COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

DROIT D'ASILE

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi (n° 340, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile. [Rapport n° 20 (2003-2004) et avis n° 29, (2003-2004).]

Nous en sommes parvenus à la discussion des articles.

Question préalable (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi modifiant la loi n°52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile
Art. 1er (interruption de la discussion)

Article 1er

L'article 2 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile est ainsi rédigé :

« Art. 2. - I. - L'office exerce la protection juridique et administrative des réfugiés et apatrides ainsi que celle des bénéficiaires de la protection subsidiaire. Il assure, en liaison avec les départements ministériels intéressés, l'application des garanties fondamentales offertes par le droit national, l'exécution des conventions, accords ou arrangements internationaux intéressant la protection des réfugiés en France, et notamment la protection prévue par la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés. Il coopère avec le haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés et facilite sa mission de surveillance dans les conditions prévues par les accords internationaux.

« II. - L'office statue sur les demandes d'asile dont il est saisi. Au terme d'une instruction unique au cours de laquelle le demandeur d'asile aura été mis en mesure de présenter les éléments à l'appui de sa demande :

« 1° Il reconnaît la qualité de réfugié à toute personne persécutée en raison de son action en faveur de la liberté ainsi qu'à toute personne sur laquelle le haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés exerce son mandat aux termes des articles 6 et 7 de son statut tel qu'adopté par l'Assemblée générale des Nations unies le 14 décembre 1950 ou qui répond aux définitions de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés. Ces personnes sont régies par les dispositions applicables aux réfugiés en vertu de la convention de Genève susmentionnée ;

« 2° Sous réserve des dispositions du IV, il accorde le bénéfice de la protection subsidiaire à toute personne qui ne remplit pas les conditions d'octroi du statut de réfugié énoncées à l'alinéa précédent et qui établit qu'elle est exposée dans son pays à l'une des menaces graves suivantes :

« a) La peine de mort ;

« b) La torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;

« c) S'agissant d'un civil, une menace grave, directe et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence généralisée résultant d'une situation de conflit armé interne ou international.

« Le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé pour une période d'un an renouvelable.

« III. - Les persécutions prises en compte dans l'octroi de la qualité de réfugié et les menaces graves pouvant donner lieu au bénéfice de la protection subsidiaire peuvent être le fait des autorités de l'Etat, de partis ou d'organisations qui contrôlent l'Etat ou une partie substantielle du territoire de l'Etat, ou d'acteurs non étatiques dans les cas où les autorités définies à l'alinéa suivant refusent ou ne sont pas en mesure d'offrir une protection.

« Les autorités susceptibles d'offrir une protection peuvent être les autorités de l'Etat, des partis ou des organisations, y compris des organisations internationales, contrôlant l'Etat ou une partie substantielle du territoire de l'Etat.

« L'office peut rejeter la demande d'asile d'une personne qui aurait accès à une protection sur une partie du territoire de son pays d'origine si cette personne n'a aucune raison de craindre d'y être persécutée ou d'y être exposée à une atteinte grave et s'il est raisonnable d'estimer qu'elle peut rester dans cette partie du pays. L'office tient compte des conditions générales prévalant dans cette partie du territoire et de la situation personnelle du demandeur au moment où il statue sur la demande d'asile.

« IV. - La protection subsidiaire n'est pas accordée à une personne s'il existe des raisons sérieuses de penser :

« a) Qu'elle a commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité ;

« b) Qu'elle a commis un crime grave de droit commun ;

« c) Qu'elle s'est rendue coupable d'agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies ;

« d) Que sa présence sur le territoire constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat.

« L'office, procédant à son initiative ou à la demande du représentant de l'Etat à un réexamen, peut retirer à tout moment le bénéfice de la protection subsidiaire pour les motifs énumérés aux a, b, c et d du présent IV.

« Il peut refuser à chaque échéance de renouveler le bénéfice de la protection subsidiaire lorsque les circonstances ayant justifié son octroi ont cessé d'exister ou ont connu un changement suffisamment profond pour que celle-ci ne soit plus requise. »

M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, sur l'article.

M. Louis Mermaz. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mes observations sur l'article 1er recouperont celles que mes collègues et moi-même avons déjà formulées lors de nos précédentes interventions.

Lors de l'examen des amendements portant sur le paragraphe I du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952, nous aurons l'occasion d'insister de nouveau sur la vigilance avec laquelle nous entendons suivre les effets de la substitution de la protection subsidiaire à l'asile territorial, quasiment inopérant, nous a-t-on dit, puisque moins de 0,5 % des demandes d'admission à ce titre ont été retenues en 2002 par le ministère de l'intérieur.

Nous veillerons à ce que la protection subsidiaire, qui, contrairement à l'asile territorial, sera accordée par décision de l'OFPRA, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, et de la CRR, la commission des recours des réfugiés, ne devienne pas un « sous-droit » d'asile.

Nous devons aussi exercer une vigilance particulière en ce qui concerne le rôle du HCR, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, dont ni la présence ni l'action ne doivent être minorées. Or la loi de 1952 prévoyait que l'OFPRA était « soumis à la surveillance » du HCR, ce qui correspondait à l'esprit dans lequel la France concevait la coopération internationale. Désormais, en stricte application de la convention de Genève, il sera seulement demandé à l'OFPRA de « faciliter » la mission de surveillance du HCR. C'est une minoration du point de vue sémantique, et, en l'espèce, la sémantique a toujours beaucoup d'importance. Comme le dit souvent Robert Badinter, le diable se cache dans les détails !

En ce qui concerne le paragraphe II, l'instruction unique devant l'OFPRA semble, a priori, être une amélioration. Reste à savoir ce que l'on en fera.

On rappelle que la France sera, bien sûr, fidèle aux traités internationaux relatifs à la protection des réfugiés, qu'elle a signés. Toutefois, le 2° du paragraphe II précise que le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé « à toute personne qui ne remplit pas les conditions d'octroi du statut de réfugié » - veillons à ce que ce statut soit bien respecté ! - « énoncé à l'alinéa précédent et qui établit qu'elle est exposée dans son pays à l'une des menaces graves » qui sont ensuite énumérées : la peine de mort, bien entendu, mais aussi, au c), « s'agissant d'un civil, une menace grave, directe et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence généralisée résultant d'une situation de conflit armé interne ou international ».

En apparence, le bon sens conduit à penser que, s'il s'agit d'un militaire engagé, il est là pour se battre et se défendre lui-même. Mais on sait bien que dans le monde entier il y a des zones - je pense, entre autres pays, à l'Afghanistan ou à l'Irak - où des forces d'oppression étatiques ou des bandes - je pense au GIA, le groupe islamique armé pour l'Algérie - obligent les civils à s'enrôler et les transforment en militaires. A mon sens, dès lors que ces « militaires » deviennent des déserteurs parce qu'il ne sont pas d'accord avec ce qu'on veut leur faire faire, ils retrouvent la qualité de civil.

Le 2° du II précise enfin que « le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé pour une période renouvelable ». Cela signifie qu'il n'y a pas d'automaticité, soit un fort risque de précarité, et nous reviendrons donc sur cette formule dont la portée mérite d'être mieux appréciée.

Quant au III, il précise que « les persécutions prises en compte dans l'octroi de la qualité de réfugié et les menaces graves pouvant donner lieu au bénéfice de la protection subsidiaire peuvent être le fait des autorités de l'Etat, de partis ou d'organisations qui contrôlent l'Etat » - jusque-là, rien à redire - « ou une partie substantielle du territoire de l'Etat, ou d'acteurs non étatiques dans les cas où les autorités définies à l'alinéa suivant refusent ou ne sont pas en mesure d'offrir une protection ».

Là encore, on peut estimer a priori que c'est une amélioration : en effet, persécutions et exactions peuvent être imputables non pas forcément à un Etat mais à des pouvoirs de fait qui échappent à l'autorité de l'Etat. Parfait, donc ! Mais, même si la commission des lois propose un amendement qui revient sur la notion de « parti », très vague, voire dangereuse, on peut s'inquiéter lorsqu'on lit ensuite que « les autorités susceptibles d'offrir une protection peuvent être les autorités de l'Etat, des partis ou des organisations, y compris des organisations internationales, contrôlant l'Etat ou une partie substantielle du territoire de l'Etat ».

Je ne m'attarderai pas sur ce point, puisque, pendant la discussion générale, nous en avons les uns et les autres beaucoup parlé, mais que signifie la sécurité sur une partie d'un territoire, et comment le demandeur d'asile renvoyé accédera-t-il à cette partie dite « sûre » de son pays d'origine ?

Comment l'opposant ayant fui une zone qui, bien qu'échappant à l'autorité de l'Etat, n'en est pas moins « sûre » - et qu'il doit donc regagner - expliquera-t-il dans telle ou telle capitale qu'il traverse les raisons de son déplacement ?

La même conception se retrouve dans le paragraphe suivant : « L'office peut rejeter la demande d'asile d'une personne qui aurait accès à une protection sur une partie du territoire de son pays d'origine... »

Le paragraphe IV soulève lui aussi de nombreuses questions : « La protection subsidiaire n'est pas accordée à une personne s'il existe des raisons sérieuses de penser qu'elle a commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité. » Certes, il n'est pas question d'accueillir en tant que réfugiés de tels individus... sauf que dans les Etats dictatoriaux la notion de crime n'a pas le même sens qu'en Occident. Le fait de s'opposer à un pouvoir totalitaire est en lui-même considéré comme un crime. La qualification de « crime » est donc dangereuse même si elle semble, à première vue, tout à fait naturelle dans un pays civilisé où un crime est un crime. En revanche, dans les dictatures où ne sont pas respectés les droits de l'homme on qualifie facilement un acte de crime contre l'Etat, voire contre le genre humain !

Est citée ensuite une raison de refuser l'asile qui figure dans la plupart des textes et dont la plupart des gouvernements - c'est compréhensible - se prévalent : que la présence du demandeur « sur le territoire constitue une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat ».

Là encore, il peut sembler a priori naturel de ne pas accueillir au sein de la nation française de tels personnages, mais notre législation, comme celle des autres pays démocratiques, offre au Gouvernement suffisamment de moyens de neutraliser ces dangereux personnages pour qu'il ne soit pas nécessaire de transformer l'OFPRA et la CCR en office de police.

Le rôle de L'OFPRA est d'assurer la protection des réfugiés, non pas de rendre, en quelque sorte, la justice : ce n'est pas d'elle, mais de la police et de la magistrature que relèvent les mesures de contrôle, et il y a là un certain mélange des genres !

Enfin, l'office « peut refuser à chaque échéance de renouveler le bénéfice de la protection subsidiaire lorsque les circonstances ayant justifié son octroi ont cessé d'exister ».

Là encore, la formule doit être précisée : quand l'OFPRA sera-t-il en mesure de décider qu'un pays a retrouvé la sécurité et que les droits de l'homme y sont de nouveau respectés ?

Ces dispositions soulèvent de graves problèmes, et, je le redis encore, seraient-elles cent fois meilleures qu'il faudrait encore se poser la question majeure de savoir comment elles vont être appliquées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Je suis saisi de vingt-six amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune. Toutefois, pour la clarté du débat, je les appellerai successivement.

L'amendement n° 19, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Monsieur le secrétaire d'Etat, nous ne pouvons nous satisfaire des réponses qui nous ont été apportées lors de la discussion générale.

L'article 1er concentre tous les défauts puisqu'il introduit dans notre droit des notions qui auront pour conséquence de restreindre considérablement l'accès au droit d'asile et de multiplier les refus de demande d'asile malgré la réalité des menaces pesant sur les intéressés.

A la lecture de ce projet de loi, on constate que l'esprit qui a prévalu à la réforme est celui de la gestion des flux migratoires et de la maîtrise sécuritaire de l'immigration, et non celui de la protection à accorder à toute personne en danger.

