COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

QUESTIONS ORALES

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

RESTRUCTURATION ET RÉORGANISATION

DE LA BANQUE DE FRANCE

M. le président. La parole est à M. André Vallet, auteur de la question n° 170, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. André Vallet. Madame la ministre, je souhaite à nouveau attirer l'attention du Gouvernement sur la situation des succursales de la Banque de France.

De nombreux maires, notamment de petites villes, ont exprimé la vive inquiétude que leur causent les menaces de fermeture de succursales de la Banque de France.

Plusieurs conseillers généraux ont émis les plus fortes réserves à l'égard d'un projet qui conduira inéluctablement à rompre le lien entre la Banque de France, d'une part, les territoires, les usagers de base, les entreprises et les collectivités locales, d'autre part.

Des mouvements sociaux ont eu lieu. Ainsi, le 17 décembre 2002, l'intersyndicale de la Banque de France avait appelé l'ensemble du personnel à se mobiliser, ce qu'il a fait très massivement, puisque les pointages effectués ont fait apparaître un taux de 70 % de grévistes.

Il convient de signaler, madame la ministre, que la Banque de France remplit, dans les petites villes, des missions de service public fort importantes, notamment le suivi des dossiers de surendettement, étant précisé qu'à ce jour plus de 1 300 000 dossiers ont été déposés, dont plus de 140 000 pour la seule année 2002.

En outre, les succursales de la Banque de France ont la charge de la gestion et du suivi des fichiers des personnes frappées d'interdit bancaire, et elles assurent des missions d'expertise auprès des entreprises.

Les restructurations envisagées seraient pénalisantes pour le public, en particulier pour le public qui éprouve déjà des difficultés sociales, puisqu'il serait contraint de se déplacer au chef-lieu du département.

Par ailleurs, elles auraient des conséquences négatives sur les emplois publics appelés à disparaître dans les villes moyennes.

Dès lors, les restructurations envisagées auront un caractère fortement déstructurant en termes d'aménagement du territoire.

Il va sans dire que c'est non pas au Gouvernement mais au gouverneur de la Banque de France qu'il appartiendra de décider, mais je n'en souhaite pas moins, madame la ministre, connaître votre avis sur la question.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le sénateur, vous le savez, l'environnement du réseau des succursales de la Banque de France a considérablement évolué avec l'usage des nouvelles technologies et l'introduction de l'euro.

Il est donc impératif de poursuivre la modernisation de la Banque, de rationaliser ses structures et d'adapter ses activités ainsi que leurs conditions d'exercice aux changements observés, comme l'ont fait tous nos partenaires européens.

Dans ce contexte, le gouverneur de la Banque de France a confié en octobre dernier deux missions d'étude au secrétaire général de la Banque, l'une sur l'évolution du réseau des succursales, l'autre sur l'avenir des opérations avec la clientèle particulière.

Ces études techniques ont été remises au gouverneur le 7 février dernier. Elles ont été immédiatement diffusées au personnel comme aux organisations syndicales et mises à la disposition des élus locaux.

Dans ces études sont examinées les conditions dans lesquelles la Banque peut effectuer les mêmes missions de manière plus efficace avec un réseau plus resserré.

Seules les opérations avec la clientèle particulière, qui n'ont plus de justification, seraient interrompues.

S'est ensuite ouverte une consultation large et approfondie avec les personnels et les élus. Cette consultation fournira les éléments complémentaires permettant au gouverneur de donner un contour définitif au projet de modernisation de l'implantation territoriale de la Banque.

A ce stade, je puis vous assurer qu'aucune décision n'a été prise que ce soit par le conseil général de la Banque de France, instance chargée d'administrer la Banque, ou par le Gouverneur. En revanche, celui-ci a d'ores et déjà indiqué, à la suite des échanges conduits avec les représentants du personnel et des élus, qu'il s'orientait vers une organisation départementale du réseau et qu'il n'y aurait aucun licenciement, quel que soit le statut des agents.

Ces déclarations sont, me semble-t-il, de nature à apaiser les inquiétudes des personnels sur leur avenir professionnel.

Vous avez aussi évoqué, à juste titre, monsieur le sénateur, la garantie des missions de service public assurées par les succursales. L'Etat, qui est très attentif à la poursuite de ces missions, conclura avec la Banque de France un contrat de service public visant à préciser les objectifs qui lui sont assignés en matière de service public rendu aux usagers.

Le Gouvernement veillera notamment à ce que la Banque de France joue pleinement son rôle dans la gestion des dossiers de surendettement.

La mobilisation au service de ses missions est tout à fait compatible avec l'adaptation du réseau. La Banque de France, comme tout organisme public, doit veiller à rendre à la collectivité nationale le meilleur service au meilleur coût.

M. le président. La parole est à M. André Vallet.

M. André Vallet. Madame la ministre, je vous remercie de ces précisions et je retiens que le Gouvernement passera avec la Banque de France un contrat de service public, ce qui apaisera vraisemblablement un certain nombre d'inquiétudes.

Toutes les inquiétudes ne disparaîtront cependant pas, car le projet de ne laisser subsister qu'une succursale de la Banque de France dans chacun des départements risque d'être particulièrement pénalisant pour certains d'entre eux.

Nous souhaiterions qu'une concertation beaucoup plus large s'établisse avec le gouverneur de la Banque de France, mais, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'aujourd'hui le silence de ce dernier est pesant. Je souhaite donc que le Gouvernement favorise la concertation avec les parlementaires et avec les maires des villes moyennes concernées.

PORTE-MONNAIE ÉLECTRONIQUE MONEO

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, auteur de la question n° 144, adressée à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.

Mme Nicole Borvo. Madame la ministre, je désire appeler l'attention du Gouvernement sur la mise en oeuvre du porte-monnaie électronique Moneo.

Dans sa conception actuelle, le système Moneo est certes bénéfique pour les banques, mais ne l'est pas du tout pour les populations. Or, pour susciter l'intérêt des utilisateurs, un porte-monnaie électronique doit, d'une part, présenter des avantages par rapport au porte-monnaie traditionnel et, d'autre part, ne pas être une source de risques disproportionnés.

Or Moneo est payant et il crée des risques supplémentaires d'atteinte à la vie privée ainsi que des risques financiers non négligeables en cas de perte, de vol ou de fraude.

Alors que les porte-monnaie électroniques sont gratuits en Autriche, en Norvège, aux Pays-Bas, en Espagne et en Suisse, Moneo coûte entre 5 et 12 euros par an, ce qui ne me semble pas acceptable, car cela signifie que Moneo va faire fructifier au seul profit des banques les euros qui circulent de main en main chaque jour, soit de 25 à 30 milliards d'euros par an.

Par ailleurs, l'informatisation des petits paiements entraîne l'accroissement du volume des données informatiques qui peuvent être nominatives. Ces données sont détenues, traitées et conservées par des personnes privées, dans des conditions qui mériteraient que la protection de la vie privée soit mieux garantie. De ce point de vue, le produit Moneo reste donc perfectible.

Enfin, en cas de rechargement frauduleux de la puce Moneo, l'utilisateur supportera la franchise de 150 euros, à laquelle il faut ajouter les sommes - jusqu'à 100 euros - directement perdues sur le porte-monnaie. En outre, si la puce Moneo est installée sur une carte bancaire employée à l'insu de son détenteur, la note est doublée puisqu'il faut compter les 150 euros de franchise de la carte bleue, soit au total 400 euros !

Je tiens à souligner que le fait que Moneo soit développé par les établissements bancaires empêche le développement de produits concurrents plus attractifs pour les utilisateurs, comme le serait un produit anonyme et disponible dans tous les lieux de vente.

Madame la ministre, quelles mesures compte prendre le Gouvernement à l'égard des banques afin que Moneo, comme les porte-monnaie électroniques utilisés dans les autres pays de l'Union européenne, où l'utilisation des chèques et des cartes bancaires est largement harmonisée, soit gratuit, sécurisé et respectueux de la vie privée des utilisateurs ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Madame la sénatrice, l'introduction sur le marché de ce nouveau système de paiement suscite effectivement de nombreuses interrogations de la part des utilisateurs, qu'il s'agisse des commerçants ou des consommateurs.

Il appartient, bien sûr, aux pouvoirs publics de veiller à ce que le développement de cette innovation ait lieu dans le respect des règles de protection des consommateurs.

Par ailleurs, la facturation par les banques de l'utilisation du porte-monnaie électronique Moneo correspond à la fourniture à leur clientèle d'une prestation de service spécifique.

En tout état de cause, seuls les consommateurs qui auront expressément demandé à leur établissement de crédit à bénéficier de ce service seront équipés de Moneo et ils auront donc à en supporter le coût. Les consommateurs qui feront le choix de ne pas s'équiper de Moneo pourront bien entendu continuer d'effectuer en espèces leurs achats de petits montants.

Autrement dit, Moneo n'a pas vocation à supprimer les espèces, et chaque consommateur choisira d'adopter ou non le paiement par carte pour ses petites dépenses.

Moneo procure des garanties non négligeables en termes de protection des porteurs. D'une part, Moneo appartient à la nouvelle génération de cartes à puce, qui bénéficie des dernières avancées technologiques en matière de sécurité des transactions. D'autre part, le porte-monnaie électronique Moneo étant assimilé à une carte de paiement au sens de l'article L. 132-1 du code monétaire et financier, les dispositions de la loi relative à la sécurité quotidienne concernant la protection des porteurs de cartes de paiement lui sont applicables. Ainsi, en cas de perte ou de vol, et avant la mise en opposition, si des rechargements ont été effectués frauduleusement, la perte financière supportée par les titulaires de carte sera plafonnée à cent cinquante euros. Dans ce cas, le solde restant disponible sur la carte sera effectivement perdu, la perte pour le consommateur étant au plus de cent euros, montant maximal que peut contenir Moneo.

Enfin, la protection de la vie privée des porteurs de cartes Moneo est en effet une autre question fondamentale à laquelle il convient d'être particulièrement attentif. La société BMS indique que les données enregistrées à l'occasion des transactions réalisées ne servent qu'à la surveillance des flux et à la détection de la fraude, et ne comprennent aucune information nominative. Le détail des paiements effectués n'est pas communiqué aux établissements bancaires des porteurs : ils ne sont informés que des opérations de rechargement des cartes, qui apparaissent en débit sur les comptes de leurs clients.

En tout état de cause, je puis vous assurer, Madame Borvo, que le Gouvernement attache la plus grande importance à ce que les consommateurs soient informés au mieux sur le fonctionnement du porte-monnaie électronique. Nous entendons continuer à suivre ces évolutions avec une particulière vigilance.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo.

Mme Nicole Borvo. Madame la ministre, vous n'avez bien sûr pas répondu à mon attente s'agissant de la gratuité !

Pour ce qui est de la sécurisation, je prends note de vos propos selon lesquels Moneo peut être assimilé à une carte de paiement.

Cependant, la technique du porte-monnaie électronique devrait assurer la non-traçabilité des opérations par un autre intervenant que l'usager. Le risque d'un croisement des informations existe, alors qu'il devrait être nul et que le respect de la confidentialité devrait être garanti.

J'ajoute que cette carte, comme les cartes téléphoniques, ne devrait pas avoir de date limite d'utilisation, et qu'il conviendrait que seule la responsabilité du gestionnaire soit engagée dès lors que le problème ne résulte pas d'une faute de l'utilisateur.

Bien entendu, personne n'est obligé d'utiliser Moneo, mais les banques font le « forcing », si je puis employer cette expression, et proposent en outre une option liée aux cartes bancaires. J'estime que cette option devrait être supprimée, afin que les usagers puissent décider de façon beaucoup plus sereine d'utiliser ou non le système Moneo.

Compte tenu de l'état actuel de la question et du fait que le système n'est manifestement pas au point, les élus communistes du Conseil de Paris ont refusé que la Ville anticipe la mise en place d'un dispositif qui doit connaître d'importantes améliorations avant de pouvoir vraiment servir les intérêts de la population.

FISCALISATION DU SERVICE D'ENLÈVEMENT

DES ORDURES MÉNAGÈRES

M. le président. La parole est à M. Jean Besson, auteur de la question n° 152, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Jean Besson. Madame la ministre, je souhaite intervenir aujourd'hui à propos de la fiscalisation du service d'enlèvement des ordures ménagères, plus précisément sur les deux outils à la disposition des collectivités locales chargées d'exercer cette compétence : la taxe d'enlèvement des ordures ménagères et la redevance d'enlèvement des ordures ménagères.

En effet, pour financer ce service important en termes d'environnement et de service public dont le fonctionnement est lié au problème de la gestion des déchets, les responsables locaux disposent de ces deux solutions - j'exclus volontairement ici celle du financement par le budget général de la collectivité.

La taxe a un caractère d'imposition, mais elle est injuste au regard du service rendu à chaque citoyen, puisque son montant est calculé en fonction de la valeur cadastrale. Ainsi, quels que soient le nombre des personnes présentes au foyer et le volume des déchets, la contribution exigée de chaque administré reste la même. Cette solution présente cependant l'avantage, pour les collectivités, de relever du Trésor : elles ont donc l'assurance que le montant de la taxe sera recouvré en totalité et que le fonctionnement du service sera équilibré.

La redevance, quant à elle, est calculée en fonction du service rendu, mais elle pose des difficultés de recouvrement et donc des problèmes d'équilibre financier pour les structures compétentes. Il se peut même que, mécaniquement, le montant de la redevance augmente, puisque les contribuables honnêtes devront supporter la charge non assumée par les « mauvais payeurs ».

J'avais antérieurement appelé l'attention du ministère sur l'évolution nécessaire de ce dispositif fiscal. J'avais ainsi proposé que soient pris en compte des critères supplémentaires pour le calcul de l'assiette de la taxe, comme le nombre de personnes présentes au foyer, afin de la rendre plus équitable pour nos concitoyens.

Un groupe de travail avait été mis en place, au cours de l'année 2001, pour étudier une meilleure adaptation de la taxe et de la redevance au financement du service rendu.

J'attire une nouvelle fois votre attention sur cette question, madame la ministre, qui est d'autant plus importante que les inégalités se manifestant au sein des structures intercommunales perdurent, les bases locatives de chacune des communes adhérentes n'étant pas revalorisées.

Aussi, madame la ministre, souhaiterais-je connaître l'état d'avancement de ce dossier et les mesures que vous comptez prendre en faveur des collectivités locales chargées de ce service public et au public.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le sénateur, votre question porte sur les difficultés rencontrées par les collectivités locales en matière de financement du service d'élimination des ordures ménagères.

Vous proposez que soit pris en compte, pour le calcul de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, le nombre de personnes vivant au foyer, afin de la rendre plus équitable. Sur un plan plus général, vous souhaitez connaître les intentions du Gouvernement sur ce sujet.

