Question préalable

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi organique relatif aux juges de proximité
Avant l'article 1er

M. le président. Je suis saisi par MM. Dreyfus-Schmidt, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, d'une motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.

Cette motion est ainsi rédigée :

« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi organique, modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux juges de proximité (n° 103 rect., 2002-2003). »

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la motion.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, je défendrai succinctement cette motion tendant à opposer la question préalable, puisque M. Dreyfus-Schmidt et moi-même en avons déjà exposé l'objet tout à l'heure, au cours de la discussion générale.

La motion vise à vous proposer de considérer qu'il n'y a pas lieu de délibérer, non pas parce que le sujet manque d'intérêt, mais pour une simple question de logique.

M. le ministre a rappelé tout l'intérêt qu'il portait au concept d'expérimentation, et M. le rapporteur a également été très éloquent sur ce thème. L'expérimentation est véritablement une idée-force. Le Gouvernement l'a développée, et un large accord se fait sur cette notion ; tout dépend, bien entendu, de la façon dont elle est mise en oeuvre.

S'agissant de l'innovation que représentent les juges de proximité, le débat a montré ce soir qu'elle ne recueillait pas l'unanimité, et les très nombreuses réactions émanant des organisations syndicales, mais aussi des associations professionnelles de magistrat, ont permis de constater que de très sérieuses questions se posaient.

Nous-mêmes avons mis l'accent sur l'incohérence qu'il y avait à constituer un nouvel ordre de juridiction autonome pour ensuite rapprocher son organisation de celle des tribunaux de grande instance. Tout cela n'est pas très clair.

Il nous semblerait plus sage d'expérimenter cette nouvelle formule dans un certain nombre de ressorts que vous pourriez définir, monsieur le garde des sceaux, afin de pouvoir l'évaluer concrètement, de mesurer l'intérêt qu'il y aurait à poursuivre dans cette voie ou de décider qu'il est tout simplement préférable de renforcer les moyens affectés aux tribunaux d'instance, notamment en personnel. Ce serait là oeuvrer en bonne intelligence, en tenant compte des observations qui auraient été faites sur le sujet tout en conservant ce que cette innovation présenterait d'intéressant.

Puisque, dans quelques jours, dans quelques semaines, le principe de l'expérimentation sera inscrit dans la Constitution, il est clair que, si l'on souhaite l'appliquer aux juges de proximité, la bonne solution serait d'adopter un amendement visant à créer cette nouvelle institution, dans un premier temps à titre expérimental, et dans des conditions qui restent à définir. Il me semble, mes chers collègues, que vous pourriez être d'accord avec cette proposition, qui me paraît parfaitement logique.

Il est intéressant d'expérimenter, et nous disposerons prochainement du moyen sûr en droit de le faire, lorsque la Constitution aura été modifiée. La sagesse consisterait donc à ne pas se précipiter. Au demeurant, à quoi bon se précipiter ? Nous n'en sommes pas à quelques semaines près ! Nous pourrons reprendre la discussion après la réunion du Congrès à Versailles, car nous serons alors en mesure de mettre en oeuvre cette expérimentation dans des conditions juridiquement sûres et reconnues.

Tel est l'objet de la motion que j'ai l'honneur de vous présenter, mes chers collègues.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Fauchon, rapporteur. L'avis de la commission ne peut qu'être défavorable, pour des raisons qui se dégagent suffisamment des explications qui ont été données au cours de la discussion générale.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est évidemment défavorable à cette motion.

Le Gouvernement a proposé l'institution des juges de proximité l'été dernier ; le Parlement s'est prononcé, et la loi d'orientation et de programmation pour la justice a été promulguée le 9 septembre. Dans cette loi, la juridiction était créée, les compétences définies, et le statut, conformément à l'avis que le Conseil d'Etat avait donné au Gouvernement au mois de juin, renvoyé à une loi organique. Celle-ci a été débattue au Sénat et à l'Assemblée nationale ; elle vous revient aujourd'hui pour une deuxième lecture.

Il est temps maintenant de passer aux actes et de mettre cette juridiction en place, de recruter les juges de proximité et, ainsi, de répondre à l'attente que nos concitoyens ont très clairement exprimée il y a quelques mois.

M. Jean Bizet. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable, repoussée par la commission et par le Gouvernement.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi organique.

(La motion n'est pas adoptée.)

M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi organique relatif aux juges de proximité
Art. 1er

Articles additionnels avant l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par MM. Dreyfus-Schmidt, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

« L'examen de ce projet de loi organique est suspendu jusqu'à l'adoption définitive du projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République permettant d'expérimenter le juge de proximité par exemple dans dix départements pendant une durée limitée. »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je souhaiterais, monsieur le président, que le Sénat examine d'abord l'amendement n° 3.

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par MM. Dreyfus-Schmidt, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

« Les dispositions de la présente loi sont appliquées à titre expérimental pour une durée de trois ans dans dix départements déterminés par le ministère de la justice.

« Six mois avant le terme de ce délai, un bilan sera établi afin d'évaluer l'efficacité de cette nouvelle juridiction et d'envisager sa généralisation à l'ensemble du territoire ou son abandon. »

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Au cours de la discussion générale, j'ai évoqué tant la question préalable que les amendements n°s 2 et 3.