L'exposé des motifs se réfère, certes, aux projets de directives relatifs aux normes minimales pour l'octroi et le retrait du statut de réfugié, d'une part, et, d'autre part, aux conditions nécessaires pour prétendre au statut de réfugié ainsi qu'au contenu de ce statut. Toutefois, s'agissant en l'occurrence de garanties minimales, vous auriez pu aller au-delà, comme je l'indiquais dans la discussion générale, et montrer ainsi la générosité de la France envers le Sud.

Au lieu de cela, vous substituez une protection subsidiaire au rabais, dont le champ d'application est très limité, à l'asile territorial, qui n'était pourtant déjà pas un modèle de générosité !

Vous avez donc fait le choix, critiquable, de vous aligner sur les normes minimales projetées à l'échelle européenne. En effet, les notions d'asile interne, d'acteur de protection interne, de pays d'origine sûr limitent de manière drastique les possibilités d'éligibilité à la protection subsidiaire.

A ces notions générales et imprécises, qui vont profondément bouleverser le droit d'asile - auquel la France est pourtant historiquement et traditionnellement attachée -, il convient d'ajouter les modifications qui concernent l'OFPRA, dans lequel le ministère de l'intérieur fait son entrée sinon par la grande du moins par la petite porte.

L'ensemble du dispositif que vous nous proposez est bien « rodé » : de la composition des organes de détermination aux procédures d'admission au séjour et de reconnaissance de la protection de la personne en passant par la définition du réfugié et de l'asile, rien n'est laissé au hasard.

Pour toutes ces raisons, nous vous proposons la suppression de l'article 1er.

M. le président. L'amendement n° 39, présenté par MM. Mermaz, Dreyfus-Schmidt, Sueur, Rouvière, Madrelle et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« A la fin de la deuxième phrase du I du texte proposé par cet article pour l'article 2 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile, remplacer les mots : " relative au statut des réfugiés " par les mots : " et par le protocole de New York du 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés ". »

La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz. Cet amendement de précision répond à l'une des nombreuses observations faites tant au Gouvernement qu'aux parlementaires par le Haut-Commissariat aux réfugiés concernant le présent projet de loi.

Le champ d'application de la convention de Genève se limitait aux événements survenus avant le 1er janvier 1951 et laissait aux Etats la faculté d'ajouter une limite géographique restreignant le champ des persécutions à la seule Europe. Ces deux restrictions ont été levées par le protocole de New York du 31 janvier 1967, qui a permis d'adapter la convention aux situations actuelles et à l'ensemble de la planète.

Se référer dans le texte même de la loi relative au droit d'asile à ces deux instruments internationaux, le second étant l'accessoire inséparable du premier, paraît aller de soi, dans un souci de rigueur et parce que ces deux textes constituent ensemble un des principaux fondements sur lesquels se sont construits le droit d'asile en général et le nôtre en particulier. La commission des affaires étrangères fait d'ailleurs la même proposition dans son amendement n° 15.

M. le président. L'amendement n° 15, présenté par M. Dubrule, au nom de la commission des affaires étrangères, est ainsi libellé :

« Compléter la deuxième phrase du I du texte proposé par cet article pour l'article 2 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile par les mots : "et son protocole du 31 janvier 1967". »

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Robert Del Picchia, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, en remplacement de M. Paul Dubrule, rapporteur pour avis. Notre commission souhaite que figure dans la loi la référence au protocole additionnel à la convention de Genève signé à New York et daté du 31 janvier 1967.

En effet, comme cela a été souligné lors de la discussion générale, en raison des circonstances historiques qui prévalaient en 1951, à l'époque de son adoption, le champ d'application de la convention de Genève comportait une limitation temporelle et, selon l'option retenue par les Etats contractants, une restriction géographique à l'Europe, le statut de réfugié ne pouvant être reconnu qu'à la suite de persécutions résultant d' « événements survenus avant le 1er janvier 1951 ». Ce n'est que par le biais du protocole additionnel de 1967 que les limites temporelles et géographiques fixées par la convention de Genève ont été levées, ce qui confère à cette dernière la portée universelle que nous lui connaissons aujourd'hui.

Notre collègue Louis Mermaz, membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, a déposé un amendement identique au nôtre, à ceci près qu'il fait référence au « protocole de New York » et non au protocole du 31 janvier 1967. Etant d'accord avec lui sur le fond, je retire bien volontiers l'amendement n° 15 et apporte mon soutien à l'amendement n° 39 du groupe socialiste, qui pourra ainsi, je l'espère, être adopté à l'unanimité.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ça commence bien !

M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères. Pourvu que ça dure !...

M. le président. L'amendement n° 15 est retiré.

L'amendement n° 40, présenté par MM. Mermaz, Dreyfus-Schmidt, Sueur, Rouvière, Madrelle et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Dans la dernière phrase du I du texte proposé par cet article pour l'article 2 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile, remplacer les mots : "facilite sa mission de" par les mots : "est soumis à sa". »

La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz. Cet amendement tend à revenir au texte de la loi du 25 juillet 1952, qui dispose que l'Office de protection des réfugiés et apatrides coopère avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et est soumis à sa surveillance. Je ne vois pas ce qu'une telle disposition pourrait avoir de déshonorant, puisque la France y avait souscrit en 1952. Il s'agit d'assurer une parfaite transparence.

M. le président. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

« I. - Remplacer la seconde phrase du premier alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article 2 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile par les dispositions suivantes :

« L'office convoque le demandeur à une audition. L'office peut s'en dispenser s'il apparaît que :

« a) L'office s'apprête à prendre une décision positive à partir des éléments en sa possession ;

« b) Le demandeur d'asile a la nationalité d'un pays pour lequel ont été mises en oeuvre les stipulations du 5 du C de l'article 1er de la convention de Genève susmentionnée ;

« c) Les éléments fournis à l'appui de la demande sont manifestement infondés ;

« d) Des raisons médicales interdisent de procéder à l'entretien.

« Au terme d'une instruction unique au cours de laquelle le demandeur d'asile aura été mis en mesure de présenter les éléments à l'appui de sa demande :

« II. - Dans la première phrase du deuxième alinéa (1°) du II du texte proposé par cet article pour l'article 2 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile, remplacer le mot "II" par le mot : "L'office". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cet amendement pose un principe fondamental à nos yeux : celui de la convocation à un entretien du demandeur d'asile par l'OFPRA. Je pense que ce point fera l'unanimité au sein de l'hémicycle.

Ce principe général est assorti de quatre exceptions, dont trois sont déjà prévues à l'article 10 de la directive en cours d'élaboration.

Le Gouvernement français souhaite que la convocation soit également exclue dans le cas d'une demande manifestement infondée, et il défendra cette position dans les enceintes communautaires.

En tout état de cause, il va de soi que la commission des recours des réfugiés exercera pleinement son contrôle sur la décision de l'OFPRA.

M. le président. L'amendement n° 41, présenté par MM. Mermaz, Dreyfus-Schmidt, Sueur, Rouvière, Madrelle et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Après les mots : " dispositions du IV, ", rédiger comme suit la fin du troisième alinéa (2°) du II du texte proposé par cet article pour l'article 2 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile : "et après avoir examiné en priorité si la demande l'asile ne remplit pas les conditions d'octroi du statut de réfugié énoncé à l'alinéa précédent, il accorde le bénéfice de la protection subsidiaire à toute personne qui établit qu'elle est exposée dans son pays à l'une des menaces graves suivantes :". »

La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz. Nous proposons de préciser la rédaction de l'article en ce qui concerne le rôle relatif de la protection subsidiaire et l'octroi du statut de réfugié. En effet, il n'est pas question de faire de la protection subsidiaire une sorte de « sous-droit d'asile ». Certes, cela ne correspond pas à l'esprit du texte, mais il vaut toujours mieux bien préciser les choses, car nul ne sait a priori comment seront appliquées les dispositions sur le terrain.

Cet amendement a donc pour objet de spécifier expressément que la protection conventionnelle, qui offre la garantie d'une protection internationale, demeure le mode prioritaire d'accès à l'asile. C'est d'ailleurs ce qu'indiquait hier M. le ministre.

M. le président. L'amendement n° 20, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le c) du 2° du II du texte proposé par cet article pour l'article 2 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile :

« c) Une menace contre sa vie, sa sécurité ou sa liberté ou des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. La rédaction actuelle du c du 2° du II du texte présenté à l'article 1er pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952 limite par trop la liste des motifs ouvrant droit à la protection subsidiaire.

En effet, la menace contre la vie, la sécurité ou la liberté d'une personne n'est pas visée à ce titre, alors qu'elle permet, jusqu'à présent, de bénéficier de l'asile territorial. Or l'article 15 de la proposition de directive européenne du 12 septembre 2001 prévoit, dans sa dernière version, que les personnes éligibles à la protection subsidiaire sont notamment celles qui craignent pour leur vie, leur sécurité ou leur liberté.

A nos yeux, la rédaction actuelle du projet de loi, selon laquelle le bénéfice de la protection subsidiaire sera accordé à tout civil exposé dans son pays à « une menace grave, directe et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence généralisée résultant d'une situation de conflit armé interne ou international », est trop restrictive. En effet, la personne concernée peut se sentir en danger du fait de la violence généralisée sans que, pour autant, pèse sur sa vie une menace directe et individuelle. Cela a notamment pu être le cas ces dernières années en Algérie.

Cette rédaction apparemment précise est en réalité ambiguë et entraînera une restriction du champ d'application du droit d'asile, ce qui amènera une hausse du nombre des demandes rejetées. Par exemple, comment appréciera-t-on si une menace est « grave, directe et individuelle » ? Pourquoi lier la violence généralisée aux seuls conflits armés internes ou internationaux ? Pourquoi ne faire référence qu'aux civils ? Un militaire ne peut-il être menacé pour des raisons n'ayant rien à voir avec son activité professionnelle ?

En réalité, cette rédaction n'a d'autre objet que de restreindre le champ d'application de la protection subsidiaire. Si le texte n'est pas modifié, monsieur le secrétaire d'Etat, le champ du droit d'asile ainsi réformé sera bien plus limité que celui de l'asile territorial, dispositif qui n'était pourtant déjà pas un modèle de générosité. Notre législation resterait alors même en deçà de ce que prévoit la proposition de directive européenne.

C'est pourquoi nous proposons au Sénat de voter l'amendement n° 20, dont l'adoption permettrait au moins de mettre la loi de 1952 en conformité avec cette dernière.

M. le président. L'amendement n° 42, présenté par MM. Mermaz, Dreyfus-Schmidt, Sueur, Rouvière, Madrelle et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit l'avant-dernier alinéa c du 2° du II du texte proposé par cet article pour l'article 2 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile :

« c) Une menace contre sa vie ou sa liberté en raison d'une violence non ciblée ou d'une situation de conflit armé interne ou international. »

La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz. Comme je l'ai indiqué précédemment, restreindre le champ d'application de la protection subsidiaire aux civils nous paraît hasardeux puisque, dans certains pays, rien ne ressemble davantage à un civil qu'un militaire contraint d'être militaire ! Il serait bienvenu, à mon sens, que le Gouvernement accepte de rectifier le texte afin qu'il vise les « personnes » et non plus les « civils ».

Cette parenthèse étant refermée, je souligne que l'amendement n° 42 a pour objet d'étendre le plus possible le champ de la protection subsidiaire.

