sommaire

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

1. Procès-verbal

2. Décès d'un ancien sénateur

3. Dépôt d'un rapport du Gouvernement

4. Questions orales

calcul du potentiel fiscal des communes membres d'une communauté d'agglomération

Question de M. Louis Souvet. - MM. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur ; Louis Souvet.

moyens à la disposition de la sécurité

Question de M. André Vallet. - MM. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur ; André Vallet.

éligibilité au fonds de compensation de la tva

Question de M. Claude Biwer. - MM. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire ; Claude Biwer.

conditions de vente des téléviseurs

Question de M. André Rouvière. - MM. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire ; André Rouvière.

redevance d'archéologie préventive

Question de M. Michel Doublet. - MM. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication ; Michel Doublet.

calcul de la redevance d'archéologie préventive

Question de M. Aymeri de Montesquiou. - MM. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication ; Aymeri de Montesquiou.

mise en oeuvre du statut de société européenne

Question de M. Jean-Guy Branger. - MM. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères ; Jean-Guy Branger.

moyens du centre de traitement des documents sécurisés

Question de Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères ; Mme Monique Cerisier-ben Guiga.

coût du traitement des eaux pour les petites communes rurales

Question de M. Bernard Fournier. - Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées ; M. Bernard Fournier.

situation des médecins du travail du personnel hospitalier

Question de M. Jean-Patrick Courtois. - Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées ; M. Jean-Patrick Courtois.

inquiétudes des familles d'enfants lourdement handicapés

Question de M. Philippe Nogrix. - Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées ; M. Philippe Nogrix.

manque d'équipements pour la prise en charge des personnes handicapées

Question de Mme Marie-Claude Beaudeau. - Mmes Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées ; Marie-Claude Beaudeau.

structures d'accueil des handicapés dans l'hérault

Question de M. Gérard Delfau. - Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées ; M. Gérard Delfau.

aide au logement temporaire

Question de M. Francis Grignon. - MM. Marc-Philippe Daubresse, secrétaire d'Etat au logement ; Francis Grignon.

fonctionnement des instituts universitaires professionnalisés

Question de M. Daniel Raoul. - MM. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ; Daniel Raoul,

dotations accordées à l'université de la réunion

Question de Mme Anne-Marie Payet. - M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche ; Mme Anne-Marie Payet.

avenir de l'école supérieure du paysage de versailles

Question de M. Charles Gautier. - MM. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales ; Charles Gautier.

avenir des maisons familiales rurales

Question de M. Bernard Joly. - MM. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales ; Bernard Joly.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

5. Eloge funèbre de Michel Pelchat, sénateur de l'Essonne

MM. le président, Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement.

Suspension et reprise de la séance

6. Communications électroniques . - Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Discussion générale : MM. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie ; Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication.

PRÉSIDENCE DE M. Bernard Angels

MM. Pierre Hérisson, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Bruno Sido, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Louis de Broissia, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles ; Pierre-Yvon Trémel, Philippe Nogrix, René Trégouët, Ivan Renar, Pierre Laffitte.

7. Candidatures à une commission mixte paritaire

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Daniel Hoeffel

8. Saisine du Conseil constitutionnel

9. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire

10. Communications électroniques . - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Discussion générale : Mmes Danièle Pourtaud, Anne-Marie Payet, M. Henri Weber.

MM. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie ; Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication.

Clôture de la discussion générale.

MM. Pierre Hérisson, rapporteur de la commission des affaires économiques ; le président.

Suspension et reprise de la séance

Question préalable

Motion no 302 de Mme Marie-France Beaufils. - Mme Marie-France Beaufils, MM. Bruno Sido, rapporteur de la commission des affaires économiques ; le ministre délégué. - Rejet par scrutin public.

Article 1er

Amendement no 1 de la commission. - MM. Pierre Hérisson, rapporteur ; le ministre délégué. - Adoption.

Amendement no 2 de la commission. - MM. Pierre Hérisson, rapporteur ; le ministre délégué. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 2

Amendement no 303 du Gouvernement. - MM. le ministre délégué, Pierre Hérisson, rapporteur. - Adoption.

Amendement no 114 de M. Philippe Nogrix. - MM. Philippe Nogrix, Pierre Hérisson, rapporteur ; le ministre délégué, Jean Pépin. - Rejet.

Amendement no 282 de M. René Trégouët. - MM. René Trégouët, Pierre Hérisson, rapporteur ; le ministre délégué. - Retrait.

Amendement no 3 de la commission. - MM. Pierre Hérisson, rapporteur ; le ministre délégué. - Adoption.

Amendement no 4 de la commission. - MM. Pierre Hérisson, rapporteur ; le ministre délégué. - Adoption.

Amendement no 5 de la commission. - MM. Pierre Hérisson, rapporteur ; le ministre délégué. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 3

Amendement no 281 rectifié de M. René Trégouët. - MM. René Trégouët, Pierre Hérisson, rapporteur ; le ministre délégué. - Retrait.

Amendements identiques nos 6 de la commission et 289 de M. René Trégouët. - MM. Pierre Hérisson, rapporteur ; René Trégouët, le ministre délégué. - Adoption des deux amendements.

Amendement no 115 de M. Philippe Nogrix. - MM. Philippe Nogrix, Pierre Hérisson, rapporteur ; le ministre délégué, Ivan Renar, Jean Pépin, Philippe Richert. - Retrait.

Amendement no 283 de M. René Trégouët. - MM. René Trégouët, Pierre Hérisson, rapporteur ; le ministre délégué. - Retrait.

Amendements nos 144 rectifié de M. Pierre-Yvon Trémel et 284 de M. René Trégouët. - MM. Pierre-Yvon Trémel, René Trégouët, Pierre Hérisson, rapporteur ; le ministre délégué, Mme Marie-France Beaufils. - Rejet de l'amendement no 144 rectifié ; adoption de l'amendement no 284.

Amendement no 285 de M. René Trégouët. - MM. René Trégouët, Pierre Hérisson, rapporteur ; le ministre délégué. - Retrait.

Amendement no 286 de M. René Trégouët. - MM. René Trégouët, Pierre Hérisson, rapporteur ; le ministre délégué. - Retrait.

Adoption de l'article modifié.

Article 4

Amendement no 7 de la commission. - MM. Pierre Hérisson, rapporteur ; le ministre délégué. - Adoption.

Amendement no 8 de la commission. - MM. Pierre Hérisson, rapporteur ; le ministre délégué. - Retrait.

Amendements identiques nos 113 de M. Philippe Nogrix et 257 de M. René Trégouët. - MM. Philippe Nogrix, René Trégouët, Pierre Hérisson, rapporteur ; le ministre délégué. - Retrait des deux amendements.

Adoption de l'article modifié.

Article 5. - Adoption

Article 6

Amendements nos 202, 203 de Mme Marie-France Beaufils, 9 e la commission, 146 de M. Daniel Raoul et 145 de M. Pierre-Yvon Trémel. - Mme Marie-France Beaufils, MM. Pierre Hérisson, rapporteur ; Daniel Raoul, Pierre-Yvon Trémel, le ministre délégué. - Retrait des amendements nos 146 et 145 ; rejet des amendements nos 202 et 203 ; adoption de l'amendement no 9.

Adoption de l'article modifié.

Articles 7 et 8 . - Adoption

Article 9

Amendements nos 10 et 11 de la commission. - MM. Pierre Hérisson, rapporteur ; le ministre délégué. - Adoption des deux amendements.

Amendement no 12 rectifié de la commission. - MM. Pierre Hérisson, rapporteur ; le ministre délégué. - Adoption

Adoption de l'article modifié.

Article 10

Amendement no 13 de la commission. - MM. Pierre Hérisson, rapporteur ; le ministre délégué. - Adoption.

Amendements nos 116 de M. Philippe Nogrix et 14 de la commission. - MM. Philippe Nogrix, Pierre Hérisson, rapporteur ; le ministre délégué. - Retrait de l'amendement no 116 ; adoption de l'amendement no 14.

Amendement no 147 de M. Pierre-Yvon Trémel. - MM. Pierre-Yvon Trémel, Pierre Hérisson, rapporteur ; le ministre délégué, Philippe Nogrix. - Adoption

Adoption de l'article modifié.

Renvoi de la suite de la discussion.

11. Dépôt d'une proposition de loi

12. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

13. Dépôt d'un rapport d'information

14. Dépôt d'un avis

15. Ordre du jour

compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

décès d'un ancien sénateur

M. le président. J'ai le regret de faire part au Sénat du décès de notre ancien collègue Robert Guillaume, qui fut sénateur de la Nièvre de 1977 à 1992.

3

Dépôt d'un rapport du Gouvernement

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport annuel de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale pour 2003-2004, établi en application de l'article L. 144-1 du code de l'action sociale et des familles.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

4

Questions orales

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

Calcul du potentiel fiscal des communes membres d'une communauté d'agglomération

M. le président. La parole est à M. Louis Souvet, auteur de la question n° 441, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. Louis Souvet. Monsieur le ministre, ma question ne sera pas simple à exposer. J'en suis navré, mais elle est complexe et porte sur la technique financière.

Par une question écrite déposée le 11 juillet 2002, j'avais précédemment soulevé le problème de l'inclusion, dans le calcul du potentiel fiscal d'une commune membre d'une communauté d'agglomération, des gains de base de taxe professionnelle survenus depuis le passage au régime de la taxe professionnelle unique, la TPU.

En effet, cette situation peut pénaliser certaines communes qui se retrouvent, par exemple, exclues du bénéfice de la dotation globale d'équipement du fait d'une augmentation de leur potentiel fiscal imputable à la simple croissance des bases de taxe professionnelle, alors même qu'elles ne perçoivent en contrepartie de ladite taxe qu'une compensation d'un montant cristallisé à son niveau de l'année précédant le passage à la TPU, c'est-à-dire 1989.

Cet accroissement du potentiel fiscal d'une commune ne traduisant pas une capacité d'enrichissement réelle susceptible d'alimenter son budget porte en outre atteinte à d'autres ressources dans le calcul desquelles le même potentiel fiscal intervient : la dotation nationale de péréquation, la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale, voire les dotations redistribuées par d'autres collectivités analysant elles aussi la richesse des communes à l'aune de leur potentiel fiscal.

La réponse qui m'avait été faite évoquait notamment une possible évolution de ce dispositif dans le cadre de la concertation alors prévue en vue de la réforme des finances locales de 2003. A défaut d'une telle évolution, le mode de calcul maintient une forme de surévaluation de la richesse des territoires passés sous le régime de la TPU.

En effet, l'augmentation des bases de taxe professionnelle survenue depuis l'année précédant l'instauration de la TPU est prise en compte deux fois.

Elle est prise en compte une première fois dans le calcul du potentiel fiscal de l'établissement public de coopération intercommunale, l'EPCI.

Elle est prise en compte une seconde fois dans celui des communes membres dudit EPCI, puisque leur potentiel fiscal englobe aussi la croissance des bases de taxe professionnelle de l'EPCI, redistribuée au prorata de la population de chaque commune, alors même que les ressources historiquement issues de la taxe professionnelle que ces communes perçoivent, le cas échéant par le biais d'une attribution de compensation, sont figées au niveau des bases de l'année précédant le passage à la TPU.

Cette double prise en compte d'une ressource nouvelle d'un territoire contribue à pénaliser injustement les collectivités ayant opté pour la TPU. La pertinence de l'évaluation de la richesse par le biais du potentiel fiscal s'en trouve affectée.

Par conséquent, en conclusion de mon propos, je vous demande, monsieur le ministre, quels aménagements sont envisagés afin de corriger ce mode de calcul du potentiel fiscal, qui va à l'encontre de la volonté affichée par les gouvernements successifs d'encourager le développement de la TPU.

M. le président. Avant de donner la parole à M. le ministre délégué, j'ai le plaisir d'informer la Haute Assemblée que M. le secrétaire général du Sénat, qui est assis à ma droite, a été promu par le Gouvernement commandeur dans l'Ordre national de la Légion d'honneur, le décret correspondant étant paru au Journal officiel d'hier.

Je lui adresse, au nom de tous mes collègues, mes plus vives et sincères félicitations. (Applaudissements .)

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur. Monsieur le président, le Gouvernement s'associe à vos félicitations pour cette distinction particulièrement méritée.

Monsieur Souvet, vous avez appelé l'attention du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur une question sans doute quelque peu technique, mais d'une grande importance et dont l'incidence financière pour les communes concernées est réelle. Alors que nous engageons un mouvement important en faveur de l'intercommunalité, nous avons le devoir de progresser dans la réflexion sur ce sujet.

Comme vous le savez, monsieur le sénateur, le potentiel fiscal est un indicateur utilisé pour comparer la richesse fiscale potentielle des différentes collectivités. Il est obtenu en appliquant aux bases d'imposition des quatre taxes directes locales les taux moyens nationaux d'imposition à chacune de ces taxes. Il correspond au montant que percevrait la collectivité si elle appliquait une politique fiscale moyenne.

S'agissant des communes membres de communautés d'agglomération, comme pour l'ensemble des communes membres d'établissements publics de coopération intercommunale à taxe professionnelle unique, le calcul du potentiel fiscal est toutefois affecté par plusieurs spécificités concernant les bases de taxe professionnelle prises en compte.

La loi du 28 décembre 1999 a, en effet, prévu un mode de calcul particulier, consistant à ajouter aux bases de taxe professionnelle de la commune l'année précédant le passage à la TPU une quote-part de la variation des bases totales de l'EPCI constatée d'une année sur l'autre. Cette quote-part correspond à la part de la population de chacune des communes membres de l'EPCI au sein de la population totale de celui-ci.

Ce mode de calcul particulier est fondé sur les principes suivants : la prise en compte des bases de taxe professionnelle de l'année précédant le passage à la TPU correspond à ce que les communes perçoivent en termes d'attribution de compensation et économisent en termes de charges transférées ; la ventilation de la variation annuelle des bases de l'EPCI permet de prendre en compte, dans le potentiel fiscal des communes, le surcroît de « richesse » retiré par chaque commune de l'existence de l'EPCI, qui se traduit notamment par l'accroissement des services rendus aux habitants, voire par un renforcement des politiques de solidarité communautaire.

A défaut de cette répartition des augmentations de bases de taxe professionnelle entre toutes les communes membres de l'EPCI, seules la ou les communes sur lesquelles ces bases sont géographiquement implantées verraient leur potentiel fiscal croître, alors même que ces communes ne mobilisent plus la taxe professionnelle, dorénavant levée à l'échelon communautaire.

La réflexion en cours en matière de réforme des dotations de l'Etat aux collectivités locales doit aborder la question du mode de calcul du potentiel fiscal. Celui-ci est en effet affecté, d'une part, par le développement de la TPU, et, d'autre part, par la modification importante qu'a constituée la suppression progressive de la part « salaires » des bases de la taxe professionnelle depuis 1999.

Il apparaît à cet égard que, pour permettre de mieux comparer les niveaux de richesse des différentes communes, une piste à explorer pourrait être de faire évoluer la notion de potentiel fiscal vers une notion plus large de potentiel budgétaire. Ce dernier permettrait de tenir compte des évolutions intervenues depuis une quinzaine d'années, qui ont été marquées par un accroissement sensible des ressources autres que fiscales dans le total des ressources des collectivités locales.

Il s'agit là de l'un des aspects essentiels de la modernisation de notre système de finances locales. La réflexion est en cours et, au nombre des experts que le Gouvernement a entendu consulter, figure le Comité des finances locales, qui avait constitué, au début du mois de septembre 2003, un groupe de travail pour étudier ces sujets. Le rapport de ce groupe de travail représentera pour le Gouvernement un élément d'appréciation majeur. Il devrait être une base de travail importante pour la future réforme des dotations, mais il n'a pas encore été remis. Il convient évidemment d'attendre l'achèvement des travaux du groupe que j'ai évoqué, prévu pour le printemps, afin de préciser les voies et moyens d'une réforme du calcul du potentiel fiscal.

Je tiens à vous dire à ce stade, monsieur le sénateur, combien ce sujet est essentiel dans notre réflexion. Nous serons naturellement amenés à l'évoquer de nouveau, y compris avec vous, qui êtes l'un des très bons connaisseurs de ces questions.

M. le président. La parole est à M. Louis Souvet.

M. Louis Souvet. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. L'espoir fait vivre ; or vous m'avez donné de nombreuses raisons d'espérer !

En effet, vous m'avez indiqué que, dans le cadre de la réflexion en cours, serait envisagée une modification du calcul du potentiel fiscal. Vous avez évoqué, à cet égard, la notion plus large de potentiel budgétaire.

La réflexion est donc engagée, et j'espère qu'elle aboutira, car les communes concernées se trouvent actuellement gravement pénalisées et subissent une perte sèche. Or, nous le savons, on revient rarement en arrière sur ces questions.

Moyens à la disposition de la sécurité civile

M. le président. La parole est à M. André Vallet, auteur de la question n° 450, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

M. André Vallet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaiterais évoquer les difficultés techniques et matérielles rencontrées par la sécurité civile, en particulier celles qui sont liées à la flotte aérienne.

Qui, parmi nous, n'a pas en mémoire l'été 2003 et son cortège de tragédies causées par la sécheresse et les incendies meurtriers d'une violence encore jamais atteinte ? Les feux de forêt dont ont été victimes tous les départements du sud-est se sont soldés par des pertes humaines terribles et des coûts financiers très importants pour l'Etat et les collectivités. Or il faut savoir que la forêt française couvre 16 millions d'hectares dont 900 000 hectares pour le massif landais et 4 300 000 hectares pour la région méditerranéenne. Sa superficie est croissante, surtout dans les départements du sud ; où elle a doublé depuis un siècle.

La moitié des feux de forêt est pourtant aujourd'hui inexpliquée. Les enquêtes menées sur le terrain ne parviennent pas toujours à découvrir les causes ni les auteurs d'incendies. Pour améliorer la détermination de ces causes, des formations croisées ont été organisées : magistrats, sapeurs-pompiers, forestiers, gendarmes et policiers ont été largement mobilisés pour tenter d'enrayer ce fléau.

Les causes des feux sont diverses et ne sont pas toujours identifiables. II y a peu de temps encore, l'origine des feux n'était connue que dans 20% des cas, ce qui ne voulait pas dire pour autant que tous les autres feux étaient d'origine criminelle. Le Gouvernement a récemment mené une action afin de mieux préciser la classification des causes d'incendies de forêt. Les améliorations intervenues dans l'identification de ces causes ont permis d'élucider plus de la moitié des incendies. Les imprudences de toutes sortes, dont certaines peuvent avoir des conséquences catastrophiques, constituent une part significative du nombre de feux : en moyenne, plus d'un sur deux.

En outre, les statistiques globales dont dispose notre pays, et qui portent sur les cinq premiers mois de l'année 2003, sont inquiétantes. Rien que sur cette période de référence, 2003 est la troisième année la plus chaude de l'histoire de la météorologie, après 2002 et 1998. Pour la majorité des scientifiques français, européens et étrangers, il ne fait aucun doute : il s'agit bien d'un changement climatique progressif, dont l'homme est en partie responsable et qui tend vers un réchauffement de la planète.

Loin d'être exceptionnelle, la canicule que nous avons subie l'été dernier risque fort de se reproduire. Dès lors, ce phénomène des feux de forêt détériore l'environnement mondial. Par exemple, le Portugal a perdu 417 000 hectares en quelques années, la Russie a perdu 23,7 millions d'hectares de forêts en 2003, les Etats-Unis ont perdu 2,8 millions d'hectares la même année, l'Australie 60 millions et, triste record, l'Afrique sub-saharienne plus de 170 millions d'hectares. Dans une entrevue accordée à un hebdomadaire national, M. Jean Jouzel, membre du bureau du groupement intergouvernemental sur l'étude du changement climatique, affirmait en août dernier que l'impact le plus important sur les changements climatiques restait la contribution des activités humaines à l'augmentation de l'effet de serre depuis 200 ans. Selon lui, « la concentration de gaz carbonique a augmenté de plus de 30% pendant cette période, les oxydes d'azote se sont accrus de presque 10%, le méthane a plus que doublé. On a ainsi changé la composition de l'atmosphère en ozone, qui est également un gaz à effet de serre. »

Dans ces conditions, il semble que nos moyens terrestres et aériens ne soient plus toujours suffisants et adaptés. Certes, monsieur le ministre, et je m'en félicite, les crédits pour 2004 consacrés à la sécurité civile ont augmenté de 4,26%. De plus, votre prédécesseur s'était engagé sur un renforcement substantiel des moyens mis à la disposition des sapeurs-pompiers locaux.

Mais les dernières manifestations ont montré à quel point notre pays a besoin d'une véritable politique de prévision et de prévention des risques. Celle-ci passe obligatoirement par une pérennité et une plus grande efficacité des services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS, et de la sécurité civile, en particulier de sa flotte aérienne. Le nombre d'interventions aériennes effectuées l'été dernier et les limites de leur efficacité nous ont largement dévoilé à quel point une augmentation de la flotte était nécessaire voire indispensable. Actuellement, la France dispose de vingt-cinq avions bombardiers d'eau, de trois avions de reconnaissance et de huit hélicoptères de secours et de commandement. La flotte d'avions bombardiers d'eau est présente dans toute la zone méditerranéenne. Ainsi, sur les 2000 incendies recensés en moyenne chaque été dans le sud de la France, 800 d'entre eux sont attaqués par des moyens aériens.

Néanmoins, de nombreux incendies nécessitent une intervention massive, qui ne peut être effectuée que par la voie aérienne. Ce type d'intervention doit être surdimensionné lorsque les risques de propagation sont importants. Autour de moi, beaucoup d'élus locaux, beaucoup de nos concitoyens, de techniciens et de pilotes aériens de la sécurité civile m'expliquent régulièrement qu'il est urgent d'ajouter aux moyens aériens déjà existant des moyens aériens plus performants et plus productifs, c'est-à-dire des avions transportant deux fois plus de tonnage d'eau et se déplaçant deux fois plus vite que les avions utilisés jusqu'à présent.

Ma question est la suivante, monsieur le ministre : quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en oeuvre pour pallier ces lacunes et pour satisfaire les besoins aériens de notre flotte anti-incendies ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous avez appelé notre attention sur les difficultés techniques et matérielles rencontrées par la sécurité civile, en particulier pour ce qui concerne les moyens tant terrestres qu'aériens dont elle dispose afin de lutter contre les feux de forêt.

Vous l'avez rappelé, nous avons dû faire face pendant l'été 2003 à des conditions climatiques exceptionnelles, éprouvantes pour les populations et surtout pour les personnes âgées qui en ont été les principales victimes. Pendant le même temps, la canicule a engendré des risques sans précédent pour la forêt méditerranéenne et je sais que, en tant que sénateur des Bouches-du-Rhône, c'est un sujet auquel vous avez été particulièrement sensibilisé, comme vous-même, monsieur le président Gaudin.