Cependant, je répondrai tout d'abord à M. le garde des sceaux que le texte relatif à la décentralisation n'avait pas encore été adopté lorsque nous avons examiné en première lecture le projet de loi organique qui nous occupe ce soir, et qu'il n'était pas prévu que le Congrès se réunirait au mois de février, nous assurant ainsi la possibilité de procéder à l'expérimentation à laquelle tend aujourd'hui l'amendement n° 3. La question est donc nouvelle de savoir s'il y a lieu d'expérimenter ou non.

Le rapporteur, qui vient de rappeler son opposition à notre amendement, a bien voulu indiquer à la commission qu'une expérimentation aurait été une bonne chose. C'est là une contradiction assez curieuse de sa part !

Par l'amendement n° 3, nous posons la question de savoir s'il ne serait pas d'ores et déjà possible de prévoir une expérimentation, sans même attendre l'adoption définitive du projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République, et je citerai un extrait de la décision du Conseil constitutionnel du 28 juillet 1993, à laquelle nous avons fait allusion tout à l'heure, qui portait sur les universités :

« Considérant qu'il est même loisible au législateur de prévoir la possibilité d'expériences comportant des dérogations aux règles ci-dessus définies de nature à lui permettre d'adopter par la suite, au vu des résultats de celles-ci, des règles nouvelles appropriées à l'évolution des missions de la catégorie d'établissements en cause ; que toutefois il lui incombe alors de définir précisément la nature et la portée de ces expérimentations, les cas dans lesquels celles-ci peuvent être entreprises, les conditions et les procédures selon lesquelles elles doivent faire l'objet d'une évaluation conduisant à leur maintien, à leur modification, à leur généralisation ou à leur abandon ; ».

Il conviendrait donc de se poser d'abord la question de savoir s'il ne serait pas raisonnable d'expérimenter cette juridiction nouvelle - juridiction à juge unique, juridiction à part entière -, qui présente actuellement des caractéristiques quelque peu curieuses puisqu'on ne connaît encore ni son siège ni son ressort, comme j'ai déjà eu l'occasion de le souligner.

Nous pouvons le faire tout de suite, et c'est l'objet de l'amendement n° 3, ou bien - et vous me permettrez, monsieur le président, d'exposer dès maintenant l'amendement suivant -...

M. René Garrec, président de la commission des lois. Cela nous fera gagner du temps !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous pouvons adopter l'amendement n° 2, qui tend à introduire la disposition suivante : « L'examen de ce projet de loi organique est suspendu jusqu'à l'adoption définitive du projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République permettant d'expérimenter le juge de proximité par exemple dans dix départements pendant une durée limitée. »

N'est-ce pas là la solution de sagesse, si vous estimez, mes chers collègues, qu'il n'est pas possible de décréter d'ores et déjà l'expérimentation sur la base de la décision du Conseil constitutionnel de 1993 ?

Vous pouvez constater qu'il y a une gradation entre les deux amendements, et c'est pourquoi, monsieur le président, je vous ai demandé la permission - que vous m'avez accordée, ce dont je vous remercie - d'exposer l'amendement n° 3 avant l'amendement n° 2.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Fauchon, rapporteur. La commission ne peut qu'être défavorable à ces deux amendements.

En vérité, notre objectif, aujourd'hui, est la mise en application d'une loi adoptée définitivement au mois de juillet dernier. Or ces amendements, qui ne sont que des manoeuvres de retardement, chacun le voit bien, auraient mieux trouvé leur place dans cette loi d'orientation et de programmation pour la justice.

M. Jean Bizet. Tout à fait !

M. Pierre Fauchon, rapporteur. Cette loi est votée depuis maintenant six mois, et il est urgent de la mettre en oeuvre. C'est ce que nous souhaitons, et c'est pourquoi nous sommes tout à fait défavorables à ces deux amendements.

S'il est vrai que j'ai parlé d'expérimentation, je me suis aussi expliqué avec précision sur ce à quoi je pensais, et ceux qui ont bien voulu m'écouter - notre collègue M. Michel Dreyfus-Schmidt n'en faisait pas partie, ce que je ne saurais lui reprocher, mais, dès lors, il ne devrait pas me citer - ont compris que je la souhaitais évidemment en aval, après le vote de la loi.

Par conséquent, c'est en parfaite cohérence avec moi-même, à titre personnel, et avec les décisions de la commission que je confirme l'avis défavorable de celle-ci sur les amendements n°s 3 et 2.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

M. Robert Bret. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

M. Robert Bret. Le groupe CRC s'abstient.

(L'amendement n'est pas adopté).

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par MM. Dreyfus-Schmidt, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

« L'article L. 710-1 du code de l'organisation judiciaire est ainsi modifié :

« I. - Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : "Le juge de proximité fixe par ordonnance les dates de ses audiences" ;

« II. - Au début du second alinéa, les mots : "Cette ordonnance" sont remplacés par les mots : "Ces ordonnances". »

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement a pour objet de retrouver une certaine cohérence. Nous avons, en effet, mis l'accent sur la grande contradiction, à laquelle le Conseil constitutionnel sera probablement sensible, qui existe entre les termes de la loi d'orientation, selon laquelle la juridiction de proximité est une juridiction autonome, et ceux de l'article 41-17-1, qui prévoit les modalités de son organisation.

Dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, l'article 41-17-1 prévoit en effet que « le magistrat du siège du tribunal de grande instance chargé de l'administration du tribunal d'instance organise l'activité et les services de la juridiction de proximité ».

Je relève, d'abord, qu'il n'y a pas de services, ensuite, que si la juridiction est autonome, il va de soi qu'elle s'administre et s'organise elle-même !

La remarque vaut naturellement pour le deuxième alinéa de l'article 41-7-1, alinéa qui, lui aussi, est totalement contradictoire avec le principe de l'autonomie du nouvel ordre de juridiction, les ordonnances visées étant, en tout état de cause et sans exception, prises par les présidents des juridictions autonomes. Je rappelle, si nécessaire, que les juges d'instance sont membres du tribunal de grande instance.

Je tiens enfin à préciser que l'article 7 de la loi du 9 septembre 2002 laisse à un décret le soin de déterminer le siège et le ressort des juges de proximité, et je vois là une nouvelle contradiction.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si nous voulons retrouver la cohérence, il faut revenir à une très grande simplicité : dans la mesure où il s'agit d'une juridiction autonome, l'article L. 710-1 du code de l'organisation judiciaire doit prévoir que « le juge de proximité fixe par ordonnance les dates de ses audiences » et qu'il s'organise lui-même.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Fauchon, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.

Il ne nous paraît pas opportun de supprimer le juge d'instance dans l'organisation de la juridiction de proximité. Que ces dernières y soient rattachées constitue une importante avancée et correspond tout à fait à l'idée que nous nous faisons de leur bon fonctionnement.

Nous n'acceptons donc pas d'emprunter une voie qui va dans un sens différent et d'ailleurs opposé à celui qu'adoptent en général les auteurs de l'amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le rapporteur, si nous voulions faire, comme vous avez l'outrecuidance de l'affirmer,...

M. René Garrec, président de la commission des lois. Ce n'est pas très élégant !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... de l'obstruction, nous ne nous serions pas contentés de déposer dix amendements et une seule motion de procédure. Vous aurez d'ailleurs constaté que nous n'avons pas utilisé les quinze minutes que nous accordait le règlement. Vos propos sont donc non seulement inexacts mais blessants !

Nous souhaiterions en revanche que vous nous répondiez sur le fond.

La juridiction créée par la loi d'orientation et de programmation pour la justice n'est pas seulement une nouvelle juridiction, c'est un nouvel ordre de juridiction aux termes de l'article 34 de la Constitution.

Vous vous êtes inspiré de l'article 710-1 du code de l'organisation judiciaire, selon lequel chaque chef de juridiction autonome prend les décisions relatives à l'organisation de ses différents services. Or, en l'espèce, il n'y a pas plusieurs services et il n'y a donc pas de répartition entre différents services à prévoir puisqu'il n'y a qu'un seul juge de proximité par juridiction.

M. René Garrec, président de la commission des lois. On n'en sait rien !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. La seule chose que celui-ci ait à faire est de prévoir les dates de ses audiences, puisqu'il exerce à temps partiel. Pour le reste, il accomplit sa mission dans le cadre des compétences qui lui sont reconnues par la loi d'ores et déjà votée. Point à la ligne !

Il faudrait que vous nous expliquiez pourquoi vous voulez maintenant rattacher le juge de proximité au tribunal d'instance, contrairement à ce que vous avez prévu dans la loi d'orientation et de programmation pour la justice. Si vous aviez décidé de faire des juges de proximité des juges temporaires à la disposition du tribunal d'instance, votre logique ne serait pas mise à mal, mais ce n'est pas ce que vous avez décidé !

Par voie de conséquence, cet article n'est pas acceptable et nous vous demandons de voter l'amendement n° 4.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je veux simplement dire à M. Dreyfus-Schmidt que l'autonomie d'une juridiction se traduit par l'indépendance dans son activité juridictionnelle mais ne concerne en rien son organisation administrative, laquelle peut, en l'occurrence, très bien être assurée par le juge d'instance.

M. René Garrec, président de la commission des lois. Excellente réponse !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le Conseil constitutionnel le dira !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

M. Robert Bret. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Avant l'article 1er
Dossier législatif : projet de loi organique relatif aux juges de proximité
Art. n° 41-22 et 41-23 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958

Article 1er

M. le président. « Art. 1er. - Après le chapitre V quater de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, il est inséré un chapitre V quinquies ainsi rédigé :

« Chapitre V quinquies

« Des juges de proximité

« Art. 41-17. - Peuvent être nommés juges de proximité, pour exercer une part limitée des fonctions des magistrats des juridications judiciaires de première instance, s'ils remplissent les conditions prévues aux 2° à 5° de l'article 16 :

« 1° Les anciens magistrats de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif ;

« 2° Les personnes, âgées de trente-cinq ans au moins, que leur compétence et leur expérience qualifient pour excercer ces fontions. Ces personnes doivent soit remplir les conditions fixées au 1° de l'article 16, soit être membres ou anciens membres des professions libérales juridiques et judiciaires soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé. Elles doivent, en outre, justifier de quatre années au moins d'exercice professionnel dans le domaine juridique ;

« 3° Les personnes justifiant de vingt-cinq années au moins d'activité dans des fonctions impliquant des responsabilités de direction ou d'encadrement dans le domaine juridique, administratif, économique ou social les qualifiant pour l'exercice des fonctions judiciaires ;

« 4° Les anciens fonctionnaires des services judiciaires des catégories A et B, que leur expérience qualifie pour l'exercice des fonctions judiciaires ;

« 5° Les conciliateurs de justice ayant exercé leurs fonctions pendant au moins cinq ans ;

« 6° Supprimé.