M. le président. L'amendement n° 43, présenté par MM. Dreyfus-Schmidt, Mermaz, Sueur, Rouvière, Madrelle et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le dernier alinéa du 2° du II du texte proposé par cet article pour l'article 2 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile :

« Le bénéfice de la protection subsidiaire donne droit à la délivrance d'une carte de séjour temporaire d'un an, renouvelable de plein droit, jusqu'à ce qu'il soit établi par l'office que les circonstances ayant justifié son octroi ont cessé d'exister ou ont connu un changement suffisamment profond et durable pour que la protection ne soit plus requise. A la fin du quatrième renouvellement, il est délivré au demandeur qui la sollicite une carte de résident. »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il est prévu, dans la rédaction actuelle du texte, que le bénéfice de la protection subsidiaire donne droit à la délivrance d'une carte de séjour temporaire d'un an. Nous proposons que celle-ci soit renouvelable de plein droit.

Cela étant, dans la mesure où la carte de séjour temporaire peut être retirée à tout moment, pourquoi ne pas l'accorder d'emblée pour cinq ans ? Cela offrirait davantage de sécurité et allégerait la charge de travail de l'administration, pour un même résultat.

Surtout, nous proposons que, au terme du quatrième renouvellement, si la carte de séjour temporaire doit être d'un an, une carte de résident soit délivrée à la personne concernée si elle en fait la demande.

On a affirmé à diverses reprises, hier, sur les bancs des commissions et du Gouvernement, que toute personne n'ayant plus besoin de la protection subsidiaire devrait rentrer chez elle. Or cela n'est pas évident. En effet, un étranger ayant vécu cinq années dans notre pays ne peut qu'avoir noué de nombreuses relations. Il peut s'être marié, avoir eu des enfants, et, dans le cas qui nous occupe, avoir une situation professionnelle puisque, bien entendu, il sera autorisé à travailler. Dans ces conditions, pourquoi devrait-il absolument rentrer chez lui ? Je pourrais citer de multiples exemples de réfugiés, devenus français par la suite, qui honorent notre pays dans les sphères les plus diverses !

C'est pourquoi nous nous permettons d'insister sur ce point : quelqu'un qui a vécu cinq ans en France en tant que réfugié doit se voir accorder, s'il en fait la demande, une carte de résident. Tel est l'objet de cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 22, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« I. - Après le mot : "subsidiaire,", rédiger ainsi la fin du dernier alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article 2 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile : "doit être renouvelé automatiquement, à moins qu'il soit établi par l'office que les circonstances ayant justifié son octroi ont cessé d'exister ou ont connu un changement profond et durable pour que la protection ne soit plus requise".

« II. - En conséquence, supprimer le dernier alinéa du IV de cet article. »

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Il est prévu que le bénéfice de la protection subsidiaire sera accordé pour une période d'un an, certes renouvelable, mais sans garantie.

Nous considérons que retenir ce principe d'un renouvellement annuel risquerait d'alourdir l'ensemble du dispositif.

En outre, inscrire dans la loi une telle disposition reviendrait à plonger les personnes concernées, dont la situation est déjà instable, dans la précarité. Elles risqueront en effet d'être refoulées vers leurs pays d'origine sans avoir pour autant la certitude que la situation y aura évolué de façon significative et positive.

C'est pourquoi nous proposons, par cet amendement, de garantir une certaine stabilité au bénéficiaire de la protection subsidiaire. Il s'agit de prévoir que le bénéfice de la protection subsidiaire sera automatiquement renouvelé jusqu'à ce qu'il soit établi par l'OFPRA que les circonstances ayant justifié son octroi ont cessé d'exister ou ont connu une évolution suffisamment profonde et durable pour qu'elle ne soit plus nécessaire.

Si notre amendement était adopté, le bénéficiaire de la protection subsidiaire ne pourrait être privé de son statut ni refoulé vers son pays d'origine sans avoir obtenu l'assurance que la situation y a évolué de façon positive. Le texte serait alors en conformité avec la dernière version connue de l'article 16 de la proposition de directive européenne du 12 septembre 2001.

M. le président. L'amendement n° 21, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Compléter le II du texte proposé par cet article pour l'article 2 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile par deux alinéas ainsi rédigés :

« ...° - Dès lors que la qualité de réfugié est reconnue à un demandeur d'asile ou que la protection subsidiaire lui est octroyée, le même statut est reconnu aux membres de sa famille.

« Les membres de la famille du demandeur sont : son conjoint ou son partenaire non marié engagé dans une relation stable ; les enfants de ce couple ou du demandeur seul ou de son conjoint seul ; les ascendants du demandeur et de son conjoint ; et les autres parents proches du demandeur et de son conjoint ; et les autres parents proches du demandeur et de son conjoint qui vivaient au sein de l'unité familiale à la date du départ du pays d'origine et qui étaient alors entièrement ou principalement à la charge du demandeur ou de son conjoint. »

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Par cet amendement, nous souhaitons donner un fondement légal au principe de l'unité de la famille, tel qu'il est reconnu par la jurisprudence du Conseil d'Etat et de la commission des recours des réfugiés.

S'agissant du conjoint ou du partenaire du demandeur, nous prévoyons seulement d'exiger qu'il soit engagé dans une relation réelle et stable, sans qu'il soit tenu compte de la date de la formation du couple.

S'agissant des enfants du couple ou du demandeur seul ou du conjoint seul, il suffira que la relation soit établie, sans que soit pris en considération l'âge de l'enfant.

Au-delà, nous proposons de reconnaître la qualité de membres de la famille à des personnes qui ne peuvent actuellement y prétendre, à savoir les ascendants du demandeur et de son conjoint et les autres parents proches qui vivaient au sein de l'unité familiale à la date du départ du pays d'origine et qui étaient alors entièrement ou principalement à la charge du demandeur ou de son conjoint.

Pendant longtemps, je le rappelle, la commission des recours des réfugiés a inclu les ascendants du demandeur dans l'unité familiale, mais, par une décision en date du 21 mai 1997, le Conseil d'Etat a adopté une position contraire. Il convient, à l'occasion de l'examen de ce texte, de rétablir ce principe, qui permet, d'une part, de garantir le droit fondamental du bénéficiaire à une protection internationale de sa vie familiale, et, d'autre part, de protéger les membres de sa famille, qui ne sont pas nécessairement à l'abri d'éventuelles persécutions « par ricochet », en quelque sorte, dont ils auront les plus grandes difficultés à apporter la preuve directe.

En conséquence, je demande au Sénat de bien vouloir adopter cet amendement, qui relève du même esprit que les articles 3, 6, 18 et 21 de la proposition de directive européenne du 12 septembre 2001.

M. le président. L'amendement n° 44, présenté par MM. Mermaz, Dreyfus-Schmidt, Sueur, Rouvière, Madrelle et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Compléter le II du texte proposé par cet article pour l'article 2 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile par l'alinéa suivant :

« 3° Dès lors que la qualité de réfugié est reconnue à un demandeur d'asile ou que la protection subsidiaire est octroyée, le même statut est reconnu à son conjoint ou son partenaire engagé dans une relation stable et à leurs enfants. Il peut également être reconnu aux ascendants du demandeur. »

La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz. Cet amendement a pour objet d'ouvrir une faculté d'extension de la protection subsidiaire au conjoint ou partenaire du bénéficiaire et à leurs enfants, ainsi qu'aux ascendants de ce dernier.

On nous objectera qu'une telle mesure risque d'entraîner un afflux de réfugiés sur le territoire national. M. le secrétaire d'Etat est sensible à cet argument, je n'en doute pas. Cependant, je voudrais le rassurer, car il s'agit simplement d'ouvrir une faculté d'extension de la protection aux parents du bénéficiaire de celle-ci, qui peuvent être l'objet de représailles. D'ailleurs, dans la préparation des directives européennes, qui seront, bien sûr, rédigées a minima, a également été évoquée la possibilité de faire venir un conjoint, des enfants qui sont encore à charge et qui ne sont pas mariés ou engagés dans une vie qui leur est propre. En l'occurrence, nous demandons simplement que la France, fidèle à sa tradition, fasse preuve du maximum de générosité.

M. le président. L'amendement n° 23, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Supprimer les deuxième et troisième alinéas du III du texte proposé par cet article pour l'article 2 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile.»

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Nous abordons ici les notions d'« acteurs de protection interne » et d'« asile interne », que le projet de loi introduit dans notre droit.

La disposition relative aux acteurs de protection interne n'est pas sans poser problème, monsieur le secrétaire d'état. Elle implique que le demandeur devra accepter la protection dans son pays, non seulement celle de l'Etat, mais également celle des partis ou d'organisations, y compris d'organisations internationales contrôlant l'Etat ou une partie substantielle de son territoire.

Or, et comme le souligne à juste titre, la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), dans son avis du 24 avril 2003 sur le présent projet de loi, la convention de Genève considère que seuls les états internationalement reconnus peuvent offrir une protection véritable et effective à leurs ressortissants.

Comment des partis ou des organisations, même contrôlant l'Etat ou une partie substantielle de son territoire, pourraient-ils offrir les mêmes garanties à un demandeur d'asile qu'un Etat stable et intégré à la communauté internationale ?

Nous estimons que, dès qu'un Etat est dans l'incapacité d'assurer la protection de ses ressortissants, le droit d'asile doit jouer. Nous estimons également que seuls les Etats internationalement reconnus peuvent offrir une protection effective.

Monsieur le secrétaire d'Etat, l'histoire est là pour nous rappeler, par exemple, que la présence sur place de missions d'assistance des Nations unies n'ont pas empêché les génocides perpétrés au Rwanda ou en Bosnie.

M. Jean Chérioux. Ni au Cambodge !

M. Robert Bret. Encore une fois, le projet de loi tel qu'il est rédigé apporte aux demandeurs d'asile une protection moindre que celle de la directive européenne du 12 septembre 2001, dont il est pourtant censé s'inspirer. Permettez-moi de citer son article 9-3 : « La protection d'Etat peut également être assurée par des organisations internationales ou des autorités permanentes s'apparentant à un état qui contrôle un territoire clairement défini, suffisamment grand et stable, et qui veulent et peuvent faire respecter les droits d'une personne et la protéger contre les atteintes de la même manière qu'un Etat reconnu à l'échelon international. »

J'en viens à la notion d'asile interne, dont l'incorporation dans notre législation aura pour principale conséquence - comme, d'ailleurs, la notion d'acteurs de protection interne - de vider le droit d'asile de sa substance. Mais, après tout, n'est-ce pas l'objectif visé ? En tout cas, je vous pose la question.

En effet, cette disposition signifie que l'intéressé devra, avant même d'envisager un refuge à l'étranger, chercher protection dans son propre pays, qu'il devra même y retourner, s'il ne l'a pas fait avant - mais aurait-il pu le faire ? - ce qui est en contradiction avec la convention de Genève qui vise, elle, toute personne qui se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou ne veut y retourner. Il n'y est aucunement fait référence à une quelconque possibilité d'asile interne, de même qu'il ne peut être opposé au demandeur le fait qu'il aurait pu demeurer, contre son gré, sur une autre partie du territoire.

En outre, l'asile interne est contraire à la Constitution, car il limite le champ d'application de l'asile constitutionnel.

Avec votre texte, monsieur le secrétaire d'Etat, l'OFPRA ne sera-t-il pas tenté de rechercher à tout prix une éventuelle zone sûre plutôt que d'examiner la situation du demandeur d'asile ?

Une nouvelle fois, ce projet de loi est en retrait par rapport à la dernière version de l'article 10 de la directive européenne du 12 septembre 2001.

Je rappellerai les conditions exigées dans cette directive. Premièrement, la possibilité d'asile interne n'est examinée qu'après étude du bien-fondé de la crainte. Deuxièmement, la crainte doit se limiter manifestement à une certaine partie du territoire. Troisièmement, dans l'hypothèse où le persécuteur est le gouvernement national ou lui est associé, il est peu probable que la protection à l'intérieur du pays constitue une solution de rechange valable. Enfin, les Etats doivent tenir compte de la sécurité et des conditions politiques et sociales dans la partie du pays concernée : respect des droits de l'homme, situation personnelle du demandeur, âge, sexe, état de santé, situation familiale, liens ethniques, culturels et sociaux.