Vous l'avez rappelé, monsieur Besson, les collectivités locales disposent de trois sources pour financer les dépenses entraînées par l'élimination des déchets ménagers : le budget général, la taxe et la redevance d'enlèvement des ordures ménagères.

Le recours au budget général permet une répartition de la dépense entre tous les redevables de la collectivité et repose sur le principe de la solidarité.

La taxe d'enlèvement des ordures ménagères est, quant à elle, établie d'après le revenu servant de base à la taxe foncière, ce qui permet de répartir la dépense entre tous les habitants en fonction de la valeur locative de leur logement.

Enfin, l'institution de la redevance permet de demander aux seuls usagers une cotisation représentative de l'importance du service rendu, mais sa gestion est source de difficultés pour les collectivités.

Les communes et les établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, sont très attachés à l'existence de ces possibilités, qui leur permettent de retenir le mode de financement leur paraissant concilier au mieux leurs impératifs de gestion et les contraintes liées à leur situation particulière. C'est ainsi que la solution qui consisterait à supprimer toute possibilité de choix entre la taxe et la redevance avait été écartée par les élus locaux qui participaient, en 2001, au groupe de travail sur ces questions.

En ce qui concerne votre suggestion relative à la prise en compte du nombre de personnes vivant au foyer pour le calcul de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, elle me semble malheureusement présenter, monsieur le sénateur, certains inconvénients.

En effet, son application conduirait soit à majorer la base imposable en fonction du nombre de personnes à charge ou d'occupants du logement, soit à créer un abattement en faveur des personnes seules, soit encore à mettre en place les deux systèmes.

Cette personnalisation, outre qu'elle rendrait plus complexe le dispositif, se traduirait inévitablement par un transfert de charges au détriment des familles ayant des enfants et pourrait donc être perçue comme n'allant pas dans le sens de la politique familiale.

Cela étant, je puis vous assurer que le Gouvernement est tout à fait conscient des difficultés soulevées par le poids que représente désormais la taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour les contribuables. Un rapport sur le financement de l'élimination des déchets ménagers a été remis au Parlement par le précédent gouvernement. Il constitue, conjointement avec les recommandations du Conseil national des déchets, une base très solide de réflexion.

A cet égard, la prolongation de trois ans de la durée du régime transitoire, décidée dans le cadre de la loi de finances pour 2003 afin de permettre aux communes et aux établissements de coopération intercommunale de se mettre en conformité avec les dispositions de la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, offre un délai supplémentaire. Il doit permettre de dégager, en cette matière, des solutions qui iront dans le sens d'une plus grande simplicité des dispositifs applicables et d'une répartition plus équitable de la charge fiscale entre les contribuables locaux.

M. Jean Besson. Je vous remercie, madame la ministre.

ÉVOLUTION DES RELATIONS

ENTRE FOURNISSEURS ET DISTRIBUTEURS

M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, auteur de la question n° 159, adressée à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.

M. François Zocchetto. Depuis quelques décennies, nous observons une dégradation continue des relations entre la grande distribution et ses fournisseurs, parmi lesquels les entreprises françaises.

L'un des problèmes les plus aigus est celui des marges arrière, à savoir ces sommes qui sont obtenues par les distributeurs, très souvent indûment, affirment les producteurs et les industriels, qui ne craignent pas, parfois, de qualifier ce phénomène de « racket ».

Ces sommes sont obtenues par les distributeurs en rémunération de services supposés rendus, tels que le placement de produits dans les têtes de gondole, la publication de catalogues ou le fonctionnement de cartes de fidélité. Ainsi, les distributeurs prélèvent sur le chiffre d'affaires de leurs fournisseurs, souvent unilatéralement, 30 %, voire 50 %, du prix de vente.

Devant ce phénomène, des recommandations ont été émises, en juillet 2002, par l'Association nationale des industries agroalimentaires, l'ANIA, et par la fédération du commerce et de la distribution. Il s'agissait de « geler » les marges arrière.

La commission d'examen des pratiques commerciales s'est réunie à Bercy le 27 novembre 2002 dans une ambiance assez tendue et, finalement, les négociations commerciales entre la grande distribution et les industriels pour l'année 2003 se sont également déroulées dans un climat très lourd. En effet, les acheteurs des grandes surfaces et des centrales d'achat n'ont pas relâché la pression et ont continué à acheter au cours le plus bas, sous la menace d'un déréférencement permanent des produits, notamment des produits français.

Ces pratiques engendrent, ce n'est un secret pour personne, deux catégories de victimes.

Il s'agit, en premier lieu, de tous les salariés des entreprises dont la production peut être délocalisée : je pense ici aux secteurs du textile, de la chaussure, des articles de sport et de loisirs. Nous pourrions citer de nombreux exemples à cet égard.

Il s'agit, en second lieu, des agriculteurs, qui subissent la baisse des prix d'achat des produits agroalimentaires par les grandes surfaces.

Certes, un projet de circulaire, dite « circulaire Dutreil », a été annoncé à l'automne. Elle doit paraître au début de 2003 et vise à mettre un terme à cette pratique ou à l'encadrer. Il me paraît urgent, en effet, que le Gouvernement se saisisse de cette question, et je voudrais savoir quelles sont aujourd'hui ses intentions, au regard de ce qui avait été annoncé à l'automne dernier.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le sénateur, le projet de circulaire préparé par mon collègue Renaud Dutreil et relatif à la négociation commerciale entre fournisseurs et distributeurs a pour objet, dans le souci de maîtriser l'évolution des marges arrière, de préciser le dispositif légal applicable, tout en rappelant aux opérateurs économiques qu'il leur est possible de différencier les conditions tarifaires consenties à leurs partenaires, dès lors que ces différenciations sont justifiées par des contreparties réelles et proportionnées.

Ce projet est soumis à la consultation des membres de la commission d'examen des pratiques commerciales, qui devrait rendre son avis lors de sa séance du 12 mars prochain.

Dans ce contexte, la DGCCRF, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, réalise des enquêtes sur l'ensemble du territoire national, à l'occasion desquelles les éventuels comportements abusifs font l'objet de procédures tant civiles que pénales.

Le Gouvernement, soucieux de l'évolution des prix, attache une importance toute particulière au respect, par les opérateurs économiques, de leurs obligations à l'occasion de la négociation commerciale. Il a demandé à ses services de se montrer extrêmement vigilants.

J'en appelle donc au sens des responsabilités de tous les partenaires pour que les nouvelles marges de souplesse qu'apportera cette circulaire soient utilisées au bénéfice de tous, notamment des consommateurs.

M. le président. La parole est à M. François Zocchetto.

M. François Zocchetto. Je vous remercie, madame la ministre, d'avoir rappelé le rôle de l'administration de la DGCCRF, dont certains avait regretté parfois l'absence de diligence sur ce problème des marges arrière. Les textes existent pour l'essentiel, mais il faut les faire respecter, et c'est bien le rôle de la DGCCRF de mettre un terme à ce manque de transparence et à ce qui s'apparente, le plus souvent, à de fausses factures.

SITUATION DE L'ENSEIGNEMENT

PUBLIC BILINGUE

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel, auteur de la question n° 162, adressée à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.

M. Pierre-Yvon Trémel. Monsieur le ministre, ma question porte sur la situation des établissements scolaires publics dispensant l'enseignement d'une langue régionale à parité horaire avec le français. C'est un sujet que vous connaissez bien ; j'ai entre les mains un exemplaire du Bulletin officiel du ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche d'avril 1995, dans lequel figure une circulaire signée de M. Xavier Darcos sur le sujet. (Sourires.)

Le Conseil d'Etat, saisi sur l'enseignement immersif dans les écoles Diwan, a, par décision du 29 novembre 2002, annulé l'arrêté ministériel du 31 juillet 2001 relatif à la mise en place d'un enseignement bilingue en langues régionales.

Cet enseignement bilingue en langues régionales relève, en grande partie, de l'enseignement public et présente aujourd'hui un excellent bilan. La croissance permanente des effectifs le démontre. Les résultats scolaires y sont particulièrement encourageants. Son implantation depuis une vingtaine d'années a permis de capitaliser un savoir-faire pédagogique tout à fait remarquable, d'ailleurs largement reconnu au sein même de l'éducation nationale.

La conséquence de cette décision du Conseil d'Etat doit rapidement être analysée afin que soit assurée la pérennité des classes bilingues. Il faut par ailleurs noter que, très récemment, une délégation de la FLAREP, la Fédération des langues régionales de l'enseignement bilingue, a été reçue au ministère de l'enseignement scolaire, qui s'est voulu rassurant en indiquant que l'enseignement bilingue paritaire dans l'enseignement public n'était pas « hors la loi ».

Aussi, m'interrogeant sur le fondement juridique d'une telle affirmation au regard de l'appréciation émise par le Conseil d'Etat, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous me fassiez part de votre propre analyse sur ce dossier et des dispositions que vous envisagez de prendre pour développer durablement, dans un cadre juridique solide, les classes bilingues de langues régionales dans l'éducation nationale.

Il serait sans doute utile que cette clarification débouche sur la définition d'un véritable statut des classes européennes.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire. Monsieur le sénateur, les langues régionales sont, et nous l'avons compris depuis longtemps à l'éducation nationale, des outils de développement culturel dans l'ensemble des régions dans lesquelles elles sont enseignées, spécifiquement dans la région que vous représentez. Elles sont d'ailleurs une part inaliénable de notre patrimoine national.

Il convient donc de les développer, de les promouvoir et de les protéger lorsque cela s'avère nécessaire, et ce, bien sûr, dans le respect des lois de la République et des principes qui la fondent, dont le principe de l'unicité de la langue.

Je tiens à vous rassurer, monsieur le sénateur, ainsi que l'ensemble des parlementaires qui connaissent dans leurs circonscriptions une forte tradition d'apprentissage des langues régionales. En effet, les décisions de la haute juridiction du 29 novembre 2002 n'ont jamais fait peser de menace réelle sur cet enseignement.

Au contraire, elles permettent de clarifier le cadre méthodologique de l'enseignement bilingue des langues régionales dans les établissements scolaires.

La décision du Conseil d'Etat du 29 novembre 2002 ne concerne qu'une forme d'enseignement des langues régionales : la méthode dite de « l'immersion », considérée comme incompatible avec la loi du 4 août 1994, qui dispose que la langue d'enseignement est le français.

En revanche, cette décision ne remet pas en cause l'enseignement bilingue à parité horaire tel qu'il existe dans nombre d'écoles et d'établissements. Le juge administratif exige simplement, pour ce qui concerne cette méthode d'apprentissage, une définition rigoureuse des horaires entre le français et la langue régionale enseignée, afin que l'on soit assuré qu'une partie des enseignements des différentes disciplines se fait effectivement en français. Vous savez, cher monsieur Trémel, que, dans les écoles Diwan, on en arrivait à ce qu'une partie des disciplines scientifiques soient enseignées en anglais parallèlement au breton, situation pour le moins paradoxale !

Nous avons donc pris acte de la position de la haute juridiction. Un projet d'arrêté destiné à se substituer à l'arrêté annulé du 31 juillet 2001 est en cours d'élaboration et sera présenté au Conseil supérieur de l'éducation le 13 mars prochain.

Le dispositif réglementaire d'enseignement des langues régionales sera ainsi pleinement actualisé. Il confortera l'assise réglementaire de l'enseignement bilingue à parité horaire et garantira la poursuite de son développement.

Je peux donc vous rassurer, monsieur Trémel, la décision du Conseil d'Etat n'aura pas d'effet direct sur les 10 000 enfants qui sont actuellement scolarisés suivant ce système dans votre région.

Je voudrais également, puisque vous avez évoqué le sujet, vous apporter le même apaisement concernant les classes européennes. Celles-ci s'inscrivent dans une démarche dynamique d'enseignement des langues vivantes. C'est un dispositif performant, dont les recteurs organisent la cohérence dans le cadre de cartes définies à l'échelon académique ; la Bretagne est un modèle en la matière. Aujourd'hui, 2 500 classes sont ouvertes dans la plupart des académies.

La scolarité y est sanctionnée par une mention spéciale portée sur le diplôme du baccalauréat, mention qui n'est inscrite que si l'élève justifie d'un niveau suffisant de maîtrise de la langue concernée.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.

M. Pierre-Yvon Trémel. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse complète.

L'arrêt du Conseil d'Etat avait suscité des interrogations, voire des confusions. Il me semblait important que les choses soient clarifiées, ce à quoi vous vous êtes employé. Chacun examinera attentivement les éléments d'information que vous nous avez fournis.

J'espère que, grâce à l'arrêté qui sera pris au mois de mars, l'enseignement bilingue sera garanti et que seront préservées ses caractéristiques auxquelles nous tenons beaucoup ainsi que la continuité de la scolarisation au collège et au lycée.

De nombreux élus suivent ce dossier et vous sont reconnaissants, monsieur le ministre, de faire en sorte que la poursuite de cet enseignement bilingue contribue à la sauvegarde du patrimoine que constituent les langues régionales.

CONSTRUCTIBILITÉ DES BERGERIES ET ABRIS

EN BORDURE DU LITTORAL

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, auteur de la question n° 167, adressée à M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer.

M. Jean Bizet. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai tenu à attirer votre attention sur la constructibilité des bergeries et abris en bordure du littoral.

Aux termes de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 sur l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite « loi littoral », les possibilités de construction, en particulier de bâtiments d'élevage, sont limitées dans les « espaces proches du rivage ».

L'article L. 146-4 du code de l'urbanisme traduit ces fortes restrictions en prescrivant, notamment, l'extension de l'urbanisation en continuité du bâti existant ou en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement.

Depuis, une disposition nouvelle, introduite par l'article 109 de la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999, dispose que, par dérogation, les constructions ou installations liées aux activités agricoles qui sont incompatibles avec le voisinage des zones habitées peuvent être autorisées « en dehors des espaces proches du rivage ».

On aurait pu considérer que cette disposition de la loi d'orientation agricole pouvait constituer une avancée permettant de résoudre, en communes littorales, par exemple, les travaux de construction de bâtiments d'élevage résultant de la « mise aux normes » pour les exploitations dont le siège est inclus au sein d'une zone urbanisée. Les nouveaux bâtiments pouvaient - croyait-on - être construits à l'écart des zones habitées et proches des parcelles de pâturage.

Or il apparaît que l'administration interprète de façon extensive l'expression « proches du rivage », qui s'applique sur tous les espaces « visibles du rivage » et peut concerner des zones à plusieurs centaines de mètres, voire plus, du rivage.

La géographie du département de la Manche, avec plus de 330 kilomètres de côte, et la mise en place de productions animales spécifiques, telles que « l'agneau de pré-salé », impose que soit trouvée une solution aux difficultés actuellement rencontrées pour la constructibilité des bergeries et abris en bordure du littoral.

La mise en place d'une AOC, appellation d'origine contrôlée, d'agneau de pré-salé suppose un pâturage effectif des prés-salés, espace du domaine public maritime recouvert lors des grandes marées de manière continue et obéissant à un cahier des charges impératif.