Les incendies, d'une ampleur et d'une intensité rares, qui ont ravagé 61 000 hectares ont entraîné également de très lourdes pertes humaines, vous l'avez rappelé. Des colonnes de renforts de sapeurs-pompiers venus de soixante-neuf départements métropolitains avaient été constituées pour apporter de l'aide aux effectifs locaux, et ce sont au total 85 000 hommes/jour qui ont ainsi été déployés durant cette douloureuse période.

En complément de la flotte d'avions bombardiers d'eau de la sécurité civile, le ministère de l'intérieur avait procédé à la location d'un bombardier d'eau de grande capacité et obtenu la mise à disposition de deux hélicoptères russes de grande capacité.

Une aide budgétaire exceptionnelle avait été décidée par le Premier ministre et attribuée aux SDIS dont l'équilibre financier se trouvait naturellement grevé par les surcoûts occasionnés par cette campagne de feux exceptionnelle.

Mais le plus important est que les enseignements de ces douloureux évènements ont été tirés. D'abord, un rapport relatif à la protection contre les incendies de forêt a été élaboré conjointement par les corps d'inspection concernés, c'est-à-dire l'inspection générale de l'administration, le conseil général du génie rural des eaux et forêts, le conseil général des ponts et chaussées et l'inspection générale de l'environnement. Des actions ont d'ores et déjà été engagées pour donner une suite aux conclusions de ce rapport et aux enseignements tirés à l'occasion de réunions dites de « retour d'expérience », tenues notamment à l'échelon zonal.

Ainsi, pour répondre aux questions que vous posez monsieur le sénateur, je suis en mesure de vous indiquer, d'abord que les procédures réglementaires pour la location, à l'été 2004, d'aéronefs bombardiers d'eau de grande capacité, un avion et un hélicoptère, sont d'ores et déjà engagées. Par ailleurs, la procédure d'appel d'offres pour l'acquisition de deux avions gros porteurs Dash 8 vient de s'achever. Ces avions, d'une capacité d'emport de dix tonnes d'eau chacun, sont destinés à remplacer les Fokker qui disposaient d'une capacité de 5,5 tonnes d'eau. Le premier appareil sera livré, je suis en mesure de vous le dire maintenant, avant l'été 2005 et le second, avant l'été 2006. Enfin, un exercice associant une dizaine de pays de l'Union européenne sera organisé le 19 avril prochain dans les Bouches-du-Rhône, pour tester la coopération internationale dans la mise en oeuvre des moyens aériens.

Comme vous pouvez le constater, monsieur le sénateur, l'expérience de l'été dernier conduit d'ores et déjà à tout mettre en oeuvre pour renforcer les moyens dont nous disposons dans la lutte contre les incendies de forêt afin d'éviter que ne se renouvelle la terrible épreuve du mois d'août 2003.

M. le président. La parole est à M. André Vallet.

M. André Vallet. Je souhaiterais remercier le Gouvernement de l'effort qui est envisagé dans la lutte contre les feux de forêt par la mise à disposition de nos pompiers de moyens aériens beaucoup plus importants.

Je tiens à dire à M. le ministre, qui a indiqué que les circonstances de 2003 étaient exceptionnelles, qu'elles peuvent se renouveler.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Voilà pourquoi nous nous y préparons.

M. André Vallet. On n'est pas du tout sûr que les prochains étés ne ressembleront pas à l'été 2003.

Je suis particulièrement heureux d'apprendre que des moyens humains supplémentaires sont prévus, qu'un exercice va avoir lieu dans quelques jours et, surtout, que vous avez prévu, pour l'été 2004, des locations d'appareils en attendant les acquisitions qui viennent d'être annoncées pour 2005 et 2006. Je crois que ces bonnes nouvelles feront plaisir à tous ceux qui sont concernés par la lutte contre les feux de forêt en Provence.

Éligibilité au fonds de compensation de la TVA

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, auteur de la question n° 435, adressée à M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire.

M. Claude Biwer. Le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, le FCTVA, avait été créé par le législateur afin de compenser, par un taux forfaitaire, la TVA acquittée par les communes ou leurs groupements sur toutes leurs dépenses d'investissement, la législation européenne n'autorisant pas la notion de « remboursement » de TVA.

Or, depuis quelques mois, nos collègues maires ou présidents de communautés de communes éprouvent de plus en plus de difficultés à rendre éligibles au FCTVA un certain nombre d'équipements réalisés par leurs collectivités.

Je pense, notamment, aux travaux d'enfouissement des réseaux électriques ou téléphoniques, mais également à certains équipements sportifs ou socio-éducatifs mis à la disposition d'associations.

Ils se heurtent, dès lors, à la mise en application des dispositions de l'article L.1615-7 du code général des collectivités territoriales, qui exclut de l'assiette du FCTVA les dépenses relatives à des immobilisations mises à disposition d'un tiers non bénéficiaire du fonds.

Dans un premier temps, la mise à disposition au profit d'un tiers avait été considérée comme un investissement ayant principalement pour objet et pour effet d'avantager un tiers, ce qui paraissait tout à fait raisonnable et conforme au voeu du législateur, qui avait souhaité rendre éligibles un maximum d'investissements des collectivités territoriales. Puis, les investissements éligibles au FCTVA ont été revus à la baisse de façon drastique, ce qui pose de très graves problèmes financiers aux communes et à leurs groupements.

S'agissant de l'enfouissement des réseaux électriques, il convient de rappeler que les communes sont propriétaires de ces réseaux et que, dans ces conditions, tous les travaux d'amélioration ou de rationalisation des réseaux sont effectués non au bénéfice du délégataire de service public, en l'occurrence EDF, mais au profit de la collectivité : la délégation de service public constitue non pas une mise à disposition mais une gestion déléguée.

Quant aux équipements sportifs ou socio-éducatifs, on aboutit à des situations ubuesques : tel équipement mis à disposition de plusieurs associations et ouvert au public peut être éligible au FCTVA, tel autre, parce que réservé à un club sportif, par exemple, ou à un centre social et culturel dont les salles sont préaffectées à plusieurs associations déterminées, ne serait désormais plus éligible au FCTVA.

Et il n'est pas rare que les élus soient informés de la non-éligibilité de leurs investissements au FCTVA une fois les travaux achevés, voire deux ans après, lorsque le remboursement devrait s'effectuer : je vous laisse imaginer leur désarroi lorsqu'on leur apprend que près de 20% de la dépense seront finalement à la charge de leur collectivité !

Il est plus que temps de mettre fin à de telles aberrations en décidant, une fois pour toutes, que tous les équipements réalisés par les communes et leurs groupements mis à disposition d'une ou de plusieurs associations à but non lucratif, comme les travaux d'enfouissement des réseaux, sont éligibles au FCTVA.

Je compte sur vous, monsieur le secrétaire d'Etat, pour clarifier la situation et rassurer les élus.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur Biwer, vous avez raison de poser cette question parce que c'est un point sur lequel les élus s'interrogent. Chacun le sait, le FCTVA est conçu comme une aide directe à l'investissement, régie par les critères généraux que vous connaissez bien, l'un des principaux étant que la dépense doit entrer dans le champ de compétence de la collectivité et doit ensuite être intégrée dans le patrimoine.

Les dépenses réalisées sur des biens mis à disposition de tiers non bénéficiaires du fonds sont donc a priori exclues du FCTVA.

Je vais reprendre tous ces principes de manière quelque peu technique, je vous prie de m'en excuser, en commençant par le cas particulier des travaux d'enfouissement des réseaux électriques et téléphoniques.

Les critères d'éligibilité à respecter impliquent notamment de ne pas pouvoir bénéficier d'un remboursement par la voie fiscale, de donner lieu à intégration dans le patrimoine des collectivités locales concernées et, le cas échéant, de ne pas faire l'objet d'une mise à disposition d'un tiers non éligible au fonds.

Donc, dans l'hypothèse où l'exploitation des réseaux secs est réalisée par des tiers opérateurs qui ne sont pas éligibles au FCTVA, les collectivités locales ne peuvent être éligibles au fonds. Par ailleurs, si l'exploitation des réseaux est effectuée par une collectivité, en tout état de cause, cette activité est obligatoirement assujettie à la TVA pour ces opérations.

La récupération de la charge de TVA supportée par les dépenses d'enfouissement de réseaux téléphoniques et électriques ne peut donc être réalisée au moyen du FCTVA. D'ailleurs, les collectivités locales n'ont jamais dans le passé été légalement bénéficiaires à ce titre du FCTVA, quelles que soient les conditions dans lesquelles elles ont pu intervenir. Les instructions du 10 décembre et du 27 avril 2001 diffusées aux comptables du Trésor public n'ont fait que rappeler le droit applicable en la matière.

Le sujet est très intéressant pour les élus. Nous avons tous été confrontés au cas de la construction d'équipements sportifs ou socio-éducatifs mis à la disposition d'associations. Là encore, la mise à disposition du bien à un tiers non bénéficiaire du FCTVA entraîne son inéligibilité au fonds, dès lors qu'elle est réalisée à titre exclusif et pour leur usage propre. C'est notamment le cas d'équipements sportifs qui sont utilisés par les seuls membres d'une association. En l'occurrence, il peut s'agir de courts de tennis, de fosses de plongée, de stands de tir ou de tout autre équipement qui ne remplirait pas le critère d'éligibilité relatif aux conditions d'accès.

En revanche, sous réserve du respect des autres critères d'éligibilité, l'attribution du FCTVA est possible lorsque la mise à disposition du bien à un tiers non bénéficiaire du fonds ne fait pas obstacle à une utilisation de ce bien par le plus grand nombre d'usagers, dans le respect des conditions d'égalité d'accès caractéristiques du fonctionnement du service public.

Pour être clair, monsieur Biwer, cela signifie que les conditions d'éligibilité au FCTVA de ces équipements doivent être examinées au cas par cas en tenant compte de leur vocation particulière. Par ailleurs, monsieur le sénateur, je voudrais vous préciser que, dans certaines situations, les collectivités locales peuvent récupérer par la voie fiscale la TVA ayant grevé les investissements que vous évoquez dans votre question.

Après avoir indiqué la règle, je vais à présent vous préciser les conditions d'exception.

S'agissant des travaux d'enfouissement des réseaux téléphoniques, le champ et les modalités de récupération diffèrent selon la nature de la convention de partenariat liant la collectivité à France Télécom, et ce, conformément à une instruction administrative datant du mois d'avril 2001.

Ainsi, lorsqu'à l'issue des travaux d'enfouissement les communes deviennent propriétaires des « fourreaux » installés dans le sous-sol et les donnent en location à France Télécom, cette location, en principe exonérée de TVA, peut être soumise sur option à cette taxe afin de permettre à la collectivité de récupérer, par la voie fiscale et sous les conditions habituelles, la TVA grevant les travaux d'enfouissement qu'elle a supportée. Cette option est ouverte à la collectivité pour les lignes téléphoniques.

S'agissant des lignes électriques, les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale négocient et concluent des contrats de concession en tant qu'autorités concédantes de la distribution d'électricité. C'est dans le cadre juridique prévu par le code général des collectivités territoriales qu'elles confient, la plupart du temps, la concession du service public à EDF.

Selon la convention de concession passée entre les parties, les collectivités concédantes peuvent conserver la maîtrise d'ouvrage de certains travaux, dont ceux d'enfouissement qui présentent, le plus souvent, la nature de dépenses d'investissement puisqu'ils conduisent à un renforcement de l'ouvrage.

Si les dépenses d'investissement réalisées par les communes sur les lignes électriques leur appartenant ne sont pas éligibles au FCTVA en raison de leur mise à disposition d'EDF, tiers non bénéficiaire du fonds, ces collectivités peuvent en revanche récupérer la charge de TVA au titre des seules dépenses d'investissement dans le cadre du transfert du droit à déduction de cette taxe prévu aux articles 216 ter et 216 quater de l'annexe II au code général des impôts.

Pour cela, il devra être prévu, par voie contractuelle, que le montant de la TVA ainsi récupéré par EDF soit reversé par ce dernier à l'autorité concédante. Il s'agit donc d'un jeu de transfert - je vous remettrai ces éléments par écrit, monsieur Biwer, étant donné leur caractère complexe.

Pour ce qui est enfin des équipements sportifs ou socio-éducatifs mis à disposition d'associations, les collectivités peuvent également récupérer sous certaines conditions de droit commun la TVA afférente à ces constructions par la voie fiscale. Il est nécessaire que ces mises à disposition soient effectuées réellement à titre onéreux et donc soumises à la TVA de plein droit ou, le cas échéant, sur option.

Je comprends que toutes ces indications puissent paraître très techniques, voire « jargonnesques ». C'est pourquoi je me tiens personnellement ainsi que mes services à votre disposition, monsieur le sénateur, pour vous donner toutes les précisions ou explications que vous jugeriez nécessaires.

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le secrétaire d'Etat, votre réponse est très complexe - vous le dites vous-même - mais elle ne nous aide pas lorsqu'il s'agit de démêler la vérité (M. le secrétaire d'Etat sourit.) , car tout est sujet à interprétation humaine et celle-ci peut varier d'une préfecture à l'autre.

Par conséquent, je vous saurais gré de bien vouloir vous pencher sur ce problème afin que nous puissions simplifier, aménager ce qui peut l'être et faire en sorte que les collectivités ne soient pas trop perdantes.

Conditions de vente des téléviseurs

M. le président. La parole est à M. André Rouvière, auteur de la question n° 452, adressée à M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire.

M. André Rouvière. Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite attirer votre attention sur les difficultés d'application que soulève la contrainte nouvelle contenue dans la loi de finances pour 2004 concernant la vente de récepteurs de télévision. En effet, il semblerait que les vendeurs de récepteurs de télévision soient dans l'obligation de demander une pièce d'identité à tout acheteur de ces appareils.

Je comprends très bien le but de cette démarche, mais je voudrais que vous soyez sensible, monsieur le secrétaire d'Etat, aux difficultés qu'elle soulève. J'en citerai quelques unes.

Les commerçants ne sont pas habilités officiellement à exiger de tels documents. L'éventuel acheteur d'un poste de télévision n'a aucune obligation de posséder une carte d'identité, un passeport, ou même un permis de conduire. Que se passe-t-il si l'acheteur refuse d'apporter la preuve de son identité et si le vendeur vend le récepteur de télévision convoité ?

Monsieur le secrétaire d'Etat, si cette mesure nouvelle s'applique, qui contrôle la vente de ces appareils ? Comment, le cas échéant, avez-vous prévu l'exercice de ces contrôles ? En cas de non-application, quelles sont les sanctions prévues à l'encontre du vendeur ?

Dans l'esprit des vendeurs, des acheteurs et de celui qui vous parle, cette nouvelle réglementation, si elle est appliquée, va renforcer le sentiment de la mise en place d'un régime policier. Est-ce le souhait du nouveau gouvernement de M. Raffarin ? Monsieur le secrétaire d'Etat, ne pensez-vous pas que cette mesure est à la fois inopportune et, par essence, inapplicable ? Que comptez-vous faire dans ce domaine, monsieur le secrétaire d'Etat ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le sénateur, vous avez raison de poser cette question parce que les commerçants et nos concitoyens s'interrogent avec bon sens sur les obligations des uns et des autres.

L'article 37 de la loi de finances pour 2004 relatif à la redevance audiovisuelle prévoit en effet que les commerçants sont tenus de faire souscrire par leurs clients une déclaration à l'occasion de toute vente de matériel. Cette déclaration comporte la date d'achat, l'identité sous laquelle se déclare l'acquéreur - vous savez comme moi, monsieur le sénateur, que cela peut donner lieu à des tricheries - son nom, son prénom, son adresse, sa date et son lieu de naissance. Certains commerçants s'inquiètent de ne pas disposer des moyens leur permettant de remplir cette obligation.

Je vais vous dire quel est l'état du droit, et il faudra peut-être à l'avenir réfléchir à cette mesure. Qu'attend-on des professionnels dans ce domaine ?

L'obligation de déclarer toute vente de téléviseur qui s'impose aux commerçants depuis la création de la redevance constitue l'élément indispensable de l'assiette de la redevance audiovisuelle puisque c'est sur la base des déclarations adressées aux centres régionaux par les commerçants que les comptes des redevables sont ouverts en cas de première acquisition.

Le recueil de certaines informations, telles que la date et le lieu de naissance, a pour principal objet de protéger le contribuable des risques d'homonymie, en leur évitant notamment de subir d'éventuelles poursuites à la place d'un autre.

Toutefois, le commerçant s'en tient aux informations qui lui sont communiquées, puisque le texte ne l'habilite pas -je ne vois d'ailleurs pas pourquoi il le ferait - à demander au client de lui présenter une pièce d'identité.

Si le commerçant est tenu de déclarer toutes ses ventes et encourt une amende dans l'hypothèse où il ne le ferait pas, il ne peut en aucun cas être pénalisé en cas d'informations incomplètes ou erronées de la part d'un client. Nous pouvons donc sur ce point rassurer les commerçants.

En outre, vous le souligniez à juste titre, il n'est pas tenu de refuser la vente dans l'hypothèse où le client s'opposerait à la communication des informations qui lui sont demandées. En ce cas, la vente doit être effectuée et elle sera déclarée au centre régional de la redevance avec les informations dont le commerçant dispose, même si elles sont incomplètes.

Si le commerçant ne court pas de risque, le redevable, en revanche, s'expose à une sanction dès lors qu'un contrôle à domicile révélerait qu'il détient un téléviseur et ne l'a pas déclaré, ou au risque de poursuites si les éléments d'identification erronés ou incomplets amènent l'administration à diligenter des poursuites à son encontre.

Telle est la loi. Il me semble toutefois qu'il faudra à l'avenir s'interroger sur ces mesures. Il s'agit en effet d'un système compliqué qui, d'une certaine manière, donne une prime à la fraude. Le ministre de la culture connaît bien ce débat sur la redevance, son utilisation, son mode de perception, qui s'est souvent posé tant dans cette assemblée qu'à l'Assemblée nationale. Peut-être conviendrait-il de le repenser, mais c'est un débat beaucoup plus vaste que la question sur laquelle vous m'interrogez.

M. le président. La parole est à M. André Rouvière.

M. André Rouvière. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de cette réponse, qui apporte des éclaircissements. Il est vrai que l'interrogation des vendeurs de télévision ne portait pas sur le formulaire qui existe depuis la mise en place de la redevance. Ils craignaient d'être dans l'obligation de contrôler l'identité que l'acheteur inscrivait sur le formulaire. Si cette vérification n'est pas une exigence contenue dans la loi de finances pour 2004, je pense qu'il est bon de le faire savoir.

A cette occasion, monsieur le secrétaire d'Etat, je me permets de vous faire une suggestion. La redevance de télévision n'est pas acquittée par tout le monde, il y a de nombreux fraudeurs. Sa rentabilité n'est donc pas évidente. Aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous suggère de proposer à M. le Premier ministre de remplacer la baisse de l'impôt sur le revenu par la suppression de cette redevance. (Exclamations amusées sur plusieurs travées.)

M. Daniel Raoul. Très bien !

M. André Rouvière. Cette mesure, si vous l'adoptiez, serait beaucoup plus équitable que la baisse de l'impôt sur le revenu. En effet, pour celles et ceux qui paient des impôts, la redevance de télévision n'est pas une lourde contribution ; en revanche, pour ceux que l'insuffisance des revenus exonère d'impôts, la charge de la redevance de télévision est souvent très lourde à acquitter. Je vous propose donc, monsieur le secrétaire d'Etat, la suppression de la redevance de télévision dès 2005 en lieu et place de la baisse de l'impôt sur le revenu. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)

redevance d'archéologie préventive

M. le président. La parole est à M. Michel Doublet, auteur de la question n° 440, adressée à M. le ministre de la culture et de la communication.

M. Michel Doublet. Monsieur le ministre, la loi du 1er  août 2003 modifiant la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive substitue au financement par l'impôt un dispositif inspiré des mécanismes antérieurs à 2001.

Les diagnostics d'archéologie préventive sont financés par le biais d'une taxe d'un faible montant forfaitaire perçue par l'opérateur compétent. L'assiette de cette redevance retient deux critères : la nature des travaux et la superficie des terrains sur lesquels ils sont exécutés.

Elle est due par les personnes publiques ou privées projetant d'exécuter sur un terrain d'une superficie égale ou supérieure à 3 000 mètres carrés des travaux affectant le sous-sol. Elle est fixée à 0,32 euro par mètre carré indexé sur le coût de la construction et elle n'est exigible qu'une seule fois sur le terrain d'assiette.

Si des exonérations sont prévues pour les travaux relatifs aux logements à usage locatif, construits ou améliorés avec le concours financier de l'Etat, en revanche aucune exonération ni aucun abattement n'ont été prévus pour les personnes publiques en général et pour les collectivités territoriales en particulier.

Ainsi, une commune de mon département, pour agrandir une salle communale en vue de la mettre en conformité avec les règles d'accessibilité aux personnes à mobilité réduite, se verra imposer une taxe de 9 600 euros pour une surface de 50 mètres carrés constructible sur un terrain d'assiette de 30 000 mètres carrés.

Le seul fait de prendre pour assiette le terrain où la construction doit être réalisée, quelle que soit la taille de celle-ci, a pour inconvénient, lorsque la superficie du terrain est importante, ce qui est souvent le cas dans les zones rurales, d'amener la commune à devoir s'acquitter d'une redevance totalement disproportionnée par rapport à l'opération envisagée. Il en découle que ces communes renoncent aux opérations de construction.

On pourrait envisager d'exonérer totalement les collectivités territoriales de cette redevance, voire de leur appliquer le régime favorable des bâtiments agricoles dont seule la superficie, et non le terrain d'assiette, entre dans le calcul de taxe.

Or, monsieur le ministre, j'en conviens, moins d'un an après la publication de la loi, fruit d'un compromis délicat entre tous les acteurs concernés, il est difficile de tirer un premier bilan ; et l'on ignore encore à ce jour si le produit de la redevance suffira à alimenter l'Institut national de recherches et d'applications pédagogiques, l'INRAP.

Toutefois, je tenais à vous alerter sur les dangers et les inconvénients induits par ce mécanisme de la redevance d'archéologie préventive.

Je vous demande donc, monsieur le ministre, quelles sont les dispositions que vous comptez prendre pour remédier à cette situation obérant anormalement les finances locales et, dans les cas les plus extrêmes, figeant tout projet de construction.

M. le président. La parole est à M. le ministre, dont je salue aujourd'hui la première intervention devant la Haute Assemblée.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Je vous remercie, monsieur le président, de vos paroles de bienvenue. J'essaierai, devant le Sénat d'être digne de la fonction qui m'est confiée.

Monsieur Doublet, vous soulevez en effet une réelle difficulté relative à la loi du 1er août 2003. Je vous rappelle que cette loi avait fait l'objet d'un important travail de préparation et de concertation, notamment avec votre assemblée.

Aujourd'hui, dans notre pays, l'archéologie, qui est une discipline essentielle de notre patrimoine et de notre mémoire, fonctionne de nouveau de façon satisfaisante dans un climat social apaisé après plus d'un an de crise.

