SEANCE DU 16 DECEMBRE 2002


M. le président. « Art. 23. - Le code général des impôts est ainsi modifié :
« I. - Après l'article 193 bis , il est inséré un article 193 ter ainsi rédigé :
« Art. 193 ter. - A défaut de dispositions spécifiques, les enfants ou les personnes à charge s'entendent de ceux dont le contribuable assume la charge d'entretien à titre exclusif ou principal, nonobstant le versement ou la perception d'une pension alimentaire pour l'entretien desdits enfants. »
« II. - A. - A l'article 194 :
« 1° Au I :
« a) Au premier alinéa, les mots : "A compter de l'imposition des revenus de 1995" sont supprimés et les mots : "fixé comme suit" sont remplacés par les mots : "déterminé conformément aux dispositions suivantes" ;
« b) L'antépénultième alinéa du I est remplacé par six alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque les époux font l'objet d'une imposition séparée en application du 4 de l'article 6, chacun d'eux est considéré comme un célibataire ayant à sa charge les enfants dont il assume à titre principal l'entretien. Dans cette situation, ainsi qu'en cas de divorce, de rupture du pacte civil de solidarité ou de toute séparation de fait de parents non mariés, l'enfant est considéré, jusqu'à preuve du contraire, comme étant à la charge du parent chez lequel il réside à titre principal.
« En cas de résidence alternée au domicile de chacun des parents, et sauf disposition contraire dans la convention homologuée par le juge, la décision judiciaire ou, le cas échéant, l'accord entre les parents, les enfants mineurs sont réputés à la charge égale de l'un et de l'autre parent. Cette présomption peut être écartée s'il est justifié que l'un d'entre eux assume la charge principale des enfants.
« Lorsque les enfants sont réputés être à la charge égale de chacun des parents, ils ouvrent droit à une majoration de :
« a) 0,25 part pour chacun des deux premiers et 0,5 part à compter du troisième, lorsque par ailleurs le contribuable n'assume la charge exclusive ou principale d'aucun enfant ;
« b) 0,25 part pour le premier et 0,5 part à compter du deuxième, lorsque par ailleurs le contribuable assume la charge exclusive ou principale d'un enfant ;
« c) 0,5 part pour chacun des enfants, lorsque par ailleurs le contribuable assume la charge exclusive ou principale d'au moins deux enfants. »
« 2° Le II est ainsi rédigé :
« II. - Pour l'imposition des contribuables célibataires ou divorcés qui vivent seuls, le nombre de parts prévu au 1 est augmenté de 0,5 lorsqu'ils supportent à titre exclusif ou principal la charge d'au moins un enfant. Lorsqu'ils entretiennent uniquement des enfants dont la charge est réputée également partagée avec l'autre parent, la majoration est de 0,25 pour un seul enfant et de 0,5 si les enfants sont au moins deux. Ces dispositions s'appliquent nonobstant la perception éventuelle d'une pension alimentaire versée en vertu d'une décision de justice pour l'entretien desdits enfants. »
« B. - L'article 195 est ainsi modifié :
« 1° Au 1, après les mots : "n'ayant pas d'enfant à leur charge", sont insérés les mots : "exclusive, principale ou réputée également partagée entre les parents" ;
« 2° Au 2, après les mots : "enfant à charge", sont insérés les mots : "et d'un quart de part pour chaque enfant réputé à charge égale de l'un et l'autre de ses parents" ;
« 3° Au 5, après les mots : "ayant un ou plusieurs enfants à charge", sont insérés les mots : "que celle-ci soit exclusive, principale ou réputée également partagée entre les parents,".
« C. - A l'article 196, après les mots : "à la charge du contribuable", sont insérés les mots : "que celle-ci soit exclusive, principale ou réputée également partagée entre les parents,".
« D. - Le 2 du I de l'article 197 est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa, après les mots : "2 017 euros par demi-part", sont insérés les mots : "ou la moitié de cette somme par quart de part" ;
« 2° Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : "Lorsque les contribuables entretiennent uniquement des enfants dont la charge est réputée également partagée entre l'un et l'autre des parents, la réduction d'impôt correspondant à la demi-part accordée au titre de chacun des deux premiers enfants est limitée à la moitié de cette somme." ;
« 3° Après la première phrase du quatrième alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée : "La réduction d'impôt est égale à la moitié de cette somme lorsque la majoration visée au 2 de l'article 195 est d'un quart de part."