« Art. 41-17-1. - Le magistrat du siège du tribunal de grande instance chargé de l'administration du tribunal d'instance organise l'activité et les services de la juridiction de proximité.

« Il fixe par une ordonnance annuelle la répartition des juges de proximité dans les différents services de la juridiction.

« Cette ordonnance est prise en la forme prévue par le code de l'organisation judiciaire.

« Art. 41-18. - Les juges de proximité sont nommés pour une durée de sept ans non renouvelable, dans les formes prévues pour les magistrats du siège.

« L'article 27-1 ne leur est pas applicable.

« Avant de rendre son avis, la formation compétente du Conseil Supérieur de la magistrature peut décider de soumettre l'intéressé à une formation probatoire organisée par l'Ecole nationale de la magistrature et comportant un stage en juridiction effectué selon les modalités prévues à l'article 19. Le deuxième alinéa de l'article 25-3 est applicable aux stagiaires.

« Le directeur de l'Ecole nationale de la magistrature établit, sous forme d'un rapport, le bilan du stage probatoire du candidat, qu'il adresse à la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature et au garde des sceaux, ministre de la justice.

« Préalablement à leur entrée en fonction, les juges de proximité prêtent serment dans les conditions prévues à l'article 6.

« Les juges de proximité n'ayant pas été soumis à la formation probatoire prévue dans le troisième alinéa suivent une formation organisée par l'Ecole nationale de la magistrature et comportant un stage en juridiction effectué selon les modalités prévues à l'article 19.

« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions de dépôt et d'instruction des dossiers de candidature, les modalités d'organisation et la durée de la formation, ainsi que les conditions dans lesquelles sont assurées l'indemnisation et la protection sociale des stagiaires mentionnés au présent article.

« Art. 41-19 et 41-20. - Non modifiés.

« Art. 41-21. - Par dérogation au premier alinéa de l'article 8, les juges de proximité peuvent exercer une activité professionnelle concomitamment à leurs fonctions judiciaires, sous réserve que cette activité ne soit pas de nature à porter atteinte à la dignité de la fonction et à son indépendance. Les membres des professions libérales juridiques et judiciaires soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et leurs salariés ne peuvent exercer des fonctions de juge de proximité dans le ressort du tribunal de grande instance où ils ont leur domicile professionnel ; ils ne peuvent effectuer aucun acte de leur profession dans le ressort de la juridiction de proximité à laquelle ils sont affectés.

« Sans préjudice de l'application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 8, les juges de proximité ne peuvent exercer concomitamment aucune activité d'agent public, à l'exception de celle de professeur et de maître de conférences des universités.

« En cas de changement d'activité professionnelle, les juges de proximité en informent le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle ils sont affectés, qui leur fait connaître. le cas échéant, que leur nouvelle activité n'est pas compatible avec l'exercice de leurs fonctions juridiciaires.

« Les juges de proximité ne peuvent connaître de litiges présentant un lien avec leur activité professionnelle ou lorsqu'ils entretiennent ou ont entretenu des relations professionnelles avec l'une des parties. Dans ces cas, le président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel ils sont affectés décide, à leur demande ou à celle de l'une des parties, que l'affaire sera soumise à un autre juge de proximité du même ressort. Cette décision de renvoi est insusceptible de recours.

« Les juges de proximité ne peuvent mentionner cette qualité ni en faire état dans les documents relatifs à l'exercice de leur activité professionnelle, tant pendant la durée de leurs fonctions que postérieurement.

« Art. 41-22. - Le pouvoir d'avertissement et le pouvoir disciplinaire à l'égard des juges de proximité sont exercés dans les conditions définies au chapitre VII. Indépendamment de l'avertissement prévu à l'article 44 et de la sanction prévue au 1° de l'article 45, peut seule être prononcée, à titre de sanction disciplinaire, la fin des fonctions.

« Art. 41-23. - Les juges de proximité ne peuvent demeurer en fonction au-delà de l'âge de soixante-quinze ans.

« Il ne peut être mis fin à leurs fonctions qu'à leur demande ou au cas où aurait été prononcée à leur encontre la sanction de la fin des fonctions prévue à l'article 41-22.

« Durant un an à compter de la cessation de leurs fonctions judiciaires, les juges de proximité sont tenus de s'abstenir de toute prise de position publique en relation avec ces fonctions. »

La parole est à M. Alain Fouché, sur l'article.

M. Alain Fouché. L'article 1er appelle de ma part deux remarques, qui ne m'empêcheront cependant pas de le voter « conforme ».