Il est nécessaire que les bergeries soient maintenues, renouvelées ou placées à proximité de ces prés-salés, c'est-à-dire à proximité du rivage, pour que la production d'agneau de pré-salé soit techniquement et économiquement envisageable de manière pérenne.

Il importe donc que des bergeries de dimension suffisante - 600 mètres carrés pour 300 brebis sans compter le stockage de fourrage pour l'hiver - puissent exister à proximité du littoral.

Pour cela, il conviendrait que la restriction apportée par l'article 109 de la loi d'orientation agricole puisse être levée, sinon de manière absolue, du moins au profit des productions pour lesquelles cette proximité du rivage est nécessaire en raison de leur nature même ou d'une dénomination géographique reconnue.

Tout en étant conscients de la nécessité de préserver l'environnement, nous considérons qu'il est indispensable que soit envisagée une solution préservant l'existence d'une activité agricole dans les « espaces proches du rivage ». En effet, au-delà de la filière « agneau de pré-salé », c'est toute la pérennité de l'élevage sur les communes côtières de ce département qui est en cause.

Par conséquent, j'aimerais savoir quelle suite le Gouvernement entend réserver à cette proposition.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Cette question importante a déjà été posée par un certain nombre de vos collègues, monsieur le sénateur, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, à propos du monde de la conchyliculture et de la mytiliculture, mais aussi à propos des sauniers, dont les abris ou bâtiments d'exploitation sont situés à proximité des rivages.

Le Gouvernement est conscient des problèmes auxquels sont confrontés également les éleveurs d'agneaux de pré-salé. Il est attaché au maintien de l'équilibre qui fonde la loi littoral, dont l'objectif est de concilier l'indispensable protection des espaces littoraux et le nécessaire développement économique de ces secteurs.

Les dispositions de l'article 109 de la loi d'orientation agricole, qui n'autorisent à implanter les installations classées agricoles, en discontinuité de l'urbanisation existante qu'« en dehors des espaces proches du rivage », ne font pas obstacle à l'installation des bergeries d'agneaux de pré-salé dans ces espaces.

En effet, les règles applicables aux agneaux de pré-salé prévoient que leurs bergeries doivent être situées à proximité des herbus. Ces constructions bénéficient en conséquence des dispositions de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, qui tend à autoriser les activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau dans les espaces proches du rivage et même dans la bande de 100 mètres par ailleurs totalement inconstructible.

Leur implantation est en revanche limitée dans les espaces dits « remarquables », à l'intérieur desquels ne sont autorisées, aux termes de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme, que des installations légères. Tout le débat porte, naturellement, sur ce qui peut être qualifié de léger ou non.

Le décret d'application de cet article est actuellement extrêmement sévère - c'est ce que vous avez noté - car il limite à 20 mètres carrés les locaux autorisés dans les espaces remarquables, ce qui est à l'évidence insuffisant pour permettre l'implantation de bergeries.

J'ai le plaisir, monsieur le sénateur, de vous indiquer que le Gouvernement a décidé de réexaminer ce décret, afin de permettre l'autorisation des installations indispensables aux activités économiques, sous réserve, naturellement, qu'elles s'intègrent dans l'environnement. Un travail interministériel est en cours, il doit aboutir très prochainement.

Le Gouvernement va donc saisir le Conseil d'Etat dans les semaines à venir. Nous espérons que le décret pourra être signé et promulgué avant l'été et que son contenu vous donnera satisfaction. Naturellement, monsieur le sénateur, si vous souhaitez, durant cette période préparatoire, réfléchir avec nous, nous vous associerons bien volontiers à notre travail.

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.

M. Jean Bizet. Je vous remercie beaucoup, monsieur le secrétaire d'Etat, de l'annonce de la parution prochaine d'un décret.

J'attire toutefois votre attention sur le fait que toute absence de réponse aujourd'hui aura immanquablement des conséquences environnementales.

En tout cas, je prends note de l'invitation très aimable que vous venez de me faire.

RÉALISATION DU PONT SUD À MÂCON

ASSURANT LA JONCTION ENTRE L'A 6 ET LA FUTURE A 40

M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Courtois, auteur de la question n° 146, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

M. Jean-Patrick Courtois. Monsieur le secrétaire d'Etat, je me suis permis d'attirer l'attention de M. le ministre de l'équipement sur la construction du pont sud à Mâcon, qui doit faire la jonction entre l'autoroute A 6 et l'autoroute A 40.

Lors de sa venue à Mâcon, le 15 décembre 2000, le ministre de l'équipement, des transports et du logement de l'époque avait communiqué un calendrier particulièrement précis des travaux, indiquant que le début de ces travaux interviendrait en 2003-2004 et la livraison aux usagers à la fin de 2006.

M. Jean-Claude Gayssot avait d'ailleurs assuré, dans sa réponse à la question orale concernant la construction du pont Sud que j'avais posée le 6 novembre 2001, que le calendrier prévu serait respecté : « Je vous confirme donc, avait-il dit, que les travaux débuteront à la fin de l'année 2003 ou au tout début de l'année 2004 et que la mise en service aura lieu en 2006. »

Un avant-projet, adopté en mai 2002, fait mention d'un retard de six mois, ce qui est naturellement négligeable pour ce type d'ouvrage.

Cependant, la direction des routes nous indique maintenant que la date d'achèvement des travaux du pont sud n'aura lieu qu'en 2011, soit cinq ans plus tard que prévu, arguant notamment de la nécessité d'effectuer une enquête publique complémentaire au titre de l'environnement, motif surprenant pour à un tel dépassement.

Cette décision apparaît étonnante compte tenu de la longueur du délai supplémentaire nécessaire à la réalisation de l'ouvrage et constitue une véritable remise en cause des engagements pris.

En conséquence, je vous serais reconnaissant, monsieur le secrétaire d'Etat, de bien vouloir m'indiquer les raisons du retard qui conduisent à reporter la livraison de cinq ans, retard qui, selon les indications qui nous ont été données, pourrait être considérablement réduit, le financement des travaux étant prévu dans le budget de la Société des autoroutes Paris-Rhin-Rhône, la SAPRR.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de M. de Robien, qui aurait souhaité pouvoir vous répondre personnellement ce matin. Au demeurant, je me doutais bien que nous aborderions un jour, ensemble, le sujet que vous évoquez puisque j'aurai prochainement l'occasion de me rendre dans votre département.

Il faut bien admettre que notre prédécesseur a été un peu téméraire et pour le moins imprécis dans ses promesses. En effet, l'avant-projet sommaire - l'APS en langage administratif - du contournement sud de Mâcon n'a été approuvé qu'en mai dernier alors qu'il reste encore à effectuer l'ensemble des procédures administratives habituelles. Il n'est donc pas possible, d'un simple point de vue de logique et de bon sens, d'envisager une mise en service en 2006, comme cela vous avait été promis.

Lors de l'approbation de l'APS, il a été nécessaire de demander aux préfets de compléter l'évaluation des incidences du projet sur le site protégé des « prairies humides et forêts alluviales du Val de Saône » et sur la zone de conservation des oiseaux du Val de Saône dans le respect de la directive « habitat ».

L'évaluation des incidences devra, en particulier, porter - je le dis sans sourire, monsieur le sénateur - sur la conservation du râle des genêts, espèce protégée au niveau européen, comme le sait bien M. Jean-Marie Poirier. Il serait en effet dommage que se reproduise le funeste scénario de l'A 28 entre Tours et Le Mans dans lequel s'est trouvé impliqué le fameux scarabée pique-prune, et qui a débouché sur un retard des travaux de cinq ans.

A partir de cette situation, monsieur le sénateur, notre objectif est de lancer l'enquête publique avant la fin de l'année, après avoir validé les études complémentaires en liaison avec le ministère de l'écologie.

Dans ces conditions, on pourrait - j'utilise le conditionnel par prudence, compte tenu de ce qui vient de se passer - escompter une mise en service au plus tôt à la fin de l'année 2007 et, plus sûrement et plus raisonnablement, en 2008, ce qui est déjà mieux que ce qui vous a été indiqué.

Ces objectifs seront naturellement pris en compte lors de l'élaboration du contrat de plan entre l'Etat et la société d'autoroute Paris-Rhin-Rhône sur la période allant de 2003 à 2007.

Monsieur le sénateur, je me propose de compléter cette réponse sur un plan plus technique, d'élaborer un échéancier et de vous le faire parvenir dans les jours prochains.

M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Courtois.

M. Jean-Patrick Courtois. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse très précise, qui est de nature à réconforter de nombreux Mâconnaises et Mâconnais.

Elle est également d'une grande transparence. Je ne manquerai d'ailleurs pas d'en faire état lorsque vous viendrez à Mâcon.

Il convient en effet de la rapprocher des renseignements que nous avait fournis M. Gayssot à deux reprises.

Tout d'abord, lors d'une campagne électorale pour des élections municipales, mais on peut comprendre que, dans une telle période, on puisse faire quelques promesses. Je note au passage que cela n'a pas porté chance au candidat qu'il soutenait...

Ensuite, dans une réponse à une question que je lui avais posée, il m'a apporté des éléments qui laissaient croire que les délais pourraient être tenus alors que tout le monde savait bien qu'il serait impossible de les respecter.

De telles attitudes sont regrettables et elles expliquent pourquoi la population ne croit plus ni aux administrations ni aux déclarations de certains ministres. Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis heureux de constater que vous n'agissez pas ainsi et je vous souhaite une très grande carrière !

DÉVELOPPEMENT DU TRAFIC AÉRIEN

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Poirier, auteur de la question n° 166, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

M. Jean-Marie Poirier. Monsieur le secrétaire d'Etat, la pollution sonore engendrée par le trafic aérien autour de l'aéroport d'Orly est la hantise d'une grande partie des habitants du Val-de-Marne. Depuis dix ans, le nombre annuel de mouvements est supérieur à 210 000 alors que le décret du 26 avril 1994 a restreint la capacité d'accueil de cet aéroport à « environ 200 000 mouvements ».

Le 25 juillet 2002, vous avez rendu public un programme relatif « au développement durable des aéroports parisiens » tenant compte des contraintes environnementales et contenant des engagements précis, dont la constitution d'une mission d'information de l'Assemblée nationale chargée de se prononcer sur l'opportunité d'une troisième plate-forme aéroportuaire.

Je regrette que cette mission ait été limitée à l'Assemblée nationale. Je suis persuadé que d'autres assemblées y auraient volontiers participé.

La majorité des engagements pris sont déjà mis en oeuvre, comme le montre l'arrêté sur l'indice global du bruit. La diligence dont vous faites preuve mérite d'être saluée.

Cependant, la préoccupation des riverains d'Orly vient de s'accroître brutalement puisque diverses études convergentes, publiées au début de cette année, prévoient, sur la base d'une croissance annuelle de 6,1 %, un doublement du trafic aérien francilien d'ici à 2015.

En outre, certains développements récents sont venus renforcer ces inquiétudes. Le rapport public de 2002 de la Cour des comptes souligne ainsi que la création d'une troisième plate-forme aéroportuaire ne se justifie pas « financièrement » du fait de la possible augmentation de la capacité d'accueil de Roissy et d'Orly.

Dans ce débat, une donnée semble avoir été occultée. Le seuil fixé par l'arrêté ministériel du 6 octobre 1994, qui limite à 250 000 créneaux horaires la capacité de l'aéroport d'Orly, est en passe d'être atteint et le nombre de demandes de créneaux non satisfaites s'élève à 100 000.

La limite des 250 000 créneaux horaires étant essentiellement volontariste, puisque l'aéroport d'Orly peut techniquement en supporter davantage même avec le maintien du couvre-feu, la tentation de revenir sur l'arrêté de 1994 risque d'être grande en l'absence d'une capacité d'accueil sur un autre aéroport. La tentation sera d'autant plus grande qu'il semble irréaliste de pouvoir maintenir la situation actuelle par la simple augmentation de la capacité des appareils.

La levée du plafond actuel aggraverait de façon insupportable la gêne subie par les riverains. Quelles que soient les avancées technologiques relatives à l'émission sonore des aéronefs, celles-ci n'auront aucun effet sur les nuisances si le nombre des mouvements n'est pas impérativement maintenu.

Les directives de l'Organisation mondiale de la santé relatives au bruit soulignent que la nocivité du bruit réside davantage dans sa répétition que dans son niveau. Comme vous ne l'ignorez pas, monsieur le secrétaire d'Etat, le supplice de la goutte d'eau existe aussi du point de vue sonore !

Monsieur le secrétaire d'Etat, afin de concilier l'ensemble des intérêts inhérents au problème du développement du trafic aérien, le triptyque actuel « sécurité, capacité, environnement » doit devenir « sécurité, environnement et ensuite seulement capacité ». Vous vous êtes engagé dans cette voie.

Si la mission d'information de l'Assemblée nationale se prononçait, à l'issue de ces travaux, contre une troisième plate-forme aéroportuaire, quelles mesures envisageriez-vous afin d'absorber le développement du trafic aérien francilien tout en respectant la qualité de vie des riverains de l'aéroport d'Orly ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Monsieur le sénateur, il s'agit d'un problème important. Les populations riveraines de l'aéroport d'Orly, dans votre département du Val-de-Marne en particulier, s'inquiètent légitimement de la situation et cette question a déjà été posée avec beaucoup d'insistance à M. Gilles de Robien et à moi-même depuis le mois de mai. Je vous prie d'ailleurs d'excuser l'absence de M. Gilles de Robien, retenu.

En présentant le 25 juillet 2002 des orientations pour un développement durable des aéroports parisiens, il a tenu à rassurer les riverains de l'aéroport d'Orly en leur confirmant que les conditions d'exploitation actuelles ne sont et ne seront nullement remises en cause. Ainsi, le couvre-feu de minuit à six heures est maintenu et le nombre de créneaux horaires attribuables demeure limité à 250 000 par an, en vertu de la décision de 1994 de M. Bernard Bosson. Pour l'instant, nous sommes bien loin de ce chiffre.

Ces mesures sont strictement respectées. Il n'est délivré qu'un nombre extrêmement limité de dérogations au couvre-feu. Elles représentent, en moyenne, moins d'un vol par semaine et elles sont toujours motivées par des circonstances exceptionnelles, telles que les intempéries ou des événements perturbant sensiblement l'ensemble du trafic aérien.

Par ailleurs, aucun créneau n'est attribué par le coordonnateur indépendant, l'association COHOR, au-delà de la limite des 250 000 mouvements fixée en octobre 1994. Au cours des trois dernières années, la totalité des décollages et des atterrissages effectués à Orly s'est élevée à 242 000 mouvements en 2000, 219 000 en 2001 et 211 000 en 2002.