« III. - A. - Le deuxième alinéa du 2° du II de l'article 156 est ainsi rédigé :
« Le contribuable ne peut opérer aucune déduction pour ses descendants mineurs lorsqu'ils sont pris en compte pour la détermination de son quotient familial. »
« B. - L'article 80 septies est complété par une phrase ainsi rédigée : "Les pensions alimentaires versées pour un enfant mineur résidant en alternance chez ses parents et pris en compte pour la détermination du quotient familial de chacun d'eux ne sont pas imposables entre les mains de celui que les reçoit." »
« C. - Le premier alinéa du 1 de l'article 6 est complété par une phrase ainsi rédigée :
"Les revenus perçus par les enfants réputés à charge égale de l'un et l'autre de leurs parents sont, sauf preuve contraire, réputés également partagés entre les parents."
« IV. - A. - La deuxième phrase du premier alinéa de l'article 199 quater D est remplacée par une phrase ainsi rédigée :
"Le montant global des dépenses à retenir pour le calcul de la réduction d'impôt est limité à 2 300 euros par enfant à charge et à la moitié de cette somme lorsque l'enfant est réputé à charge égale de l'un et l'autre de ses parents, sans pouvoir excéder le montant des revenus professionnels nets de frais." ;
« B. - Après le cinquième alinéa de l'article 199 quater F, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les montants mentionnés aux alinéas précédents sont divisés par deux lorsque l'enfant est réputé à charge égale de l'un et l'autre de ses parents. »
« C. - Le quatrième alinéa du a du 1° du I de l'article 199 sexies est complété par deux phrases ainsi rédigées : "Les sommes de 305 euros, 76 euros et 152 euros sont divisées par deux pour les enfants réputés à charge égale de l'un et l'autre des parents. Pour l'application de ces dispositions, les enfants réputés à charges égale de chacun des parents sont décomptés en premier."
« D. - L'article 199 septies est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa du 1°, après les mots : "150 euros par enfant à charge", sont insérés les mots : "et de 75 euros lorsque l'enfant est réputé à charge égale de l'un et l'autre de ses parents" ;
« 2° Dans le troisième alinéa du 2°, après les mots : "230 euros par enfant à charge", sont insérés les mots : "de 115 euros lorsque l'enfant est réputé à charge égale de l'un et de l'autre de ses parents".
« E. - Le premier alinéa du 2 de l'article 200 quater est complété par deux phrases ainsi rédigées :
"Les sommes de 400 euros, 500 euros et 600 euros sont divisées par deux lorsqu'il s'agit d'un enfant réputé à charge égale de l'un et l'autre de ses parents. Pour l'application de ces dispositions, les enfants réputés à charge égale de chacun des parents sont décomptés en premier."
« F. - L'article 200 sexies est ainsi modifié :
« 1° Au A du I, après les mots : "3 253 euros pour chacune des demi-parts suivantes", sont insérés les mots : "et de la moitié de cette somme pour chacun des quarts de part suivants" ;
« 2° Le premier alinéa du B du II est complété par une phrase ainsi rédigée : "Toutefois, la majoration est divisée par deux pour les enfants réputés à charge égale de l'un et l'autre de leurs parents." ;
« 3° Le deuxième alinéa du B du II est complété par une phrase ainsi rédigée : "Lorsque les contribuables entretiennent uniquement des enfants dont la charge est réputée également partagée entre l'un et l'autre des parents, la majoration de 62 euros est divisée par deux et appliquée à chacun des deux premiers enfants."
« V. - L'article 150 B est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La majoration visée à l'alinéa précédent est divisée par deux lorsqu'il s'agit d'un enfant réputé à charge égale de l'un et l'autre de ses parents. Pour l'application de ces dispositions, ces enfants sont décomptés en premier. »
« VI. - L'article 885 V est complété par une phrase ainsi rédigée : "La somme de 150 euros est divisée par deux lorsqu'il s'agit d'un enfant réputé à charge égale de l'un et l'autre de ses parents."