C'est d'ailleurs afin de pallier l'impossibilité pour certaines communes de financer les fouilles d'archéologie préventive dans l'ancien système qu'il a été choisi de créer un fonds de mutualisation, fonds financé par la redevance générale d'archéologie prélevée sur l'ensemble des aménageurs et non seulement sur ceux qui sont exposés à un risque archéologique.

Ce principe de mutualisation est juste, mais l'assiette choisie pour le calcul de cette redevance crée - je le sais - des situations de réelles injustices, dont celle que vous venez de décrire, monsieur le sénateur.

Ce problème a été identifié et des solutions de plafonnement des montants exigibles sont actuellement à l'étude. Mes services chargés du patrimoine et des affaires juridiques y travaillent en liaison avec le ministère de l'équipement.

II faut toutefois rappeler, pour que l'information soit totale - elle ne vise pas évidemment le projet que vous avez cité en exemple, monsieur Doublet -, que sont exonérées de la redevance d'archéologie préventive, qui n'est perçue que sur des terrains d'assiette d'une superficie égale ou supérieure à 3 000 mètres carrés, les constructions de logements réalisés par une personne physique pour elle-même et les logements locatifs construits ou améliorés avec le concours financier de l'Etat.

Les personnes publiques ou privées, et notamment les communes, réalisant un lotissement ou une zone d'aménagement concerté peuvent également bénéficier de ces exonérations pour les logements à usage locatif réalisés avec l'aide de l'Etat.

Je reconnais que le cas dont vous nous avez fait part, monsieur le sénateur, n'est pas concerné par les exonérations que je vous ai indiquées. Nous avons pour obligation de concilier et de rendre compatibles le respect de nos racines, le très important travail des archéologues, et l'avenir, c'est-à-dire les projets de construction que nos communes souhaitent mettre en oeuvre.

Je ne nie pas, monsieur Doublet, la réalité des problèmes, mais il est selon moi encore trop tôt pour se prononcer. Dans les mois prochains, je dresserai devant le Sénat un bilan précis de l'entrée en vigueur de cette loi et nous déciderons ensemble, le cas échéant, d'apporter un certain nombre de modifications dans les voies que j'ai explorées.

M. le président. La parole est à M. Michel Doublet.

M. Michel Doublet. Monsieur le ministre, je prends acte de la proposition que vous venez de nous faire. Il est vrai que la loi relative à l'archéologie préventive est toute récente et qu'il faut avoir le recul nécessaire pour en analyser toutes les conséquences. Je ne manquerai donc pas de reprendre contact avec vos services dans quelques mois pour savoir où en est le dossier.

calcul de la redevance d'archéologie préventive

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, auteur de la question n° 455, adressée à M. le ministre de la culture et de la communication.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, ma question se situe dans le droit-fil de celle qui vient de vous être posée par mon collègue M. Michel Doublet.

Les conséquences de la loi du 1er août 2003 relative à l'archéologie préventive, celles de l'article 9 en particulier, sont néfastes au développement des petites communes rurales.

En effet, la prise en compte de la surface du terrain constructible des bâtiments à usage d'habitation pour le calcul de la redevance d'archéologie préventive n'est pas adaptée aux zones rurales.

Je voudrais souligner toutefois que la mutualisation correspond à un souci d'équité et renforce la notion de patrimoine national.

Contrairement aux zones urbaines, un terrain de 3 000 mètres carrés, taille à partir de laquelle la redevance d'archéologie préventive est instituée sur une base actuelle de 0,32 euro par mètre carré, constitue, hors lotissement, une surface modeste dans les zones rurales.

Je vous rappelle, monsieur le ministre, que plus de 62 % de la population française aspirent à vivre dans une petite commune rurale, ce qui contribuerait au rééquilibrage du territoire français.

Ainsi, pour atteindre cet objectif en matière d'aménagement du territoire, il est nécessaire de lever les obstacles qui nuisent à la construction dans les zones rurales.

Afin de ne pas pénaliser le développement des constructions à usage d'habitation dans nos campagnes, de permettre que la population locale puisse se loger et de favoriser l'accueil des nouveaux arrivants, je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir désormais prendre en compte, pour le calcul de la redevance archéologique, la surface de l'emprise au sol d'un bâtiment à usage d'habitation, comme cela se fait déjà pour la construction d'un bâtiment agricole, et non plus la surface du terrain.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, comme vous le savez, la loi du 1er août 2003 a été adoptée pour remédier aux difficultés nées de l'application de la loi du 17 janvier 2001.

Elle organise une mutualisation de l'effort de financement des opérations de diagnostic archéologique en assujettissant à une redevance d'archéologie de 0,32 euro les constructions nouvelles implantées sur des terrains supérieurs à 3 000 mètres carrés. De cette mutualisation est né le concept de patrimoine national que vous avez eu raison d'évoquer, monsieur de Montesquiou.

Ce seuil est le fruit d'un compromis qu'il importe ici de rappeler.

Comme je l'ai signalé à l'instant à votre collègue Michel Doublet, il s'agissait de fixer un seuil qui soit à la fois suffisamment élevé pour ne pas pénaliser les zones rurales dans lesquelles les parcelles de terrains d'assiette des opérations d'aménagement sont en moyenne plus vastes que dans les zones urbaines et suffisamment bas pour que les opérations en milieu urbain n'échappent pas, de fait, à l'assujettissement à la redevance, faute de quoi la mutualisation n'aurait pas été construite sur des bases égalitaires.

La mutualisation de l'effort de financement souhaitée par le législateur et par le Gouvernement n'a cependant remis en cause aucune des exonérations en vigueur dans le dispositif de la loi du 17 janvier 2001.

Je rappelle que les constructions individuelles entreprises par des personnes physiques pour elles-mêmes ainsi que les logements sociaux sont exonérés de la redevance des diagnostics.

La loi du 1er août 2003 a créé, en outre, un régime dérogatoire pour les constructions agricoles, qui, plus fréquemment que d'autres constructions, sont implantées sur de vastes unités foncières et auraient été, de ce fait, exposées à une redevance lourde.

On ne peut cependant, alors même que la loi commence à peine à s'appliquer, envisager d'en bouleverser complètement l'équilibre. Je suis conscient que le dispositif actuel nécessite un traitement particulier des situations conduisant au calcul d'une redevance parfois très élevée par rapport à la taille et au coût de l'aménagement.

Mes services, en liaison avec les services du ministère de l'équipement, réfléchissent actuellement à une amélioration du dispositif. Mais cela demande un peu de recul et les incidences financières d'une telle modification doivent être examinées. En effet, le produit de la redevance de diagnostic est destiné à être reversé aux collectivités territoriales qui auront choisi de faire elles-mêmes ces diagnostics sur leur territoire et à l'Institut national de recherches et d'applications pédagogiques, l'INRAP, organisme qui se trouve dans une situation financière guère facile.

Enfin, une partie du produit de la redevance est prélevée pour alimenter le Fonds national d'archéologie préventive, qui subventionne ou finance intégralement les fouilles liées aux aménagements exonérés de redevance.

La modification proposée affecterait donc l'ensemble de l'équilibre économique du dispositif de 2003. Une telle proposition ne peut par conséquent être envisagée sans un examen financier sérieux et, si nécessaire, un nouveau paramétrage des termes de calcul de la redevance.

Le Gouvernement trouve préférable d'attendre un peu que le dispositif actuel se mette en place et fasse ses preuves avant d'en envisager la modification. C'est au vu du bilan précis de l'entrée en vigueur de la loi du 1er août 2003, évoqué lors de ma réponse à votre collègue M. Doublet, que je suis prêt à revenir devant le Sénat discuter des questions que vous m'avez aujourd'hui posées, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, nous sommes d'accord sur de nombreux points, notamment sur la mutualisation, sur l'équité et sur le patrimoine national.

Je comprends également votre souci d'expérimentation. Mais, comme vous le savez, nous aurons bientôt un débat extrêmement important sur les territoires ruraux et, à cette occasion, il me semblerait opportun que nous puissions également débattre de cette question.

Quant à l'assiette de la redevance, si on la rééquilibrait à l'avantage des territoires ruraux en mettant à contribution un peu plus les territoires urbains, cela aurait une incidence extrêmement faible sur la courbe de la construction tout en donnant beaucoup d'oxygène aux petites communes rurales qui, vous l'avez souligné, monsieur le ministre, sont souvent fortement pénalisées par ce prélèvement.

Encore une fois, le débat que nous aurons dans quinze jours sur les territoires ruraux nous offrira l'occasion d'affiner de nouveau cette loi afin de trouver le meilleur équilibre possible.

M. le président. Où l'on creuse à Marseille, on trouvera le tibia de Jules César ! (M. Delfau s'exclame.). On trouvera peut-être l'autre à Montpellier ! (Sourires .)

M. Jean-Patrick Courtois. Le gauche, sans doute !

mise en oeuvre du statut de société européenne

M. le président. La parole est à M. Jean-Guy Branger, auteur de la question n° 449, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Jean-Guy Branger. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je souhaite attirer l'attention de M. le garde des sceaux sur l'urgence pour notre pays de prendre dès maintenant les mesures d'application du règlement n°2157/2001/CE et de transposition de la directive n°2001/86/CE relatifs au statut de la société européenne ainsi qu'à l'implication des travailleurs.

Je me permets de rappeler que la société européenne a fait l'objet d'un accord entre les Etats membres de l'Union lors du sommet de Nice les 7 et 8 octobre 2000. Un règlement et une directive communautaires en ont résulté.

L'objectif de ces textes est de créer, sur le plan européen, une personne morale unique, dont le régime harmonisé permettra des fusions intracommunautaires, la création de holdings, de filiales communes, ainsi que le transfert d'un siège social d'un Etat membre à un autre. Cette société constituera un nouvel outil de droit commercial et un symbole politique fort, à l'heure de l'élargissement de l'Union.

La participation des salariés, imposée par la directive, sera un préalable obligatoire à toute immatriculation de société européenne. Cette condition est nouvelle en droit des sociétés, elle se traduit par le principe de protection des droits des salariés à l'information et à la consultation à un échelon transnational, et par la création de nouveaux organes de négociation et de représentation des salariés. C'est pourquoi votre ministère est concerné au premier chef par la nécessaire transposition de la directive.

Convaincu de l'intérêt de ce nouveau statut, j'ai réuni un groupe de réflexion constitué autour d'entrepreneurs, d'universitaires et d'avocats, dont la consultation m'a permis de déposer au mois de janvier dernier, avec mon collègue JeanJacques Hyest, sénateur de la Seine-et-Marne, une proposition de loi sur la société européenne visant à la mise en oeuvre concomitante dans notre ordre juridique national du règlement et de la directive.

L'Union impose la date limite du 8 octobre 2004 pour que soient introduites dans les droits nationaux les dispositions relatives à la société européenne. Certains Etats, comme l'Allemagne, le Danemark ou le Royaume-Uni, ont déjà beaucoup progressé dans cette voie en adaptant dès à présent leur droit commercial pour lui permettre d'accueillir plus souplement la future société européenne. La France, qui dispose quant à elle d'un large éventail de formes sociales, n'aura pas à opérer de réforme totale de son droit des sociétés, tout au plus quelques adaptations, ce qui devrait grandement simplifier le travail du législateur. Encore faut-il le faire. De plus, en droit social, l'ensemble du travail reste à effectuer et il est très important.

Devant le calendrier resserré qui est le nôtre, comment le Gouvernement entend-il opérer pour que nous puissions, nous aussi, adopter à temps les mesures nécessaires à l'entrée en vigueur de la société européenne, et ainsi offrir à l'économie française un outil de développement performant dans un contexte fortement concurrentiel ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères. Monsieur le sénateur, vous avez appelé l'attention du Gouvernement sur l'entrée en vigueur, le 8 octobre 2004, du règlement n°2157/2001/CE relatif au statut de la société européenne et de la directive n°2001/86/CE le complétant en ce qui concerne l'implication des travailleurs dans la société européenne.

Les mesures d'adaptation du droit des sociétés nécessitées par l'entrée en vigueur du règlement font l'objet d'une étude approfondie par les services de la Chancellerie.

Simultanément, deux propositions de loi émanant, d'une part, de M. Mariani et, d'autre part, de vous-même, en collaboration avec M. Hyest, ont été déposées au Sénat.

Le texte vise à créer un régime nouveau dans lequel les fusions intracommunautaires, la création de holdings et de filiales communes pourront être réalisées sans se heurter à la barrière que constituent aujourd'hui les différences de contraintes juridiques. Pour ce faire, les sociétés prendront la forme de la « société européenne », dont les caractéristiques seront harmonisées à l'échelon communautaire.

Le mode de transposition de la directive relative à la participation des travailleurs sera prochainement déterminé. Vous avez raison de noter qu'il s'agit d'un préalable à toute immatriculation de société européenne au registre du commerce et des sociétés. Il conviendra, en particulier, de prévoir explicitement le mode de représentation des salariés actionnaires dans les sociétés concernées.

En ce qui concerne le droit des sociétés, l'entrée en vigueur du texte implique des modifications du droit français applicable aux sociétés anonymes. Elle suppose la création d'un régime spécifique de la société européenne, puisque le règlement laisse des options aux Etats membres quand il ne renvoie pas au régime de la société anonyme.

Les propositions de loi qui ont été déposées contribuent utilement à la procédure de transposition. En particulier, elles font des suggestions pratiques prévoyant un régime spécifique et certaines adaptations du droit national au règlement.

Il convient donc de poursuivre les travaux engagés en ce sens. Toutefois, certains points n'ont pas encore été traités dans ce cadre, qu'il conviendra en conséquence de compléter.

Cela est nécessaire pour assurer l'effectivité du règlement qui renvoie à une législation nationale spécifique à la société européenne - délais, procédures, autorités compétentes - pour différentes dispositions telles que la convocation de l'assemblée générale ou le signalement du siège social fictif, et Dieu sait si c'est important pour l'installation !

Par exemple, en cas de maintien du siège statutaire et de l'administration centrale d'une société européenne dans deux Etats membres différents, malgré une demande de régularisation, nous devons organiser un mécanisme de liquidation de la société et prévoir un recours juridictionnel contre la constatation de cette infraction au règlement.

De même, il nous faudra prévoir des dispositions d'ordre législatif pour assurer l'efficience des textes, par exemple, en cas de non-respect de la procédure de fusion.

Enfin, nous devrons nous déterminer sur l'option relative à l'opposition au transfert de siège pour des raisons d'intérêt public. Il s'agit notamment de prévenir des transferts de siège en période suspecte, c'est-à-dire juste avant le dépôt de bilan, qui pourraient entraîner un changement de droit applicable préjudiciable aux salariés et aux créanciers. Les risques de délocalisation frauduleuse liés notamment à l'application combinée du règlement sur la société européenne et du règlement sur les procédures d'insolvabilité ne sont pas négligeables.

Tous ces travaux sont donc en cours et, après cette phase de conception, une concertation avec les parties concernées devra être menée avant de procéder aux évolutions législatives nécessaires pour doter la France de ce nouvel instrument juridique.

M. le président. La parole est à M. Jean-Guy Branger.

M. Jean-Guy Branger. Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis heureux de vous retrouver à ce poste ; je vous remercie de votre réponse et je compte sur vous pour être notre interprète auprès du Gouvernement.

Une partie de votre réponse est constituée d'une partie de ma question, cela meuble, mais ce n'est pas percutant. (M. Gérard Delfau sourit.)

M. Charles Gautier. Peut mieux faire !

M. Jean-Guy Branger. En revanche, la question posée, elle, est percutante. Pourquoi ? Parce que nous prenons du retard. Le Sénat ne voudrait pas qu'une directive et un règlement de cette importance soient traités, comme cela a déjà été le cas, par la voie d'ordonnances,  empêchant ainsi toute discussion.

Or ce sujet est important, il s'agit d'une véritable révolution ne serait-ce qu'en raison de l'intéressement des travailleurs. D'autres Etats progressent beaucoup plus vite que nous et lorsque les sièges sociaux seront installés en Grande-Bretagne - où ils sont très en avance en la matière - au Danemark ou en Allemagne, croyez-vous qu'ils reviendront en France ?

Ce serait dommage, car notre droit fiscal est intéressant. Par conséquent, utilisons-le et adaptons la société anonyme !

J'ai réuni un groupe de travail avec des grands cabinets parisiens, parce qu'il faut y travailler, mais je souhaite que le Gouvernement montre sa volonté d'aboutir. Cela ne se fera pas par l'opération du Saint Esprit. (M. Philippe Nogrix applaudit.)

M. le président. Même si nous n'avons rien contre ! (Sourires .)

moyens du centre de traitement des documents sécurisés

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, auteur de la question n°458, adressée à M. le ministre des affaires étrangères.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'appelle votre attention sur les difficultés que connaissent depuis maintenant neuf mois les Français établis hors de France pour obtenir des cartes d'identité et des passeports.

Il y a un mois, lors du dépôt de cette question, le centre de traitement des documents sécurisés du ministère des affaires étrangères, implanté à Nantes, le CTDS, comptabilisait 14 000 demandes de cartes nationales d'identité et 30 000 demandes de passeports en instance ; 25 % seulement des demandes de cartes nationales d'identité étaient traitées, les 75 % restant étaient laissés en instance, mis dans des cartons, et le délai d'obtention d'un passeport atteignait quatre mois.

Aujourd'hui, 20 000 cartes nationales d'identité et 30 000 passeports sont toujours en attente.

Je dénonce le fait que les Français de l'étranger soient contraints de se faire établir des passeports provisoires pour garantir leurs droits de séjourner à l'étranger, de voyager, d'avoir des visas et de pouvoir se déplacer d'un pays à l'autre.

De ce fait, privés de documents d'identité et de titre de transport, les Français de l'étranger sont victimes d'un déni de leurs droits de citoyens et, de plus, ils sont financièrement pénalisés puisque, dans l'attente d'un passeport sécurisé, ils doivent se faire établir un passeport provisoire qu'ils paient.

Pour que le centre de traitement des documents sécurisés fonctionne normalement, il lui faudrait vingt-quatre agents et non pas douze. L'actuel recours à une société de service pour la saisie des données et ultérieurement la télétransmission des données depuis les consulats ne remédieront pas à la faiblesse de l'effectif du CTDS.

Par ailleurs, l'ouverture de centres régionaux de fabrication de documents sécurisés dans une demi-douzaine de consulats, sans création de postes supplémentaires, déplacera le lieu d'instance des demandes en divisant le nombre de personnes par autant de consulats, sans écourter pour autant les délais de délivrance.

En conséquence, je demande le doublement du nombre des agents du CTDS, la création de postes dans les consulats promus centres régionaux de fabrication et, tant que le délai de délivrance des cartes nationales d'identité et des passeports n'aura pas été réduit à quatre semaines, ce qui est très raisonnable au regard de ce qu'il est en France, que les passeports provisoires soient gratuits pour les Français de l'étranger.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères. Madame le sénateur, je vous remercie pour cette question que vous m'avez posée avec votre sourire habituel, mais aussi avec la détermination qui est toujours la vôtre. Nous sommes particulièrement attentifs à la rapidité du traitement administratif, notamment à l'étranger. Nous avons souvent l'occasion d'en parler avec M. Del Picchia et les autres sénateurs représentant les Français de l'étranger, qui suivent ce dossier.

Depuis le 1er octobre 2003, les passeports lisibles en machine DELPHINE - délivrance de passeports à haute intégrité de sécurité - sont fabriqués de façon centralisée par le centre de traitement des documents sécurisés à Nantes. Ce dispositif n'a guère plus de six mois d'existence et on ne peut en tirer des conclusions définitives.

Les nombreuses plaintes de nos compatriotes ont été relayées par nos consulats ou nos ambassades et évoquées lors des récentes réunions du Conseil supérieur des Français de l'étranger.

Il est vrai que, par le passé, les passeports étaient fabriqués en poste sur-le-champ. La direction des Français à l'étranger et des étrangers en France, sensible au mécontentement de nos compatriotes, n'a ménagé aucun effort pour revenir à des délais de fabrication raisonnables en mettant tout en oeuvre pour y parvenir.

Dans les consulats, cinq pôles régionaux de fabrication de passeports ont été créés : à Bruxelles pour les demandes reçues en Belgique et au Luxembourg, à Genève pour la Suisse, à Londres pour le Royaume-Uni et l'Irlande, à Montréal pour les demandes reçues au Canada, à Hong Kong pour les demandes reçues en Chine, au Brunei, au Cambodge, en République de Corée, en Indonésie, au Japon, en Malaisie, au Laos, aux Philippines, à Singapour, en Thaïlande et au Vietnam, Taïwan dépendant de la circonscription consulaire de l'ambassade de France en Corée.

Ces pôles traiteront environ 40 % de la demande mondiale des passeports.

Les services du ministère ont mis au point en un temps record une application permettant la télétransmission de données entre les postes et le CTDS. Elle a été testée avec succès à Barcelone. Elle simplifie considérablement le travail des agents et sera développée dans tous les postes, qui en seront équipés avant la fin du mois de juin. Elle présente d'énormes avantages : le dossier est dématérialisé, il n'est donc plus transmis par la valise diplomatique. En outre, elle supprime une nouvelle saisie informatique des dossiers à Nantes.

Une opération de résorption du stock des demandes est en cours. Dans cette optique, il a été fait appel, il est vrai, à un prestataire de services extérieurs pour la saisie des données informatiques. Le recours à un prestataire extérieur a déjà été pratiqué, par le passé, au service central d'état civil. La fabrication des passeports proprement dite reste sous le contrôle des fonctionnaires.

Le centre de traitement des documents sécurisés monte également en puissance. Le nombre d'agents sera doublé pour atteindre, en septembre prochain, vingt agents titulaires complétés par des vacataires. Le recours à des vacataires s'explique par le caractère temporaire de la situation actuelle, qu'aggrave le rythme saisonnier de la demande de passeports.

En outre, les renforcements en moyens des pôles régionaux de fabrication sont actuellement à l'étude.

Enfin, la délivrance des passeports d'urgence s'effectue conformément au code général des impôts. Des droits de chancellerie sont donc perçus à cette occasion. Cependant, nous tâchons d'aider nos compatriotes en faisant porter la durée de validité de ce passeport de six mois à un an. Une première tentative a échoué en décembre dernier, le Conseil Constitutionnel ayant jugé que cette modification n'avait pas sa place dans une loi de finances rectificative. Le Parlement est actuellement saisi d'un projet de loi en ce sens.

Il est incontestable que la priorité donnée aux passeports a des répercussions sur les délais de traitement des demandes de cartes nationales d'identité sécurisées. Cependant, les efforts entrepris en ce qui concerne les passeports permettront de donner un nouveau rythme au traitement des dossiers de cartes nationales d'identité.

Sans méconnaître la difficulté technique de l'exercice, le ministère des affaires étrangères met tout en oeuvre pour résorber le stock des demandes non satisfaites et permettre le passage à la télétransmission des données dans les toutes prochaines semaines.

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je ne mets nullement en cause la réactivité de la direction des Français à l'étranger et des personnels nantais. Au contraire, je salue une administration qui n'a plus que la peau sur les os, pour sa capacité à réagir très rapidement face à des difficultés nouvelles.

