SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON

1. Procès-verbal (p. 1).

2. Communication (p. 2).

3. Dépôt d'un rapport du Gouvernement (p. 3).

4. Mandat d'arrêt européen. - Adoption d'un projet de loi constitutionnelle (p. 4).

Discussion générale : MM. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice ; Pierre Fauchon, rapporteur de la commission des lois ; Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne ; Patrice Gélard, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, Mme Nicole Borvo.

M. le garde des sceaux.

Clôture de la discussion générale.

Article unique (p. 5)

Amendement n° 1 de M. Philippe Darniche. - MM. Philippe Darniche, le rapporteur, le garde des sceaux. - Retrait.

M. Paul Blanc.

Adoption, par scrutin public, de l'article unique du projet de loi constitutionnelle.

5. Juges de proximité. - Adoption définitive d'un projet de loi organique en deuxième lecture (p. 6).

Discussion générale : MM. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice ; Pierre Fauchon, rapporteur de la commission des lois ; Jean-Jacques Hyest, Jean-Pierre Sueur.

MM. René Garrec, président de la commission des lois ; le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt, le président.

Mme Nicole Borvo, MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur.

Clôture de la discussion générale.

Suspension et reprise de la séance (p. 7)

Question préalable (p. 8)

Motion n° 1 de M. Michel Dreyfus-Schmidt. - MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.

Articles additionnels avant l'article 1er (p. 9)

Amendements n°s 2 et 3 (priorité) et 2 de M. Michel Dreyfus-Schmidt. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet des deux amendements.

Amendement n° 4 de M. Michel Dreyfus-Schmidt. - MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt. - Rejet.

Article 1er (p. 10)

MM. Alain Fouché, Michel Dreyfus-Schmidt.

Article 41-17 de l'ordonnance n° 58-1270

du 22 décembre 1958 (p. 11)

Amendement n° 5 de M. Michel Dreyfus-Schmidt. - MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.

Amendement n° 6 de M. Michel Dreyfus-Schmidt. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.

Amendement n° 7 de M. Michel Dreyfus-Schmidt. - MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Jacques Hyest. - Rejet par division.

Adoption de l'article de l'ordonnance.

Article 41-17-1 de l'ordonnance n° 58-1270

du 22 décembre 1958 (p. 12)

Amendement n° 8 de M. Michel Dreyfus-Schmidt. - M. Jean-Pierre Sueur. - Devenu sans objet.

Adoption de l'article de l'ordonnance.

Article 41-18 de l'ordonnance n° 58-1270

du 22 décembre 1958. - Adoption (p. 13)

Article 41-21 de l'ordonnance n° 58-1270

du 22 décembre 1958 (p. 14)

Amendement n° 9 de M. Michel Dreyfus-Schmidt. - MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt. - Rejet.

Amendement n° 10 rectifié de M. Michel Dreyfus-Schmidt. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.

Adoption de l'article de l'ordonnance.

Articles 41-22 et 41-23 de l'ordonnance n° 58-1270

du 22 décembre 1958. - Adoption (p. 15)

Adoption de l'article.

Article 1er bis. - Adoption (p. 16)

Article 4 (supprimé) (p. 17)

Amendement n° 11 de M. Michel Dreyfus-Schmidt. - M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Retrait.

L'article demeure supprimé.

Vote sur l'ensemble (p. 18)

MM. Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Paul Amoudry, Mme Nicole Borvo.

Adoption, par scrutin public, du projet de loi organique.

6. Retrait d'une question orale avec débat (p. 19).

7. Dépôt d'une proposition de loi (p. 20).

8. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 21).

9. Dépôt de rapports (p. 22).

10. Ordre du jour (p. 23).

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix-sept heures quinze.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

COMMUNICATION

M. le président. Mes chers collègues, je vous informe que M. le Premier président de la Cour des comptes déposera sur le bureau du Sénat le rapport annuel de la Cour, le mardi 28 janvier 2003, à dix-neuf heures trente.

3

DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie le rapport de la commission spéciale du Conseil national de l'information statistique, constituée en application de l'article 158 de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002, relative à la démocratie de proximité.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

4

MANDAT D'ARRÊT EUROPÉEN

Adoption d'un projet de loi constitutionnelle

 
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle  relatif au mandat d'arrêt européen
Art. unique

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi constitutionnelle (n° 102, 2002-2003) adopté par l'Assemblée nationale, relatif au mandat d'arrêt européen. [Rapport n° 126 (2002-2003).]

Dans la discussion générale, la parole est à M. le garde des sceaux.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi constitutionnelle qui vous est présenté aujourd'hui s'inscrit dans la construction d'un « espace de liberté, de sécurité et de justice » au sein de l'Union européenne, selon l'expression retenue par le traité d'Amsterdam signé le 2 octobre 1997.

Il a pour objet d'habiliter le Parlement à prendre les mesures nécessaires pour assurer la mise en oeuvre, sur le territoire français, du mandat d'arrêt européen.

En introduction à cette discussion générale, je souhaiterais rappeler, en premier lieu, le dispositif du mandat d'arrêt européen tel qu'il résulte de la décision-cadre adoptée par le Conseil le 13 juin 2002. Je préciserai, ensuite, les enjeux de cette révision constitutionnelle et soulignerai, enfin, combien vous êtes appelés à consacrer ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, une étape à mes yeux décisive de la construction européenne.

S'agissant, tout d'abord, du dispositif du mandat d'arrêt européen, jusqu'à la décision-cadre du 13 juin 2002, la coopération judiciaire au sein de l'Union européenne restait soumise à la procédure traditionnelle, en droit international public, de l'extradition.

Certes, des initiatives avaient été prises par les Etats membres pour simplifier les procédures d'extradition, raccourcir leurs délais d'exécution effective et surmonter les obstacles de nature à s'opposer à leur mise en oeuvre.

Ce travail a débouché, en 1995 et en 1996, sur la signature de deux conventions importantes ; fondées sur la convention européenne d'extradition de 1957, elles ont notamment défini les bases et les modalités d'une procédure simplifiée.

Soucieux d'améliorer la coopération judiciaire au sein d'un espace européen caractérisé par l'intégration croissante des Etats membres, le Gouvernement a récemment engagé le processus parlementaire visant à autoriser la ratification de ces deux conventions.

Parallèlement, un projet de réforme de la loi du 10 mars 1927, qui demeure, en droit interne, le texte de référence en matière d'extradition, est apparu indispensable pour permettre l'entrée en vigueur des instruments de l'Union européenne.

Cependant, dans un deuxième temps, la réflexion européenne a conduit à des perspectives plus ambitieuses. Le traité d'Amsterdam, signé le 2 octobre 1997, a fait le pari de veiller à ce que l'espace de libre circulation que constitue l'Union européenne devienne également un espace de sécurité et de justice.

Au sein de cet espace, le principe de reconnaissance mutuelle des décisions de justice des Etats membres a pris corps. En vertu de ce principe, une décision judiciaire prise dans un Etat membre est supposée être immédiatement exécutoire dans n'importe quel autre Etat membre de l'Union.

La décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen et à la procédure de remise entre les Etats membres, adoptée donc le 13 juin 2002, est le premier instrument mettant en oeuvre le principe de reconnaissance des décisions de justice en matière pénale.

Elle a pour objet de permettre la reconnaissance, entre les Etats membres de l'Union européenne, des décisions de justice tendant à l'arrestation et à la remise d'une personne poursuivie ou condamnée.

Le mandat d'arrêt européen est ainsi défini comme « une décision judiciaire émise par un Etat membre en vue de l'arrestation et de la remise par un autre Etat membre d'une personne recherchée pour l'exercice de poursuites pénales ou pour l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté privatives de liberté ».

La procédure traditionnelle d'extradition, qui implique en droit français une décision du pouvoir exécutif, sera, en conséquence, remplacée par une procédure entièrement judiciaire ; le rôle du pouvoir exécutif se limitera à un « appui pratique et administratif ».

Surtout, dès lors que les conditions prévues par la décision-cadre seront satisfaites, les décisions des autorités judiciaires des Etats membres seront reconnues et exécutées sur tout le territoire de l'Union.

Le mandat d'arrêt européen peut être émis pour des faits punis, par la loi de l'Etat d'émission, d'une peine ou d'une mesure de sûreté privatives de liberté d'une durée au moins égale à douze mois. Il en est de même lorsqu'une peine ou une mesure de sûreté a été infligée pour une durée au moins égale à quatre mois.

Dans le champ d'une liste limitative de trente-deux infractions qui recouvrent des faits graves, généralement incriminés par le droit interne de tous les Etats membres, le mandat d'arrêt doit donner lieu à remise, sans qu'il y ait lieu à un contrôle particulier du principe dit de la double incrimination selon lequel les faits fondant la poursuite ou la condamnation doivent être effectivement constitutifs d'une infraction tant dans l'Etat d'exécution que dans l'Etat d'émission.

La décision-cadre énumère limitativement les motifs pour lesquels l'exécution du mandat d'arrêt doit ou peut, selon le cas, être refusée. Elle fixe également les cas dans lesquels l'Etat d'exécution peut demander des garanties à l'Etat d'émission.

Au titre des « motifs de non-exécution obligatoire du mandat d'arrêt européen », on peut citer l'amnistie de l'infraction ou l'irresponsabilité pénale à raison de l'âge, dans l'Etat d'exécution.

Au titre des « motifs de non-exécution facultative » figurent la prescription de l'action pénale ou l'exercice de poursuites, dans l'Etat d'exécution.

Lorsque le mandat d'arrêt est délivré pour une personne condamnée, il peut également être refusé si l'intéressé est résident de l'Etat d'exécution et que cet Etat s'engage à exécuter la peine.

Il convient, en particulier, de relever que des motifs traditionnels de refus d'extradition, tenant, par exemple, à la non-extradition des nationaux, ne sont pas repris par la décision-cadre.

Cette décision permet également à l'Etat d'exécution de demander des garanties à l'Etat d'émission en cas de condamnation rendue par défaut ou de risque de condamnation à une peine privative de liberté perpétuelle.

Il y a lieu d'ajouter, pour achever cette présentation sommaire du mandat d'arrêt européen, que la décision-cadre fixe les critères de décision en cas de demandes émanant d'autorités de plusieurs Etats membres.

La décision-cadre prévoit un dispositif de sursis à l'exécution du mandat si la personne intéressée est protégée dans l'Etat membre d'exécution par un privilège ou une immunité ou pour des raisons humanitaires sérieuses.

Enfin, la décision-cadre règle les effets de la remise au regard de la poursuite éventuelle d'autres infractions ou d'une éventuelle remise ultérieure à un autre Etat membre que l'Etat initial d'émission, voire d'une extradition vers un Etat tiers.

La décision-cadre devant entrer en vigueur le 1er janvier 2004, il appartient maintenant à la France d'assurer rapidement les travaux de sa transposition en droit interne, d'autant plus qu'elle s'est engagée, avec l'Espagne, le Luxembourg, l'Allemagne et le Royaume-Uni, à la mettre en oeuvre avant la fin du premier trimestre 2003.

Sous réserve que soit préalablement approuvée la révision constitutionnelle qui vous est proposée, le respect de cet engagement supposera l'adoption d'un projet de loi adaptant le code de procédure pénale. Ce texte, actuellement en cours de préparation au sein du ministère de la justice, pourrait être soumis très prochainement au Parlement.

Quels sont, maintenant, les enjeux de la présente réforme constitutionnelle ?

La décision-cadre est soumise aux principes définis par l'article 6 du traité sur l'Union européenne, aux termes duquel l'Union « respecte les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, en tant que principes généraux du droit communautaire ».

A ce titre, la décision-cadre est conforme à l'essentiel des principes fondamentaux du droit français qui avaient été dégagés, par les juridictions suprêmes, en matière d'extradition.

En outre, le considérant n° 12 de la décision-cadre précise expressément que : « Rien dans la présente décision-cadre ne peut être interprété comme une interdiction de refuser la remise d'une personne qui fait l'objet d'un mandat d'arrêt européen s'il y a des raisons de croire, sur la base d'éléments objectifs, que ledit mandat a été émis dans le but de poursuivre ou de punir une personne en raison de son sexe, de sa race, de sa religion, de son origine ethnique, de sa nationalité, de sa langue, de ses opinions politiques ou de son orientation sexuelle, ou qu'il peut être porté atteinte à la situation de cette personne pour l'une de ces raisons. »

Néanmoins, il ne pouvait être exclu que l'innovation que représentent la reconnaissance directe d'une décision judiciaire d'un Etat membre de l'Union européenne et la suppression de certains motifs traditionnels de refus d'extradition puisse être regardée comme heurtant notre tradition constitutionnelle.

Le Gouvernement a ainsi voulu, avant d'assurer la transposition en droit français de la décision-cadre, vérifier si cette dernière était de nature à se heurter à des obstacles tirés de règles ou de principes de valeur constitutionnelle.

La consultation directe de Conseil constitutionnel, sur le fondement de l'article 54 de la Constitution, ne pouvant être envisagée s'agissant d'un acte de droit dérivé et non d'un « engagement international » au sens de cet article, il a été décidé de consulter le Conseil d'Etat ; celui-ci a rendu son avis le 26 septembre 2002.

Il résulte de cet avis que, pour la très grande majorité de ses dispositions, la décision-cadre est compatible avec l'ensemble des normes de valeur constitutionnelle.

En particulier, le Conseil d'Etat a relevé que « la pratique ancienne suivie par les autorités françaises de refuser dans tous les cas l'extradition de leurs nationaux ne trouve pas de fondement dans un principe de valeur constitutionnelle ».

De même, le Conseil d'Etat a considéré que la règle de la double incrimination « appliquée couramment dans le droit de l'extradition » ne pouvait davantage être regardée comme « l'expression d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République au sens où l'a entendu le Préambule de la Constitution de 1946 ».

Le Conseil d'Etat a néanmoins estimé que « la décision-cadre ne paraissait pas assurer le respect du principe rappelé dans son avis du 9 novembre 1995 "selon lequel l'Etat doit se réserver le droit de refuser l'extradition pour les infractions qu'il considère comme des infractions à caractère politique", qui constitue un principe fondamental reconnu par les lois de la République, ayant à ce titre valeur constitutionnelle en vertu du Préambule de la Constitution de 1946 ». Je tiens à souligner le caractère assez théorique du risque d'inconstitutionnalité ainsi soulevé par le Conseil d'Etat. En effet, la liste des trente-deux infractions qui fondent de plein droit, c'est-à-dire sans recours au principe dit de « double incrimination », le mandat d'arrêt européen vise uniquement des crimes graves, et ce en des termes souvent très proches de ceux de la loi pénale française.

Il est en conséquence très peu probable que cette liste puisse être utilisée pour exiger la remise d'une personne poursuivie dans un autre Etat membre du chef d'une infraction que notre tradition juridique regarderait comme étant de nature politique.

Néanmoins, le Conseil d'Etat ayant signalé au gouvernement ce risque, fût-il ténu, il devenait nécessaire de modifier la Constitution préalablement à la transposition de la décision-cadre. Tel est, mesdames, messieurs les sénateurs, l'objet du projet de loi constitutionnelle qui est aujourd'hui soumis à votre examen.

Il vous est ainsi proposé de compléter l'article 88-2 de la Constitution par un alinéa tendant à habiliter le législateur à fixer les règles relatives au mandat d'arrêt européen, en application des actes pris sur le fondement du traité sur l'Union européenne.

Sur le plan formel, l'insertion de ce nouvel alinéa dans l'article 88-2 apparaît la plus conforme à la structure de notre charte fondementale. En effet, cet article prévoit d'ores et déjà les transferts de compétences nécessaires, d'une part, à l'établissement de l'Union économique et monétaire européenne et, d'autre part, à la détermination des règles relatives à la libre circulation des personnes et aux domaines qui y sont liés.

Si la révision de la Constitution du 4 octobre 1958 est motivée, pour la première fois, par la transposition d'un acte de droit dérivé et non par la ratification d'un traité, comme en 1992 et en 1999 - ce qui justifie quelques différences rédactionnelles -, elle se situe néanmoins dans le droit-fil des transferts de compétences consentis aux fins de mise en oeuvre du traité d'Amsterdam.

Les termes de ce nouvel alinéa de l'article 88-2 ont été soigneusement pesés. Je souhaiterais en éclaircir devant vous la portée.

Il n'a pas paru souhaitable que l'habilitation ainsi donnée au législateur soit définie par référence exclusive à la décision-cadre du 13 juin 2002. Celle-ci, comme tout acte de droit dérivé, sera un instrument contingent, et donc susceptible d'évolution. Il ne serait pas conforme au statut de notre Constitution d'imaginer que la France pourrait être amenée à procéder à des modifications constitutionnelles au fil des évolutions d'un tel acte. L'Assemblée nationale a même souhaité qu'il ne soit pas fait explicitement référence au concept de « décision-cadre ». Je rappelle que, en l'état du droit européen, les décisions-cadres sont les instruments de la mise en oeuvre de la coopération policière et judiciaire en matière pénale, laquelle est couverte par le titre VI du traité sur l'Union européenne, encore appelé « troisième pilier ». L'Assemblée nationale, à juste titre, a considéré que cette notion même pouvait s'avérer trop contingente pour être cristallisée dans notre norme constitutionnelle.

Néanmoins, il ne s'agit pas de vous demander de donner un blanc-seing à des évolutions que nous ne saurions aujourd'hui anticiper.

Ainsi, l'habilitation donnée au pouvoir législatif est circonscrite à la mise en oeuvre du mandat d'arrêt européen tel qu'il est et tel qu'il pourra être défini par des actes de droit européen pris en application du traité sur l'Union européenne, dans sa version prévalant à la date de l'entrée en vigueur de la présente réforme.

Cette version inclura donc les ajouts du traité d'Amsterdam et, selon toute vraisemblance, ceux du traité de Nice, qui sera alors en vigueur. Je rappelle que l'Irlande, dernier Etat à procéder à cette formalité, a déposé son instrument de ratification en décembre dernier et que, dans ces conditions, le traité de Nice entrera en vigueur le 1er février 2003.

C'est donc cette modification, indispensable pour bâtir un espace judiciaire européen cohérent, et circonscrite à la mise en oeuvre du mandat européen, que le Gouvernement vous demande d'adopter.

Avec cette révision sera réalisée, je crois, une étape importante en faveur de la construction de l'espace judiciaire européen. Le présent projet de loi constituera en effet la quatrième révision constitutionnelle liée à la construction européenne, après celles de 1992 pour le traité de Maastricht, de 1993 pour les accords de Schengen et de 1999 pour le traité d'Amsterdam.

Elle est la première à porter sur la coopération judiciaire entre les Etats membres. On ne pourra manquer d'y voir un signe des enjeux que représente actuellement, pour nos sociétés, le développement de la criminalité internationale, corollaire de l'intensification des échanges et des moyens de communication.

Au sein de l'Union européenne, cet enjeu est apparu d'autant plus impérieux que la construction de l'espace européen et la suppression des frontières ont pu contribuer au développement parallèle d'une criminalité transnationale.

Comme l'a rappelé le Président de la République lors du conseil des ministres du 13 novembre dernier, le mandat d'arrêt européen « permettra à l'Europe de lutter plus efficacement contre la délinquance organisée et le terrorisme, en adaptant nos moyens d'action à l'ouverture des frontières de l'Union européenne ».

Toutefois, je ne souhaiterais pas que cette avancée décisive de la construction européenne soit uniquement placée sous des auspices négatifs.

Le principe de reconnaissance mutuelle des décisions de justice atteste, peut-être plus que d'autres, la création d'un espace sans frontières marqué par un niveau élevé de confiance et de coopération entre Etats qui partagent une conception exigeante de l'Etat de droit.

Si la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen a été le premier instrument mettant en oeuvre le principe de reconnaissance des décisions de justice en matière pénale, d'autres instruments de reconnaissance mutuelle en la matière, concernant notamment les sanctions pécuniaires, le gel des avoirs et des preuves, ou encore les décisions de confiscation, sont, comme vous le savez, en cours de négociation ou en voie d'adoption. Ils ont eux aussi vocation à renforcer la lutte contre toutes les formes de criminalité.

En adoptant aujourd'hui la révision constitutionnelle qui lui est proposée, le Sénat marquera sa détermination à contribuer à la construction de l'espace de liberté, de sécurité et de justice que chaque citoyen de l'Union est en droit d'attendre.

Votre commission des lois vous y invite ; et je ne doute pas que vous répondrez à son attente. Le travail d'analyse qu'elle a opéré me paraît à cet égard convaincant, et je tiens à rendre un hommage particulier à M. Pierre Fauchon, le rapporteur du texte.

C'est donc avec confiance que j'aborderai la suite de ces débats.(Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre Fauchon, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, vous le savez, notre assemblée, de longue date, a pris position en faveur de tout ce qui peut faire progresser l'espace judiciaire européen dans le domaine si sensible et si important de la lutte contre la criminalité internationale.

De longue date, par le vote de plusieurs résolutions, nous avons exprimé l'avis selon lequel un tel progrès devait être conçu d'une manière cohérente, c'est-à-dire porter sur l'ensemble des questions soulevées par le développement de cette criminalité.

Si l'on veut bien prendre les choses dans leur ordre logique, il s'agit d'instituer la communautarisation des incriminations par l'adoption non seulement d'une liste, mais aussi d'une définition commune des crimes ou délits ; la communautarisation des moyens d'investigation par la transformation d'EUROPOL en une véritable police commune ; la communautarisation des poursuites par la création d'un « parquet » central spécialisé ; enfin, la communautarisation des contrôles et des garanties qu'exige notamment le respect des droits de l'homme, par l'extension des pouvoirs de la Cour de justice des Communautés européennes.

En dépit de nombreuses impulsions données par le Conseil européen, notamment dans les mois qui ont suivi les événements de septembre 2001, peu de progrès, il faut bien le dire et le déplorer, ont été accomplis dans ce domaine : on en reste le plus souvent au stade de la coopération, qui, si améliorée qu'on l'imagine, ne saurait atteindre le niveau d'efficacité opérationnelle qui permettrait de rattraper le retard qui ne cesse de se creuser entre le développement de la criminalité et celui des moyens de défense mis en oeuvre par les peuples d'Europe.

M. Hubert Haenel, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne. C'est vrai !

M. Pierre Fauchon, rapporteur. On m'objecte quelquefois que nous avançons pas à pas ; à quoi je rétorque en observant que les criminels avancent à grands pas, au trot, pour ne pas dire au galop, et que le différentiel de progression revêt un caractère assez inquiétant. Je le souligne d'autant plus fortement que MM. Schroeder et Chirac ont adopté à ce sujet, voilà quelques semaines à peine, des positions très marquées et, je crois, très positives.

On a cru pouvoir surmonter ces difficultés de deux façons : d'une part, en adoptant deux décisions-cadres tendant, l'une, à l'unification des incriminations, l'autre, à la mise en place d'un mandat d'arrêt européen, qui fait l'objet du présent rapport ; d'autre part, en proclamant le principe général de la reconnaissance mutuelle, en vertu duquel toute décision d'une instance judiciaire d'un Etat membre devrait être « reçue » - comme vous l'avez dit tout à l'heure, monsieur le garde des sceaux, dans une excellente formule : « est supposée reçue » - au sens juridique du terme, qui implique reconnaissance et autorité, par les autres Etats membres.

On se doute bien, et c'est inclus dans le mot : « supposée », que cela ne peut guère avoir, dans l'immédiat, qu'une valeur de principe, sans être en soi porteur d'une véritable efficacité opérationnelle, étant donné la diversité, la complexité et l'autonomie des systèmes judiciaires européens.

Les décisions-cadres sont par nature porteuses d'une plus grande efficacité. Celle qui vise les incriminations, adoptée le 13 juin 2002, ne semble pas exiger de transposition - mais peut-être nous le confirmerez-vous, monsieur le garde des sceaux - , car elle correspond à des faits déjà réprimés dans le code pénal.

Elle ne concerne d'ailleurs que le terrorisme et ne peut aboutir qu'à une harmonisation, ce qui laisse entières les difficultés que toute partie menacée ne manque pas de soulever en s'appuyant sur les différences entre les textes, différences qui fournissent ainsi un terreau fertile aux incidents. C'est assez dire que presque tout reste à faire dans ce domaine de l'unification du droit, dont on ne pourra pas ignorer indéfiniment l'importance, sauf à admettre - mais je crois qu'on est quelquefois près de le faire - qu'il est plus important de pérenniser nos particularismes que de lutter contre la criminalité transfrontalière.

Notre propos se limite aujourd'hui à la décision-cadre instituant le mandat d'arrêt européen, plus précisément à un préalable ayant pour objet d'apporter à notre Constitution la modification jugée nécessaire par le Conseil d'Etat pour permettre la transposition de cette décision-cadre dans notre droit.

Bien qu'il s'agisse d'une modification passablement formelle dont la nécessité n'était peut-être pas évidente - j'ai cru comprendre que le Gouvernement partageait nos interrogations sur ce point -, l'occasion est ainsi donnée au Parlement de s'interroger sur le problème général de la conformité à notre Constitution de ce qu'il est convenu d'appeler les « actes européens dérivés », c'est-à-dire les actes pris en application de traités préalablement signés et ratifiés. C'est le cas en l'espèce, la présente décision-cadre ayant été arrêtée en application du traité d'Amsterdam.

Il s'agit là d'une question dont on ne saurait sous-estimer l'importance alors que les politiques européennes quittent leur terrain d'origine, qui était purement économique, pour s'étendre, en vertu du traité de Maastricht, à des domaines essentiels et très diversifiés de la vie publique tels que les questions de justice et des affaires intérieures, où les problèmes de constitutionnalité sont évidemment beaucoup plus fréquents et beaucoup plus délicats.

Pour la première fois, cette question se pose d'une manière concrète qui fait apparaître du même coup - et c'est au fond l'intérêt de notre débat, intérêt pour les juristes, mais important ! - la singularité d'une situation dans laquelle, à défaut de régularisation constitutionnelle anticipée, il faudrait soit procéder à une transposition présentant le risque d'une annulation pour cause d'inconstitutionnalité, ouvrant du même coup la voie à une action dirigée contre la France pour non-transposition de la décision-cadre, soit renoncer par avance à la transposition, ce qui nous placerait dans la même situation.

Que faire pour prévenir de tels embarras ?

Lorsque la question ne se posait que de manière abstraite et théorique, il y a déjà quelques années de cela, certains d'entre nous, et non des moindres - je citerai M. Mazeaud, ou encore M. Barnier - , avaient proposé d'instaurer une procédure de vérification de constitutionnalité par le Conseil constitutionnel lui-même, qui serait intervenue avant l'adoption des actes communautires, au stade de la communication au Parlement du projet d'acte dans le cadre de l'article 88-4. Cette solution a été écartée pour deux séries de raisons, qui sont l'une et l'autre assez évidentes.

L'une est technique et repose sur le fait que l'autorité juridictionnelle du Conseil est peu compatible, voire franchement incompatible avec la notion de projet, par définition instable : on ne peut pas se prononcer sur la constitutionnalité d'un texte susceptible d'être modifié dans l'heure qui suit ! C'est effectivement là le travail du Conseil d'Etat.

L'autre série de raisons, politiques, tient au danger de voir constamment entravé, pour des motivations quelquefois entremêlées de fait, de droit et d'arrière-pensées politiques, le développement de l'Union européenne.

A l'opposé de cette solution, on trouve le principe d'« immunité » du droit communautaire dérivé, principe fondé sur l'idée que ce droit ne peut qu'être conforme aux dispositions des traités, qui ont eux-mêmes été ratifiés et donc reconnus conformes à la Constitution - ou le sont devenus - sous le contrôle éventuel de la Cour de justice des Communautés.

Le raisonnement est le suivant : le texte dérivé est conforme au traité, sans quoi il pourrait être sanctionné par la Cour de justice des Communautés européennes ; le traité est conforme à la Constitution ; donc le texte dérivé est conforme à la Constitution.

Un tel syllogisme aurait l'avantage de tendre à l'unification des interprétations, puisque ne subsisterait plus d'autre contrôle que celui de la Cour de justice des Communautés européennes ; mais cela reste un syllogisme, avec tout ce qu'une telle démarche a d'artificiel.

Je le crois sincèrement peu acceptable, dans la mesure où il fait trop bon marché de l'écart qui peut exister entre, d'une part, la formulation inévitablement sommaire, quelquefois un peu obscure, selon le mot de Bonaparte, d'un traité rédigé en termes généraux et, d'autre part, les dispositions détaillées du droit dérivé, qui sont nécessairement beaucoup plus précises et appellent alors des réflexions elles-mêmes beaucoup plus exigeantes.

Il sera peut-être envisageable, il peut même être considéré comme souhaitable de s'engager sur cette voie de l'« immunité générale » applicable à tous les textes dérivés lorsque l'Union européenne se sera dotée d'une constitution véritable, c'est-à-dire d'une constitution complète, cohérente et rassemblant la « foultitude » de textes actuellement en vigueur, intégrant en particulier la charte européenne des droits fondamentaux.

M. Hubert Haenel, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne. Nous l'aurons bientôt !

M. Pierre Fauchon. rapporteur. Il conviendra peut-être alors d'envisager la possibilité - il nous faut en tout cas y réfléchir - d'introduire dans cet ultime traité une disposition générale de validation des textes dérivés. Nous éviterions ainsi cette succession de réformes ponctuelles qui aboutit, il faut le reconnaître, à un certain harcèlement. Il nous est certes toujours agréable de nous rendre à Versailles, d'autant que ce texte nous donne, Dieu merci, une raison substantielle de le faire, mais cela pourrait à la longue créer un certain sentiment de lassitude - j'aurais même pu parler d'énervement si l'énervement était pensable dans une assemblée comme la nôtre, ce qui est douteux !

M. Hubert Haenel, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne. Disons un sentiment d'impatience !

Mme Nicole Borvo. Plutôt de l'agacement !

M. Pierre Fauchon, rapporteur. L'impatience n'étant pas notre fort, disons en effet plutôt de l'agacement. Je vous laisse le soin de choisir entre ces différentes formules, mais il y aura toujours des infatigables que cela n'attristera pas ! (Sourires.)