Pour toutes ces raisons, nous proposons de supprimer les deuxième et troisième alinéas du III de l'article 1er concernant l'asile interne et les acteurs de protection interne.

M. le président. L'amendement n° 45, présenté par MM. Mermaz, Dreyfus-Schmidt, Sueur, Rouvière, Madrelle et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le deuxième alinéa du III du texte proposé par cet article pour l'article 2 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile :

« Les seules autorités susceptibles d'offrir une protection sont les autorités de l'Etat internationalement reconnu. »

La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz. En matière de définition de la notion d'autorités susceptibles d'offrir une protection, il serait préférable de s'en tenir aux termes de la convention de Genève, qui ne vise que les seuls Etats internationalement reconnus. Seules de telles entités, s'appuyant sur les pouvoirs régaliens que sont la justice et la police, sont en mesure de protéger leurs citoyens.

Il nous semble dangereux de considérer que des partis, voire des organisations, pourraient être des agents de protection. Il paraît nécessaire de revenir aux termes de la convention de Genève dans la mesure où l'exercice par une organisation, même internationale, d'une certaine autorité administrative et d'un certain contrôle de manière transitoire ou temporaire ne peut être considéré comme équivalent à la protection nationale accordée par un Etat. Il n'est pas possible de les placer sur un même plan.

Nous savons tous que, en droit international, les organisations internationales ne disposent pas des compétences d'un Etat. Nous savons aussi que, en pratique, elles n'ont pas la capacité - je citerai quelques exemples - de faire respecter le droit. Il s'agit donc, à notre sens, d'une pseudo-protection proposée par le projet de loi et qui va de pair avec cette notion d'asile interne que nous rejetons.

Selon nous, l'obligation de protection doit peser sur les seuls Etats. La protection d'un parti, d'une organisation internationale, n'équivaut pas à une protection efficace et reconnue internationalement. Les exemples récents le prouvent : au Kurdistan irakien, en Bosnie, en Somalie, au Rwanda, la seule présence d'une force internationale dans une zone de conflit ou en proie à des massacres ne suffit pas à garantir la protection effective des réfugiés. Les exemples de massacres intervenus dans les régions où l'ONU avait mis en place des opérations humanitaires montrent la difficulté d'exercer un contrôle effectif.

L'alinéa présenté par le projet de loi et relatif aux agents de protection, couplé à la notion d'asile interne, peut donc se révéler une redoutable machine à rejeter les demandes des personnes nécessitant une protection internationale. Cet alinéa vise donc à introduire le concept de protection interne par des autorités non étatiques. Il conduit à une réduction du droit constitutionnel d'asile, et je vous invite à vous reporter à l'avis de la commission nationale consultative des droits de l'homme.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

« Après les mots : " les autorités de l'Etat ", rédiger comme suit la fin du deuxième alinéa du III du texte proposé par cet article pour l'article 2 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile : " et les organisations internationales et régionales ". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement rejoint partiellement, mais partiellement seulement, les soucis qui ont été exprimés à l'instant par M. Louis Mermaz et ses collègues du groupe socialiste.

Le projet de loi retient effectivement parmi les autorités susceptibles d'apporter une protection l'Etat, les partis et les organisations, y compris des organisations internationales, contrôlant l'Etat ou une partie substantielle du territoire de l'Etat.

Il nous paraît justifié de prendre en compte, parmi les agents de protection, au côté de l'Etat, les organisations internationales, compte tenu du rôle croissant qui leur est dévolu dans le règlement des conflits. Aujourd'hui, il existe de nombreuses hypothèses dans lesquelles des organisations internationales, l'ONU mais également des organisations régionales ou - pourquoi pas ? -, demain, l'Union européenne ou l'Organisation du traité de l'Atlantique nord, peuvent exercer une protection supérieure en efficacité à celle qu'un certain nombre d'Etats sont en mesure d'exercer.

En revanche, il nous paraît très contestable d'admettre que des organisations à la nature non précisée, ou même des partis - c'est encore plus vrai pour des partis politiques -, puissent se prévaloir de l'exercice de compétences régaliennes. Nous estimons en effet que l'exercice des compétences régaliennes, qui est l'apanage de l'Etat, peut être aussi l'apanage des organisations internationales, mais il faut qu'il s'agisse d'autorités susceptibles d'accorder une véritable sécurité et de réelles garanties aux particuliers.

M. le président. L'amendement n° 46, présenté par MM. Mermaz, Dreyfus-Schmidt, Sueur, Rouvière, Madrelle et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Supprimer le dernier alinéa du III du texte proposé par cet article pour l'article 2 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile. »

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement vise à supprimer la notion d'asile interne, et c'est, pour nous, très important. En effet, nous voudrions vous convaincre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, qu'il y a là quelque chose de grave, que nous ne pouvons accepter.

Tout d'abord - je l'ai exposé hier soir -, il est clair que cette disposition est en contradiction avec l'article 1er de la convention de Genève de 1951. En effet, aux termes de celui-ci, est considérée comme réfugié toute personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays - j'insiste, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, sur l'expression « hors du pays » - dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays.

Dans la convention de Genève, il est question du pays comme d'une entité. Comme le traité d'Amsterdam a repris l'intégralité de la convention de Genève, cette notion d'asile interne est donc inconstitutionnelle et est en contradiction avec un traité signé par la France.

Par ailleurs, la notion d'asile interne soulève des problèmes très concrets sur lesquels nous n'avons pas de réponse.

L'asile interne, c'est-à-dire le droit pour une personne d'être réfugiée dans son propre pays, ne pourrait être accordé, si je comprends bien, que lorsque cette personne est en France. Elle est alors informée qu'elle doit partir vers la partie prétendument sûre de son pays d'origine. Comment va-t-elle y être ramenée ? Quelle autorité prendra la responsabilité du déplacement ? Quelle autorité va veiller au fait que, pour atteindre la partie prétendument sûre du pays d'origine, la personne concernée ne rencontrera pas des problèmes au cours de la traversée d'un certain nombre d'autres régions qui, elles, ne seront pas sûres ? Comment cela va-t-il se passer concrètement ? Quelles garanties sur le respect des droits seront offertes à cette personne ? Comment faire parvenir le demandeur qui se trouve en France, en Europe, jusqu'à cette zone sûre ? Et si la zone cesse d'être sûre, que se passera-t-il ?

Comment va-t-on décider qu'il y a, dans un pays donné, possibilité de protection sur une partie du territoire ? Quels critères présideront à cette décision ? Va-t-on ramener le demandeur d'asile vers un pays subissant une guerre civile pour le placer dans une portion de territoire sûre à un moment donné du conflit ? Quelle autorité reconnue sur le territoire sûr peut garantir les droits et est responsable de la vie et de la mort du demandeur ? Comment appliquer la notion d'asile interne si l'agent persécuteur est un Etat ?

Je vais citer quelques exemples très concrets.

A votre avis, monsieur le secrétaire d'Etat, l'OFPRA aurait-il refusé des demandes d'asile sous prétexte que Srebrenica était sous la garde des forces de l'ONU ? C'était peut-être une région sûre à l'intérieur du pays d'origine ! Aurait-il fallu prendre la responsabilité, dans ce cas précis, de refuser le droit d'asile ?

Aurait-on renvoyé les Afghans, sans se soucier de leur origine ethnique, dans les zones contrôlées par le commandant Massoud, alors qu'il a été assassiné dans son propre campement et qu'une commission à Paris aurait pu décider que c'était une région sûre ?

Autant de questions qui demeurent sans réponse. Aussi, nous ne pouvons adopter un tel dispositif. La France se mettrait dans un très mauvais pas si elle adoptait cette notion d'asile interne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

« I. - Dans la dernière phrase du dernier alinéa du III du texte proposé par cet article pour l'article 2 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile, après le mot : " demandeur ", insérer les mots : " ainsi que de l'auteur de la persécution ". »

« II. - En conséquence, dans la même phrase, après les mots : " partie du territoire ", remplacer le mot : " et " par : " , ". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission des lois, dans sa majorité, admet parfaitement la notion d'asile interne, à l'exemple de nos partenaires européens et du HCR. En revanche, elle souhaite enfermer cette notion dans des conditions plus strictes que celles qui sont prévues dans le projet de loi. Je constate d'ailleurs que les députés partagent notre souci, puisque, aux termes d'un amendement qu'ils ont adopté, s'agissant de la possibilité pour un demandeur d'obtenir une protection sur une partie du territoire de son pays, l'OFPRA tiendra compte des conditions générales prévalant sur cette partie du territoire et de la situation personnelle du demandeur.

Il nous semblerait justifié que l'Office tienne également compte de l'auteur des persécutions. En effet, la possibilité effective d'obtenir une protection sur une partie du territoire étatique ne nous paraît pas la même selon que la persécution émane d'un acteur non étatique ou de l'Etat. En effet, lorsque l'Etat est l'auteur des persécutions, il semble plus difficile d'envisager l'asile interne.

M. le président. L'amendement n° 47, présenté par MM. Rouvière, Mermaz, Dreyfus-Schmidt, Sueur, Madrelle et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Au premier alinéa du IV du texte proposé par cet article pour l'article 2 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile remplacer les mots : " s'il existe des raisons sérieuses de penser " par les mots : " s'il est établi ". »

La parole est à M. André Rouvière.

M. André Rouvière. Par cet amendement, qui concerne le premier alinéa du IV, il s'agit d'introduire de l'objectivité s'agissant d'une décision qui risque d'être très importante pour les demandeurs qui, ne pouvant bénéficier du droit d'asile, peuvent se voir accorder une protection subsidiaire.

Le premier alinéa du IV dispose que la protection subsidiaire n'est pas accordée à une personne s'il existe des raisons sérieuses de penser qu'elle a commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité, ou qu'elle a commis un crime grave de droit commun. Or des raisons sérieuses ne sont pas des preuves. Aussi, je souhaiterais que l'on remplace les mots « s'il existe des raisons sérieuses de penser » par les mots « s'il est établi ».

Autrement dit, il faut disposer de preuves et ne pas simplement supposer que le demandeur a commis un de ces crimes. Maintenir le texte en l'état reviendrait à laisser la porte ouverte à la subjectivité et pourrait se traduire par le rejet d'un nombre excessif de demandes.

C'est donc au nom de la sécurité pour les demandeurs d'asile et de l'objectivité que nous proposons cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 24, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Supprimer le b et le d du IV du texte proposé par cet article pour l'article 2 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile. »

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Avec cet amendement, nous abordons la question des motifs d'exclusion de la protection subsidiaire.

Nous souhaitons tout d'abord supprimer de ces motifs la commission d'un crime grave de droit commun.

Il faut le préciser, cette clause d'exclusion n'est pas prévue par la convention de Genève. Dès lors, on ne comprend pas pourquoi le demandeur de la protection subsidiaire serait soumis à des règles plus strictes en matière d'exclusion que le demandeur du statut de réfugié conventionnel.

Cette notion de crime grave de droit commun est très imprécise. En effet, ni le moment ni le lieu du crime ne sont précisés. S'agit-il du territoire français ou du pays d'origine ? On l'ignore. Si le crime a été commis dans le pays d'origine, comment pouvons-nous être sûrs que les faits sont vrais ou que la justice y a été rendue de façon équitable ? A cet égard, il convient de souligner que, dans certains pays, des infractions de nature politique sont souvent classées dans la catégorie des crimes de droit commun. Pour autant, la France se déshonorerait si des demandeurs d'asile persécutés dans leur pays en raison de leurs opinions politiques et condamnés pour un délit qualifié de droit commun se voyaient systématiquement opposer un refus à leur demande.