Monsieur le sénateur, il ne vous a pas échappé que, du fait de l'arrêt des vols d'Air Lib, environ 45 000 créneaux étaient disponibles. L'association COHOR a écrit à l'ensemble des compagnies aériennes présentes sur le site ou ayant déjà effectué des demandes, en fixant la date butoir du 18 mars pour solliciter des créneaux sur cette plate-forme, tout en restant dans la limite de 250 000 mouvements. Comme vous l'avez noté dans votre intervention, le nombre des créneaux attribuables - 45 000 - est très inférieur au nombre des demandes qui sont actuellement sur le bureau du coordonnateur - 100 000.

Les autres orientations qui ont été proposées le 25 juillet dernier s'adressent bien sûr à l'aéroport de Roissy, dont il convenait de mieux encadrer le développement d'activité. Mais certaines d'entre elles concernent aussi la plate-forme d'Orly.

Pour inciter les transporteurs aériens à diminuer sensiblement la gêne sonore, qui continue malgré la modernisation des appareils, le Gouvernement entend taxer plus lourdement les avions les plus bruyants. Il entend aussi faire respecter les trajectoires en créant des volumes de protection environnementale.

Des mesures concrètes ont déjà été prises dans ce sens ou le seront très prochainement. En particulier, la loi de finances rectificative pour 2002 relève très significativement le montant de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, dont les compagnies aériennes doivent s'acquitter.

Les dispositions qui sont prises pour assurer une réduction des nuisances sonores n'ont de sens que si leur application est strictement contrôlée et que les manquements sont dûment sanctionnés. Nous veillons donc, aux côtés de l'autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires, l'ACNUSA, à ce que le dispositif de sanctions soit mis en oeuvre sans faille. Il a fait ses preuves puisque, au cours des quatre dernières années, plus de 2 736 infractions ont été dressées à l'égard des compagnies aériennes représentant un montant d'amendes de plus de 9 millions d'euros.

Enfin, monsieur le sénateur, vous avez évoqué les travaux de la mission d'information parlementaire sur l'avenir du transport aérien français et de la politique aéroportuaire, plus généralement connue sous le nom de « mission sur le troisième aéroport ». Elle a pour objet d'examiner s'il faut ou non un troisième aéroport : si oui, selon quelles modalités, sinon, avec quelle répartition du trafic aérien futur entre les plates-formes existantes, mais surtout, naturellement, entre les plates-formes dans les régions.

Le Gouvernement a demandé à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire de l'Assemblée nationale de constituer ce groupe de travail, avec vos collègues MM. Favennec et Gonnot. Il est vrai que ce groupe de travail aurait pu être étendu au Sénat ; mais nous trouverons d'autres occasions de demander à la Haute Assemblée une collaboration sur un sujet aussi essentiel.

Le groupe de travail doit remettre ses conclusions au Gouvernement au mois de juin ou au début du mois de juillet, soit à la fin de la session ordinaire du Parlement. Naturellement, elles donneront lieu à un débat dans les deux assemblées, à un dialogue avec le Gouvernement.

Pour terminer, je soulignerai que nous veillons également au suivi des trajectoires dans les départements qui entourent Orly, et qui ne se limitent pas au seul Val-de-Marne - je pense en particulier au département de Seine-et-Marne, que connaît bien mon collègue Christian Jacob, ou au département de l'Essonne -, dans lesquels les procédures d'atterrissage face à l'est ou face à l'ouest peuvent soulever des difficultés.

Nous travaillons à un meilleur respect des trajectoires, car nous sommes bien obligés de constater que, depuis qu'elles ont été modifiées, en mars dernier, des désagréments nouveaux, que nous veillons actuellement à corriger, sont apparus pour certaines populations.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Poirier.

M. Jean-Marie Poirier. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie des assurances que vous venez de nous donner, qui montrent bien qu'une très large batterie de mesures est actuellement mise en place.

Il est évident que, si les dispositifs de contrôle et de sanction ne sont pas vraiment opérationnels et efficaces, nous connaîtrons toujours les dérives que nous constatons encore aujourd'hui et qui sont les principaux sujets de préoccupation, d'observation et je dirai même de « manie » des habitants de ces secteurs, qui passent leur temps à noter sur leurs petits carnets les avions qui s'écartent de leur trajectoire avant de venir en saisir la mairie, naturellement responsable de ce genre d'incidents.

Comptez sur nous, monsieur le secrétaire d'Etat, pour être aussi vigilants et aussi attentifs aux progrès que les habitants.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Je vous remercie, monsieur le président, de me redonner la parole. Je souhaite apporter brièvement une précision à M. Poirier.

Le Gouvernement souhaite que le dispositif de suivi des trajectoires soit public et accessible sur un site Internet. Pour l'instant, en raison de la situation internationale, ce n'est pas le cas, mais nous cherchons un système pour que les maires et les populations disposent d'une information en temps réel sur les trajectoires et leur respect. Ainsi, les maires pourront être immédiatement informés en cas de problème, par exemple en cas de changement de trajectoire, ou si un avion a volé trop bas ou a été obligé de se dérouter de façon qu'ils puissent immédiatement donner aux populations concernées les renseignements très précis qu'elles attendent.

POLITIQUE DE TRANSPORTS

M. le président. La parole est à M. Jacques Oudin, auteur de la question n° 192, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

M. Jacques Oudin. Monsieur le secrétaire d'Etat, à l'occasion du conseil interministériel du 31 juillet 2002, le Gouvernement avait décidé d'engager une réflexion approfondie pour asseoir les bases d'une nouvelle politique des transports qui puisse concilier les intérêts stratégiques de la France comme territoire de transit au coeur de réseaux européens, la desserte équilibrée de nos territoires, mais aussi les contraintes financières tant de l'Etat que des collectivités territoriales.

Cette réflexion a pris la forme de trois actions : un audit économique et financier de l'ensemble des projets d'infrastructures de transport envisagés, promis ou déjà engagés, qui a été remis aux parlementaires le 5 mars 2003 - je le précise -, après les journalistes ; une étude prospective à long terme dans le cadre des réflexions menées par la DATAR ; et, enfin, un débat d'orientation parlementaire, qui est prévu à l'Assemblée nationale le 13 mai et au Sénat le 21 mai.

Je vous félicite, monsieur le secrétaire d'Etat, pour la qualité du travail accompli, non seulement par votre administration mais également par les rapporteurs de l'audit. Ce rapport, en effet, a au moins le mérite de souligner l'importance des besoins de financement du secteur des transports, d'ici à 2020. Chacun sait désormais que ces besoins ne faibliront pas.

Cependant, le financement sur le long terme des investissements des infrastructures de transports suppose une détermination claire des capacités financières de la France ainsi qu'une définition précise des modalités de financement. En conséquence, je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, de m'apporter les précisions concernant les quatre points suivants.

Premièrement, est-il possible de disposer prochainement d'une amorce des comptes de transports conformément à ce que prévoit l'article 12 de la loi de finances rectificative pour 2002 du 6 août 2002, qui fait suite à un amendement que j'avais déposé ?

Deuxièmement, qu'en est-il des modalités et des garanties de l'affectation des recettes de péages au développement du réseau autoroutier ? Cette disposition était rendue possible avec l'adossement ; il faut envisager maintenant un autre système.

Troisièmement, est-il possible d'établir un système de péréquation pour assurer le financement des transports autoroutiers dont le trafic n'assure plus une rentabilité immédiate ? Comment remplacer le fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN, que le Sénat avait créé et qui a disparu ?

Enfin, quatrièmement, peut-on établir des règles claires concernant la participation financière des collectivités locales aux investissements autoroutiers et ferroviaires car une certaine reprise se fait parfois sentir ?

Ces quatre points soulèvent deux dernières questions. D'une part, comment se fera le partage des charges entre le contribuable et l'utilisateur ? D'autre part, quelles nouvelles recettes envisagez-vous alors que les affectations des recettes anciennes n'ont pas été respectées ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Je suis très heureux, monsieur Oudin, que vous ayez posé cette question, puisque, à la tête de l'association Transport, développemenent, intermodalité, environnement, TDIE, vous êtes de ceux qui, depuis le début, ont ouvert le débat dans notre pays, publiquement, au Sénat et ailleurs, sur l'ensemble de ces points.

Au moment d'ailleurs où je réponds à votre question sur l'audit, vos collègues MM. Haenel et Gerbaud rendent public le rapport qu'ils ont effectué dans le cadre d'une mission auprès du Gouvernement sur le fret ferroviaire, travail dont vous connaissez l'importance. Vous allez donc, dans quelques instants, prendre connaissance des conclusions de leur rapport et des propositions qu'ils formulent.

Je puis déjà vous dire, comme les études de l'association TDIE l'avaient montré depuis longtemps, que le rapport d'audit met en évidence les besoins de financement considérables du secteur des transports d'ici à 2010. Ce rapport pose d'ailleurs problème, car, dans certaines régions, ses conclusions, même si elles n'engagent pas le Gouvernement, suscitent un débat. Ce rapport démontre en effet que les ressources existantes ne peuvent suffire à satisfaire les besoins tant en matière de développement que de maintenance et d'entretien des réseaux. Ce sujet est bien connu dans les secteurs ferroviaire et autoroutier. Il reviendra donc au Gouvernement de revenir sur ce point lors du débat d'orientation parlementaire que vous avez évoqué.

En réponse à une question posée par votre collègue M. Amoudry la semaine dernière, M. Gilles de Robien a rappelé que lorsque l'on crée un schéma national d'infrastructures, il convient, dans le même temps, de prévoir son financement. C'est parce que cela n'avait pas été fait que nous avons dû procéder à cet audit, qui est en réalité la photo des promesses des schémas ou des études précédentes et qui permettra au Parlement et au Gouvernement d'effectuer de véritables choix, notamment en matière de financement.

Les auteurs de ce rapport d'audit proposent, comme vous l'avez évoqué, de créer, à partir du 31 août prochain, un peu sur le modèle allemand, une redevance sur le transport autoroutier, et non sur le transport routier, sur les routes à quatre voies et sur les autoroutes non concédées.

La difficulté est d'ailleurs plus grande en France qu'en Allemagne, puisqu'en Allemagne le réseau autoroutier est gratuit, tandis qu'en France une partie de ce réseau est concédée. Il importe donc de savoir si l'on peut s'appuyer, si cela a été décidé un jour, sur la totalité ou sur une partie du réseau. N'oublions pas que les dividendes autoroutiers pourraient rapporter environ cinq milliards d'euros sur vingt ans.

Mais ce n'est pas la seule piste. Les auteurs du rapport d'audit avancent également l'idée d'un rapprochement, pour les véhicules particuliers, de la TIPP sur le gazole de celle qui est perçue sur l'essence. Mais nous savons bien, en particulier dans nos régions, toute l'importance que les populations rurales accordent au différentiel entre le gazole et les autres carburants. Il s'agit donc là d'un sujet sensible, ce qui est compréhensible.

Maintenant, monsieur le sénateur, et j'espère que vous allez comme d'habitude nous y aider, il nous faut approfondir toutes ces pistes sous les angles techniques et juridiques.

Un groupe de travail a été constitué entre les différents ministères concernés. Deux éléments manquent encore dans la perspective du débat parlementaire, à savoir un rapport de votre collègue M. Henri de Richemont sur le cabotage maritime, qui vise également à améliorer la politique de transport, et une étude prospective que mène actuellement la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, la DATAR, sur les réseaux de transport à l'échelle régionale en termes d'aménagement du territoire et à l'échelle européenne.

J'aborde maintenant les questions plus spécifiques que vous avez posées, monsieur Oudin.

S'agissant des comptes transports que vous appelez de vos voeux en tant que rapporteur, je vous indique que nous devrions disposer, dans le courant de l'été, des éléments permettant de les présenter. Si nous n'en disposons pas au moment du débat parlementaire du printemps, nous utiliserons les chiffres les plus récents.

Concernant les deux points suivants que vous avez évoqués, monsieur le sénateur, je souligne, en premier lieu, que nous devrons évidemment poser la question de la pérennité des ressources au regard de la réalisation du schéma d'infrastructures.

Vous connaissez trop le mécanisme des ressources affectées puis « désaffectées », si vous me permettez ce néologisme - je veux parler des ressources qui disparaissent - pour ignorer que si nous venions à créer dans ce pays une redevance affectée au schéma des infrastructures, il faudrait veiller à éviter qu'un ministère sur une rive de la Seine ne la remette pas un jour dans le pot global et qu'elle ne disparaisse du profit des infrastructures. Il y a là naturellement une réflexion à mener et nous avons déjà attiré l'attention de M. Francis Mer sur ce point.

Enfin, il me semble que, dans le secteur autoroutier, la règle est simple et claire. Pour ce qui est du ferroviaire, ne faut-il pas suivre une règle similaire ? C'est également une piste de réflexion que nous ouvrirons.

En tout état de cause, l'audit, avec ses qualités et ses défauts, est un document de travail destiné au Gouvernement et au Parlement qui a au moins le mérite de poser, comme vous l'avez fait à plusieurs reprises, la question du financement des infrastructures. Nous devons profiter du débat qui aura lieu au printemps pour prendre des décisions sur les bonnes infrastructures à réaliser en termes d'aménagement du territoire, sur leur mode de financement et sur la pérennité de ce dernier.

Monsieur le sénateur, je vous remercie d'avoir posé une question qui, d'une certaine manière, cadre le débat que nous aurons au printemps prochain et ouvre déjà les pistes de réflexion.

M. le président. La parole est à M. Jacques Oudin.

M. Jacques Oudin. Je remercie M. Dominique Bussereau pour l'excellence de sa réponse.

Monsieur le secrétaire d'Etat, trois points sont essentiels pour la compréhension des débats.

Le premier concerne la clarté des schémas à long terme. Il est d'autant plus nécessaire de savoir où l'on va que les schémas de service, qui ont embrouillé tous les problèmes, ont été un apport très négatif.

Le deuxième point vise la clarté des financements. Comme vous l'avez dit, on a désaffecté des recettes. Ce faisant, on a quelque peu trompé l'opinion, les élus et le Parlement, d'où la nécessité d'apporter une clarté très nette dans ce domaine.

Enfin, le troisième et dernier point est la clarté sur le partage des charges entre Etat et collectivités territoriales, contribuables et usagers. Monsieur le secrétaire d'Etat, je pourrais vous citer des exemples pour vous montrer que les règles dans le domaine autoroutier ne sont pas si claires que vous avez bien voulu le dire. D'une façon générale, pour raisonner sur le long terme, il faut dissocier l'ambition collective des contingences financières du moment. En effet, si nous réduisons l'ambition que nous avons aux contingences financières, nous n'aurons plus d'ambition !

Ces conditions réunies, monsieur le secrétaire d'Etat, le débat parlementaire à venir sera le bienvenu.

INTÉGRATION DES TECHNICIENS DE LABORATOIRE

DES CENTRES HOSPITALIERS EN CATÉGORIE B

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, auteur de la question n° 169, adressée à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

Mme Françoise Férat. Monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur l'intégration des techniciens de laboratoire de centres hospitaliers en catégorie « B active ».