En attendant cette étape décisive, la présente procédure a le mérite de nous faire toucher du doigt une solution qui, dans l'immédiat, faciliterait le règlement des difficultés éventuelles, à condition de procéder systématiquement par voie de prévention.

La difficulté présente vient, en effet, de ce que nous sommes en présence de l'inconstitutionnalité possible d'un acte adopté - il l'est au niveau du Conseil de l'Europe - et dont la transposition s'impose donc.

C'est le Conseil d'Etat qui, dans son rôle tout à fait utile de conseiller du Gouvernement, a signalé cette difficulté. Si cet avis était intervenu avant l'adoption de l'acte, il est permis de penser que c'est la rédaction de celui-ci qui eût été modifiée de telle sorte que la question de la constitutionnalité ne se poserait pas aujourd'hui.

Il est d'autant plus permis de le penser que l'examen attentif de la circonstance d'inconstitutionnalité montre que celle-ci relève d'un certain formalisme issu de la loi de 1927 sur l'extradition plus que de l'état actuel du droit.

Je n'ai pas participé aux négociations mais j'imagine que, si les Français avaient demandé que la décision-cadre soit complétée afin d'exclure non seulement les poursuites pour des motifs politiques mais aussi les poursuites pour les infractions à caractère politique, ils auraient sans doute pu obtenir satisfaction, et nous n'aurions pas aujourd'hui un problème d'inconstitutionnalité.

Il est permis d'en conclure, et j'en viens là à notre proposition concrète, que, si le Conseil d'Etat, lorsque le Gouvernement l'interroge - ce qu'il fait maintenant nécessairement dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution - sur le caractère législatif ou non d'un texte dérivé, procédait en outre à l'examen de la conformité de ce texte à la Constitution, le Gouvernement comme le Parlement se trouveraient ainsi avertis de l'éventuelle inconstitutionnalité, ce qui leur permettrait - vous permettrait, monsieur le ministre, nous permettrait, mes chers collègues - de prévenir ou de tenter de prévenir la difficulté par une intervention en amont, avant l'adoption de la décision-cadre.

Les mieux informés d'entre nous m'ont d'ailleurs dit qu'il arrivait d'ores et déjà au Conseil d'Etat d'étendre ainsi le champ de sa réflexion.

M. Hubert Haenel, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne. Oui !

M. Pierre Fauchon, rapporteur. Une autorité le confirme donc !

Il faut peut-être regretter que le Conseil d'Etat n'ait pas cru devoir le faire en la circonstance puisqu'il avait bien été consulté avant la décision sur le caractère législatif du texte que nous avons ensuite nous-mêmes examiné et sur lequel nous avons voté une résolution.

Il convient donc de rendre systématique ce qui, dans le passé, a pu être occasionnel, et il n'est besoin d'aucun texte législatif nouveau pour cela puisque nous restons dans le cadre général du rôle de conseiller juridique, qui est la première raison d'être du Conseil d'Etat et sans doute, oserai-je dire, la meilleure.

M. René Garrec, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Ce n'est pas la seule !

M. Hubert Haenel, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne. Insinuations !

M. Pierre Fauchon, rapporteur. Il y a toujours des gens qui cherchent des sous-entendus dans mes propos, qui sont pourtant innocents...

M. René Garrec, président de la commission des lois. Ce n'est pas sûr ! (Sourires.)

M. Pierre Fauchon, rapporteur. Telle est en tout cas, monsieur le ministre, la suggestion de méthode que nous inspire la présente procédure.

Sur le fond, je vais pouvoir être plus bref, car le projet du Gouvernement, qui tend à corriger par avance la menace d'inconstitutionnalité, procède d'une prudence louable et mérite d'être approuvé, comme l'a fait, à une très large majorité, la commission des lois, dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

Cette rédaction, on l'a vu, a le mérite de prévoir les éventuels changements de terminologie : viser les actes, et non pas seulement les décisions-cadres, est évidemment un meilleur choix pour l'avenir.

Reste à évoquer la consistance assez faible en vérité - mais c'est son charme - du risque d'inconstitutionnalité. Ce risque tient au fait, rappelé par le Conseil d'Etat, que notre tradition juridique - fondée par une loi de 1927, c'est-à-dire en d'autres temps et dans un autre contexte que celui de l'Union européenne - exclut l'extradition non seulement lorsque le crime ou le délit a un caractère politique mais également « lorsqu'il résulte des circonstances que l'extradition est demandée dans un but politique ».

Il se trouve malheureusement que la décision-cadre ne prévoit à cet égard que « l'exclusion des poursuites demandées à des fins politiques », d'où le risque d'inconstitutionnalité relevé par le Conseil d'Etat.

La distinction entre ces poursuites et celles qui visent des infractions à caractère politique est cependant difficile à saisir et elle l'est d'autant plus que la notion d'infraction à caractère politique ne comporte aucune définition légale. C'est une notion jurisprudentielle très évolutive, dont le champ ne cesse d'ailleurs de s'amenuiser au fur et à mesure que cette qualification est, à juste titre, retirée aux actions qui relèvent d'abord du droit commun, tels les actes de terrorisme. Il serait en effet trop commode de dire qu'on a posé une bombe pour des raisons politiques !

Dès lors, il est permis de penser que la rédaction de la décision-cadre satisfaisait à l'esprit sinon à la lettre de notre droit actuel. Le Conseil d'Etat, qui avait antérieurement reconnu dans la double interdiction de la loi de 1927 des principes « à valeur constitutionnelle », pouvait-il passer outre à la distinction eu égard à la bonne rédaction de la décision ? Constatons seulement qu'il n'a pas cru devoir le faire, avec cette sagesse dont il a seul le secret.

Quoi qu'il en soit, le Gouvernement ayant cru devoir consulter le Conseil d'Etat, et le consulter précisément sur ce point, il ne pouvait guère ignorer son avis, d'autant qu'il lui en coûtait peu de le prendre en considération ce qui, bien entendu, ne diminue en rien ses mérites.

Telles sont les raisons qui ont conduit la commission à émettre un vote très largement favorable, assorti des réflexions que je viens de résumer et qui tendent, pour l'essentiel, à souhaiter que ces questions de constitutionnalité des actes dérivés soient examinées au même titre que le caractère législatif des dispositions envisagées, et ce à un stade qui permette au Gouvernement comme au Parlement d'en tenir compte avant l'adoption des actes. C'est facile à réaliser et cela nous rendrait service à tous !

C'est dans cet esprit que la commission des lois vous recommande, mes chers collègues, l'adoption du présent projet de loi constitutionnelle. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne.

M. Hubert Haenel, président de la délégation du Sénat pour l'Union européenne. Mes chers collègues, le mandat d'arrêt européen ne constitue pas un sujet nouveau pour notre assemblée. Nous avons adopté une résolution sur sa mise en place à la fin de l'année 2001, puis nous en avons débattu en séance publique, en présence du ministre de la justice du précédent gouvernement.

Lors de ce débat, le Sénat avait réaffirmé son engagement en faveur d'un véritable espace judiciaire européen afin de remédier aux insuffisances criantes de la coopération judiciaire.

Je pourrais profiter, monsieur le ministre, de l'occasion qui nous est donnée pour vous demander d'indiquer vos orientations, s'agissant du domaine « justice et affaires intérieures », le JAI, ou du troisième pilier. Rassurez-vous, je ne le ferai pas. En revanche, je vous renouvelle l'invitation que vous a faite la délégation du Sénat pour l'Union européenne. Il est absolument nécessaire et même urgent que vous y répondiez afin que nous puissions nous adosser aux positions françaises dans le débat relatif à la Convention - deux de ses membres sont présents ici - sur l'avenir de l'Europe.

Je n'insisterai pas non plus sur le contenu du texte qui nous oblige aujourd'hui à réviser notre Constitution pour m'attacher à souligner ce qui fait la spécificité de cette quatrième révision constitutionnelle liée à la construction européenne.

Il s'agit, en effet, de la première révision constitutionnelle qui résulte non pas d'un traité mais d'un acte de droit communautaire dérivé. De ce fait, les conditions de cette révision constitutionnelle n'ont pas de précédent.

Comme l'a noté M. le rapporteur, pour la première fois « le constituant se trouve absolument contraint de procéder à une révision constitutionnelle ». Sinon, la France manquerait à ses engagements communautaires et risquerait une condamnation par la Cour de justice, cela alors que le Parlement n'a à aucun moment de la négociation été informé du risque d'inconstitutionnalité qui existait !

La question des rapports entre le droit communautaire dérivé et notre Constitution n'est pourtant pas nouvelle, et le Parlement avait déjà alerté, à plusieurs reprises, les gouvernements précédents sur les lacunes du dispositif actuel.

Pendant longtemps, la doctrine s'est accordée pour reconnaître aux actes de droit communautaire dérivé une sorte d'« immunité constitutionnelle ». Or le mandat d'arrêt européen montre que le risque d'une contrariété entre un acte de droit communautaire dérivé et la Constitution n'est pas une vue de l'esprit, mais est bel et bien une réalité.

En outre, imaginons que le Gouvernement n'ait pas consulté le Conseil d'Etat à propos de la décision-cadre. L'inconstitutionnalité serait apparue bien plus tard, au moment de la transposition. Cela aurait eu pour effet de retarder considérablement l'entrée en vigueur du mandat d'arrêt européen.

La France n'aurait pas pu tenir son engagement de mettre en oeuvre rapidement cet instrument. Même le délai limite, fixé au 1er janvier 2004, aurait vraisemblablement été dépassé, avec toutes les conséquences politiques et juridiques négatives que l'on peut imaginer. Vous n'avez pas voulu prendre un tel risque.

Pour éviter à l'avenir de telles difficultés, il faut manifestement renforcer le contrôle préventif sur les actes de droit communautaire dérivé, c'est-à-dire assurer un meilleur contrôle de constitutionnalité des projets communautaires avant leur adoption.

Notre assemblée a, d'ailleurs, une longue expérience de ce débat. En 1992, le Sénat avait adopté un amendement permettant de soumettre les propositions d'actes communautaires au Conseil constitutionnel. Depuis lors, plusieurs propositions de loi constitutionnelles ont été déposées au Sénat et à l'Assemblée nationale sur ce même thème.

Plus récemment, à l'occasion de la révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité d'Amsterdam, en 1999, mon prédécesseur, Michel Barnier, avait proposé l'instauration d'une « veille constitutionnelle » reposant soit sur le Conseil constitutionnel, soit sur le Conseil d'Etat.

Quelles que soient les modalités, nous avons besoin d'un mécanisme d'« alerte précoce » qui permettrait au Gouvernement et au Parlement d'être suffisamment informés sur les problèmes de constitutionnalité soulevés par une proposition communautaire. Etant bien informés, nous pourrions en tirer les conséquences en temps utile.

Après les travaux de la Convention et du secrétariat général du comité interministériel, le SGCI, ce point devra d'ailleurs être examiné de très près et il faudra sans doute - mais nous n'en sommes pas là - procéder à une modification constitutionnelle substantielle.

Le développement de l'action européenne en matière de justice et d'affaires intérieures se traduit par l'adoption d'un nombre croissant de normes dans ces domaines sensibles qui touchent aux droits des individus et qui font souvent l'objet d'une protection particulière au niveau constitutionnel. Déjà, notre délégation est saisie, en vertu de l'article 88-4 de la Constitution, d'une centaine de projets par an sur ces matières. Nous avons été amenés à soulever des difficultés d'ordre constitutionnel sur plusieurs d'entre eux. Ce fut le cas tout récemment pour le projet de modification de la convention instituant EUROPOL. Les initiatives annoncées par la Commission européenne concernant la procédure pénale laissent en outre présager de nouvelles difficultés.

Comment mettre en place l'« alerte précoce » dont nous avons besoin ? Sans doute faudrait-il, avant toute chose, faire mieux fonctionner les mécanismes existants.

D'ores et déjà, les négociateurs bénéficient d'une expertise juridique au SGCI comme à la représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne, mais cette expertise pourrait être améliorée grâce à une meilleure coordination et à une meilleure association avec le SGCI.

Le Conseil d'Etat peut quant à lui examiner les propositions transmises au titre de l'article 88-4 au regard de leur conformité à la Constitution, mais il ne le fait que très rarement, trop rarement devrais-je dire.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose de la faculté de saisir le Conseil d'Etat des projets de conventions internationales en cours d'élaboration. Dans ce cadre, le Conseil d'Etat s'interroge sur la compatibilité de l'engagement en cause avec la Constitution. Le Gouvernement a d'ailleurs usé de cette faculté lors de l'élaboration des conventions d'extradition au sein de l'Union européenne de 1995 et de 1996. C'est précisément à cette occasion que le Conseil d'Etat a dégagé le principe constitutionnel de l'interdiction d'extrader une personne pour une infraction politique !

Il faut donc systématiser le rôle du Conseil d'Etat, en particulier lorsqu'il s'agit de propositions touchant aux droits fondamentaux, comme c'est presque toujours le cas en matière de justice et d'affaires intérieures. Le Conseil d'Etat a d'ailleurs émis plusieurs fois le souhait d'être consulté le plus en amont possible en matière internationale et notamment européenne. Ainsi, dans son rapport public de 1999, il soulignait qu'« une telle préconsultation éviterait des difficultés et éclairerait le Gouvernement ».

Une consultation systématique du Conseil d'Etat eut permettrait d'éviter la multiplication des révisions constitutionnelles. Il est d'ailleurs remarquable que, dès que l'avis du Conseil d'Etat eut été rendu à propos du mandat d'arrêt européen, les représentants de la France à Bruxelles se soient empressés de s'en prévaloir pour exclure les infractions politiques du champ du projet d'accord sur la coopération judicaire et l'extradition entre l'Union européenne et les Etats-Unis.

Un avis du Conseil d'Etat donnerait aux négociateurs français un argument de poids lors de la discussion des projets communautaires. Le Gouvernement s'est ainsi prévalu avec succès auprès de ses partenaires de l'avis rendu en 1993 par le Conseil d'Etat sur la proposition de directive relative au traitement des données personnelles.

Enfin, un renforcement du contrôle préventif permettrait également de mieux identifier les difficultés juridiques soulevées par une proposition et, par conséquent, de faciliter ensuite la transposition des directives communautaires. Rappelons que notre pays figure au dernier rang du classement des Quinze en matière de transposition des directives et que le Gouvernement a fait de ce sujet l'une de ses priorités.

Dans cette perspective, il est indispensable que le Parlement soit étroitement associé à la démarche. Les assemblées doivent être tenues informées des difficultés d'ordre constitutionnel soulevées par une proposition communautaire, afin de ne pas être placées ensuite devant le fait accompli.

En particulier, les avis du Conseil d'Etat sur ce sujet devraient être systématiquement transmis par le Gouvernement aux délégations de l'Assemblée nationale et du Sénat, de manière qu'il puisse être procédé en toute connaissance de cause à l'examen des propositions d'acte communautaire au titre de l'article 88-4. A tout le moins, un extrait de quelques lignes pourrait nous être communiqué, à l'exemple de ce que fait très bien le SGCI dans d'autres domaines. Cela nous permettrait de faire le point, car lorsque la délégation que je préside a été saisie de l'accord relatif à EUROPOL, je me suis trouvé quelque peu pris de court, n'ayant pas eu connaissance des avis du Conseil d'Etat. Il est heureux, dans ces conditions, que des réseaux personnels permettent parfois d'obtenir un certain nombre d'indications !

Pour conclure, je résumerai mon sentiment en trois points : oui au mandat d'arrêt européen, qui facilitera l'extradition des criminels en Europe ; oui à cette révision constitutionnelle qui permet une avancée majeure vers la création d'un « espace de liberté, de sécurité et de justice » à l'échelon européen ; oui à un mécanisme d'« alerte précoce » s'agissant des problèmes constitutionnels posés par le droit communautaire dérivé, afin que la situation que nous connaissons aujourd'hui se renouvelle le moins souvent possible à l'avenir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire ; 52 minutes ;

Groupe socialiste ; 28 minutes ;

Groupe de l'Union centriste ; 13 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen ; 11 minutes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Patrice Gélard.

M. Patrice Gélard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'indiquerai tout d'abord que je n'utiliserai pas, loin de là, les cinquante-deux minutes qui me sont imparties, afin de ne pas vous épuiser ! (Sourires.)

Je voudrais féliciter notre excellent rapporteur, M. Pierre Fauchon, pour la qualité tout à fait remarquable de son travail, ainsi que notre ami Hubert Haenel, dont le rapport soulève des questions particulièrement importantes.

Nous ne pouvons naturellement que nous réjouir de la présentation au Sénat d'un projet de loi tendant à la mise en place d'un nouvel espace judiciaire européen grâce au mandat d'arrêt européen. Je tiens d'ailleurs à complimenter le Gouvernement pour la célérité avec laquelle il a agi. En effet, la décision-cadre a été adoptée le 13 juin 2002, le Conseil d'Etat a rendu son avis le 26 septembre 2002, et il était donc difficile, me semble-t-il, de nous soumettre plus tôt ce texte ; c'est là un très bon indice de la volonté du Gouvernement de faire en sorte que les dispositions européennes soient transposées le plus rapidement possible dans notre droit interne.

A cet égard, nos conceptions en matière de droit constitutionnel, deviennent progressivement totalement inadaptées en ce qui concerne la transposition du droit communautaire, et même du droit international. Nous vivons en effet sur des acquis du xixe siècle que nous n'avons pas su moderniser et adapter aux exigences de la construction européenne ou de la coopération internationale.

Malheureusement, je dois constater que la France est pratiquement le dernier Etat européen à rencontrer de telles difficultés, soit parce que des procédures de transposition des normes internationales différentes de la nôtre ont été mises en place par nos voisins, soit, plus souvent, parce que des constitutions récentes ont instauré des mécanismes extrêmement souples pour transposer les normes européennes dans le droit interne : je pense ici à la Constitution du Portugal, par exemple, qui prévoit une transposition automatique, mais aussi aux constitutions de la plupart des Etats candidats à l'entrée dans l'Union européenne, qui, en raison même des contraintes imposées par cette dernière, ont inscrit dans leur loi fondamentale les mécanismes permettant de transposer le droit communautaire dans leur droit interne.

Pour notre part, nous n'avons pas su le faire. Nous avons également une autre lacune sur laquelle je tiens à attirer l'attention du Sénat : la France est l'un des rares pays où le Parlement soit si peu associé à l'élaboration et à la transposition des normes européennes, en dépit du travail tout à fait considérable accompli par la délégation du Sénat pour l'Union européenne. Il faudrait aller plus loin, car les problèmes que nous rencontrons ne se posent pas dans la plupart des autres pays européens, qui ont mis en place des mécanismes en amont.

Nous assistons donc, comme l'ont souligné MM. Fauchon et Haenel, ainsi que M. le garde des sceaux, à la multiplication des révisions constitutionnelles, lesquelles ne sont pas comprises du grand public. Sur ce point, il faut reconnaître qu'elles sont difficiles à comprendre et peu pédagogiques. Si l'on persiste dans cette voie, l'article 88-2 de la Constitution comprendra quinze alinéas dans dix ans, à la suite de la transposition en droit interne de différents traités. Il convient donc d'adopter rapidement une disposition beaucoup plus générale, qui nous dispensera d'aller chaque fois à Versailles corriger « à la marge » la Constitution.

J'ajoute que je ne suis pas du tout convaincu de la nécessité de réviser la Constitution, et cela pour plusieurs raisons ; nous entrons là dans le débat de juristes dont parlait tout à l'heure M. Pierre Fauchon.

Tout d'abord, je me demande dans quelle mesure la révision constitutionnelle de 1999, qui visait à transposer les dispositions du traité d'Amsterdam dans notre Constitution, n'était pas suffisante en elle-même. Etait-il vraiment nécessaire de compléter la révision de l'article 88-2, deuxième alinéa, qui, en fin de compte, couvrait l'existence éventuelle d'actes dérivés, prévue par le traité d'Amsterdam ? Nous avions, par cet article, constitutionnalisé ce qui pouvait ne pas l'être.

Par ailleurs, je suis quelque peu gêné par le rôle nouveau dévolu au Conseil d'Etat en matière d'appréciation de la constitutionnalisation des normes européennes.

En effet, lorsque nous devons ratifier un traité, le Gouvernement et le Président de la République peuvent, comme ce fut le cas pour les traités d'Amsterdam, de Schengen et de Maastricht ou pour le traité relatif à la Cour pénale internationale, demander au Conseil constitutionnel d'indiquer si ce traité est ou non conforme à la Constitution. Dans ce cas, les choses sont claires. Ainsi, lors des précédentes révisions constitutionnelles, c'est bien le Conseil constitutionnel, et non le Conseil d'Etat, qui avait attiré notre attention sur les points de non-conformité à la Constitution.

Le Conseil d'Etat, quant à lui, est le conseiller juridique du Gouvernement, mais non pas celui du Parlement. Je me méfie donc tout de même d'une dérive qui amènerait le Conseil d'Etat à devenir progressivement le conseiller juridique à la fois du Parlement, du Gouvernement et, pourquoi pas ? d'autres organes. A mon sens, l'interprétation de la Constitution relève certes du Conseil d'Etat, mais aussi du Parlement lui-même : celui-ci est en droit d'interpréter le texte constitutionnel.

Or, précisément, l'avis du Conseil d'Etat fait apparaître un mécanisme nouveau, qui correspond à l'air du temps, qui est à la mode : je veux parler de l'application du principe de précaution constitutionnelle.

De crainte qu'une inconstitutionnalité ne se révèle un jour, on « ouvre le parapluie », comme on le fait dans d'autres domaines, en décidant que, pour éviter des ennuis ultérieurs, mieux vaut aller le plus loin possible.

Pour ma part, je ne suis pas persuadé que cette méthode soit la bonne en matière constitutionnelle, et je crois que nous pourrions envisager d'autres possibilités. Ce qui me gêne le plus, c'est que le Conseil d'Etat déclare, par l'avis qu'il a rendu, mais sans absolue certitude, que la Constitution doit être révisée en considération d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République, principe qu'il n'est cependant pas en mesure de citer précisément.

D'ailleurs, énoncer les principes fondamentaux reconnus par la République ne relève pas, à mon sens, des compétences du Conseil d'Etat. Seul le Conseil constitutionnel peut le faire, et si le Conseil d'Etat peut suivre celui-ci, j'observe que, en l'espèce, le Conseil constitutionnel n'a « inventé » aucun principe fondamental reconnu par les lois de la République...

Cette dérive me paraît quelque peu inquiétante, car le Conseil d'Etat pourrait, dans l'avenir, se référer à des « principes fondamentaux » sans que le Conseil constitutionnel ait préalablement statué sur ces derniers. Le Conseil d'Etat ne deviendra-t-il pas alors progressivement non seulement un donneur d'avis, ce qui est bien son rôle, mais aussi un interprète de la Constitution dans un domaine qui n'est pas le sien ? Je m'interroge à ce sujet et je ne suis pas certain que la démonstration du Conseil d'Etat, qui est bien sûr utile au Gouvernement, lequel fait ce qu'il veut dans cette affaire en nous présentant ce projet de loi, soit convaincante.

J'en reviens maintenant au principe de précaution que M. Hubert Haenel souhaitait tout à l'heure voir mettre en oeuvre dans un proche avenir. Il est vrai que nous sommes complètement désarmés, du point de vue constitutionnel, devant les dérives que pourraient engendrer les actes communautaires dérivés au regard de notre compétence et de nos règles constitutionnelles.

J'hésite néanmoins à suivre les propositions qui ont été formulées par les précédents orateurs. Je crois que nous devons faire preuve d'imagination constitutionnelle, afin de repenser le droit constitutionnel au regard des relations internationales. Or, en la matière, nous ne sommes pas modernes, nous devons donc absolument trouver des méthodes nouvelles permettant de faire face aux difficultés. Je n'ai pas de recettes à fournir dans l'immédiat, mais les propositions émises par Pierre Fauchon ou Hubert Haenel, si elles sont intéressantes, me semblent imparfaites. Il faudra donc ouvrir une autre voie, pour éviter, à l'avenir, les problèmes que nous connaissons aujourd'hui.

Je m'en tiendrai à ces remarques de juriste. Il est nécessaire d'approuver cette révision constitutionnelle pour suivre le Gouvernement dans sa logique, sous-tendue par le principe de précaution constitutionnelle : après tout, le plus important est que l'espace judiciaire européen se mette en place. Par conséquent, le groupe de l'UMP suivra l'avis de M. le rapporteur et votera à l'unanimité le texte qui nous est soumis. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. José Balarello. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Amoudry.

M. Jean-Paul Amoudry. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, selon l'avis rendu par le Conseil d'Etat, la transposition de la décision-cadre du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen impose une révision de la Constitution.

Le Gouvernement a donc engagé cette réforme de la Constitution afin d'éviter tout risque d'inconstitutionnalité lors de la transposition en droit français de cette décision-cadre.

La situation paraît sans précédent. En effet, lors des trois premières révisions de la Constitution pour mise en conformité avec le droit européen, il s'agissait de permettre la ratification de traités communautaires fondateurs, ceux de Maastricht et d'Amsterdam, ainsi que des accords de Schengen.

Si le Conseil constitutionnel, en vertu de l'article 54 de la Constitution, est fondé à contrôler la constitutionnalité des traités ou accords avant leur ratification ou approbation, ce même article ne peut servir de fondement à un contrôle de constitutionnalité des actes dérivés.

Seul le Conseil d'Etat, au regard de son rôle de conseiller juridique du Gouvernement, peut vérifier a priori la constitutionnalité d'une norme ou d'un acte en préparation. En l'espèce, le Conseil d'Etat a été saisi de la conformité à la Constitution de la décision-cadre et a conclu à la nécessité d'une révision de la Constitution.

Cette nouveauté soulève la question des rapports entre le droit constitutionnel et le droit communautaire dérivé. Si le droit communautaire dérivé est d'application directe et jouit, en théorie, d'une « immunité constitutionnelle », on peut s'interroger sur l'accroissement des risques de « confrontation » entre la Constitution et les actes dérivés, d'autant que les matières concernées par la communautarisation du troisième pilier, c'est-à-dire les questions de justice et d'affaires intérieures, relèvent des compétences régaliennes de l'Etat.

A différentes reprises, certains de nos collègues ont souhaité introduire dans la Constitution un article prévoyant expressément un contrôle préventif de constitutionnalité, par le Conseil constitutionnel, des projets d'acte communautaire.

Ainsi, en 1992, lors de l'examen du projet de loi autorisant la ratification du traité de Maastricht, un amendement d'initiative sénatoriale visant à soumettre les propositions d'acte communautaire au Conseil constitutionnel avant leur adoption avait été présenté.

En 1998, par ailleurs, MM de Rohan, Barnier et Gélard déposèrent, lors de l'examen du projet de loi constitutionnelle autorisant la ratification du traité d'Amsterdam, un amendement tendant à permettre au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la conformité à la Constitution des projets ou propositions d'acte communautaire.

Toutefois, ces solutions risquent de paralyser le processus décisionnel de l'Union européenne et de bloquer les efforts d'harmonisation des législations. Ne faut-il donc pas prévoir d'autres mécanismes de contrôle, comme le propose M. le rapporteur ? Ainsi, il serait possible d'informer davantage le Parlement en confiant au Conseil d'Etat la tâche de vérifier la conformité à la Constitution des actes dérivés au stade de la consultation préalable des instances gouvernementales et parlementaires nationales dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution, comme vient de le suggérer M. Fauchon.

Cela mérite réflexion, d'autant que, je le signalais à l'instant, un certain nombre de normes futures concerneront des domaines touchant aux pouvoirs régaliens de l'Etat et seront donc susceptibles de se heurter à des principes de valeur constitutionnelle.

Sous cette réserve, je tiens à saluer, au nom du groupe de l'Union centriste, cette avancée remarquable de la coopération judiciaire. Il s'agit de la première application concrète de la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires, et nous ne pouvons qu'approuver ce nouvel instrument de coopération.

Le Sénat, dès 1997, s'était prononcé en faveur d'une unification des règles de droit et d'organisation judiciaire en matière de criminalité transfrontalière. Autre exemple de l'attachement du Sénat à la constitution d'un véritable espace judiciaire européen : en décembre 2001, par le vote d'une résolution, la Haute Assemblée avait souhaité l'application la plus large possible du mandat d'arrêt européen, dont la création était alors débattue par le Conseil de l'Union européenne.

L'Union européenne n'est pas uniquement un marché ; elle est également, et avant tout, un espace où les femmes et les hommes sont destinés à vivre un peu plus ensemble chaque jour.

Sous réserve de son examen détaillé, cette décision apparaît donc comme une véritable innovation, qui permettra de faciliter la coopération entre nos services de police et de justice. Cela ouvre des perspectives d'autant plus intéressantes que les relations de coopération déjà nouées, dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, entre plusieurs Etats membres ont révélé à différentes reprises leur efficacité.

Cette entente policière sur le terrain porte ses fruits, mais exige la mise en place d'un dispositif spécifique pour être pleinement efficace. Aussi la substitution du mandat d'arrêt européen aux procédures nationales d'extradition constitue-t-elle une avancée remarquable. Tout doit être mis en oeuvre pour que ne se renouvellent pas les exemples récents de lenteur, voire de blocage, dans les procédures d'extradition de criminels.

Européens convaincus, les membres du groupe de l'Union centriste ne peuvent qu'approuver ce projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui. Il reste à transposer dans les plus brefs délais la décision-cadre, ne prenons pas de retard, soyons un exemple pour nos voisins européens. Offrons à nos concitoyens les chances d'une grande Europe, certes judiciaire, mais également politique, particulièrement en ce jour où nous célébrons le quarantième anniversaire du traité de l'Elysée. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. Pierre Fauchon, rapporteur. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter.

M. Robert Badinter. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, j'ajouterai une rose à la couronne qui, aujourd'hui, orne le front de notre excellent rapporteur M. Fauchon : nous sommes d'accord avec lui et, comme cela n'est pas toujours le cas, je tiens à le souligner.

