SEANCE DU 20 NOVEMBRE 2002


M. le président. L'amendement n° 160, présenté par M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Avant l'article 43, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après le premier alinéa de l'article L. 351-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Elle garantit également une pension de retraite à taux plein à l'assuré qui en demande la liquidation lorsqu'il justifie de la durée requise d'assurance ou de périodes équivalentes dans le régime général et un ou plusieurs autres régimes obligatoires, avant l'âge déterminé au précédent alinéa. »
« II. - L'ensemble des revenus financiers provenant des titres émis en France est assujetti à une contribution sociale dont le taux est de 14,6 %.
« Sont exonérés de cette contribution sociale les livrets d'épargne populaire, les livrets A, livrets bleus, livrets et comptes d'épargne logement. Les plans épargne populaire courants, avant promulgation de la présente loi, en sont également exonérés pendant cinq ans. Les revenus des biens immobiliers autres que ceux utilisés pour l'usage personnel du propriétaire et de sa famille directe sont assujettis à la même cotisation que les revenus financiers.
« Les ressources des assurances maladie, maternité, invalidité, décès et vieillesse sont abondées par le produit de cette contribution. »
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. La branche vieillesse fait figure de parent pauvre dans ce projet de loi. La question de la retraite est pourtant l'un des principaux sujets d'inquiétude des Français !
Là encore, les réformes à venir servent d'excuse pour ne rien entreprendre, ou presque rien, un premier pas ayant été franchi, sans concertation, en ce qui concerne le congé de fin d'activité.
Les déclarations de François Fillon en charge de ce dossier, faisant fi du dialogue social, préfigurent ce que seront demain les grandes lignes de la politique du Gouvernement dans ce domaine.
Le choix régressif de l'allongement de la durée de cotisation semble être déjà arbitré. Je m'interroge - je ne suis pas la seule, d'ailleurs - sur le sens d'un tel choix au regard de la situation de sous-emploi et de l'éviction du marché du travail des salariés âgés.
Sans remettre en cause la garantie du droit à la retraite à taux plein à soixante ans pour tous, la proposition que nous formulons a pour objet d'ouvrir le droit à retraite pleine et entière avant soixante ans pour tous les salariés ayant cotisé quarante annuités.
Lorsque nous avons défendu une telle mesure, lors de la précédente législature, certains d'entre vous l'avaient jugée juste, cette dernière s'adressant à des hommes et à des femmes - 815 000 actuellement - qui ont travaillé très tôt, dans des conditions très dures.
Vous ne l'avez pourtant pas votée ! J'espère avoir réussi à vous convaincre aujourd'hui de la légimité d'une telle demande.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse. J'indique au préalable que la commission des affaires sociales n'a pas souhaité, dans un premier temps, se prononcer sur le bien-fondé d'un grand nombre d'amendements qui nous seront présentés ce soir, pour la plupart par le groupe CRC, ainsi que le groupe socialiste. En outre, le plus souvent ces amendements sont irrecevables sur le plan financier.
Nous le savons tous - on l'a répété à maintes reprises -, le Premier ministre, mais aussi François Fillon se sont engagés à conduire une grande réforme dans les mois à venir, voire avant l'été.
Ainsi, la commission a souhaité que le système d'assurance vieillesse soit figé en l'état.
Bien évidemment, la commission est défavorable à cet amendement n° 160.
Je comprends votre amertume, madame Demessine, car, l'an dernier, vous aviez présenté un amendement identique et le gouvernement de l'époque n'avait pas su, lui non plus, vous entendre.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. Madame la sénatrice, vous attirez l'attention du Gouvernement sur la situation des personnes de moins de soixante ans qui ont cotisé plus de 160 trimestres.
A l'évidence, nous sommes sensibles à la situation des personnes ayant commencé à travailler tôt. Si nous souhaitons avancer vers des règles plus souples, permettant de mieux prendre en compte la diversité des attentes des Français à l'égard de la retraite, cet amendement paraît pour le moins prématuré dans un contexte où la concertation avec les partenaires sociaux, annoncée par le Premier ministre, n'a pas encore eu lieu.
Néanmoins, je vous apporterai quelques éclairages supplémentaires.