Cela dit, que se passera-t-il, car il ne s'agit que d'une étape, lorsque nous en viendrons aux passeports et, probablement, aux cartes nationales d'identité biométriques ?

Les décisions techniques sont encore en instance sur le plan européen et les négociations avec les Etats-Unis sont très difficiles. Or les Etats-Unis ont adopté une loi qui n'accordera l'entrée sans visa aux étrangers qui n'y sont pas soumis actuellement que s'ils présentent un passeport comportant des données biométriques, et ce à partir du 1er  octobre 2004. Il y aura tout de même encore une tolérance pour les étrangers titulaires d'un passeport sécurisé délivré avant le 30 septembre 2004, qui seront exonérés de visa.

Vous voyez la situation dans laquelle se trouvent les Français de l'étranger qui ont besoin de se rendre aux Etats-Unis, souvent plus fréquemment que les Français de France. Je pense surtout à ceux du Canada et d'Amérique latine. Je pense également aux hommes d'affaires, aux intellectuels, aux chercheurs. Et Dieu sait si les chercheurs ont besoin d'y aller !

Leur intérêt serait d'obtenir, dès cette année, des passeports sécurisés afin de ne pas avoir à demander de visa à partir du 1er octobre 2004. S'ils sont nombreux à en faire la demande et si nous, parlementaires, les encourageons dans cette voie, le centre de traitement des documents sécurisés sera submergé par un véritable raz de marée.

S'ils ne les demandent pas, leur entrée aux Etats-Unis sera soumise à visa à dater du 1er octobre de cette année. Il est clair que, dans ce domaine sensible de la citoyenneté, le fait d'être un Français établi à l'étranger constitue une pénalité.

Il serait intéressant de comparer les moyens en agents des préfectures à ceux du ministère des affaires étrangères par rapport au nombre de cartes d'identité et de passeports demandés et délivrés.

coût du traitement des eaux pour les petites communes rurales

M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier, auteur de la question n° 430, adressée à M. le ministre de la santé et de la protection sociale.

M. Bernard Fournier. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'ai souhaité appeler l'attention de M. le ministre de la santé et de la protection sociale sur les difficultés de mise en oeuvre du décret du 20 décembre 2001 relatif aux eaux destinées à la consommation humaine, à l'exclusion des eaux minérales naturelles.

En effet, depuis le 25 décembre 2003, les exigences de qualité ont changé, les normes ont été modifiées et les conséquences qui en découlent pour les petites communes doivent faire l'objet d'un examen tout particulier.

Les services déconcentrés de I'Etat ont, à la fin de l'année dernière, informé les maires des communes qui opéraient des captages de la nécessité de se mettre en conformité avec ces nouvelles normes. Il s'agit de celles qui ont trait au TAC, titre alcalimétrique complet, et au pH.

Si l'on peut théoriquement comprendre le souci de l'Etat de respecter les dispositions européennes ou internationales, il faut aussi souligner que les normes proposées sont très restrictives et que leur dépassement reste sans conséquence pour la santé humaine.

Les coûts des nouvelles mesures proposées pour le traitement sont littéralement exorbitants pour les petites communes rurales. Par exemple, dans la Loire, la commune de La Chapelle-en-Lafaye, qui compte 108 habitants, s'est vu remettre par la direction départementale de l'agriculture et de la forêt un devis s'élevant à 215 280 euros. Ces charges sont insupportables ! Elles sont totalement démesurées par rapport à leurs moyens budgétaires.

La commune de Thélis-la-Combe, située dans le parc naturel régional du Pilat, est, pour sa part, dans la même situation. Madame la secrétaire d'Etat, je pourrais multiplier les exemples.

Je tiens à rappeler qu'un compte rendu de la réunion de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, en date du 18 mars 2003, montre bien que l'échelon communal, en milieu rural, n'est pas adapté pour supporter de telles charges. Dans l'attente d'une modification éventuelle des règles en vigueur, les élus locaux alertent leurs représentants et leur demandent de relayer leurs préoccupations, ce que je fais aujourd'hui.

Je vous remercie donc, madame la secrétaire d'Etat, de bien vouloir m'indiquer si M. le ministre de la santé a déjà été avisé de cette question et s'il entend préconiser des mesures particulières afin que les petits villages puissent tout à la fois assurer une eau de qualité à leurs habitants et tenir compte du principe de réalité eu égard à la modestie de leurs budgets.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat, que je salue à l'occasion de sa première intervention devant la Haute Assemblée. Je suis certain qu'elle saura faire preuve de courage dans la charge qu'elle va devoir assumer. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur le sénateur, la directive européenne du 3 novembre 1998, transcrite en droit interne par le décret du 20 décembre 2001, actuellement codifié dans le code de la santé publique, introduit de nouvelles dispositions en matière d'eau destinée à la consommation humaine. Ainsi, tenant compte de l'évolution des connaissances scientifiques sur les risques sanitaires, cette directive a fixé de nouvelles exigences de qualité de l'eau distribuée, en particulier pour ce qui concerne des métaux comme le plomb et le cuivre. Celles-ci sont entrées en vigueur le 25 décembre 2003.

Le point de conformité de l'eau, auparavant situé au point de livraison de l'abonné, généralement le compteur d'eau, est désormais fixé au robinet du consommateur. Ainsi, la limite de qualité du plomb dans l'eau, qui est fixée actuellement à 25 microgrammes par litre au robinet du consommateur, sera abaissée à 10 microgrammes par litre au 25 décembre 2003.

Sans la mise en oeuvre d'un traitement particulier et du remplacement des branchements publics en plomb, les nouvelles normes de qualité pour les paramètres plomb et cuivre ne seront pas respectées.

Dans le département de la Loire, certaines eaux sont très agressives et ont tendance à dissoudre les métaux constitutifs des canalisations publiques et privées. La mise à l'équilibre des eaux, c'est-à-dire l'adaptation de leur pH et du titre alcalimétrique complet, est nécessaire afin de garantir une eau conforme aux consommateurs. Ce point a d'ailleurs été rappelé par le Conseil supérieur d'hygiène publique de France, qui a été consulté pour le cas de la commune de Thélis-la-Combe.

A cet égard, vous appelez fort justement mon attention sur le coût des mesures à mettre en oeuvre au regard des capacités financières dont disposent les communes, en particulier les petites communes rurales. Je vous rappelle que ces dernières, pour de tels travaux, peuvent déjà bénéficier des aides des agences de l'eau et de celles des conseils généraux.

La mission parlementaire qui a été confiée par M. le Premier ministre à M. le député Flory évoque sur ce point la nécessaire recherche de solidarité à trouver en faveur des territoires ruraux, car, comme vous, je suis attachée à ce que les petites collectivités puissent délivrer à leurs habitants une eau conforme aux normes de potabilité.

J'examinerai donc avec mes collègues du Gouvernement les modalités de gestion à établir. Celles-ci pourraient éventuellement prendre place dans le cadre de l'élaboration de la future loi sur l'eau.

M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.

M. Bernard Fournier. Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie de la réponse que vous venez de m'apporter, même si, pour l'instant, je reste un peu sur ma faim.

M. Daniel Raoul. Sur votre soif ! (Sourires .)

M. Bernard Fournier. Néanmoins, j'ai noté que vous étiez prête à étudier avec beaucoup de bienveillance les soucis financiers des petites communes rurales. Je serai donc particulièrement vigilant dans les prochains mois ou, plutôt, dans les semaines qui viennent, puisque les communes ont le couteau sous la gorge.

situation des médecins du travail du personnel hospitalier

M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Courtois, auteur de la question n° 443, adressée à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.

M. Jean-Patrick Courtois. Madame la secrétaire d'Etat, je me suis permis d'appeler l'attention de M. le ministre de la santé et de la protection sociale sur la situation de précarité, surtout en matière de protection sociale, des médecins du travail du personnel hospitalier.

Ceux-ci sont très mal couverts en cas de maladie, leur retraite sera dérisoire par rapport à celle d'un titulaire ou d'un praticien hospitalier et leur protection en cas d'accident du travail les place en grande difficulté au bout de trois mois d'arrêt, alors qu'ils doivent souvent se déplacer pour se rendre dans chaque établissement, évitant ainsi le déplacement des agents jusqu'au centre principal.

Leur fonction de gestion des risques professionnels, dans un milieu de travail qui comporte un panel de nuisances physiques, chimiques, biologiques et psychopathologiques exceptionnellement vaste, ne justifie aucunement ce traitement de mépris par rapport aux autres médecins. Leur rôle est tout aussi important que celui d'autres praticiens hospitaliers. Il est donc difficilement compréhensible que la prise en charge du personnel vaille moins que celle de l'hygiène, de l'information médicale, de la pharmacie ou de la gériatrie. Or tous ces intervenants ont le statut de praticien hospitalier.

Pour toutes ces raisons, le statut de praticien hospitalier doit leur être attribué. Dans un premier temps, une délibération en ce sens sera prochainement prise au centre hospitalier de Mâcon. Cependant, il est nécessaire de leur attribuer ce statut au plan national. Cette solution permettra de réparer une injustice en les plaçant dans la situation de tous les autres praticiens.

En conséquence, je vous serais reconnaissant, madame la secrétaire d'Etat, de bien vouloir m'indiquer s'il est envisagé d'attribuer prochainement le statut de praticien hospitalier aux médecins du travail du personnel hospitalier ou, tout au moins, le statut des agents titulaires de la fonction publique avec la grille de salaire des médecins praticiens hospitaliers.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur le sénateur, vous avez appelé mon attention sur la situation des médecins du travail, aussi bien sur le plan statutaire qu'en ce qui concerne leur protection sociale, considérant que leur rôle et leur place n'étaient pas suffisamment reconnus au sein des établissements hospitaliers.

Dans un contexte particulièrement évolutif où la médecine du travail se transforme progressivement en médecine de santé au travail, le rôle du médecin du travail comme coordonnateur d'équipes de santé au travail pluridisciplinaire est effectivement central. Particulièrement sensibilisé à cette problématique, mon prédécesseur a mis en place, au printemps 2003, un groupe de réflexion composé de représentants des professionnels : association des médecins du travail, président de conférences de directeurs et président de commission médicale d'établissement, représentants des employeurs.

Ce groupe a rendu ses conclusions au dernier trimestre de 2003, tant sur le plan des évolutions statutaires, en recommandant une revalorisation de leur carrière se rapprochant de celle des praticiens hospitaliers, que, plus largement, sur le plan de l'organisation et du fonctionnement de la médecine du travail, en recommandant le développement des services de santé au travail pluridisciplinaire.

Pour compléter ces propositions, une grande enquête, actuellement en cours de dépouillement, a été lancée auprès de cinq cents établissements de tailles et de secteurs différents. Elle a pour objectif à la fois de mieux identifier les conditions matérielles d'exercice de la médecine du travail en termes d'effectifs, de locaux, d'organisation, mais aussi de recueillir des informations sur les conditions d'exercice des médecins du travail. A l'issue de ce large inventaire, des propositions concrètes d'évolution de la médecine du travail et de ses acteurs pourront être formulées.

M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Courtois.

M. Jean-Patrick Courtois. Tout en vous remerciant, madame le secrétaire d'Etat, de vos indications, je vous demande d'aller le plus vite possible vers la résolution des problèmes sociaux que rencontrent les médecins du travail, notamment en cas d'accident de la route. Amenés, comme vous le savez, à se déplacer d'un hôpital à un autre, ils se retrouvent malheureusement, lorsqu'un accident de la route survient, sans traitement au bout de trois mois, ce qui leur pose, bien sûr, des problèmes tant dans leur vie familiale que dans leur vie sociale. Ce sont ces problèmes qu'il importe, à mon sens, de résoudre au plus vite.

inquiétudes des familles d'enfants lourdement handicapés

M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix, auteur de la question n° 445, adressée à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.

M. Philippe Nogrix. J'avais adressé ma question à votre prédécesseur, Mme Boisseau, qui souhaitait, je le savais, que je l'appelle Mme le secrétaire d'Etat. Mais j'ignore quelle est la règle du jeu avec vous : souhaitez-vous que je vous appelle Mme le secrétaire d'Etat ou Mme la secrétaire d'Etat ?

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, auprès du ministre de la santé et de la protection sociale. Je suis favorable à la féminisation.

M. Philippe Nogrix. Très bien, je vous appellerai donc Mme la secrétaire d'Etat.

Madame la secrétaire d'Etat, je me ferai ici le relais d'associations et de parents d'enfants lourdement handicapés de mon département, 1'Ille-et-Vilaine, département que Mme Boisseau connaissait bien puisqu'elle en était l'élue.

Le Placis Vert est un établissement qui a été transformé en MAS, maison d'accueil spécialisée, le 1er  juillet 2001. Depuis cette date, les parents constatent progressivement toutes les conséquences de cette nouvelle situation, parfois inacceptable et très souvent ubuesque.

Depuis ce changement de statut, les enfants sont les mêmes, l'établissement est le même, le personnel est le même, mais le statut est différent.

Premier problème, la MAS étant considérée comme une résidence, la caisse primaire d'assurance maladie refuse désormais de prendre en charge les frais de déplacement quand les enfants rentrent dans leurs familles et quand ils reviennent au centre à la fin du week-end ou des vacances. Le coût est plus ou moins important suivant le lieu de résidence de la famille Mais surtout, et c'est là le plus alarmant et le plus inquiétant, les considérations financières deviennent progressivement une entrave au retour en famille.

Le second problème concerne le forfait hospitalier. Il est automatiquement appliqué dans les MAS,  ces dernières étant considérées non comme des établissements de soins, mais bien comme des lieux de vie. C'est une nouvelle charge, qui nous semble injuste, que doivent supporter ces personnes handicapées. Leur seule ressource est l'allocation adulte handicapé. Or elle se trouve amputée de ce forfait hospitalier qui représenterait un peu plus de 300 euros par mois.

Madame la secrétaire d'Etat, ces familles sont inquiètes, elles vous l'ont fait savoir. Elles attendent des réponses claires, fermes et surtout encourageantes, réponses que, j'en suis certain, vous allez leur donner aujourd'hui.

N'oublions pas qu'à plusieurs reprises le Président de la République a affirmé son attachement à l'amélioration de la prise en charge du handicap en garantissant aux handicapés leur autonomie et des moyens de subsistance suffisants. Compte tenu de cet attachement, je suis amené à penser que vous aurez à coeur de reconsidérer la situation des MAS.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur le sénateur, les maisons d'accueil spécialisées, les MAS, assurent de manière permanente aux personnes les plus lourdement handicapées l'hébergement, les soins, les aides à la vie courante et des activités de vie sociale. L'ensemble des dépenses entraînées par ces missions sont supportées par l'assurance maladie dans le cadre d'un prix de journée, conformément aux articles 2, 6 et 7 du décret du 26 décembre 1978.

S'agissant de la prise en charge des frais de transport entre la MAS et le domicile de la personne concernée, il ne peut être déduit des missions susmentionnées qu'elle relève du prix de journée. Néanmoins, dans le cadre d'une prescription médicale et sous le contrôle des médecins- conseils des caisses primaires, ces dernières peuvent prendre en charge les frais de transport, en recourant à certains critères tels que l'impossibilité pour la famille et l'établissement d'assurer le transport en question ou le relatif éloignement du domicile. Cependant, cette prise en charge n'est pas prévue par le code de la sécurité sociale. Elle relève donc des prestations extra-légales de la caisse primaire et de son pouvoir discrétionnaire.

Cette formule ne soulève pas d'inconvénient majeur lorsqu'il s'agit d'une MAS accueillant à temps plein, ce qui est actuellement le plus souvent le cas, des personnes dont les déplacements entre la MAS et leur domicile restent peu fréquents, en l'occurrence lors des week-end ou des vacances. Toutefois, le développement de formules d'accueil plus souples, telles que l'accueil de jour, pourrait conduire à une augmentation du nombre de déplacements et, par voie de conséquence, de la charge qu'ils représentent.

Dans ces conditions, consciente de la double nécessité de permettre aux personnes handicapées qui sont accueillies en MAS de conserver des liens étroits avec leur famille sans augmenter corrélativement de manière non justifiée les dépenses de transport qui pourraient être mises à la charge de la collectivité publique, je vais faire expertiser, au regard de cette double exigence, différentes solutions susceptibles de répondre aux attentes légitimes des personnes handicapées et de leurs proches.

L'articulation entre les dispositifs mis en place par la loi 2002-2 sur les institutions sociales et médico-sociales et ceux, concernant en particulier l'application du droit à compensation, prévue dans le cadre du projet de loi sur l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, offrira sans doute une solution au problème réel que vous soulignez.

De même, la poursuite prévue des programmes de création de places vise à développer des formules d'accueil plus diversifiées mais aussi de proximité devant réduire progressivement les accueils éloignés, qui ne sont jamais une bonne solution.

J'en viens au forfait hospitalier. Il s'agit, au sens strict, d'un forfait journalier que le pensionnaire d'une MAS doit payer pour participer aux frais de son hébergement et de son entretien, au même titre que le pensionnaire d'autres établissements médico-sociaux. C'est le cas pour le foyer d'accueil médicalisé, foyer de vie ou foyer pour travailleurs handicapés. Toutefois, une personne hébergée en MAS doit conserver un minimum de ressources équivalant à 12 % du montant de l'allocation aux adultes handicapés à taux plein, et ce afin de subvenir à ses besoins vestimentaires ou de loisirs -conformément à l'article R. 821-13 du code de la sécurité sociale. Ce montant est souvent jugé insatisfaisant et de nature à limiter les aspirations des résidents de MAS à une vie de qualité. Le projet de loi sur l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées offrira, monsieur le sénateur, l'opportunité, par ses textes d'application, d'harmoniser et d'améliorer les règles relatives au « reste à vivre » en vigueur dans les établissements sociaux et médico-sociaux accueillant des personnes handicapées.

M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix.

M. Philippe Nogrix. Je préfère certaines parties de votre réponse, madame, à d'autres. Ce n'est pas la référence au décret - pas plus que l'interprétation stricte du texte - qui donnera espoir aux familles des handicapés. En revanche, ce qui peut leur donner espoir, c'est le fait que le message du Président de la République ait été réitéré et répété.

Je pense donc qu'il faut profiter de cet appui de l'Elysée pour obtenir enfin les crédits dont vous avez besoin. En effet, si l'on décline les différents éléments les uns après les autres - les obligations de transport et les 12 % laissés à la personne pour ses loisirs et ses besoins vestimentaires - c'est vrai que la formule paraît bien équilibrée.

Mais quand, tout à coup, parce qu'un ministère a décidé d'un changement de statut de l'établissement, on vous prélève une partie de ces 12 % pour prendre en charge des frais de transport que vous ne payiez pas auparavant, votre vie s'en trouve bouleversée.

Je pense que, sur ce point, madame, nous devons pouvoir faire appel à une notion que nous, législateurs, avons inscrite dans la Constitution : le droit à l'expérimentation.

Je serais pour ma part très satisfait que vous puissiez donner à l'établissement Guillaume Régnier de Rennes, qui administre le Placis Vert, le droit d'expérimenter les solutions envisageables tant pour le transport que pour le forfait hospitalier, lequel, je le rappelle, était pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie. Si cette dernière n'intervient plus, il faut que la solidarité nationale prenne le relais. Mais ne changeons pas les choses sous prétexte qu'on change de statut !

manque d'équipements pour la prise en charge des personnes handicapées

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, auteur de la question n° 456, adressée à Mme le secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, lors du colloque organisé, en mai 2003, par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, sur le thème «Le handicap, un des trois chantiers du Président de la République », l' un des participants, et non des moindres, M. Debré, président de l'Assemblée nationale, déclarait : «Les places offertes dans les établissements ne sont pas assez nombreuses. Beaucoup d'enfants n'ont pas accès aux établissements spécialisés qui leur seraient nécessaires et restent sur des listes d'attentes. Les places en CAT ou ateliers protégés manquent. Des moyens financiers supplémentaires devront être dégagés ».

Vous le voyez, ce réquisitoire est sévère. Mais pour être complet, il convient d'ajouter trois éléments : premièrement, sur le plan national, la situation s'est dégradée d'année en année au cours de la dernière décennie ; deuxièmement, sur le plan francilien, cette situation fait apparaître un déficit en places encore plus marqué ; troisièmement, rien n'a été fait par les gouvernements ces dernières années pour corriger une telle situation, si ce ne sont des plans utopiques restés dans le domaine du virtuel.

Premier élément : la situation sur le plan national se dégrade. En se référant à la dernière statistique publiée par la DRASS, la direction régionale de l'action sanitaire et sociale, le nombre de places offertes en France métropolitaine pour l'enfance et la jeunesse handicapée est passé, pour les déficients mentaux, de 74 924 en 1995 à 68 774 en 2001 - qui est la dernière année où la statistique a été publiée. De 7 609 places en 1995, le nombre est passé à 7 102 pour les handicapés moteurs. Il est passé de 11 742 à 9 562 pour les déficients sensoriels. Ces chiffres, éloquents, vous le voyez bien, expliquent combien il est devenu difficile de se procurer des statistiques mises à jour en 2003. Elles n'existent pas. Le dernier document établi par l'observatoire régional de la santé en Ile-de-France date de 1998. Il n'a pas été actualisé concernant la jeunesse handicapée.

Deuxième élément : ceci expliquant cela, la situation francilienne sur laquelle je vous interpelle est encore plus grave. Mis à part le nombre de places pour polyhandicapés, qui s'est accru au cours de ces deux dernières années, dans tous les autres secteurs - troubles du comportement, handicapés moteurs, déficients sensoriels, déficients mentaux - ce nombre a diminué de 1995 à 2003, passant de 14 273 à 13 665.

Contrairement à ce qu'ont déclaré vos prédécesseurs, la situation se dégrade d'année en année depuis 1995. Est-ce pour cela que le secrétariat d'Etat aux handicapés cache les chiffres et ne publie aucune statistique réelle et transparente ?

Enfin, troisième élément que je soumets à votre réflexion - et que connaissent parfaitement les services de votre ministère - une telle situation conduit au désastre de l'émergence en Ile-de-France de centaines de situations dites « sans solution ».

Quel terrible mot, tant il évoque une expression honteuse pour un pays moderne et riche ! Je me fonde sur une note de la DRASS qui date de mars 2004, fondée sur le résultat des travaux de groupes de travail constitués à la demande des chefs de projet de la planification médico-francilienne du secteur des personnes handicapées.

Personne n'a encore évoqué ou publié ces chiffres. Ils sont accablants. Pour l'Ile-de-France, 790 enfants ayant une orientation non satisfaite, sont actuellement « sans solution », privés d'éducation, et restent à la maison. Tous les départements sont touchés, le record étant atteint par les Hauts-de-Seine avec 179 enfants. Tous les handicaps sont concernés, le pourcentage le plus élevé étant celui des polyhandicapés.

A ces 710 enfants « sans solution », il faut ajouter 548 jeunes Franciliens relevant de l'amendement Creton. Seulement 52 %, soit 286, sont accueillis en Ile-de-France. Ils souffrent de handicaps relevant de l'annexe 24 ; autrement dit, ce sont soit des autistes, soit des handicapés lourds pour 62 % d'entre eux.