Il est un autre motif d'exclusion que nous souhaitons supprimer : la référence à la notion de menace grave à l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat. Nous considérons, en effet, que cette notion est juridiquement difficile à qualifier et qu'elle est susceptible d'être interprétée de façon discrétionnaire afin de rejeter le plus grand nombre de demandes.

J'ajoute qu'avec cette disposition l'OFPRA se voit attribuer des compétences en matière de police et d'ordre public qu'il n'a jamais exercées en ce qui concerne les demandeurs d'asile, compétences qui sont, de surcroît, des fonctions régaliennes relevant du ministre de l'intérieur. On peut donc légitimement s'interroger sur le fondement constitutionnel d'une telle clause d'exclusion qui n'est, par ailleurs, même pas prévue dans l'article 17 de la directive européenne du 12 septembre 2001.

La rédaction initiale de ce paragraphe d, largement inspirée par votre collègue de la place Beauvau, monsieur le secrétaire d'Etat, était si imprécise et générale, - puisqu'elle ne visait que la menace simple -, que la commission des lois de l'Assemblée nationale a dû la corriger en précisant que la menace devait être grave et que la commission des lois du Sénat a été conduite à apporter une autre modification, dont il faut reconnaître le bien-fondé, tendant à préciser que c'est l'activité de l'intéressé et non sa seule présence qui constitue une menace grave.

Enfin, la notion d'ordre public, dont la définition est, pour le moins, à géométrie variable, se trouve enrichie des notions de sécurité publique et de sûreté de l'Etat, qui sont superfétatoires puisque, d'une part, la sécurité publique est l'une des composantes de l'ordre public et que, d'autre part, le 3° de l'article 10 de la loi de 1952 autorise, par exemple, le refus d'admission au séjour d'un demandeur d'asile si ce dernier constitue une menace grave pour l'ordre public.

Pour toutes ces raisons, nous proposons de supprimer au moins ces deux clauses d'exclusion qui dénotent le caractère spécieux de cette réforme et la volonté de multiplier les exclusions et les refus en matière d'asile.

M. le président. L'amendement n° 48, présenté par MM. Mermaz, Dreyfus-Schmidt, Sueur, Rouvière, Madrelle et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Compléter le b du IV du texte proposé par cet article pour l'article 2 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile par les mots : " en dehors du pays d'accueil avant d'y être admise en qualité de réfugié ou au titre de la protection subsidiaire ". »

La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz. Cet amendement porte sur le b du paragraphe IV de l'article 1er en vertu duquel la protection subsidiaire n'est pas accordée à une personne s'il existe des raisons sérieuses de penser qu'elle a commis un crime de droit commun.

Il serait d'ailleurs préférable de dire « s'il est établi » plutôt que « s'il existe des raisons sérieuses de penser », car cette dernière expression me paraît excessivement vague d'un point de vue juridique.

Il est bien évident que personne dans cette assemblée ne pense qu'il faut offrir une protection subsidiaire à des personnes qui auraient commis un crime grave de droit commun, que ce soit à l'étranger ou sur notre territoire. Le problème est de savoir, comme je le disais tout à l'heure, ce qu'on appelle un crime. La notion de crime n'est pas la même dans un Etat démocratique - ils ne sont donc pas concernés en l'occurrence - et dans un pays de dictature, où elle est utilisée à tord et à travers.

Nous préférerions qu'il soit bien précisé qu'est visée toute personne ayant commis un crime grave de droit commun « en dehors du pays d'accueil avant d'y être admise en qualité de réfugié ou au titre de la protection subsidiaire ».

D'ailleurs, le texte ne précise pas si le crime est réputé commis sur le territoire national ou dans le pays d'origine. S'il était commis sur le territoire national, nous aurions bien évidemment tous les moyens de police et de justice pour confondre le criminel et le traduire en justice. Mais ce n'est pas à l'OFPRA d'en décider.

Nous avons pour cela une constitution, des lois, des règlements et des usages. Là encore, c'est la confusion des genres qui nous semble redoutable.

Notre amendement traduit notre grande méfiance à l'idée qu'une personne pourrait se voir refuser le statut de réfugié ou la protection subsidiaire sous le prétexte qu'elle aurait commis un crime dont nous ne pouvons pas cerner la réalité compte tenu de la situation interne du pays d'origine.

M. le président. L'amendement n° 49, présenté par MM. Mermaz, Dreyfus-Schmidt, Sueur, Rouvière, Madrelle et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Supprimer le d du IV du texte proposé par cet article pour l'article 2 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile. »

La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz. Le d du paragraphe IV de l'article 1er fait référence à l'ordre public, à la sûreté. Ce sont des mots terribles ! Qui est contre la sûreté de l'Etat ici ? Personne !

L'amendement n° 49 vise à supprimer ce paragraphe car la clause d'exclusion à la protection subsidiaire relative à une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat confère à l'OFPRA une compétence de police qui n'est pas de son ressort et qu'il ne lui revient donc pas d'assumer.

Il convient donc, selon nous, de supprimer une disposition qui introduit une confusion entre deux logiques, celle de la protection et celle, bien entendu nécessaire, de l'ordre public. Pour notre part, nous comptons sur l'Etat pour y pourvoir.

L'article 23 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 - c'était une époque où la France était généreuse : la Libération - sur l'entrée et le séjour des étrangers en France permet toujours l'expulsion administrative, étant entendu qu'il y a des possibilités de recours devant le tribunal administratif et le Conseil d'Etat.

On peut même ajouter qu'aujourd'hui le référé liberté permet d'éviter que le Conseil d'Etat ne se prononce deux ans après que la personne a été expulsée.

Donc, le dispositif qui prévoit que l'OFPRA refuse ou retire la protection subsidiaire pour des raisons qui tiennent à l'ordre public, à la sécurité publique relève non de l'OFPRA mais de l'Etat.

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

« Dans l'antépénultième alinéa d du IV du texte proposé par cet article pour l'article 2 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile, remplacer les mots : " sa présence " par les mots : " son activité ". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Le projet de loi prévoit que la protection subsidiaire n'est pas accordée à une personne dont on a des raisons sérieuses de penser que sa présence sur le territoire constitue une menace pour l'ordre public.

Il nous semble que la menace grave à l'ordre public ne saurait être invoquée dans les cas où le demandeur peut être à l'origine de troubles sur le territoire français sans avoir fait quoi que ce soit pour les provoquer. On ne peut pas ignorer, en effet, l'hypothèse où les persécuteurs poursuivraient leurs victimes jusque dans le pays où celles-ci cherchent refuge, créant ainsi des désordres dont il serait inconcevable que le demandeur d'asile ait à pâtir. Dans ce cas, le refus ou la cessation de l'asile deviendrait en quelque sorte une prime au persécuteur.

C'est pourquoi le refus d'accorder la protection subsidiaire au motif d'une menace grave à l'ordre public doit viser à notre sens l'activité du demandeur d'asile plutôt que sa simple présence.

M. le président. L'amendement n° 25, présenté par M. Bret, Mmes Borvo, Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Supprimer l'avant-dernier alinéa du IV du texte proposé par cet article pour l'article 2 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile. »

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Notre amendement vise à supprimer l'avant-dernier alinéa du paragraphe IV du texte proposé pour l'article 2 de la loi du 25 juillet 1952 qui dispose que l'OFPRA pourra réexaminer et retirer à tout moment le bénéfice de la protection subsidiaire pour les motifs énumérées aux alinéas précédents.

Monsieur le secrétaire d'Etat, comprenez que les simples mots de « réexamen », de « retrait et à tout moment », posent un problème d'interprétation. Il y a en effet confusion entre clause d'exclusion du statut, d'une part, et clause de cessation du statut, d'autre part. La convention de Genève les distingue pourtant clairement, les clauses d'exclusion fugurant à l'article 1er D, E et F, les clauses de cessation à l'article 1er C.

A y regarder de plus près, les motifs énumérés aux alinéas a et c, à savoir le fait de commettre un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité, ou de s'être rendu coupable d'agissements contraires aux buts et principes des Nations unies, sont tous des motifs d'exclusion prévus à l'article 1er F. Il en est de même pour les motifs énumérés aux alinéas b et d.

Nous avons déjà exprimé notre incompréhension devant des dispositions restrictives non répertoriées dans la convention de Genève.

Je m'interroge sur le bien-fondé d'une telle disposition puisqu'une personne ayant dissimulé pour telle ou telle raison des informations, pourtant cause d'exclusion, se verrait retirer ipso facto la protection, et ce sans qu'il soit nécessaire de faire appel aux dispositions de l'article 2 de la loi de 1952.

Le retrait de la protection subsidiaire risque donc de précariser plus encore les personnes qui auront obtenu la protection de notre pays. Le fait que ce retrait puisse intervenir à tout moment placera les personnes dans une situation d'incertitude la plus totale.

L'absence de toute référence à une procédure de recours suspensif devant la commission des recours est également une omission importante, monsieur le secrétaire d'Etat, alors même que ce droit est normalement ouvert aux réfugiés.

De même, l'absence de désignation d'une autorité habilitée en cas de réexamen nous interpelle. Le fait de renvoyer cette désignation à un décret ultérieur n'est pas suffisant et n'est pas pour nous rassurer.

Pour toutes ces raisons, je vous demande, mes chers collègues, d'adopter cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 50, présenté par MM. Rouvière, Mermaz, Dreyfus-Schmidt, Sueur, Madrelle et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit l'avant-dernier alinéa du IV du texte proposé par cet article pour l'article 2 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 :

« L'office peut retirer, à partir de preuves établies, le bénéfice de la protection subsidiaire pour les motifs énumérés aux a, b et c du présent IV. »

La parole est à M. André Rouvière.

M. André Rouvière. Il s'agit d'un amendement de cohérence avec l'amendement n° 47 que j'ai présenté il y a quelques instants.

Il était question tout à l'heure d'accorder la protection subsidiaire. En l'espèce, il est question de la retirer. Nous souhaiterions là aussi que la subjectivité n'entre pas en jeu.

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

« Dans l'avant-dernier alinéa du IV du texte proposé par cet article pour l'article 2 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile, remplacer les mots : " retirer à tout moment le " par les mots : " mettre fin à tout moment au ". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Les motifs pour lesquels la protection subsidiaire pourrait être refusée au demandeur d'asile peuvent aussi justifier le retrait à tout moment par l'OFPRA de cette protection subsidiaire.

Néanmoins, il nous semble qu'il convient de rappeler que, si l'octroi de la protection subsidiaire résulte d'une décision de la commission des recours des réfugiés, le bénéfice de cette protection ne pourrait en principe être retiré : l'effet rétroactif d'une telle mesure mettrait en effet en cause l'autorité de la chose jugée. C'est pourquoi il est préférable de substituer une faculté d'abrogation à la possibilité d'un retrait.

M. le président. L'amendement n° 51, présenté par MM. Mermaz, Dreyfus-Schmidt, Sueur, Rouvière, Madrelle et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le début du dernier alinéa du IV du texte proposé par cet article pour l'article 2 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile :

« Sans préjudice des dispositions du dernier alinéa du paragraphe II du présent article, il peut refuser ... »

La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz. Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'amendement n° 3 qui vise à neutraliser la précarité dont risque d'être affecté celui qui obtiendrait la protection subsidiaire.

Cet amendement a pour objet d'assurer au bénéficiaire de cette protection une certaine stabilité par la délivrance d'une carte de séjour temporaire d'un an renouvelable de plein droit jusqu'à ce que l'OFPRA établisse que les circonstances ayant justifié son octroi ont cessé d'exister ou ont connu un changement suffisamment profond et durable pour que la protection ne soit plus requise.

A la fin du quatrième renouvellement, qui concerne les demandeurs d'asile originaires d'un pays où la situation demeure très grave, nous souhaitons que puisse être délivré à l'intéressé une carte de résident à sa demande, compte tenu des liens qu'il aura tissés en France.