M. Pierre Fauchon, rapporteur. J'attends les épines !

M. Robert Badinter. Comme lui, je note la nécessité de prendre en compte des mécanismes de contrôle préventif s'agissant de la compatibilité entre le droit communautaire dérivé et les droits fondamentaux. Je ne reprendrai pas les arguments car mon collègue M. Patrice Gélard les a longuement développés. A ce stade, la meilleure solution me semble être la généralisation de l'examen par le Conseil d'Etat de la constitutionnalité des projets et des propositions d'actes communautaires qui sont soumis à la procédure de l'article 88-4 de la Constitution.

Je ne crois pas à l'exercice d'un tel contrôle par le Conseil constitutionnel. Celui-ci n'a pas vocation à se prononcer sur des textes provisoires et, surtout, il n'est pas le conseil du Gouvernement, il est le juge de la loi. Ne modifions pas sa mission ; il doit déjà pleinement assumer celle-ci. En revanche, le Conseil d'Etat, dont c'est la vocation naturelle, exerce déjà cette compétence auprès du Gouvernement en matière de négociations internationales. Vive la « veille » constitutionnelle, qui permettrait d'alerter le Gouvernement et le Parlement sur d'éventuelles incompatibilités entre une norme de droit dérivé en préparation et notre bloc de constitutionnalité ! Ensuite, lors des négociations européennes, il appartient à nos représentants d'utiliser au mieux cet avis. En l'état actuel, c'est effectivement la meilleure des solutions.

D'ailleurs, le problème va devenir presque théorique. En effet, la prochaine Constitution européenne - et c'est au moins un point dont nous sommes sûrs - intégrera telle quelle la charte des droits fondamentaux, et par conséquent avec une valeur juridique contraignante. Aussi, un contrôle s'exercera, au sein du dispositif prévu par la Constitution européenne, sur les actes communautaires. Je n'entrerai pas dans la question des mécanismes d'alerte. La saisine éventuelle par un Parlement, voire par une chambre, de la Cour de justice est l'une des questions les plus complexes et sur laquelle il y aurait beaucoup à dire. Les éventuelles contrariétés avec notre Constitution, dès l'instant où la charte des droits fondamentaux sera introduite dans la Constitution et aura donc une valeur normative, se limiteront aux hypothèses dans lesquelles le droit français assurerait une protection plus exigeante des droits fondamentaux. Rien ne doit être exclu dans ce domaine.

Toutefois, à ce stade, il me semble prématuré d'introduire dans notre Constitution une clause d'immunité. Nous sommes presque à la veille d'une Constitution européenne. La procédure de ratification de celle-ci nécessitera une révision extrêmement complexe de notre Constitution. Nous serons donc amenés à examiner aussi cette question. D'ici là, il faut en rester à la veille constitutionnelle exercée par le Conseil d'Etat pour le meilleur secours de nos représentants.

Nous aurons l'occasion d'aborder de nouveau le fond du problème soulevé par la mise en oeuvre du mandat d'arrêt européen sur le territoire français, conformément à la décision-cadre du 13 juin 2002. Il s'agit d'une étape dans un processus continu mais trop lent. Au sein de la délégation pour l'Union européenne, nous sommes très préoccupés par le tour que prennent les choses.

On a connu une période d'efforts depuis les traités de Maastricht et d'Amsterdam, et le programme en particulier issu du sommet de Tampere en octobre 1999 qui déclinait les principales orientations de l'espace de liberté, de sécurité et de justice, à savoir le rapprochement des législations pénales, le développement de la coopération policière et judiciaire, notamment la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires.

Les travaux de la Commission ont abouti à la rédaction de deux projets de décision-cadre sur le terrorisme et le mandat d'arrêt européen. La réaction européenne aux terribles attentats du 11 septembre a indiscutablement permis d'accélérer les négociations. L'adoption définitive de la décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen est intervenue le 13 juin 2002. Mais il ne faudrait pas que ces progrès marquent l'apogée de l'espace commun de liberté, de sécurité et de justice. Le président M. Haenel et moi-même sommes très préoccupés. En effet, les travaux de la Convention ne doivent pas aboutir à une simple collaboration judiciaire renforcée. Ce n'est pas à propos de la présente décision-cadre que ce problème doit être traité, mais je le soulève car vous devez en être conscients.

Il faut aller plus loin et, comme l'a indiqué M. Fauchon, procéder à une réelle communautarisation de la répression des crimes, qui, eux, se jouent complètement des frontières. C'est une préoccupation majeure. Il ne sert à rien, et c'est terrible à dire, de traiter tant d'effets secondaires des crimes organisés, qui constituent eux-mêmes des délits, si nous ne sommes pas capables de frapper efficacement à la source.

Nous voyons les passions se lever à propos du racolage actif et du racolage passif. Mais le vrai problème, c'est le proxénétisme organisé, cette « traite » à travers l'Europe.

M. René Garrec, président de la commission des lois. Effectivement !

M. Robert Badinter. C'est cela qui interpelle, qui nous prend à la gorge, allais-je dire. C'est là où il faut porter le fer. Et tant que l'on n'aura pas donné à cette lutte une dimension européenne, notre action ne sera, hélas ! qu'inanité. Je suis obligé de dire qu'au stade où nous en sommes s'agissant des travaux de la Convention, les choses avancent peu. Le rapport n° 10 du groupe de travail intitulé Liberté, égalité et justice, que vous avez peut-être lu, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, est franchement timide.

M. Pierre Fauchon, rapporteur. Il est pitoyable !

M. Robert Badinter. On a pu dégager un accord sur la suppression de la structure des piliers ; personne ne les regrettera. Cela ne signifie pas que des procédures différentes ne seront pas mises en place, mais les piliers disparaîtront. Des progrès existent. Je pense à l'acceptation de majorités qualifiées. Mais le texte soumis à la Convention par le groupe de travail reste extraordinairement peu ambitieux, notamment en ce qui concerne les procédures opérationnelles.

La notion de coordination renforcée de collaboration opérationnelle au niveau de l'Union l'emporte. Cela ne va pas. Nous avons montré une grande ambition avec et la création du mandat d'arrêt européen et la création d'Eurojust. Ensuite, les choses, hélas ! ne vont ni assez loin, ni assez vite.

Je souhaite que Europol et Eurojust, dont on va redéfinir la base légale, voient leurs compétences élargies. Il faudra reparler de la question du fonctionnement de la règle de l'unanimité.

Compte tenu de l'opposition qu'elle suscite, la création d'un procureur ou d'un parquet européen, organe indépendant, qui enquête et déclenche l'action publique dans les Etats membres, ne se présente pas sous les meilleurs auspices. Le groupe de travail n'a pas pu en faire une proposition phare de son rapport. Les Britanniques, les Irlandais et certains pays du nord de l'Europe contestent l'opportunité même d'un tel organe de l'Union.

Heureusement, ce n'est pas le cas de tous les Etats membres. Les compétences d'Eurojust ne doivent pas nous priver d'un parquet européen.

En ce qui concerne le mandat d'arrêt européen, nous y reviendrons, monsieur le garde des sceaux, lorsque vous nous présenterez le projet de loi de transposition. S'agissant de la révision constitutionnelle, le texte résultant des travaux de l'Assemblée nationale paraît préférable à la rédaction du projet de loi initial. Par conséquent, le texte qui nous est soumis aujourd'hui doit emporter l'adhésion. Pour sa part, le groupe socialiste le votera. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo.

Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous devons nous prononcer sur un projet de loi constitutionnelle visant à introduire dans la Constitution le mandat d'arrêt européen.

Ce n'est pas la première fois que nous abordons la question du mandat d'arrêt européen. Lors de la discussion précédente, mon groupe s'était opposé à la création de ce mandat. Aujourd'hui, les orateurs qui m'ont précédée ont largement évoqué les problèmes posés par la transposition des actes européens, en particulier des actes de droit dérivé.

Pour ma part, je regrette que le Parlement ne soit pas mieux associé aux décisions européennes. En l'occurrence, je regrette que, avec le mandat d'arrêt européen, la France accepte des dispositions qui contreviennent à nos principes constitutionnels actuels. J'évoquerai le fond.

Ce mandat d'arrêt européen est une disposition lourde de sens puisqu'elle sort l'extradition du champ politique par le transfert au champ judiciaire.

S'agissant des objectifs visés par cette disposition, il va sans dire que les méthodes de la grande criminalité - et du terrorisme, qui est une forme de grande criminalité -, devenue largement transfrontalière, nous obligent à nous doter de moyens adaptés, et donc harmonisés à l'échelon européen, afin de lutter efficacement contre ce phénomène.

Nous ne pouvons pas non plus fermer les yeux sur les difficultés rencontrées par les Etats membres lorsqu'il s'agit d'extrader une personne. Je pense à Rachid Ramda, qui est en Grande-Bretagne depuis maintenant sept ans, ou encore à Patrick Henry, ces deux personnes utilisant toutes les subtilités de la procédure d'extradition actuelle pour retarder leur retour en France.

Le traité d'Amsterdam prévoit la construction d'un espace de liberté, de sécurité et de justice. Cet objectif, louable, qui permettrait de s'attaquer à une grande criminalité de plus en plus mobile et profitant de l'ouverture des frontières, pourrait être atteint de deux manières : en procédant à l'harmonisation progressive des législations pénales des Etats membres ou en organisant la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires. Lors du Conseil européen de Tampere, en octobre 1999, il a été décidé de privilégier la seconde option.

Par conséquent, au lieu de travailler à une unification des codes pénaux et des procédures pénales des Etats membres, oeuvre effectivement difficile - M. Robert Badinter vient de le confirmer - mais indispensable, en tout cas pour les citoyens européens, la voie empruntée aboutit à la mise en place d'un espace judiciaire alors que subsistent des disparités entre les législations.

Le mandat d'arrêt européen s'inscrit dans cette démarche puisqu'il participe du principe de reconnaissance mutuelle des décisions de justice, alors qu'il n'existe pas d'harmonisation des systèmes pénaux en Europe. Il a été décidé en toute hâte, l'Union européenne ayant voulu, ce qui est légitime, réagir immédiatement - encore faut-il savoir comment - aux attentats du 11 septembre 2001.

Nous sommes, bien entendu, favorables à une plus grande efficacité dans la lutte contre la grande criminalité et le terrorisme...

M. Jean Bizet. Ah !

Mme Nicole Borvo. ... et nous soutenons tout ce qui va dans ce sens, mais uniquement ce qui va dans ce sens. Or nous ne pouvons dissocier le mandat d'arrêt européen de la décision-cadre relative à la lutte contre le terrorisme, dont la définition est si vaste et imprécise qu'elle pourrait, par exemple, inclure les luttes syndicales.

En effet, ce nouveau dispositif qui permettrait l'extradition de personnes recherchées dans l'Union européenne n'est pas une petite réforme : le mandat d'arrêt va profondément modifier la procédure d'extradition.

Le mandat d'arrêt vise tant des infractions lourdes que des infractions mineures et, dans tous les cas, les droits des personnes seront moins protégés qu'avec la procédure actuelle.

En effet, une personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt, matérialisé par un formulaire unique pour tous les Etats membres, pourra être remise à l'Etat d'émission du mandat si elle est poursuivie pour une infraction passible d'une peine d'au moins un an d'emprisonnement ou si elle est condamnée à une mesure privative de liberté ou à une peine d'emprisonnement ferme d'au moins quatre mois. Pour ces infractions, le principe de double incrimination subsiste, l'infraction devra être reconnue comme telle dans l'Etat d'émission comme dans l'Etat d'exécution.

En revanche, la décision-cadre du 13 juin 2002 prévoit une liste de trente-deux infractions graves, pour lesquelles le principe de double incrimination a été écarté. Il s'agit notamment du terrorisme, du trafic d'armes, du trafic de drogue, de la traite d'êtres humains, du blanchiment. Or le caractère générique de ces infractions soulève des interrogations au regard du principe de la légalité des peines et de l'égalité entre les justiciables européens.

Mais, surtout, le mandat d'arrêt européen a pour objet de supprimer le mécanisme traditionnel de l'extradition dans sa dimension politique et intergouvernementale, puisqu'il représente une application du principe de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires au sein de l'Union européenne, principe issu du Conseil européen de Tampere.

Dans une procédure traditionnelle d'extradition, c'est au pouvoir politique que revient la décision de procéder à une extradition ou de la refuser. Le mandat d'arrêt devient une procédure exclusivement judiciaire, en supprimant la phase administrative et politique, ainsi que le contrôle exercé par les juridictions administratives.

Mais le contrôle des juridictions administratives n'est pas le seul contrôle à être supprimé : les juridictions voient également leur contrôle en grande partie réduit.

En effet, lors d'une procédure d'extradition classique, le contrôle judiciaire porte sur la matérialité des faits et la légalité de la demande. Dans le cadre du mandat d'arrêt, ce contrôle ne portera plus que sur la régularité formelle du document.

Ainsi, la procédure du mandat d'arrêt, en permettant la remise quasi automatique d'une personne recherchée, dans des délais beaucoup plus courts, entraîne également une réduction des procédures de vérification conduites jusqu'à présent par les juridictions judiciaires.

Le mandat d'arrêt ne doit pas se transformer en un instrument uniquement répressif, pouvant conduire à des dérapages de la part des autorités chargées de l'arrestation de la personne poursuivie, étant donné le minimum de contrôles prévus par la décision-cadre.

Nous pouvons craindre que cette procédure, plus rapide qu'une procédure traditionnelle d'extradition, ne soit l'occasion d'abus de pouvoir à l'encontre de la personne poursuivie, tant dans la mise en oeuvre du mandat - arrestation, notification du mandat et détention provisoire - que dans son exécution - remise de la personne à l'autorité judiciaire d'émission.

D'autant plus que si la personne poursuivie a bien le droit, selon l'article 11 de la décision-cadre du 13 juin 2002, à un conseil et à un interprète, rien n'indique que leur présence est obligatoire dès le début de la procédure.

Enfin, certains droits, comme le droit au recours contre la décision d'exécution du mandat, sont éludés de la décision-cadre par renvoi aux droits nationaux.

Le mandat d'arrêt européen repose sur un principe de confiance mutuelle entre les Etats membres. Il est donc supposé que chacun de ces Etats, à travers sa législation pénale, respecte la démocratie et l'Etat de droit, ce qui est une exigence que nous sommes en droit d'attendre.

Malheureusement, nos craintes se trouvent justifiées par des faits bien réels : n'est-il pas exact que les manifestants de Gênes lors du sommet du G8 risquent d'être incriminés en Italie pour terrorisme ?

En outre, la procédure de mandat d'arrêt ne pourra être suspendue qu'« en cas de violation grave et répétée par les Etats membres des droits fondamentaux ».

Le fait que les garanties au regard des droits des personnes poursuivies sont insuffisantes nous interpelle d'autant plus que la remise d'une personne sera possible pour des infractions d'une gravité moindre. On risque alors de voir des demandes de mandat d'arrêt émises pour des infractions minimes, telles que le vol simple, les dégradations volontaires, les outrages à agents en réunion, sans que les contrôles judiciaires soient étendus et sans que les disparités entre les systèmes de droit pénal de chaque Etat membre soient supprimées au profit d'un droit pénal européen.

Il suffira d'être soupçonné d'avoir commis un crime puni d'au moins un an d'emprisonnement pour faire l'objet d'un mandat d'arrêt européen. Ce sont pratiquement toutes les infractions du code pénal français qui sont ainsi concernées par cette nouvelle procédure, de l'usage de cannabis à l'assassinat, en passant par le séjour irrégulier des étrangers.

Cette question du seuil de peine encourue s'est d'ailleurs posée dès l'instauration, en 1957, d'un droit européen de l'extradition. La convention de 1957 avait admis le principe de la possibilité de l'extradition pour les faits punis d'une peine privative de liberté d'au moins un an. La France avait alors émis une réserve visant à porter à deux ans, conformément à la loi du 10 mars 1927 relative à l'extradition des étrangers, le seuil de peine encourue à partir duquel elle accepte l'extradition.

Cette question est liée immanquablement aujourd'hui à la question des garanties apportées à la personne poursuivie tout au long de la procédure du mandat d'arrêt, mais également à celle de l'unification des législations et des procédures pénales.

Or, le mandat d'arrêt n'induit pas l'unification nécessaire à une lutte efficace contre la grande criminalité. Il permet au contraire la coexistence de profondes disparités entre les Etats membres et justifie ainsi l'utilisation, dans chaque pays membre de l'Union, de procédures exceptionnelles.

La suppression de la procédure traditionnelle d'extradition et son remplacement par la procédure du mandat d'arrêt européen, qui a été adoptée dans la précipitation, sans légitimité démocratique, vont faire exploser les boucliers de protection des libertés individuelles que sont encore, en matière d'extradition, la procédure contradictoire, l'audience collégiale et les voies de recours.

Le mandat d'arrêt européen, en toute logique, devrait suivre et non précéder la construction d'un droit pénal européen unifiant les incriminations et les institutions judiciaires européennes. Des propositions - à ce sujet, j'ai bien entendu M. Badinter disant que cela n'avançait pas très vite - existent dans ce sens. Je pense en particulier aux propositions franco-allemandes pour la construction européenne.

Certes, certains pays s'y opposent, mais l'existence du mandat d'arrêt européen ne les incitera pas à aller de l'avant dans cette voie.

J'ajouterai que les nécessaires mesures communes pour lutter contre le financement du terrorisme doivent être accélérées : la transparence des transactions, la levée du secret bancaire, etc.

Vous comprendez donc aisément, mes chers collègues, que nous votions contre ce projet de loi constitutionnelle qui vise à introduire le mandat d'arrêt européen dans la Constitution. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je voudrais remercier l'ensemble des orateurs qui ont permis d'éclairer notre débat non pas sur la pertinence du mandat d'arrêt européen - nous aurons l'occasion d'en reparler lorsque la transposition vous sera proposée, et le Conseil européen a pris, me semble-t-il, une bonne décision -, mais sur les mécanismes de vérification de la constitutionnalité des actes dérivés. Il ressort des différentes interventions une position - c'est d'ailleurs celle du Gouvernement -, à savoir qu'il faut affirmer de façon très claire plusieurs points.

Tout d'abord, comme l'a suggéré M. Badinter, nous ne devons pas faire évoluer nos institutions en donnant au Conseil constitutionnel un rôle qui ne doit pas être le sien. Le Conseil constitutionnel, structure relativement légère, doit avoir à statuer - je parle sous votre contrôle, monsieur le président Badinter - sur un petit nombre de textes, alors que le Conseil d'Etat peut tout à fait examiner des textes en plus grand nombre et voit, à travers les actes dérivés des traités internationaux, un élargissement de son travail de conseil juridique.

Par ailleurs, en réponse aux propos de M. le rapporteur et des autres orateurs, je voudrais dire que le Premier ministre a effectivement l'intention de signer une nouvelle circulaire à la suite de celle de décembre 1999 relative à l'application de l'article 88-4 de la Constitution, et ce en vue d'une information tout à fait satisfaisante du Gouvernement et du Parlement.

Je souhaite également répondre à l'invitation que M. Hubert Haenel m'a adressée : je serai tout à fait heureux de venir devant les membres de la délégation pour l'Union européenne et de répondre à leurs questions. Ce sera, je crois, l'occasion de réfléchir ensemble - M. Robert Badinter l'a également suggéré - sur les initiatives, les idées et la dynamique que nous devons insuffler à l'action européenne dans les domaines de la justice et de l'intérieur.

J'ai personnellement la conviction que, pour ce qui concerne la construction européenne, les années à venir seront celles du pouvoir régalien, c'est-à-dire celles des questions de justice et des affaires intérieures.

Il s'agit de sujets clés concernant l'évolution de nos sociétés au sein de l'Europe. C'est sur ces sujets que l'Europe apportera ou non des réponses. C'est sur ces sujets que nous réussirons, dans les dix ans à venir, à poursuivre la construction européenne ; au contraire, si nous sommes paralysés par les difficultés que ces domaines d'activité soulèvent à ce moment-là, la construction européenne se heurtera à de réels obstacles, car c'est sur ces sujets-là que nos concitoyens européens attendent de notre part des réponses.

Voilà les quelques réflexions que je souhaitais vous proposer ; je ne veux pas prolonger le débat d'une manière excessive. Cette légère révision constitutionnelle permettra d'introduire dans le droit français ce mandat d'arrêt européen. C'est une nécessité : il faut vraiment - nous aurons l'occasion d'en débattre au moment du texte sur la transposition - faire en sorte que le pouvoir politique et administratif se retire de la procédure d'extradition. La disparition des Etats européens de cette procédure ne me paraît pas constituer un danger dans la mesure où nous avons la conviction qu'ils peuvent se faire confiance entre eux. C'est évidemment le principe de base de ce projet de loi constitutionnelle.

Telles sont, monsieur le président, les différentes précisions que je souhaitais apporter à la fois à M. le rapporteur et aux différents orateurs (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle  relatif au mandat d'arrêt européen
Explications de vote sur l'ensemble (début)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l'article unique.

« Article unique. - L'article 88-2 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La loi fixe les règles relatives au mandat d'arrêt européen en application des actes pris sur le fondement du traité sur l'Union européenne. »

L'amendement n° 1, présenté par MM. Darniche, Dulait, de Villepin et Moinard, Mme Brisepierre, MM. Gournac et Hérisson et Mme G. Gautier, est ainsi libellé :

« Compléter le texte proposé par cet article pour compléter l'article 88-2 de la Constitution par une phrase ainsi rédigée : "Elle détermine les conditions dans lesquelles un mandat d'arrêt européen peut être émis en cas de soustraction par un ascendant d'un enfant mineur des mains de ceux qui exercent l'autorité parentale, ou auquel il a été confié, ou chez qui est fixée sa résidence habituelle." »

La parole est à M. Philippe Darniche.

M. Philippe Darniche. En guise de préambule à la présentation de cet amendement, je tiens à dire combien je suis favorable au projet de loi constitutionnelle concernant le mandat d'arrêt européen que le Gouvernement nous soumet aujourd'hui.

Je voudrais néanmoins, avec cet amendement, mettre l'accent sur un problème qui nous concerne tous, sénateurs et députés celui des enlèvements d'enfants. Cet amendement a d'ailleurs été cosigné, comme vous avez pu le constater, monsieur le garde des sceaux, par d'éminents collègues, que je tiens du reste à remercier. Il tend à compléter l'article unique du projet de loi constitutionnelle relatif au mandat d'arrêt par une phrase simple mais explicite.

Il vise à ajouter à titre préventif l'incrimination d'enlèvement parental d'enfant à la liste non exhaustive des trente-deux infractions établies dans le cadre du mandat d'arrêt européen. Sur ce sujet, vous pourrez constater que les faits parlent d'eux-mêmes.

Conséquence logique de la multiplication des migrations faisant suite aux accords de Schengen de 1993, les mariages mixtes se développent, mais les divorces aussi, hélas ! Lorsque tout se déroule bien, les pouvoirs publics n'en entendent jamais parler. En revanche, lorsque tout se dérègle, le drame familial surgit, et ce sont surtout les enfants qui pâtissent durablement de ce type de conflit parental.

En effet, lésés ou simplement meurtris, certains couples binationaux intra-européens, parfois même issus de pays tiers, voire tout simplement franco-français, commettent l'irréparable lors de leur séparation ou de leur divorce. L'un des parents enlève alors ses enfants à son ex-conjoint et s'enfuit du jour au lendemain à l'étranger. Cela ne peut plus durer !

Depuis cinq ans, les dossiers de « rapts parentaux d'enfants » sont en augmentation constante et « près d'un millier d'enfants sont déplacés par an à l'étranger et retenus illégalement hors du territoire de la République. » Tournant trop fréquemment au drame, ces affaires passionnelles connues des autorités françaises, du ministère de la justice, du ministère des affaires étrangères, mais aussi de nous tous, doivent cesser pour qu'enfin ces malheureux enfants otages - qui ont la chance d'avoir leurs parents - ne soient plus pénalisés en grandissant loin de leur mère ou de leur père, dans un sentiment d'angoisse permanente et d'inutile abandon.

Monsieur le garde des sceaux, ne nous leurrons pas, l'Union européenne est actuellement dépourvue d'un droit familial commun et il n'existe à ce jour aucune instance européenne permettant de résoudre efficacement ce problème douloureux.

Soyons réalistes : que les adultes circulent librement dans un espace économique sans frontières est une chose, que les enfants disparaissent sans laisser d'adresse, au détriment de leur propre équilibre affectif, en est une autre...

C'est pourquoi, tant de manière préventive qu'en matière de protection de l'enfance et de sanction parentale, il revient au législateur de réaffirmer que la « coresponsabilité parentale » s'impose à chacun des adultes à l'égard de leurs enfants et de s'employer à trouver ensemble une série d'outils juridiques nécessaires à la prévention du risque de déplacement illicite parental d'enfant vers l'étranger et des moyens appropriés de contrôle pour endiguer durablement cet inquiétant phénomène de société.

J'ajouterai, sans vouloir jouer les Cassandre, que l'intégration prochaine de nouveaux pays candidats à l'Union européenne risque, à n'en pas douter, d'augmenter ce chiffre inquiétant et intolérable. Que ferons-nous lorsqu'il sera trop tard ?

C'est donc fort logiquement qu'aux côtés d'incriminations lourdes telles que la cybercriminalité, la fraude, le blanchiment d'argent, la corruption, la traite des êtres humains, l'homicide, le racisme ou le terrorisme, qui justifient la mise en place du mandat d'arrêt européen, il me paraît nécessaire et judicieux de faire figurer la soustraction parentale d'enfant, afin de permettre sa prévention, mais surtout de favoriser le retour rapide des enfants disparus par une activation efficace et sans faille du mandat d'arrêt européen.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Fauchon, rapporteur. La commission a été attentive et très sensible aux motivations des auteurs de cet amendement. C'est bien évidemment sur ces dernières qu'a porté sa réflexion.

Nous n'ignorons pas qu'il y a un grave problème humain qui va naturellement aller en se multipliant et en s'aggravant sans cesse. S'il est souhaitable qu'il y ait de plus en plus de couples mixtes, il est indéniable que ces situations font naître des problèmes du type de ceux auxquels M. Darniche a fait allusion.

L'Union européenne n'est pas inerte à cet égard. En 2000, le Conseil de l'Union européenne a adopté un règlement, dénommé « Bruxelles 2 », relatif à la compétence, à la reconnaissance et à l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité des enfants communs. Il prévoit la reconnaissance mutuelle de certaines décisions rendues à l'occasion d'un divorce ou d'une séparation.

Cela étant, il est vrai que le champ d'application de ce règlement est limité et qu'aucune décision concrète d'un Etat membre ne peut être exécutée dans un autre sans exequatur préalable. Et, dans ces cas-là, l'obtention d'exequatur me semble exclue.

L'année dernière, la Commission européenne a adopté une nouvelle proposition de règlement, relative à la compétence, à la reconnaissance, à l'exécution des décisions en matière matrimoniale et de responsabilité pénale. Cette proposition de règlement est en cours de négociation au sein du Conseil de l'Union européenne. Il semble que les discussions entre les services compétents à Bruxelles aient progressé dans la recherche de solutions pour permettre le retour de l'enfant en cas d'enlèvement par un parent dans un autre Etat membre. Je souhaite en tout cas que notre débat de ce jour soit une stimulation pour faire avancer ce dossier. Mais je sais que le Gouvernement est attentif de longue date à la gravité de ces questions.

Cela étant, les auteurs de l'amendement n° 1 savent aussi bien que moi qu'il ne peut pas être traité au fond à l'occasion de l'examen d'un projet de loi constitutionnelle puisqu'il tend, en réalité, à ajouter des dispositions nouvelles à la décision-cadre. Il ne pourrait donc être examiné normalement que lors de l'examen de la décision-cadre ; mais j'ajoute que l'on ne peut pas modifier la décision-cadre : on ne peut que prendre des textes qui lui sont conformes.

Dès lors, l'objet au demeurant parfaitement louable de votre amendement, monsieur Darniche, à savoir l'ajout d'un cas supplémentaire à la liste des trente-deux infractions ne nécessitant pas de double incrimination, ne me paraît pas réalisable dans le contexte actuel ; mais M. le ministre vous le dira mieux que moi.

Nous sommes bien sûr très sensibles à la gravité de ce problème, qu'il ne faut pas manquer une occasion de rappeler, ainsi que vous le faites. Mais c'est justement pour éviter que le Sénat n'ait à voter contre une telle disposition qu'il serait à mon avis raisonnable, compte tenu des explications que M. le ministre vous donnera dans quelques instants, de retirer cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je ne répéterai pas les propos que vient de tenir M. le rapporteur sur l'aspect juridique et la difficulté de prendre une position sur une telle disposition à l'occasion de la révision constitutionnelle. Pour ma part, monsieur Darniche, je souhaite vous répondre davantage sur le fond de votre inquiétude et de vos préoccupations.

Tout d'abord, vous avez raison de souligner la gravité de la situation actuelle. Depuis des années, les différents gouvernements, tant en France que dans un certain nombre d'autres pays, ont tenté de sortir de ces difficultés. Ainsi, Mme Guigou, lorsqu'elle était ministre de la justice, a mis en place une commission parlementaire, dont M. le sénateur Xavier de Villepin fait d'ailleurs partie, qui participe aux tentatives pour régler ces difficultés familiales. Cela montre d'ailleurs qu'il est vraiment nécessaire de créer cet espace judiciaire européen, cette Europe de la justice, car cela correspond à l'attente de nos concitoyens. Et l'ensemble des citoyens européens ne comprendraient pas que l'on continue de parler de l'Europe et de la construction européenne alors que des choses aussi fondamentales que la vie de famille ne trouvent pas de solution juridique et que l'on est en fait bloqué par les frontières nationales.

J'ai eu l'occasion d'écouter beaucoup de familles, beaucoup d'associations venues me parler de cas extraordinairement douloureux de mères de famille n'ayant pas vu leurs enfants depuis sept, huit ou dix ans. C'est la raison pour laquelle, depuis la formation du nouveau gouvernement allemand, j'ai fait le maximum pour faire comprendre à nos partenaires allemands - l'essentiel de la difficulté résidait en effet avec nos partenaires allemands - qu'une telle situation, absolument incompréhensible pour nos concitoyens, n'était plus tenable.