Permettez-moi de vous faire remarquer que, sur ces 548 enfants, 192, donc 35 %, sont accueillis dans une autre région. L'Ile-de-France est donc bien une région défavorisée. En outre, 13 % d'entre eux, soit 70 enfants, sont accueillis en Belgique. Je vous rappelle à cet égard que le budget de ce pays est équivalent à celui de l'Ile-de-France alors que sa population est inférieure.

Je me permets également d'ajouter que le nombre d'adultes handicapés franciliens accueillis en Belgique s'élèverait à 664 - ce chiffre est certainement en dessous de la réalité -, dont 612 sont pris en charge en foyers par les conseils généraux franciliens, l'aide sociale finançant les prises en charge en centres d'aide par le travail, les CAT.

Je termine en vous citant un dernier chiffre encore plus accablant. Dans quatre départements franciliens, 885 personnes adultes ont été recensées comme étant « sans solution », quatre autres départements, - Paris, les Hauts-de-Seine, le Val-de-Marne, et le Val-d'Oise - prétendant ne pas pouvoir accéder aux informations.

Sur ces 885 personnes, 39 % devraient être accueillies dans une maison d'accueil spécialisée, une MAS, 14 % dans un foyer d'accueil médicalisé, un FAM, 9 % dans une MAS ou un FAM, et 38 % ont une orientation vers un foyer occupationnel. Autrement dit, en ce qui concerne les adultes, malgré les places créées dans le cadre des plans quinquennaux, la région est encore déficitaire de 525 places de MAS, de 161 places de FAM et de 833 places de foyers ouverts.

Si les jeunes relevant de l'amendement Creton étaient pris en charge par des structures du secteur adulte, la région serait malgré tout déficitaire de plusieurs centaines de places et ne pourrait pas répondre aux besoins des enfants accueillis en Belgique ou « sans solution ».

Que comptez-vous faire pour réduire dès 2004 ce déficit et le faire disparaître dans les deux années à venir ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État aux personnes handicapées. Madame Beaudeau, vous appelez mon attention sur l'insuffisance des équipements pour adultes et pour enfants en Ile-de-France.

Le Gouvernement est conscient des manques en matière d'équipement pour enfants et adultes handicapés, notamment dans cette région. C'est pourquoi l'effort de rattrapage a été poursuivi grâce au doublement des crédits alloués en 2003, dernière année du plan triennal 2001-2003 et du plan quinquennal 1999-2003.

Au titre du plan triennal en faveur des enfants, des adolescents et des adultes handicapés, c'est une enveloppe de 107,61 millions d'euros qui a été dégagée, permettant la création de 5 439 places nouvelles en services d'éducation spéciale et de soins à domicile - les SESSAD. A ce titre, 23,5 millions d'euros permettant la création de 1 178 places nouvelles en SESSAD ont été alloués à la région d'Ile-de-France.

Au titre du plan pluriannuel de création de places en MAS et en FAM pour adultes lourdement handicapés, 210,63 millions d'euros ont été alloués sur des crédits d'assurance maladie et ont permis la création de 5 960 places nouvelles en MAS et en FAM. La région d'Ile-de-France s'est vue attribuer 63,65 millions d'euros pour la création de 1 975 places. Une enveloppe de 99,59 millions d'euros a également été dégagée au plan national sur des crédits d'Etat pour créer 10 000 places de centres d'aide par le travail. Pour ce qui concerne l'Ile-de-France, ce sont 23,7 millions d'euros qui ont été attribués à la région permettant la création de 2 358 places.

L'enveloppe régionale pour l'Ile-de-France atteint en 2004 environ 990 millions d'euros contre 933 millions d'euros pour l'année 2003. Cette nouvelle enveloppe prévoit le financement de créations de places pour 23,5 millions d'euros, dont la moitié pour les enfants et les adolescents. En ce qui concerne les crédits d'État pour l'année 2004, 603 places nouvelles de centres d'aide par le travail ont été attribuées à la région d'Ile-de-France.

Il convient de souligner que ces crédits font l'objet d'une véritable déconcentration de gestion. Les services de l'Etat se voient affecter un objectif général décliné en priorités ciblées sur des publics comme les autistes ou les polyhandicapés, des structures telles que les instituts de rééducation, les SESSAD, ou la promotion de solutions innovantes comme l'accueil temporaire dont les familles ont tant besoin. Les services peuvent ainsi affecter les crédits au plus près des besoins et des réalités du terrain tout en s'inscrivant dans le respect des orientations nationales.

Enfin, je vous rappelle qu'un nouveau programme pluriannuel prévoyant entre 2005 et 2007 la création de 1 800 places par an en établissements et services pour enfants et adolescents handicapés, 7 500 places de MAS et de FAM, 4 500 places en services d'accompagnement et 8 000 places de CAT, a été annoncé à l'occasion de la présentation du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

La répartition régionale de ces crédits doit être déterminée au regard de l'évaluation des besoins, des projets à l'étude et des moyens affectés.

Dans le cadre de la répartition de ces moyens nouveaux, je veillerai à la pertinence de ces modalités de répartition régionale et j'accorderai une attention toute particulière à la situation de la région d'Ile-de-France qui continue, malgré les efforts importants déjà engagés, à afficher un réel retard d'équipement qui doit être comblé progressivement.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Madame la secrétaire d'Etat je vous remercie de votre réponse. Je tiens à vous dire ce que vous savez déjà, c'est-à-dire que la loi sur l'égalité des chances concernant les personnes handicapées n'est pas encore adoptée, puisque la navette parlementaire n'est pas encore terminée. Il faut espérer que nous n'attendrons pas le vote de cette loi pour que les financements qui ont été dégagés puissent être utilisés.

Je peux vous confirmer que les projets déposés par les associations pour la création d'établissements en Ile-de-France existent. Ils sont déjà depuis plusieurs années dans les cartons, comme on dit familièrement, et il sera très facile de les sortir si on a la volonté politique de créer ces places d'accueil.

Dans votre réponse, vous reconnaissez le retard en équipement pour les personnes handicapées, qu'il s'agisse d'enfants ou d'adultes. Ce retard est bien réel, et il me semble que cette absence de places d'accueil en établissements est inhumaine ; c'est une question politique. Les familles et leurs associations veulent des réponses concrètes, durables et de qualité sur la création de ces places d'accueil pour leurs enfants ou pour les adultes dont l'orientation a été décidée.

Il n'est pas normal qu'autant d'enfants et d'adultes soient obligés de quitter la France pour être hébergés en Belgique. C'est un véritable scandale et nous pensons que la priorité doit être donnée aux familles qui souhaitent que leurs parents handicapés restent en France.

Structures d'accueil des handicapés dans l'Hérault

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, auteur de la question n° 462, adressée à Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées.

M. Gérard Delfau. Une nouvelle fois, madame la secrétaire d'Etat qui êtes en charge des personnes handicapées, je veux attirer votre attention sur la situation préoccupante du secteur médico-social dans l'Hérault. Je dis « une nouvelle fois », parce qu'il y a un an, dans cet hémicycle, je posais une question orale à ce sujet à Mme Marie-Thérèse Boisseau, alors titulaire de ce poste.

Dans sa réponse, celle-ci reconnaissait qu'un retard considérable avait été pris depuis une dizaine d'années en Languedoc-Roussillon du fait de la poussée démographique, dans la création de places pour l'accueil des personnes en situation de handicap au sein des établissements spécialisés. Elle m'annonçait un plan de rattrapage couvrant les trois départements du Languedoc-Roussillon particulièrement touchés : le Gard, l'Hérault, les Pyrénées-Orientales.

Simultanément, elle se rendait dans le Gard et confirmait ce propos. Quelques mois après, ne voyant pas venir les moyens annoncés, les associations gestionnaires se sont regroupées dans une coordination et ont effectué, en vain, plusieurs démarches auprès de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, la DDASS, mais aussi auprès de la caisse régionale d'assurance maladie, la CRAM, et auprès de M. le préfet de région.

Dans la foulée, et comme l'administration ne nous fournissait pas les chiffres, un groupe de travail composé de directeurs d'établissements a été chargé de faire un inventaire précis des dossiers en attente. Le résultat, s'agissant des enfants et des adolescents, dépasse tout ce que nous avions craint.

Voici quelques éléments de ce constat que l'administration ne peut récuser. Dans le seul département de l'Hérault, pour deux enfants accueillis, un est en attente « sans solution », selon la terminologie administrative. Le nombre de résidants hébergé au titre de l'amendement Creton est équivalent à l'effectif d'une MAS.

Pour les adultes, l'inventaire est en cours, et déjà l'effectif des instituts médico-pédagogiques, les IME, s'ajoutant aux enfants qui n'ont pas trouvé de place jusqu'ici, laisse présager que la situation sera plus préoccupante encore.

En outre, il faut prendre en compte le vieillissement des personnes en situation de handicap au sein des MAS. Un dossier d'extension de l'association que je préside a été purement et simplement rejeté par l'administration, sans instruction de sa part.

Enfin, il y a le cas des enfants autistes. Le département de l'Hérault ne connaît pas, au niveau de sa DDASS, la mesure de l'accueil temporaire. Quand je m'en inquiète, on me dit que ce n'est pas possible et qu'il n'y a pas de crédit pour cela.

De plus, les budgets alloués sont insuffisants au point que la grande majorité des établissements a introduit un recours contentieux devant la cour d'appel de Bordeaux. Les uns après les autres, les établissements gagnent face à l'administration, mais bien sûr sans qu'il y ait de conséquence puisque l'État n'applique pas la décision prise par la justice.

J'ajoute pour finir que, jusqu'à ces derniers mois, c'est-à-dire jusqu'à l'arrivée du nouveau directeur départemental, les relations étaient tellement tendues qu'aucun dialogue positif ne pouvait avoir lieu entre les présidents, les directeurs et votre administration déconcentrée.

Voilà, madame la secrétaire d'État, le chantier que vous trouvez. J'ai parlé de l'Hérault, mais vous savez que cela concerne en fait trois des cinq départements de la région Languedoc-Roussillon. Ce n'est pas un hasard si ma question vient après celle de ma collègue Mme Beaudeau concernant l'Ile-de-France, parce que, dans les deux cas, c'est sans doute une croissance démographique forte, et peut-être une moindre culture locale et nationale de ce type de problème, qui nous met dans la situation que je suis en train de décrire et dont il faut sortir.

Si nous n'y parvenons pas, madame la secrétaire d'Etat, par votre intervention, nous irons vers une confrontation entre, d'une part, les parents et les associations gestionnaires et, d'autre part, l'Etat, ce que nul ne peut souhaiter.

C'est pourquoi je demande qu'une réunion se tienne d'urgence sous votre autorité afin d'affiner le constat, mais surtout d'amorcer le plan de rattrapage et de remise à niveau dont, je le sais bien, les effets ne se feront sentir qu'après plusieurs années.

Madame la secrétaire d'Etat, cessons ce dialogue de sourds. Nous devons redonner espoir, renouer les fils d'un véritable dialogue afin de porter remède à toutes ces situations préoccupantes, à toutes ces misères morales et physiques que ni vous ni nous ne pouvons supporter.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Anne-Marie Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées . Monsieur Delfau, vous attirez mon attention sur la situation des établissements spécialisés dans le département de l'Hérault, notamment sur les structures accueillant des enfants et des adultes autistes.

La région Languedoc-Roussillon accuse, il est vrai, un déficit de places en établissement médico-social pour les personnes handicapées. Le Gouvernement, conscient de la situation difficile ainsi créée, a accompli un effort général en matière de financement des structures médico-sociales tant pour les enfants et adolescents que pour les adultes, et entend aussi mettre fin aux disparités régionales.

Le développement de plans spécifiques en faveur de certaines personnes handicapées a été complété par une enveloppe, dite de rebasage, qui vient d'être notifiée aux différentes régions. La région Languedoc-Roussillon a ainsi bénéficié d'une enveloppe complémentaire de 10 808 936  euros, qui devrait permettre d'améliorer très sensiblement la situation de la trésorerie de ces établissements.

En outre, la prise en charge de l'autisme et la nécessité de proposer des réponses spécifiques aux personnes qui en sont atteintes et à leur famille retiennent toute l'attention du Gouvernement.

En décembre 2000, le rapport remis au Parlement par le Gouvernement faisait état du bilan du plan de rattrapage conduit entre 1995 et 2000 qui a permis la création de 2033 places. Face aux besoins des personnes et de leurs familles, ces efforts ont été poursuivis et amplifiés.

De nouvelles places ont pu être créées pour les enfants et adolescents autistes à partir de programmations interdépartementales élaborées par les préfets de région, en liaison avec les préfets de département, dans le cadre du programme triennal 2000-2003 et de crédits spécifiques qui ont été alloués au titre de l'année 2004.

La région Languedoc-Roussillon a ainsi bénéficié, dans le cadre des différents plans pour les enfants et adolescents autistes conduits entre 2000 et 2003, d'une enveloppe de 1 046 819 euros. En 2004, les mesures nouvelles inscrites en faveur des personnes handicapées ont connu une augmentation significative de 30% et ont été réparties entre les régions sur la base des taux d'équipements existants pour répondre de manière plus volontariste à leurs besoins. Si l'initiative a été laissée aux régions pour l'utilisation de leur enveloppe en faveur des enfants, il a été précisé que l'enveloppe destinée aux publics prioritaires, dont les personnes atteintes d'autisme, ne pouvait être inférieure à la tranche 2003 du plan triennal.

S'agissant des adultes lourdement handicapés, dans le cadre de la répartition des moyens nouveaux, pour la création de MAS et de FAM , les difficultés rencontrées par le Languedoc-Roussillon ont été particulièrement prises en compte dans le cadre du plan quinquennal 1999-2003. Les crédits en faveur de cette région ont été, entre 1999 et 2003, largement augmentés puisque l'enveloppe a été portée de 1 959 682 à 3 744 424 euros. Pour la seule année 2004, cette enveloppe atteint 7 060 724 euros.

Enfin, je vous rappelle qu'un nouveau programme pluriannuel prévoyant, entre 2005 et 2007, la création de 1 800 places par an en établissement et service pour enfants et adolescents handicapés, 7 500 places de MAS et de FAM, 4 500 places en services d'accompagnement et 8 000 places de CAT a été annoncé à l'occasion de la présentation du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. La répartition régionale de ces crédits doit être déterminée au regard de l'évaluation des besoins, des projets à l'étude et des moyens affectés.

Outre la création de places dans les établissements médico-sociaux, il convient aussi de relever que des instructions ont été transmises aux services déconcentrés pour favoriser la diversification et la personnalisation des modes de prise en charge. De plus, depuis 1999, six centres de ressources sur l'autisme, dont un à Montpellier, ont été créés. D'autres créations devraient intervenir, notamment dans le cadre du plan 2005-2007, afin d'assurer la couverture des différentes régions.

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.

M. Gérard Delfau. Madame la secrétaire d'Etat, je prends bonne note de l'enveloppe de rebasage de 10 millions d'euros que vous avez annoncée pour la trésorerie des établissements. La somme me paraît extrêmement modique au regard des besoins de l'ensemble de la région Languedoc-Roussillon, mais elle est évidemment bienvenue.

S'agissant de l'autisme, puisque vous avez choisi de mettre l'accent sur cet aspect de ma question, qui était beaucoup plus globale, j'avoue que je suis resté sur ma faim. Le retard est colossal. Il n'y a pas, je le répète, de mise en pratique de l'accueil temporaire et, sans votre intervention, il n'y a pas de raison que vos services déconcentrés ne continuent pas à prendre des décisions tout seuls et à les signifier dans les lettres les plus sèches qui soient aux présidents d'associations, dont je fais partie, qui ne peuvent faire face aux situations préoccupantes qui leur sont exposées.

D'autre part, vous n'avez pas évoqué le problème du vieillissement des populations dans les MAS. Même s'il est un peu tôt, par rapport à la réflexion globale qui est engagée, pour examiner ce sujet, je souhaite que nous ayons l'occasion d'y revenir. Je vous rappelle, madame la secrétaire d'Etat, ce qui explique sans doute beaucoup de choses, que nous avons accueilli un million d'habitants dans les quinze dernières années et que l'INSEE prévoit 400 000 habitants supplémentaires entre 2000 et 2015.

M. Gérard Delfau. Par conséquent, je pense que les moyens actuels ne suffisent pas et que l'on n'a pas tout à fait conscience au niveau national de cette course entre les besoins et les moyens qui sont affectés.

Aide au logement temporaire

M. le président. La parole est à M. Francis Grignon, auteur de la question n° 446, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du transport et de la mer.

A cette occasion, je salue M. Marc-Philippe Daubresse, secrétaire d'Etat au logement, qui répondra à M. Grignon et dont ce sera la première intervention devant la Haute Assemblée. Je l'assure de ma fidèle amitié.

M. Francis Grignon. Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question a trait à l'aide au logement temporaire, ou plus précisément à son financement.

En effet, j'ai été sensibilisé dans mon département par l'ARP, association pour la resocialisation en psychiatrie, qui travaille avec le centre hospitalier spécialisé dont je suis le président, et qui gère en fait une douzaine de logements pour les malades mentaux qui sortent de l'hôpital et qui sont en réinsertion.

Or cette association, cette année, n'a plus les moyens de payer les loyers de ces personnes. C'est un exemple, bien sûr, puisque, dans le département du Bas-Rhin, sur les 2 400 000 euros demandés par l'ensemble des associations regroupées au sein de la FNARS, la Fédération nationale des associations d'accueil et de réadaptation sociale, seuls 1 300 000 euros ont été accordés.

Il est urgent de trouver une solution parce que, depuis le mois de mars, il n'y a plus d'argent pour ce type de logement. Je sais que la DASS, la direction de l'action sanitaire et sociale, interroge chaque association pour déterminer quels sont les besoins réels dans l'année et savoir si l'enveloppe de 2 400 000 euros est indispensable.

Si c'est une bonne chose de faire coïncider les moyens avec les besoins réels, cela étant, il y a urgence, et j'aimerais savoir, monsieur le secrétaire d'Etat, quelles mesures le Gouvernement compte prendre pour permettre à ces associations de remplir leur mission d'insertion à travers l'aide à ces logements temporaires.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Marc-Philippe Daubresse, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le sénateur, comme vous le savez, l'aide au logement temporaire permet d'accueillir dans des logements ou des chambres des personnes défavorisées qui ne peuvent accéder, du fait de leurs difficultés, à un logement locatif et peuvent donc percevoir à ce titre une aide à la personne. Elle est financée pour moitié sur le budget du logement et pour moitié sur le budget des prestations familiales.

Le rythme d'augmentation de cette ALT, qui était jusqu'ici distribuée à guichet ouvert, a été particulièrement fort : 14 % par an avec un pic de 23 % en 2002. Le Gouvernement a proposé au Parlement, dans la loi de finances pour 2004, non pas de réduire les moyens consacrés à l'ALT, puisque leur estimation s'est fondée sur le niveau élevé constaté en 2003, mais de programmer ces crédits.

Pour rester à l'intérieur de l'enveloppe nationale ainsi autorisée, les préfets ont reçu des enveloppes départementales dans la limite desquelles ils doivent signer les conventions avec les associations. Mais, pour tenir compte des besoins non prévus qui pourraient apparaître en cours d'année dans tel ou tel département, nous avons constitué une réserve nationale qui, évidemment, n'est pas une réserve gelée, mais qui est utilisable en cours d'année.

Il n'y a donc aucune volonté de réduire en début ou en cours d'année les moyens consacrés à cette aide au logement temporaire.

Je sais que tout cela a été mal compris sur le terrain. Certains préfets ont tardé à signer les conventions et, surtout, comme vous le soulignez, les associations ont cru, de bonne foi, qu'il y avait un désengagement de l'Etat, ce qui n'est pas le cas. Je m'apprête à recevoir dans les prochains jours les associations qui oeuvrent en faveur du logement et je leur apporterai toutes les précisions nécessaires. Par ailleurs, je vais rappeler aux préfets qu'ils doivent signer sans délai les conventions avec les associations.

En ce qui concerne, monsieur Grignon, votre département, le Bas-Rhin, une enveloppe de 1 400 000 euros a été affectée au préfet, somme équivalente à la consommation des crédits en 2002, bien qu'inférieure à celle de 2003, puisque, l'année dernière, les besoins ont connu une forte progression dans ce département.

Il appartiendra donc au préfet du Bas-Rhin, comme d'ailleurs à tous les autres préfets, d'ici à l'été, de m'adresser un état des besoins complémentaires qui pourraient justifier une majoration d'enveloppe sur la réserve nationale, que je suis prêt à accorder afin de répondre concrètement à votre légitime préoccupation.

M. le président. La parole est à M. Francis Grignon.

M. Francis Grignon . Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de cette réponse tout à fait positive.

Fonctionnement des instituts universitaires professionnalisés

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, auteur de la question n° 453, adressée à M. ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

M. Daniel Raoul. Monsieur le ministre, je suis heureux que vous puissiez me répondre en personne, car je sais que vous connaissez bien le problème des IUP, les instituts universitaires professionnalisés. En tout cas, j'ai le souvenir que vous en avez inauguré un dans notre région qui nous est familier à tous deux.

Il y a treize ans, la création des IUP a marqué une avancée décisive de l'université dans la voie de la professionnalisation de ses formations. Ces instituts accueillent aujourd'hui -rançon de leur succès - près de 50 000 étudiants. Ceux-ci, recrutés après un an d'enseignement supérieur, obtiennent après trois ans, à bac + 4, une maîtrise d'IUP et le titre d'ingénieur-maître que la majorité complète rapidement d'ailleurs, à bac + 5, par un DESS, diplôme d'études supérieures spécialisées. Forts de quatre ans d'une formation professionnelle de haut niveau, les diplômés des IUP participent à la vitalité des entreprises et peuvent prétendre, comme leurs collègues issus des grandes écoles, aux carrières les plus valorisantes.

La meilleure reconnaissance est celle des DRH , les directeurs des ressources humaines, qui se traduit dans les annonces de recrutement publiées par les revues professionnelles par des termes tels que « profils IUP souhaités. Ex. Compiègne ou ISTIA ».

Conçus avec les représentants du monde économique et social, gérés par des conseils où siègent à parité professionnels et universitaires, les IUP ont su s'adapter aux besoins d'un monde en perpétuelle évolution tout en veillant à conserver cette pensée libre, cette indépendance et ce recul sans lesquels une formation ne serait pas universitaire. Leur force, c'est de proposer des formations adaptées aux métiers visés, actuels ou en émergence. Leur force, c'est aussi une politique de recrutement sélective, des stages longs, des projets menés en lien avec l'entreprise et des méthodes propres à favoriser le développement de la capacité à analyser la complexité et à mobiliser les facultés d'adaptation.

Facteur de démocratisation, les IUP sont la preuve de la capacité de l'université à concurrencer, sur le terrain qui est le leur, écoles et instituts professionnels, publics ou privés.