Tout d'abord, cette mesure ne prendrait tout son sens que dans le cadre d'un aménagement parallèle des règles applicables aux retraites complémentaires, en lien avec les partenaires sociaux. En effet, l'importance des abattements aujourd'hui appliqués sur les retraites complémentaires liquidées avant soixante ans empêcherait, en pratique, les personnes intéressées de prendre leur retraite, puisqu'elles verraient ainsi leurs retraites complémentaires réduites. A titre d'exemple, pour 160 trimestres de cotisations, les pensions subiraient un abattement de 57 % pour un départ à cinquante-cinq ans, de 50 % à cinquante-six ans, de 43 % à cinquante-sept ans, etc.
De plus, en l'absence de mesures d'économie en contrepartie, un tel amendement augmenterait évidemment considérablement les charges de la branche vieillesse, même en restreignant la disposition aux personnes âgées de cinquante-huit ans ou de cinquante-neuf ans réunissant la durée d'assurance requise pour l'obtention du taux plein.
Le surcoût annuel à la charge de la collectivité s'élèverait donc, dans ce cas, à environ 4,3 milliards d'euros, auxquels il faudrait sans aucun doute ajouter une perte en cotisations de sécurité sociale estimée à 890 millions d'euros.
La question de l'âge constitue en tout cas un dossier à ouvrir prochainement dans le cadre de la réforme des retraites. Faut-il le rappeler, la France est l'un des pays de l'Union européenne où l'âge de la retraite est déjà le plus bas.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est opposé au présent amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 160. M. le président. L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 159, présenté par M. Fischer, Mme Demessine, M. Muzeau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
« Avant l'article 43, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Il est inséré dans le code de la sécurité sociale un article L. 351-11-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 351-11-1 . - Un arrêté interministériel pris chaque année après avis du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés fixe :
« 1° Le coefficient de majoration applicable aux salaires et aux cotisations servant de base au calcul des pensions ou rentes ;
« 2° Le coefficient de revalorisation applicable aux pensions déjà liquidées.
« Ces coefficients sont fixés conformément à l'évolution moyenne des salaires nets telle que constatée par les organismes d'encaissement des cotisations sociales. »
« II. - Les pertes de recettes résultant du I ci-dessus sont compensées par l'augmentation à due concurrence du taux des contributions sociales mentionnées aux articles L. 136-6 et L. 136-7 du code de la sécurité sociale. »
La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Cet amendement a pour objet d'indexer l'évolution des pensions de retraite sur celle des salaires. Certes, cette proposition est récurrente au sein de notre groupe, mais il me semble opportun, pour les retraités, d'insister de nouveau.
En effet, la revalorisation des pensions de retraite s'effectue aujourd'hui en fonction de l'évolution de l'indice des prix à la consommation. Si cette méthode de revalorisation permet de maintenir partiellement le pouvoir d'achat des ménages, elle n'autorise pas pour autant les retraités à profiter des fruits de la croissance économique. Or il nous paraît légitime, dans un souci de solidarité intergénérationnelle, que les retraités ne soient pas exclus des bénéfices de la croissance économique.
Par ailleurs, nous ne devons pas négliger le fait que les retraités d'aujourd'hui ne sont plus ceux d'hier. Plus actifs, plus dynamiques, ils constituent un enjeu économique particulièrement important. Dès lors, revaloriser leur retraite sur cette base leur permettrait de consommer les richesses créées au même titre que les salariés et, par conséquent, de contribuer à la réalisation de l'objectif d'efficacité économique de la nation.
En bref, l'indexation des pensions de retraite sur les salaires n'est contradictoire ni avec notre souci de justice sociale ni avec l'objectif d'efficacité économique.
Dans cette optique, nous présentons de nouveau cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Comme précédemment, la commission souhaite renvoyer cette proposition à l'examen de la réforme globale des retraites, ce qui permettra de fixer une règle de l'indexation des pensions.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 159.

(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 104, présenté par MM. Hyest, Fauchon, Dériot, Zocchetto, Guené et Sido, est ainsi libellé :
« Avant l'article 43, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article L. 723-10 du code de la sécurité sociale, est inséré un article rédigé comme suit :
« Art. L. ... - La retraite de base des avocats est accordée à partir d'un âge fixé par décret en Conseil d'Etat.
« L'âge à partir duquel la retraite de base des avocats peut être attribuée avec application de coefficients d'anticipation fixés par décret et sous réserve de la cessation de leur activité professionnelle est fixé par décret en conseil d'Etat.
« La retraite de base entière est accordée après quarante années d'exercice de la profession d'avocat.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions dans lesquelles cette retraite de base peut être majorée ».