La création d'une véritable juridiction de proximité répond à une très forte attente de nos concitoyens. Cependant, l'application du droit, même pour des affaires de faible importance, lesquelles revêtent avant tout une forte dimension psychologique, nécessite des connaissances et des qualifications minimales, indispensables pour assurer l'objectivité de la décision.

Outre son expérience, le juge de proximité devra ainsi être titulaire d'un diplôme ou avoir des compétences juridiques reconnues.

La prudence me conduit toutefois à penser qu'il aurait peut-être été préférable de limiter la durée du mandat de ces juges à cinq ans au lieu de sept.

A contrario, si le juge de proximité faisait montre, au cours de ces cinq années, de ses capacités à juger, son mandat devrait pouvoir être renouvelé une fois. L'expérience que le juge aurait acquise serait alors très précieuse pour l'institution judiciaire de proximité.

Ma deuxième remarque concerne la limite d'âge, qui est fixée à soixante-quinze ans, ou plus exactement, plutôt que l'âge proprement dit, les notions d'actif et de non-actif. D'ailleurs, plus qu'une remarque, c'est un souhait.

Je souhaite en effet que, dans la pratique des recrutements, si cela apparaît possible, plutôt que des avocats, des magistrats, des huissiers ou des notaires en retraite, soient choisis de préférence des juristes en activité.

Monsieur le ministre, en France, certains jeunes avocats peinent à gagner leur vie convenablement du fait d'une importante concurrence. Le mandat de juge de proximité pourrait leur apporter un complément financier appréciable, sous réserve, bien sûr, qu'ils aient les compétences nécessaires pour l'exercer.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, sur l'article.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je remercie très vivement notre collègue Alain Fouché, car ses propos reflètent ce qui s'est passé en commission : de nombreux membres de la majorité ont fait des observations qui auraient dû se traduire par des amendements soumis à l'appréciation du Sénat tout entier. Après quoi le Gouvernement aurait pu demander la réunion d'une commission mixte paritaire et un accord aurait pu être trouvé, avec nos collègues de l'Assemblée nationale, sur tel ou tel point.

M. Fouché le sait lui-même, il est illogique d'annoncer que l'on votera « conforme » tout en disant qu'il aurait mieux valu faire autrement. Il y a évidemment là une contradiction. Si je remercie M. Fouché, c'est parce que ses propos démontrent de façon éclatante que la méthode adoptée, qui consiste à décider a priori de voter conforme et donc à refuser tout amendement, toute suggestion, toute observation, est très mauvaise. J'estime pour ma part que le Sénat se déconsidère en employant cette méthode.

M. René Garrec, président de la commission des lois. C'est faux !

M. le président. Sur l'article 1er, je suis saisi d'un certain nombre d'amendements.

 
 
 

ARTICLE 41-17 DE L'ORDONNANCE N{o 58-1270

du 22 DÉCEMBRE 1958

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par MM. Dreyfus-Schmidt, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé par l'article 1er pour l'article 41-17 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, après les mots : "juges de proximité," remplacer les mots : "pour exercer une part limitée des fonctions des magistrats des juridictions de première instance" par les mots : "pour exercer les fonctions qui leur sont dévolues par la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice". »

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. La commission des lois du Sénat ayant, comme nous-mêmes, déposé en première lecture un amendement identique à cet amendement n° 5, on peut en définitive considérer que M. Fauchon en est l'auteur. (Sourires.)

Selon les termes de la décision du Conseil constitutionnel sur la loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice, les juges de proximité sont nommés pour exercer « une part limitée des fonctions des magistrats des juridictions judiciaires de première instance ».

Dès lors que les fonctions de juge de proximité ont été définies par la loi du 9 septembre 2002, il est apparu plus logique à la commission, à M. Fauchon et à nous-mêmes, d'y faire simplement référence.

La commission, quant à elle, avait proposé de supprimer purement et simplement cette adjonction au motif, et je cite M. Pierre Fauchon, « que la formulation retenue est peu élégante et peut-être superflue et que les choses sont suffisamment claires pour que les membres du nouvel ordre de juridiction n'aient pas le sentiment de devenir des magistrats au sens plein du terme ».

Satisfait par cette argumentation, notre groupe avait retiré son amendement et celui de M. le rapporteur avait été adopté. Mais l'Assemblée nationale a fait le choix inverse.

Je sais que nous sommes en plein culte du vote conforme - ce qui signifie, finalement, que nous nous refusons à faire le travail qui est le nôtre, à aller jusqu'au bout du débat et à permettre la réunion, pourtant toujours très utile et bénéfique, d'une commission mixte paritaire - mais je suis persuadé que M. Fauchon estime toujours que la formulation retenue est peu élégante, superflue et qu'elle pourrait donc être améliorée.

Il plaide néanmoins désormais pour que nous adoptions cette formulation qu'avec sa sagesse coutumière il contestait !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je suis heureux d'avoir donné à mon collègue et ami Jean-Pierre Sueur l'occasion de se moquer, gentiment, je dois le dire, de moi...

M. Jean-Pierre Sueur. Je ne me moque pas, je dis la vérité !

M. Pierre Fauchon, rapporteur. ... et de dénoncer ma capacité à évoluer dans mes réflexions ! (Sourires.)

Je n'ai pas honte d'être un de ceux qui, après avoir pensé, à un moment, qu'il valait mieux que les choses soient dites d'une certaine façon, pensent maintenant qu'il vaut mieux les dire d'une autre façon, qui n'est d'ailleurs pas fondamentalement différente.