Grâce à l'accord politique auquel nous sommes parvenus, nous obtiendrons un accord global du Conseil sur un règlement qui permettra, je crois, de régler pour l'essentiel cette difficulté. J'en remercie chaleureusement la nouvelle ministre allemande de la justice, Mme Zypries, qui a fait prendre une position politique raisonnable à notre partenaire.

Pour l'essentiel, il s'agira de réaffirmer dans un certain délai, de façon concrète - je n'entrerai pas dans le détail des dispositions aujourd'hui, mais nous pourrons en reparler si vous le souhaitez -, que le tribunal compétent correspondant à la résidence normale de l'enfant aura la compétence de dernier mot et que toute autre intervention judiciaire devra être suffisamment limitée dans le temps et contrôlée pour que des effets dilatoires ne rendent pas les décisions de justice totalement inopérantes.

Je pense que nous sommes parvenus à un bon accord. En tout cas, les associations concernées avec lesquelles j'en ai parlé ont exprimé leur satisfaction. J'ai eu l'occasion de m'entretenir également du sujet avec M. Xavier de Villepin ainsi qu'avec les parlementaires membres des délégations parlementaires pour l'Union européenne.

Nous devrions obtenir l'approbation de ce règlement lors du Conseil européen qui doit avoir lieu au début de 2003, c'est-à-dire lors du premier Conseil qui se tiendra en Grèce, à la fin du premier trimestre.

Telle est la raison pour laquelle, monsieur le sénateur, m'associant aux propos qu'à tenus M. le rapporteur, je vous demanderai, moi aussi, de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Darniche ?

M. Philippe Darniche. Les explications que m'ont fournies M. le ministre et M. le rapporteur montrent à l'évidence que le sujet que j'ai souhaité évoquer à travers cet amendement, avec un certain nombre de mes collègues, a déjà été pris en compte.

Nous avons, certes, hâte de voir un certain nombre de mesures concrètes entrer en application mais, compte tenu des informations précises que vient de nous donner M. le ministre, je retire mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 1 est retiré.

La parole est à M. Paul Blanc, pour explication de vote.

Art. unique
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle  relatif au mandat d'arrêt européen
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. Paul Blanc. Mon propos sera bref car je n'aurai pas l'outrecuidance de vouloir intervenir dans le débat juridique sur cette modification de la Constitution.

Toutefois, il est de mon devoir de m'interroger sur les conséquences de mon vote.

En effet, l'adoption, pratiquement unanime, de ce projet de loi constitutionnelle qui va intervenir au sein de notre assemblée permettra de mettre en place un mandat d'arrêt international.

Permettez-moi de vous dire, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que le parlementaire d'une région transfrontalière que je suis, qui se trouve confronté au grand banditisme transfrontalier, auquel Mme Borvo faisait allusion tout à l'heure, a bien du mal à faire admettre à la population qu'au-delà de la frontière les poursuites ne peuvent continuer.

Cette révision de la Constitution aura donc pour conséquence de faciliter la lutte contre le terrorisme et le grand banditisme. C'est la raison pour laquelle j'émettrai un vote favorable.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'article unique du projet de loi constitutionnelle.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

8131931916029623

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle  relatif au mandat d'arrêt européen
 

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JUGES DE PROXIMITÉ

Adoption définitive d'un projet de loi organique

en deuxième lecture

 
Dossier législatif : projet de loi organique relatif aux juges de proximité
Question préalable

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi organique (n° 103 rectifié 2002-2003), modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux juges de proximité. [Rapport n° 127 (2002 - 2003).]

Dans la discussion générale, la parole est à M. le garde des sceaux.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, votre Haute Assemblée examine aujourd'hui en deuxième lecture le projet de loi organique relatif aux juges de proximité dans les termes votés par l'Assemblée nationale en première lecture, le 17 décembre dernier.

Deux articles du projet de loi, relatifs aux juges aux affaires familiales et au maintien en activité en surnombre des magistrats, ont été adoptés sans modification par l'Assemblée nationale.

Trois articles relatifs aux juges de proximité, qui constituent le coeur du projet, restent donc en discussion à l'issue de la première lecture.

Vous le savez, l'adoption de ce texte, qui fixe les règles statutaires applicables à ces juges, conditionne la mise en place des juridictions de proximité, dont la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 a fixé les compétences en matière civile et pénale ainsi que les principales règles d'organisation et de procédure.

L'adoption de ce projet de loi permettra de traduire sans délai cet engagement majeur du Président de la République qui répond à une forte attente de nos concitoyens.

Dès les prochains mois, le recrutement des premiers juges de proximité pourra ainsi être lancé, afin que ceux-ci puissent prendre leurs fonctions au dernier trimestre de cette année.

Les principes posés par le texte du Gouvernement ont été clairement approuvés tant par le Sénat que par l'Assemblée nationale, à savoir le choix d'une juridiction autonome nouvelle composée d'un ou de plusieurs juges non professionnels qui exerceront, pour une durée de sept ans et sous forme de vacation, la part limitée des fonctions exercées par les magistrats des juridictions de première instance correspondant au petit contentieux de la vie courante.

Les modalités de leur rémunération seront fixées par un décret en Conseil d'Etat dans des conditions qui, naturellement, ne seront pas de nature à porter atteinte au principe d'égalité de traitement avec les magistrats professionnels.

L'objet principal du présent projet de loi est de déterminer le statut du juge de proximité, c'est-à-dire, classiquement, les règles qui lui sont applicables en matière de recrutement, de nomination, de formation, d'incompatibilités et de discipline.

Etant des juges à part entière, rendant des décisions ayant force exécutoire, les juges de proximité doivent bénéficier, dans l'exercice de leurs fonctions, de garanties d'indépendance de même niveau que celles qui protègent les juges professionnels. Ils doivent aussi présenter des garanties d'aptitude à l'exercice de fonctions juridiciaires.

Enfin, il importe que cette juridiction nouvelle s'insère dans notre organisation judiciaire actuelle tout en répondant au souci de développer la complémentarité et les synergies avec les juridictions existantes, en particulier avec la juridiction d'instance.

Sur toutes ces questions essentielles, je tiens à souligner à quel point la qualité du travail parlementaire qui a été conduit par les deux assemblées a permis d'améliorer et d'enrichir de manière significative le projet du Gouvernement.

Le texte que nous examinons aujourd'hui, qui est le fruit de ces débats particulièrement riches et approfondis, me semble pleinement répondre à ces exigences d'indépendance, de compétence et de bonne organisation juridiciaire.

S'agissant de l'indépendance des juges de proximité, elle sera garantie en premier lieu par leur mode de nomination puisque celle-ci interviendra dans les formes prévues pour les magistrats du siège : nomination sur proposition du garde des sceaux par décret du Président de la République pris sur avis conforme de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du siège. Aucune nomination ne pourra donc intervenir sans l'aval de ce conseil.

Corrélativement, les garanties disciplinaires reconnues aux magistrats du siège seront reconnues aux juges de proximité.

Leur indépendance sera garantie en second lieu par des règles particulières d'incompatibilité destinées à prévenir au maximum les risques de conflits d'intérêts. Tel sera en particulier le cas des membres des professions libérales juridiques et judiciaires, dont la proximité avec l'institution judiciaire commande qu'ils ne puissent être juges de proximité dans le ressort du tribunal de grande instance où est fixé leur domicile professionnel.

Sur l'initiative de votre commission des lois, mesdames, messieurs les sénateurs, en première lecture, vous avez, d'ailleurs très opportunément, renforcé ces garanties par l'interdiction faite à ces auxiliaires de justice d'effectuer des actes de leur profession dans le ressort de la juridiction de proximité ou de faire état de leur qualité de juge de proximité dans leur activité professionnelle.

S'agissant maintenant des compétences requises des juges de proximité, je crois que, sur ce point essentiel également, le texte actuel du projet de loi est satisfaisant et équilibré.

Le projet du Gouvernement ouvrait ce recrutement aux anciens magistrats de l'ordre administratif comme de l'ordre judiciaire, aux auxiliaires de justice, tels que les avocats, les notaires, les huissiers de justice, ainsi qu'aux personnes justifiant d'une formation supérieure de niveau bac + 4 et d'une expérience professionnelle à caractère juridique, tels les juristes d'entreprise.

En première lecture, le Sénat a souhaité élargir le champ du recrutement à plusieurs catégories de personnes dont il a estimé que l'expérience professionnelle particulièrement importante était de nature à garantir l'aptitude à ces fonctions. Il s'agit notamment des conciliateurs de justice, des personnes exerçant des responsabilités de direction ou d'encadrement ou encore des anciens fonctionnaires de catégorie A.

J'avais alors indiqué que le Gouvernement approuvait le principe selon lequel serait ainsi faite une plus large place à l'expérience professionnelle, qui est un gage important de bonne justice. J'avais toutefois souhaité que la navette parlementaire soit l'occasion de préciser le champ de cet élargissement.

C'est ce qu'a fait l'Assemblée nationale en approuvant cet élargissement, tout en en modifiant le périmètre afin de le recentrer sur les candidats connaissant le mieux les réalités du contentieux et du milieu judiciaire ; je pense aux greffiers en chef et aux greffiers des services judiciaires.

L'Assemblée nationale a, par ailleurs, estimé qu'en contrepartie de cet élargissement, qui conduit à recruter des candidats aux profils sensiblement différents, il importait de permettre que soit donné un caractère probatoire à la formation qui leur serait dispensée.

Le Gouvernement a approuvé cette initiative, qui lui est apparue tout à fait satisfaisante en raison de la souplesse qu'elle implique. En effet, si le Conseil de la magistrature en décide ainsi, le candidat dont la nomination lui est soumise par le garde des sceaux suivra une formation à caractère probatoire, à l'issue de laquelle le Conseil rendra son avis. S'il estime, en revanche, qu'une formation probatoire est inutile, le juge de proximité suivra en toute hypothèse une formation d'adaptation une fois nommé.

Ainsi, les exigences de formation sont à la fois renforcées et adaptées au cursus professionnel des candidats.

J'ajoute que le Gouvernement veillera, par les textes réglementaires d'application, à ce que les modalités de cette formation, notamment sa durée, soient compatibles avec l'exercice d'une activité professionnelle, faute de quoi de nombreux candidats potentiels seraient dissuadés de postuler.

S'agissant, en dernier lieu, de l'organisation de la juridiction de proximité, la navette parlementaire a également fait progresser la réflexion.

La juridiction de proximité, par son fonctionnement, doit pouvoir s'appuyer sur une autre juridiction.

Le texte que vous avez adopté en première lecture conférait ce pouvoir d'organisation au président du tribunal de grande instance. J'avais toutefois indiqué que des dispositions réglementaires prévoiraient d'associer étroitement le juge chargé de la direction et de l'administration du tribunal d'instance.

L'Assemblée nationale a souhaité aller plus loin et attribuer d'emblée au juge d'instance, en vertu de la loi, l'ensemble de l'activité d'animation, de coordination et d'organisation des services de la juridiction de proximité. Dans la même logique, le juge d'instance participera au processus d'évaluation de l'activité professionnelle des juges de proximité.

Ce choix m'apparaît judicieux et votre commission des lois l'a également approuvé. Je crois, comme je l'ai indiqué devant l'Assemblée nationale, qu'il présente l'avantage de mieux faire coïncider la géographie des lieux et la proximité des compétences et des hommes puisque les juges d'instance et les juges de proximité exerceront dans des locaux le plus souvent communs, avec un personnel de greffe travaillant aussi bien pour l'un que pour l'autre.

Ce rapprochement est d'ailleurs souhaité par les juges d'instance et je ne doute pas qu'il contribuera à favoriser la complémentarité de ces deux juridictions proches du justiciable que sont le tribunal d'instance et la juridiction de proximité.

Le travail parlementaire que je tiens à saluer de nouveau, en particulier celui de la commission des lois, de son président, René Garrec, et de son rapporteur, Pierre Fauchon, a ainsi permis d'aboutir à un dispositif équilibré, que le Gouvernement approuve pleinement.

C'est pourquoi je souhaite que, comme le propose sa commission des lois, la Haute Assemblée adopte aujourd'hui ce projet de loi organique sans modifications afin de permettre une mise en place rapide de la juridiction de proximité et de répondre ainsi à l'attente des Français. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre Fauchon, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous parvenons ce soir à la seconde et sans doute dernière lecture du texte portant statut des juges de proximité.

C'est un moment très important pour le Sénat, qui s'est engagé, depuis plus de dix années et au fil de trois rapports successifs, dans une démarche de rénovation du contentieux de la vie quotidienne faisant appel à l'intervention de magistrats non professionnels, issus de la société civile. C'est en effet une idée à laquelle nous sommes attachés de longue date.

Ce n'est plus le lieu de réitérer les considérations générales suscitées par l'institution de juridictions de proximité, dont le chef de l'Etat, dans une circonstance particulièrement solennelle, lors de la séance de rentrée de la Cour de cassation, voilà une dizaine de jours, vient de rappeler avec force le caractère tout à la fois innovant et expérimental.

Ce rappel s'impose d'autant moins que la commission des lois a très délibérément souhaité vous inviter, mes chers collègues, à adopter purement et simplement le texte modifié par l'Assemblée nationale, texte que nous avions déjà fortement amendé en première lecture.

Je limiterai donc mon propos aux réponses aux principales questions qui se posent tant au sein de notre assemblée que dans l'opinion, laquelle s'intéresse à certains aspects de ce texte.

Pourquoi procéder à un vote conforme ? Pourquoi engager une démarche expérimentale ? Est-il sacrilège de faire appel à des juges non professionnels ?

Tout d'abord, pourquoi un vote conforme ?

Ce serait mal nous connaître que d'imaginer je ne sais quelle attitude de « suivisme », que rien ne motiverait au demeurant en la circonstance. C'est très délibérément, au contraire, que nous invitons le Sénat à y procéder.

En effet, l'Assemblée nationale ayant approuvé la modification essentielle apportée par le Sénat au projet du Gouvernement, il nous a paru convenable de saluer cette convergence et, en quelque sorte, de façon réciproque, d'accueillir favorablement les apports de l'Assemblée dans la mesure où il s'agit de modalités techniques qui n'affectent pas l'économie du texte, sur lesquelles il est parfaitement normal que les conceptions des deux assemblées ne soient pas identiques - sinon, pourquoi y aurait-il deux assemblées ? - et qui n'ont de toute façon qu'une protée relative dans la mesure où tout un chacun, le chef de l'Etat le premier, reconnaît le caractère expérimental de cette réforme.

Le point essentiel auquel je viens de faire allusion consiste, je le rappelle, dans l'élargissement du recrutement des juges de proximité à des non-juristes. A partir du moment où un accord était acquis à ce sujet, notre commission a considéré que le refus des quelques autres apports de l'Assemblée nationale témoignerait de notre part d'une sorte de prétention d'infaillibilité qui n'est pas dans notre esprit, en même temps que d'une méconnaissance de l'honneur que le Gouvernement avait fait au Sénat en lui confiant le soin d'examiner ce texte en premier. Il convient, en effet, de ne pas décourager ce genre d'initiative, qui donne au Sénat un avantage important sur le plan de la technique législative, avantage qu'il convient d'équilibrer par le bon accueil fait, en retour, aux apports de l'autre assemblée. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Deuxième question : en quoi s'agit-il d'une démarche expérimentale ?

Au-delà du caractère expérimental de tout ce que nous entreprenons en ce bas monde,...

M. Jean-Pierre Sueur. C'est de plus en plus philosophique !

M. Pierre Fauchon, rapporteur. ... je fais référence à nos travaux antérieurs en faveur d'une évolution de la justice de proximité dans un sens qui me paraît à même - bien sûr, il y en a d'autres : nous n'avons pas de monopole ! - de donner sa pleine efficacité à cette réforme.

Qu'il me soit permis de rappeler brièvement que les travaux en question convergent sur une conception faisant du juge d'instance le pivot de la rénovation de la justice de proximité. Dans notre esprit, cela signifie que ces nouveaux juges doivent trouver dans le juge d'instance non seulement un organisateur de leur action, ce qui résulte à peu près de la rédaction de l'Assemblée nationale, mais aussi un tuteur, dont le professionnalisme pourrait les éclairer très utilement et garantir la qualité de leurs interventions. C'est ainsi que, dans un rapport publié en 1995, nos collègues et amis Hubert Haenel et Jean Arthuis évoquaient un renforcement notable des moyens du juge d'instance et se référaient au système anglais des magistraté's courts, qui a fait ses preuves.

Dans un autre rapport, publié en 1996, dont j'étais cosignataire avec notre ancien et estimé collègue Charles Jolibois, nous demandions que soit étudiée une réforme des tribunaux d'instance et des tribunaux de police avec adjonction de magistrats à titre temporaire.

Quant au tout récent rapport de MM. Hyest et Cointat - celui-ci, souffrant, ne peut malheureusement être des nôtres ce soir -, il considère le juge d'instance comme le véritable juge de proximité, appelé à jouer un rôle d'animation, avec l'assistance de « juges de paix délégués » issus de la société civile et agissant « sous le contrôle du juge de proximité » - c'est-à-dire le juge d'instance, dans leur système - « avec lequel ils devraient avoir une certaine communauté de vue ».

Comment passer de la réforme votée l'été dernier, clairement circonscrite à un concept limité, à cette conception dont je reconnais qu'elle est plus générale ? Nous avons déjà eu, les uns et les autres, monsieur le ministre, l'occasion de dire que la faculté d'expérimentation législative, qui sera bientôt introduite dans notre Constitution, pourrait permettre de le faire par la voie d'un texte organisant, dans quelques secteurs significatifs, l'expérience de juges de proximité, regroupés - totalement cette fois, et non plus partiellement - autour du tribunal d'instance, avec lequel le texte actuel prévoit déjà, d'ailleurs, une communauté de greffe, et donc de moyens de gestion.

Notre commission ne peut qu'insister sur cette suggestion, en souhaitant que la mission que vous êtes sur le point de mettre en place, monsieur le ministre, étende ses réflexions à l'exploration de cette voie.

Troisième et dernière question, qui nous permet peut-être de passer des aspects un peu techniques de ce texte à un aspect davantage philosophique : est-il sage ou est-il totalement déraisonnable et imprudent, comme on nous le dit avec des expressions quelquefois manifestement excessives, de confier le soin de rendre la justice à des non-professionnels et, plus particulièrement, à des personnes non titulaires de diplômes garantissant leur formation juridique ?

On peut évidemment faire d'emblée observer qu'une telle interrogation devrait conduire à remettre en cause les conseils de prud'hommes, les tribunaux de commerce, les assesseurs des tribunaux pour enfants et nombre d'autres instances de caractère plus ou moins juridictionnel telles que les médiateurs, les délégués du procureur, les conciliateurs, pour ne pas parler des jurys d'assises, toutes institutions qui montrent que les citoyens non spécialisés ont leur place, parfois depuis fort longtemps, dans l'oeuvre de justice. Que je sache, rien de tout cela n'est mis en cause !

Ce sont d'ailleurs les mêmes qui demandent la multiplication des cas de médiation et de conciliation et qui contestent le recours au juge créé par le présent texte, ce qui me semble quelque peu contradictoire.

L'évocation de ces précédents, jointe au rappel de la compétence, tout de même très modeste, de la nouvelle juridiction, devrait suffire à relativiser la question et à mesurer ce qu'il peut y avoir de parti pris trop visiblement politique dans la critique caricaturale qui est faite ici ou là du présent projet de loi organique.

Aller plus loin, c'est tout d'abord s'interroger sur la validité constitutionnelle du projet au regard du principe énoncé dans la Déclaration de 1789 et selon lequel tout citoyen est admissible aux emplois publics selon sa capacité. Il s'agirait alors de savoir si la détention d'un diplôme d'études juridiques est la seule forme de capacité qui convienne à la fonction de juge. Jusqu'à nouvel ordre, il est permis de penser, au regard de toute notre tradition judiciaire, que la capacité de juger peut aussi résulter d'autres circonstances, notamment de l'expérience acquise à travers un long exercice d'activités impliquant des responsabilités, c'est-à-dire une expérience responsable, et non seulement passive, des choses de la vie.

Cela étant, ne l'oublions pas, il s'agit de juger des affaires très modestes, et le texte prévoit, pour le juge de proximité, la possibilité de renvoyer le litige au juge d'instance si le caractère juridique des questions posées lui paraît échapper à sa compétence.

Rappelons en outre que la nomination de ces nouveaux juges est confiée au Conseil supérieur de la magistrature et qu'ils sont assujettis au statut de la magistrature, notamment à son volet disciplinaire, ce qui devrait apaiser toutes les inquiétudes.

On ne peut nier les avantages qui pourraient résulter de l'introduction dans notre appareil judiciaire de ces « citoyens-juges », capables de porter sur le contentieux un regard sans doute différent, mais c'est précisément ce qui le rend intéressant et susceptible d'être, lui aussi, à sa manière, très éclairant.

A l'école de Montaigne, nous le savons bien, les têtes bien faites sont aussi utiles - je ne céderai pas à la tentation de dire qu'elles le sont même peut-être plus - que les têtes bien pleines.

Le bon sens commun ne nous enseigne-t-il pas que l'expérience, la connaissance concrète des problèmes, l'esprit de discernement, la notion de ce qui est juste et équitable, ne sont ni automatiquement acquis par la conquête d'un diplôme ni nécessairement exclus par l'absence de diplôme ?

Reste la question de l'indépendance d'esprit, qui doit être en quelque sorte la religion de tout bon juge. Mais l'indépendance d'esprit, est-il nécessaire de le rappeler, n'est pas une question d'études ou de diplôme : c'est une vertu, c'est une question de caractère ; nul n'en a le monopole, et chacun peut et doit la cultiver de son mieux.

Tel est l'esprit dans lequel la commission des lois vous invite, mes chers collègues, à voter ce projet de loi organique dans la rédaction issue des travaux successifs et convergents des deux assemblées. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, M. Pierre Fauchon a excellemment rappelé que certains d'entre nous, ici, défendent avec passion, et depuis longtemps, l'idée d'une justice de proximité. Il a notamment bien voulu faire état des réflexions que M. Christian Cointat et moi-même avons menées à ce sujet.

Nous avons constaté l'émergence conjointe d'un besoin de spécialisation et d'un besoin de proximité. Au demeurant, ce mouvement d'une recherche de la proximité s'est amorcé voilà déjà quelques années avec l'institution des conciliateurs, puis celle des délégués du procureur. La médiation a traduit aussi la volonté d'associer des personnes qui n'étaient pas des magistrats professionnels à l'oeuvre de la justice. Nous préconisions, pour notre part, l'institution de véritables juges de proximité et une participation accrue des citoyens à la bonne marche de la justice.

Il existe cependant, dans le corps judiciaire, une certaine résistance au changement. C'est, au demeurant, un phénomène que l'on observe dans toutes les grandes organisations.

La loi de 1995 avait créé les magistrats à titre temporaire. Même s'ils n'étaient pas affectés aux mêmes fonctions que les juges de proximité, la démarche était un peu de même nature. Le rapport de Pierre Fauchon montre combien cette innovation a été une réussite et combien elle a permis de renforcer les moyens de la justice : on compte aujourd'hui quatorze ou même douze magistrats à titre temporaire !

M. Pierre Fauchon, rapporteur. C'est une élite !

M. Jean-Jacques Hyest. En revanche, on nous avait dit que les assistants de justice, également créés par la loi de 1995, ne serviraient à rien, qu'un juge était quelqu'un qui décidait seul. Or, aujourd'hui, nous l'avons constaté notamment dans le cadre de la mission sur les métiers de la justice, tout le monde en réclame !

Cette situation prouve bien que, quelquefois, le Gouvernement et le Parlement se doivent d'insister un peu en disant aux intéressés : « Nous allons vous apporter un élément très important. Vous n'en êtes peut-être pas conscients aujourd'hui mais, demain, vous en redemanderez ! »

Cela étant, il convient tout de même de rappeler quelques notions fondamentales : le juge d'instance est le vrai juge de proximité et doit le demeurer. Toutefois, il est toute une série de petites affaires qu'il ne peut traiter. Bien sûr, la conciliation peut aboutir mais, de temps en temps, une « autorité morale de conviction », selon les termes de M. le premier président de la Cour de cassation, est nécessaire pour imposer aux parties une solution.

En fait, ces juges de proximité sont extrêmement utiles pour résoudre les petits litiges du quotidien. Nos concitoyens attendent que l'on règle leurs conflits ! Mais, comme Pierre Fauchon le disait à l'instant, très occupé, le juge d'instance n'a pas le temps d'écouter les gens parce qu'il doit traiter soixante, soixante-dix, parfois quatre-vingts affaires ; il rend donc ses décisions dans de telles conditions que les justiciables ne les comprennent pas ! Or, ce que demande le justiciable, ce n'est pas tant qu'on lui donne raison que de comprendre les motifs de la décision qui est rendue.

Précisément, les juges de proximité, disposant de plus de temps, étant plus proches des problèmes quotidiens de nos concitoyens, seront mieux à même de leur fournir les explications qu'ils réclament. Ces juges de proximité rempliront ainsi le rôle qui a été voulu par le Président de la République.

Des améliorations ont été apportées par l'Assemblée nationale, mais on peut considérer, que nous avions, auparavant, bien fait notre travail.

La jonction avec le tribunal d'instance, en particulier, me paraît très importante, et elle devrait lever un certain nombre d'obstacles. En effet, le juge d'instance avait l'impression, jusqu'à alors, d'être exclu de cette juridiction de proximité. Or il doit être un peu le fédérateur de ces juges de proximité. De plus, quand les juges de proximité ne se sentiront pas très sûrs de la décision qu'il convient de rendre, ils pourront faire appel au juge d'instance et lui renvoyer l'affaire. La modification apportée à cet égard par l'Assemblée nationale, avec l'accord du Gouvernement, me semble extrêmement utile. Il y a là un équilibre que nous n'avions peut-être pas su trouver en première lecture. C'est évidemment tout l'intérêt du dialogue entre les deux assemblées.

Les autres modifications adoptées par l'Assemblée nationale me paraissent aller dans le sens de ce que nous avions décidé. Je m'interroge seulement sur la restriction apportée pour les fonctionnaires de catégorie A et B. Certes, la plupart d'entre eux rempliront les conditions d'exigence d'un diplôme de droit. Mais il n'en est pas de même de l'exigence des vingt-cinq ans d'expérience.

Cela étant, il peut arriver que des fonctionnaires de catégorie A n'aient ni vingt-cinq ans de commandement ou d'encadrement, ni diplôme de droit, et se trouvent de ce fait exclus de la possibilité de devenir juges de proximité. Par exemple, les officiers de gendarmerie n'ont pas nécessairement un diplôme de droit et vingt-cinq ans d'encadrement. Et pourtant, ils seraient tout à fait à même de remplir les fonctions de juge de proximité puisqu'ils ont souvent exercé des responsabilités dans un domaine où leur expérience pourrait se révéler fort précieuse.

L'Assemblée nationale affirme que la rédaction retenue couvre à peu près tous les cas de figure. Je n'en suis pas complètement sûr.

Certes, il y aura une certaine souplesse.

M. Pierre Fauchon, rapporteur. Il y a une marge d'appréciation !

M. Jean-Jacques Hyest. Oui, mais, en visant les anciens fonctionnaires des services judiciaires, on s'est, me semble-t-il, un peu éloigné de ce que nous avions décidé en première lecture.

Toutefois, cette souplesse qu'évoquait M. le rapporteur permet de penser que des gens qui auront exercé certaines responsabilités, notamment dans l'administration, pourront très bien devenir juges de proximité.

Pour ce qui est de la navette, je partage le sentiment de Pierre Fauchon. Si l'on considère que les modifications apportées par l'Assemblée nationale sont bonnes, est-il nécessaire d'y revenir ? La navette a bien eu lieu, un dialogue s'est bien instauré entre les deux assemblées. Reconnaissons, en outre, que nous avions pu imprimer notre marque au texte, et que l'Assemblée nationale a accepté beaucoup de nos propositions.

La commission des lois a estimé que les améliorations souhaitées par l'Assemblée nationale étaient bienvenues. C'est pourquoi, bien entendu, le groupe votera...

M. Jean-Pierre Sueur. Quel groupe ? (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest. Mon groupe ! J'ai encore quelque mal à m'en rappeler le nom ! (Nouveaux sourires.) En tout cas, nous voterons bien entendu ce texte et nous souhaitons qu'il soit mis en oeuvre le plus rapidement possible. Monsieur le garde des sceaux, vous disiez que ce serait sans doute à la fin de l'année, et nous savons que vos services font toujours diligence pour que les textes votés par le Parlement soient appliqués dès que possible. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais, à la faveur de cette deuxième lecture, aborder quatre points.

J'évoquerai d'abord un sujet que, de manière significative, les précédents orateurs ont eux-mêmes abordé, comme s'ils éprouvaient le besoin de se justifier. Il est clair que que notre débat soulève la question des prérogatives du Sénat et de la manière dont celui-ci les exerce. Nous voyons en effet se développer, au sein de notre assemblée, une sorte de culte du vote conforme : un vaste parti « anti-navette » se manifeste, et j'avoue ne pas bien comprendre pourquoi.

Le Bulletin des commissions, intéressante publication du Sénat, propose un excellent compte rendu de la réunion de la commission des lois qui s'est tenue la semaine dernière : en consultant les pages 2681 et 2682, dont je ne vous infligerai pas la lecture, vous pourrez constater qu'un certain nombre de nos collègues de l'UMP ont fait abondamment part de leurs réticences, de leurs regrets, de leur insatisfaction, de leur chagrin, de voir telle ou telle disposition supprimée par l'Assemblée nationale...

A partir du moment où la navette existe, pourquoi ne pas la mettre en oeuvre ? Ne peut-on pas consacrer quelques semaines de plus à discuter de ce texte ? Cela permettrait pourtant de trouver la meilleure formulation possible.

Monsieur le président de la commission des lois, vous avez bien voulu, ce matin même, nous expliquer que la conjonction entre la majorité du Sénat et celle de l'Assemblée nationale rendait peut-être l'usage des commissions mixtes paritaires moins justifié.

