Art. 11
Dossier législatif : projet de loi relatif au divorce
Art. 13

Article 12

I. - Après l'article 253 du même code, il est créé un paragraphe 3 intitulé : « Des mesures provisoires » qui comprend les articles 254, 255, 256 et 257.

II. - L'article 254 du même code est ainsi rédigé :

« Art 254. - Lors de l'audience prévue à l'article 252, le juge prescrit, en considération des accords éventuels des époux, les mesures nécessaires pour assurer leur existence et celle des enfants jusqu'à la date à laquelle le jugement passe en force de chose jugée. »

III. - L'article 255 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 255. - Le juge peut notamment :

« 1° Proposer aux époux une mesure de médiation et, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial pour y procéder ;

« 2° Enjoindre aux époux de rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l'objet et le déroulement de la médiation ;

« 3° Statuer sur les modalités de la résidence séparée des époux ;

« 4° Attribuer à l'un d'eux la jouissance du logement et du mobilier du ménage ou partager entre eux cette jouissance, en précisant son caractère gratuit ou non et, le cas échéant, en constatant l'accord des époux sur le montant d'une indemnité d'occupation ;

« 5° Ordonner la remise des vêtements et objets personnels ;

« 6° Fixer la pension alimentaire et la provision pour frais d'instance que l'un des époux devra verser à son conjoint, désigner celui ou ceux des époux qui devront assurer le règlement provisoire de tout ou partie des dettes ;

« 7° Accorder à l'un des époux des provisions à valoir sur ses droits dans la liquidation du régime matrimonial si la situation le rend nécessaire ;

« 8° Statuer sur l'attribution de la jouissance ou de la gestion des biens communs ou indivis autres que ceux visés au 4° du présent article, sous réserve des droits de chacun des époux dans la liquidation du régime matrimonial ;

« 9° Désigner un notaire ou un autre professionnel qualifié en vue de dresser un inventaire estimatif ou de faire des propositions quant au règlement des intérêts pécuniaires des époux ;

« 10° Désigner un notaire en vue d'élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial. »

M. le président. L'amendement n° 74, présenté par Mme Cerisier-ben Guiga, est ainsi libellé :

« Compléter le texte proposé par le II de cet article pour l'article 254 du code civil par un alinéa ainsi rédigé :

« Le juge doit rappeler aux époux les dispositions relatives à l'exercice de l'autorité parentale prévues à l'article 373-2 du code civil. »

La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. L'article 12 permet de statuer sur l'ensemble des mesures provisoires pour le couple et pour les enfants. Nous constatons avec satisfaction que le projet de loi qui nous est soumis ne remet pas en cause la loi sur l'autorité parentale, et ne traite donc pas des effets du divorce sur les enfants.

Cependant, il serait souhaitable, pour la lisibilité du texte, de préciser dans l'article 254, modifié par le projet de loi, que le juge doit rappeler aux époux les dispositions relatives à l'exercice de l'autorité parentale. Nous sommes là dans un domaine où le manque d'information et de formation des familles est évident. Il s'agit de donner réellement au juge l'occasion d'apprendre quelque chose à des parents qui, dans les circonstances où ils se trouvent, auraient tendance à laisser de côté un certain nombre de leurs responsabilités vis-à-vis des enfants. Oui, le juge a, là, un rôle à jouer : il doit réellement informer !

On ne peut pas faire figurer dans l'article 254 toutes les dispositions à l'exception de celles qui concernent les enfants, qui restent les principales victimes des divorces. Il me semble que c'est le moment de parler d'eux.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je suis très sensible aux arguments de Mme Monique Cerisier-ben Guiga, et j'ai longtemps hésité quant à l'avis à donner sur cet amendement. J'avais envisagé de proposer un avis de sagesse, mais un certain nombre d'éléments m'ont conduit à rectifier mon point de vue.

D'abord, lorsque je relis l'article 12, je constate que le juge propose, enjoint, statue, attribue, ordonne, fixe, accorde, statue, désigne,...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Invite à réfléchir !

M. Patrice Gélard, rapporteur. ... mais qu'il ne rappelle jamais. Le fait de rappeler est d'une autre nature.

Ensuite, ceux qui sont officiers d'état civil - c'est le cas de la plupart d'entre nous - ont lu, au cours des récents mariages qu'ils ont célébrés, l'article 373-2 du code civil, relatif à l'autorité parentale. Lors de chaque mariage, il est donné lecture de cet article, qui doit donc être connu.

En outre, je rappelle que nous avons une médiation.

Enfin, je souligne que ce projet de loi ne traite pas, à juste titre et de façon délibérée, de l'autorité parentale et de la garde des enfants.