Après cinq ans de présence sur notre territoire, nous proposons que le renouvellement du bénéfice de la protection subsidiaire qui est confié à l'OFPRA prenne en considération les conditions d'octroi et de renouvellement du titre de séjour accordé au bénéficiaire de la protection subsidiaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'amendement n° 19 présenté par nos collègues du groupe CRC vise à supprimer l'article 1er du présent projet de loi. Or cet article contient les principales dispositions et avancées de la réforme : la compétence unique de l'OFPRA pour les demandes d'asile, donc le principe du guichet unique ; la création de la protection subsidiaire, qui se substitue à l'asile territorial, et les garanties incomparablement plus importantes de cette dernière par rapport à l'asile territorial ; la reconnaissance des persécutions commises par des acteurs non étatiques.

Autrement dit, il me semble que l'on assiste, par cet amendement, à une reprise de la question préalable sur laquelle nous avons déjà délibéré hier. La commission émet donc un avis défavorable.

L'amendement n° 39 de nos collègues du groupe socialiste tend à faire référence au protocole de New York du 31 janvier 1967, qui complète la convention de Genève. Le protocole de New York a posé le principe d'universalité et d'intemporalité de la protection accordée aux réfugiés, protection que la convention de Genève avait initialement circonscrite aux événements survenus avant 1951 et en Europe.

Compte tenu de l'importance de ce protocole, il nous apparaît opportun d'en faire mention. La commission émet donc un avis favorable.

L'amendement n° 40 de nos collègues du groupe socialiste tend à revenir à la rédaction initiale de la loi de 1952 en prévoyant que l'OFPRA est soumis à la surveillance du HCR. Si ce n'est la révérence à l'égard d'une loi cinquantenaire, nous ne voyons pas l'intérêt de revenir à cette formulation dans la mesure où le projet de loi prévoit désormais que l'office facilite la mission de surveillance du HCR.

Les termes employés dans le projet de loi sont beaucoup plus proches des termes de la convention de Genève que ceux qui sont utilisés par la loi de 1952. Ils sont plus conformes aux dispositions internationales, à la convention de Genève en particulier. Nous proposons donc de nous en tenir au texte du projet de loi. L'avis de la commission est donc défavorable.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est restrictif !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'amendement n° 41 de nos collègues du groupe socialiste vise à assurer la priorité de la protection apportée par la convention de Genève par rapport à la protection subsidiaire instituée par le présent projet de loi. C'est un objectif tant pour le Gouvernement que pour l'ensemble des membres de cette assemblée.

Je suis enseignant et je sais bien que la répétition est parfois l'art de la pédagogie, mais il me semble que nous nous sommes déjà beaucoup répétés. D'une part, la protection est subsidiaire, ce qui laisse entendre que l'asile conventionnel aux termes de la convention de Genève est, lui, prioritaire. D'autre part, le projet de loi dispose expressément que la protection subsidiaire est accordée à toute personne qui ne remplit pas les conditions d'octroi du statut de réfugié.

On a donc déjà dit deux fois la même chose, il nous paraît inutile de le dire une troisième fois.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il n'y a pas que cela. Il y a aussi l'expression « s'il est établi » !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Sur l'expression « s'il est établi », bien d'autres amendements reviennent sur cette notion, et j'y répondrai au fur et à mesure de l'étude des articles et des amendements.

La commission est donc défavorable à l'amendement n° 41.

La réponse sur l'amendement n° 20 présenté par le groupe CRC vaudra également pour l'amendement n° 42 présenté par le groupe socialiste, puisqu'ils portent sur les mêmes dispositions.

Cet amendement n° 20 tend à reprendre, pour la protection subsidiaire, les critères d'attribution de l'asile territorial. Or il s'agit, selon nous, de statuts distincts aux régimes juridiques distincts.

Trois objections peuvent être faites à cette proposition.

Il faut d'abord rappeler que la protection subsidiaire répond à une définition qui est élaborée au niveau communautaire.

Je suis certain que mon collègue Robert Bret et moi-même maîtrisons la lecture et l'écriture. Pourtant, nous avons des interprétations différentes sur certains textes, en particulier sur la norme élaborée au niveau communautaire. Je rappelle donc que la protection subsidiaire répond à une définition élaborée au niveau communautaire et que cette définition, selon ma lecture, n'inclut pas le concept de liberté.

Deuxième objection, l'interprétation des conditions d'attribution de l'asile territorial retenues par le ministère de l'intérieur était dans les faits beaucoup plus restrictive que la définition de la protection subsidiaire.

On nous dit que la définition de la protection subsidiaire, ce sera moins bien que l'asile territorial hier. Mais, l'asile territorial, hier, était un pouvoir discrétionnaire du ministère de l'intérieur. Celui-ci avait élaboré les conditions et les critères qui lui permettaient d'accorder cet asile territorial, et ces critères étaient particulièrement exigeants. D'ailleurs, ce n'est pas un hasard si le taux de décisions favorables en termes d'asile territorial est tombé à 0,3 % au cours de 2002.

Enfin, troisième objection, dans la mesure où l'attribution de la protection subsidiaire sera désormais une compétence liée de l'OFPRA, qui sera donc contraint de délivrer la protection subsidiaire lorsque les conditions seront réunies, il nous paraît logique que les critères d'attribution de cette protection soient désormais définis de manière plus précise que l'asile territorial, qui relevait de la seule compétence discrétionnaire du ministère de l'intérieur.

La commission est donc défavorable à cet amendement n° 20 ainsi qu'à l'amendement n° 42.

L'amendement n° 43 et l'amendement n° 22 tendent à prévoir un renouvellement automatique de la protection subsidiaire et - pour ce qui concerne l'amendement n° 42 - l'attribution d'une carte de résident valable dix ans au terme du quatrième renouvellement.

Ce renouvellement automatique ne nous apparaît pas nécessaire car le texte prévoit, d'une part, que la protection est accordée pour un an renouvelable et, d'autre part, que ce renouvellement peut être refusé pour des motifs limitativement définis.

L'octroi de la carte de résident aurait pour effet, à notre sens, d'aligner la protection subsidiaire sur le statut du réfugié. Or, je le rappelle, il s'agit de deux protections différentes qui répondent à des critères distincts et correspondent à des statuts différents.

La commission est donc défavorable à ces deux amendements.

L'amendement n° 21 tend à élargir le bénéfice de la reconnaissance de la qualité de réfugié et de la protection subsidiaire aux parents, au sens large - je dirai même très large -, du demandeur d'asile et de son conjoint. Il y est fait référence aux parents proches du demandeur et de son conjoint. Qu'est-ce que cela veut dire ? A la limite, un village entier pourrait être concerné !

Sur ce point, nous avons également des lectures très différentes de la jurisprudence du Conseil d'Etat et de celle de la commission des recours des réfugiés. Ma lecture m'a en effet conduit à constater que la protection s'étend au conjoint ou au concubin du demandeur ainsi qu'à ses enfants mineurs, mais qu'elle ne va pas au-delà.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

L'amendement n° 44 est plus mesuré, puisqu'il propose d'étendre la reconnaissance de la qualité de réfugié aux ascendants du demandeur.

M. Jean-Pierre Sueur. C'est une possibilité !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. En effet, toutefois, je me permettrai de faire des observations similaires.

En effet, il faut noter que, dès lors que l'existence d'une menace directe et individuelle est requise, notamment pour la protection subsidiaire, il n'est pas anormal de faire prévaloir un lien familial, entendu dans un sens étroit.

Par ailleurs, je rappelle que les ascendants qui sont à charge ont droit à une carte de séjour, son octroi étant toutefois subordonné à la double condition que leur présence sur le territoire soit régulière et ne constitue pas une menace à l'ordre public.

J'ajoute que les ascendants, comme les enfants majeurs, pourraient bien évidemment solliciter aussi, de leur côté et pour leur compte, le bénéfice de l'asile ou de la protection subsidiaire.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

J'en viens à l'amendement n° 23, qui vise à supprimer les notions d'agents de protection et d'asile interne. Ces notions, transposées de la directive communautaire,...

M. Jean-Pierre Sueur. Qui n'existe pas !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. ... qui n'existe pas, certes !

M. Robert Bret. On est dans le virtuel !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. On est dans un virtuel qui, effectivement, n'existe pas mais qui va exister !

M. Jean-Pierre Sueur. Vous n'en savez rien ! Les discussions sont en cours !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Vous vous êtes tellement plaints, à de multiples reprises, du retard pris dans la transposition des directives communautaires que, pour une fois que nous prenons l'initiative d'une transposition anticipée,...

M. Jean-Pierre Sueur. On ne peut pas transposer quelque chose qui n'existe pas !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. ... vous êtes mal placés pour nous le reprocher !

M. Jean-Pierre Sueur. Ce sont des arguments qui ne valent pas !

M. le président. Mes chers collègues, laissez M. le rapporteur s'exprimer, s'il vous plaît !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. En fait, dans la mesure où nous nous trouvons devant une situation particulièrement préjudiciable aux personnes victimes de persécutions, il ne nous paraît pas souhaitable d'attendre plusieurs mois encore pour adopter des mécanismes juridiques, législatifs ou réglementaires, permettant la mise en oeuvre d'une procédure d'asile susceptible de répondre plus rapidement aux problèmes des réfugiés.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas plus rapide du tout !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je disais donc que les notions d'agent de protection et d'asile interne, transposées de la directive communautaire, nous paraissent répondre à l'effort d'harmonisation européenne dont chacun, me semble-t-il, s'accorde à reconnaître le caractère indispensable en matière d'asile.

Je précise que, si la commission s'est efforcée de préciser ces notions dans un sens favorable aux demandeurs d'asile, elle n'a, à aucun moment, souhaité les faire disparaître.

L'amendement n° 45 vise à limiter la définition des autorités susceptibles d'apporter une protection aux seules autorités de l'Etat. Or l'amendement n° 2 de la commission qui limite la possibilité d'apporter protection aux autorités de l'Etat et aux organisations internationales et régionales, donne en partie satisfaction aux auteurs de cet amendement n° 45. La commission est donc défavorable à ce dernier.

L'amendement n° 46 tend à supprimer le concept d'asile interne, donc la possibilité pour l'OFPRA de refuser d'accorder une protection en France à un étranger qui pourrait obtenir une protection sur une partie de son territoire d'origine. Or plusieurs raisons plaident pour le maintien de l'asile interne.

D'abord, cette notion se trouve dans la directive communautaire actuellement en cours de discussion et sa transposition en droit interne répond à la logique d'harmonisation européenne.

Ensuite, sur le fond, la situation a peut-être un peu évolué depuis 1951 ! Le développement des guerres civiles et le morcellement de certains territoires, en particulier dans les grands pays, ceux que l'on appelle parfois des « pays continents », multiplient le cas de personnes qui sont menacées sur une partie du territoire, mais non sur une autre.

On colporte parfois des images quelque peu caricaturales sur l'asile interne. Il n'est pas question, chers collègues, de parachuter une personne menacée sur une partie du territoire que l'on estimera sûre pour elle !

M. Jean-Pierre Sueur. Que fera-t-on, alors ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Troisième argument, l'asile interne est aujourd'hui très largement admis par nos voisins et par le HCR lui-même, qui s'y réfère largement.

M. Jean-Pierre Sueur. J'ai ici l'avis du HCR ! (M. Jean-Pierre Sureur brandit un document.)

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Enfin, la prise en compte de l'asile interne par l'OFPRA reste une simple faculté et n'est en rien une obligation. L'appréciation de l'office reposera sur des éléments précis, qui sont visés par le projet de loi. Il faut, bien entendu, que la personne n'ait aucune raison de craindre d'être persécutée sur la partie du territoire où elle trouverait refuge.