Alors pourquoi, sous couvert d'harmonisation européenne, cette volonté des représentants du ministère de rayer de l'offre de formation les cursus professionnalisants longs. En effet, dans sa circulaire du 3 septembre 2003, M. Jean-Marc Monteil, directeur de l'enseignement supérieur, a clairement indiqué que les IUP devront se contenter d'assurer les deux dernières années du cursus, c'est-à-dire le mastère.

Pour les autres années, les étudiants devront suivre une licence généraliste pendant trois ans. Prétendre faire en un an et demi - car, par essence, la première année du mastère sera semi généraliste - ce que l'on faisait en quatre années, est une aberration. Pire, à l'endroit des étudiants, c'est une escroquerie. Pour le plus grand nombre d'entre eux, cette licence - accumulation de savoirs disparates et académiques glanés au gré de réorientations et de panachages sans objectifs - risque de n'être qu'un passeport pour le chômage.

Alors que le souhait des étudiants est d'entrer le plus rapidement possible en contact avec la vie de l'entreprise et ses métiers et qu'il existe à l'heure actuelle une désaffection à l'égard des filières technologiques et scientifiques, pourquoi diminuer cette offre de formation ? Pourquoi une telle volonté de démantèlement de l'existant ? Je n'ose penser qu'il s'agit de faire des économies. On sait bien, en effet, qu'une formation professionnalisante longue est plus chère qu'une formation généraliste.

Ce coup porté aux IUP ne serait-il pas, monsieur le ministre, le premier pas vers la disparition de toutes les formations professionnelles universitaires ?

En agissant de la sorte, l'Etat laisse le champ libre à des structures mercantiles qui ne manqueront pas de proposer des formations uniquement axées sur la rentabilité immédiate et l'exploitation de personnels formatés pour des missions temporaires. Ne serait-ce pas là le but inavoué du désengagement ? Ce serait bien dans l'air du temps, mais très grave pour notre pays.

L'université ne doit pas tourner le dos à la professionnalisation, qui a constitué une véritable évolution et a exigé beaucoup d'investissement de la part des universitaires et des industriels. Ceux-ci doivent pouvoir, dans le cadre européen dont ils ont largement su anticiper l'esprit, continuer à jouer tout leur rôle, avec les moyens nécessaires. Ils doivent être habilités à assurer pendant quatre ans la professionnalisation des cadres dont notre société a besoin.

Monsieur le ministre, quelle est la véritable motivation de cette circulaire, puisque les IUP avaient d'ores et déjà anticipé l'adaptation de notre système universitaire à la réforme LMD, licence - mastère - doctorat ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, je vous remercie d'avoir bien voulu rappeler mon attachement aux IUP et aux filières universitaires professionnalisantes.

Vous avez vous-même rappelé que l'université est ouverte sur le monde. Plus que jamais, les échanges scientifiques et humains placent nos universités en concurrence, particulièrement sur le territoire de l'Union européenne.

C'est pour répondre à cette exigence d'ouverture et de concurrence qu'a été mise en oeuvre la réforme licence - mastère - doctorat, dont le processus s'inscrit dans la durée puisqu'il se déroule sous plusieurs gouvernements.

Cette réforme prend appui sur le processus de professionnalisation lancé depuis plusieurs années au sein des universités et sur la reconnaissance des équipes pédagogiques impliquées dans cette démarche. Les instituts universitaires professionnalisés ont pris toute leur place dans ce mouvement et s'intègrent de façon pleine et entière dans l'offre de formation LMD.

Les universités offriront désormais aux étudiants engagés dans les formations IUP des parcours de formation professionnalisés jusqu'au mastère, c'est-à-dire bac + 5. Il s'agissait d'une demande formulée autant par les étudiants que par les équipes pédagogiques, et à laquelle nous avons répondu.

Ces parcours seront organisés en 120 crédits après le grade de licence, en liaison étroite avec le monde professionnel. Les diplômes de mastère remis à l'étudiant à l'issue de sa formation porteront la marque de leur préparation au sein des IUP.

Par ailleurs, les équipes des IUP pourront concevoir, au sein de l'offre universitaire de licence, des parcours préparant les mastères professionnels en question. Ces formations seront accessibles à des étudiants de toutes origines et de tous établissements par l'aménagement de passerelles entre les niveaux.

Monsieur le sénateur, je veux vous rassurer : la mise en oeuvre de cette réforme n'affaiblira en rien la professionnalisation des universités. Au contraire, elle renforcera sa qualité, selon des modalités qui ont été définies dans le cadre d'une très large concertation avec les IUP, à la suite de la publication de la circulaire du 3 septembre 2003.

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Monsieur le ministre, je voulais souligner que l'entrée en IUP se ferait, à la suite de la mise en application de cette circulaire, après la licence, ce qui fait perdre deux ans de formation professionnelle, même si les 120 unités de crédit permettent de conduire au niveau mastère. Pourquoi limiter l'admission en IUP au niveau bac + 3, alors que le recrutement aux niveaux bac + 1 ou bac + 2 était très satisfaisant ? Des mois de stage et de professionnalisation sont ainsi perdus.

dotations accordées à l'université de la Réunion

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, auteur de la question n° 463, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Anne-Marie Payet. Ma question concerne la dotation en ressources humaines accordée à l'université de la Réunion.

Cette jeune université, en pleine expansion, est une véritable plate-forme avancée de la France et de l'Europe dans l'Océan indien. En conformité avec les propos tenus le 22 janvier dernier par Mme Girardin, ministre de l'outre-mer, lors de la conférence de coopération régionale, je pense qu'il faut conforter sa position dominante dans la course à l'innovation et à la construction d'un espace européen de l'enseignement supérieur dans la zone Océan indien.

Les enjeux que représente le développement de cet appareil de formation et de recherche nécessitent un accompagnement national prioritaire.

Les dotations de l'année dernière - 9 postes d'enseignants et 14 postes IATOS - représentaient un effort national substantiel, à la satisfaction générale.

Cependant, pour 2004, les dotations octroyées sont insuffisantes - 5 postes d'enseignants et 1 poste IATOS -, alors que les besoins, a minima , sont de 10 postes IATOS pour maintenir le niveau actuel et faire face à l'expansion. Les prévisions statistiques annoncent en effet un doublement des effectifs d'ici à 2020.

D'autre part, compte tenu de l'émergence de stratégies nouvelles de Recherche-Innovations, saluées par les collectivités locales et les acteurs économiques de l'île, la création de quatre postes de PRAG, professeurs agrégés, serait nécessaire pour assurer le développement des formations de l'antenne sud.

Monsieur le ministre, l'université de la Réunion, véritable « pépinière de jeunes talents », peut-elle bénéficier de moyens supplémentaires pour maintenir son niveau d'enseignement et s'ouvrir sur le monde ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Madame le sénateur, je vous remercie de votre question et j'aurai l'occasion d'examiner très attentivement la situation de l'université de la Réunion. En attendant, je souhaite vous apporter des réponses techniques et chiffrées.

Il ne vous a pas échappé que la rentrée 2004 a été préparée, dans l'enseignement supérieur, dans un contexte budgétaire très difficile. Nous avons cherché à couvrir au mieux les besoins de chaque établissement.

L'université de la Réunion fait partie des neuf établissements qui seront les mieux dotés à la rentrée de 2004. Elle se situe à la quatrième place au regard de la proportion des créations d'emplois, ramenée aux effectifs de personnels enseignants.

S'agissant des personnels non enseignants, nous avons été conduits à rattraper des situations de déséquilibre sur l'ensemble du territoire national. L'université de la Réunion affiche un rapport, entre la dotation théorique calculée et le nombre d'emplois réels, supérieur au seuil d'attribution couramment retenu. Nous avons cependant décidé d'y créer deux nouveaux emplois et de procéder à la requalification d'un emploi de bibliothèque, de catégorie C en catégorie B.

Enfin, la dotation globale de fonctionnement de cette université a progressé de plus de 9 % au 1er janvier 2004, alors que les crédits destinés à assurer le fonctionnement des autres établissements ne progressaient en moyenne que de 3,4 %.

Madame le sénateur, j'espère que toutes ces mesures vous conforteront dans la certitude que mon administration est très attentive à la situation de l'université de la Réunion et que nous ne manquerons pas d'en accompagner le développement. Je vous propose, dans les semaines qui viennent, de m'en entretenir directement avec vous.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Je comprends votre souci d'accorder à chaque université un nombre de postes équitable et conforme aux prévisions budgétaires. Mais je souhaitais attirer votre attention sur deux points précis.

Tout d'abord, dans le cadre de la coopération régionale, l'université de la Réunion accueille de plus en plus de jeunes originaires des pays qui nous entourent, car ils sont conscients de la qualité de l'enseignement et des formations qui y sont dispensées.

Ensuite, l'essor démographique que nous constatons dans mon département ne s'observe dans aucun autre département français - en métropole tout au moins - et le nombre d'étudiants accueillis au sein de l'université augmente inévitablement, ce qui entraîne un accroissement des besoins en personnels enseignants et techniciens de service.

C'est pourquoi j'ai tenu à vous faire part des inquiétudes du monde universitaire de ma région. Je ne manquerai pas de transmettre à ses représentants votre réponse et surtout de leur faire part de votre intérêt pour cette université.

avenir de l'école supérieure du paysage de Versailles

M. le président. La parole est à M. Charles Gautier, auteur de la question n° 448, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

M. Charles Gautier. Monsieur le secrétaire d'État, j'appelle votre attention sur l'avenir incertain de l'Ecole nationale supérieure du paysage de Versailles qui forme depuis plus de vingt ans les paysagistes, qui sont les aménageurs du territoire. Les projets de Gilles Clément, au parc André Citroën à Paris, ou d'Alexandre Chemetoff, à Nantes, par exemple, sont des témoignages de l'apport du paysagiste au renouvellement du territoire.

La formation de paysagiste, créée par l'Ecole nationale supérieure du paysage de Versailles, se différencie des autres formations. Elle se base en effet sur le projet, outil de connaissance, d'action et de dialogue. Cet enseignement original est assuré par des professionnels, souvent des paysagistes mais pas exclusivement, et constitue une ouverture sur la vie professionnelle par un contact avec des personnes en charge de grands projets.

Mais cette école risque d'avoir des difficultés à poursuivre sa mission.

Depuis 1995, la situation financière de l'Ecole ne cesse de se dégrader. Les subventions ne sont pas accordées de manière régulière. Les restrictions budgétaires ont commencé à amputer les capacités pédagogiques. Ainsi, entre 2001 et 2003, le budget de fonctionnement a été réduit de l'ordre de 25 %. S'y est ajoutée, en 2003, une réduction supplémentaire de 13 % de la subvention du ministère de l'agriculture.

Par ailleurs, le nombre d'heures de cours par élève est passé de 1000 à 750 entre 2000 et 2002.

Ces diminutions ont une influence néfaste sur la pédagogie, car la spécificité de l'Ecole est d'avoir un corps enseignant essentiellement composé de vacataires, financé par le budget de l'École.

Cette année, une nouvelle réduction de 2 % de la subvention du ministère de l'agriculture entraîne la suppression d'autres cours de base. D'ores et déjà en situation précaire, l'Ecole connaît désormais une véritable mise en péril de la qualité de sa mission, voire de sa mission elle-même.

Cette situation trouvera difficilement une solution, tant que les ministères qui subventionnent l'Ecole - équipement, culture, éducation nationale, écologie - ne comprendront pas que la formation de paysagiste est un garant d'un aménagement du territoire cohérent.

Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d'État, je souhaiterai connaître vos intentions quant à l'avenir de l'École nationale supérieure du paysage.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat, à qui je souhaite la bienvenue.

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat à l'agriculture. Monsieur le sénateur, vous avez raison de dire que l'Ecole nationale supérieure du paysage de Versailles, l'ENSP, établissement d'enseignement supérieur placé sous la tutelle du ministère de l'agriculture et d'autres ministères, est, avec l'Ecole d'architecture de Bordeaux, l'un des deux établissements habilités au plan national à délivrer le titre de paysagiste diplômé par le Gouvernement. Cette école a donc un rôle extrêmement important dans la formation des ingénieurs paysagistes et, plus globalement, dans le travail du paysagisme et de l'architecture.

Cette école dispense une formation qui se définit comme celle de « créateurs intellectuels et artistiques de paysages », capables d'aborder et de confronter les différentes échelles spatiales et de conduire une démarche pluridisciplinaire, relevant à la fois des sciences du vivant, des sciences humaines, des techniques du projet et des arts plastiques. A ce titre, elle s'inscrit évidemment au coeur de la problématique de l'enseignement supérieur agricole. Le ministère de l'agriculture y attache donc beaucoup d'importance.

La situation de l'école, localisée sur le domaine national de Versailles, fait l'objet d'une attention toute particulière, notamment au plan patrimonial. En effet, comme vous le savez, l'école a besoin d'investissements très lourds, pour réhabiliter et adapter aux normes actuelles ses bâtiments, qui sont souvent vétustes. De tels travaux, ainsi que les équipements pédagogiques, sont financés par l'Etat, dans la limite des autorisations budgétaires accordées à l'enseignement supérieur agricole par la loi de finances. Or, vous savez que les dotations financières doivent être réparties équitablement entre les différents établissements.

Vous avez rappelé que des restrictions budgétaires sont intervenues ces dernières années, notamment entre 2000 et 2002, sur les dépenses de fonctionnement pour 2001, 2002 et 2003 ; le Gouvernement a dû prendre cette situation en l'état. Or, je tiens à vous rappeler l'attachement que nous portons à cette école - et je le fais d'abord à titre personnel, en tant que secrétaire d'Etat plus spécialement chargé des questions d'enseignement supérieur agricole. Aussi, bien que la situation financière de l'E tat n'ait pas permis d'écarter des mesures conjoncturelles de régulation budgétaire en 2002 et 2003, des subventions de fonctionnement exceptionnelles, d'un montant total de 480 000 euros, lui ont été allouées et une modification de la répartition des crédits de paiement pour les investissements a permis de majorer de 156 000 euros la dotation initiale.

J'ajoute qu'une dynamique d'aménagement cohérent du territoire, notamment des zones urbaines et périurbaines, nécessite de veiller à la qualité de la formation des paysagistes, qui en sont des acteurs majeurs. Je suis donc très attaché à l'avenir de cette école et je me rendrai personnellement sur place.

Enfin, je suis également sensible à ce que vous disiez sur les subventions des autres ministères, qui participent aussi au financement de l'école ; je serai moi-même très attentif à leur évolution.

M. le président. La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Je veux remercier M. le secrétaire d'Etat pour sa réponse, qui offre une perspective au personnel de cette école, à ses étudiants et, plus généralement, à tous ceux qui envisagent, à un moment ou à un autre, de suivre les formations qui y sont dispensées, même si j'ai bien compris que le problème de pénurie budgétaire demeurait largement présent.

Toutefois, je reste un peu sur ma faim par rapport à la question que je vous ai posée. En effet, vous n'avez pas du tout évoqué les conséquences de la mise à l'étude du transfert sur le pôle universitaire d'Angers, annoncée à l'occasion du comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire de décembre 2003.

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat. Il s'agit juste d'un projet.

M. Charles Gautier. Certes, mais ainsi que vous pouvez l'imaginer, cette annonce a créé des inquiétudes, qui sont en totale contradiction avec la réponse, au demeurant très pertinente, que vous venez d'apporter.

Avenir des maisons familiales rurales

M. le président. La parole est à M. Bernard Joly, auteur de la question n 451, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

M. Bernard Joly. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les présidents des maisons familiales rurales, et en particulier ceux de mon département de Haute-Saône, ont, dès ce début d'année, manifesté leur inquiétude à propos du financement attendu, lequel ne leur a toujours pas été versé.

Lors de l'assemblée générale de Dijon en avril 2003, il avait été indiqué que le résultat de l'étude sur le calcul des indices déterminant le montant de la subvention devait être connu rapidement. Pourtant, à ce jour, à ma connaissance, rien n'a été communiqué.

Or, le financement des maisons familiales provient, en partie, de la subvention accordée par le ministère de l'agriculture. Cette subvention est dite « à l'élève ». Elle est calculée en fonction d'un certain nombre de paramètres dont, notamment, la valeur du point de la fonction publique et le coût d'un poste d'enseignant des établissement privés autres que les maisons familiales. La revalorisation du poste a été effective dans les établissements privés, mais pas prise en compte pour le calcul des subventions des maisons familiales. Cette situation dure depuis l'année 2000. Un groupe de travail devait d'ailleurs réaliser une étude sur ce sujet.

Les effectifs finançables, c'est à dire ceux qui sont portés au contrat et qui sont demandés, sont supérieurs aux effectifs qui, finalement, reçoivent des crédits à hauteur nécessaire. Ce retard est préjudiciable au fonctionnement financier des associations qui gèrent ces structures. Ainsi, la participation des familles est excessive, les manques en équipements et en personnels se font ressentir et les salaires des enseignants ne sont pas à la hauteur de ce qui se pratique dans les autres établissements de formation. En conséquence, la recherche de recettes, souvent aléatoires, mobilise trop les administrateurs. La situation actuelle, selon les responsables, ne permet plus d'assurer les missions prévues par la loi de 1984.

Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d'Etat, être informé des progressions de ce dossier, qui concerne une source de dynamisme en milieu rural.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat à l'agriculture. Monsieur le sénateur, comme vous l'avez dit, les maisons familiales rurales jouent un rôle essentiel pour le dynamisme des territoires. C'est pourquoi, je tiens à réaffirmer ici l'attachement du Gouvernement à ce que ces structures, dont j'ai reçu les représentants dès ma prise de fonctions, disposent des moyens nécessaires à l'accomplissement de leurs missions. Pour ce faire, les dispositions législatives et réglementaires doivent être pleinement appliquées pour le rythme approprié, comme elles le sont déjà pour l'enseignement à temps plein. Ainsi, le décret portant revalorisation du coût du formateur a été publié en 2003. En 2004, les crédits sont préservés.

Par ailleurs, le dégel des crédits des bourses a permis d'honorer en 2003 le versement des bourses d'internat, mises en place dès la rentrée 2002, à parité avec le ministère chargé de l'éducation nationale. Les crédits des bourses sur critères sociaux augmentent de 3 % au budget 2004.

La spécificité de l'enseignement privé par alternance n'est pas remise en cause. Une réflexion a été engagée, afin de programmer les évolutions ultérieures sur le coût du formateur et sur les effectifs dans le cadre d'un plan global de financement de l'enseignement privé alterné. Le ministère s'est attaché à définir, de façon concertée, les moyens de parvenir à une gestion optimale des effectifs d'élèves, de façon à mieux utiliser l'argent public. C'est ainsi qu'un accord a été obtenu avec l'Union nationale des maisons familiales quant à la détermination d'un effectif régional à financer pour la rentrée 2003, c'est-à-dire pour l'année civile 2004. Cet effectif régional permet d'opérer des ajustements indispensables à une bonne gestion entre les établissements d'une même région, dans le cadre de l'enveloppe régionale attribuée. L'accord permet donc de regarder l'avenir non seulement avec réalisme, mais aussi avec optimisme.

Un groupe de travail paritaire sur les modalités de calcul de la subvention a été mis en place. Ses conclusions ont été communiquées aux représentants nationaux des maisons familiales, le 28 janvier 2004. Aussi, je vous redis ici ce que j'ai déjà eu l'occasion de dire voilà huit jours, lors du congrès national des maisons familiales rurales : le ministère s'engage, sur la base des conclusions de ce groupe de travail, à revaloriser le coût du formateur du rythme approprié au niveau déterminé par ce groupe, suivant un échéancier de quatre ans. Par ailleurs, le retard de quatorze millions d'euros, constaté par le groupe de travail, sera intégralement rattrapé et l'indexation annuelle sera calculée, puis mise en oeuvre dans les délais prévus.

Ce sont là des décisions claires, qui ont été réaffirmées, ces derniers jours, auprès des responsables des maisons familiales rurales. Il va de soi que la contrepartie, dans cet accord, sera la maîtrise des effectifs des élèves, dans la limite du plafond national des effectifs déjà contractualisés. Cet accord sera formalisé par écrit et signé dès que possible.

Encore une fois, monsieur le sénateur, je sais que les maisons familiales rurales jouent un rôle essentiel dans de nombreuses régions pour la formation et l'intégration de nombreux jeunes. Par conséquent, j'ai prévu de me rendre sur le terrain, dans un certain nombre d'entre elles, peut-être dans votre département, si vous m'y conviez. (Sourires .)

M. le président. La parole est à M. Bernard Joly.

M. Bernard Joly. Je souhaite ajouter quelques mots de remerciements. Je salue l'engagement de M. le secrétaire d'Etat. Je pense que si cet accord a été réalisé, c'est grâce aux efforts des uns et des autres. La loi de 1984 était une bonne loi, mais il aura fallu attendre cette année pour que le Gouvernement la mette en oeuvre.

M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est reprise.

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Eloge funèbre de MICHEL PELCHAT, sénateur de l'Essonne

M. le président. Messieurs les ministres, mes chers collègues, je vais prononcer l'éloge funèbre de Michel Pelchat. (MM. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)

Notre collègue et ami Michel Pelchat, sénateur de l'Essonne, s'est éteint le 12 février dernier. A l'annonce de cette nouvelle, qui a claqué comme un coup de tonnerre, l'inquiétude a fait place à la consternation. Le mal implacable qui minait la santé de Michel Pelchat depuis plusieurs mois avait eu raison de son courage, de sa vitalité et de son énergie.

Sa disparition a été ressentie d'autant plus vivement que Michel Pelchat était particulièrement assidu à nos travaux et particulièrement apprécié, sur toutes les travées, par ses collègues.

Né le 8 juillet 1935 à Paris, Michel Pelchat accomplira un parcours original.

Engagé à dix-sept ans dans la marine nationale, il va participer à la campagne d'Indochine. C'est dans « la Royale » qu'il va acquérir ses premières formations spécialisées, qui lui permettront, une fois rendu à la vie civile, d'entrer en qualité de technicien à l'établissement de Saclay du Commissariat à l'énergie atomique, le CEA.

Cette période fondatrice de sa vie porte en filigrane ce qu'il sera plus tard, et jusqu'à son dernier souffle : un homme d'action, toujours soucieux d'améliorer la vie quotidienne de ses concitoyens ; un homme d'ouverture, toujours tourné vers l'avenir pour mieux le préparer ; un homme profondément humain, un humaniste, toujours ouvert aux autres dans le respect de leurs différences.

Engagé dans la vie syndicale au CEA, Michel Pelchat sera une figure de l'action syndicale à Saclay. En 1971, Michel Pelchat adhère au parti socialiste, sous l'étiquette duquel il est élu, pour la première fois en 1976, conseiller général de Gif-sur-Yvette.

Réélu en 1979, sans étiquette cette fois, il participera activement à la vie de l'assemblée départementale de l'Essonne, dont il sera membre de façon ininterrompue jusqu'en 1998.

Dans l'exercice de ce mandat, il aura notamment la responsabilité des équipements publics, des transports et de la circulation. Il y donnera toute sa mesure : celle d'un bâtisseur, d'un meneur d'hommes et d'un visionnaire.