Ne commençons pas à introduire dans ce texte des éléments qui nécessiteraient peut-être d'aller beaucoup plus loin et de remettre en cause la récente loi relative à l'autorité parentale. Je comprends bien l'esprit de votre amendement, qui est un peu une pétition de principe, mais j'en reviens toujours au même problème : la méconnaissance par nos concitoyens des règles de base de la vie en société. Ils ne connaissent pas le code civil, ils ne connaissent pas le mariage. Si on faisait une interrogation écrite à l'issue d'un mariage, on obtiendrait pratiquement 90 % de zéro. En effet, on n'écoute pas ce que dit l'officier d'état civil.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela change souvent !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Il serait effectivement souhaitable que nos concitoyens aient une meilleure information sur le mariage, sur le divorce et sur l'autorité parentale.

Madame Cerisier-ben Guiga, je suis donc d'accord avec vous. Cependant, ce que vous proposez ne doit pas être précisé dans cet article. Par conséquent, à moins que vous ne retiriez cet amendement, je serai malheureusement obligé d'émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Même avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 74.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)

M. le président. L'amendement n° 73, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mme M. André, M. Badinter, Mmes Cerisier-ben Guiga et Durrieu, M. Lagauche, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Compléter le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par le III de cet article pour l'article 255 du code civil par les mots : "ce dernier établit un rapport, même en cas d'échec de cette mesure, qui est remis au juge ;". »

La parole est à Mme Michèle André.

Mme Michèle André. Dans un souci de meilleure efficacité, il convient de permettre au juge de disposer d'un compte rendu de la médiation, quelle que soit l'issue de celle-ci. En effet, cela pourrait éclairer la situation des relations entre époux et ce serait une façon pertinente de lutter contre des conflits possibles après le divorce.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Madame André, je suis totalement défavorable à cet amendement pour une raison très simple : les médiateurs refusent ce genre de proposition. Ils estiment que la médiation perdrait tout son sens à partir du moment où un compte rendu de celle-ci deviendrait obligatoire. En effet, la liberté de parole qui prévaut au cours de la médiation disparaîtrait complètement et la médiation deviendrait, en fin de compte, une quasi-procédure.

Ce serait aller à l'encontre de l'objectif même de la médiation familiale que de vouloir la bureaucratiser et l'enfermer dans des rapports devant être présentés ensuite au juge. On s'éloigne de l'idée même de médiation.

C'est pourquoi, au nom de ces principes et après avoir entendu les médiateurs, ceux qui vont être intégrés dans la nouvelle profession, je suis contraint de vous dire que cet amendement va à l'encontre même de l'esprit de la médiation. Je souhaiterais donc que vous retiriez cet amendement, madame André.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je voudrais à mon tour convaincre Mme Michèle André de retirer cet amendement, qui répond à une erreur d'interprétation. Le médiateur n'est pas un expert judiciaire qui livre une analyse et qui, ainsi, apporte un élément de décision au juge.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Il écoute !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le médiateur est là pour que, devant lui, tout se dise, que les conflits éventuellement s'apaisent, que des malentendus puissent être dissipés. Faire glisser la médiation vers une forme d'expertise serait une erreur et cela aurait pour résultat une inefficacité.

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Nous n'avons pas imaginé cet amendement tout seuls ! Le magistrat chargé des affaires familiales au tribunal de grande instance de Paris, auditionné par la commission des lois - il s'agissait d'une audition publique - avait émis le voeu que le magistrat dispose, en effet, d'une espèce d'expertise, tout au moins d'un bref compte rendu lui permettant de mieux juger de la situation, quelle que soit l'issue de la médiation. Il avait fait référence aux pratiques d'autres pays, la Grande-Bretagne, par exemple, dans lesquels ce type d'intervention est habituel.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je crois qu'il y a un contresens sur les propos qu'a tenus ce magistrat. Il a effectivement dit ce que vous avez rappelé, madame Cerisier-ben Guiga. Il n'y a pas de remontée de l'information de la médiation, mais dans l'esprit de la médiation à la française les médiateurs ne sont pas des agents au service du juge des affaires familiales, ce n'est pas leur travail. La France ne dispose pas d'un système de type britannique dans lequel des experts sont désignés par le juge pour jouer ce rôle de médiateur. Ce sont non plus des médiateurs, mais des assistants du juge.

