempérer au souhait du MEDEF de reprendre la main sur ce dossier.
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est une obsession !
M. Alain Gournac. Ah, le MEDEF !
M. Gilbert Chabroux. Il est vrai qu'il peut difficilement s'en défausser. Mais il n'entend pas non plus se laisser imposer des dispositions financières qui ne lui conviendraient pas. Dans le même temps, le MEDEF ne manifeste pas l'intention de revenir au conseil d'administration de la CNAM, qui, pourtant, gère les prestations.
Tout cela n'est pas engagé d'une manière transparente. C'est particulièrement regrettable dans une matière où la vie et la santé des personnes sont directement en cause. Nous espérons sincèrement que la trajectoire va être corrigée rapidement.
Permettez-moi, pour conclure, de citer ces quelques mots à la fois justes et avisés du rapport Masse et de vous engager, madame la ministre, à les suivre : « Il existe actuellement une demande sociale et de nombreuses conditions favorables à une révision des mécanismes de réparation des préjudices affectant les victimes du travail. Cette révision peut être faite de manière progressive en concertation avec les partenaires sociaux et il paraît opportun d'y associer les associations représentant les victimes. »
Estimant que ces conditions de clarté et de véritable concertation ne sont pas réunies, nous demandons la suppression de l'article 38.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 31 et donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 61.
M. Alain Vasselle, rapporteur. L'amendement n° 31 concerne la composition du conseil de surveillance.
L'article 38, dans sa rédaction actuelle, exclut les représentants des professions et établissements de santé, qui siègent pourtant, je le rappelle, au conseil de surveillance de la CNAMTS. Il me paraît regrettable de ne pas les associer à ce conseil, pour deux raisons.
La première tient au fait que la convention d'objectifs et de gestion comprendra un volet important sur la prévention des risques professionnels.
La seconde raison tient au fait que la convention d'objectifs devra favoriser une programmation pluriannuelle des engagements financiers de la branche.
S'agissant de l'amendement n° 61, je ne sais pas quel était le souci de M. Chabroux en le présentant - était-ce de nous endormir ou de nous réveiller ? - mais je vais tenter de ne pas le décevoir en exposant l'avis de la commission.
Monsieur Chabroux, quand on présente des amendements comme ceux que vous n'avez cessé de défendre depuis un moment, il faut faire preuve d'un peu de décence !
M. Gilbert Chabroux. Ce mot est tout à fait déplacé !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous nous reprochez d'anticiper alors que vous n'avez cessé, monsieur Chabroux, tout comme vos collègues communistes, d'anticiper sur des travaux en cours concernant la réparation des risques professionnels. Vous êtes donc en contradiction avec vous-même !
M. Alain Gournac. Ce n'est pas grave !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ensuite, vous nous dites que cet article permettrait au MEDEF de revenir. (M. Alain Gournac s'exclame.) Mais est-il vraiment illégitime que le MEDEF soit partie prenante du paritarisme que vous appelez de vos voeux ?
M. Roland Muzeau. Oui, c'est illégitime !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Le financement de la branche repose tout de même sur les cotisations des employeurs, et vous voudriez que ceux qui cotisent soient complètement écartés ?
MM. Gilbert Chabroux et Roland Muzeau. Ce n'est pas l'argent des employeurs, c'est celui des salariés !
Mme Nelly Olin. S'il n'y avait pas d'employeurs, il n'y aurait pas d'empoyés !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Enfin, vous nous dites que l'article 38 ne relève pas d'une loi de financement de la sécurité sociale. Or j'observe qu'il vise à améliorer la gestion de la branche, à programmer son financement dans un cadre pluriannuel par la création d'une convention d'objectifs et de gestion.
Par ailleurs, mes chers collègues, nous n'avons cessé de répéter ici que nous souhaitions aller vers une véritable autonomie des branches. L'occasion nous est donnée, à travers l'initiative du Gouvernement, de conforter cette volonté d'autonomie.
M. Gilbert Chabroux. Alors, faites une branche entièrement autonome !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Dans la mesure où vous êtes vous-même un des partisans de cette autonomie, je pense qu'un amendement de la nature de celui que vous avez présenté, qui tend à supprimer cet article 38, est particulièrement malvenu, et j'invite le Sénat à s'y opposer.
M. Alain Gournac. Nous allons vous suivre !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. J'avoue ne pas comprendre à mon tour l'obstination de l'opposition sur cet article. (M. Gilbert Chabroux s'exclame.)