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Le régime de retraite des avocats présente une anomalie par rapport à celui des autres professions libérales : les avocats doivent avoir exercé la profession quarante ans, service militaire ou temps de captivité compris, et avoir atteint l'âge de soixante-cinq ans, alors que les membres des autres professions libérales peuvent prendre leur retraite après quarante années d'exercice, mais à l'âge de soixante ans.
La profession unanime et sa caisse de retraite souhaitent un aménagement du dispositif législatif actuel pour permettre aux seuls avocats atteignant quarante années d'exercice de bénéficier de leurs droits entre soixante ans et soixante-cinq ans.
De plus, cette modification n'entraîne aucune dépense supplémentaire, la Caisse nationale du barreau français étant une caisse autonome.
Le dispositif lui-même est gagé par l'application des coefficients d'anticipation - soit une minoration des droits - qui neutralisent la charge supplémentaire liée au service des pensions pendant une durée supérieure.
Un décret avait été préparé pour mettre fin à cette anomalie, mais le Conseil d'Etat a objecté qu'il manquait de base législative. On peut donc continuer à tourner en rond ainsi pendant longtemps.
Il n'y a pas de raison que cette profession, très noble profession, au demeurant (Sourires),...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
M. Jean-Jacques Hyest. ... soit lésée. Il faut que ces retraites puissent être payées dans des conditions conformes à celles qui prévalent pour les autres professions libérales. Tel est l'objet de cet amendement.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Excellente plaidoirie !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. C'est une excellente plaidoirie, en effet, que j'ai écoutée avec attention. Cette revendication du régime des avocats semble, à bien des égards, être justifiée. Cependant, votre demande pourra - nous l'espérons tous - trouver une réponse au mois de juin prochain et, en attendant, je vous invite à retirer cet amendement.
M. Roland Muzeau. Eh bien ! Nous aurons du pain sur la planche, en juin !
Mme Nelly Olin. Vous en avez eu un aussi, un mois de juin chargé, il y a quelque temps !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ils n'ont même pas eu le temps de tout finir !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Ameline, ministre déléguée. Je ne méconnais naturellement pas le caractère social de la mesure proposée, qui tend à mettre en oeuvre, pour les avocats, des dispositions comparables à celles qui sont d'ores et déjà en vigueur pour les autres professions libérales.
Cependant, pour le régime de retraite des avocats comme pour tout autre régime de retraite, la question de l'âge ne peut être étudiée indépendamment d'une réflexion d'ensemble sur le devenir de ces régimes.
A cet égard, le Gouvernement envisage de déposer, dès le premier semestre de 2003, un projet de loi portant réforme des régimes de retraite des travailleurs non salariés. Le Gouvernement va engager, dans les prochaines semaines, une concertation avec la Caisse nationale du barreau français sur l'évolution certainement souhaitable du régime de base des avocats.
Cette concertation portera sur l'ensemble des paramètres du régime, modalités de financement, droit de réversion, notamment. Soyez assurés que la question de l'âge de la retraite trouvera sa place dans ce projet de loi.
En conséquence, le Gouvernement vous demande, monsieur le sénateur, de retirer votre amendement.
M. Jean-Jacques Hyest. Je le craignais ! (Sourires.) M. le président. L'amendement n° 104 est-il maintenu, monsieur Hyest ?
M. Jean-Jacques Hyest. Je rappelle qu'il s'agit d'une caisse autonome qui assure son équilibre et qui l'a toujours fait. Certes, madame le ministre, cet amendement n'avait pas vraiment sa place dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais à quel texte le rattacher, sinon ?
Il fut un temps où nous étions saisis de ces projets de loi extraordinaires « portant diverses dispositions d'ordre économique et social » : on y mettait n'importe quoi. On a abandonné cette pratique, mais elle était bien utile, en fait,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous pourrons la reprendre pour régler certains problèmes, mais ce n'est pas l'objet du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
M. Jean-Jacques Hyest. ... et permettait de régler, effectivement, quelques problèmes.
Mme Michelle Demessine. Et de gros problèmes, parfois !
M. Jean-Jacques Hyest. J'accepte, bien sûr, de faire confiance au Gouvernement et je retire l'amendement dans l'attente du projet de loi sur les retraites des non-salariés. Mais je ne perds pas de vue le dossier !
M. le président. L'amendement n° 104 est retiré.

Article 43