Il serait possible d'envisager une procédure dans laquelle le juge des affaires familiales aurait des assistants qui seraient chargés de le dégager des audiences qu'il n'a pas le temps de consacrer aux personnes qui divorcent. Mais ce n'est pas cela, la médiation ! Un médiateur écoute les deux parties, est là pour les entendre, a du temps pour cela et, petit à petit, les oriente sur un certain nombre de points. Les médiateurs ne sont pas des auxiliaires du juge des affaires familiales. Vouloir les transformer en auxiliaires du juge des affaires familiales revient à transformer complètement la médiation, telle qu'elle est conçue à l'heure actuelle.

Je crains que votre amendement n'aboutisse tout simplement à dénaturer et à désavouer la médiation familiale.

La médiation familiale intervient justement en dehors du juge. Le médiateur est là pour entendre les parties, pour être à leur disposition, pour leur donner quelques conseils, mais il ne statue pas, n'impose pas, n'arbitre pas. Vouloir transformer la médiation familiale en autre chose, c'est possible, je ne suis pas contre a priori, mais ce n'est pas la voie dans laquelle nous nous sommes engagés à l'heure actuelle.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je voudrais donner mon avis personnel sur cette question et sur cet amendement. Je dois dire que, à contre-courant, je n'ai jamais été pour la médiation en matière de justice. Et dans ce cas moins que jamais. Certes, les médiateurs peuvent être en effet des psychothérapeutes.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Voilà !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais ne consultent un psychothérapeute que ceux qui le veulent. Or, en l'occurrence, cela peut être obligatoire. Cela coûte cher. La somme de mille euros est évoquée dans le rapport de la commission. Je ne sais pas qui va payer. Ce coût va évidemment s'ajouter à celui de l'avocat. A quoi cela sert-il, sinon à remplir le rôle qui est, non pas celui du juge parce qu'il n'en a pas le temps, mais celui des avocats qui doivent précisément chercher à rapprocher les points de vue ? Tel a toujours été mon avis personnel. Je le maintiens.

Cependant, j'imagine tout de même qu'il sera intéressant, si une médiation est imposée, que le juge soit informé de ce qui s'est passé afin d'en tenir compte lorsqu'il aura à prendre des décisions. Peu importe que ce compte rendu ne soit pas écrit, mais le moins que l'on puisse espérer, c'est que le juge soit informé des raisons pour lesquelles la médiation n'a pas abouti.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Ce n'est pas la médiation !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Voilà ce que je voulais dire. Vous en tirerez les conséquences que vous voudrez.

M. le président. La parole est à Mme Michèle André, pour explication de vote.

Mme Michèle André. On s'aperçoit bien en discutant de cette question des médiateurs combien l'idée est encore neuve chez nous. Pour avoir observé les pratiques dans d'autre pays, il y a quelque dix ou quinze ans, constaté que ces personnes qui travaillaient beaucoup plus avec la justice, avec les juges, n'étaient pas des personnes si éloignées, je me rends compte que l'on a en France encore beaucoup de chemin à faire.

Cet amendement a donc pour objet d'affirmer que le retour d'information du médiateur avec les parties peut être utile et doit être connu pour éviter que ne se créent d'autres types de conflits, une parole étant dite et entendue ici et une autre ailleurs. On sait bien que le langage est en lui-même source de malentendus. Il faut éviter que ceux qui ont à travailler avec ignorent pourquoi les choses se sont passées ainsi.

Que cela soit écrit ne me gêne pas. Nous sommes tout de même dans un pays de tradition écrite, le travail effectué au bénéfice de la collectivité peut donner lieu à écrit. M. le rapporteur est contre cette proposition. Pour ce qui me concerne, je pense qu'elle doit être creusée, qu'elle a du bon. C'est pourquoi nous la maintenons.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 73.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 36 rectifié, présenté par Mme Desmarescaux, MM. Darniche, Seillier et Türk, est ainsi libellé :

« Après le sixième alinéa (5°) du texte proposé par le III de cet article pour l'article 255 du code civil, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Imposer aux époux la production d'une déclaration certifiant sur l'honneur leurs ressources, revenus, patrimoine et condition de vie. »

La parole est Mme Sylvie Desmarescaux.

Mme Sylvie Desmarescaux. Cet amendement, qui me paraît très important, permet au juge, s'il l'estime nécessaire, de demander aux époux de produire une déclaration sur l'honneur concernant leurs ressources, revenus, patrimoine et leur condition de vie, dans le cadre des mesures provisoires qu'il prescrit.