Pour ma part, j'ai toujours soutenu cette revendication. Aussi la déclaration de M. Jean-François Mattei, qui l'avait qualifiée de « normale » lors des débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, m'avait-elle remplie d'aise ! J'avais, dès lors, pleinement adhéré à sa proposition de l'étudier à l'occasion de la prochaine refonte des régimes de retraite.

Le rapport qui doit servir de base à cette analyse vient d'être rendu public. Or il est proposé, dans ce document, de refuser cette modification statutaire au motif que les techniciens de laboratoire ne sont pas en contact direct avec le malade.

Permettez-moi de contester une telle vision ! Elle nie complètement la dangerosité de cette profession. En effet, les techniciens manipulent, souvent dans l'urgence, ce qu'il y a de plus infectieux chez les malades : le sang ou d'autres liquides biologiques. De jour comme de nuit, ils sont en contact direct avec les germes de maladies graves, telles que méningite, sida ou syndrome de Creutzfeldt-Jakob. Enfin, dans certaines unités, ces personnels pratiquent eux-mêmes certains prélèvements.

Dans le rapport, la décision est également fondée sur le manque de pénibilité de cette activité professionnelle. Pourtant, les gardes de nuit, de week-end, l'absence de congé fixe hebdomadaire témoignent du souci constant des techniciens de laboratoire de contribuer à la permanence de la chaîne de soins. A ce titre, il me semble que ne sont pas retranscrites dans ce rapport les contraintes qui leur sont imposées. Celles-ci sont d'ailleurs accrues depuis la mise en oeuvre des 35 heures, notamment dans les laboratoires de province, dont plus de la moitié compte moins de treize personnes.

Ces personnels acomplissent donc des tâches qui sont en totale inadéquation avec leur classement actuel.

Pour mémoire, je vous rappelle que cette catégorie de personnels représente moins de 3 % des effectifs totaux de la fonction publique hospitalière.

Aussi, monsieur le ministre, je vous serais particulièrement reconnaissante de bien vouloir m'indiquer les mesures que vous envisagez de prendre, non pour leur permettre de partir à la retraite à cinquante-cinq ans, mais pour leur offrir, dans le cadre de la prochaine réforme des retraites, un traitement identique aux professions actives des centres hospitaliers. (M. Jean-Pierre Godefroy applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille. Madame le sénateur, je vous présente les excuses de Jean-François Mattei, qui aurait souhaité vous répondre directement, surtout sur un tel sujet.

Vous avez appelé son attention sur la reconnaissance de la profession de technicien de laboratoire des centres hospitaliers en catégorie B active de la fonction publique hospitalière.

Dans le cas particulier de la fonction publique hospitalière, les emplois en catégorie dite « active » sont énoncés par l'arrêté interministériel du 12 novembre 1969 de façon limitative, sans qu'il soit possible d'étendre cette catégorie à d'autres professions par analogie ou assimilation.

Il me paraît important de préciser deux points. D'abord, il s'agit d'un avantage spécifique des régimes de retraite des agents du secteur public dont ne bénéficient pas les salariés du secteur privé qui exercent la même profession. Ensuite, les fonctionnaires hospitaliers, dont l'emploi n'est pas classé dans cette catégorie, bénéficient déjà d'avantages en matière de réduction ou de cessation anticipée d'activité.

Ils peuvent ainsi bénéficier, s'ils ont accompli vingt-cinq ans de service, d'une cessation progressive d'activité qui permet de travailler à mi-temps à partir de l'âge de cinquante-cinq ans, tout en percevant 80 % de leur rémunération.

Ces précisions ayant été apportées, je vais maintenant répondre à votre interrogation concernant le rapport prévu par la loi du 4 mars 2002. Ce document, remis au Parlement en février 2003, était à la disposition de tous les sénateurs. Afin de vous apporter toutes les informations nécessaires, M. Mattei a d'ailleurs veillé à ce qu'un exemplaire vous soit personnellement remis la semaine dernière, par l'intermédiaire de la commission des affaires sociales.

Que contient ce rapport ? Il détaille, certes, le dispositif propre à la catégorie B active, mais il souligne surtout le coût engendré par une telle mesure, soit 260 millions à 336 millions d'euros environ sur la période 2002-2007.

Cette charge serait supportée par la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, la CNRACL. Vous connaissez la volonté du Gouvernement de rechercher pour la CNRACL les conditions d'un équilibre durable. Des mesures allant dans ce sens ont été annoncées : la cotisation augmentera de 0,4 % en 2003, en 2004 et en 2005, et la compensation vers les autres régimes sera réduite de 3 %.

La réflexion ainsi amorcée pour ce rapport doit maintenant être menée plus avant et s'inscrire dans la démarche globale de la prochaine réforme des retraites qui est actuellement menée par le Gouvernement.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat.

Mme Françoise Férat. J'ai bien pris connaissance du rapport que vous avez évoqué. Permettez-moi d'insister sur cette catégorie de personnels qui représente moins de 3 % des effectifs de la fonction publique hospitalière et qui ont vraiment le sentiment d'être traités différemment des autres.

S'ils sont conscients des contraintes budgétaires dont vous venez de nous faire part et de l'obligation de travailler au-delà de cinquante-cinq ans, ils sont néanmoins soucieux de voir reconnaître la profession qu'ils exercent au quotidien. Cela dit, je suis pleinement rassurée de savoir que la réflexion s'inscrit dans la prochaine réforme des retraites.

DÉPISTAGE DU CANCER COLORECTAL

M. le président. La parole est à M. Jean-François Picheral, auteur de la question n° 96, adressée à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

M. Jean-François Picheral. Monsieur le ministre, je souhaiterais une nouvelle fois attirer votre attention sur la situation de plus en plus préoccupante du dépistage systématique du cancer colorectal dans notre pays.

Mes précédentes interventions avaient obtenu de la part du prédécesseur de M. Mattei, mon ami M. Bernard Kouchner, non seulement la confirmation d'une mise en place rapide d'un dépistage expérimental du cancer colorectal, mais aussi l'engagement d'allouer les crédits nécessaires pour faire face à l'urgence de cette action.

Deuxième cause de mortalité par cancer, le cancer colorectal touche chaque année 33 000 personnes et en tue 16 000. De nombreuses études tendent à prouver que le dépistage régulier et préventif par Hémocult des personnes de plus de cinquante ans est susceptible de réduire considérablement le taux de mortalité.

Les cliniciens, comme les chercheurs, portent d'ailleurs un intérêt croissant à ce type de cancer en raison, non seulement de la fréquence et de la gravité de cette pathologie, mais aussi des progrès qui ont récemment été obtenus dans les domaines de la recherche fondamentale et épidémiologique et qui permettent désormais d'envisager une évolution favorable à court terme du traitement de cette pathologie.

Pourtant, à ce jour, les moyens débloqués par les pouvoirs publics semblent connaître un retard préoccupant. Ainsi, sur les douze départements choisis, seuls quatre ont effectivement reçu des fonds leur permettant d'envisager enfin le début effectif de la campagne de dépistage. Il semble donc qu'à ce jour nous sommes bien loin de la volonté de votre prédécesseur de voir ce dépistage se généraliser au cours de l'année 2003. C'est pourquoi il m'a semblé une nouvelle fois indispensable d'insister sur l'urgence et sur l'importance de ce combat. Je ne peux que déplorer le retard considérable pris sur ce dossier.

Je souhaiterais donc connaître votre sentiment sur ce sujet, monsieur le ministre, notamment sur la mobilisation de mes collègues professionnels de santé sur ce dossier. A ce titre, ne serait-il pas opportun d'impliquer la médecine du travail, dont le maillage étroit sur le territoire français permettrait assurément de favoriser un dépistage efficace ?

Je souhaiterais également connaître votre intention sur la généralisation du programme expérimental. Celui-ci ne pourrait-il pas faire l'objet d'un contrat de santé publique et de bonne pratique, créé par la loi Kouchner du 4 mars 2002 et généralisé à l'ensemble du territoire ?

Je vous rappelle, monsieur le ministre, qu'il y a urgence à agir. Il ne s'agit donc plus aujourd'hui de négliger ce combat contre la deuxième cause de décès par cancer, tous sexes confondus, dans notre pays.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille. Je vous prie d'excuser l'absence de Jean-François Mattei, qui est retenu au ministère.

Dans le récent rapport remis par la commission d'orientation sur le cancer afin de préparer le plan de lutte contre le cancer lancé par M. le Président de la République, un état des lieux des pratiques de dépistage en France a été dressé. Ce bilan ne fait pas ressortir une situation particulièrement préoccupante. Le taux de survie après un cancer colorectal dans notre pays est l'un des meilleurs d'Europe. Aucun pays d'Europe n'a actuellement mis en place de programme national de dépistage.

Néanmoins, l'avis de la commission montre que des progrès peuvent être obtenus par une approche organisée du dépistage. Si l'efficacité expérimentale de l'utilisation du test Hémocult est démontrée, sa généralisation peut présenter quelques difficultés.

De ce fait, douze sites pilotes ont été retenus, dont huit ont déjà reçu une dotation budgétaire de 1,1 million d'euros : les Bouches-du-Rhône, dont vous êtes élu, la Côte-d'Or, l'Ille-et-Vilaine, l'Indre-et-Loire, l'Isère, le Nord, la Saône-et-Loire et le Haut-Rhin. Pour les quatre départements restants - Charente, Calvados, Hérault et Seine-Saint-Denis -, des dotations seront versées au cours de l'année.

Ces expérimentations vont permettre d'étudier la meilleure façon, grâce au concours des médecins généralistes, de sensibiliser la population à ce type de dépistage.

Enfin, vous rappelez qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 4 mars 2002 « les professionnels de santé conventionnés peuvent adhérer individuellement à des contrats de santé publique qui ouvrent droit à rémunération forfaitaire ».

Vous comprendrez que la mise en oeuvre de ce contrat de santé publique de dépistage expérimental suppose des négociations conventionnelles, et qu'elle ne peut donc être immédiate.

En accord avec la CNAM, nous avons mis en place une solution transitoire permettant, par l'intermédiaire des fonds de prévention, d'indemniser les médecins généralistes qui y participent.

La situation ne justifie aucune précipitation, au contraire, elle demande de la rigueur et de la méthode. C'est ainsi que nous obtiendrons des résultats tangibles.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Picheral.

M. Jean-François Picheral. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.

Je comprends qu'il ne faille pas se précipiter, mais les promesses faites devraient être tenues ! Or seuls quatre départements ont reçu la dotation budgétaire promise.

M. Christian Jacob. Huit !

M. Jean-François Picheral. Ce bilan est insuffisant. L'effort doit donc être poursuivi ; ce n'est qu'ensuite que nous pourrons débattre des résultats obtenus.

Cela dit, comme je le suggérais, faire collaborer les médecins du travail serait moins compliqué que d'établir des conventions au terme de longues discussions : mes collègues médecins généralistes ont, en effet, beaucoup d'autres chats à fouetter.

Il est urgent d'accélérer la mise en oeuvre du dépistage du cancer colorectal, cancer qui peut être traité de façon efficace, à condition d'avoir été dépisté ! Je vous demande donc d'intervenir en ce sens auprès de mon ami Jean-François Mattei.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures cinquante-cinq, est reprise à onze heures.)

M. le président. La séance est reprise.

SOUS-TITRAGE DES PROGRAMMES TÉLÉVISÉS

ET NIVEAU SONORE DES PUBLICITÉS

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, auteur de la question n° 164, adressée à M. le ministre de la culture et de la communication.

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, je vous remercie d'être présent pour me répondre.

Je souhaite évoquer deux questions liées au fonctionnement de l'audiovisuel français.

La première concerne l'accès des personnes sourdes ou malentendantes aux programmes télévisés. Le sous-titrage reste le moyen le plus adéquat. Un rapport vient de vous être remis, monsieur le ministre, par M. Jacques Charpillon, ainsi qu'à M. le ministre de la santé.

Il en ressort que, selon les chaînes, seuls 1 % à 20 % des émissions sont sous-titrées ; il s'agit le plus souvent de fictions. Par ailleurs, il semble que la qualité de ces sous-titrages soit le plus souvent décevante.

Le rapport de M. Charpillon dresse en la matière un état des lieux accablant, qui place la France très loin derrière d'autres pays européens qui sous-titrent jusqu'à 75 % de leurs programmes. De ce fait, c'est toute une catégorie de nos concitoyens qui ne peut accéder à l'information et à la culture télévisuelles, contrairement au droit qui leur est reconnu par la loi du 1er août 2002 relative à l'audiovisuel.

Je souhaite donc connaître les mesures que le ministère de la culture et de la communication entend mettre en place pour favoriser le sous-titrage et atteindre l'objectif de rattrapage préconisé par le rapport Charpillon, c'est-à-dire 50 % de programmes sous-titrés d'ici à cinq ans.

A l'inverse, et c'est ma seconde question, nous constatons que, sur la plupart des chaînes télévisées, le volume sonore des programmes est différent de celui des pauses dites publicitaires : le son des publicités est, bien souvent, nettement plus fort que le reste des programmes.

Aussi, à défaut de rester devant leur écran à regarder les publicités, les téléspectateurs les entendent-ils. Dans certains immeubles d'habitations collectives, les intermèdes publicitaires peuvent alors constituer des nuisances sonores particulièrement irritantes.

Le décret n° 92-280 du 27 mars 1992 prévoit que le niveau sonore des séquences publicitaires et des écrans qui les précèdent ne doit pas excéder le volume sonore moyen du programme. Il semble que ce ne soit pas le cas. Comment entendez-vous, dès lors, faire respecter la réglementation sur ce point par l'ensemble des chaînes ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, je tiens tout d'abord à vous préciser que je partage tout à fait votre intérêt pour le traitement des populations malentendantes par la télévision.

Ainsi que vous l'avez rappelé, l'article 43-11 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication intégré à la loi du 1er août 2000 impose aux chaînes de télévision publiques l'obligation de favoriser l'accès des personnes sourdes et malentendantes aux programmes qu'elles diffusent.

Pour répondre à cette obligation, les chaînes publiques ont d'ores et déjà engagé des efforts qui méritent d'être relevés. Ainsi, le volume de programmes sous-titrés sur France 2 a connu, en 2001, une hausse de plus de 12,5 % par rapport à l'année précédente. Ce sont mille sept cent douze heures de programmes qui ont été sous-titrées, soit près de 19,5 % du volume horaire de programmes. De même, France 3 est en progression avec huit cent quatre-vingt-treize heures. Enfin, France 5, de façon exemplaire, s'est fixé, à partir de 2002, un objectif de mille huit cents heures de programmes sous-titrés sur deux ans, et, à terme, le sous-titrage de l'ensemble de ses documentaires.