« VII. - A. - L'article 1411 est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa du I du II, après les mots : "est fixé", sont insérés les mots : "pour les personnes à charge à titre exclusif ou principal," ;
« 2° La dernière phrase du 3 du II est complétée par les mots : "à titre exclusif ou principal" ;
« 3° Il est inséré un II ter ainsi rédigé :
« II ter. - 1. Les taux de 10 % et 15 % visés au I du II et leurs majorations de 5 ou 10 points votées par les conseils municipaux, généraux et les organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, la majoration de 10 points visée au 3 du II ainsi que le montant de l'abattement obligatoire pour charges de famille fixé en valeur absolue conformément au 5 du II sont divisés par deux pour les enfants réputés à charge égale de l'un l'autre de leurs parents.
« 2. Lorsque le nombre total de personnes à charge est supérieur à deux, les enfants réputés à charge égale de l'un et l'autre de leurs parents sont décomptés en premier pour le calcul de l'abattement obligatoire pour charges de famille. »
« B. - 1. Le I de l'article 1414 A est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les majorations d'abattements mentionnées aux a, b et c sont divisées par deux pour les quarts de part. »
« 2. Le 2 du II de l'article 1414 A est complété par un alinéa rédigé :
« Les majorations de revenu à retenir au-delà de la première part pour l'octroi du dégrèvement prévu par l'article 1414 C sont divisées par deux pour les quarts de part. »
« C. - Le III de l'article 1417 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les majorations mentionnées aux I et II sont divisées par deux pour les quarts de part. »
« VIII - Les dispositions des I à V s'appliquent pour l'imposition des revenus des années 2003 et suivantes, celles du VI à compter du 1er janvier 2004 et celles du VII à compter des impositions établies au titre de 2004. »
L'amendement n° 2, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :
« I. - Compléter le III de cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« D. - Le second alinéa de l'article 196 B est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque les enfants de la personne rattachée sont réputés être à la charge égale de l'un et l'autre de leurs parents, l'abattement auquel ils ouvrent droit est réduit de moitié. »
« II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter in fine cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« IX. - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la modification des règles de rattachement en cas de garde alternée est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts ».
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'article 23 vise à adapter le code général des impôts aux cas de résidence en alternance d'enfants de parents séparés.
La commission a bien entendu abordé cet article dans un esprit très favorable, monsieur le ministre. Toutefois, elle a considéré qu'un cas particulier de ce sujet complexe n'était pas encore traité : le cas des enfants chargés de famille rattachés au foyer de leur parents.
Le rattachement s'effectue dans ce cas à travers l'application d'un abattement d'assiette par personne fiscalement à la charge du foyer de rattachement, et non à travers la majoration du quotient familial.
Lorsque l'enfant rattaché est divorcé et que ses propres enfants sont en résidence alternée, il convient, nous semble-t-il, par analogie avec la solution retenue en matière de quotient familial, de diviser par deux le montant de l'abattement auquel ouvrent droit les enfants en résidence partagée.
Si nous acceptons de traiter ce cas particulier, monsieur le ministre, nous aurons poussé au bout de sa logique le jugement de Salomon qui a inspiré cet article.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. M. le rapporteur général apporte une réponse aux cas particuliers des contribuables qui rattachent à leur foyer un enfant divorcé ou séparé, chargé de famille, dont les propres enfants résident alternativement au domicile de l'un ou de l'autre de ses parents.
Dans cette situation, il propose que l'avantage fiscal attribué au foyer de rattachement, qui prend en l'occurrence la forme d'un abattement effectué sur le revenu global, soit diminué de moitié. Cette solution, qui m'apparaît tout à fait équitable, s'inscrit dans la logique de la réforme dans la mesure où la charge de l'enfant est également partagée entre chaque foyer de résidence de l'enfant.
Je veux d'ailleurs vous remercier de cette amélioration du texte, monsieur le président.
J'émets donc un avis favorable sur l'amendement n° 2, et je lève le gage.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 2 rectifié.
La parole est à M. Yves Fréville, pour explication de vote.
M. Yves Fréville. Je comprends parfaitement la logique de cet amendement et de l'article 23 du projet de loi de finances rectificative, qui vise à adapter les règles du quotient familial à la garde alternée.
Je voudrais toutefois présenter une observation et poser une question.