Cette mesure concernerait aussi bien l'époux demandeur que l'époux défendeur et permettrait au juge d'éclairer sa prise de décision. J'espère que la commission voudra bien émettre un avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Ma chère collègue, j'ai là aussi hésité, mais je suis malheureusement obligé de donner un avis défavorable. Bien sûr, il peut être utile au juge de disposer d'éléments sur le patrimoine des époux, mais cette disposition est déjà prévue à l'article 271 du code civil pour la fixation de la prestation compensatoire. En outre, le juge peut mandater un notaire ou un professionnel qualifié pour faire un inventaire qui sera nettement plus fiable qu'une simple déclaration sur l'honneur de l'un ou l'autre des époux.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Madame Desmarescaux, l'amendement n° 36 rectifié est-il maintenu ?

Mme Sylvie Desmarescaux. Non, monsieur le président, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 36 rectifié est retiré.

L'amendement n° 37 rectifié, présenté par Mme Desmarescaux, MM. Darniche, Seillier et Türk, est ainsi libellé :

« Dans l'antépénultième alinéa (8°) du texte proposé par le III de cet article pour l'article 255 du code civil, après les mots : "attribution de la jouissance," insérer les mots : "des biens communs, indivis ou propres, à titre gratuit ou non,". »

La parole est à Mme Sylvie Desmarescaux.

Mme Sylvie Desmarescaux. Dans l'antépénultième alinéa (8°) du texte proposé par le III de cet article, après les mots « attribution de la jouissance », puis-je souhaiter que l'on insère les mots « des biens communs indivis ou propres, à titre gratuit ou non » ?

En effet, le juge doit préciser s'il accorde la jouissance d'un bien à titre gratuit ou non, et ce afin d'éviter les contentieux ultérieurs. De plus, concernant la jouissance des biens, il convient d'ajouter aux biens communs et indivis, les biens propres d'un époux. Je prendrai un exemple. Parfois, l'un des époux utilise, dans le cadre de son activité professionnelle, par exemple, le bien propre de son conjoint ou de sa conjointe : un local ou simplement une voiture. Le juge doit pouvoir statuer sur le sort de ce bien.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. J'émets, là encore, un avis défavorable, même si j'ai beaucoup de sympathie et la plus grande admiration pour Mme Desmarescaux.

En effet, le projet de loi prévoit déjà que le juge peut statuer sur la jouissance à titre gratuit ou non du logement, ainsi que sur les biens communs et indivis. A ce stade de la procédure, il ne paraît pas souhaitable d'aller au-delà et de lui permettre de statuer sur les biens propres, cela apparaissant prématuré et devant intervenir au moment de la liquidation du régime matrimonial, et non avant.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je partage le point de vue de M. le rapporteur. Ce serait aller très loin que de donner ainsi au juge conciliateur la possibilité de trancher sur les biens propres de l'autre conjoint. Il y a là un petit problème quant au droit de propriété. Je pense que cela ne peut intervenir qu'au moment de la liquidation.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ai écouté avec attention ce qui vient d'être dit. Comme l'a précisé M. le rapporteur, le juge peut effectivement attribuer à l'un des époux la jouissance du logement et du mobilier du ménage, en précisant son caractère gratuit ou non. Cependant, je ne vois strictement rien sur les biens communs et indivis.

M. Jean-Jacques Hyest. Et le 8° ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le 8° concerne l'attribution de la jouissance ou de la gestion des biens communs ou indivis, en effet. Il faudrait donc rectifier l'amendement en ajoutant les mots « ou propres, à titre gratuit ou non, ».

M. Jean-Jacques Hyest. C'est ce qu'a fait Mme Desmarescaux !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Sous réserve de cette précision, les explications qui viennent d'être données me paraissent tout à fait fondées. On n'en est pas à la liquidation, on est au départ de la procédure. L'exemple qui a été cité est pertinent : la voiture dont le mari se servirait à titre professionnel peut appartenir à l'épouse. Il n'y a donc pas de raison que, provisoirement, le juge ne décide pas que le mari pourra jouir de ce véhicule, par exemple en échange de telle somme. Je voterai cet amendement.

M. le président. Madame Desmarescaux, maintenez-vous cet amendement ?

Mme Sylvie Desmarescaux. Je le maintiens, monsieur le président. J'ai dit tout à l'heure que je n'étais pas une juriste. Je suis en effet loin de posséder les compétences de mes collègues. Je me sens toute petite ici.