Vous avez rappelé, monsieur Sueur, les termes que j'avais employés : je n'avais pas dénoncé la rédaction du Gouvernement comme absolument inacceptable ; j'avais dit qu'elle ne me paraissait pas très heureuse, qu'elle avait un côté déplaisant pour les personnes visées.

M. Jean-Pierre Sueur. Déplaisant, voilà !

M. Pierre Fauchon, rapporteur. Monsieur Sueur, si votre intervention n'est pas terminée, continuez, je vous en prie ! Vous me préviendrez quand vous aurez fini !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais que vous arrive-t-il ?

M. le président. Monsieur Sueur, laissez M. le rapporteur s'exprimer, s'il vous plaît. Lui seul a la parole.

M. Pierre Fauchon, rapporteur. La rédaction proposée par le Gouvernement ne m'avait donc pas paru très élégante ni très agréable pour les gens que l'on cherchait à mobiliser. Mais ma réflexion a évolué et l'on m'a fait observer qu'il ne s'agit tout de même pas de placer les magistrats en question sur le même pied que les magistrats professionnels, qu'il était bon, ne serait-ce que dans un souci de constitutionnalité, que le texte fasse apparaître qu'ils ne sont pas, comme ces derniers, des magistrats de pleine vocation. Il s'agit d'une catégorie particulière de magistrats remplissant des missions particulières, d'où l'utilité de la formulation retenue par le Gouvernement, que je persiste à trouver peu encourageante pour les candidats mais qui a paru plus prudente à la commission d'un point de vue constitutionnel.

C'est la raison pour laquelle, réflexion faite, nous l'avons approuvée. La navette sert précisément à faire évoluer les positions et il n'y a aucune honte à reconnaître que l'on a changé.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Il n'y a pas lieu de faire dans la loi organique, qui porte sur le seul statut des magistrats visés, un renvoi aux dispositions de la loi ordinaire, en particulier à la définition des compétences inscrite dans celle-ci. D'une part, cela instaurerait une hiérarchie des normes qui n'est pas satisfaisante ; d'autre part, cela instaurerait une rigidité qui n'a pas lieu d'être puisque, si demain le Parlement décidait de faire évoluer quelque peu les compétences de la juridiction en question, il faudrait modifier la loi organique.

Pour ces deux raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous avons été ébranlés par la réponse de M. le garde des sceaux, qui est bien meilleure que celle de M. le rapporteur.

M. Jean Bizet. Quelle élégance !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

Mme Nicole Borvo. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 6, présenté par MM. Dreyfus-Schmidt, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Supprimer le quatrième alinéa (3°) du texte proposé par cet article pour l'article 41-17 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958. »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je tiens à rappeler qu'il nous a été dit non pas qu'il fallait aider les juges d'instance, mais qu'il s'agissait d'instaurer une juridiction de proximité devant traiter un contentieux pour lequel nos concitoyens renoncent actuellement à s'adresser aux tribunaux, parce qu'ils jugent la démarche trop complexe et trop longue. Si cela était vrai, cela signifierait que l'on voudrait encore augmenter le nombre des affaires soumises aux tribunaux.

Cela étant, que l'on ne nous dise pas qu'il s'agit de petites affaires ! En effet, la loi simple dispose, je le rappelle, que, en matière civile, la juridiction de proximité connaît en dernier ressort des actions personnelles mobilières dont elle est saisie par une personne physique pour les besoins de sa vie non professionnelle jusqu'à la valeur de 1 500 euros - ce n'est pas beaucoup ! - ou d'une valeur indéterminée, mais qui ont pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 1 500 euros. L'affaire peut donc être très importante !

Dès lors, qui peut juger ce genre d'affaires ? Relisons les termes de l'article VI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, rappelé par le Conseil constitutionnel dans sa décision selon laquelle une loi organique est nécessaire :

« La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont le droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. »

Or, l'article 1er du projet de loi organique prévoit que peuvent être nommés juges de proximité, premièrement, les anciens magistrats de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif soit, encore que j'émette une réserve quant aux magistrats de l'ordre administratif, qui ne s'y connaissent pas particulièrement en matière de droit civil et de droit pénal.

M. René Garrec, président de la commission des lois. Il n'y a que les avocats qui sachent tout !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Deuxièmement, peuvent être nommées les personnes, âgées de trente-cinq ans au moins, que leur compétence et leur expérience qualifient pour exercer ces fonctions. Ces personnes doivent soit remplir les conditions fixées au 1° de l'article 16, soit être membres ou anciens membres des professions libérales, juridiques et judiciaires soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé.

Elles doivent, en outre, justifier de quatre années au moins d'exercice professionnel dans le domaine juridique ». Le cas de ces personnes, qui disposent d'une grande expérience et de compétences poussées, ne pose aucun problème : elles ont évidemment la capacité d'être magistrats à temps partiel, et même, sans doute, au-delà.