M. René Garrec, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Moins utile !

M. Jean-Pierre Sueur. Autant dire que la majorité est la majorité, que le parti UMP est le parti UMP, qu'ils font la loi et que l'opposition n'a pas à contribuer d'une manière ou d'une autre à son élaboration.

Comme l'a dit notre collègue Bernard Frimat, il serait fâcheux que l'UMP remplaçât la CMP.

M. René Garrec, président de la commission des lois. La formule est facile.

M. Pierre Fauchon, rapporteur. Disons pittoresque !

M. Jean-Pierre Sueur. Je trouve pour ma part que la formule est très claire, monsieur le rapporteur.

Nous n'accepterons pas cette conception du parti majoritaire qui décide de tout. Nous estimons que les procédures parlementaires ont du sens et que les commissions mixtes paritaires permettent très souvent d'aboutir à de bons et utiles accords.

Quant à l'argument selon lequel, dès lors que le texte a été soumis en premier lieu au Sénat, ce serait en quelque sorte une mauvaise manière pour lui de faire le travail qui lui est dévolu par la Constitution, nous ne pouvons pas y souscrire.

J'en viens maintenant au fond. Nous avons souvent eu l'occasion de dire, lors de l'examen en première lecture de ce projet de loi, combien nous étions favorables à la justice de proximité. Cette justice, elle existe et il faut la développer.

En relisant les débats de l'Assemblée nationale sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice qui se sont déroulés au mois de juillet dernier, monsieur le garde des sceaux, j'ai retrouvé l'une de vos formules, que je me permets de citer : « Il existe une juridiction de proximité dans notre pays, c'est le tribunal d'instance. » Vous devriez peut-être graver cette excellente formule dans votre bureau de la place Vendôme.

Avec cette phrase, vous êtes en parfaite concordance avec la juge d'instance citée par le député M. Vallini : « Si moi, je ne suis pas juge de proximité, qui suis-je ? »

Mme Pécaut-Rivolier, présidente de l'Association nationale des juges d'instance, a évoqué sa stupéfaction devant votre texte, « qui semble en fait annoncer à terme le démantèlement de la justice d'instance professionnelle et indépendante ».

Il y a 473 tribunaux dans notre pays. Ceux-ci jugent rapidement, entre trois et cinq mois en moyenne,...

M. Pierre Fauchon, rapporteur. En moyenne !

M. Jean-Jacques Hyest. Cela dépend des cas !

M. Jean-Pierre Sueur. Pour être plus précis, monsieur le rapporteur, durant l'année 2001 - je cite les chiffres du ministère de la justice -, près de 500 000 affaires ont été jugées en moins de six mois.

Il aurait été simple, pratique, commode, opportun de donner davantage de moyens à ces tribunaux de grande instance et d'instance, de poursuivre sur le chemin ouvert par le gouvernement de Lionel Jospin.

A cet égard, je rends hommage à l'action de Mmes Guigou et Lebranchu, puisque vous savez qu'en cinq années les crédits du ministère de la justice ont augmenté de 30 %. J'espère que nous constaterons, dans cinq ans, une augmentation du même ordre.

Il en faudrait davantage certes, mais pourquoi compliquer les choses alors qu'on peut mettre en oeuvre une bonne justice de proximité à l'intérieur des tribunaux d'instance et de grande instance ?

Certes, il est plus valorisant d'annoncer à la télévision la création de 3 300 magistrats de proximité - en omettant de préciser qu'ils travaillent à 10 % d'un temps plein - plutôt que la création de 330 postes de juge d'instance. Cela aurait pourtant été sans doute plus efficace pour notre justice de proximité.

Le troisième point que je veux évoquer, monsieur le ministre, a trait à l'incohérence du dispositif que vous connaissez parfaitement.

A l'Assemblée nationale, vous avez vous-même déclaré : « Je conviens volontiers qu'un autre choix était possible, qui eût consisté à rester dans le cadre du tribunal d'instance et à assister les juges d'instance de magistrats non professionnels. »

Vous n'avez pas fait ce choix. Vous avez opté pour la création d'un nouveau niveau de juridiction autonome, ce qui crée de nombreuses difficultés.

D'abord, il n'y aura pas d'appel possible. Lorsque l'exception d'incompétence sera soulevée par un justiciable, ce qui ne manquera pas d'arriver, la Cour de cassation sera saisie. Les contentieux d'incompétence se multiplieront et ne favoriseront pas la simplification.

Ensuite, il ne peut pas y avoir de juridiction sans chef de juridiction. Qui est chargé d'affecter les magistrats de proximité, de répartir les dossiers ?

A la suite des avis rendus par le Conseil constitutionnel tout particulièrement, mais aussi par d'autres instances, vous avez décidé de confier ces tâches au tribunal d'instance.

Vous avez dit aussi : « Le Gouvernement a choisi de créer une juridiction autonome nouvelle et ce choix m'apparaît le plus lisible pour nos concitoyens ».

Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas dire une chose et son contraire. Si vous faites le choix de créer une juridiction autonome parce que c'est l'option la plus claire, la plus lisible, vous ne pouvez pas, par une sorte de bricolage institutionnel et juridique, rattacher ce nouveau niveau de juridiction autonome à un autre.

C'est la raison pour laquelle nous avons déposé l'amendement n° 4 dont nous discuterons tout à l'heure. En toute logique, vous devriez le soutenir, monsieur le ministre.

S'il y a juridiction autonome, il n'est pas possible d'écrire, comme cela est proposé dans la rédaction de l'Assemblée nationale : « Le magistrat du siège du tribunal de grande instance chargé d'administrer le tribunal d'instance organise l'activité des services de la juridiction de proximité. Il fixe par une ordonnance annuelle la répartition des juges de proximité dans les différents services de la juridiction. » C'est contraire à la loi du 9 septembre 2002 et à l'autonomie de la nouvelle juridiction.

Monsieur le garde des sceaux, vous avez la charge d'appliquer la loi du 9 septembre 2002. Si ces dispositions étaient adoptées en l'état, elles seraient contraires à cette loi et je suis sûr qu'elles vont intéresser le Conseil constitutionnel.

Enfin, quatrième point, monsieur le garde des sceaux, vous avez vous-même indiqué l'intérêt que vous portiez à l'expérimentation, comme d'ailleurs M. le rapporteur, ce serait la voie de la sagesse dans la mesure où cette innovation, ce nouveau niveau de juridiction autonome de justice de proximité suscite beaucoup de réactions négatives. Le Conseil constitutionnel, le Conseil supérieur de la magistrature, le Conseil d'Etat et l'ensemble des associations des professionnels ont fait part de leur désaccord sur ce texte.

Dans ces conditions, il serait tout à fait souhaitable et prudent, nous semble-t-il, de prévoir que cette nouvelle disposition ne s'applique, dans un premier temps, qu'à quelques départements.

Pourquoi ne pas prévoir qu'elle s'applique à cinq ou dix départements, à cinq ou dix resssorts qui seraient fixés par vous, monsieur le garde des sceaux ? Ce serait parfaitement cohérent avec la loi constitutionnelle qui a été adoptée par le Sénat et par l'Assemblée nationale et qui va très bientôt être présentée devant le Congrès.

C'est l'objet de la question préalable que M. Dreyfus-Schmidt défendra tout à l'heure. Comme, dans quelques semaines, une réforme constitutionnelle qui permettra l'expérimentation sera soumise au Congrès, il serait judicieux de reporter le vote du projet de loi relatif aux juges de proximité de quelques semaines, afin d'attendre que l'expérimentation soit consacrée en droit. Nous serons alors fidèles, non seulement à la Constitution, mais aussi aux propos que le Premier ministre, M. Raffarin, tient constamment avec beaucoup d'éloquence sur l'ardente obligation de l'expérimentation avant la généralisation d'une innovation.

Monsieur le garde des sceaux, vous seriez en totale cohérence avec M. le Premier ministre - je sais que cette cohérence est profonde, mais elle serait encore plus manifeste - et nous éviterions peut-être des erreurs. Nous pourrions en effet juger des conséquences de cette innovation après quelques mois ou quelques années de mise en oeuvre avant de la généraliser.

Si nous sommes favorables à la justice de proximité, nous regrettons l'improvisation, l'incohérence, les effets médiatiques. Nous pensons qu'une justice de proximité solide et cohérente doit être organisée autour des tribunaux de grande instance et des tribunaux d'instance auxquels il faut continuer à donner davantage de moyens. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Monsieur le président de la commission, au point où nous en sommes, et vu l'heure, que souhaite la commission ?

M. René Garrec, président de la commission des lois. Monsieur le président, si chacun voulait bien y mettre du sien, je souhaiterais qu'on continue sans désemparer.

M. le président. Monsieur le garde des sceaux, partagez-vous ce sentiment ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je ne vois aucun problème à continuer.

M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, vous rangez-vous à cet avis ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. « Sans désemparer », qu'est-ce que cela signifie, monsieur le président ?

Nous devons encore entendre deux orateurs, examiner une question préalable et un certain nombre d'amendements. Poursuivre nos travaux ne me semble vraiment pas raisonnable ! Monsieur le président, je fais appel à votre expérience en la matière.

M. le président. Nous allons nous fier à l'expérience !...

La parole est à Mme Nicole Borvo.

Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis d'accord avec le rapporteur, M. Fauchon, pour dire que le texte qui nous revient de l'Assemblée nationale ne présente « aucune contradiction fondamentale » avec celui qui a été adopté au Sénat. En conséquence, notre opposition exprimée en première lecture demeure.

Je déplore en revanche que notre rapporteur, avant même toute discussion en commission des modifications apportées par l'Assemblée nationale, ait demandé l'adoption conforme. C'est la négation du travail parlementaire que la navette est censée permettre. C'est d'autant plus préjudiciable que les débats et modifications de l'Assemblée nationale mettaient le doigt sur des problèmes soulevés par la création de cette justice de proximité et que ces problèmes qui ne sont pas résolus.

Sur le texte lui-même, je veux rappeler les réticences persistantes des organisations de l'ensemble des professions judiciaires. Il ne s'agit pas de corporatisme, la réfutation est trop facile. Il existe des juges de proximité, ce sont les juges d'instance.

N'aurait-il pas fallu augmenter les moyens des juridictions existantes afin d'améliorer le traitement des dossiers en correctionnelle et d'accélérer les procédures en appel, par exemple ?

Ce sont en effet ces juridictions qui souffrent le plus d'un manque de moyens et qui sont véritablement engorgées, d'où des délais qui ne sont pas acceptables si l'on veut que la justice soit correctement rendue.

Mais les juridictions d'instance, qui ont moins à déplorer ce genre de problème, auraient également pu voir leurs moyens renforcés, du point de vue tant matériel qu'humain d'ailleurs, par exemple avec l'assistance de personnel non professionnel. Tout cela a été largement dit en première lecture.

Pourtant, vous persistez dans cette réforme, monsieur le ministre, mais sans grande conviction, puisque le budget prévu pour ces nouveaux juges de proximité n'est pas à la hauteur de la tâche à accomplir qui, je vous le rappelle, est soi-disant de désengorger les tribunaux d'instance, et que leur installation pose de nombreux problèmes matériels qui ne sont toujours pas résolus.

Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale, qui essaie de contourner cet obstacle en confiant au magistrat du siège du tribunal de grande instance chargé de l'administration du tribunal d'instance le soin d'organiser l'activité et les services de la juridiction de proximité, pointe ce problème. Du coup, il entre en contradiction avec la volonté affirmée par le Gouvernement et par vous-même, monsieur le rapporteur, de créer une justice autonome.

Concernant les moyens, je répète que cette nouvelle juridiction est créée pour désengorger les tribunaux d'instance. En réalité, il n'est absolument pas certain que le nombre de dossiers à traiter diminue, puisque ces juges de proximité auront à traiter un contentieux sur lequel les Français hésitent quelquefois à saisir la justice.

Dans ce sens, les juges de proximité représentent une menace de disparition pour les modes alternatifs de règlement des conflits, comme la médiation ou la conciliation qui allègent pourtant le travail de la justice.

Les médiateurs et conciliateurs de justice existent justement pour chercher un accord amiable entre les parties afin d'éviter les procès. Ce sont des bénévoles qui rendent une justice gratuite et de qualité et, surtout, appréciée par les justiciables.

Le risque est de voir les juges de proximité empiéter sur la conciliation, ce qui n'est, pour les justiciables, ni un gage d'efficacité ni un gage de satisfaction. Ce projet de loi fait un pas en arrière dans le traitement des conflits puisqu'il tend à rejudiciariser des conflits qui se règlent, aujourd'hui, par un autre biais.

Vous le savez, ce n'est malheureusement pas la seule critique que l'on puisse émettre à l'encontre de cette nouvelle juridiction.

Je l'ai dit et je le répète : les véritables juges de proximité sont les juges d'instance, qui se revendiquent d'ailleurs comme tels. Ils sont déjà chargés de traiter les litiges de la vie quotidienne, ils peuvent être saisis sans frais - une simple déclaration au greffe suffit pour les litiges de moins de 3 800 euros - la présence d'un avocat n'est pas obligatoire et ils rendent leur décision plus rapidement que les autres juridictions.

Ces litiges de la vie quotidienne sont, à première vue, simples à résoudre. Il s'agit, en effet, des contentieux entre bailleurs et locataires concernant les crédits à la consommation ou encore les malfaçons à la suite de travaux, etc. Pourtant, ils se règlent en faisant appel le plus souvent à des notions juridiques complexes. En ce cas, pourquoi un juge non professionnel serait-il plus compétent qu'un juge professionnel, d'autant que le juge sera seul à rendre son jugement - dont la rédaction ne s'improvise pas - et qu'il n'existera pas de possibilité de faire appel ?

Fort heureusement pour le justiciable, ces litiges ouvriront droit, comme toute décision de justice, à cassation. Pour autant, cela ne fera pas diminuer l'inflation judiciaire ni ne réduira les délais de jugement !

La création d'un nouvel ordre de juridiction ne peut qu'être une source de confusion pour les justiciables et une difficulté d'articulation avec les tribunaux d'instance.

Ce qui est également critiquable dans ce projet de loi, c'est la notion de « petits litiges », comme vous les nommez volontiers, dont seront saisis ces juges. Ces litiges peuvent s'élever à 1 500 euros, ce qui n'est pas une somme insignifiante pour des familles aux revenus modestes. Pourquoi ces personnes n'auraient-elles pas le droit de recourir à un juge professionnel ?

Il reste à déplorer que nous n'ayons toujours pas plus de garanties concernant le statut des juges de proximité, notamment leur indépendance et leur impartialité.

Le caractère local du recrutement laisse supposer que des conflits d'intérêt naîtront forcément, et ce au détriment du justiciable.

Faut-il pourtant rappeler encore une fois que la justice d'instance a été instaurée pour remplacer les juges de paix, supprimés en 1958, car taxés de rendre un justice de notables ? Or vous proposez aujourd'hui, monsieur le garde des sceaux, tout simplement de rétablir cette justice de notables, au risque qu'elle se révèle partiale, inéquitable et non professionnelle.

Sur le plan statutaire, de nombreux points restent encore bien vagues. Je pense notamment à la rémunération. Vous vous référez, là encore, à un décret du Conseil d'Etat pour en fixer le montant. Mais de quelle nature sera cette rémunération ? Sera-t-elle symbolique, comme la perçoit le délégué du procureur, ou attractive pour certaines personnes ?

En fait, le statut ne nous apporte finalement aucune garantie sur la qualité de la justice qui sera rendue. L'absence d'indépendance et d'impartialité qui ressort de ce texte me permet d'émettre de sérieux doutes sur la qualité que tout justiciable est en droit d'attendre de la justice. La formation probatoire instituée par les députés pointe là aussi ce problème. Il fallait donc pousser plus avant la réflexion et peut-être songer aux améliorations à apporter.

Toutefois, la question du recrutement de ces juges - appartenant prétendument à la société civile, chère à notre rapporteur - reste entière. Les députés ont restreint le recrutement. Il est tout à fait significatif qu'ils l'aient ouvert aux anciens fonctionnaires judiciaires des catégories A et B, mais pas aux assesseurs des tribunaux pour enfants. Bonjour l'expérience ! Vous avez vous-mêmes, mes chers collègues, refusé qu'il soit ouvert aux personnes titulaires d'un mandat syndical qui ont exercé des fonctions de conseillers prud'homaux, par exemple. Vous voyez, monsieur Fauchon, que la tête bien faite plutôt que bien pleine est à géométrie variable ! Il en est de même pour l'expérience.

D'une manière générale, je le répète, le fait que les compétences de ces juges ne soient pas clairement définies dans ce projet de loi organique - il est simplement précisé que les juges de proximité seront nommés pour « exercer une part limitée des fonctions des magistrats des juridictions judiciaires de première instance » - montre une certaine volonté d'élargir, à plus ou moins court terme, la compétence du juge de proximité.

Ce projet de loi risque donc de bouleverser les fondements mêmes de la justice, ce qui pourrait justifier à terme le démantèlement de la justice d'instance. Il risque également de dévaloriser les modes alternatifs de règlement des conflits, pourtant ô combien nécessaires !

J'ajoute que le dispositif d'évaluation de cette réforme prévu par le Sénat, et adopté par lui à l'unanimité, est supprimé par l'Assemblée nationale.

Je le répète : nous ne partageons évidemment pas cette conception de la justice de proximité. C'est pourquoi nous voterons une nouvelle fois contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, j'ai presque envie de vous prier de m'excuser ! Comment ? Un membre d'un groupe minoritaire au Sénat - éternel minoritaire, compte tenu de la manière dont les sénateurs sont désignés, n'est-il pas vrai ? - a l'outrecuidance de venir dire ce qu'il pense d'un projet dont il est évident qu'il va être adopté ! C'est tellement évident qu'un magistrat, membre du parquet d'ailleurs, a d'ores et déjà été désigné pour présider la mission chargée du recrutement des juges de proximité ! Alors pourquoi venir à cette tribune exposer les raisons pour lesquelles ce texte ne serait pas acceptable ?

C'est qu'il est bon que tout le monde soit éclairé, y compris le Conseil constitutionnel. Il sera saisi de plein droit, puisqu'il s'agit d'une loi organique, et nous ne manquerons évidemment pas de lui rappeler les arguments qu'à bon droit nous développons, la loi adoptée antérieurement étant, selon nous, anticonstitutionnelle. Elle n'a été acceptée par le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 29 août 2002, qu'à la condition que soient remplies un certain nombre de conditions dans la loi organique que le Conseil constitutionnel a réclamée. Il faut savoir si tel est ou non le cas.

Il est bon aussi que soit dénoncée avec véhémence - mon ami Jean-Pierre Sueur, avec qui nous ne nous étions pas concertés, vient de formuler la même remarque que moi - la démission par le Sénat de son rôle constitutionnel.

M. Jean-Jacques Hyest. Mais non !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Hier, à propos d'un texte relatif à la décentralisation revenant de l'Assemblée nationale, après avoir exprimé des critiques vis-à-vis de ce qu'avait retenu l'Assemblée nationale, la majorité a décidé de voter conforme ledit texte.

Demain sera examinée une proposition de loi tendant à aggraver les peines punissant les infractions à caractère raciste, antisémite ou xénophobe. Ce matin, en commission, les membres de la majorité, après avoir critiqué ce texte, ont décidé de le voter conforme.

Aujourd'hui, s'agissant du projet de loi que nous examinons et tout en le critiquant, ils ont fait de même.

Ce n'est pas possible ! Pourquoi ? Parce que la navette a été créée au sein du Parlement pour qu'en principe, après discussion, soit adopté un texte commun. A défaut, une commission mixte paritaire se réunit.

Un autre système existe. L'assemblée, que Clemenceau disait « de réflexion », mais tel est le cas de chacune des chambres, ne veut pas réfléchir et décide de voter conforme le texte, sans examiner les amendements. Qu'est-ce-que cela signifie ? Je sais que l'on s'en est expliqué tout à l'heure, et ce matin en commission avec M. le président. Un accord a été passé, mais entre qui ? Entre un petit nombre de membres, pas même avec l'ensemble des membres de la majorité de l'Assemblée nationale ou du Sénat, ni avec l'ensemble des membres de la commission des lois de l'Assemblée nationale ou du Sénat, en tout cas pas avec l'avis, les suggestions de l'opposition, qui pourrait - sait-on jamais ? - avoir quelques idées susceptibles d'être retenues ! Cette démission du Sénat est absolument condamnable.

C'est tellement vrai que l'opinion publique n'est pas éclairée en raison de l'absence de débats dignes de ce nom. Le Sénat ne travaille pas de la même manière...

M. Pierre Fauchon, rapporteur. Monsieur Dreyfus-Schmidt, me permettez-vous de vous interrompre ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous me répondrez tout à l'heure, monsieur le rapporteur !

M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je vous demande l'autorisation de vous interrompre !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Eh bien, je ne vous l'accorde pas !

M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je vous remercie !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je vous en prie ! Nous nous en expliquerons tout à l'heure.

M. Pierre Fauchon, rapporteur. Vous êtes toujours aussi courtois !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est la première fois que je vous refuse une demande d'interruption. J'ai eu le tort, antérieurement, de vous l'accorder, et je m'en suis repenti ! (Rires.)

Le Sénat ne travaille pas de la même manière selon que la majorité, à l'Assemblée nationale, partage ses idées ou non.

M. Hilaire Flandre. Cela paraît assez logique !

M. Jean-Jacques Hyest. C'est normal !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Lorsque la gauche est majoritaire à l'Assemblée nationale, la majorité sénatoriale demande du temps,...

M. Jean-Jacques Hyest. C'est normal !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... organise des auditions publiques, fait traîner les choses. Ici, c'est tout le contraire.

Je citerai un précédent dont vous vous souvenez : celui de la Cour de justice de la République. Il avait été décidé, lors d'une réunion au sommet en présence des présidents des deux commissions des lois, qu'il fallait voter conforme le texte adopté en première lecture par l'Assemblée nationale. L'opposition avait pourtant dit ici, par exemple, après que cette décision avait été prise, qu'il n'était pas normal que les victimes ne puissent pas être parties civiles, au moins à l'audience. Malgré cette idée jugée intéressante, le texte a bel et bien été voté conforme.

Lors du premier procès devant la Cour de justice de la République, la presse, qui n'avait soufflé mot de ces débats si rapides, a poussé des hauts cris parce que les victimes n'avaient pas le droit d'être parties civiles !

M. Jean-Jacques Hyest. Elles ne pouvaient pas l'être, et vous le savez bien !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet exemple est intéressant car, si vous aviez retenu l'amendement que nous avions déposé à l'époque à ce sujet, cela aurait été possible ! De plus, il montre que la loi telle que vous avez décidé de l'élaborer est forcément une mauvaise loi car vous ne faites pas jouer au Sénat le rôle constitutionnel qui est le sien et, ce faisant, vous lui rendez un mauvais service.

J'ajoute que les habitudes perdurent ! Jadis, il arrivait de temps en temps qu'à l'issue des travaux de la commission des lois on présente à la presse un texte et qu'on invite tous les membres de la commission des lois à assister à la conférence de presse, reconnaissant ainsi à l'opposition le droit légitime d'expliquer et d'exposer son point de vue de manière que la presse n'entende pas qu'un son. Or, ce matin, alors que nous siégions en commission, nous avons appris, par le biais des annonces diffusées sur le canal interne, la tenue d'une conférence de presse sur les juges de proximité, en présence du président de la commission des lois...

M. René Garrec, président de la commission des lois Non !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... et du rapporteur de la commission des lois. C'est ce qu'indiquait la télévision. Nous n'en avions pas entendu parler !

Comme le président était avec nous en commisssion, nous avons pensé que cette conférence de presse serait sans doute retardée. Lorsque nous sommes sortis de réunion, nous avons découvert que, dans une salle, s'étaient réunis le rapporteur, le président de la commission des finances - invité parce qu'il avait cosigné un rapport lorsqu'il était membre de notre commission -, notre collègue Hyest et un certain nombre de journalistes. Nous nous y sommes imposés juste le temps de nous étonner de ne pas avoir été conviés et, donc, d'avoir été privés de parole. M. Fauchon nous a répondu que c'est lui qui faisait une conférence de presse et que, si nous voulions, nous n'avions qu'à en organiser une.

M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je confirme ! Tout le monde peut organiser des conférences de presse !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Bien entendu, nous aurions le concours du Sénat tout entier et le raout qui était préparé pour la presse serait évidemment à notre disposition, de la même manière, si nous organisions une conférence de presse !

Ce n'est pas sérieux ! Ce n'était pas une conférence de presse de M. Fauchon, c'était une conférence de presse ès qualités du rapporteur puisque le président, en effet, n'était pas présent. Ce sont des méthodes absolument inadmissibles, car, je le répète, vous avez souhaité que l'opinion ne connaisse pas le point de vue de la minorité.

M. Pierre Fauchon, rapporteur. C'est ridicule !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je vous remercie de cette remarque !

M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je vous le dis...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non. Je ne vous le demande pas !

M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je vous le dis quand même en attendant d'avoir la parole : c'est tout simplement ridicule ! Je souhaite que cela soit inscrit au procès-verbal.

Et la liberté d'expression, qu'est-ce que vous en faites ? On n'aurait pas le droit de parler à la presse ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous interviendrons en haut lieu de manière que les droits des minorités dans cette maison, qui ont jadis été respectés, le soient à nouveau.

S'agissant du fond du texte, je serai très rapide.

Tout d'abord, et c'est tout de même intéressant, si le Conseil constitutionnel a en effet déclaré partiellement conforme la loi du 9 septembre 2002, il a tout de même précisé qu'il était nécessaire que soit respectées un certain nombre de conditions. Ainsi, « cette loi devra comporter des garanties appropriées permettant de satisfaire au principe d'indépendance, indissociable de l'exercice de fonctions juridictionnelles, et aux exigences de capacité qui découlent de l'article VI de la Déclaration de 1789 ».

Les futurs juges de proximité rempliront-ils les conditions de capacité requises ? Non, et vous le savez bien !

Le projet de loi prévoit que pourront devenir juges de proximité « les personnes justifiant de vingt-cinq années au moins d'activité - c'est beaucoup ! - dans des fonctions impliquant des responsabilités de direction ou d'encadrement » - cela signifie, nous avons déjà eu l'occasion de le dire, que pour les gens d'en bas il n'est pas question d'accéder à cette fonction ! -...

Mme Nicole Borvo. Les gens d'en bas !

M. Robert Bret. C'est pour les discours !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... « dans le domaine juridique, administratif, économique ou social les qualifiant pour l'exercice des fonctions judiciaires. »

Mais c'est une plaisanterie ! Il ne suffit pas d'avoir été directeur juridique chez un agent immobilier, par exemple, pour connaître autre chose que le droit immobilier ! Il est évident que celui qui a rempli des fonctions, fussent-elles de direction, ou d'encadrement dans des domaines qui n'ont rien à voir avec le droit, n'ont pas la capacité de rendre la justice. Il faut quand même sept années d'étude pour devenir magistrat, pour apprendre ce qu'est le droit, pour connaître ses applications, pour savoir ce que doit être un jugement ! Ce n'est pas avec un stage probatoire de trois mois, avant ou après avoir été accepté, que l'on va apprendre à devenir magistrat, d'autant que les domaines de compétence des futurs juges de proximité touchent aussi bien à l'ensemble du droit civil qu'au droit pénal ! Or nous savons bien - et tous les magistrats le savent - que l'on ne peut pas rendre la justice simplement parce qu'on a rempli les conditions réclamées par le paragraphe 3 de l'article 1er. Nous ne pouvons pas accepter une telle disposition, qui nous paraît contraire à la Constitution et à la Déclaration des droits de l'homme de 1789 en raison de l'absence de capacités nécessaires à l'accès aux emplois publics.

S'agissant de l'organisation des services, vous avez repris la formule du code de l'organisation judiciaire, selon lequel chaque chef de juridiction prend, au début de l'année, une ordonnance visant à répartir les magistrats entre les services.

A l'évidence, la Cour de cassation, la cour d'appel et les tribunaux de grande instance comportent des chambres et des services différents. Certains magistrats sont affectés à la chambre d'accusation, le juge aux affaires familiales est nommé dans tel ou tel service de la juridiction. Il y a ceux que l'on désignera pour les périodes dites de vacances ou de service allégé, ou encore pour telle ou telle journée.

Pour le tribunal d'instance, c'est le magistrat qui est chargé des tribunaux d'instance au tribunal de grande instance qui en organise l'activité, et ce pour une raison très simple : les magistrats du tribunal d'instance sont membres du tribunal de grande instance. Mais ce sont toujours les chefs de la juridiction autonome qui prennent ces ordonnances.

Dans le cas présent, il n'y a aucune raison que, s'agissant d'une juridiction autonome, qui, en vertu de l'article 34 de la Constitution, a été créée par la loi, parce que c'est précisément un nouvel ordre de juridiction, ce ne soit pas le juge de proximité lui-même qui organise l'activité et les services de cette juridiction.

Mais celui-ci ne pourra pas procéder à une répartition des magistrats entre les services, car la juridiction de proximité ne comporte pas de nombreux services - il y a uniquement ceux qui sont prévus par la loi - et elle ne compte qu'un seul juge.

Du reste, le ressort et le siège de ces juges de proximité n'ont pas encore été déterminés puisque la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 prévoit que c'est un décret en Conseil d'Etat qui le précisera.

Comment peut-on demander que ce soient des magistrats d'une autre juridiction autonome qui prennent des décisions en ce qui les concerne ? Nous vous proposerons donc un amendement prévoyant que c'est le juge de proximité qui fixe, par ordonnance, les dates de ses audiences.

Enfin, en ce qui concerne l'expérimentation à laquelle Jean-Pierre Sueur a fait allusion, j'ai entendu dire que vous y étiez défavorables. Si ce texte est adopté, et ce sera le cas (M. Jean-Jacques Hyest s'exclame) - s'il était soumis au référendum, on pourrait en douter, mais comme on a choisi de réunir le Parlement en Congrès à Versailles, il est évident qu'il sera voté - et s'il devient la loi dans un mois, on peut attendre jusque-là, n'est-il pas vrai ? Cette loi permettrait de procéder à une expérimentation. Ce serait une bonne chose pour tout le monde !

Pour un texte aussi controversé, aussi délicat que celui-là, vous pourriez décider - pourquoi pas ? - d'effectuer une expérimentation !