Ces chiffres restent cependant trop faibles, vous avez raison de le souligner, et le Gouvernement entend mener en la matière une action énergique, dans la ligne définie par le Président de la République lui-même, qui a fait de l'action en faveur des personnes handicapées l'une des priorités de son mandat.

Comme vous l'avez rappelé, M. Jacques Charpillon, inspecteur général de l'administration des affaires culturelles, a effectué une mission d'étude destinée à évaluer les possibilités techniques et financières d'adaptation de l'ensemble des programmes télévisés aux attentes des personnes sourdes et malentendantes. Le rapport m'a été remis le 24 octobre dernier. Au vu de ce rapport, j'ai décidé de mettre en place un plan de rattrapage du sous-titrage. J'ai d'ores et déjà écrit aux présidents des chaînes de télévision du service public afin de leur demander de formuler rapidement leurs propositions en ce sens.

Comme nous avons donné rendez-vous à ces chaînes pour une révision de leurs contrats d'objectifs et de moyens, je ferai naturellement du renforcement de ces obligations une priorité. Au cours des prochains mois, je compte prendre des mesures dans ce domaine et, je le répète, monsieur le sénateur, je partage tout à fait votre préoccupation.

Par ailleurs, le décret du 27 mars 1992 prévoit que le volume sonore des écrans publicitaires ne doit pas dépasser le volume moyen du programme dans lequel il est inséré. Comme pour l'ensemble de la réglementation, il appartient au Conseil supérieur de l'audiovisuel, autorité indépendante, de veiller au respect de cette disposition par tous les éditeurs de services de télévision. A ce titre, le CSA m'a indiqué qu'il n'avait récemment constaté aucun manquement à cette mesure. En tout cas, je lui demanderai d'être particulièrement vigilant sur cette question. En effet, un tel manquement peut, d'une part, contribuer à l'accentuation de la nuisance sonore dans les immeubles et, d'autre part, constituer, finalement, de façon assez indélicate, une sorte de viol de la disponibilité ou de l'attention des téléspectateurs à des fins uniquement mercantiles.

Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments de réponse que je suis en mesure d'apporter à votre question.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, je suis satisfait de votre réponse à la première partie de ma question. Il est évident que les efforts que l'on doit accomplir ne peuvent porter que sur le long terme : le problème ne peut pas être résolu du jour au lendemain.

En revanche, s'agissant de la seconde partie de ma question, il semble que les membres du CSA ne regardent pas la télévision, car il est patent que le volume sonore entre les émissions et les pauses publicitaires est très différent. Je souhaite donc que vous les saisissiez à nouveau, voire que vous les invitiez à regarder la télévision à leur domicile. Ils pourront alors facilement constater qu'il existe parfois un décalage très important entre le niveau sonore d'une émission et celui de la pause publicitaire.

CONDITIONS D'OUVERTURE

DES DROITS AUX INDEMNITÉS JOURNALIÈRES

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, auteur de la question n° 175, adressée à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite attirer votre attention sur la situation des assurés sociaux qui exercent une activité professionnelle précaire, insuffisante au regard des conditions d'ouverture des droits aux indemnités journalières. En effet, les conditions d'ouverture des droits aux indemnités journalières sont définies par les articles R-313 et suivants du code de la sécurité sociale et par l'arrêté d'équivalence du 21 juin 1968. Elles sont relatives à des montants de salaires perçus et à des durées de travail effectuées, variables selon les situations d'emploi.

C'est ainsi que, pour un salarié en contrat à durée indéterminée, le droit à indemnités journalières implique, dans le cas d'un arrêt de travail de moins de six mois, d'avoir cotisé sur la base d'un salaire au moins égal à mille quinze fois le SMIC horaire brut au cours des six mois civils précédant l'arrêt de travail ou d'avoir effectué deux cents heures de travail au cours des trois mois civils ou des quatre-vingt-dix jours précédant l'arrêt. Dans le cas d'un arrêt supérieur à six mois, ce droit est ouvert à la suite d'une cotisation sur un salaire au moins égal à deux mille trente fois le SMIC horaire brut pendant les douze mois civils précédant l'arrêt, dont mille quinze fois le SMIC horaire brut au cours des six derniers mois, ou après avoir effectué au moins huit cents heures de travail au cours des douze derniers mois civils, dont deux cents au cours des trois premiers mois. Excusez-moi d'être aussi complète, mais c'est la réglementation.

Pour un salarié exerçant une activité saisonnière ou discontinue, seule la condition des deux mille trente fois le SMIC horaire brut sur douze mois ou des huit cents heures de travail sur ces douze derniers mois est requise. Par l'arrêté d'équivalence du 21 juin 1968, les catégories d'emplois particuliers ont été intégrées sous les mêmes conditions en tant que bénéficiaires.

Si le salarié ne remplit pas les conditions requises à l'ouverture des droits à indemnités journalières lorsqu'il tombe en arrêt de travail, alors il n'aura pas droit à un revenu de compensation. Or, sans ce revenu, c'est l'équilibre financier de son foyer qui est mis en péril.

Malheureusement, ce cas de figure n'est plus rare aujourd'hui. Flexibilité de l'emploi aidant, de plus en plus de salariés subissent des conditions d'emploi dont la précarité est telle qu'ils n'entrent plus dans les catégories définies par le code de la sécurité sociale. Cette exclusion d'une masse grandissante de travailleurs constitue une atteinte aux principes d'universalité et de justice qui sous-tendent la légitimité de notre système de sécurité sociale. Mais, plus grave encore, elle plonge ces salariés et leur famille, déjà soumis à la précarité du travail et des revenus par la nature de leurs contrats de travail, dans des tragédies financières dont, très souvent, ils ne se remettent pas.

La généralisation de cette stratégie managériale de substitution des emplois stables par des emplois précaires trouve son origine dans un mode de gestion flexible de la main-d'oeuvre visant à externaliser sur les salariés les risques inhérents à l'activité de l'entreprise et aux marchés. Elle a pour effet de construire un « sous-salariat », à savoir un salariat qui, par sa position précaire dans son statut social, dans ses possibilités de travail, dans ses revenus limités, ne peut bénéficier des acquis sociaux qu'une société développée comme la nôtre est en mesure d'offrir, alors même qu'il contribue par son activité et par le prélèvement sur ses revenus à la création des richesses.

Considérant qu'il est tout à fait inéquitable que des assurés ne puissent prétendre aux indemnités journalières, alors que leurs rémunérations ont fait l'objet de prélèvements sociaux, je souhaite connaître les dispositions particulières envisagées par le Gouvernement pour cette catégorie de salariés, afin qu'aucun assuré social ne soit sans ressources en cas d'arrêt de travail.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille. Madame le sénateur, je voudrais tout d'abord vous transmettre les excuses de M. Jean-François Mattei, qui aurait souhaité vous répondre directement.

Pour ouvrir droit, et ce pour une durée de six mois, aux indemnités journalières de l'assurance maladie, l'assuré doit justifier, à la date de l'interruption de travail, soit d'un montant minimal de cotisations au titre des assurances maladie, maternité, invalidité et décès assises sur les rémunérations perçues pendant les six mois civils précédents, soit d'au moins deux cents heures de travail salarié ou assimilé au cours des trois mois civils ou des quatre-vingt-dix jours précédents.

La législation actuelle subordonne donc le droit aux indemnités journalières maladie à la justification d'une activité professionnelle suffisante. Ce principe d'une condition minimale de travail avant ouverture des droits n'apparaît pas illégitime.

J'observe d'ailleurs que le minimum de deux cents heures d'activité requis pour une période de trois mois est faible. Il correspond à un peu moins de six semaines de travail à temps plein sur un trimestre, ou bien encore à l'équivalent de trois heures travaillées par jour et par semaine.

Enfin, il faut rappeler que ces règles sont d'ores et déjà aménagées pour les salariés exerçant une profession à caractère saisonnier ou discontinu, de façon qu'ils puissent valider les conditions de salaire ou d'activité sur une période plus longue de douze mois.

Par conséquent, il n'est pas envisagé de modifier ces règles.

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, mais je ne peux pas être d'accord avec vous. J'illustrerai mon propos par un cas concret : il concerne le département du Nord, que je représente.

Depuis quelques années, le dynamisme de ce département ne cesse d'être vanté. L'INSEE note que, profitant de la croissance des dernières années, l'emploi total semble même y avoir progressé dans des proportions supérieures à de nombreuses autres régions de France. Je doute que cela continue avec tous les plans sociaux qui sont en cours.

Pourtant, l'Institut constate aussi que son taux de chômage - 13,5 % - est de loin supérieur à la moyenne nationale - 9,5 % -, que ce dynamisme économique masque un déclin confirmé des activités industrielles, pourvoyeuses de plus du quart des emplois du département, au profit des activités de services et du tertiaire en général, et que, parmi toutes ces activités, et pas simplement parmi les plus traditionnelles du département, de nombreuses filières d'emplois subissent les à-coups des politiques de gestion flexible. Cette situation générale, qui s'amplifie depuis le retour de la crise, freine la portée du dynamisme du département.

En bref, s'il apparaît dans le département du Nord que dynamisme économique et création d'emplois peuvent être associés positivement, cette corrélation se fait au prix d'une forte flexibilité de l'emploi subie par les salariés, notamment dans les métiers les plus en difficulté.

Chacun en conviendra, cela n'est ni une découverte ni une spécificité du département du Nord et, de ce côté-ci de l'hémicycle, nous n'avons jamais cessé de le répéter.

Mais, très concrètement, pour les salariés du Nord, les conséquences sont les suivantes : les filières d'emploi du nettoyage, de la santé, du textile, de l'habillement, de la sécurité, des services sociaux, du transport et de la logistique, des arts appliqués, de l'agriculture et du bâtiment et travaux publics s'illustrent par une gestion de la main-d'oeuvre qui fait de la flexibilité et de la précarité un outil. C'est ainsi que ces filières d'emplois « dynamiques » sont marquées par un chômage de longue durée prononcé et un recours majoritaire à toutes les formes précaires du travail - temps partiel imposé, missions d'intérim, contrats à durée déterminée inférieurs à trois mois, voire à un mois - afin de répondre aux « aléas du marché ».

Cette situation, qui conduit à faire supporter aux salariés les dysfonctionnements du marché, est totalement injuste et illégitime, d'autant que ces salariés ne possèdent pas les moyens d'influer sur la gestion de l'entreprise dans laquelle ils travaillent.

MISE EN OEUVRE DU PLAN NATIONAL

POUR LA FORÊT

M. le président. La parole est à M. Gérard César, auteur de la question n° 172, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

M. Gérard César. Monsieur le ministre, à la suite de la tempête du 27 décembre 1999, qui a fortement touché l'Aquitaine, et plus particulièrement le département de la Gironde, un plan national pour la forêt avait été mis en place par le gouvernement précédent. L'Etat avait pris l'engagement de consacrer une enveloppe de 91,5 millions d'euros, sur une période de dix ans, à l'exploitation des chablis et à la reconstitution des forêts.

Trois ans après, force est de constater que le compte n'y est pas. Si je prends l'exemple de la Gironde, département le plus sinistré de France, nous observons un très fort décalage entre le rythme linéaire d'arrivée des crédits du plan chablis et le rythme d'arrivée des demandes d'aides des sylviculteurs. En effet, à ce jour, la cellule forestière de la direction départementale de l'agriculture et de la forêt, qui instruit les dossiers du plan chablis, a reçu 3 636 demandes d'aide. Or l'insuffisance des enveloppes attribuées à la Gironde depuis l'année 2000 se traduit encore, au 20 février 2003, par 1 300 dossiers en attente. Une part importante de ces derniers, ceux qui concernent une superficie inférieure à dix hectares, est en souffrance depuis bientôt trois ans.

Autant dire que ces retards sont extrêmement mal vécus sur le terrain. Il en résulte un climat d'inquiétude de la part des sylviculteurs, qui craignent un rejet de leur demande, ne comprennent pas la lenteur de l'administration et mettent en doute la volonté de l'Etat de restaurer la forêt sinistrée.

Monsieur le ministre, au cours d'un entretien récent, vous avez annoncé aux sylviculteurs qu'un crédit de 41 millions d'euros allait être mis à la disposition de la région Aquitaine en 2003. Je me réjouis de cette décision et je vous invite à débloquer rapidement cette somme afin de combler les retards considérables qui ont été pris, notamment dans les zones du Médoc et du nord de la Gironde. Cette subvention permettra d'organiser rationnellement un plan de nettoyage et de reboisement et donnera la possibilité aux entreprises de travaux forestiers de planifier leurs activités et de mobiliser la main-d'oeuvre qualifiée nécessaire.

Il est évident que le respect des engagements financiers pour les années à venir conduira à reconstituer au plus vite les peuplements sinistrés, chaque retard de paiement venant aggraver encore un peu plus la situation. Toutefois, une répartition dans le temps de l'enveloppe du plan chablis sera nécessaire afin de tenir compte des besoins réels du terrain.

Par ailleurs, j'attire également votre attention sur l'engagement qu'avait pris le précédent gouvernement de créer et de maintenir quatre-vingt-neuf postes de « technicien tempête » dans les centres régionaux de la propriété forestière, les CRPF. Le CRPF d'Aquitaine, qui gère un million six cent mille hectares de forêts privées, compte trente postes, y compris les douze « techniciens tempête ». Dans le même temps, l'Office national des forêts gère cent cinquante mille hectares de forêts publiques avec trois cent cinquante postes ! A l'expiration de leur contrat le 30 mai prochain, se posera le problème du maintien de ces techniciens, qui se sont avérés très précieux, notamment en matière de coordination des travaux.

Enfin, je ne saurais terminer mon propos sans évoquer les difficultés économiques que rencontrent aujourd'hui les entrepreneurs de travaux forestiers. Il convient de prendre à leur endroit des mesures appropriées, en particulier celles qui sont proposées dans le cadre du plan d'adaptation de la main-d'oeuvre en Aquitaine et qui, pour l'instant, n'ont reçu un écho favorable qu'à l'échelon régional.

Quant à l'activité de sciage, elle subit, elle aussi, les mêmes contrecoups de la tempête. Cette activité, essentielle pour l'équilibre de l'ensemble de la filière, doit également faire l'objet d'un intérêt particulier et d'un plan de redynamisation à la hauteur des enjeux.

Là encore, le temps presse et les mesures urgentes s'imposent, car nous sommes en présence d'un tissu de petites et moyennes entreprises, souvent familiales, et très vite fragilisées. De plus, elles représentent de nombreux emplois.

Je vous remercie, monsieur le ministre, des précisions et surtout du soutien que vous nous apporterez sur les sujets que je viens d'aborder.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Hervé Gaymard, ministre del'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le sénateur, vous l'avez rappelé, la forêt d'Aquitaine, en particulier la forêt privée, a payé un tribut particulièrement lourd à la tempête du 27 décembre 1999, puisque votre région compte pour 25 % dans le total des surfaces forestières sinistrées en France, ce qui représente 32 millions de mètres cubes de bois à terre, dont 21 millions dans le seul département de la Gironde et 10 millions dans le Médoc.