Mais, troisièmement, peuvent être nommées juges de proximité « les personnes justifiant de vingt-cinq années au moins d'activité dans des fonctions impliquant des responsabilités de direction ou d'encadrement dans le domaine juridique - quel qu'il soit -, administratif - quel qu'il soit -, économique - quel qu'il soit - ou social les qualifiant pour l'exercice des fonctions judiciaires. Il est évident que de telles personnes ne sont pas qualifiées pour remplir des fonctions de magistrat omnicompétent en matière de droit civil et de droit pénal !

Je me permets d'insister sur ce point : il est assez ridicule de placer sur le même plan premièrement d'anciens magistrats, deuxièmement des gens très compétents et expérimentés dans le domaine juridique et, troisièmement, n'importe qui !

M. Hilaire Flandre. Allons, allons !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Telle est très exactement la teneur du troisième alinéa de la rédaction proposée pour l'article 41-17 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 !

M. Hilaire Flandre. Nous sommes n'importe qui !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il suffit que les intéressés aient exercé des fonctions de direction ou d'encadrement ! En revanche, un syndicaliste qui aurait l'habitude de plaider devant les prud'hommes ne peut prétendre exercer la fonction de juge de proximité : il n'est pas dirigeant, il n'est pas cadre !

M. Jean-Jacques Hyest. Il peut être un dirigeant syndical !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il ne s'agit pas forcément d'un dirigeant syndical ! Du reste, le fait d'avoir exercé des responsabilités de direction ou d'encadrement dans le domaine économique ou social qualifie-t-il pour rendre la justice ? N'est-il pas nécessaire d'avoir suivi des années d'études pour connaître le droit et devenir magistrat ?

M. Hilaire Flandre. Il ne s'agit pas de la cour d'assises !

Mme Nicole Borvo. Aux assises, ce sont des citoyens qui siègent !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais le rôle des jurés de cour d'assises est beaucoup plus simple ! On leur demande de se former une intime conviction, c'est tout ! En outre, des magistrats expérimentés se tiennent à leur disposition.

Mme Nicole Borvo. Le projet de loi organique vise les syndicalistes du MEDEF !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. On ne demande pas aux jurés de cour d'assises d'être des juges uniques et de juger seuls ! Cela n'a rien à voir ! Je tiens à insister sur ce point, car il est très important. Le Conseil constitutionnel devra vérifier si les personnes dont nous parlons auront la capacité pour accéder aux emplois de juge. Quoi qu'il en soit, nous demandons fermement la suppression du quatrième alinéa du texte proposé par l'article 1er pour l'article 41-17 de l'ordonnance du 22 décembre 1958.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je me suis déjà longuement expliqué, dans mon propos liminaire, sur l'élargissement des possibilités de recrutement des juges de proximité, ainsi que sur sa signification et sur l'importance que nous y attachons. Je me suis également déjà exprimé sur le sens que nous pensons pouvoir donner à la notion de capacité, sous réserve, bien entendu, du contrôle souverain du Conseil constitutionnel. Je ne ferai pas à M. Dreyfus-Schmidt le plaisir de répéter mon argumentation. Cela me paraît inutile, s'agissant de ce qui me semble être plus une manoeuvre dilatoire qu'une véritable discussion sur le fond, laquelle a d'ailleurs déjà été tenue à plusieurs reprises.

En outre, mes collègues auront compris que, si je n'ai pas répondu à certaines apostrophes assez insolentes et désagréables de M. Dreyfus-Schmidt, c'est que je me refuse, pour ma part, à abaisser notre débat à un niveau aussi médiocre. (M. Michel Dreyfus-Schmidt rit.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 7, présenté par MM. Dreyfus-Schmidt, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« I. - Dans le sixième alinéa (5°) du texte proposé par cet article pour l'article 41-17 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958, après les mots : "Les conciliateurs", insérer les mots : "et les assesseurs des tribunaux pour enfants".

« II. - Compléter in fine le même alinéa par les mots : "que leur expérience qualifie pour l'exercice des fonctions judiciaires". »

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement a pour objet de réintroduire la possibilité, pour les assesseurs des tribunaux pour enfants, d'exercer les fonctions de juge de proximité. Le Sénat avait considéré, lors de la première lecture, qu'ouvrir le recrutement à ces juges, qui ont une habitude de la juridiction, pourrait présenter un intérêt. Nous continuons, pour notre part, de le penser.

Par ailleurs, cet amendement subordonne la possibilité, pour les conciliateurs et les assesseurs des tribunaux pour enfants, d'exercer les fonctions de juge de proximité à la condition que leur expérience les qualifie pour cela, comme le prévoit le projet de loi pour les anciens fonctionnaires des catégories A et B, que leur expérience doit qualifier pour l'exercice des fonctions judiciaires, ainsi que l'énonce le 4° de la rédaction proposée pour l'article 41-17 de l'ordonnance.

Monsieur le président, nous souhaiterions qu'il soit procédé à un vote par division sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Fauchon, rapporteur. Il est vrai que la commission a considéré, à la suite de l'Assemblée nationale, qu'il n'y avait pas lieu d'introduire une disposition particulière visant les assesseurs des tribunaux pour enfants.