Nous avons déposé une motion tendant à opposer la question préalable, parce que c'est une solution ; elle sera défendue tout à l'heure par Jean-Pierre Sueur. L'adoption de cette motion permettrait d'interrompre le débat et de le reprendre plus tard. Mais elle présente un inconvénient : elle équivaut au rejet du texte. Certes, il est peut-être un peu ambitieux de notre part de vous demander de rejeter le texte, encore que le Sénat a appliqué depuis longtemps ce que l'on appelle la question préalable « positive ». Et, par deux fois, le Conseil constitutionnel a laissé faire, sous réserve que cela ne se produise pas trop souvent. Cette procédure consiste à supprimer tout débat au Sénat de manière que le texte soit immédiatement renvoyé à l'Assemblée nationale, qui le vote. Cela va encore plus vite que le vote conforme auquel vous recourez, en ce moment, tous les jours. On vous le proposera !

Sinon, Il n'est pas certain que la décision du Conseil constitutionnel du 28 juillet 1993, qui a autorisé des expérimentations en matière universitaire, ne permette pas d'ores et déjà de procéder à une expérimentation. Si vous n'adoptez pas notre question préalable, nous vous proposerons un amendement qui va dans ce sens. Vous avez l'embarras du choix !

Enfin, la troisième solution, consisterait à suspendre nos travaux jusqu'au vote, par le Parlement réuni en Congrès, du projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République. Ensuite, nous pourrions, à coup sûr, décider qu'il est possible de procéder à une expérimentation.

Nous nous devions de vous donner ces explications pour le cas où vous ne retiendriez aucune de nos propositions. Cela permettra d'éclairer ceux qui auront la curiosité de se reporter à nos débats. Il faut dire que, apparemment, nos collègues ne semblent pas passionnés. Certes, ils peuvent considérer que les choses sont dites, que, de toute façon, les « boitiers » voteront pour eux et qu'ils peuvent donc se permettre de ne pas fréquenter notre hémicycle. Ces explications permettrons également d'éclairer le Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je tiens à préciser à M. Dreyfus-Schmidt que je n'ai jamais parlé d'un accord entre les commissions pour que ce texte soit adopté conforme. Ce matin, notre collègue a assisté à la réunion de la commission des lois - il ne m'a pas fait l'honneur d'être présent cet après-midi - et il a entendu mes explications : j'ai indiqué les raisons pour lesquelles le texte de l'Assemblée nationale pouvait être adopté, mais il n'a jamais été question d'accord préalable ! En faisant allusion à un tel accord, M. Dreyfus-Schmidt a commis une erreur de fait qui appelait une rectification immédiate. Je regrette qu'il ne m'ait pas autorisé à l'interrompre.

De telles erreurs ne sont pas exceptionnelles de sa part. Malheureusement, un exemple nous en a été donné ce matin, en commission des lois, à propos de l'avis émis par notre assemblée sur la proposition de décision-cadre relative au mandat d'arrêt européen au stade où ce n'était qu'un projet. Notre collègue avait complètement oublié qu'on avait émis des avis. Mais enfin, commettre une erreur en commission, ce n'est pas trop grave. En revanche, le faire en séance publique en profitant de l'autorité et du confort que donne la tribune, c'est à la fois gênant et choquant.

Par ailleurs, en ce qui concerne la conférence de presse, j'avoue que je suis perplexe. Le rapporteur d'une commission a parfaitement le droit - la liberté d'expression existe, du moins je l'espère - de trouver utile de réunir la presse pour lui rendre compte des travaux de la commission.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Aux frais du Sénat !

M. Pierre Fauchon, rapporteur. Cela fait partie de ses facultés. Il a parfaitement le droit de s'exprimer ! D'ailleurs, ce n'était pas une démarche conjoncturelle : il s'agissait de montrer la continuité de nos travaux. MM. Haenel, Arthuis, Hyest et Cointat étaient présents. (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.) Je constate que, vous, vous m'interrompez ! Vos façons de procéder sont vraiment gênantes, monsieur Dreyfus-Schmidt, et je mesure mes propos !

Par conséquent, il s'agissait de l'exercice normal de la liberté d'expression. Bien entendu, si M. Dreyfus-Schmidt le souhaite, il peut donner une conférence de presse pour expliquer son point de vue sur ce texte.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Bien sûr !

M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je ne vois pas comment j'aurais pu le convier à intervenir à mes côtés, alors qu'il avait voté contre le projet de loi et qu'il avait même déposé une motion tendant à opposer la question préalable.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. La presse a le droit de tout savoir !

M. Pierre Fauchon, rapporteur. Cela aurait été d'une incohérence surprenante ! Que M. Dreyfus-Schmidt fasse ses réunions de presse comme il l'entend, mais qu'il veuille bien respecter la liberté d'expression de ses collègues !

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures vingt-cinq, est reprise à vingt-deux heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi organique relatif aux juges de proximité.

Question préalable

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi organique relatif aux juges de proximité
Avant l'article 1er

M. le président. Je suis saisi par MM. Dreyfus-Schmidt, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, d'une motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.

Cette motion est ainsi rédigée :

« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi organique, modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux juges de proximité (n° 103 rect., 2002-2003). »

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la motion.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, je défendrai succinctement cette motion tendant à opposer la question préalable, puisque M. Dreyfus-Schmidt et moi-même en avons déjà exposé l'objet tout à l'heure, au cours de la discussion générale.

La motion vise à vous proposer de considérer qu'il n'y a pas lieu de délibérer, non pas parce que le sujet manque d'intérêt, mais pour une simple question de logique.

M. le ministre a rappelé tout l'intérêt qu'il portait au concept d'expérimentation, et M. le rapporteur a également été très éloquent sur ce thème. L'expérimentation est véritablement une idée-force. Le Gouvernement l'a développée, et un large accord se fait sur cette notion ; tout dépend, bien entendu, de la façon dont elle est mise en oeuvre.

S'agissant de l'innovation que représentent les juges de proximité, le débat a montré ce soir qu'elle ne recueillait pas l'unanimité, et les très nombreuses réactions émanant des organisations syndicales, mais aussi des associations professionnelles de magistrat, ont permis de constater que de très sérieuses questions se posaient.

Nous-mêmes avons mis l'accent sur l'incohérence qu'il y avait à constituer un nouvel ordre de juridiction autonome pour ensuite rapprocher son organisation de celle des tribunaux de grande instance. Tout cela n'est pas très clair.

Il nous semblerait plus sage d'expérimenter cette nouvelle formule dans un certain nombre de ressorts que vous pourriez définir, monsieur le garde des sceaux, afin de pouvoir l'évaluer concrètement, de mesurer l'intérêt qu'il y aurait à poursuivre dans cette voie ou de décider qu'il est tout simplement préférable de renforcer les moyens affectés aux tribunaux d'instance, notamment en personnel. Ce serait là oeuvrer en bonne intelligence, en tenant compte des observations qui auraient été faites sur le sujet tout en conservant ce que cette innovation présenterait d'intéressant.

Puisque, dans quelques jours, dans quelques semaines, le principe de l'expérimentation sera inscrit dans la Constitution, il est clair que, si l'on souhaite l'appliquer aux juges de proximité, la bonne solution serait d'adopter un amendement visant à créer cette nouvelle institution, dans un premier temps à titre expérimental, et dans des conditions qui restent à définir. Il me semble, mes chers collègues, que vous pourriez être d'accord avec cette proposition, qui me paraît parfaitement logique.

Il est intéressant d'expérimenter, et nous disposerons prochainement du moyen sûr en droit de le faire, lorsque la Constitution aura été modifiée. La sagesse consisterait donc à ne pas se précipiter. Au demeurant, à quoi bon se précipiter ? Nous n'en sommes pas à quelques semaines près ! Nous pourrons reprendre la discussion après la réunion du Congrès à Versailles, car nous serons alors en mesure de mettre en oeuvre cette expérimentation dans des conditions juridiquement sûres et reconnues.

Tel est l'objet de la motion que j'ai l'honneur de vous présenter, mes chers collègues.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Fauchon, rapporteur. L'avis de la commission ne peut qu'être défavorable, pour des raisons qui se dégagent suffisamment des explications qui ont été données au cours de la discussion générale.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est évidemment défavorable à cette motion.

Le Gouvernement a proposé l'institution des juges de proximité l'été dernier ; le Parlement s'est prononcé, et la loi d'orientation et de programmation pour la justice a été promulguée le 9 septembre. Dans cette loi, la juridiction était créée, les compétences définies, et le statut, conformément à l'avis que le Conseil d'Etat avait donné au Gouvernement au mois de juin, renvoyé à une loi organique. Celle-ci a été débattue au Sénat et à l'Assemblée nationale ; elle vous revient aujourd'hui pour une deuxième lecture.

Il est temps maintenant de passer aux actes et de mettre cette juridiction en place, de recruter les juges de proximité et, ainsi, de répondre à l'attente que nos concitoyens ont très clairement exprimée il y a quelques mois.

M. Jean Bizet. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable, repoussée par la commission et par le Gouvernement.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi organique.

(La motion n'est pas adoptée.)

M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi organique relatif aux juges de proximité
Art. 1er

Articles additionnels avant l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par MM. Dreyfus-Schmidt, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

« L'examen de ce projet de loi organique est suspendu jusqu'à l'adoption définitive du projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République permettant d'expérimenter le juge de proximité par exemple dans dix départements pendant une durée limitée. »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je souhaiterais, monsieur le président, que le Sénat examine d'abord l'amendement n° 3.

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par MM. Dreyfus-Schmidt, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

« Les dispositions de la présente loi sont appliquées à titre expérimental pour une durée de trois ans dans dix départements déterminés par le ministère de la justice.

« Six mois avant le terme de ce délai, un bilan sera établi afin d'évaluer l'efficacité de cette nouvelle juridiction et d'envisager sa généralisation à l'ensemble du territoire ou son abandon. »

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Au cours de la discussion générale, j'ai évoqué tant la question préalable que les amendements n°s 2 et 3.

Cependant, je répondrai tout d'abord à M. le garde des sceaux que le texte relatif à la décentralisation n'avait pas encore été adopté lorsque nous avons examiné en première lecture le projet de loi organique qui nous occupe ce soir, et qu'il n'était pas prévu que le Congrès se réunirait au mois de février, nous assurant ainsi la possibilité de procéder à l'expérimentation à laquelle tend aujourd'hui l'amendement n° 3. La question est donc nouvelle de savoir s'il y a lieu d'expérimenter ou non.

Le rapporteur, qui vient de rappeler son opposition à notre amendement, a bien voulu indiquer à la commission qu'une expérimentation aurait été une bonne chose. C'est là une contradiction assez curieuse de sa part !

Par l'amendement n° 3, nous posons la question de savoir s'il ne serait pas d'ores et déjà possible de prévoir une expérimentation, sans même attendre l'adoption définitive du projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République, et je citerai un extrait de la décision du Conseil constitutionnel du 28 juillet 1993, à laquelle nous avons fait allusion tout à l'heure, qui portait sur les universités :

« Considérant qu'il est même loisible au législateur de prévoir la possibilité d'expériences comportant des dérogations aux règles ci-dessus définies de nature à lui permettre d'adopter par la suite, au vu des résultats de celles-ci, des règles nouvelles appropriées à l'évolution des missions de la catégorie d'établissements en cause ; que toutefois il lui incombe alors de définir précisément la nature et la portée de ces expérimentations, les cas dans lesquels celles-ci peuvent être entreprises, les conditions et les procédures selon lesquelles elles doivent faire l'objet d'une évaluation conduisant à leur maintien, à leur modification, à leur généralisation ou à leur abandon ; ».

Il conviendrait donc de se poser d'abord la question de savoir s'il ne serait pas raisonnable d'expérimenter cette juridiction nouvelle - juridiction à juge unique, juridiction à part entière -, qui présente actuellement des caractéristiques quelque peu curieuses puisqu'on ne connaît encore ni son siège ni son ressort, comme j'ai déjà eu l'occasion de le souligner.

Nous pouvons le faire tout de suite, et c'est l'objet de l'amendement n° 3, ou bien - et vous me permettrez, monsieur le président, d'exposer dès maintenant l'amendement suivant -...

M. René Garrec, président de la commission des lois. Cela nous fera gagner du temps !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous pouvons adopter l'amendement n° 2, qui tend à introduire la disposition suivante : « L'examen de ce projet de loi organique est suspendu jusqu'à l'adoption définitive du projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République permettant d'expérimenter le juge de proximité par exemple dans dix départements pendant une durée limitée. »

N'est-ce pas là la solution de sagesse, si vous estimez, mes chers collègues, qu'il n'est pas possible de décréter d'ores et déjà l'expérimentation sur la base de la décision du Conseil constitutionnel de 1993 ?

Vous pouvez constater qu'il y a une gradation entre les deux amendements, et c'est pourquoi, monsieur le président, je vous ai demandé la permission - que vous m'avez accordée, ce dont je vous remercie - d'exposer l'amendement n° 3 avant l'amendement n° 2.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Fauchon, rapporteur. La commission ne peut qu'être défavorable à ces deux amendements.

En vérité, notre objectif, aujourd'hui, est la mise en application d'une loi adoptée définitivement au mois de juillet dernier. Or ces amendements, qui ne sont que des manoeuvres de retardement, chacun le voit bien, auraient mieux trouvé leur place dans cette loi d'orientation et de programmation pour la justice.

M. Jean Bizet. Tout à fait !

M. Pierre Fauchon, rapporteur. Cette loi est votée depuis maintenant six mois, et il est urgent de la mettre en oeuvre. C'est ce que nous souhaitons, et c'est pourquoi nous sommes tout à fait défavorables à ces deux amendements.

S'il est vrai que j'ai parlé d'expérimentation, je me suis aussi expliqué avec précision sur ce à quoi je pensais, et ceux qui ont bien voulu m'écouter - notre collègue M. Michel Dreyfus-Schmidt n'en faisait pas partie, ce que je ne saurais lui reprocher, mais, dès lors, il ne devrait pas me citer - ont compris que je la souhaitais évidemment en aval, après le vote de la loi.

Par conséquent, c'est en parfaite cohérence avec moi-même, à titre personnel, et avec les décisions de la commission que je confirme l'avis défavorable de celle-ci sur les amendements n°s 3 et 2.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

M. Robert Bret. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

M. Robert Bret. Le groupe CRC s'abstient.

(L'amendement n'est pas adopté).

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par MM. Dreyfus-Schmidt, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

« L'article L. 710-1 du code de l'organisation judiciaire est ainsi modifié :

« I. - Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : "Le juge de proximité fixe par ordonnance les dates de ses audiences" ;

« II. - Au début du second alinéa, les mots : "Cette ordonnance" sont remplacés par les mots : "Ces ordonnances". »

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement a pour objet de retrouver une certaine cohérence. Nous avons, en effet, mis l'accent sur la grande contradiction, à laquelle le Conseil constitutionnel sera probablement sensible, qui existe entre les termes de la loi d'orientation, selon laquelle la juridiction de proximité est une juridiction autonome, et ceux de l'article 41-17-1, qui prévoit les modalités de son organisation.

Dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, l'article 41-17-1 prévoit en effet que « le magistrat du siège du tribunal de grande instance chargé de l'administration du tribunal d'instance organise l'activité et les services de la juridiction de proximité ».

Je relève, d'abord, qu'il n'y a pas de services, ensuite, que si la juridiction est autonome, il va de soi qu'elle s'administre et s'organise elle-même !

La remarque vaut naturellement pour le deuxième alinéa de l'article 41-7-1, alinéa qui, lui aussi, est totalement contradictoire avec le principe de l'autonomie du nouvel ordre de juridiction, les ordonnances visées étant, en tout état de cause et sans exception, prises par les présidents des juridictions autonomes. Je rappelle, si nécessaire, que les juges d'instance sont membres du tribunal de grande instance.

Je tiens enfin à préciser que l'article 7 de la loi du 9 septembre 2002 laisse à un décret le soin de déterminer le siège et le ressort des juges de proximité, et je vois là une nouvelle contradiction.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si nous voulons retrouver la cohérence, il faut revenir à une très grande simplicité : dans la mesure où il s'agit d'une juridiction autonome, l'article L. 710-1 du code de l'organisation judiciaire doit prévoir que « le juge de proximité fixe par ordonnance les dates de ses audiences » et qu'il s'organise lui-même.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Fauchon, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.

Il ne nous paraît pas opportun de supprimer le juge d'instance dans l'organisation de la juridiction de proximité. Que ces dernières y soient rattachées constitue une importante avancée et correspond tout à fait à l'idée que nous nous faisons de leur bon fonctionnement.

Nous n'acceptons donc pas d'emprunter une voie qui va dans un sens différent et d'ailleurs opposé à celui qu'adoptent en général les auteurs de l'amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le rapporteur, si nous voulions faire, comme vous avez l'outrecuidance de l'affirmer,...

M. René Garrec, président de la commission des lois. Ce n'est pas très élégant !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... de l'obstruction, nous ne nous serions pas contentés de déposer dix amendements et une seule motion de procédure. Vous aurez d'ailleurs constaté que nous n'avons pas utilisé les quinze minutes que nous accordait le règlement. Vos propos sont donc non seulement inexacts mais blessants !

Nous souhaiterions en revanche que vous nous répondiez sur le fond.

La juridiction créée par la loi d'orientation et de programmation pour la justice n'est pas seulement une nouvelle juridiction, c'est un nouvel ordre de juridiction aux termes de l'article 34 de la Constitution.

Vous vous êtes inspiré de l'article 710-1 du code de l'organisation judiciaire, selon lequel chaque chef de juridiction autonome prend les décisions relatives à l'organisation de ses différents services. Or, en l'espèce, il n'y a pas plusieurs services et il n'y a donc pas de répartition entre différents services à prévoir puisqu'il n'y a qu'un seul juge de proximité par juridiction.

M. René Garrec, président de la commission des lois. On n'en sait rien !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. La seule chose que celui-ci ait à faire est de prévoir les dates de ses audiences, puisqu'il exerce à temps partiel. Pour le reste, il accomplit sa mission dans le cadre des compétences qui lui sont reconnues par la loi d'ores et déjà votée. Point à la ligne !

Il faudrait que vous nous expliquiez pourquoi vous voulez maintenant rattacher le juge de proximité au tribunal d'instance, contrairement à ce que vous avez prévu dans la loi d'orientation et de programmation pour la justice. Si vous aviez décidé de faire des juges de proximité des juges temporaires à la disposition du tribunal d'instance, votre logique ne serait pas mise à mal, mais ce n'est pas ce que vous avez décidé !

Par voie de conséquence, cet article n'est pas acceptable et nous vous demandons de voter l'amendement n° 4.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je veux simplement dire à M. Dreyfus-Schmidt que l'autonomie d'une juridiction se traduit par l'indépendance dans son activité juridictionnelle mais ne concerne en rien son organisation administrative, laquelle peut, en l'occurrence, très bien être assurée par le juge d'instance.

M. René Garrec, président de la commission des lois. Excellente réponse !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le Conseil constitutionnel le dira !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

M. Robert Bret. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Avant l'article 1er
Dossier législatif : projet de loi organique relatif aux juges de proximité
Art. n° 41-22 et 41-23 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958

Article 1er

M. le président. « Art. 1er. - Après le chapitre V quater de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, il est inséré un chapitre V quinquies ainsi rédigé :

« Chapitre V quinquies

« Des juges de proximité

« Art. 41-17. - Peuvent être nommés juges de proximité, pour exercer une part limitée des fonctions des magistrats des juridications judiciaires de première instance, s'ils remplissent les conditions prévues aux 2° à 5° de l'article 16 :

« 1° Les anciens magistrats de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif ;

« 2° Les personnes, âgées de trente-cinq ans au moins, que leur compétence et leur expérience qualifient pour excercer ces fontions. Ces personnes doivent soit remplir les conditions fixées au 1° de l'article 16, soit être membres ou anciens membres des professions libérales juridiques et judiciaires soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé. Elles doivent, en outre, justifier de quatre années au moins d'exercice professionnel dans le domaine juridique ;

« 3° Les personnes justifiant de vingt-cinq années au moins d'activité dans des fonctions impliquant des responsabilités de direction ou d'encadrement dans le domaine juridique, administratif, économique ou social les qualifiant pour l'exercice des fonctions judiciaires ;

« 4° Les anciens fonctionnaires des services judiciaires des catégories A et B, que leur expérience qualifie pour l'exercice des fonctions judiciaires ;

« 5° Les conciliateurs de justice ayant exercé leurs fonctions pendant au moins cinq ans ;

« 6° Supprimé.

« Art. 41-17-1. - Le magistrat du siège du tribunal de grande instance chargé de l'administration du tribunal d'instance organise l'activité et les services de la juridiction de proximité.

« Il fixe par une ordonnance annuelle la répartition des juges de proximité dans les différents services de la juridiction.

« Cette ordonnance est prise en la forme prévue par le code de l'organisation judiciaire.

« Art. 41-18. - Les juges de proximité sont nommés pour une durée de sept ans non renouvelable, dans les formes prévues pour les magistrats du siège.

« L'article 27-1 ne leur est pas applicable.

« Avant de rendre son avis, la formation compétente du Conseil Supérieur de la magistrature peut décider de soumettre l'intéressé à une formation probatoire organisée par l'Ecole nationale de la magistrature et comportant un stage en juridiction effectué selon les modalités prévues à l'article 19. Le deuxième alinéa de l'article 25-3 est applicable aux stagiaires.

« Le directeur de l'Ecole nationale de la magistrature établit, sous forme d'un rapport, le bilan du stage probatoire du candidat, qu'il adresse à la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature et au garde des sceaux, ministre de la justice.

« Préalablement à leur entrée en fonction, les juges de proximité prêtent serment dans les conditions prévues à l'article 6.

« Les juges de proximité n'ayant pas été soumis à la formation probatoire prévue dans le troisième alinéa suivent une formation organisée par l'Ecole nationale de la magistrature et comportant un stage en juridiction effectué selon les modalités prévues à l'article 19.

« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions de dépôt et d'instruction des dossiers de candidature, les modalités d'organisation et la durée de la formation, ainsi que les conditions dans lesquelles sont assurées l'indemnisation et la protection sociale des stagiaires mentionnés au présent article.

« Art. 41-19 et 41-20. - Non modifiés.

« Art. 41-21. - Par dérogation au premier alinéa de l'article 8, les juges de proximité peuvent exercer une activité professionnelle concomitamment à leurs fonctions judiciaires, sous réserve que cette activité ne soit pas de nature à porter atteinte à la dignité de la fonction et à son indépendance. Les membres des professions libérales juridiques et judiciaires soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et leurs salariés ne peuvent exercer des fonctions de juge de proximité dans le ressort du tribunal de grande instance où ils ont leur domicile professionnel ; ils ne peuvent effectuer aucun acte de leur profession dans le ressort de la juridiction de proximité à laquelle ils sont affectés.

« Sans préjudice de l'application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 8, les juges de proximité ne peuvent exercer concomitamment aucune activité d'agent public, à l'exception de celle de professeur et de maître de conférences des universités.

« En cas de changement d'activité professionnelle, les juges de proximité en informent le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle ils sont affectés, qui leur fait connaître. le cas échéant, que leur nouvelle activité n'est pas compatible avec l'exercice de leurs fonctions juridiciaires.

« Les juges de proximité ne peuvent connaître de litiges présentant un lien avec leur activité professionnelle ou lorsqu'ils entretiennent ou ont entretenu des relations professionnelles avec l'une des parties. Dans ces cas, le président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel ils sont affectés décide, à leur demande ou à celle de l'une des parties, que l'affaire sera soumise à un autre juge de proximité du même ressort. Cette décision de renvoi est insusceptible de recours.

« Les juges de proximité ne peuvent mentionner cette qualité ni en faire état dans les documents relatifs à l'exercice de leur activité professionnelle, tant pendant la durée de leurs fonctions que postérieurement.

« Art. 41-22. - Le pouvoir d'avertissement et le pouvoir disciplinaire à l'égard des juges de proximité sont exercés dans les conditions définies au chapitre VII. Indépendamment de l'avertissement prévu à l'article 44 et de la sanction prévue au 1° de l'article 45, peut seule être prononcée, à titre de sanction disciplinaire, la fin des fonctions.

« Art. 41-23. - Les juges de proximité ne peuvent demeurer en fonction au-delà de l'âge de soixante-quinze ans.

« Il ne peut être mis fin à leurs fonctions qu'à leur demande ou au cas où aurait été prononcée à leur encontre la sanction de la fin des fonctions prévue à l'article 41-22.

« Durant un an à compter de la cessation de leurs fonctions judiciaires, les juges de proximité sont tenus de s'abstenir de toute prise de position publique en relation avec ces fonctions. »

La parole est à M. Alain Fouché, sur l'article.

M. Alain Fouché. L'article 1er appelle de ma part deux remarques, qui ne m'empêcheront cependant pas de le voter « conforme ».

La création d'une véritable juridiction de proximité répond à une très forte attente de nos concitoyens. Cependant, l'application du droit, même pour des affaires de faible importance, lesquelles revêtent avant tout une forte dimension psychologique, nécessite des connaissances et des qualifications minimales, indispensables pour assurer l'objectivité de la décision.

Outre son expérience, le juge de proximité devra ainsi être titulaire d'un diplôme ou avoir des compétences juridiques reconnues.

La prudence me conduit toutefois à penser qu'il aurait peut-être été préférable de limiter la durée du mandat de ces juges à cinq ans au lieu de sept.

A contrario, si le juge de proximité faisait montre, au cours de ces cinq années, de ses capacités à juger, son mandat devrait pouvoir être renouvelé une fois. L'expérience que le juge aurait acquise serait alors très précieuse pour l'institution judiciaire de proximité.

Ma deuxième remarque concerne la limite d'âge, qui est fixée à soixante-quinze ans, ou plus exactement, plutôt que l'âge proprement dit, les notions d'actif et de non-actif. D'ailleurs, plus qu'une remarque, c'est un souhait.

Je souhaite en effet que, dans la pratique des recrutements, si cela apparaît possible, plutôt que des avocats, des magistrats, des huissiers ou des notaires en retraite, soient choisis de préférence des juristes en activité.

Monsieur le ministre, en France, certains jeunes avocats peinent à gagner leur vie convenablement du fait d'une importante concurrence. Le mandat de juge de proximité pourrait leur apporter un complément financier appréciable, sous réserve, bien sûr, qu'ils aient les compétences nécessaires pour l'exercer.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, sur l'article.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je remercie très vivement notre collègue Alain Fouché, car ses propos reflètent ce qui s'est passé en commission : de nombreux membres de la majorité ont fait des observations qui auraient dû se traduire par des amendements soumis à l'appréciation du Sénat tout entier. Après quoi le Gouvernement aurait pu demander la réunion d'une commission mixte paritaire et un accord aurait pu être trouvé, avec nos collègues de l'Assemblée nationale, sur tel ou tel point.

M. Fouché le sait lui-même, il est illogique d'annoncer que l'on votera « conforme » tout en disant qu'il aurait mieux valu faire autrement. Il y a évidemment là une contradiction. Si je remercie M. Fouché, c'est parce que ses propos démontrent de façon éclatante que la méthode adoptée, qui consiste à décider a priori de voter conforme et donc à refuser tout amendement, toute suggestion, toute observation, est très mauvaise. J'estime pour ma part que le Sénat se déconsidère en employant cette méthode.

M. René Garrec, président de la commission des lois. C'est faux !

M. le président. Sur l'article 1er, je suis saisi d'un certain nombre d'amendements.

 
 
 

ARTICLE 41-17 DE L'ORDONNANCE N{o 58-1270

du 22 DÉCEMBRE 1958

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par MM. Dreyfus-Schmidt, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé par l'article 1er pour l'article 41-17 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, après les mots : "juges de proximité," remplacer les mots : "pour exercer une part limitée des fonctions des magistrats des juridictions de première instance" par les mots : "pour exercer les fonctions qui leur sont dévolues par la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice". »

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. La commission des lois du Sénat ayant, comme nous-mêmes, déposé en première lecture un amendement identique à cet amendement n° 5, on peut en définitive considérer que M. Fauchon en est l'auteur. (Sourires.)

Selon les termes de la décision du Conseil constitutionnel sur la loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice, les juges de proximité sont nommés pour exercer « une part limitée des fonctions des magistrats des juridictions judiciaires de première instance ».

Dès lors que les fonctions de juge de proximité ont été définies par la loi du 9 septembre 2002, il est apparu plus logique à la commission, à M. Fauchon et à nous-mêmes, d'y faire simplement référence.

La commission, quant à elle, avait proposé de supprimer purement et simplement cette adjonction au motif, et je cite M. Pierre Fauchon, « que la formulation retenue est peu élégante et peut-être superflue et que les choses sont suffisamment claires pour que les membres du nouvel ordre de juridiction n'aient pas le sentiment de devenir des magistrats au sens plein du terme ».

Satisfait par cette argumentation, notre groupe avait retiré son amendement et celui de M. le rapporteur avait été adopté. Mais l'Assemblée nationale a fait le choix inverse.

Je sais que nous sommes en plein culte du vote conforme - ce qui signifie, finalement, que nous nous refusons à faire le travail qui est le nôtre, à aller jusqu'au bout du débat et à permettre la réunion, pourtant toujours très utile et bénéfique, d'une commission mixte paritaire - mais je suis persuadé que M. Fauchon estime toujours que la formulation retenue est peu élégante, superflue et qu'elle pourrait donc être améliorée.

Il plaide néanmoins désormais pour que nous adoptions cette formulation qu'avec sa sagesse coutumière il contestait !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je suis heureux d'avoir donné à mon collègue et ami Jean-Pierre Sueur l'occasion de se moquer, gentiment, je dois le dire, de moi...

M. Jean-Pierre Sueur. Je ne me moque pas, je dis la vérité !

M. Pierre Fauchon, rapporteur. ... et de dénoncer ma capacité à évoluer dans mes réflexions ! (Sourires.)

Je n'ai pas honte d'être un de ceux qui, après avoir pensé, à un moment, qu'il valait mieux que les choses soient dites d'une certaine façon, pensent maintenant qu'il vaut mieux les dire d'une autre façon, qui n'est d'ailleurs pas fondamentalement différente.