M. Jean-Jacques Hyest. Il ne faut pas ! Il n'y a pas de juristes ou de non-juristes !

M. le président. Personne ici n'a à se considérer comme petit !

Mme Sylvie Desmarescaux. Dans le cas d'un divorce, si un époux utilise le bien propre de son conjoint, pourquoi cela ne peut-il pas être précisé ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Absolument !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37 rectifié.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)

M. le président. L'amendement n° 75, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mme M. André, M. Badinter, Mmes Cerisier-ben Guiga et Durrieu, M. Lagauche, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Dans l'avant-dernier alinéa (9°) du texte proposé par le III de cet article pour l'article 255 du code civil, supprimer les mots : "notaire ou un autre". »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vraiment, il faut avoir l'âme chevillée au corps pour continuer à débattre des amendements : il n'y a plus de débat et, s'il n'y a plus de débat, c'est parce qu'il reste, sur les travées de la majorité, j'allais dire trois, mais, pour l'instant, deux membres de la commission des lois, en revanche, dans l'opposition, j'en vois un, deux, trois, quatre, cinq. Quant aux autres sénateurs de la majorité, s'ils sont là, c'est parce qu'ils ont été requis, qu'ils me permettent de le dire ! (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. Patrice Gélard, rapporteur. On n'a pas le droit de dire cela !

M. Jean-Jacques Hyest. Et la présidente de la délégation aux droits des femmes ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne parle pas de Mme Gautier, bien entendu.

M. Jean-Jacques Hyest. Et Madame Rozier, dont le rapport est, de surcroît, excellent ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais évidemment, je ne parle pas des auteurs de rapport ! Non ! Je parle de quelques-uns de nos collègues qui, précisément, ont fait la balance dans le vote qui vient d'intervenir. D'ailleurs, même les amendements qui s'imposent à l'évidence ne sont pas adoptés parce que le groupe de travail réuni par M. le garde des sceaux - ce qui était son droit le plus strict - a décidé de ne pas les retenir.

En plus, l'urgence est déclarée sur ce texte ! On imagine ce que cela va donner à l'Assemblée nationale où, nous a-t-on dit, le rapporteur devrait être encore plus sévère...

M. Robert Bret. Il peut y avoir un vote conforme !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... que le nôtre. D'ailleurs j'ignore - mais il serait intéressant qu'on nous le dise - si le rapporteur qui sera désigné à l'Assemblée nationale faisait ou non partie de ce groupe de travail.

M. Robert Bret. Il y aura un vote conforme !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais je vais tout de même essayer de défendre l'amendement n° 75 pour ceux de nos collègues qui ont bien voulu nous accompagner tout au long de cette soirée.

Le 9° du texte proposé pour le III de l'article 255 du code civil prévoit que le juge peut désigner, en vue de dresser un inventaire estimatif ou de faire des propositions quant au règlement des intérêts pécuniaires des époux, « un notaire ou un autre professionnel qualifié ».

S'il s'agit, par exemple, d'estimer un bâtiment, cela peut être un architecte ; s'il s'agit de biens fonciers, cela peut être un expert agricole. Bref, cela peut être n'importe quel professionnel - un ancien magistrat, par exemple - du moment qu'il est qualifié. Pourquoi faut-il alors que, par ce 9°, on privilégie une profession - celle de notaire - parmi toutes celles qui sont possibles ? Je n'ai rien contre les notaires et je trouve même tout à fait normal que le 10° du même article dispose que le juge peut désigner un notaire en vue d'élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial, car cette tâche incombe au notaire, et à lui seul. En revanche, la profession de notaire n'a pas plus de raison qu'une autre de figurer dans la rédaction du 9°.

Cet amendement tend donc à supprimer les mots « un notaire ou un autre ». C'est clair, c'est net, et cela ne paraît pas poser de problème. Or, même là, nous n'avons pas obtenu l'approbation de M. le rapporteur, en commission. Si le Sénat voulait bien nous suivre en adoptant cet amendement, il démontrerait l'intérêt qu'il prend dans son entier à ce débat.

M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, je voudrais vous rappeler que, en séance publique, quelle que soit la commission dans laquelle siègent les uns et les autres, chacun s'exprime à égalité !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Heureusement !

M. le président. Je ne vois pas en quoi vous pouvez déduire de la situation l'absence de débat. Au contraire, chacun a pu s'exprimer en toute liberté. Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, ce que je déplore, ce n'est pas la présence d'autres collègues !