La commission des lois a déposé un amendement invitant l'office à prendre également en compte l'auteur de la persécution, la possibilité de trouver refuge sur une partie du territoire étant présumée plus difficile lorsque le persécuteur est l'Etat.

Pour toutes ces raisons, la commission des lois est défavorable à l'amendement n° 46.

L'amendement n° 47 tend à fonder les motifs qui peuvent justifier le refus de la protection subsidiaire, non sur des présomptions, comme le projet de loi le prévoit, mais sur des faits établis.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et comment !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La rédaction du projet de loi sur ce point s'inspire de celle de la convention de Genève, aux termes de laquelle le statut de réfugié peut être écarté sur la base de présomptions.

Si l'on pense, comme c'est le cas du groupe socialiste, que cet amendement apporte des garanties supplémentaires aux demandeurs d'asile, c'est dire que la protection subsidiaire conférerait un statut plus protecteur que la convention de Genève, ce qui serait paradoxal.

Par ailleurs, la rédaction du projet de loi : « s'il existe des raisons sérieuses de penser » permet à l'OFPRA d'exprimer une appréciation indépendante du droit pénal étranger, en particulier pour l'appréciation des crimes graves de droit commun.

Ainsi, dans l'hypothèse où il y aurait une décision de justice passée en force de chose jugée d'un Etat étranger qui considérerait qu'il y a crime grave de droit commun, on pourrait estimer se trouver devant un fait établi. Or, comme vous l'avez rappelé à juste raison, mon cher collègue Mermaz, ces notions sont parfois terriblement différentes d'un Etat à l'autre. Dans ce cas, je pense que paradoxalement peut-être, l'expression « s'il existe des raisons sérieuses de penser » laisse beaucoup plus libre l'appréciation de l'OFPRA.

Enfin, je rappelle que les présomptions peuvent, bien évidemment, être écartées par la preuve contraire.

Toutes ces raisons ont conduit la commission des lois à donner un avis défavorable sur l'amendement n° 47.

La commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 24 pour des raisons que j'expliciterai en argumentant sur les amendements n°s 48 et 49.

L'amendement n° 48 tend à prévoir que les crimes graves de droit commun, qui peuvent justifier le refus ou le retrait de la protection subsidiaire, doivent être commis en dehors du territoire national.

Le projet de loi retient, en effet, le crime grave de droit commun comme un motif d'exclusion de la protection subsidiaire, quel que soit le lieu où il a été commis.

Les motifs qui justifient le refus de la protection subsidiaire s'inspirent, certes, de ceux qui peuvent justifier le refus de la qualité de réfugié au titre de la convention de Genève. La convention, je le reconnais, vise les crimes graves de droit commun commis en dehors du territoire national. Il n'en reste pas moins que la qualité de réfugié et la protection subsidiaire constituent des statuts différents, et qu'il est donc logique qu'elles répondent aussi à des critères d'attribution différents.

Au-delà de cette considération, il n'est pas apparu choquant à la majorité de la commission des lois de refuser une protection à une personne qui aurait commis un crime grave dans notre pays.

L'amendement n° 49 tend à supprimer la menace grave à l'ordre public comme motif d'exclusion de la protection subsidiaire.

La menace à l'ordre public doit, à notre avis, rester un motif d'exclusion de la protection subsidiaire dans l'intérêt élémentaire de la sécurité de la population française et pour éviter qu'il n'y ait des contradictions entre l'avis qui pourrait être émis par l'OFPRA et celui qui pourrait l'être par d'autres juridictions.

La commission - je le rappelle - demandera cependant au Sénat de bien vouloir adopter un amendement tendant à ce que le fait générateur de cette menace soit lié non à la présence, mais à l'activité du demandeur sur le territoire national.

La commission est donc défavorable aux amendements n°s 24, 48 et 49.

L'amendement n° 25 tend à supprimer la possibilité d'un retrait à tout moment de la protection subsidiaire.

La commission, pour sa part, a substitué une faculté d'abrogation à la possibilité de retrait prévue par le projet de loi.

Au demeurant, il nous semble normal qu'il puisse être mis fin à la protection subsidiaire pour un motif grave comme la commission d'un crime grave de droit commun, d'un crime contre la paix ou contre l'humanité, ou encore comme des agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

L'amendement n° 50 tend à retirer la possibilité pour le représentant de l'Etat de saisir l'OFPRA d'une demande de retrait de la protection subsidiaire. En outre, le retrait ne pourrait intervenir que sur la base de preuves établies. On ne voit ni comment ni pourquoi on pourrait refuser au représentant de l'Etat de saisir l'OFPRA s'il estime, par exemple, que l'activité de la personne concernée constitue une menace pour l'ordre public ou la sûreté de l'Etat. Par ailleurs, nous faisons confiance à l'OFPRA pour apprécier la situation.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

L'amendement n° 51 étant un amendement de coordination avec l'amendement n° 43, sur lequel la commission a donné un avis défavorable, par voie de conséquence, elle est défavorable à celui-ci.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères. Le Gouvernement est évidemment défavorable à l'amendement n° 19, qui vise à la suppression de l'article 1er, puisque l'adoption de cet amendement priverait le projet de loi de toute substance.

L'amendement n° 39 donne en effet satisfaction à l'amendement n° 15. A ce propos, je remercie la commission des affaires étrangères d'avoir retiré ce dernier.

L'un des fondements du droit d'asile trouve son origine dans les obligations souscrites par la France dans le cadre, non seulement de la convention de Genève, mais du protocole de New York du 31 janvier 1967, qui modifie la portée géographique de la convention précitée.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

L'amendement n° 40 tend à revenir au texte initial de la loi du 25 juillet 1952, qui spécifie que l'office coopère avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et est soumis à sa surveillance.

Une telle rédaction est incompatible avec l'extension de la protection subsidiaire de la compétence de l'OFPRA qui, par définition, échappe au champ d'application de la convention de Genève.

La rédaction du projet de loi est totalement conforme à celle de l'article 35 de ladite convention, selon lequel les Etats parties s'engagent à faciliter la tâche de surveillance du HCR. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

L'amendement n° 1 rectifié vise à renforcer le texte. Le Gouvernement y est donc favorable.

L'amendement n° 41 a pour objet d'affirmer expressément que l'application de la convention de Genève demeure le mode d'accès prioritaire à l'asile et que la protection subsidiaire, comme son nom l'indique, ne sera étudiée que dans un second temps, lors de l'examen par l'OFPRA des demandes d'asile.

La rédaction retenue par le projet de la loi assure déjà un examen prioritaire de la protection conventionnelle. Il n'est donc pas utile de retenir cet amendement, sur lequel le Gouvernement émet un avis défavorable.

L'amendement n° 20 a pour objet de maintenir les motifs de protection actuellement applicables à l'asile territorial. Le projet de loi retient les critères du projet de directive européenne sur le statut de réfugié et prévoit, pour ce qui concerne le bénéfice de la protection subsidiaire, une possibilité de recours qui n'existait pas dans le cadre de la loi relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile, la loi RESEDA.

L'amendement proposé n'apporte aucune garantie supplémentaire par rapport au projet de loi. Par conséquent, le Gouvernement y est défavorable.

J'en viens à l'amendement n° 42.

Aux termes de l'article 13 de la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile, le candidat à l'asile territorial doit établir que sa vie ou sa liberté est menacée dans son pays ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondementales.

La rédaction de l'amendement proposé rendrait par trop imprécises l'origine et la nature de la violence invoquée. Cette dernière pourrait éventuellement être assimilée à une violence individuelle résultant d'un conflit de voisinage ou d'un conflit familial.

La violence doit être caractérisée avec précision, en l'occurrence être liée à un conflit armé ou international, afin que l'on puisse la situer dans la problématique de l'asile.

L'avis du Gouvernement est donc défavorable.

S'agissant de l'amendement n° 43, je suis très sensible aux arguments de M. Dreyfus-Schmidt, notamment en ce qui concerne le délai de cinq ans. Néanmoins, cet amendement a pour objet de renverser la charge de la preuve au détriment de l'OFPRA.

Il est entendu qu'il ne peut y avoir de reconduction automatique de la protection subsidiaire, car les situations internationales sont évolutives, et souvent de manière rapide. C'est pourquoi le principe de rendez-vous annuel pour un réexamen des situations individuelles a été retenu. Celui-ci est apparu logique, notamment au regard de la durée des autorisations provisoires de séjour.

Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Il est également défavorable à l'amendement n° 22.

Il ne peut y avoir de reconduction automatique de la protection subsidiaire, monsieur Bret, en raison de l'évolution permanente et souvent rapide de la situation internationale.

Le fait que la protection subsidiaire donne lieu à une autorisation de séjour d'un an renouvelable ne confère pas à la situation des intéressés la précarité que certains se plaisent à souligner.

Le renouvellement annuel de l'autorisation de séjour sera assuré après un examen des situations personnelles et de la situation internationale et locale. Ce rendez-vous annuel sera organisé avec la souplesse nécessaire et ne visera pas à pénaliser les intéressés. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 21, car il n'a pas l'intention de modifier les règles relatives à la procédure de famille rejoignante, actuellement en vigueur pour les réfugiés. Aujourd'hui, toute personne ayant obtenu l'asile en France peut faire venir son conjoint et ses enfants mineurs, ainsi que ses enfants majeurs dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. « Peut » !

M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. Contrairement à l'étranger présentant une demande de regroupement familial à l'Office des migrations internationales, le réfugié n'est pas tenu de présenter des justificatifs de ressources ou de logement dans le cadre de cette procédure.

Ces dispositions protectrices s'appliquent aux réfugiés statutaires ayant obtenu le statut de réfugié auprès de l'OFPRA, aux bénéficiaires de l'asile territorial, future protection subsidiaire dans le cadre de la réforme du droit d'asile, et aux apatrides. Rien dans le dispositif qui vous est actuellement proposé ne modifie ces dispositions protectrices. L'avis du Gouvernement est donc défavorable.

S'agissant de l'amendement n° 44, je suis parfaitement sensible aux arguments de M. Mermaz. Malheureusement, l'avis du Gouvernement est défavorable, car cet amendement a pour objet d'étendre la protection aux ascendants du demandeurs. Or, comme je viens de l'indiquer, le Gouvernement n'a pas l'intention de modifier les règles relatives à la procédure de famille rejoignante actuellement en vigueur pour les réfugiés. Aujourd'hui, toute personne ayant obtenu l'asile en France peut faire venir son conjoint et ses enfants mineurs, ainsi que ses enfants majeurs dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. « Peut » !

M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 23, dont les auteurs s'opposent à l'inscription dans la loi des notions d' « acteurs de protection » et d' « asile interne ». Si un demandeur peut avoir accès à une protection sur une partie du territoire de son pays d'origine et qu'il n'a aucune raison de craindre d'y être persécuté, il paraît raisonnable que l'OFPRA puisse avoir la possibilité de refuser de lui octroyer le statut de réfugié. Le projet de loi dispose donc que l'OFPRA « peut », et non « doit », rejeter la demande. La garantie de l'examen au fond de chaque demande en fonction de la situation particulière de l'intéressé est entière. L'OFPRA évalue, entre autres, s'il est raisonnable d'estimer que la personne peut rester sur cette partie du territoire.

Si les persécutions passent par de nouveaux acteurs, il en est de même de la protection : il paraît justifié de prendre en compte, parmi les agents de protection, aux côtés de l'Etat, les organisations internationales, en raison du rôle croissant qui leur est dévolu dans le règlement des conflits. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.

Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 48, mais favorable à l'amendement n° 2, qui apporte densité et clarté au texte.

L'amendement n° 46 est important parce que notre monde et la nature des conflits ont évolué depuis la conclusion de la convention de Genève. Les auteurs de cet amendement s'opposent à l'inscription dans la loi de la notion d'asile interne.

Puisque vous avez posé, monsieur Sueur, des questions précises, je vais vous apporter des réponses concrètes.