Vous avez rappelé, monsieur Sueur, les termes que j'avais employés : je n'avais pas dénoncé la rédaction du Gouvernement comme absolument inacceptable ; j'avais dit qu'elle ne me paraissait pas très heureuse, qu'elle avait un côté déplaisant pour les personnes visées.

M. Jean-Pierre Sueur. Déplaisant, voilà !

M. Pierre Fauchon, rapporteur. Monsieur Sueur, si votre intervention n'est pas terminée, continuez, je vous en prie ! Vous me préviendrez quand vous aurez fini !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais que vous arrive-t-il ?

M. le président. Monsieur Sueur, laissez M. le rapporteur s'exprimer, s'il vous plaît. Lui seul a la parole.

M. Pierre Fauchon, rapporteur. La rédaction proposée par le Gouvernement ne m'avait donc pas paru très élégante ni très agréable pour les gens que l'on cherchait à mobiliser. Mais ma réflexion a évolué et l'on m'a fait observer qu'il ne s'agit tout de même pas de placer les magistrats en question sur le même pied que les magistrats professionnels, qu'il était bon, ne serait-ce que dans un souci de constitutionnalité, que le texte fasse apparaître qu'ils ne sont pas, comme ces derniers, des magistrats de pleine vocation. Il s'agit d'une catégorie particulière de magistrats remplissant des missions particulières, d'où l'utilité de la formulation retenue par le Gouvernement, que je persiste à trouver peu encourageante pour les candidats mais qui a paru plus prudente à la commission d'un point de vue constitutionnel.

C'est la raison pour laquelle, réflexion faite, nous l'avons approuvée. La navette sert précisément à faire évoluer les positions et il n'y a aucune honte à reconnaître que l'on a changé.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Il n'y a pas lieu de faire dans la loi organique, qui porte sur le seul statut des magistrats visés, un renvoi aux dispositions de la loi ordinaire, en particulier à la définition des compétences inscrite dans celle-ci. D'une part, cela instaurerait une hiérarchie des normes qui n'est pas satisfaisante ; d'autre part, cela instaurerait une rigidité qui n'a pas lieu d'être puisque, si demain le Parlement décidait de faire évoluer quelque peu les compétences de la juridiction en question, il faudrait modifier la loi organique.

Pour ces deux raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous avons été ébranlés par la réponse de M. le garde des sceaux, qui est bien meilleure que celle de M. le rapporteur.

M. Jean Bizet. Quelle élégance !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

Mme Nicole Borvo. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 6, présenté par MM. Dreyfus-Schmidt, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Supprimer le quatrième alinéa (3°) du texte proposé par cet article pour l'article 41-17 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958. »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je tiens à rappeler qu'il nous a été dit non pas qu'il fallait aider les juges d'instance, mais qu'il s'agissait d'instaurer une juridiction de proximité devant traiter un contentieux pour lequel nos concitoyens renoncent actuellement à s'adresser aux tribunaux, parce qu'ils jugent la démarche trop complexe et trop longue. Si cela était vrai, cela signifierait que l'on voudrait encore augmenter le nombre des affaires soumises aux tribunaux.

Cela étant, que l'on ne nous dise pas qu'il s'agit de petites affaires ! En effet, la loi simple dispose, je le rappelle, que, en matière civile, la juridiction de proximité connaît en dernier ressort des actions personnelles mobilières dont elle est saisie par une personne physique pour les besoins de sa vie non professionnelle jusqu'à la valeur de 1 500 euros - ce n'est pas beaucoup ! - ou d'une valeur indéterminée, mais qui ont pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 1 500 euros. L'affaire peut donc être très importante !

Dès lors, qui peut juger ce genre d'affaires ? Relisons les termes de l'article VI de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, rappelé par le Conseil constitutionnel dans sa décision selon laquelle une loi organique est nécessaire :

« La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont le droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. »

Or, l'article 1er du projet de loi organique prévoit que peuvent être nommés juges de proximité, premièrement, les anciens magistrats de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif soit, encore que j'émette une réserve quant aux magistrats de l'ordre administratif, qui ne s'y connaissent pas particulièrement en matière de droit civil et de droit pénal.

M. René Garrec, président de la commission des lois. Il n'y a que les avocats qui sachent tout !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Deuxièmement, peuvent être nommées les personnes, âgées de trente-cinq ans au moins, que leur compétence et leur expérience qualifient pour exercer ces fonctions. Ces personnes doivent soit remplir les conditions fixées au 1° de l'article 16, soit être membres ou anciens membres des professions libérales, juridiques et judiciaires soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé.

Elles doivent, en outre, justifier de quatre années au moins d'exercice professionnel dans le domaine juridique ». Le cas de ces personnes, qui disposent d'une grande expérience et de compétences poussées, ne pose aucun problème : elles ont évidemment la capacité d'être magistrats à temps partiel, et même, sans doute, au-delà.

Mais, troisièmement, peuvent être nommées juges de proximité « les personnes justifiant de vingt-cinq années au moins d'activité dans des fonctions impliquant des responsabilités de direction ou d'encadrement dans le domaine juridique - quel qu'il soit -, administratif - quel qu'il soit -, économique - quel qu'il soit - ou social les qualifiant pour l'exercice des fonctions judiciaires. Il est évident que de telles personnes ne sont pas qualifiées pour remplir des fonctions de magistrat omnicompétent en matière de droit civil et de droit pénal !

Je me permets d'insister sur ce point : il est assez ridicule de placer sur le même plan premièrement d'anciens magistrats, deuxièmement des gens très compétents et expérimentés dans le domaine juridique et, troisièmement, n'importe qui !

M. Hilaire Flandre. Allons, allons !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Telle est très exactement la teneur du troisième alinéa de la rédaction proposée pour l'article 41-17 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 !

M. Hilaire Flandre. Nous sommes n'importe qui !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il suffit que les intéressés aient exercé des fonctions de direction ou d'encadrement ! En revanche, un syndicaliste qui aurait l'habitude de plaider devant les prud'hommes ne peut prétendre exercer la fonction de juge de proximité : il n'est pas dirigeant, il n'est pas cadre !

M. Jean-Jacques Hyest. Il peut être un dirigeant syndical !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il ne s'agit pas forcément d'un dirigeant syndical ! Du reste, le fait d'avoir exercé des responsabilités de direction ou d'encadrement dans le domaine économique ou social qualifie-t-il pour rendre la justice ? N'est-il pas nécessaire d'avoir suivi des années d'études pour connaître le droit et devenir magistrat ?

M. Hilaire Flandre. Il ne s'agit pas de la cour d'assises !

Mme Nicole Borvo. Aux assises, ce sont des citoyens qui siègent !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais le rôle des jurés de cour d'assises est beaucoup plus simple ! On leur demande de se former une intime conviction, c'est tout ! En outre, des magistrats expérimentés se tiennent à leur disposition.

Mme Nicole Borvo. Le projet de loi organique vise les syndicalistes du MEDEF !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. On ne demande pas aux jurés de cour d'assises d'être des juges uniques et de juger seuls ! Cela n'a rien à voir ! Je tiens à insister sur ce point, car il est très important. Le Conseil constitutionnel devra vérifier si les personnes dont nous parlons auront la capacité pour accéder aux emplois de juge. Quoi qu'il en soit, nous demandons fermement la suppression du quatrième alinéa du texte proposé par l'article 1er pour l'article 41-17 de l'ordonnance du 22 décembre 1958.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je me suis déjà longuement expliqué, dans mon propos liminaire, sur l'élargissement des possibilités de recrutement des juges de proximité, ainsi que sur sa signification et sur l'importance que nous y attachons. Je me suis également déjà exprimé sur le sens que nous pensons pouvoir donner à la notion de capacité, sous réserve, bien entendu, du contrôle souverain du Conseil constitutionnel. Je ne ferai pas à M. Dreyfus-Schmidt le plaisir de répéter mon argumentation. Cela me paraît inutile, s'agissant de ce qui me semble être plus une manoeuvre dilatoire qu'une véritable discussion sur le fond, laquelle a d'ailleurs déjà été tenue à plusieurs reprises.

En outre, mes collègues auront compris que, si je n'ai pas répondu à certaines apostrophes assez insolentes et désagréables de M. Dreyfus-Schmidt, c'est que je me refuse, pour ma part, à abaisser notre débat à un niveau aussi médiocre. (M. Michel Dreyfus-Schmidt rit.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 7, présenté par MM. Dreyfus-Schmidt, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« I. - Dans le sixième alinéa (5°) du texte proposé par cet article pour l'article 41-17 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958, après les mots : "Les conciliateurs", insérer les mots : "et les assesseurs des tribunaux pour enfants".

« II. - Compléter in fine le même alinéa par les mots : "que leur expérience qualifie pour l'exercice des fonctions judiciaires". »

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement a pour objet de réintroduire la possibilité, pour les assesseurs des tribunaux pour enfants, d'exercer les fonctions de juge de proximité. Le Sénat avait considéré, lors de la première lecture, qu'ouvrir le recrutement à ces juges, qui ont une habitude de la juridiction, pourrait présenter un intérêt. Nous continuons, pour notre part, de le penser.

Par ailleurs, cet amendement subordonne la possibilité, pour les conciliateurs et les assesseurs des tribunaux pour enfants, d'exercer les fonctions de juge de proximité à la condition que leur expérience les qualifie pour cela, comme le prévoit le projet de loi pour les anciens fonctionnaires des catégories A et B, que leur expérience doit qualifier pour l'exercice des fonctions judiciaires, ainsi que l'énonce le 4° de la rédaction proposée pour l'article 41-17 de l'ordonnance.

Monsieur le président, nous souhaiterions qu'il soit procédé à un vote par division sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Fauchon, rapporteur. Il est vrai que la commission a considéré, à la suite de l'Assemblée nationale, qu'il n'y avait pas lieu d'introduire une disposition particulière visant les assesseurs des tribunaux pour enfants.

Nous avons estimé que le fait d'avoir été assesseur des tribunaux pour enfants ne constituait pas en soi une condition suffisante, parce que cela représentait tout de même une expérience très limitée. En revanche, il nous a semblé que des personnes ayant assumé les fonctions d'assesseur des tribunaux pour enfants pouvaient prétendre accéder aux fonctions de juge de proximité dès lors qu'elles remplissaient les conditions prévues par l'article 1er mais que nos collègues du groupe socialiste voulaient supprimer. Cette voie est ouverte aux assesseurs des tribunaux pour enfants comme à toutes les personnes ayant exercé pendant vingt-cinq ans des fonctions de responsabilité, dans les mêmes conditions.

Il a donc paru sage à la commission d'approuver la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale sur ce point. Elle émet, par conséquent, un avis défavorable sur l'amendement n° 7.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Avis défavorable, pour la même raison.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce qui vient d'être dit est tout simplement inexact.

En effet, pour prétendre accéder aux fonctions de juge de proximité, il faudra avoir assumé pendant vingt-cinq années au moins des fonctions de direction ou d'encadrement dans les domaines juridique, administratif, économique ou social, ce qui n'est évidemment pas le cas des assesseurs des tribunaux pour enfants !

La commission avait pourtant d'abord estimé qu'il suffirait à ceux-ci d'avoir exercé leurs fonctions pendant au moins cinq ans. On nous objectera qu'ils ne connaissent pas tout le droit civil.

M. Jean-Jacques Hyest. Ni le droit pénal !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela est vrai, mais les assesseurs des tribunaux pour enfants sont au moins aussi compétents, en matière juridique, que des personnes ayant rempli des fonctions d'encadrement dans les domaines social ou économique ! Nous ne comprenons donc pas que la commission, à la suite de l'Assemblée nationale, accepte qu'ils soient exclus du dispositif, puisque, contrairement à ce qu'ont indiqué M. le rapporteur et M. le garde des sceaux, les assesseurs des tribunaux pour enfants ne sont pas concernés par les dispositions du troisième alinéa de la rédaction présentée par l'article 1er du projet de loi pour l'article 41-17 de l'ordonnance. Cela est clair et net !

Si nous demandons, monsieur le président, un vote par division, c'est que, si le Sénat ne retenait pas l'idée d'associer aux conciliateurs les assesseurs des tribunaux pour enfants, il conviendrait au moins de préciser que les premiers devront justifier d'une expérience les qualifiant pour exercer des fonctions judiciaires. En effet, il existe des conciliateurs qui ne traitent que du droit de la famille, par exemple, et qui ne connaissent rien d'autre.

Dans la mesure où a été prévue une telle clause pour les greffiers - car c'est d'eux qu'il s'agit, puisque l'on semble penser que si l'on tient la plume pour rédiger des jugements de forme, on est forcément capable de rendre la justice...

M. Jean-Jacques Hyest. Ne méprisez pas les greffiers !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... pourquoi ne pas la prévoir pour les conciliateurs ? Je ne comprends pas !

Certes, mes collègues de la majorité sénatoriale me répondront que nos propos, quels qu'ils soient, n'ont aucune espèce d'importance et qu'ils voteront le texte conforme, même si nous les avons convaincus, comme ce fut le cas tout à l'heure pour M. Fouché ! Qu'ils en prennent la responsabilité !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre Fauchon, rapporteur. La précision évoquée par M. Dreyfus-Schmidt est superflue s'agissant des conciliateurs de justice. Il serait en effet assez singulier d'inscrire dans la loi que ces derniers doivent disposer d'une expérience les qualifiant pour l'exercice des fonctions judiciaires, fonctions que précisément ils assumaient dans le cadre de leur activité !

M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !

M. Pierre Fauchon, rapporteur. Prévoir une telle clause me paraît donc superfétatoire, et même déplaisant, encore une fois, pour les conciliateurs de justice, mais je crains que M. Dreyfus-Schmidt ne soit pas sensible à cet aspect des choses !

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Hyest. Je pense que M. Dreyfus-Schmidt pousse parfois le bouchon un peu loin ! Il exagère et fait preuve d'un mépris profond pour tous ceux qui ne sont pas avocats. (M. Michel Dreyfus-Schmidt proteste.)

A ses yeux, les membres de cette profession seraient seuls omniscients et compétents dans tous les domaines juridiques. M. Dreyfus-Schmidt faisait ainsi peu de cas, tout à l'heure, des magistrats de l'ordre administratif, et il estime maintenant que les greffiers en chef et les greffiers ne seraient pas capables de rendre une justice de proximité !

Lorsque l'on connaît l'importance du rôle et la qualité de la formation de ces professionnels, on ne peut que trouver infondée une telle opinion. Si des personnes sont capables d'être juges de proximité, ce sont bien celles qui sont les plus proches des juridictions, notamment les greffiers et les greffiers en chef. Je tenais à le préciser.

M. le président. Il va être procédé à un vote par division.

Je mets aux voix la première partie de l'amendement n° 7.

(La première partie de l'amendement n'est pas adoptée.)

M. le président. Je mets aux voix la seconde partie de l'amendement n° 7.

(La seconde partie de l'amendement n'est pas adoptée.)

M. le président. Les deux parties de l'amendement ayant été supprimées, il n'y a pas lieu de procéder à un vote sur l'ensemble.

Je mets aux voix le texte proposé pour l'article 41-17 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958.

(Ce texte est adopté.)

 
 
 

ARTICLE 41-17-1 DE L'ORDONNANCE N° 58-1270

DU 22 DÉCEMBRE 1958

M. le président. L'amendement n° 8, présenté par MM. Dreyfus-Schmidt, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Supprimer le texte proposé par cet article pour l'article 41-17-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958. »

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'amendement n° 4, qui, malheureusement, n'a pas été adopté. Il est donc devenu sans objet.

M. le président. L'amendement n° 8 n'a plus d'objet.

Je mets aux voix le texte proposé pour l'article 41-17-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958.

(Ce texte est adopté.)

 
 
 

ARTICLE 41-18 DE L'ORDONNANCE N° 58-1270

DU 22 DÉCEMBRE 1958

M. le président. Je mets aux voix le texte proposé pour l'article 41-18 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958.

(Ce texte est adopté.)

 
 
 

ARTICLE 41-21 DE L'ORDONNANCE N° 58-1270

DU 22 DÉCEMBRE 1958

M. le président. L'amendement n° 9, présenté par MM. Dreyfus-Schmidt, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Après le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 41-21 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les fonctions de juge de proximité sont incompatibles avec l'exercice d'un mandat de conseiller régional, général, municipal ou d'arrondissement, de membre du Conseil de Paris, de l'Assemblée de Corse, d'une assemblée de province de Nouvelle-Calédonie, de l'assemblée territoriale de Polynésie française ou de l'assemblée territoriale des îles de Wallis-et-Futuna ou d'un mandat au Parlement. »

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Il s'agit de poser le principe de l'incompatibilité entre les fonctions de juge de proximité et l'exercice d'un mandat électif. Cela nous paraît nécessaire.

M. René Garrec, président de la commission des lois. Non !

M. Jean-Jacques Hyest. Cela figure déjà dans le statut de la magistrature !

M. Jean-Pierre Sueur. Peut-être est-ce dans le statut de la magistrature, mon cher collègue, mais, dès lors que l'on crée une nouvelle catégorie de juges, il nous paraît utile de le préciser.

M. Jean-Jacques Hyest. On ne va pas répéter trente-six fois la même chose !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je suis un peu surpris car j'avais cru comprendre, à l'issue des délibérations de la commission, que cet amendement serait retiré. Puisqu'il est maintenu, je répète que cette disposition figure dans le statut de la magistrature, qui est applicable aux juges de proximité. A moins d'insérer dans le présent projet de loi organique tous les articles du statut de la magistrature, je ne vois pas pour quelle raison on répéterait spécialement celui-ci.

Cela a paru assez évident à la commission. Elle émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Il est défavorable pour la raison qui vient d'être indiquée.

Je voudrais vous apporter une précision, monsieur Sueur. Non seulement vous essayez de répéter le statut de la magistrature, qui s'applique à ces juges de proximité, mais vous commettez une erreur. En effet, dans le statut, l'incompatibilité est limitée géographiquement.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Voilà !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Or, en l'occurrence, pour une raison qui m'échappe, vous souhaitez que les juges de proximité aient une incompatibilité sur l'ensemble du territoire national.

Il ne vous semble pas choquant, et cela ne me choque pas non plus, qu'un juge puisse être conseiller municipal dans sa commune d'origine. Très souvent, aujourd'hui, les juges exercent quelques responsabilités municipales dans leur commune d'origine. A mes yeux, c'est très bien. Il s'agit d'une forme de dévouement à la cause publique. Je ne vois pas pour quelle raison vous l'interdiriez aux juges de proximité.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je m'apprêtais à apporter la précision que vient - et c'est heureux - d'apporter M. le garde des sceaux. Des magistrats sont maires ou conseillers généraux. Certes, ils ne peuvent être élus dans le département ou le ressort de leur fonction, mais ils peuvent être élus. M. le garde des sceaux dit : c'est comme cela. Encore une fois, je le remercie de le dire, car on nous a fourni des informations inexactes en commission.

M. Jean-Jacques Hyest. Les juges de proximité doivent être soumis aux mêmes incompatibilités que les autres, ni plus, ni moins !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous allons y venir ! Il y a tout de même une différence. Si le juge de proximité de Metz est élu conseiller municipal dans une autre commune...

M. René Garrec, président de la commission de lois. A Belfort !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. et s'il ne le déclare pas, cela n'aura effectivement pas d'importance puisqu'il aura le droit d'être élu dans cette commune.

M. René Garrec, président de la commission des lois. C'est compatible !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. On peut tout de même s'interroger car s'il est élu dans une localité voisine de celle dans laquelle il exerce ses fonctions, il pourra y exercer une certaine influence du fait de ses fonctions, d'autant qu'on ignore encore quel sera son ressort. (M. Jean-Jacques Hyest lève les bras au ciel.)

En ce qui concerne les avocats, vous avez décidé de leur refuser la possibilité d'être élus dans l'ensemble de leur ressort. Ne faudrait-il pas alors la leur refuser dans l'ensemble du département par exemple ? En tout cas, la question peur se poser. Aussi, nous maintenons notre amendement.

S'agissant non pas de la fonction de magistrat mais du juge intérimaire - nous ne connaissons d'ailleurs pas encore le montant de sa rémunération -...,

M. René Garrec, président de la commission des lois. Cela n'a rien à voir !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... il n'y a aucune raison, s'il est élu ailleurs, qu'il prétende venir rendre la justice ici.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

Mme Nicole Borvo. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 10, présenté par MM. Dreyfus-Schmidt, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Compléter le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 41-21 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 par une phrase ainsi rédigée : "A défaut d'informer le premier président de la cour d'appel dans les quinze jours du changement d'activité professionnelle, les juges de proximité sont :

« a) Passibles d'une amende de 1re classe si leur nouvelle activité est compatible avec l'exercice de leurs fonctions judiciaires ;

« b) Passibles d'une peine de 5e classe si leur nouvelle activité n'est pas compatible avec l'exercice de leurs fonctions judiciaires". »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, nous avons rectifié cet amendement en commission en supprimant l'alinéa a.

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 10 rectifié, présenté par MM. Dreyfus-Schmidt, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.

Il est ainsi libellé :

« Compléter le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 41-21 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 par une phrase ainsi rédigée : "A défaut d'informer le premier président de la cour d'appel dans les quinze jours du changement d'activité professionnelle, les juges de proximité sont passibles d'une peine de 5e classe si leur nouvelle activité n'est pas compatible avec l'exercice de leurs fonctions judiciaires". »

Veuillez poursuivre, monsieur Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Après avoir rappelé que les juges ne doivent pas porter atteinte à la dignité de la fonction, ce qui est tout à fait normal, l'article 41-21 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 dispose : « En cas de changement d'activité professionnelle, les juges de proximité en informent le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle ils sont affectés, qui leur fait connaître, le cas échéant, que leur nouvelle activité n'est pas compatible avec l'exercice de leurs fonctions judiciaires. Le président du tribunal de grande instance informe le premier président de la cour d'appel des cas de désaccord. Ce dernier peut saisir la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente en matière disciplinaire qui se prononce dans un délai de deux mois. Si, à l'expiration d'un délai d'un mois après le prononcé d'une décision confirmant l'avis du président du tribunal de grande instance, le juge de proximité n'a pas cessé d'exercer sa nouvelle activité professionnelle, il est mis fin à ses fonctions. »

On veut aller le plus vite possible, mais cela prend tout de même un certain temps. La question qui se pose est la suivante : s'il n'y a pas de déclaration, celui qui ne remplit plus les conditions mais qui ne le déclare pas continuera à rendre la justice, c'est-à-dire qu'il exercera illégalement la fonction, fût-ce à temps partiel, de magistrat. Nous pensons donc qu'il doit y avoir une sanction pour celui-là.

Nous avons renoncé à demander une sanction, fût-elle de principe, pour celui qui ne fait pas de déclaration mais dont l'activité, finalement, n'est pas incompatible avec ses fonctions de magistrat. Il n'a pas fait cette déclaration, il a eu tort, mais cela n'a pas de conséquence puisque cela n'est pas incompatible et qu'il peut continuer à être juge de proximité.

Mais celui qui ne remplit plus ces conditions et qui, en revanche, ne fait pas de déclaration, celui-là, je le répète, doit être sanctionné. Si nous demandons qu'il soit sanctionné, c'est évidemment pour l'inciter à faire cette déclaration, afin de ne pas risquer que des juges de proximité rendent la justice alors que leur situation nouvelle est incompatible avec les fonctions de magistrat.

Cette idée peut sans doute vous paraître intéressante, et je vous en remercie, mais cela ne me suffit pas. Si vous l'estimez bonne, il faudrait la voter ! Evidemment, ce serait très grave car on serait obligé de réunir une commission mixte paritaire...

M. René Garrec, président de la commission des lois. Absolument pas, car cette disposition est d'ordre réglementaire !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... ou de poursuivre la navette, ce qui ne prendrait pas beaucoup de temps, il faut bien le dire ! Personnellement, ma conception est la suivante : si on est d'accord avec une disposition qui est proposée, le législateur a le devoir de la voter. Sinon, il n'y aurait pas besoin de nous !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Fauchon, rapporteur. D'abord, je rappelle que, par cet amendement, nous sommes dans le domaine réglementaire. (M. le président de la commission opine.) Or nous sommes en train d'élaborer une loi organique. Quel dénivelé ! Mais cela ne suffit pas à entamer l'enthousiasme législatif de certains de nos collègues.

Nous nous sommes rangés à l'avis, pertinent, de l'Assemblée nationale, selon lequel les questions de caractère disciplinaire sont réglées par le statut de la magistrature,...

M. Jean-Jacques Hyest. Bien sûr !

M. Pierre Fauchon, rapporteur. ... qui énonce les obligations des magistrats ainsi que les procédures et les sanctions éventuelles pouvant être appliquées, et que nous avons d'ailleurs enrichi voilà un peu moins d'un an. Donc, il est sage de s'en rapporter à l'application générale du statut de la magistrature, et de ne pas s'engager dans une voie qui est, à tout le moins, tatillonne et assez vexatoire à l'égard de cette catégorie de magistrats.

Dans cet esprit, nous proposons au Sénat de rejeter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Défavorable, pour les mêmes raisons.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Que l'on ne nous dise pas que le statut de la magistrature s'applique ! En effet, il est précisé dans la loi qu'il n'y a qu'une sanction, qui consiste à mettre fin aux fonctions de l'intéressé. S'il est découvert qu'il n'a pas fait de déclaration, cela ne répond pas au problème que nous avons posé.

En ce qui concerne les magistrats professionnels, il n'est pas question qu'ils changent d'activité professionnelle. Ils sont magistrats ou ils ne le sont pas ! S'ils changent d'activité professionnelle, ils ne sont plus magistrats ! Cela n'a donc rien à voir avec le cas qui est ici posé.

Bien sûr, selon vous, il serait très gênant de voter cet amendement car il vous faut voter le texte conforme, au prétexte qu'il y a urgence et qu'une lecture devant chaque chambre c'est déjà de trop. Je le répète : prenez vos responsabilités !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10 rectifié.

Mme Nicole Borvo. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le texte proposé pour l'article 41-21 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958.

(Ce texte est adopté.)

ARTICLES 41-22 ET 41-23 DE L'ORDONNANCE N° 58-1270

DU 22 DÉCEMBRE 1958

Art. 1er
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Art. 1er bis

M. le président. Je mets aux voix les textes proposés pour les articles 41-22 et 41-23 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958.

Mme Nicole Borvo. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(Ces textes sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'ensemble de l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Art. n° 41-22 et 41-23 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958
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Art. 4

Article 1er bis

M. le président. « Art. 1er bis. - I. - Après la première phrase du deuxième alinéa de l'article 12-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 précitée, il est inséré une phrase ainsi rédigée : "S'agissant des juges de proximité, elle est précédée d'un entretien avec le magistrat du siège du tribunal de grande instance chargé de l'administration du service du tribunal d'instance dans le ressort duquel est située la juridiction de proximité".

« II. - Au début de la dernière phrase du même alinéa, le mot : "Elle" est remplacé par les mots : "L'évaluation". » - (Adopté.)

Art. 1er bis
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 4

M. le président. L'article 4 a été supprimé par l'Assemblée nationale.

L'amendement n° 11, présenté par MM. Dreyfus-Schmidt, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

« Avant le 1er janvier 2007, le Gouvernement transmettra au Parlement un rapport détaillé établissant le bilan de la mise en place des juridictions de proximité, du fonctionnement des tribunaux d'instance et des tribunaux de grande instance et des recrutements des juges de proximité. »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous estimions nécessaire que, au moins une fois, un rapport d'évaluation soit transmis au Parlement. Il nous a été répondu qu'un amendement de la loi de finances pour 2003 prévoit, chaque année, à l'ouverture de la session ordinaire, la transmission d'un rapport ayant pour objet de retracer l'exécution de la loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice, et d'évaluer les résultats obtenus. Ce rapport sera préparé par une instance extérieure aux services concernés. L'évaluation portera notamment sur l'instauration de la juridiction de proximité.

Si une telle disposition a été prise, nous ne demandons plus un unique rapport, puisque nous disposerons d'un rapport chaque année. Il est tout de même curieux que ce soit à l'occasion de la loi de finances que ce rapport ait été prévu. Mais notre souci, qui était légitime, est satisfait. Aussi, nous retirons cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 11 est retiré et l'article 4 demeure supprimé.

Les autres dispositions du projet de loi organique ne font pas l'objet de la deuxième lecture.

Vote sur l'ensemble

Art. 4
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi organique, je donne la parole à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le groupe socialiste, de manière délibérée, volontaire et déterminée, votera contre le projet de loi organique.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Amoudry.

M. Jean-Paul Amoudry. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le présent projet de loi organique s'inscrit dans une démarche que le Sénat a entreprise depuis fort longtemps. En effet, à plusieurs occasions, les membres de notre haute assemblée ont mené une réflexion novatrice en faveur de la justice de proximité.

Dès 1991, un rapport de MM. Haenel et Arthuis avait préconisé que soit étudiée « une réforme des tribunaux d'instance et des tribunaux de police en vue de les adapter aux "contentieux de masse" suivant des modalités s'inspirant de la conception originelle des juges de paix et de l'expérience des actuelles maisons de justice ».

Cette justice de proximité a le mérite, comme son nom l'indique, d'être proche géographiquement des justiciables, mais également d'être proche dans son fonctionnement. Elle a vocation à régler dans les plus brefs délais le contentieux de masse, particulièrement fréquent et qui empoisonne le quotidien de nos concitoyens.

Je voudrais, au nom du groupe de l'Union centriste, saluer le travail du Sénat qui, en modifiant le projet de loi initial, a élargi le recrutement des juges de proximité en interprétant la notion d'aptitude au sens large.

Initialement, en effet, seules les personnes titulaires d'un diplôme juridique d'enseignement supérieur de quatre ans pouvaient se porter candidates. Désormais, pourront avoir accès aux fonctions de juge de proximité celles qui ont exercé pendant vingt-cinq ans des fonctions impliquant des responsabilités de direction et d'encadrement dans divers domaines - social, administratif, économique ou juridique - et qui - faut-il le rappeler ? - auront satisfait à l'épreuve de vérification de leur aptitude à l'issue du stage probatoire prévu par la loi. Il s'agit ainsi d'ouvrir les métiers de la justice à des personnes dont l'expérience de la vie peut apporter beaucoup à la fonction.