M. Robert Del Picchia. Mais si, c'est ce que vous avez dit !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Alors, je me suis mal exprimé, monsieur Del Picchia ! Au contraire, je me suis toujours opposé, et vous le savez, monsieur le président, à ceux qui prétendent donner de plus amples pouvoirs aux commission, pour l'adoption de textes législatifs. J'estime, en effet, que n'importe quel sénateur, quelle que soit la commission à laquelle il appartient, a parfaitement le droit de s'exprimer sur n'importe quel texte. Ce que je regrette, ce soir, c'est que nous ne soyons pas assez nombreux à nous exprimer. Je déplore surtout l'absence de plusieurs membres de la commission des lois qui auraient dû être présents ce soir, puisqu'ils ont suivi les travaux de la commission.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Monsieur le président, les absents ont de bonnes raisons de ne pas être des nôtres ce soir. Si nous n'étions pas surchargés de travail, nous devrions être en congés parlementaires. Chacun le sait, cette semaine est traditionnellement consacrée aux voeux, dans toutes nos communes, dans tous nos départements, dans toutes nos régions, et il faut en tenir compte.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Oui !

M. Patrice Gélard, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 75, la commission a émis un avis défavorable parce qu'il est toujours possible de désigner un professionnel qualifié autre qu'un notaire. Cela étant, le notaire est la personne qui s'impose normalement et il n'y a pas de raison de stigmatiser une profession qui a précisément dans ses attributions cette mission de service public.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas vrai !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Si !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Robert Del Picchia, pour explication de vote.

M. Robert Del Picchia. J'aimerais, en fait, répondre à M. Dreyfus-Schmidt. Je suis heureux que vous soyez revenu sur vos premiers propos, mon cher collègue, car j'aurais vraiment été furieux que vous distinguiez, dans cet hémicycle, les sénateurs de la commission et les autres. Nous avons tous un même mandat sénatorial, un même mandat de la République, nous l'exerçons, et notre présence ici est tout à fait légitime !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Absolument !

M. Robert Del Picchia. Sinon, tout se déciderait en commission et il n'y aurait plus de séance publique. Il nous faudrait alors avoir modifié la Constitution et le règlement du Sénat.

M. le président. Dont acte !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je souhaite, au contraire, que beaucoup de sénateurs s'expriment en séance publique !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 75.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 38 rectifié, présenté par Mme Desmarescaux, MM. Darniche, Seillier et Türk, est ainsi libellé :

« Dans le dernier alinéa (10°) du texte proposé par le III de cet article pour l'article 255 du code civil, après les mots : "un notaire", insérer les mots : "ou un autre professionnel qualifié". »

M. Patrice Gélard, rapporteur. C'est le même amendement !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non !

M. Bernard Frimat. Cela ne concerne pas le même alinéa !

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Desmarescaux, pour présenter l'amendement n° 38 rectifié.

Mme Sylvie Desmarescaux. Bien que ne faisant pas partie de la commission des lois, je vais quand même m'exprimer sur un amendement qui, en effet, ne s'inscrit pas dans le même alinéa que le précédent.

Comme l'a dit notre collègue, le texte proposé pour l'article 255 (9°) prévoit la possibilité pour le juge de désigner un « autre professionnel qualifié en vue de dresser un inventaire estimatif ou de faire des propositions quant au règlement des intérêts pécuniaires des époux ». Je comprends donc difficilement que cet « autre professionnel qualifié » n'ait pas été mentionné dans le cadre de l'article 255 (10°) concernant l'élaboration d'un projet de liquidation du régime matrimonial.

De plus, dans le cadre des divorces consensuels, les avocats sont amenés à liquider le régime matrimonial des époux lorsque ceux-ci ne possèdent pas d'immeuble.

Dans l'esprit des rédacteurs de l'actuel projet de loi, ne serait-il pas possible d'étendre cette possibilité à toutes les autres procédures ? Bien évidemment, leur coût et leur durée s'en verraient, par là même, limités, puisque l'intervention du notaire ne serait plus obligatoire dans tous les cas. Il resterait bien évidemment au juge le soin de désigner celui qu'il estimerait le plus à même de remplir cette tâche.

En outre, par cette disposition, il est pris acte de la volonté du Gouvernement, qui introduit à l'article 1450, alinéa 2, du code civil, des dispositions selon lesquelles « lorsque la liquidation porte sur des biens soumis à la publicité foncière, la convention doit être passée par acte notarié ». A contrario, la liquidation portant sur des biens non soumis à publicité foncière ne nécessite pas l'intervention du notaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je suis un peu gêné, car cet amendement sous-entend l'intervention d'un lobby. Qui est cet « autre professionnel qualifié » ? Traduisons : c'est un avocat. Or, je suis désolé de devoir le préciser, mais celui qui est chargé de la liquidation d'un régime matrimonial,...