S'agissant de l'examen au cas par cas des demandes, alors même que se pose la question du retour, j'observe que l'amendement n° 3, présenté par M. le rapporteur, vise à incorporer dans les critères la nature de l'auteur des persécutions, ce qui constitue une garantie supplémentaire. Je souligne en outre que l'instruction, menée en toute indépendance par les officiers de protection, se fait en étroite liaison avec nos ambassades. Nous avons, grâce à ce réseau, une connaissance fine de la réalité du terrain.

M. Jean-Pierre Sueur. On le suppose !

M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. Dès lors, en cas de doute, l'officier de protection retiendra bien évidemment sa décision.

Il y aurait une contradiction majeure dans notre politique internationale à soutenir des organisations internationales ou régionales - je pense à la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest, la CEDEAO, par exemple - tout en leur contestant la capacité de sécuriser des régions du monde. Les événements qui se sont produits à Sarajevo, au Kosovo, en Iturie ou en Côte d'Ivoire me paraissent suffisamment révélateurs à cet égard.

Par ailleurs, si un demandeur d'asile peut avoir accès à une protection sur une partie du territoire de son pays d'origine et qu'il n'a aucune raison de craindre d'y être persécuté, l'OFPRA peut alors rejeter la demande.

M. Jean-Pierre Sueur. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le secrétaire d'Etat ?

M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. Je vous en prie, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, avec l'autorisation de M. le secrétaire d'Etat.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le secrétaire d'Etat, je serai très précis : si un demandeur d'asile est en France - il ne peut en effet demander le statut de demandeur d'asile que s'il est en France - mais que le principe d'un asile interne dans son pays d'origine est admis, comment fera-t-il pour rejoindre la partie sûre de son pays si cette dernière est située, par exemple, en plein milieu du pays, et donc entourée de zones d'insécurité ? Comment se déroule le transfert...

M. Raymond Courrière. Par parachute !

M. Jean-Pierre Sueur. ... et sous quelle autorité ? Quelles garanties sont-elles données pour arriver dans cette région sûre ? Telle est ma question extrêmement précise, monsieur le secrétaire d'Etat.

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'Etat.

M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. Lors d'une intervention multilatérale, sous l'égide des Nations unies ou du CEDEAO, par exemple, un territoire donné est sécurisé, et donc accessible.

M. Jean-Pierre Sueur. Un couloir permet d'y accéder ?

M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. Il y a un couloir ou un transport aérien. D'ailleurs, le territoire n'est pas forcément enclavé. Pour ma part, je n'ai pas de souvenir particulier d'un territoire sécurisé inaccessible.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le secrétaire d'Etat,...

M. le président. Pas de dialogue, monsieur Sueur !

M. Jean Chérioux. C'est interdit par le règlement !

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, je ne suis pas satisfait de la réponse qui m'a été apportée, et je reviendrai donc sur ce point précis lors des explications de vote.

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'Etat.

M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement, vous l'aurez compris, est défavorable à l'amendement n° 46.

Il est favorable à l'amendement n° 3, qui vise à apporter une garantie additionnelle.

Il est défavorable à l'amendement n° 47. Le paragraphe IV de l'article 1er du projet de loi précise les hypothèses dans lesquelles la protection subsidiaire peut être refusée ou retirée, ainsi que les conditions dans lesquelles elle est renouvelée. La réunion des preuves est particulièrement difficile s'agissant de faits commis à l'étranger. En imposant à l'OFPRA de réunir de telles preuves, le législateur réduirait considérablement la portée de l'article.

Le fonctionnement des tribunaux pénaux internationaux montre à cet égard la difficulté d'établir la culpabilité alors même que de très fortes présomptions à l'encontre de la personne jugée existent. L'exemple des débats devant le tribunal pour l'ex-Yougoslavie est particulièrement édifiant à ce sujet.

En outre, dans le cas où il sera possible d'établir cette culpabilité, cet amendement revient à donner à un établissement public le pouvoir de déclarer, par décision administrative, une personne coupable de faits criminels, et donc d'empiéter sur la compétence de la juridiction judiciaire.

Le Gouvernement est défavorable aux amendements n°s 24 et 48, qui visent à supprimer un motif d'exclusion de la protection subsidiaire, la commission d'un crime grave de droit commun, en reprenant à la lettre, pour la protection subsidiaire, le libellé de la convention de Genève s'appliquant en cas d'exclusion du statut de réfugié.

La protection subsidiaire ne doit pas être appréciée au regard des critères de la convention de Genève. La rédaction proposée dans l'amendement n° 48 s'inspire de l'asile conventionnel.

En revanche, le projet de loi doit être comparé aux dispositions actuelles, à savoir l'article 13 de la loi du 25 juillet 1952 qu'il tend à améliorer. La compétence discrétionnaire de l'Etat est remplacée par une compétence liée à des critères énoncés précisément.

Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur l'amendement n° 49.

L'amendement n° 4 améliore le texte, et le Gouvernement y est donc favorable.

S'agissant de l'amendement n° 25, je rappelle que le champ d'application de la protection subsidiaire est bien plus large que l'asile conventionnel, et qu'il répond en particulier à des menaces moins graves, moins politiques. Il n'est donc pas anormal que nous nous donnions les moyens d'en vérifier régulièrement le maintien. Le Gouvernement émet par conséquent un avis défavorable.

J'en viens à l'amendement n° 50. Il est légitime que l'Etat puisse tenir compte d'un élément nouveau porté à sa connaissance. Il est clair que l'Etat fonde son appréciation sur des éléments tangibles ayant la nature de preuves et non sur de simples présomptions. Il serait choquant de ne pas retirer le bénéfice de la protection subsidiaire à un individu qui a participé, par exemple, à un génocide. L'avis du Gouvernement est donc défavorable.

L'amendement n° 5 est plein de bon sens et efficace. Il recueille un avis favorable de la part du Gouvernement.

En revanche, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 51. Aucun renouvellement automatique n'est envisageable, s'agissant de la protection subsidiaire. Il ne serait pas raisonnable, par exemple, d'assurer le renouvellement automatique du bénéfice de la protection subsidiaire à une personne sur laquelle pèserait des soupçons sérieux quant à la commission d'un crime contre la paix, d'un crime de guerre ou d'un crime contre l'humanité.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le bénéfice de la protection peut être retiré à tout moment !

M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux, contre l'amendement n° 19.

M. Jean Chérioux. Tout à l'heure, M. Mermaz a dit très justement que personne dans cette assemblée n'est contre la sécurité. J'ajouterai qu'il n'y a personne, ici, qui ne soit pas soucieux de la défense des droits de l'homme et qui ne soit pas attaché au principe démocratique. L'ensemble de nos collègues entend assurer l'accueil et la sauvegarde des réfugiés ; encore faut-il qu'il s'agisse de vrais réfugiés. C'est le fond du problème.

M. Robert Del Picchia. Très bien !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Bon début...

M. Jean Chérioux. On fait comme s'il ne s'était rien passé depuis 1952. La convention de Genève visait à résoudre une situation particulière au lendemain de la guerre, situation dont les souvenirs sont toujours très douloureux. Les choses étaient simples, avec un bloc totalitaire dans lequel les forces de police étaient omniprésentes. Les gens essayaient de fuir ce monde, et il était donc tout à faire normal, à ce moment-là, que nous fassions le maximum pour accueillir ces réfugiés et leur donner la liberté.

Depuis, les choses ont évolué.

M. Robert Bret. Il n'y a plus de problèmes...

M. Jean Chérioux. Elles sont beaucoup plus compliquées. Il existe toujours des régimes autoritaires, il y a des massacres ethniques et des génocides locaux, mais ce sont des situations différentes justifiant un traitement autre. C'est la raison pour laquelle nous sommes amenés aujourd'hui à modifier le texte, qui n'est pas sacro-saint, concernant l'OFPRA. Des adaptations s'imposent en effet.

Par ailleurs, il ne faut pas considérer tous les demandeurs d'asile politique comme des réfugiés politiques. Moins d'un quart le sont ! La preuve en est que 85 % des demandes sont rejetées, ce rejet étant dû non à une volonté de refuser les réfugiés politiques, mais à une utilisation abusive des demandes d'asile. Je n'invente d'ailleurs rien : M. Estier, ici présent, a participé aux travaux de la mission d'information que je présidais voilà douze ans et peut donc en témoigner. Certaines personnes ont utilisé une procédure de manière abusive, car ils voulaient à tout prix - et je ne les condamne pas, leur démarche est compréhensible - entrer dans notre pays, et n'avaient pas trouvé d'autre procédure que celle-là.

Ne soyons pas angéliques et n'essayons pas de mettre en avant le fait que l'on soit bon ou mauvais. Dans cette affaire, nous nous trouvons devant une situation de fait qui est claire. Il faut s'adapter à un panorama qui a changé depuis 1952 mais aussi éviter que, par cette procédure généreuse de l'asile politique, des milliers et des milliers d'étrangers ne viennent sans papiers dans notre pays. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le groupe socialiste n'a pas déposé d'amendement de suppression de l'article 1er. Néanmoins, le cours du débat - il n'est pas vrai que nous n'ayons rien retenu des propos qui se sont tenus hier soir au cours de la discussion générale - nous amènera à voter cet amendement, et ce pour deux raisons.

En premier lieu, nous avons demandé que nous soit communiqué l'avis du Conseil d'Etat : il n'est pas secret, et le Gouvernement a le droit de le communiquer. Or, nous n'avons obtenu aucune réponse sur ce point. (Murmures sur les travées de l'UMP.)

Nous avons par ailleurs demandé que nous soit communiqué le projet de décret qui est visé à la fin du texte : non seulement notre demande n'a pas été satisfaite, mais aucune réponse ne nous a été apportée à cet égard. Cela suffirait déjà à considérer que, dans ces conditions, il est difficile d'aller dans le détail des textes.

En second lieu, au moment où vous parliez de la directive, monsieur le rapporteur, notre ami Jean-Pierre Sueur vous a interrompu pour vous rappeler que cette directive n'existe pas encore. Vous vous êtes félicité d'appliquer par avance une directive qui, peut-être, pourrait n'exister jamais. Elle le pourrait d'autant moins que, si nous tardons, le principe de la codécision sera instauré, et le Parlement européen aura enfin voix au chapitre en la matière, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Pourquoi, par conséquent, appliquer des mesures qui sont contraires à toutes nos traditions - nous l'avons dit et nous serons amenés à le redire - et qui, au lieu de renforcer le droit des réfugiés - le Conseil constitutionnel a indiqué que c'est la seule possibilité de la loi -, enserre le droit d'asile dans des limites nouvelles ?

Evidemment, des progrès sont réalisés, et il y en a un en particulier que nous avons tous noté. J'ai tardivement pris connaissance, je dois l'avouer, de l'avis de la commission consultative nationale des droits de l'homme : j'y ai retrouvé très exactement ce que j'avais éprouvé moi-même en lisant le texte du projet de loi. Ainsi, remplacer l'asile territorial par une protection subsidiaire délivrée par l'OFPRA est une bonne chose, nous le reconnaissons volontiers.

En revanche, il n'y a aucune raison d'appliquer les notions d'asile interne et de pays sûr dont M. le rapporteur nous a dit hier - nous y reviendrons - qu'elles permettraient également de refuser l'entrée sur le territoire à ceux qui arriveraient par train, avion ou bateau. Le but, en l'occurrence, est d'empêcher les gens qui le mériteraient de demander le droit d'asile. Nous ne pouvons pas l'accepter non plus. (M. Jean Chérioux s'exclame.)

C'est pourquoi, au point où nous en sommes, nous voterons l'amendement n° 19 tendant à la suppression de l'article 1er.

Art. 1er (début)
Dossier législatif : projet de loi modifiant la loi n°52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile
Art. 1er (suite)