Cette ouverture à une plus grande catégorie de personnes qui apportent à la juridiction de proximité un autre savoir-faire s'inscrit dans une démarche résolument moderne de la justice.

Vous le savez, monsieur le garde des sceaux, de vives critiques émanent de la magistrature professionnelle. Ces critiques expriment parfois des inquiétudes justifiées.

Ainsi en est-il des craintes quant à l'organisation matérielle de cette nouvelle juridiction. Pour apaiser ces inquiétudes et faire taire ces critiques, il importe de mettre en oeuvre tous les moyens nécessaires pour que cette juridiction tienne toutes ses promesses, en particulier la promesse d'une justice plus efficace dans son ensemble et plus proche des citoyens.

Le groupe de l'Union centriste soutient le projet d'une justice de proximité. C'est pourquoi nous voterons ce texte. Toutefois, nous serons très attentifs à sa mise en oeuvre, afin que cette importante réforme atteigne son objectif, à savoir une indispensable amélioration de notre justice. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo.

Mme Nicole Borvo. Nous voterons résolument contre le texte.

Je regrette que les problèmes soulevés depuis le début par ce projet de loi organique, que les objections formulées par les différentes organisations professionnelles et que les débats ayant surgi ici même, puis à l'Assemblée nationale, n'aient pas été suffisamment pris en compte et n'aient pas permis de réfléchir plus avant à ce type de réforme. C'est bien dommage, car les dispositifs qui vont résulter de l'adoption de ce texte soulèveront inévitablement de nouveaux problèmes, et devront alors certainement être revus.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

82319318160206112. Le Sénat a adopté définitivement.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
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6

RETRAIT D'UNE QUESTION ORALE

AVEC DÉBAT

M. le président. J'informe le Sénat que Mme Bidard-Reydet a fait connaître qu'elle retire la question orale avec débat n° 7 qu'elle avait posée à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.

Cette question avait été communiquée au Sénat le 21 janvier 2003.

Acte est donné de ce retrait.

7

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de Mmes Marie-Claude Beaudeau, Hélène Luc, Marie-France Beaufils, Danielle Bidard-Beydet, Nicole Borvo, MM. Robert Bret, Yves Coquelle, Mmes Annie David, Michelle Demessine, Evelyne Didier, MM. Guy Fischer, Thierry Foucaud, Gérard Le Cam, Mme Josiane Mathon, MM. Roland Muzeau, Jack Ralite, Ivan Renar et Mme Odette Terrade, une proposition de loi relative au suivi sanitaire des essais nucléaires français.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 141 distribuée et renvoyée à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

8

TEXTES SOUMIS AU SÉNAT

EN APPLICATION

DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la réduction des émissions de composés organiques volatiles dues à l'utilisation de solvants organiques dans les peintures et vernis décoratifs et les produits de retouche automobile, et modifiant la directive 1999/13/CE.

Ce texte sera imprimé sous le n° E 2181 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil arrêtant un programme pluriannuel (2004-2006) pour l'intégration efficace des technologies de l'information et de la communication (TIC) dans les systèmes d'éducation et de formation en Europe (programme eLearning).

Ce texte sera imprimé sous le n° E 2182 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 97/68/CE sur le rapprochement des législations des Etats membres relatives aux mesures contre les émissions de gaz et de particules polluants provenant des moteurs à combustion interne destinés aux engins mobiles non routiers.

Ce texte sera imprimé sous le n° E 2183 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 40/94 sur la marque communautaire.

Ce texte sera imprimé sous le n° E 2184 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil concernant le commerce de certains équipements et produits susceptibles d'être utilisés à des fins de torture ou pour infliger la peine capitale ou d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Ce texte sera imprimé sous le n° E 2185 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 417/2002 du Parlement européen et du Conseil du 18 février 2002 relatif à l'introduction accélérée des prescriptions en matière de double coque ou de normes de conception équivalentes pour les pétroliers à simple coque, et abrogeant le règlement (CE) n° 2978/94.

Ce texte sera imprimé sous le n° E 2186 et distribué.

9

DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu un rapport déposé par M. Henri Revol, premier vice-président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, sur l'évolution du secteur des semi-conducteurs et ses liens avec les micro et nanotechnologies, établi par M. Claude Saunier, sénateur, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Le rapport sera imprimé sous le n° 138 et distribué.

J'ai reçu de M Patrice Gélard un rapport, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à aggraver les peines punissant les infractions à caractère raciste, antisémite ou xénophobe (n° 90, 2002-2003).

Le rapport sera imprimé sous le n° 139 et distribué.

J'ai reçu de M. Philippe Richert un rapport, fait au nom de la commission des affaires culturelles, sur le projet de loi portant ratification de l'ordonnance n° 2000-549 du 15 juin 2000 relative à la partie législative du code de l'éducation (n° 470, 1999-2000).

Le rapport sera imprimé sous le n° 140 et distribué.

10

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 23 janvier 2003.

A neuf heures trente :

1. Discussion de la question orale avec débat n° 5 de M. Jacques Pelletier à M. le ministre des affaires étrangères sur le respect des engagements internationaux en matière de droits de l'homme :

M. Jacques Pelletier attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la situation particulièrement difficile d'un grand nombre d'Etats du monde où des centaines de milliers de personnes sont persécutées en raison de leurs opinions politiques, de leurs croyances ou de leur appartenance à un groupe ethnique. En dépit de l'engagement répété de nombreux Etats en faveur de la Déclaration universelle des droits de l'homme, nous dénombrons toujours des violations graves et systématiques de ces droits, de façon ouverte ou camouflée. Il lui demande comment le Gouvernement français peut, en liaison avec nos partenaires européens, user de son influence pour faire cesser ces pratiques et promouvoir un respect effectif des engagements internationaux pris par les Etats en matière de droits de l'homme.

Aucune inscription de parole dans le débat n'est plus recevable.

A quinze heures et, éventuellement, le soir :

2. Discussion de la question orale avec débat n° 6 de M. Jean-Paul Amoudry à M. le Premier ministre sur les conclusions et propositions formulées par la mission d'information du Sénat sur la politique de la montagne :

M. Jean-Paul Amoudry appelle l'attention de M. le Premier ministre sur les conclusions et propositions formulées par la mission d'information du Sénat sur la politique de la montagne dans son rapport rendu public le 16 octobre 2002. En effet, si les travaux conduits par la mission depuis le mois de février dernier ont souligné l'infinie diversité des territoires des montagnes de France, qui couvrent 28 % du territoire et regroupent 13,5 % de la population de notre pays, ils ont également mis en évidence de très nombreuses caractéristiques communes aux terres d'altitude.

Ces points communs et les préoccupations qui en découlent apparaissent comme autant de questions urgentes posées aux responsables politiques dans des domaines déterminants pour l'avenir des zones de montagne françaises :

- le niveau des soutiens publics à l'agriculture, inférieur à la moyenne nationale, et donc en totale contradiction avec les principes de légitime compensation du « handicap montagne » affirmés depuis plusieurs décennies par le législateur ;

- la préservation d'une activité industrielle, souvent fortement enracinée, qui aspire à continuer à vivre dans des territoires incapables de surmonter sans aide extérieure le handicap de l'enclavement, et qui ressentent un fort déficit de solidarité nationale ;

- la poursuite du développement touristique, freiné par l'absence de politiques fiscales et sociales adaptées à la saisonnalité et d'un véritable régime de la pluriactivité ;

- la quasi-inexistence de politiques nationales et européennes pour régler la question de la traversée des massifs frontaliers, ce qui inflige aux populations sédentaires les nuisances induites par la croissance du trafic routier sans perspective d'amélioration ;

- l'absence de concertation avec les responsables locaux, constatée dans certaines initiatives environnementalistes, telle la réintroduction du loup, au mépris d'activités ancestrales, comme le pastoralisme, entretenant ainsi le sentiment que les « grandes » décisions concernant la montagne relèvent d'un processus centralisé ;

- la lente, mais apparemment inéluctable, disparition de services publics, médicaux et privés, qui, dans beaucoup de massifs, entraîne puis accroît la dévitalisation démographique ;

- l'excès de rigueur, enfin, dans l'application des dispositions d'urbanisme de la loi « montagne », devenue la pomme de discorde permanente entre élus locaux et représentants de l'Etat.

Aussi, il lui demande de bien vouloir lui faire connaître les initiatives et mesures que le Gouvernement qu'il dirige entend engager pour répondre aux interrogations et légitimes inquiétudes des élus, responsables et populations des départements de montagne, et leur apporter l'aide et le soutien qu'ils attendent pour relever les défis auxquels sont confrontés ces territoires.

Aucune inscription de parole dans le débat n'est plus recevable.

3. Discussion de la proposition de loi (n° 90, 2002-2003), adoptée par l'Assemblée nationale, visant à aggraver les peines punissant les infractions à caractère raciste, antisémite ou xénophobe.

Rapport (n° 139, 2002-2003) de M. Patrice Gélard, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

4. Discussion des conclusions du rapport (n° 129, 2002-2003) de M. Gérard Le Cam, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan, sur la proposition de loi (n° 292, 2001-2002) de MM. Gérard Le Cam, François Autain, Jean-Yves Autexier, Mmes Marie-Claude Beaudeau, Marie-France Beaufils, M. Pierre Biarnès, Mmes Danielle Bidard-Reydet, Nicole Borvo, MM. Robert Bret, Yves Coquelle, Mmes Annie David, Michelle Demessine, Evelyne Didier, MM. Guy Fischer, Thierry Foucaud, Paul Loridant, Mmes Hélène Luc, Josiane Mathon, MM. Roland Muzeau, Jack Ralite, Ivan Renar, Mme Odette Terrade et M. Paul Vergès tendant à préserver les services de proximité en zone rurale.

Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.

Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

Délais limites pour les inscriptions de parole

et pour le dépôt des amendements

Projet de loi portant ratification de l'ordonnance n° 2000-549 du 15 juin 2000 relative à la partie législative du code de l'éducation (n° 470, 1999-2000) :

Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 27 janvier 2003, à dix-sept heures ;

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la bioéthique (n° 189, 2001-2002) :

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 27 janvier 2003, à dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 27 janvier 2003, à dix-sept heures ;

Projet de loi relatif à la répression de l'activité de mercenaire (n° 287, 2001-2002) :

Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 29 janvier 2003, à dix-sept heures.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures quarante.)

Le Directeur

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD

OFFICES PARLEMENTAIRES

OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION

DES POLITIQUES DE SANTÉ

Composition

Délégation du Sénat

Lors de sa séance du mardi 21 janvier 2003, le Sénat a désigné MM. Gilbert Barbier, Gilbert Chabroux, Gérard Dériot, Guy Fischer, Francis Giraud, Adrien Gouteyron, Jean-Louis Lorrain, Jean-François Picheral, Jean-Marie Vanlerenberghe et André Vantomme, sénateurs, pour siéger au sein de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé, dont sont membres de droit MM. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales du Sénat, et Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance maladie dans le cadre des lois de financement de la sécurité sociale, en application de la loi n° 2002-1487 du 20 décembre 2002 de financement de la sécurité sociale pour 2003 (art. 6 octies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires).

ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

Conseil national des politiques de lutte

contre la pauvreté et l'exclusion sociale

Le 21 janvier 2003, M. le président du Sénat a reconduit, en application du décret n° 99-216 du 22 mars 1999, pour siéger au sein du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale :

M. Bernard Seillier, en qualité de membre titulaire ;

M. Alain Gournac, en qualité de membre suppléant.

NOMINATION DE BUREAUX

DE COMMISSIONS D'ENQUÊTE

Dans sa séance du mercredi 22 janvier 2003, la commission d'enquête sur la maltraitance envers les personnes handicapées accueillies en établissements et services sociaux et médico-sociaux et les moyens de la prévenir a procédé à la nomination de son bureau qui est ainsi constitué :

Président : M. Paul Blanc.

Vice-présidents : Mme Anne-Marie Payet, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, André Vantomme.

Secrétaire : M. Dominique Larifla.

Rapporteur : M. Jean-Marc Juilhard.

Dans sa séance du mercredi 22 janvier 2003, la commission d'enquête sur la politique nationale de lutte contre les drogues illicites a procédé à la nomination de son bureau qui est ainsi constitué :

Présidente : Mme Nelly Olin.

Vice-présidents : M. Gilbert Chabroux, Mmes Michelle Demessine, Valérie Létard, M. Roland du Luart.

Secrétaire : M. Gilbert Barbier.

Rapporteur : M. Bernard Plasait.

NOMINATION DE RAPPORTEURS

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES

M. Philippe Nachbar a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 62 (2002-2003) de M. Ladislas Poniatowski et plusieurs de ses collègues tendant à transférer les droits d'auteur aux victimes ou à leurs ayants droit lorsqu'il s'agit d'un ouvrage relatif à des faits ayant entraîné la condamnation de l'auteur.

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, DE LA DÉFENSE

ET DES FORCES ARMÉES

Mme Paulette Brisepierre a été nommée rapporteur du projet de loi n° 133 (2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République arabe d'Egypte, d'autre part.

M. André Boyer a été nommé rapporteur du projet de loi n° 134 (2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord de stabilisation et d'association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et l'ancienne République yougoslave de Macédoine, d'autre part.

M. Didier Boulaud a été nommé rapporteur du projet de loi n° 135 (2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord de stabilisation et d'association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Croatie, d'autre part.

M. Jean-Pierre Plancade a été nommé rapporteur du projet de loi n° 137 (2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation du protocole de Carthagène sur la prévention des risques biotechnologiques relatif à la convention sur la diversité biologique.

Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON

ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL

de la séance

du mercredi 22 janvier 2003

SCRUTIN (n° 81)

sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle, adopté par l'Assemblée nationale, relatif au mandat d'arrêt européen.

Nombre de votants :318Nombre de suffrages exprimés :318Pour : 295Contre : 23Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :

Contre : 23.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (27) :

Pour : 27.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (17) :

Pour : 17.

GROUPE SOCIALISTE (82) :

Pour : 82.

GROUPE UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE (166) :

Pour : 164.

N'ont pas pris part au vote : 2. - M. Christian Poncelet, président du Sénat, et M. Serge Vinçon, qui présidait la séance.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :

Pour : 5.

Ont voté pour

Nicolas About

Philippe Adnot

Jean-Paul Alduy

Nicolas Alfonsi

Jean-Paul Amoudry

Michèle André

Pierre André

Bernard Angels

Philippe Arnaud

Jean Arthuis

Henri d'Attilio

Bertrand Auban

Robert Badinter

Denis Badré

Gérard Bailly

José Balarello

Gilbert Barbier

Bernard Barraux

Jacques Baudot

Jean-Michel Baylet

Michel Bécot

Jean-Pierre Bel

Jacques Bellanger

Claude Belot

Maryse Bergé-Lavigne

Daniel Bernardet

Roger Besse

Jean Besson

Laurent Béteille

Joël Billard

Claude Biwer

Jean Bizet

Jacques Blanc

Paul Blanc

Marie-Christine Blandin

Maurice Blin

Annick Bocandé

Didier Borotra

Didier Boulaud

Joël Bourdin

Brigitte Bout

André Boyer

Jean Boyer

Yolande Boyer

Jean-Guy Branger

Gérard Braun

Dominique Braye

Paulette Brisepierre

Louis de Broissia

Claire-Lise Campion

Jean-Pierre Cantegrit

Jean-Claude Carle

Jean-Louis Carrère

Ernest Cartigny

Auguste Cazalet

Bernard Cazeau

Charles Ceccaldi-Raynaud

Monique Cerisier-ben Guiga

Gérard César

Gilbert Chabroux

Michel Charasse

Jacques Chaumont

Jean Chérioux

Marcel-Pierre Cleach

Jean Clouet

Christian Cointat

Yvon Collin

Gérard Collomb

Gérard Cornu

Raymond Courrière

Roland Courteau

Jean-Patrick Courtois

Philippe Darniche

Yves Dauge

Marcel Debarge

Robert Del Picchia

Gérard Delfau

Jean-Pierre Demerliat

Fernand Demilly

Christian Demuynck

Marcel Deneux

Gérard Dériot

Rodolphe Désiré

Sylvie Desmarescaux

Yves Detraigne

Eric Doligé

Claude Domeizel

Jacques Dominati

Michel Doublet

Michel Dreyfus-Schmidt

Paul Dubrule

Alain Dufaut

André Dulait

Ambroise Dupont

Jean-Léonce Dupont

Hubert Durand-Chastel

Josette Durrieu

Bernard Dussaut

Louis Duvernois

Daniel Eckenspieller

Jean-Paul Emin

Jean-Paul Emorine

Michel Esneu

Claude Estier

Jean-Claude Etienne

Pierre Fauchon

Jean Faure

Françoise Férat

André Ferrand

Hilaire Flandre

Gaston Flosse

François Fortassin

Alain Fouché

Jean-Pierre Fourcade

Bernard Fournier

Serge Franchis

Philippe François

Jean François-Poncet

Jean-Claude Frécon

Yves Fréville

Bernard Frimat

Yann Gaillard

René Garrec

Christian Gaudin

Jean-Claude Gaudin

Philippe de Gaulle

Charles Gautier

Gisèle Gautier

Patrice Gélard

André Geoffroy

Alain Gérard

François Gerbaud

Charles Ginésy

Francis Giraud

Paul Girod

Jean-Pierre Godefroy

Daniel Goulet

Jacqueline Gourault

Alain Gournac

Adrien Gouteyron

Francis Grignon

Louis Grillot

Georges Gruillot

Charles Guené

Jean-Noël Guérini

Michel Guerry

Hubert Haenel

Emmanuel Hamel

Claude Haut

Françoise Henneron

Marcel Henry

Pierre Hérisson

Odette Herviaux

Daniel Hoeffel

Jean-François Humbert

Jean-Jacques Hyest

Pierre Jarlier

Bernard Joly

Alain Journet

Jean-Marc Juilhard

Roger Karoutchi

Joseph Kergueris

Christian de La Malène

André Labarrère

Philippe Labeyrie

Jean-Philippe Lachenaud

Pierre Laffitte

Serge Lagauche

Roger Lagorsse

Lucien Lanier

Jacques Larché

Gérard Larcher

André Lardeux

Dominique Larifla

Patrick Lassourd

Robert Laufoaulu

René-Georges Laurin

Jean-René Lecerf

Dominique Leclerc

Jacques Legendre

Jean-François Le Grand

André Lejeune

Serge Lepeltier

Louis Le Pensec

Philippe Leroy

Marcel Lesbros

Valérie Létard

Claude Lise

Gérard Longuet

Jean-Louis Lorrain

Simon Loueckhote

Roland du Luart

Brigitte Luypaert

Philippe Madrelle

Jacques Mahéas

Jean-Yves Mano

François Marc

Max Marest

Philippe Marini

Pierre Martin

Jean-Pierre Masseret

Marc Massion

Jean Louis Masson

Serge Mathieu

Pierre Mauroy

Michel Mercier

Louis Mermaz

Lucette Michaux-Chevry

Gérard Miquel

Jean-Luc Miraux

Louis Moinard

René Monory

Aymeri de Montesquiou

Michel Moreigne

Dominique Mortemousque

Georges Mouly

Bernard Murat

Philippe Nachbar

Paul Natali

Philippe Nogrix

Nelly Olin

Joseph Ostermann

Georges Othily

Jacques Oudin

Monique Papon

Jean-Marc Pastor

Anne-Marie Payet

Michel Pelchat

Jacques Pelletier

Guy Penne

Jean Pépin

Daniel Percheron

Jacques Peyrat

Jean-Claude Peyronnet

Jean-François Picheral

Xavier Pintat

Bernard Piras

Jean-Pierre Plancade

Bernard Plasait

Jean-Marie Poirier

Ladislas Poniatowski

André Pourny

Danièle Pourtaud

Gisèle Printz

Jean Puech

Henri de Raincourt

Daniel Raoul

Paul Raoult

Daniel Reiner

Victor Reux

Charles Revet

Henri Revol

Henri de Richemont

Philippe Richert

Roger Rinchet

Yves Rispat

Josselin de Rohan

Roger Romani

Gérard Roujas

André Rouvière

Janine Rozier

Michèle San Vicente

Bernard Saugey

Claude Saunier

Jean-Pierre Schosteck

Bernard Seillier

Michel Sergent

Bruno Sido

René-Pierre Signé

Daniel Soulage

Louis Souvet

Jean-Pierre Sueur

Simon Sutour

Michel Teston

Michel Thiollière

Jean-Marc Todeschini

Henri Torre

René Trégouët

Pierre-Yvon Tremel

André Trillard

François Trucy

Alex Türk

Maurice Ulrich

Jacques Valade

André Vallet

Jean-Marie Vanlerenberghe

André Vantomme

Alain Vasselle

André Vezinhet

Jean-Pierre Vial

Marcel Vidal

Xavier de Villepin

Jean-Paul Virapoullé

Henri Weber

François Zocchetto

Ont voté contre

François Autain

Jean-Yves Autexier

Marie-Claude Beaudeau

Marie-France Beaufils

Pierre Biarnès

Danielle Bidard-Reydet

Nicole Borvo

Robert Bret

Yves Coquelle

Annie David

Michelle Demessine

Evelyne Didier

Guy Fischer

Thierry Foucaud

Gérard Le Cam

Paul Loridant

Hélène Luc

Josiane Mathon

Roland Muzeau

Jack Ralite

Ivan Renar

Odette Terrade

Paul Vergès

N'ont pas pris part au vote

Christian Poncelet, président du Sénat, et Serge Vinçon, qui présidait la séance.

Les nombres annoncés en séance avaient été de :

Nombre de votants :319Nombre des suffrages exprimés :319Majorité absolue des suffrages exprimés :160Pour :296Contre : 23Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.

SCRUTIN (n° 82)

sur l'ensemble du projet de loi organique, modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux juges de proximité.

Nombre de votants :318Nombre de suffrages exprimés :317Pour :205Contre :112Le Sénat a adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :

Contre : 23.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (27) :

Pour : 27.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (17) :

Pour : 9.

Contre : 7. - MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, François Fortassin et Dominique Larifla.

Abstention : 1. - M. Nicolas Alfonsi.

GROUPE SOCIALISTE (82) :

Contre : 82.

GROUPE UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE (166) :

Pour : 164.

N'ont pas pris part au vote : 2. - M. Christian Poncelet, président du Sénat et M. Serge Vinçon, qui présidait la séance.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :

Pour : 5.

Ont voté pour

Nicolas About

Philippe Adnot

Jean-Paul Alduy

Jean-Paul Amoudry

Pierre André

Philippe Arnaud

Jean Arthuis

Denis Badré

Gérard Bailly

José Balarello

Gilbert Barbier

Bernard Barraux

Jacques Baudot

Michel Bécot

Claude Belot

Daniel Bernardet

Roger Besse

Laurent Béteille

Joël Billard

Claude Biwer

Jean Bizet

Jacques Blanc

Paul Blanc

Maurice Blin

Annick Bocandé

Didier Borotra

Joël Bourdin

Brigitte Bout

Jean Boyer

Jean-Guy Branger

Gérard Braun

Dominique Braye

Paulette Brisepierre

Louis de Broissia

Jean-Pierre Cantegrit

Jean-Claude Carle

Ernest Cartigny

Auguste Cazalet

Charles Ceccaldi-Raynaud

Gérard César

Jacques Chaumont

Jean Chérioux

Marcel-Pierre Cleach

Jean Clouet

Christian Cointat

Gérard Cornu

Jean-Patrick Courtois

Philippe Darniche

Robert Del Picchia

Fernand Demilly

Christian Demuynck

Marcel Deneux

Gérard Dériot

Sylvie Desmarescaux

Yves Detraigne

Eric Doligé

Jacques Dominati

Michel Doublet

Paul Dubrule

Alain Dufaut

André Dulait

Ambroise Dupont

Jean-Léonce Dupont

Hubert Durand-Chastel

Louis Duvernois

Daniel Eckenspieller

Jean-Paul Emin

Jean-Paul Emorine

Michel Esneu

Jean-Claude Etienne

Pierre Fauchon

Jean Faure

Françoise Férat

André Ferrand

Hilaire Flandre

Gaston Flosse

Alain Fouché

Jean-Pierre Fourcade

Bernard Fournier

Serge Franchis

Philippe François

Jean François-Poncet

Yves Fréville

Yann Gaillard

René Garrec

Christian Gaudin

Jean-Claude Gaudin

Philippe de Gaulle

Gisèle Gautier

Patrice Gélard

André Geoffroy

Alain Gérard

François Gerbaud

Charles Ginésy

Francis Giraud

Paul Girod

Daniel Goulet

Jacqueline Gourault

Alain Gournac

Adrien Gouteyron

Francis Grignon

Louis Grillot

Georges Gruillot

Charles Guené

Michel Guerry

Hubert Haenel

Emmanuel Hamel

Françoise Henneron

Marcel Henry

Pierre Hérisson

Daniel Hoeffel

Jean-François Humbert

Jean-Jacques Hyest

Pierre Jarlier

Bernard Joly

Jean-Marc Juilhard

Roger Karoutchi

Joseph Kergueris

Christian de La Malène

Jean-Philippe Lachenaud

Pierre Laffitte

Lucien Lanier

Jacques Larché

Gérard Larcher

André Lardeux

Patrick Lassourd

Robert Laufoaulu

René-Georges Laurin

Jean-René Lecerf

Dominique Leclerc

Jacques Legendre

Jean-François Le Grand

Serge Lepeltier

Philippe Leroy

Marcel Lesbros

Valérie Létard

Gérard Longuet

Jean-Louis Lorrain

Simon Loueckhote

Roland du Luart

Brigitte Luypaert

Max Marest

Philippe Marini

Pierre Martin

Jean Louis Masson

Serge Mathieu

Michel Mercier

Lucette Michaux-Chevry

Jean-Luc Miraux

Louis Moinard

René Monory

Aymeri de Montesquiou

Dominique Mortemousque

Georges Mouly

Bernard Murat

Philippe Nachbar

Paul Natali

Philippe Nogrix

Nelly Olin

Joseph Ostermann

Georges Othily

Jacques Oudin

Monique Papon

Anne-Marie Payet

Michel Pelchat

Jacques Pelletier

Jean Pépin

Jacques Peyrat

Xavier Pintat

Bernard Plasait

Jean-Marie Poirier

Ladislas Poniatowski

André Pourny

Jean Puech

Henri de Raincourt

Victor Reux

Charles Revet

Henri Revol

Henri de Richemont

Philippe Richert

Yves Rispat

Josselin de Rohan

Roger Romani

Janine Rozier

Bernard Saugey

Jean-Pierre Schosteck

Bernard Seillier

Bruno Sido

Daniel Soulage

Louis Souvet

Michel Thiollière

Henri Torre

René Trégouët

André Trillard

François Trucy

Alex Türk

Maurice Ulrich

Jacques Valade

André Vallet

Jean-Marie Vanlerenberghe

Alain Vasselle

Jean-Pierre Vial

Xavier de Villepin

Jean-Paul Virapoullé

François Zocchetto

Ont voté contre

Michèle André

Bernard Angels

Henri d'Attilio

Bertrand Auban

François Autain

Jean-Yves Autexier

Robert Badinter

Jean-Michel Baylet

Marie-Claude Beaudeau

Marie-France Beaufils

Jean-Pierre Bel

Jacques Bellanger

Maryse Bergé-Lavigne

Jean Besson

Pierre Biarnès

Danielle Bidard-Reydet

Marie-Christine Blandin

Nicole Borvo

Didier Boulaud

André Boyer

Yolande Boyer

Robert Bret

Claire-Lise Campion

Jean-Louis Carrère

Bernard Cazeau

Monique Cerisier-ben Guiga

Gilbert Chabroux

Michel Charasse

Yvon Collin

Gérard Collomb

Yves Coquelle

Raymond Courrière

Roland Courteau

Yves Dauge

Annie David

Marcel Debarge

Gérard Delfau

Jean-Pierre Demerliat

Michelle Demessine

Rodolphe Désiré

Evelyne Didier

Claude Domeizel

Michel Dreyfus-Schmidt

Josette Durrieu

Bernard Dussaut

Claude Estier

Guy Fischer

François Fortassin

Thierry Foucaud

Jean-Claude Frécon

Bernard Frimat

Charles Gautier

Jean-Pierre Godefroy

Jean-Noël Guérini

Claude Haut

Odette Herviaux

Alain Journet

André Labarrère

Philippe Labeyrie

Serge Lagauche

Roger Lagorsse

Dominique Larifla

Gérard Le Cam

André Lejeune

Louis Le Pensec

Claude Lise

Paul Loridant

Hélène Luc

Philippe Madrelle

Jacques Mahéas

Jean-Yves Mano

François Marc

Jean-Pierre Masseret

Marc Massion

Josiane Mathon

Pierre Mauroy

Louis Mermaz

Gérard Miquel

Michel Moreigne

Roland Muzeau

Jean-Marc Pastor

Guy Penne

Daniel Percheron

Jean-Claude Peyronnet

Jean-François Picheral

Bernard Piras

Jean-Pierre Plancade

Danièle Pourtaud

Gisèle Printz

Jack Ralite

Daniel Raoul

Paul Raoult

Daniel Reiner

Ivan Renar

Roger Rinchet

Gérard Roujas

André Rouvière

Michèle San Vicente

Claude Saunier

Michel Sergent

René-Pierre Signé

Jean-Pierre Sueur

Simon Sutour

Odette Terrade

Michel Teston

Jean-Marc Todeschini

Pierre-Yvon Tremel

André Vantomme

Paul Vergès

André Vezinhet

Marcel Vidal

Henri Weber

Abstention

Nicolas Alfonsi.

N'ont pas pris part au vote

Christian Poncelet, président du Sénat, et Serge Vinçon, qui présidait la séance.

Les nombres annoncés en séance avaient été de :

Nombre de votants : 319Nombre des suffrages exprimés : 318Majorité absolue des suffrages exprimés :160Pour :206Contre : 112Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.