M. Jean-Jacques Hyest. C'est le notaire !

M. Patrice Gélard, rapporteur. ... c'est le notaire, et pas l'avocat, ni le commissaire-priseur, ni un autre expert.

Je comprends très bien les motivations de l'auteur de cet amendement, mais je ne peux pas aller dans ce sens. J'émets donc, au nom de la commission, un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Tout à l'heure, nous en étions au stade de la conciliation, et il s'agissait de faire l'inventaire d'un patrimoine. Dans ce cas, effectivement, cela peut être un notaire, un huissier, un commissaire-priseur, ou tout autre expert. Ici, la situation est différente : il s'agit de liquider le régime matrimonial, opération d'une grande technicité, qui peut être l'occasion d'erreurs considérables. Il faut donc maintenir, dans ce cas-là, l'intervention du notaire.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est pourquoi vous étiez favorable à mon amendement, tout à l'heure ! (Sourires.)

M. le président. Madame Desmarescaux, l'amendement est-il maintenu ?

Mme Sylvie Desmarescaux. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 38 rectifié est retiré.

L'amendement n° 6, présenté par M. Gélard, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Compléter le dernier alinéa (10°) du texte proposé par le III de cet article pour l'article 255 du code civil, par les mots : "et de formation des lots à partager". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Cet amendement tend à prévoir que le notaire désigné peut faire des propositions de composition de lots en vue du partage. Il ne procéderait pas effectivement au partage, qui consisterait à faire des propositions d'affectation des lots.

Cela doit inciter les parties à trouver des accords en amont et permettre au juge, par la connaissance des lots, de fixer de manière plus précise et plus pertinente le montant et les modalités de la prestation compensatoire.

Cet amendement vise vraiment à clarifier la mission du notaire et à éviter que ce dernier ne décide de tout. N'oublions pas que la procédure est placée sous le contrôle du juge.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. En fait, monsieur le président, je souhaite déposer un sous-amendement.

J'entends régulièrement M. le rapporteur, chaque fois qu'il expose cet amendement, reprendre la même formule : « donner au notaire la possibilité de faire des propositions de composition de lots », à partager, cela va de soi.

Je propose donc que l'on ajoute entre le mot « et » et le mot « de » les mots : « des propositions ». Ainsi, ce sera plus clair : on ne lui demande pas de former des lots, on lui demande de faire des propositions de composition de lots à partager.

J'ai le sentiment de traduire très exactement la pensée de M. le rapporteur, car je reprends son expression constante lorsqu'il nous expose cet amendement.

M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 132, présenté par M. Dreyfus-Schmidt et ainsi libellé :

« Dans le texte de l'amendement n° 6, après le mot : "et", insérer les mots : "des propositions". »

Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Ce sous-amendement n'apporte rien de plus, puisque le notaire est désigné en vue d'élaborer un projet de liquidation, et qu'il le fait à partir de lots.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.

M. le président. Le sous-amendement n° 132 est-il maintenu, monsieur Dreyfus-Schmidt ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non seulement je le maintiens, mais je voudrais l'expliquer encore.

Un projet de liquidation comprend des propositions concrètes ; les propositions de lots, elles, sont à tirer au sort.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Mais non !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous demandons donc au notaire, non pas de former des projets de lots pour que celui-ci soit proposé à celui-là, et celui-là à l'autre : il s'agit de proposition de lots.

Encore une fois, j'ai entendu en commission, et, ici même, M. le rapporteur dire qu'il voulait donner au notaire la possibilité de faire des propositions de lots. Je reprends très exactement ses termes, et qu'il ne me dise pas que cela ne change rien !

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 132.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 93 rectifié bis, présenté par Mmes Rozier, Bout et Brisepierre, MM. Del Picchia, Doligé et Gournac, Mmes Henneron et Desmarescaux, M. Moinard, Mmes Payet et Gautier, est ainsi libellé :

« Compléter le dernier alinéa (10°) du texte proposé par le III de cet article pour l'article 255 du code civil par le membre de phrase suivant : "; cette désignation est de droit si l'un des époux en fait la demande". »

La parole est à Mme Rozier.

Mme Janine Rozier. Cet amendement s'explique par son texte même, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Cet amendement tend à prévoir que, si l'un des époux en fait la demande, le juge doit désigner un notaire afin de faire un projet de liquidation. Or le juge a d'ores et déjà cette possibilité.

J'ajoute que cette disposition pourrait malheureusement être utilisée de manière dilatoire par un époux, alors même que la liquidation du régime matrimonial ne soulèverait aucune difficulté. La désignation d'un notaire pourrait donc aboutir à retarder la procédure.

Je comprends très bien les raisons de cette proposition, mais elle est dangereuse et risque d'aboutir à l'effet exactement inverse de celui qui est recherché par les auteurs de l'amendement. La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. M. le rapporteur a eu l'argument décisif, à mes yeux. Je crains, en effet, que cette proposition, qui est intéressante au premier abord, ne comporte ce risque d'allonger la procédure. C'est la raison pour laquelle, malgré l'intérêt de l'amendement, j'y suis défavorable.