Nous avons estimé que le fait d'avoir été assesseur des tribunaux pour enfants ne constituait pas en soi une condition suffisante, parce que cela représentait tout de même une expérience très limitée. En revanche, il nous a semblé que des personnes ayant assumé les fonctions d'assesseur des tribunaux pour enfants pouvaient prétendre accéder aux fonctions de juge de proximité dès lors qu'elles remplissaient les conditions prévues par l'article 1er mais que nos collègues du groupe socialiste voulaient supprimer. Cette voie est ouverte aux assesseurs des tribunaux pour enfants comme à toutes les personnes ayant exercé pendant vingt-cinq ans des fonctions de responsabilité, dans les mêmes conditions.

Il a donc paru sage à la commission d'approuver la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale sur ce point. Elle émet, par conséquent, un avis défavorable sur l'amendement n° 7.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Avis défavorable, pour la même raison.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce qui vient d'être dit est tout simplement inexact.

En effet, pour prétendre accéder aux fonctions de juge de proximité, il faudra avoir assumé pendant vingt-cinq années au moins des fonctions de direction ou d'encadrement dans les domaines juridique, administratif, économique ou social, ce qui n'est évidemment pas le cas des assesseurs des tribunaux pour enfants !

La commission avait pourtant d'abord estimé qu'il suffirait à ceux-ci d'avoir exercé leurs fonctions pendant au moins cinq ans. On nous objectera qu'ils ne connaissent pas tout le droit civil.

M. Jean-Jacques Hyest. Ni le droit pénal !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela est vrai, mais les assesseurs des tribunaux pour enfants sont au moins aussi compétents, en matière juridique, que des personnes ayant rempli des fonctions d'encadrement dans les domaines social ou économique ! Nous ne comprenons donc pas que la commission, à la suite de l'Assemblée nationale, accepte qu'ils soient exclus du dispositif, puisque, contrairement à ce qu'ont indiqué M. le rapporteur et M. le garde des sceaux, les assesseurs des tribunaux pour enfants ne sont pas concernés par les dispositions du troisième alinéa de la rédaction présentée par l'article 1er du projet de loi pour l'article 41-17 de l'ordonnance. Cela est clair et net !

Si nous demandons, monsieur le président, un vote par division, c'est que, si le Sénat ne retenait pas l'idée d'associer aux conciliateurs les assesseurs des tribunaux pour enfants, il conviendrait au moins de préciser que les premiers devront justifier d'une expérience les qualifiant pour exercer des fonctions judiciaires. En effet, il existe des conciliateurs qui ne traitent que du droit de la famille, par exemple, et qui ne connaissent rien d'autre.

Dans la mesure où a été prévue une telle clause pour les greffiers - car c'est d'eux qu'il s'agit, puisque l'on semble penser que si l'on tient la plume pour rédiger des jugements de forme, on est forcément capable de rendre la justice...

M. Jean-Jacques Hyest. Ne méprisez pas les greffiers !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... pourquoi ne pas la prévoir pour les conciliateurs ? Je ne comprends pas !

Certes, mes collègues de la majorité sénatoriale me répondront que nos propos, quels qu'ils soient, n'ont aucune espèce d'importance et qu'ils voteront le texte conforme, même si nous les avons convaincus, comme ce fut le cas tout à l'heure pour M. Fouché ! Qu'ils en prennent la responsabilité !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre Fauchon, rapporteur. La précision évoquée par M. Dreyfus-Schmidt est superflue s'agissant des conciliateurs de justice. Il serait en effet assez singulier d'inscrire dans la loi que ces derniers doivent disposer d'une expérience les qualifiant pour l'exercice des fonctions judiciaires, fonctions que précisément ils assumaient dans le cadre de leur activité !

M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !

M. Pierre Fauchon, rapporteur. Prévoir une telle clause me paraît donc superfétatoire, et même déplaisant, encore une fois, pour les conciliateurs de justice, mais je crains que M. Dreyfus-Schmidt ne soit pas sensible à cet aspect des choses !

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Hyest. Je pense que M. Dreyfus-Schmidt pousse parfois le bouchon un peu loin ! Il exagère et fait preuve d'un mépris profond pour tous ceux qui ne sont pas avocats. (M. Michel Dreyfus-Schmidt proteste.)

A ses yeux, les membres de cette profession seraient seuls omniscients et compétents dans tous les domaines juridiques. M. Dreyfus-Schmidt faisait ainsi peu de cas, tout à l'heure, des magistrats de l'ordre administratif, et il estime maintenant que les greffiers en chef et les greffiers ne seraient pas capables de rendre une justice de proximité !

Lorsque l'on connaît l'importance du rôle et la qualité de la formation de ces professionnels, on ne peut que trouver infondée une telle opinion. Si des personnes sont capables d'être juges de proximité, ce sont bien celles qui sont les plus proches des juridictions, notamment les greffiers et les greffiers en chef. Je tenais à le préciser.

M. le président. Il va être procédé à un vote par division.

Je mets aux voix la première partie de l'amendement n° 7.

(La première partie de l'amendement n'est pas adoptée.)

M. le président. Je mets aux voix la seconde partie de l'amendement n° 7.

(La seconde partie de l'amendement n'est pas adoptée.)

M. le président. Les deux parties de l'amendement ayant été supprimées, il n'y a pas lieu de procéder à un vote sur l'ensemble.

Je mets aux voix le texte proposé pour l'article 41-17 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958.

(Ce texte est adopté.)