Il contribuera fortement - à sa manière, c'est-à-dire avec efficacité, pugnacité et conviction - à façonner l'identité de ce nouveau département, créé en 1964 par le Général de Gaulle, pour desserrer Paris et sa couronne et favoriser l'émergence de la région d'Ile-de-France.

En 1983, notre collègue, qui a rejoint les Républicains indépendants, fait son entrée au conseil municipal de Gif-sur-Yvette. Il y siégera jusqu'à sa mort, manifestant pour « sa ville », comme il aimait à l'appeler, un attachement sans faille et une passion quasi charnelle.

L'année 1986 marquera une nouvelle étape dans la carrière de Michel Pelchat. Elu en mars député de la 5e circonscription de l'Essonne, il sera très tôt remarqué au Palais-Bourbon par ses interventions vigoureuses, percutantes et argumentées. Il exprimera ainsi ses convictions, ses idées et ses propositions, notamment dans le domaine de la télévision et de ses développements technologiques, ou dans celui de la promotion de la chanson française par l'introduction de quotas de diffusion pour en sauvegarder la vitalité. Mais son domaine de prédilection reste - comme un signe de fidélité à ses origines professionnelles - celui de la recherche. Cette compétence et ce goût serviront sa circonscription, où sont implantées des institutions aussi prestigieuses que le CEA, où il commença sa carrière civile, l'Ecole polytechnique, le CNRS ou encore l'Ecole supérieure d'électricité.

Rapporteur du budget de la communication audiovisuelle, Michel Pelchat sera l'auteur d'une étude remarquée sur la télévision dans les départements et territoires d'outre-mer. Il corédigera dès 1989, avec M. Raymond Forni, une contribution décisive sur la télévision à haute définition dans le cadre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Toujours soucieux de prévoir les évolutions plutôt que de les accompagner ou de les subir, il portera souvent un regard précurseur sur des sujets qui retenaient son attention.

En 1995, Michel Pelchat, fort de près de vingt années d'engagement public, fait son entrée au Palais du Luxembourg. Membre de la commission des affaires culturelles, puis de la commission des affaires étrangères, il apportera une empreinte toute particulière à ces instances.

Président de l'association de la télévision du futur, il manifestera toujours un intérêt soutenu à l'évolution des médias audiovisuels, imprimant aux débats sur ces sujets la marque d'un connaisseur, voire d'un expert, mais aussi et surtout d'un visionnaire.

En dépit d'un échec aux élections cantonales de 1998, Michel Pelchat n'en poursuivra pas moins son activité inlassable au service de son département, en qualité de président du syndicat mixte de traitement des ordures ménagères de la vallée de Chevreuse, où il exprimera très concrètement son attachement viscéral à la défense de l'environnement.

Apôtre de la coopération intercommunale, il sera élu premier vice-président de la communauté d'agglomération du plateau de Saclay qu'il avait contribué de façon décisive à mettre en place.

Au Sénat, devenu membre de la commission des affaires étrangères, dont il deviendra vice-président, il oriente à partir de 1998 prioritairement sa réflexion vers l'international.

Rapporteur de nombreux projets de loi, dont le dernier en date et non le moindre fut celui relatif à la répression de l'activité mercenaire, il prend des positions publiques très courageuses en faveur de l'arrêt de l'embargo contre l'Irak, de l'entrée de la Turquie dans l'Union Européenne ou encore contre l'intervention anglo-américaine en Irak. Tout récemment, en décembre 2003, il avait apporté son soutien à la dernière initiative de paix israélo-palestinienne au Proche-Orient, qui s'était exprimée dans le cadre informel de ce qu'on a appelé le « Pacte de Genève ».

Mais cette activité n'était pas exclusive. Très soucieux de la protection de l'environnement à l'échelon local, il était aussi attentif à tous les textes législatifs qui contribuaient à limiter la pollution et à promouvoir le développement durable.

Cet homme, d'une grande élégance naturelle, aux goûts et aux engagements éclectiques, toujours soucieux de placer son action et sa réflexion dans le long terme, était aussi attentif au concret. C'est ainsi qu'il n'hésitait pas il y a peu, dans le cadre des rencontres Sénat-Entreprises, à suivre un stage dans une chocolaterie, pour ensuite créer au Sénat un groupe d'étude ad hoc et batailler contre une norme européenne autorisant l'introduction de graisse végétale dans la fabrication de ce produit. Qui ne se souvient ici de ses interventions !

Sportif accompli, il avait été, très jeune, un cycliste remarqué. Cette passion pour le sport - du rugby au demi-fond, de l'alpinisme au golf - sera une constante de sa vie, qu'il exprimait encore il y a peu à la présidence du club de rugby de Gif-sur-Yvette.

Ce parcours exceptionnel, d'un homme engagé tout jeune dans la marine nationale et qui, par son énergie, son intelligence, et aussi par le charme qu'il exerçait naturellement sur ses concitoyens, est parvenu à gravir ce que les Romains appelaient la carrière des honneurs, suscite le respect.

A son épouse Catherine, à ses enfants, à ses petits-enfants, à sa mère et à tous ses proches, j'exprime les condoléances sincères du Sénat et la part personnelle que je prends à leur peine.

A ses collègues de la commission des affaires étrangères et aux membres du groupe de l'Union pour un mouvement populaire auquel il appartenait, j'exprime ma tristesse et les assure de ma sympathie profondément émue. (MM. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence.)

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite, au nom du Gouvernement, m'associer à l'hommage que vous rendez aujourd'hui à notre ami et collègue Michel Pelchat. La maladie qui l'a emporté était terrible, implacable. Il l'affrontait avec courage, pied à pied, jour après jour, sans se départir de la sérénité qu'il a affichée tout au long de sa vie. Catholique convaincu, il faisait face à ses souffrances, sans amertume, sans abdiquer non plus.

Jusqu'au bout, Michel Pelchat a assumé son mandat. Chacun a pu alors apprécier sa force de caractère. Le courage qu'il a montré face à la maladie était d'ailleurs dans le droit fil des principes qui présidaient à ses choix politiques.

Cet engagement n'était pas un vain mot ni un choix de convenance. C'est en effet en 1952 que Michel Pelchat rejoint la marine nationale durant la guerre d'Indochine, un choix qui plaç ait dès lors cet engagement sous le signe du courage et de la volonté de servir. Michel Pelchat n'était alors âgé que de dix-sept ans. Sous-marinier pendant deux ans, il rejoint ensuite le fameux commando Jaubert, au sein duquel il participe à l'opération stratégique «Atlante», dont le but était de dégager de l'emprise viêt-minh la route coloniale longeant la côte. A cette occasion, Michel Pelchat se distingue par une conduite jugée exemplaire. Devenu député, de nombreuses années plus tard, il n'oubliera pas ses anciens frères d'armes et déposera deux propositions de lois visant à faire obtenir la nationalité française aux soldats étrangers ayant combattu dans une unité de l'armée française.

Revenu à la vie civile, Michel Pelchat entre comme technicien au département métallurgique du centre de Saclay du Commissariat à l'énergie atomique, en avril 1959. Il y manifeste ses capacités d'adaptation et d'initiative, ainsi que son goût du travail en équipe. Déjà, son souci de favoriser les relations entre la recherche et l'industrie guide ses actions. Plus tard, en tant que parlementaire, il plaidera pour que la recherche française se mette au service de l'industrie, et pour qu'elle s'efforce d'attirer en France les jeunes chercheurs.

Soucieux de se mettre au service des autres, Michel Pelchat avait choisi de s'investir au profit de ses concitoyens, de son canton, de son département. Il assumait avec passion et détermination ses mandats locaux.

Elu du canton de Gif-sur-Yvette, il siège au conseil général de l'Essonne de 1976 à 1998. Premier vice-président de 1982 à 1998, il prend en charge les équipements publics, les transports et la circulation. Il marque littéralement l'Essonne de son empreinte, avec la construction de grands équipements tels que l'Institut de biotechnologie des plantes d'Orsay, l'université d'Evry, des collèges, des casernes de pompiers... la liste est longue. Notre ami Pierre-André Wiltzer, qui a travaillé à ses côtés dans l'Essonne, a d'ailleurs dit de Michel Pelchat qu'il le considérait comme «un vrai bâtisseur ».

Homme de terrain, homme de proximité aussi, on a pu dire de lui qu'aucune des réalités locales ne lui était étrangère. Dernièrement, le mandat dont il se préoccupait le plus était d'ailleurs celui de président du syndicat intercommunal des ordures ménagères de la vallée de Chevreuse. Elu à ce poste en 1995, il était parvenu à réduire les rejets de polluants de l'usine de Villejust, et à mettre en place le premier parc français de bennes alimentées au gaz naturel, le combustible le moins polluant du marché.

Au service de sa ville, de son canton et de son département, Michel Pelchat a ainsi fait preuve d'une énergie sans faille, d'une volonté tenace et d'une abnégation exemplaire.

Elu local estimé, Michel Pelchat était également un parlementaire de grande valeur. C'est en tant que député UDF de l'Essonne qu'il rejoint l'Assemblée nationale en 1986, où il sera réélu en 1988 et en 1993. Dès son arrivée, il s'inscrit à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, dont il deviendra vite le secrétaire. Désigné comme rapporteur lors de l'examen en 1993 du projet de loi modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il va confirmer au fil des débats une vaste connaissance des questions touchant à l'audiovisuel et aux nouvelles technologies, et permettre ainsi de mieux préciser les attributions du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Au sein de la commission des affaires culturelles -  comme, plus tard, au Sénat  -, il sera un inlassable promoteur du service public de l'audiovisuel.

Expert respecté et écouté, homme d'action et de conviction, Michel Pelchat est élu au Sénat en 1995. Dès son arrivée à la Haute Assemblée, il est membre de la commission des affaires étrangères. Plus tard, en 1999, il sera élu vice-président du groupe de prospective du Sénat, puis membre de la délégation pour la planification en 2001.

Mais c'est indéniablement au sein de la commission des affaires étrangères, dont il deviendra vice-président en 2001, que Michel Pelchat va donner sa pleine mesure. La mesure, d'abord, de son impressionnante capacité de travail et de son indéfectible volonté de faire avancer les choses dans le bon sens ; la mesure, surtout, de ses indéracinables convictions humanistes, de sa soif de justice et de liberté.

En tant que rapporteur de nombreux projets de loi, Michel Pelchat a pu manifester ses aspirations, ses espoirs, mais aussi ses craintes, sur des sujets variés.

Il s'inquiétait ainsi du phénomène de prolifération nucléaire et regrettait la portée limitée des instruments internationaux destinés à l'endiguer.

Plus généralement, il appelait de ses voeux l'émergence d'un monde régi par le droit, dans lequel les violations des règles les plus fondamentales seraient sanctionnées. Adepte du développement durable, il prônait une régulation de la mondialisation et du libre-échange, ainsi que la solidarité avec les pays pauvres.

Michel Pelchat a également mené un long combat pour le respect des droits les plus élémentaires, au sein de nombreux groupes d'amitié, comme au sein du groupe d'étude des droits de l'homme : un combat nécessaire et jamais achevé, dans lequel il s'impliquait sans relâche.

En tant que membre de la commission des affaires étrangères, il a participé à la mission qui s'est rendue en Irak en juin 2001. Ceux qui ont pu le côtoyer à cette occasion se souviennent certainement combien il avait été heurté et choqué en constatant les conséquences humanitaires de l'embargo. De la même façon, il s'était mobilisé en faveur d'un règlement politique pacifique et durable au Moyen-Orient, en participant à une mission de paix en Israël et en Palestine, en mars 2002.

Enfin, Michel Pelchat était très sensible à la situation politique du Viêtnam. Comme président du comité français pour la démocratie au Viêtnam et comme membre du groupe France-Viêtnam, il avait répondu sans aucune hésitation à l'appel de ses amis vietnamiens, et avait manifesté en leur compagnie. Face aux dictatures, il refusait la moindre concession.

Il justifiait ainsi son engagement : « Les affaires intérieures de l'humanité me concernent car j'ai la prétention d'en faire partie. »

Mais pour ceux qui ont eu la chance de le côtoyer plus personnellement, Michel Pelchat était aussi un homme de culture, un amoureux de musique, passionné de chanson française et grand amateur de chocolat. Un sportif accompli également, qu'il s'agisse de rugby, de cyclisme ou, plus récemment, de golf. Un catholique engagé, enfin, qui avait introduit en Irak, malgré l'embargo, un appareil destiné à diagnostiquer les cancers du sein « au nom », disait-il, « des valeurs chrétiennes et des idéaux républicains auxquels elles sont attachées ». En effet, il articulait en permanence les exigences de sa foi chrétienne et ses activités d'élu républicain. C'est pourquoi, également, il se montrait capable de dépasser les clivages politiques, afin de ne viser que l'intérêt commun.

Au-delà du parcours exemplaire du soldat, du professionnel, de l'élu local et du parlementaire, c'est donc aussi à l'homme que nous rendons aujourd'hui hommage. Respecté pour ses qualités personnelles comme pour la qualité de son engagement au service des autres et de la démocratie, Michel Pelchat a marqué la Haute Assemblée de manière indélébile, comme il a marqué sa ville et son département. L'émotion qui a suivi l'annonce de son décès a permis de prendre la mesure de la popularité dont il jouissait. Je m'associe à cette émotion, comme je m'associe à la peine immense ressentie par son épouse, par ses enfants, par toute sa famille.

Sa fidélité en amitié, son exigence envers lui-même, son courage et sa force de caractère lui ont valu une estime et une affection très largement partagées. Ses amis, d'ailleurs, se comptent sur la plupart de ces travées, à droite comme à gauche. C'est tout à leur honneur.

Je voudrais, enfin, rappeler le courage avec lequel Michel Pelchat a affronté cette maladie terrifiante, douloureuse, éprouvante. Chacun ne peut que s'incliner devant une telle force morale. Elle fait de Michel Pelchat un exemple.

Monsieur le président, vous l'avez dit, Michel Pelchat incarnait avec brio les valeurs du Sénat. Aujourd'hui, au nom du Gouvernement, je le salue avec respect, et avec émotion.

M. le président. Messieurs les ministres, mes chers collègues, selon la tradition, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants, en signe de deuil.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

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COMMUNICATIONs électroniques

Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

 
Dossier législatif : projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 215, 2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle. [Rapport n° 244 (2003-2004) et avis n° 249 (2003-2004).]

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie . Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avec Renaud Donnedieu de Vabres, qui, dans un instant, vous détaillera le dispositif intéressant plus spécifiquement la communication audiovisuelle, nous avons l'honneur de vous présenter aujourd'hui, au nom du Gouvernement, le projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle.

Pas plus tard que la semaine dernière, nous avons eu ici même un débat tout à fait passionnant sur le texte relatif à la confiance dans l'économie numérique. Je me félicite d'avoir l'occasion de reprendre avec la Haute Assemblée le dialogue noué à cette occasion, tant il est vrai que les enjeux attachés au développement de l'économie numérique sont essentiels pour l'avenir.

Le projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle que le Gouvernement vous soumet aujourd'hui tire les conséquences des premières années d'ouverture à la concurrence du secteur des télécommunications et prend en compte les profondes mutations techniques et économiques que ce secteur est en train de vivre.

Ce projet de loi parachève une vaste réforme de la réglementation engagée à l'échelon européen dès 1998. Il permettra ainsi de transposer dans le droit national six directives adoptées en 2002 qui constituent ce que l'on appelle, de façon lapidaire, le « paquet télécoms ».

J'ajouterai que le texte que vous examinez aujourd'hui complète le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique, adopté par le Sénat la semaine dernière en deuxième lecture, qui définit le cadre juridique de l'internet en France et fournit des garanties pour la transparence, la sécurité et la loyauté des transactions électroniques. Il complète également la loi du 31 décembre 2003 relative aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom, qui transpose les dispositions du « paquet télécoms » relatives au service universel des télécommunications.

Il se traduit, concrètement, par une très large refonte du droit des télécommunications et du fonctionnement de la régulation.

Ce projet de loi marque également de nouvelles avancées dans plusieurs domaines importants de la communication audiovisuelle : télévision numérique terrestre, télévision locale, radio numérique, etc. Renaud Donnedieu de Vabres reviendra tout à l'heure sur ces apports.

Avant d'entrer dans le détail des dispositions proposées, je rappellerai l'importance des technologies de l'information et des communications pour l'économie de notre pays.

Le débat sur la confiance dans l'économie numérique m'a déjà donné l'occasion de souligner l'ampleur de la révolution numérique en cours et le défi qu'elle représente pour la France. Je crois qu'il n'est pas inutile d'en montrer à nouveau toute la portée.

Nous connaissons actuellement une révolution numérique qui s'articule autour de trois volets : le développement de l'internet et des services en ligne, la mutation du monde des télécommunications et l'image numérique.

Cette révolution numérique accélère les échanges et la vitesse de circulation des informations, elle améliore la productivité, elle ravive la concurrence. Elle est source de croissance, car elle crée de nouveaux besoins en équipements et en services. Grâce à l'accès facilité à l'information, à la culture, au divertissement, elle est aussi un facteur essentiel de liberté et d'égalité. Elle est ainsi un outil de développement pour les activités existantes, en même temps qu'un nouveau secteur de l'économie, massivement créateur d'emplois.

Ce secteur industriel représente 7 % du PIB, le produit intérieur brut, et contribue largement à la croissance. Pour en exploiter pleinement le potentiel, nous devons créer un cadre favorable à l'innovation, adapter notre pays à ces nouvelles technologies et réduire la «  fracture numérique ».

Au cours des deux dernières années, le précédent gouvernement a agi en ce sens dans le cadre du plan RESO 2007.

Parmi les mesures prises, je me contenterai de rappeler les deux baisses des tarifs de gros de l'ADSL que le Gouvernement a approuvées. Ces décisions ont permis le décollage du marché et ont conduit, en un an, à une augmentation de 150 % du nombre d'abonnés, qui dépasse aujourd'hui quatre millions. La France est le pays d'Europe où la croissance du haut débit est la plus rapide. L'objectif de dix millions d'accès à haut débit en 2007 fixé par le Président de la République est en passe d'être atteint.

Le projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle s'inscrit dans cet effort. Il définira pour plusieurs années les conditions d'exercice des activités de communications électroniques, et donc notre capacité à tirer parti du potentiel de croissance considérable de ce secteur. Il s'agit de confirmer et d'amplifier les bénéfices tirés de l'ouverture à la concurrence, qui s'est traduite par une multiplication des offres pour le consommateur, par un coup de fouet à l'innovation technologique et par une baisse considérable des tarifs.

J'en viens précisément au dispositif du projet de loi qui définit un cadre réglementaire simple et sûr de nature à donner confiance aux investisseurs et qui sera propice au développement du secteur.

Ce texte repose sur quelques principes simples : concurrence, convergence, neutralité technologique et sécurité juridique.

Ses dispositions se regroupent en quatre volets essentiels que je veux évoquer maintenant.

Le premier volet tire les conséquences juridiques de la convergence entre les télécommunications et l'audiovisuel.

Les technologies numériques bouleversent l'articulation de ces deux secteurs. La radio et la télévision peuvent désormais être diffusées par des lignes téléphoniques ou par Internet, tandis que les réseaux câblés et le satellite proposent des services téléphoniques et Internet à haut débit. Le lancement récent d'offres associant téléphone, télévision et Internet témoigne de façon spectaculaire de cette évolution. Il faut donc, naturellement, harmoniser la réglementation.

A cette fin, le projet de loi définit un régime juridique unique pour l'ensemble des « réseaux de communications électroniques», qui s'appliquera en particulier aux réseaux câblés. Ces réseaux peuvent aujourd'hui offrir tous les autres services, mais leurs exploitants restent enfermés dans un carcan juridique qui les a conduits à une situation financière souvent difficile. Toutes ces contraintes vont être supprimées pour rendre leur développement enfin possible.

En corollaire, tous les services de radio et de télévision relèveront du contrôle du CSA, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, quel que soit le support utilisé. Le rôle du Conseil sera de veiller au pluralisme de l'information et à la protection des mineurs. A cette fin, ses pouvoirs d'investigation seront renforcés. A la plus grande liberté d'entrer sur le marché répond donc une plus grande vigilance de l'Etat en matière de protection de l'enfance et de démocratie.

Le deuxième volet du projet de loi porte sur l'instauration d'un régime de liberté d'entrée sur le marché.

Le projet de loi prévoit ainsi la suppression des autorisations individuelles d'opérateur : une simple déclaration auprès de l'ART, l'Autorité de régulation des télécommunications, suffira pour établir un réseau ouvert au public, fournir un service téléphonique ou établir un réseau câblé. La suppression de cette démarche administrative très lourde permettra de dynamiser l'offre de services.

Le troisième volet du projet de loi permet la refonte de la régulation du secteur des télécommunications.

L'ouverture à la concurrence du secteur des télécommunications s'est accompagnée de la mise en place d'une régulation sectorielle. Sans cette régulation, la concurrence n'aurait pas pu se développer.

A terme, la régulation sectorielle a priori doit être remplacée par l'application a posteriori du droit de la concurrence. Cependant, malgré les progrès réalisés depuis sept ans, le marché n'a pas encore atteint les conditions qui permettent d'entériner cette évolution. La concurrence s'est développée, mais elle reste inégale selon les segments du marché. Elle demeure fragile. La disparition de la régulation sectorielle n'est donc pas encore à l'ordre du jour. La régulation doit être allégée là où la concurrence est bien installée, mais tous ses moyens d'intervention doivent être maintenus là où la concurrence est plus faible et plus aléatoire.

Pour tenir compte de ce double impératif, le projet de loi définit un mécanisme original permettant d'adapter en permanence la régulation à la réalité technologique et à la situation concurrentielle des marchés.

Les obligations des opérateurs « puissants sur le marché », qui constituent le coeur de la régulation, ne seront plus figées dans les textes législatifs ou réglementaires. Elles seront définies par l'ART au terme d'un processus en trois étapes : l'identification des marchés pertinents, puis la détermination des opérateurs puissants sur ces marchés pertinents, enfin la définition des obligations imposées aux opérateurs puissants en vue de pallier les défaillances du marché qui auront été constatées.

L'ART sera secondée par le Conseil de la concurrence dans cette démarche qui s'appuiera sur les concepts et les outils du droit de la concurrence.

Dans ce nouveau cadre, le contrôle a priori sera limité aux seuls cas dans lesquels des déséquilibres forts entre opérateurs seront constatés. Lorsqu'un marché sera identifié comme concurrentiel, les litiges qui le concernent relèveront du seul Conseil de la concurrence. La logique des « marchés pertinents » consiste donc, en quelque sorte, à confier au régulateur le soin d'organiser la transition vers l'application du droit commun de la concurrence à mesure que les marchés deviennent concurrentiels.

La régulation portera en priorité sur les marchés de gros, le contrôle des marchés de détail n'intervenant qu'en deuxième instance.