Vous l'avez rappelé également, l'Etat a pris, au début de l'année 2000, un engagement quant à l'affectation d'une moyenne annuelle de 91,5 millions d'euros, sur une période de dix ans, pour le nettoyage et la reconstitution des forêts sinistrées.

Cet engagement reposait sur une répartition entre l'Etat, pour 60 %, et le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole-garantie, le FEOGA-G, pour 40 %, avec un fort redéploiement aux dépens des investissements dans les zones non sinistrées.

Les enveloppes de crédits correspondantes inscrites dans les lois de finances initiales se sont repectivement élevées, en incluant la part de cofinancement européen à compter de 2001, à 79,2 millions d'euros en 2000, 91,4 millions d'euros en 2001, et 96,9 millions d'euros en 2002. En 2003, l'enveloppe inscrite en loi de finances initiale atteint 115 millions d'euros en incluant la contrepartie communautaire.

En outre, et de façon à supprimer les files d'attente, le Parlement a bien voulu voter un financement complémentaire de 30 millions d'euros au titre du collectif budgétaire de la fin de 2002, ce qui fait, toujours en incluant les crédits européens, une capacité supplémentaire d'engagement de 50 millions d'euros.

Au total, ce sont 165 millions d'euros qui seront ainsi mobilisés au titre de l'année 2003, à comparer aux 96,9 millions d'euros de 2002. Comme vous pouvez le constater, monsieur le sénateur, grâce à cet effort sans précédent, les engagements de l'Etat sont enfin tenus.

Les arbitrages concernant la répartition de ces crédits entre les régions tiennent compte, naturellement, de l'ensemble des besoins exprimés par la direction régionale de l'agriculture et de la forêt d'Aquitaine.

A cet égard, je vous confirme que, pour 2003, le montant prévu des délégations est, pour l'Aquitaine, de 41,7 millions d'euros. Ces crédits sont inscrits dans la loi de finances, ils seront donc débloqués dans les tout prochains jours.

Je rappelle que la moitié des surfaces forestières sinistrées en Aquitaine ont, d'ores et déjà, fait l'objet d'un engagement effectif en matière d'aide au nettoyage. La situation est actuellement satisfaisante dans les Landes, dans le Lot-et-Garonne et en Dordogne.

En ce qui concerne la Gironde, où se trouvent les deux tiers des surfaces sinistrées de la région, la proportion des surfaces nettoyées est actuellement de plus de 30 %, et les efforts en matière de reconstitution sont actuellement renforcés dans ce département, notamment dans le Médoc et le nord de la Gironde.

J'ajoute que, afin de permettre une accélération de l'instruction des dossiers de demandes d'aide, des mesures de simplification des procédures accompagnant un assouplissement des règles contenues dans le décret du 16 décembre 1999 relatif aux aides de l'Etat pour les opérations d'investissement devraient intervenir tout prochainement. J'en prends l'engagement ici devant vous.

M. Jacques Blanc. Très bien ! Parfait !

M. Hervé Gaymard, ministre. Je suis conscient que les crédits mis en place sont effectivement insuffisants pour permettre de satisfaire immédiatement toutes les demandes exprimées. Cette situation tient au fait que les besoins en crédits de reconstitution sont non pas linéaires sur dix ans, mais concentrés sur les premières années, les sylviculteurs ayant à coeur de reconstituer au plus vite les peuplements sinistrés.

Pour pallier cette difficulté, une démarche de concertation a été entreprise avec les professionnels afin de définir conjointement des critères de priorité pour le choix des dossiers à financer. Les dossiers des communes devant connaître une montée en puissance, un arbitrage sera nécessaire entre ces dossiers et ceux des particuliers.

S'agissant du maintien du dispositif des « techniciens tempête » au-delà du terme prévu au 30 juin 2003, le plan national pour la forêt française ne permet pas de financer ces emplois au-delà de trente-six mois d'embauche. La solution pourrait donc consister en une création d'emplois dans les centres régionaux de la propriété forestière. Des discussions interministérielles en cours détermineront si une telle mesure pourra intervenir dès l'année 2003, et je ne manquerai pas, monsieur le sénateur, de vous tenir informé de leur résultat.

Pour le reste des sujets que vous avez évoqués à la fin de votre propos, monsieur le sénateur, je rappelle que nous travaillons, au-delà de la question de la reconstitution des domaines forestiers après les dommages dus à la tempête de décembre 1999, à un plan global pour la forêt et pour la filière bois. Le moment venu, je m'engage à répondre à toutes vos interrogations.

M. le président. La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse. L'instruction de ces 1 300 dossiers actuellement en panne pose de sérieux problèmes, notamment aux forestiers. A cet égard, je salue votre volonté de simplifier les mesures administratives. C'est vrai pour ce dossier ; c'est vrai pour d'autres. Je me réjouis donc de cette mesure, qui va tout à fait dans le bon sens.

S'agissant du maintien du dispositif des « techniciens tempête » au-delà du mois de mai 2003, compte tenu de l'état de la forêt sinistrée, il n'est pas envisageable que les CRPF puissent embaucher ces personnels sans aide de l'Etat, au titre de la solidarité.

RÉGIME DOUANIER CÉRÉALIER

M. le président. La parole est à M. Gérard Roujas, auteur de la question n° 118, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

M. Gérard Roujas. Monsieur le ministre, ma question, déposée en 2002, portait sur les accords conclus par la Commission européenne dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce et plus particulièrement sur l'efficacité du régime douanier céréalier devant entrer en vigueur au 1er janvier 2003.

Pour ce qui concerne le blé tendre, les accords prévoyaient un régime douanier différent selon la qualité du produit. Sans changement pour la haute qualité, les droits étaient prévus, hors contingent, à 95 euros par tonne pour la qualité dite moyenne ou basse.

Comme vous le savez, selon la réglementation européenne, la haute qualité correspond à 13,3 % de protéine minimum. Or certains blés venant de l'Est, tout en dépassant ce taux minimum, sont, en fait, impropres à la meunerie.

Par ailleurs, la Commission européenne avait envisagé la signature d'accords complémentaires avec certains pays non membres de l'Organisation mondiale du commerce, comme la Russie et l'Ukraine.

A la veille d'un élargissement européen qui ne sera pas sans conséquences, notamment sur la politique agricole commune (M. Gérard César approuve), je vous demande donc, monsieur le ministre, de bien vouloir apporter toutes les précisions utiles sur ce dossier et nous dire quelle est la position de la France en la matière.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le sénateur, il est tout à fait vrai que, depuis 2001, les céréales à bas prix en provenance de la mer Noire, notamment de Russie et d'Ukraine, ont envahi le marché européen.

Quand nous sommes arrivés aux responsabilités, en mai dernier, j'ai immédiatement été alerté de cette situation. Rien n'avait été fait pour enrayer cette invasion de blés russes et ukrainiens, alors même que nos agriculteurs avaient réalisé des efforts remarquables pour élever la qualité et satisfaire les attentes des consommateurs et que, par ailleurs, l'Union européenne est autosuffisante en céréales.

Dès ma prise de fonctions, j'ai demandé à la Commission européenne de prendre les mesures nécessaires. A l'époque, notre idée était de mettre en place ce que l'on aurait appelé un système de « cotation Odessa » pour que le calcul des droits de douane soit fait de manière plus sincère que par rapport à la cotation « Amérique du Nord ».

A la fin du mois de juillet 2002, nous avons obtenu du conseil des ministres de l'agriculture que mandat soit donné à la Commission pour engager des concertations sur ce dossier. A notre regret, ce n'est pas la méthode de la « cotation Odessa » qui a été retenue. Nous avons cependant obtenu que ce dossier soit pris en main sur la base d'un système de quotas d'importation. A la suite des négociations menées au cours de l'automne dernier, nous avons approuvé, le 21 décembre - juste avant Noël, pendant le « marathon » du Conseil des ministres de la pêche -, l'accord que la Commission nous proposait. Sachez, monsieur le sénateur, qu'il a été obtenu « à l'arraché » et qu'il eût suffi qu'un seul pays change d'avis pour que la minorité de blocage puisse s'exercer et que tous nos efforts soient réduits à néant.

Cet accord est ciblé sur ce qui a posé problème, c'est-à-dire sur les importations de blé tendre de qualité basse et moyenne, désormais limitées à un contingent de 2,9 millions de tonnes. Cela a permis d'endiguer le flot des importations depuis le début de cette année.

Bien évidemment, nous restons très vigilants sur les conditions de mise en oeuvre de ce dispositif, notamment sur les contrôles, car certains pourraient avoir la tentation de réaliser des importations sur la base du régime applicable au blé tendre de haute qualité, qui est plus favorable. La France a donc alerté la Commission sur ce point, et celle-ci a proposé, la semaine dernière, un renforcement des critères de contrôle qui va dans le sens de nos attentes. Il faut que les services de contrôle dans la Communauté soient particulièrement rigoureux en ce domaine. Nous veillerons à ce que la Commission ne baisse pas la garde.

Sur la seconde partie de votre question, la Commission conduit actuellement ce qu'elle appelle des consultations techniques avec l'Ukraine et avec la Russie, qui ne sont pas membres de l'OMC. En tout état de cause, il n'est pas question d'augmenter le volume du contingent fixé pour le blé tendre de basse et de moyenne qualité. Ces pays demandent actuellement à bénéficier d'une part du contingent global, au même titre que d'autres partenaires commerciaux, comme les Etats-Unis et le Canada, qui disposent déjà d'un sous-plafond. Les discussions se poursuivent.

Vous pouvez compter sur notre vigilance, monsieur le sénateur, par rapport au pilotage de ce dossier. Nous savons bien que ce qui s'est passé en 2001 et en 2002 est complètement aberrant, loufoque, même. Alors qu'elle est autosuffisante en matière céréalière, l'Union européenne a en effet importé environ 11 millions de tonnes de céréales, notamment en provenance de Russie et d'Ukraine et, dans le même temps, elle a elle-même exporté des céréales à destination de certains pays dont les récoltes avaient souffert des effets d'El Niño. Nous avons donc pu constater, à cette occasion, que la préférence communautaire n'était plus respectée : nous nous battrons pour qu'elle le soit de nouveau.

M. le président. La parole est à M. Gérard Roujas.

M. Gérard Roujas. Je vous remercie de ces précisions, monsieur le ministre.

Je souhaite néanmoins réaffirmer la nécessité que les aides soient modulées en fonction de la superficie des exploitations, car il est bien évident que, entre les contraintes liées à l'Organisation mondiale du commerce et les contraintes financières supplémentaires liées à l'élargissement, l'Union européenne devra faire un choix.

Il ne serait en effet pas logique que les exploitations agricoles soient toutes logées à la même enseigne et subissent toutes, de la même manière, les restrictions qui ne manqueront pas d'advenir.

STATUT DE L'ÉLU LOCAL

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Luypaert, auteur de la question n° 136, adressée à M. le ministre délégué aux libertés locales.

Mme Brigitte Luypaert. Monsieur le ministre, la gestion des collectivités territoriales a considérablement évolué au cours des vingt dernières années, et les élus doivent faire face à une législation de plus en plus complexe. Ils ont aussi pour interlocuteurs des administrés de plus en plus exigeants.

Cela nécessite de leur part des connaissances accrues dans tous les domaines de compétences, une disponibilité de plus en plus importante, souvent peu compatible, en vérité, avec une vie professionnelle prenante, voire avec leur vie privée.

Cette situation n'a pas échappé au législateur qui, par deux fois, s'est préoccupé du sort des élus locaux, en 1992. Tout d'abord, par le vote de la loi relative aux conditions d'exercice des mandats locaux, qui a prévu une première revalorisation des indemnités des maires et des adjoints, une possibilité de formation ainsi que des crédits d'heures leur permettant, théoriquement, d'exercer dans de meilleures conditions leur mandat. Ensuite, par la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, qui a notamment prévu une nouvelle revalorisation des indemnités des élus.

Nous qui sommes des élus de terrain, nous sentons bien que, malgré toutes ces dispositions législatives, les maires, les adjoints, les présidents de communautés de communes éprouvent toujours autant de difficultés à concilier l'exercice de leurs mandats et leur vie professionnelle.

Tout d'abord, un constat s'impose, pour brutal qu'il soit : pour exercer un mandat local, mieux vaut être retraité ou, à la rigueur, salarié du secteur public que relever d'une profession indépendante ou être salarié du secteur privé.

Prenons pour seul exemple les crédits d'heures. Pour en bénéficier, un salarié du secteur public n'aura sans doute pas trop de difficultés à faire valoir ses droits auprès de sa hiérarchie ; il n'en va évidemment pas de même pour un salarié du secteur privé, notamment dans les petites entreprises, ni pour celui qui exerce une profession indépendante, secteur où le système est quasi inopérant. Il faut mettre fin à ce type d'injustice.

En ce qui concerne la formation des élus, il va de soi qu'elle est désormais plus qu'indispensable. La loi relative à la démocratie de proximité a prévu un triplement du nombre de journées de formation. Je me demande s'il ne conviendrait pas d'aller plus loin, notamment pour les nouveaux élus qui, pour certains, découvrent souvent au lendemain de leur élection la complexité de la gestion communale ou intercommunale.

S'agissant de l'aide au reclassement professionnel, elle concerne essentiellement les maires de villes importantes ayant fait le choix d'exercer à temps plein leur mandat. Leur verser une indemnité durant les six mois qui suivent la fin de leur mandat est bien, mais les aider à trouver un nouvel emploi serait encore mieux : pourquoi ne pas prévoir que l'ANPE leur accorde une priorité de reclassement ? (M. le ministre délégué s'étonne.)

Concernant le régime indemnitaire, les revalorisations intervenues méritent assurément d'être saluées, mais un problème n'a pas été réglé pour autant, à savoir la très grande pauvreté de nombreuses petites communes rurales dont les budgets ne peuvent pas supporter le paiement de ces indemnités revalorisées, indemnités auxquelles renoncent souvent, d'ailleurs, leurs élus. Il faut donc impérativement revaloriser l'indemnité « élu local » qui est justement versée, au titre de la DGF, aux communes de moins de 2 000 habitants pour, théoriquement, compenser l'augmentation des indemnités mais qui ne tient, malheureusement, nullement compte des dernières évolutions intervenues dans ce domaine.

Quant à la retraite des élus, force est de reconnaître que le régime IRCANTEC auquel ils sont affiliés ne verse que de maigres retraites, aussi faibles que l'étaient précédemment les retraites agricoles.

Certes, depuis quelques années, des systèmes de retraite, complémentaires par capitalisation ont été mis en place mais, outre le fait que l'un d'eux a déposé son bilan, ces régimes coûtent relativement cher à l'élu et à la collectivité et ne règlent pas le problème des élus plus anciens qui ont ou qui vont cesser d'exercer leur mandat.