Avec de telles dispositions, nous aboutissons à un système d'une effroyable complexité. Le quotient familial, dans sa pureté de cristal, prévoyait une demi-part par enfant. Puis il y a eu, pour des raisons démographiques, une demi-part pour le troisième enfant. On a même accordé une demi-part supplémentaire pour les personnes qui ont élevé seules des enfants, même si ces derniers sont majeurs.
Avec le dispositif qui nous est proposé, le système va devenir tellement compliqué que plus personne n'arrivera à comprendre.
Après cette remarque, je souhaite poser une question à M. le ministre.
Monsieur le ministre, aux termes de l'excellent rapport de la commission des finances, il semble que ces dispositions soient de nature conventionnelle et non pas d'ordre public : « Il ne s'agit là que d'une règle de principe pouvant être écartée par le juge ou, d'un commun accord, par les parents. »
Ne risque-t-on pas, dès lors, d'instaurer un système selon lequel, par souci d'optimisation fiscale, on accordera la garde alternée à untel avec telle ou telle part, de manière à majorer le quotient familial ?
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, je souhaiterais donc savoir si les règles que nous adoptons ici sont bien des règles d'ordre public.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Monsieur Fréville, sur un sujet comme celui-là, je n'éprouve aucune honte à indiquer, au nom du Gouvernement, que nous réfléchirons et que nous vous donnerons une réponse appropriée.
Le droit devient effectivement le reflet de nos sociétés, c'est-à-dire qu'il est de plus en plus complexe. Pour sa part, le Gouvernement cherche à ne pas esquiver la réalité de la vie en société et à aller jusqu'au bout de l'équité dans les dispositifs qui sont adoptés.
Cela étant, le risque d'optimisation fiscale que vous avez indiqué tout à l'heure me paraît faible, car je pense, en tout cas je l'espère, que de nombreux parents sont plus attachés à l'équilibre et au bonheur de leurs enfants qu'à une adaptation de leur situation fiscale qui se ferait au dépens de la vie de leurs propres enfants. Dans ce domaine, nous devons nous en remettre à cet espoir !
A défaut, vous pouvez compter sur la vigilance de nos administrations pour qu'il soit mis bon ordre à tout excès qui pourrait survenir.
M. Jean Chérioux. Abus de droit !
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Cette disposition - c'est le moins que l'on puisse dire ! - nécessitera sans doute une circulaire d'explication pour que l'on sache exactement ce qu'a voulu la commission des finances.
Si, comme l'a indiqué M. Fréville, on devait aboutir à une optimisation fiscale, ce serait regrettable parce que la mesure n'est pas faite pour cela.
Au fond, il n'y a rien de nouveau sous le soleil, la fiscalité sur la famille a toujours donné lieu à des bizarreries absolument insondables !
Je me souviens d'ailleurs, alors jeune secrétaire de groupe à l'Assemblée nationale, avoir entendu, lors d'un débat portant sur la possibilité de réduire les frais d'un conseil fiscal, mais pas les frais de garde des enfants - aujourd'hui, ces derniers sont déductibles -, un député que Jacques Chaumont a bien connu, Jacques Marette, dire : « Je propose que l'on fasse garder les enfants par des conseillers fiscaux ! » (Sourires.)
M. Jean Chérioux. Il avait beaucoup d'humour !
M. Michel Charasse. Ce débat avait donc donné lieu à une profonde réflexion !
Je crois, monsieur le ministre, que nous nous sommes engagés sur la même voie et qu'une circulaire explicative serait sûrement la bienvenue.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission. Personne ne contestera la complexité du dispositif et je ne suis pas sûr que la circulaire administrative règle tous les problèmes.
En tout cas, avec un dispositif d'une telle complexité, l'idée d'instaurer un prélèvement obligatoire me semble devoir être reportée à des échéances encore plus lointaines. Dans ces conditions, ceux d'entre nous qui militent pour une réforme tendant à instituer le prélèvement libératoire vont devoir attendre pour voir la concrétisation de leur projet. La mesure que nous allons voter est un supplément à la complexité. Elle conforte le caractère familial du barème de calcul de l'impôt sur le revenu qui, je le rappelle, est celui du foyer fiscal.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié.

(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 23, modifié.

(L'article 23 est adopté.)

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