M. le président. Madame Rozier, maintenez-vous votre amendement ?

Mme Janine Rozier. Non, monsieur le président, je me range à la sagesse de M. Gélard et de M. le garde des sceaux.

M. le président. L'amendement n° 93 rectifié bis est retiré.

L'amendement n° 76, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mme M. André, M. Badinter, Mmes Cerisier-ben Guiga et Durrieu, M. Lagauche, Mme Pourtaud et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Compléter le texte proposé par le III de cet article pour l'article 255 du code civil par un alinéa ainsi rédigé :

« ... Demander aux époux de présenter les titres de propriété immobilière accompagnés de l'état hypothécaire. »

Le parole est à Mme Michèle André.

Mme Michèle André. Cet amendement vise à prévenir des situations inextricables. Vous vous en souvenez, nous avons, durant les auditions relatives à ce projet de loi, entendu Me Sacaze nous narrer l'histoire d'une femme de soixante-treize ans qui a été expulsée de l'immeuble qu'elle avait reçu dans le cadre d'une procédure de divorce, parce que son conjoint de l'époque avait oublié de rappeler qu'une hypothèque grevait le bien donné. Les mauvaises affaires de ce dernier ont entraîné par ricochet l'expulsion de cette femme.

Pour éviter que ne se reproduise une telle situation, inadmissible, et protéger le patrimoine donné, il est préférable que chaque époux puisse fournir un état hypothécaire de tous les biens immobiliers.

Il s'agit donc d'un amendement visant à prévenir toute manipulation, et peut-être tout règlement de comptes post-conjugal !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je comprends très bien cette préoccupation, et j'ai entendu comme vous Me Sacaze nous relater cette affaire dramatique.

Cependant, je crains que votre amendement ne soit mal placé dans le texte. Votre disposition ne devrait intervenir que lors de la liquidation du régime matrimonial, et non pas, de manière prématurée, au stade des mesures provisoires.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je voudrais rappeler très exactement ce qu'a dit Me Sacaze, que M. le rapporteur avait choisi de faire entendre par la commission : « Reste aussi le problème de publicité foncière. Je voudrais vous donner l'exemple de l'une de mes clientes, divorcée par consentement mutuel. Dans le cadre du partage effectué, le mari abandonne à sa femme, avec laquelle il a été marié trente-cinq ans, sa part dans un immeuble locatif. L'immeuble comprend deux appartements au premier étage et des magasins au rez-de-chaussée. L'épouse, qui n'avait jamais eu d'activité salariée, avait donc un capital qui lui rapportait des ressources mensuelles. Cinq ans après le divorce, elle reçoit la visite d'un expert chargé d'évaluer son immeuble. Elle se rend compte que son ancien mari a fait de mauvaises affaires et qu'il a été condamné par le tribunal de commerce à payer des emprunts à la banque. La banque avait constitué une hypothèque un mois avant le prononcé du divorce sur cet immeuble. »

Ensuite, la question suivante lui a été posée : « N'y a-t-il pas une responsabilité de l'avocat, ce dernier n'ayant pas vérifié l'état hypothécaire de l'immeuble ? »

Réponse : « Tout à fait. J'ai d'ailleurs assigné les professionnels en justice. Mais ce n'est pas une solution cohérente. »

Autre question : « La production d'un état hypothécaire ne peut-elle pas être rendue obligatoire par voie réglementaire, par exemple au moment de la production de la requête ? »

Réponse : « Je n'ai jamais omis de demander la publicité de l'état hypothécaire et j'exige du notaire qu'il soit adjoint à l'acte. Mais ce serait très positif que ce soit obligatoire. »

Il n'est pas dit dans notre amendement à quel moment les époux devraient présenter les titres de propriété immobilière, il y est simplement indiqué que le juge peut leur demander de présenter ces titres de propriété accompagnés de l'état hypothécaire.

Il peut décider que c'est dans l'immédiat, à l'occasion d'une future comparution, lors d'une autre séance, si le partage est compris dans la convention qui lui est soumise.

Je ne comprends absolument pas la position de M. le rapporteur et de M. le garde des sceaux : il y a tout intérêt à ce que le juge ait la possibilité de faire cette demande, d'autant qu'il peut préciser le moment où elle doit être satisfaite. Il serait bien dommage que cela ne figure pas dans la loi.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 76.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 12, modifié.

(L'article 12 est adopté.)