M. Gérard César. C'est vrai !

Mme Brigitte Luypaert. Monsieur le ministre, il est tout de même navrant que, après avoir exercé quelquefois pendant dix-huit ans un mandat de maire dans une petite commune, avec tout ce que cela a comporté comme contraintes, un ancien élu ne perçoive que quelques dizaines d'euros de retraite par mois !

Ce problème ne sera, selon moi, réglé que par la mise en place d'une caisse de retraite des élus locaux financée par toutes les collectivités au prorata de leur potentiel fiscal et dotée, en tant que de besoin, d'une subvention d'équilibre de l'Etat, comme cela vient d'être fait pour la retraite complémentaire des exploitants agricoles. Cela permettrait, par exemple, de prévoir un minimum décent de retraite pour chaque élu qui devrait atteindre, dans le cas que je viens de citer, la somme de 300 euros : demander 300 euros de retraite pour dix-huit années de mandat ne me paraît nullement excessif !

J'ose espérer que le Gouvernement sera attentif aux préoccupations que je viens d'évoquer et mettra tout en oeuvre afin de faciliter l'exercice du mandat des miliers de nos collègues maires, adjoints, présidents de communautés de communes qui se dépensent sans compter au service de leurs concitoyens.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Madame la sénatrice, je formulerai deux observations préalables.

Tout d'abord, il convient de rappeler - même si la réponse n'est guère satisfaisante - le principe selon lequel être élu, c'est d'abord servir, sur la base du volontariat. Par conséquent, il ne saurait être question de professionnalisme ou de revendications catégorielles. C'est le civisme qui nous conduit à exercer des mandats publics, à vouloir améliorer la situation de nos concitoyens et il doit rester le moteur principal. Je déplorerais que cela fût oublié face à des revendications catégorielles.

Par ailleurs, du fait de l'éparpillement des collectivités, le nombre d'élus locaux s'élève à 500 000. C'est une caractéristique française au sein de l'Europe. C'est pourquoi il est plus difficile pour la France que pour d'autres pays européens d'indemniser les élus et de leur donner des droits supplémentaires, le coût de telles mesures étant notablement plus important.

Aussi, dès la loi du 27 février 2002, nous sommes-nous orientés vers l'intercommunalité, qui peut constituer une solution pour indemniser davantage les élus et pour améliorer leur retraite et leur formation. En France, il convient de le rappeler, un nombre considérable de petites communes ont moins de cent habitants. S'il faut indemniser tout le monde, le budget sera fortement amputé !

Madame la sénatrice, vous l'avez indiqué, la récente loi du 27 février 2002 a mis en place un corps de règles applicables aux élus locaux. Par conséquent, avant de franchir une étape supplémentaire, sans doute faut-il expérimenter davantage cette loi et attendre que tous les décrets d'application aient été publiés, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Cette loi a d'ailleurs donné lieu à une importante contribution du Sénat et, si vous la trouvez insuffisante, peut-être faut-il d'abord envisager la question au sein de la Haute Assemblée.

J'observe, et ce n'est pas rien, que le droit à congé de formation a été triplé, passant de six à dix-huit jours. Avant de faire mieux, commençons déjà par expérimenter cette nouvelle durée. Je remarque, moi, que les congés de formation sont peu utilisés. Dès lors, à quoi cela servirait-il de renforcer ce droit s'il est sous-employé ?

Vous le savez, l'assemblée délibérante de la collectivité était invitée, dans les trois mois suivant son renouvellement, à se prononcer sur l'exercice du droit à formation. Or l'on constate que, souvent, elle ne l'a pas fait. Certes, cette loi étant récente, la pratique n'est sans doute pas encore entrée dans les moeurs. On peut le comprendre, et c'est pourquoi il faut justement attendre avant de vouloir éventuellement l'améliorer encore.

S'agissant de la retraite, des progrès sensibles ont été enregistrés. Vous les jugez insuffisants, mais, un an après l'entrée en vigueur de la loi, il faut, je crois, s'en satisfaire. J'ajoute que l'avenir du régime de retraite des élus est lié à la réflexion sur l'avenir de l'ensemble des retraites et ne peut pas être traité isolément.

Vous avez aussi souligné la différence qui peut exister entre un élu salarié d'une petite entreprise et un élu fonctionnaire. J'ajoute même que, selon que l'élu fait partie d'une grande entreprise ou d'une micro-entreprise, les libertés ne peuvent pas être les mêmes. Vous trouvez cela injuste, mais la survie économique d'une micro-entreprise requiert une disponibilité beaucoup plus grande. La taille de l'entreprise a une incidence importante.

Le mieux est souvent l'ennemi du bien : si vous contraignez davantage les responsables de PME dans le domaine des congés ou de la disponibilité, ils n'emploieront tout simplement plus d'élus. Le cumul d'activités sera impossible parce qu'il mettra la cellule économique en péril.

Je veux vous indiquer que deux décrets d'application seront prochainement soumis à la concertation. Ils détermineront les modalités de perception de l'allocation, le taux de cotisation des collectivités contributrices au fonds de financement ainsi que l'assiette de celui-ci, s'agissant des indemnités de reclassement professionnel.

Par ailleurs, les maires de communes de plus de 1 000 habitants, les adjoints de communes de plus de 20 000 habitants, les présidents et vice-présidents de conseils généraux, régionaux et d'établissements publics de coopération intercommunale qui ont abandonné leur activité professionnelle pour l'exercice de leur mandat peuvent déjà bénéficier d'une formation professionnelle et d'un bilan de compétences, de même que d'un congé de formation. Le droit à autorisation d'absence et à crédit d'heures a, en outre, été largement étendu.

Avant de faire un pas supplémentaire, expérimentons les grandes avancées dont le principe a été adopté voilà encore si peu de temps.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Luypaert.

Mme Brigitte Luypaert. Monsieur le ministre, être élu, c'est se mettre au service des habitants d'une collectivité. Toutefois, les communes rurales n'ont rien à voir avec les villes plus importantes...

M. Gérard César. C'est vrai !

Mme Brigitte Luypaert. ... et, souvent, le maire ne dispose d'aucun collaborateur. Le temps donné par l'élu coûte très peu cher à la collectivité. Les budgets sont faibles.

Les maires, il est vrai, utilisent peu leur droit à la formation ; peut-être ont-ils du mal à se rendre disponibles. De ce fait, de nombreuses catégories professionnelles ne sont pas représentées parmi les élus. Qu'elles puissent l'être apporterait certainement une richesse à la conduite de nos collectivités.

AIDE AUX COMMUNES SINISTRÉES

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, auteur de la question n° 151, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 9 mai 2002, un orage dévastateur s'est abattu sur les communes de Saulvaux, Méligny-le-Grand et Méligny-le-Petit.

Accompagné de pluies diluviennes et de grêle, cet orage a entraîné des coulées de boue et des inondations touchant une quarantaine d'habitations. De nombreuses récoltes ont été endommagées et un atelier artisanal a subi d'énormes dégâts. Par ailleurs, les voiries communales ont été sérieusement touchées.

Le coût de la remise en état des voiries prioritaires s'est élevé à près de 150 000 euros pour trois communes de moins de cent habitants. Les dégâts subis par les particuliers sont, bien entendu, plus difficiles à estimer. A titre d'exemple, pour l'atelier artisanal, très sérieusement touché, ils ont été chiffrés à près de 30 000 euros.

Le même scénario s'est, hélas !, reproduit au mois de juin suivant dans les communes de Champneuville et Consenvoye. Un violent orage accompagné de pluies torrentielles a endommagé de nombreux biens communaux et privés, laissant ce village dans un véritable état de désolation.

Dans les deux cas, les maires concernés, auxquels je tiens à rendre un hommage tout particulier, ont fait procéder à l'évaluation des dégâts et, appuyés par leurs conseillers généraux, adressé en temps et en heure à M. le préfet de la Meuse un dossier très complet à l'appui de leur légitime demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour ces cinq communes.

Le 5 décembre 2002, M. le préfet les a informés que la commission interministérielle, qui s'était réunie le 20 novembre précédent, avait rendu un avis défavorable à leur demande, ce qui les a stupéfiés et révoltés.

La commission s'est en effet appuyée sur des rapports de Météo-France estimant que « les précipitations enregistrées dans ces communes n'étaient pas d'une intensité anormale et exceptionnelle au regard de la durée de retour infradécennale ».

Il s'agit d'une vision technocratique des choses, la situation sur le terrain étant évidemment bien différente. Des coulées de boue de plus d'un mètre cinquante dans certaines habitations, plus de quarante hectares de récoltes anéantis, l'essentiel des voiries communales endommagées, tout cela ne peut être le fait d'un événement climatique normal.

Monsieur le ministre, comme vous le savez, il arrive à Météo-France de se tromper, les événements qui se sont produits sur l'autoroute A 10, à la fin du mois de décembre dernier, sont là pour le prouver.

Par ailleurs, cette commission n'a rendu qu'un avis : vous n'êtes peut-être pas tenu de le suivre, surtout lorsqu'il ne reflète pas la réalité, ce qui est manifestement le cas en l'espèce. A cet égard, je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir bien voulu m'indiquer, récemment, que soixante millimètres de pluie avaient été relevés sur la commune de Champneuville et non vingt millimètres, comme l'ont indiqué les services de Météo-France, ce qui change, bien sûr, les données du problème !

Sans arrêté de catastrophe naturelle, le coût des dégâts devra être supporté par les communes directement concernées, communes dont les budgets ont déjà été très sérieusement obérés par la tempête de décembre 1999, comme l'indiquait M. César tout à l'heure, et par les familles dont les habitations, les récoltes ou les ateliers ont été touchés, soit plusieurs centaines de milliers d'euros ; ce n'est pas tolérable.

Même si ces difficultés sont sans commune mesure avec d'autres catastrophes plus étendues et ayant entraîné des drames humains, les dégâts causés ponctuellement me semblent mériter une reconnaissance nationale des réalités ainsi que des actions de solidarité financière.

Telles sont les raisons pour lesquelles je vous conjure de prononcer l'état de catastrophe naturelle dans les communes de Sauvaux, Méligny-le-Grand, Méligny-le-Petit, Consenvoye et Champneuville, au regard des considérables dégâts subis par les domaines privés et publics.

Si tel n'était pas le cas, ce que je regretterais profondément, pourriez-vous, monsieur le ministre, me préciser quelles aides financières exceptionnelles l'Etat pourrait envisager d'accorder à ces communes afin de leur permettre de faire face aux importantes dépenses qu'elles auront à supporter du fait des dégâts subis ? J'ajoute que, dans ce cas de figure, la détresse des particuliers, des agriculteurs et des artisans demeurera entière, car ils devront supporter seuls les conséquences financières de ces dégâts, ce qui est, vous le reconnaîtrez sans doute, à la fois pénible et profondément injuste.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Monsieur le sénateur, vous avez exprimé le souhait de voir reconsidérer l'avis défavorable émis par la commission interministérielle chargée de constater l'état de catastrophe naturelle pour les communes de Saulvaux, Méligny-le-Grand, Méligny-le-Petit, s'agissant des intempéries du 9 mai 2002, et de Champneuville, s'agissant des précipitations du 4 juin 2002.

A défaut, vous demandez quelles aides financières l'Etat pourrait envisager de leur accorder.

Il est important de souligner que, conformément à la loi du 13 juillet 1982 qui instaure le régime d'indemnisation des victimes de catastrophe naturelle, seule l'intensité anormale d'un agent naturel et non l'importance des dégâts occasionnés par des intempéries est prise en considération pour reconnaître l'état de catastrophe naturelle.

La commission interministérielle chargée d'émettre un avis, se fondant sur les rapports techniques très précis émanant des services météorologiques et de la police de l'eau, n'a pas considéré que cette intensité anormale avait été démontrée.

La réputation de Météo-France n'est peut-être pas toujours excellente. Mais si la prévision est aléatoire - « surtout quand il s'agit de l'avenir », comme le disait Disraeli -, les constats ont, quant à eux, un caractère rigoureusement scientifique. La commission a donc donné un avis défavorable, faute de démonstration.

Cependant, pour prendre en considération des informations techniques complémentaires sur ce dossier, en particulier un cumul de précipitations relevé sur la commune de Champneuville supérieur au chiffre initialement retenu, les services de Météo-France ont, à la demande du préfet de la Meuse, procédé à un examen des mesures de précipitations relevées par des pluviomètres privés de deux communes sinistrées.

Sans mettre en doute la bonne foi des observateurs des communes en cause, Météo-France n'est pas en mesure de valider ces relevés qui ne sont, en outre, confirmés ni par le réseau d'observations terrestres de l'établissement public ni par les images de cumul de précipitations radar.

Le réexamen de ce dossier, au vu de ces éléments, ne ferait sans doute que confirmer l'avis défavorable déjà rendu.

S'agissant des aides financières éventuellement mobilisables pour ces communes, il convient tout d'abord de rappeler que les collectivités mentionnées sont toutes éligibles à la dotation globale d'équipement des communes. A ce titre, elle peuvent prétendre à l'attribution de subventions dans le cadre de cette dotation déconcentrée. Les subventions sont arrêtées par le préfet en fonction des dossiers présentés par les communes, et sous réserve des catégories d'opérations prioritaires et des fourchettes de taux de subvention retenues par la commission locale d'élus compétents en matière de DGE.

S'il apparaissait, par ailleurs, que l'ampleur des dégâts causés par les intempéries mentionnées et le nombre de communes concernées s'avéraient particulièrement importants, une aide pourrait être envisagée dans le cadre du chapitre 67-54 du ministère de l'intérieur, intitulé : « subventions d'équipement aux collectivités locales pour la réparation des dégâts causés par des calamités publiques ». Je réponds ainsi à votre question subsidiaire. Il convient toutefois de préciser que ces aides sont réservées aux catastrophes de très grande ampleur présentant un caractère relativement exceptionnel et touchant un grand nombre de communes. A ce stade, les éléments en possession des services du ministère de l'intérieur ne font pas apparaître que les dégâts mentionnés se situent dans le cadre ainsi défini.

Je suis désolé de ne pouvoir vous faire une meilleure réponse, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le ministre, je vous remercie de la franchise de vos propos.

La difficulté est réelle, il est vrai, des deux côtés : les erreurs reconnues de Météo-France permettraient peut-être de revenir en arrière, même dans un constat ; toutefois, elles ne suffiraient sans doute pas à justifier un réexamen !

Néanmoins, on nous a déjà renvoyés deux ou trois fois à la DGE, notamment tout récemment, dans la même commune de Champneuville, pour un pont détruit par fait de guerre en 1940 et non reconstruit depuis.

Alors, banco, monsieur le ministre ! Mais, dans ce cas, revoyons la dotation globale d'équipement du département, autrement, nous ne nous en sortirons pas ! (Rires sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à midi, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.)