M. Alain Gournac. Nous non plus !
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. Je ne comprends pas le refus d'une modernisation nécessaire et unanimement souhaitée à travers la conclusion d'une convention d'objectifs et de gestion.
La Cour des comptes, dans son rapport particulier, publié en février 2002, sur la gestion du risque accidents du travail et maladies professionnelles, en a fait l'une de ses principales recommandations. En proposant les dispositions qui figurent à l'article 38, nous remédions ainsi à un oubli des ordonnances de 1996 qui avaient prévu, je le rappelle, une convention d'objectifs et de gestion pour les branches maladie, vieillesse et famille du régime général, ainsi que pour celle du recouvrement, mais qui avaient omis de prendre en compte, précisément, la spécificité de la branche accidents du travail et maladies professionnelles.
Notre proposition est donc bien fondée sur un souci d'autonomie. Il s'agit d'adopter, en effet, un objectif de dépenses de la branche accidents du travail et maladies professionnelles qui soit distinct, précisément, de l'objectif de dépenses de la branche maladie.
Cette convention permettra donc de fixer à la branche accidents du travail et maladies professionnelles les mêmes objectifs de qualité de services rendus aux assurés sociaux qu'aux autres branches.
Je ne comprends donc pas, mesdames, messieurs les sénateurs du groupe socialiste, pourquoi vous êtes à ce point défavorables à l'amélioration de la qualité du service rendu aux assurés sociaux. Le Gouvernement a pu, du reste, constater l'unanimité des partenaires sociaux qui étaient présents à la commission des accidents du travail ; ils souhaitent tous cette convention.
Comme le Gouvernement a eu l'occasion de l'indiquer devant l'Assemblée nationale, cette disposition a bien évidemment toute sa place dans une loi de financement. En effet, elle met d'abord en jeu des montants importants, notamment en donnant la possibilité de pluriannualiser le financement de certains fonds, au premier rang desquels le fonds de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. Elle concourt à améliorer aussi le contrôle du Parlement sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale.
Qui dit conseil de surveillance séparé dit nécessité de distinguer clairement le mode de désignation des membres de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles. L'article 38, monsieur le sénateur, a ni plus ni moins pour objet d'aligner ce mode de désignation sur celui des conseils d'administration des caisses nationales.
C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 61 et très favorable à l'amendement n° 31 de M. Vasselle.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur l'amendement n° 61.
M. Roland Muzeau. Les dispositions retenues pour renforcer l'autonomie de la branche accidents du travail et maladies professionnelles appellent deux observations particulières.
Dès lors que le Gouvernement n'a à la bouche que « la gouvernance », il nous paraît pour le moins inopportun que ce projet de loi procède à la révision des modes de nomination des membres de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles.
Nous avons tous en mémoire les raisons qui ont présidé au départ du MEDEF et de la CGPME du conseil d'administration de la CNAMTS en septembre 2001 et les conditions posées à leur retour. La refonte de l'architecture de notre système de protection sociale, l'instillation d'une dose de concurrence est de nature à les satisfaire.
Dans l'attente, le Gouvernement « aménage » - tel est, me semble-t-il, le terme approprié - le retour sélectif, dans les instances de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, de représentants patronaux dont on connaît les desseins funestes pour cette branche en particulier.
Outre le fait que votre décision, madame la ministre, anticipe sur les conclusions de la concertation ouverte entre l'Etat et les partenaires sociaux, s'agissant du conseil de surveillance spécifique à la branche accidents du travail et maladies professionnelles, il est plus que regrettable que vous ayez écarté les représentants des victimes.
Seuls des représentants des employeurs et des assurés sociaux seront présents.
Le rapporteur de la commission des affaires sociales propose que soient présents des représentants des professionnels et établissements de santé. Nous regrettons vivement qu'il n'ait pas la même démarche concernant les victimes du travail. On ne saurait se contenter d'une promesse, madame Ameline !
Sous le bénéfice de ces observations, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne peuvent que souscrire à l'amendement de suppression proposé par M. Chabroux. Après avoir entendu l'avis à la fois de la commission et du Gouvernement, et sachant que cet amendement a peu de chance d'être adopté, je tiens donc, dès à présent, à vous annoncer que nous voterons contre l'article 38.
M. Alain Gournac. Quelle catastrophe !
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. Je voudrais tout de même confirmer que les associations de victimes siègeront au conseil de surveillance.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je crois que M. Muzeau le sait ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 61.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 31.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article n° 38, modifié.
M. Roland Muzeau. Le groupe CRC vote contre.

(L'article 38 est adopté.)

Articles additionnels après l'article 38