Nous devons bien sûr veiller à ce que cette régulation soit pleinement adaptée à l'exigence de l'innovation. Dans ce but, l'Assemblée nationale a souhaité établir une exception au profit des services technologiquement innovants. La discussion des articles nous permettra d'approfondir cette question, en veillant naturellement à retenir un dispositif qui soit conforme à la directive.

Je souhaite cependant m'attarder quelques instants sur la question du contrôle des tarifs de détail de France Télécom qui a fait l'objet d'un débat nourri à l'Assemblée nationale et dans la presse économique. Un certain contrôle a priori des tarifs demeure nécessaire aussi bien pour garantir le caractère abordable du service universel que pour protéger la concurrence et les consommateurs.

Le projet de loi prend en compte cet impératif mais modifie les modalités du contrôle : les tarifs de France Télécom seront contrôlés non plus par le Gouvernement, mais par l'Autorité de régulation ; le contrôle prendra la forme non plus d'une homologation mais d'un pouvoir d'opposition. L'opérateur historique y gagnera une plus grande liberté dans la fixation de ses tarifs, sans que l'efficacité du contrôle soit amoindrie.

L'expérience de sept années de fonctionnement de la régulation a également montré la nécessité de doter l'ART des moyens nécessaires pour garantir la mise en oeuvre effective de ces décisions.

Le projet de loi renforce l'ART sur plusieurs points.

Tout d'abord, s'agissant des pouvoirs d'enquête de l'ART, ceux-ci sont alignés sur ceux de la Commission de régulation de l'énergie. L'ART pourra ainsi effectuer des enquêtes sur place, dans les locaux des opérateurs.

Ensuite, pour ce qui est des pouvoirs de sanction, l'ART pourra prononcer des mesures conservatoires et demander au juge des référés du Conseil d'Etat de prononcer une astreinte à l'encontre d'un opérateur qui ne respecterait pas ses obligations.

Enfin, en ce qui concerne le règlement des litiges, l'ART dispose déjà d'une compétence de règlement des différends en matière d'interconnexion ; cette compétence est élargie par le projet de loi, notamment à toutes les questions d'accès aux réseaux.

L'Autorité de régulation des télécommunications joue un rôle crucial dans ce dispositif. Mais son action est encadrée : elle s'accomplit en coordination avec les régulateurs des autres pays membres et la Commission européenne.

L'Assemblée nationale a cependant souhaité renforcer l'évaluation de l'action du régulateur. Elle a notamment prévu la possibilité, pour une commission permanente du Parlement, de lui demander de rendre compte des résultats obtenus au regard des principaux objectifs de la régulation. Le Gouvernement n'a pas d'objection à formuler sur cette démarche dès lors que l'indépendance de l'ART n'est pas remise en cause et que l'unité de la régulation est préservée.

Le quatrième volet du projet de loi concerne les fréquences radioélectriques.

L'apparition de nouveaux usages des fréquences - boucle locale radio, Wifi... - et le développement de la téléphonie mobile ont fortement accru la tension sur les ressources en fréquences. Dans le même temps, la gestion des fréquences reste profondément marquée par l'histoire : la répartition des fréquences entre administrations et autorités affectataires est largement figée et ne suit pas l'évolution des usages. Dans ses méthodes, la gestion des fréquences reste très administrative et laisse peu de place aux mécanismes économiques.

L'amélioration de la gestion des fréquences radioélectriques constitue donc un enjeu économique important pour les années à venir. Le projet de loi permettra l'introduction de quelques outils nouveaux de gestion des fréquences de télécommunications, comme les marchés secondaires, qui, au moins pour certains usages marchands, permettront une meilleure adéquation des moyens aux besoins.

Le projet de loi tend également à renforcer les compétences de l'Agence nationale des fréquences en matière de surveillance de l'exposition du public aux champs électromagnétiques et à compléter les dispositions qui figurent dans le projet de loi relatif à la santé publique.

En conclusion, je veux souligner que l'adoption de ce projet de loi marquera une étape importante dans l'ouverture de la France à la modernité numérique. La politique menée depuis deux ans produit des résultats très positifs : les Français s'équipent et la demande croît. Les services de la nouvelle économie vont prendre leur envol dans les mois à venir. Ils contribueront à atteindre un objectif essentiel qui doit tous nous rassembler : faire de la République numérique une réalité bien ancrée au coeur de notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est un grand plaisir et un grand honneur pour moi de parler devant le Sénat pour la première fois et de présenter à la Haute Assemblée le présent projet de loi. En effet, si ce texte a certes pour objet la transposition de directives européennes, il s'accompagne aussi d'autres ambitions, qui ont été portées à l'Assemblée nationale par mon prédécesseur : il traduit la volonté du Gouvernement d'accompagner et d'anticiper les bouleversements technologiques et économiques du secteur audiovisuel.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, je veux tout d'abord saluer le texte que vous avez adopté la semaine dernière, à savoir le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique. II s'agit là d'un texte majeur, fondateur, puisqu'il établit les frontières claires entre la communication audiovisuelle et les autres services de communication au public. Ce faisant, il donne au Conseil supérieur de l'audiovisuel, le CSA, une compétence pleine et entière sur les services de radio et de télévision, quels que soient les vecteurs de diffusion. II s'agit là d'un point tout à fait essentiel à l'heure où télévision et radio ne sont plus attachées à un mode de diffusion particulier.

La télévision et la radio utilisent désormais les lignes téléphoniques et l'internet pour leur diffusion. Les réseaux câblés et le satellite, dédiés essentiellement à la diffusion des radios et des télévisions, proposent également de plus en plus des services téléphoniques et l'accès à l'internet haut débit.

Les frontières traditionnelles du droit des médias et des télécommunications ont explosé. En bâtissant une nouvelle architecture, en définissant les notions de radio et de télévision, une traduction juridique a été donnée à la convergence que nos concitoyens vivent quotidiennement. La loi n'est plus en décalage avec les faits.

En effet, le secteur audiovisuel est confronté, depuis quelques années, à de nouveaux défis liés à la multiplication de l'offre de programmes et de chaînes. Si l'ouverture, la découverte et la connaissance de l'autre, que cette offre très riche permet, sont une chance, il n'en reste pas moins que nous devons rester très attentifs aux risques d'uniformisation et de perte des identités qui sont parfois ressentis par nos concitoyens.

II nous appartient d'exercer une vigilance accrue dans la défense des principes fondamentaux de la liberté d'expression et de la régulation.

Les enjeux du texte qui vous est soumis aujourd'hui sont donc fondamentaux. Celui-ci vise en effet à permettre le développement des contenus sur tous les supports de diffusion et donc de notre industrie des programmes, à contribuer au développement des nouvelles technologies, qu'elles concernent la télévision ou la radio, ainsi qu'à favoriser la communication de proximité dont notre pays a plus que jamais besoin en donnant aux télévisions locales les moyens de devenir de vrais opérateurs de notre paysage audiovisuel.

Je voudrais souligner combien le téléspectateur est au centre de ce projet de loi.

M. Jacques Valade , président de la commission des affaires culturelle., et M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Très bien !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. C'est à lui que doit bénéficier l'ensemble de ces dispositions, qui lui donnent accès à une offre accrue de programmes.

M. Jacques Valade , président de la commission des affaires culturelles. Très bien !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. La technologie n'est pas une finalité en soi. Elle n'a de sens que si elle est au service du pluralisme et permet une offre renouvelée et diversifiée. C'est la raison pour laquelle je souhaite insister non seulement sur la plus grande liberté de créer et d'entreprendre qu'apporte ce texte sur fond de neutralité technologique, mais aussi sur la consolidation de la régulation des contenus et des supports qui en est le corollaire.

L'adaptation de la loi sur la liberté de communication au cadre juridique communautaire implique un régime juridique unifié des réseaux et services de communications électroniques. Désormais, l'établissement et l'exploitation des réseaux câblés, satellitaires ou téléphoniques sont soumis à un simple régime déclaratif. Pour les réseaux câblés distribuant télévisions et radios, il s'agit d'un véritable allégement des contraintes.

Cette disposition s'ajoute à la levée du plafond limitant à huit millions d'habitants le bassin maximal susceptible d'être desservi par un même opérateur.

A ce stade, je souhaiterais évoquer la disposition introduite à l'Assemblée nationale sur l'obligation de reprise des chaînes hertziennes terrestres sur les réseaux de communications électroniques. Ce nouveau dispositif vise à donner plus de liberté aux éditeurs de chaînes pour choisir leur mode de distribution sur les différents réseaux de communication électronique. Le régime de la loi de 1986 est en effet marqué par les conditions du démarrage du câble en France. Son adaptation aux réalités d'aujourd'hui est indispensable. II est légitime que les éditeurs de télévisions puissent seuls décider de confier leur diffusion aux opérateurs de leur choix, qu'il s'agisse d'une diffusion par câble, ADSL ou satellite. C'est là le respect d'une liberté fondamentale pour tout entrepreneur, que seul le droit de la concurrence peut venir encadrer, dans l'intérêt du téléspectateur.

Cette liberté accrue et légitime pour les éditeurs ne va pas sans la prise en compte des intérêts des téléspectateurs.

C'est le sens qu'il faut donner à la préservation du « service antenne » dans les immeubles câblés. C'est également la raison pour laquelle le nouveau dispositif concilie la protection du consommateur et le libre choix de l'entreprise dans le respect de la neutralité technologique.

Ainsi, l'obligation de reprise concerne toutes les chaînes publiques dans toutes les offres de télévision, que ce soit sur le câble, le satellite ou les autres réseaux nouveaux de distribution de la télévision, notamment l'ADSL. La reprise des canaux locaux du câble est maintenue dans l'intérêt croissant des téléspectateurs pour l'offre de programmes de proximité.

Par ailleurs, le projet de loi garantit le maintien de la réception des chaînes hertziennes en clair pour les foyers qui résident dans des immeubles collectifs. C'est un point essentiel dans la mesure où les personnes concernées ont perdu la possibilité de recevoir ces chaînes via une antenne « râteau ». Les éditeurs concernés ne pourront donc s'opposer à la reprise de leurs services par les réseaux internes aux immeubles lorsque ces réseaux sont raccordés au câble.

S'agissant des autres réseaux, le choix est de privilégier la négociation entre les distributeurs et les éditeurs de services. C'est un facteur sain de liberté et de concurrence, d'autant que les chaînes disposeront du droit d'accéder, dans des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires, aux décodeurs et aux guides de programmes utilisés par les offres de bouquets de télévision.

La question pourra se poser au cours de nos débats sur l'opportunité de prévoir une disposition transitoire, afin de prendre en compte la situation spécifique des abonnés individuels du câble. Toutefois, ces derniers ne courent guère de risques dans la mesure où aucune chaîne en clair par voie hertzienne terrestre financée entièrement par la publicité ne saurait se priver d'une couverture maximale de la population. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Daniel Raoul. Ce n'est pas prouvé !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Cette liberté accrue implique une consolidation des pouvoirs du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Le projet de loi dote le CSA d'un pouvoir de règlement des litiges entre les chaînes de télévision et les entreprises qui commercialisent ces chaînes. II s'agit d'une étape importante dans l'exercice de la régulation. En effet, il ne me paraît pas possible que des libertés accrues ne s'accompagnent pas d'une régulation renforcée. Ce pouvoir de règlement des litiges s'exercera dans le respect des prérogatives et des compétences des autres autorités de régulation, notamment le Conseil de la concurrence. Il n'y aura pas de chevauchement entre les pouvoirs des deux instances.

Ainsi, le texte qui vous est proposé clarifie le champ d'examen des litiges soumis au CSA, lequel portera sur le respect des principes fondamentaux, notamment le caractère pluraliste des courants de pensée et d'opinion, la sauvegarde de l'ordre public, la protection du jeune public, la dignité de la personne humaine et la lutte contre le racisme, la xénophobie et l'antisémitisme. Je salue ici le travail de la commission des affaires économiques, qui a beaucoup contribué à l'amélioration du texte.

M. Pierre Hérisson , rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Merci !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Le développement d'une offre locale diversifiée est un autre enjeu de ce texte. A la différence de nos voisins européens, notre paysage télévisuel local reste encore pauvre.

Mme Danièle Pourtaud. C'est exact !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Pourtant, le téléspectateur ressent le besoin de programmes de proximité, comme le montrent les scores d'audience des programmes régionaux de France 3. Le Gouvernement a donc choisi de lever les contraintes qui pesaient sur le développement des télévisions locales, notamment en assouplissant le dispositif anticoncentration qui les bridait. Tous les acteurs locaux doivent en effet pouvoir participer, aux côtés du service public, à cette offre télévisuelle élargie.

M. Jacques Valade , président de la commission des affaires culturelles. Très bien !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. L'ouverture à la publicité télévisée des secteurs interdits, qui est entrée en vigueur le 1er janvier dernier, permettra ainsi aux chaînes locales de disposer de nouvelles recettes publicitaires, en particulier en provenance de la distribution.

Le Gouvernement a cependant veillé à ce que cette ouverture soit progressive et ciblée, notamment sur les chaînes hertziennes nationales, de façon à limiter l'impact sur les ressources des radios et de la presse écrite régionale et locale. De mon point de vue, le développement des télévisions locales ne saurait évidemment se faire au détriment de la viabilité économique de la presse régionale et départementale. Je veillerai particulièrement au maintien de cet équilibre.

Des allégements fiscaux ont également été décidés. La dernière loi de finances a permis d'exonérer les télévisions locales de la taxe alimentant le fonds de soutien à l'expression radiophonique, et cela sans préjudice pour les radios. Les appels à candidature lancés par le CSA pour l'attribution d'une douzaine de fréquences analogiques locales, combinés avec les mesures incitatives prises par le Gouvernement et les facultés nouvelles apportées par ce projet de loi, devraient permettre l'émergence d'une nouvelle génération de télévisions locales.

Le développement d'une offre audiovisuelle diversifiée passe également par la radio. Avec plus de 6 000 fréquences, notre paysage radiophonique en bande FM, héritage des pionniers de la libéralisation des ondes que nous avons tous en mémoire vivante, est riche, beaucoup plus riche que celui de nos voisins européens. Toutefois, la bande FM est aujourd'hui saturée, preuve de la vigueur de ce mode de communication. Il convient donc d'optimiser le spectre des fréquences analogiques et d'anticiper tous les développements possibles de radio numérique dans toutes ses composantes techniques en lui offrant un cadre juridique pour se développer. En effet, l'opportunité que représente le renouvellement d'ici à deux ans de plusieurs centaines d'autorisations doit être mise à profit pour explorer les voies permettant d'améliorer l'utilisation de la bande FM.

Le CSA devra dans les trois mois de la publication de la loi organiser une consultation contradictoire relative à l'utilisation de la ressource hertzienne dévolue aux différents services de radio en mode analogique. Afin de laisser à l'instance de régulation le temps d'étudier les conditions actuelles et futures de la bande FM, l'autorité de régulation se voit autorisée à proroger, hors appel aux candidatures et pour une durée ne pouvant excéder deux ans, les autorisations des services de radio en mode analogique.

Parallèlement, il ne fallait pas laisser le possible développement de la radio numérique sans cadre juridique. La numérisation de la radio est inéluctable, même si celle de la bande FM est encore lointaine. De nombreux projets apparaissent : relance de la radio numérique selon la norme DAB, numérisation des ondes moyennes, numérisation des ondes courtes, radiodiffusion directe par satellite. Le projet de loi propose un cadre souple qui permet d'accompagner toutes les technologies et qui bénéficie dans ses grands équilibres d'un soutien de l'ensemble des acteurs radiophoniques.

Je veux maintenant en venir à la télévision numérique hertzienne terrestre, la TNT, dont le cadre juridique est né ici, au Sénat, lors de la discussion de la loi du 1er août 2000 et à l'occasion des nombreux colloques que vous avez organisés sur ce sujet. Je salue le volontarisme de la commission des affaires culturelles en faveur de la TNT.

M. Jacques Valade , président de la commission des affaires culturelles. Merci, monsieur le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Je partage pleinement votre analyse sur l'apport que représente cette nouvelle technologie pour les nombreux foyers qui ne sont pas raccordés au câble ou équipés d'une antenne parabolique. Ils ne doivent pas être les laissés-pour-compte d'une offre télévisuelle élargie. Je pense comme vous que la TNT peut être, en outre, une véritable opportunité pour les télévisions locales.

Permettez-moi également d'évoquer le travail considérable accompli ces dernières années par le CSA, sous l'impulsion de Dominique Baudis. Il nous importe à tous que, comme toute nouvelle technologie, son démarrage s'opère dans des conditions optimales aussi bien sur le plan technique et financier qu'en termes d'offres de chaînes. C'est la raison pour laquelle, tout en partageant vos objectifs, je pense qu'il est prématuré de fixer une date d'arrêt de l'analogique.

M. Paul Blanc. Très bien !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Avant de fixer cette date, nous devons être bien conscients qu'elle n'aura de portée réelle que si les investissements des industriels correspondent à la demande du public et des opérateurs.

M. Jacques Valade , président de la commission des affaires culturelles. Très bien !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. De même, il convient de lever certaines questions cruciales pour les téléspectateurs et ne pas les inciter, dans un sens ou dans l'autre, vers des choix technologiques non confirmés.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles . C'est raisonnable !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Il en est ainsi, par exemple, de la couverture des zones d'ombre, guère possible en TNT et qui implique, pour éviter des écrans noirs pour des milliers de foyers, de prévoir des solutions techniques de substitution. II s'agit là tout simplement du respect le plus élémentaire du droit à l'information du public. Pour ma part, je préfère, plutôt que de fixer par voie législative une date de démarrage, dont aujourd'hui il n'est pas certain qu'elle puisse être tenue, vous proposer de confier au CSA une étude des différentes questions techniques, en particulier en matière de normes, qui se posent pour préparer ce basculement inéluctable de l'analogique vers le numérique.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles . Très bien !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Il est tout à fait essentiel à mes yeux que la technologie choisie réponde à l'impératif de disponibilité opérationnelle pour tous.

J'en viens maintenant à d'autres points qui me tiennent également à coeur. Le projet du Gouvernement permet de renforcer le service public audiovisuel en proposant d'intégrer Réseau France Outremer, RFO, au sein de France Télévisions. Cette intégration vise à donner de nouvelles perspectives de développement à RFO en l'adossant à un groupe puissant. Elle favorisera également la diffusion des images d'outre-mer en métropole sur les antennes de France Télévisions. A cet effet, un amendement au texte adopté par l'Assemblée nationale vous sera présenté afin d'optimiser cette filialisation d'un point de vue fiscal.

Cette intégration renforcera la position de RFO comme média audiovisuel de référence dans l'outre-mer à travers le développement de la production et de la diffusion de programmes de proximité. Mais elle sera également un facteur de promotion de la mosaïque des outre-mers, expression de la diversité, de la force et de l'unité de notre République à laquelle ces populations sont si fortement attachées.

Dans le contexte de violences internationales qui caractérise notre monde, je voudrais en outre souligner le nouveau pouvoir du CSA pour contrôler et sanctionner, le cas échéant, les chaînes extra-européennes diffusées sur des satellites relevant des compétences françaises. Le CSA pourra ainsi disposer des moyens d'obliger l'opérateur satellitaire français à arrêter de diffuser une chaîne dont les programmes heurteraient les principes fondamentaux fixés par la loi française, notamment le respect de la dignité humaine ou la répression des propos racistes, xénophobes ou antisémites.

A travers votre approche, votre implication, votre travail, vous l'aurez bien compris, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi va bien au-delà de la simple transposition de directives européennes. Il constitue un véritable tournant pour le cadre juridique de l'audiovisuel en libérant les initiatives tout en préservant les principes fondamentaux de la liberté de communication et de la régulation, pour le plus grand bénéfice de nos concitoyens.

Enfin, je souhaiterais souligner la qualité du travail mené par vos rapporteurs sur l'ensemble des questions soulevées par ce projet de loi, et remercier les deux commissions concernées pour leur travail considérable. Je ne doute pas que la combinaison de nos énergies - les vôtres sont confirmées, la mienne est nouvelle - permettra de concrétiser nos ambitions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

(M. Bernard Angels remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Bernard Angels

vice-président

M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson, rapporteur. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Pierre Hérisson , rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, voici aujourd'hui le Sénat sollicité pour contribuer à l'aboutissement d'un long processus engagé en 1997. Il nous revient, en effet, d'examiner le projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle. Ce texte vise à transposer en droit national un ensemble de directives communautaires, que l'on désigne communément sous le nom de « paquet télécoms ». Ce « paquet » de directives, issues de la consultation sur la « convergence » lancée en 1997 par la Commission européenne, a finalement été adopté en 2002.

La longueur du processus n'est pas sans rapport avec l'importance du changement que ce nouveau cadre réglementaire représente pour le secteur des télécommunications comme pour celui de l'audiovisuel. Il s'agit en effet de prendre en considération les évolutions intervenues depuis l'ouverture à la concurrence du secteur des télécommunications au début de la décennie 1990, mais aussi de prendre acte de l'évolution technologique. Les frontières techniques qui distinguaient les télécommunications de l'audiovisuel sont devenues poreuses - la voix peut maintenant être offerte sur Internet ou la télévision sur ADSL - et les frontières juridiques apparaissent obsolètes de ce fait.

Ces directives auraient dû être transposées avant le 25 juillet dernier. Soucieux de combler son retard, le Gouvernement avait, dans un premier temps, envisagé d'effectuer cette transposition par ordonnance. Il avait toutefois soumis cette question aux présidents des deux chambres du Parlement. Ceux-ci ont prôné la voie parlementaire, et c'est cette voie que le Gouvernement a retenue, ce dont on ne peut que se féliciter.

Le texte que nous ont transmis les députés et pour lequel l'urgence est déclarée a conservé l'équilibre global du projet de loi initial. Il assure ainsi une transposition fidèle des directives communautaires. Cette transposition intervient essentiellement par le biais de modifications apportées au code des postes et télécommunications et à la loi Léotard du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

La commission des affaires culturelles s'est donc naturellement saisie pour avis. La commission des affaires économiques a d'ailleurs choisi de lui déléguer au fond l'examen des articles les plus « audiovisuels », afin que puisse pleinement s'exprimer la compétence reconnue de la commission des affaires culturelles en ce domaine.

Je dirai un mot de l'économie générale du nouveau cadre réglementaire : il confirme les principes de la réforme de la réglementation des télécommunications adoptée en 1996, à savoir la liberté d'exercice des activités de télécommunications, le service universel garanti, la régulation par une autorité indépendante. Un bilan largement positif de cette réforme avait été tiré par la commission des affaires économiques en mars 2002. L'ouverture maîtrisée à la concurrence a été indéniablement bénéfique pour le consommateur à qui elle a apporté baisse des prix et diversification des offres, comme pour la compétitivité globale de l'économie française.

Le nouveau cadre réglementaire confirme donc l'objectif visé, à savoir établir une concurrence effective et régulée sur l'ensemble du marché des communications électroniques. C'est pourquoi le titre Ier du présent projet de loi élabore un cadre juridique harmonisé pour l'ensemble des réseaux de communications électroniques. Permettez-moi de le souligner, si les réseaux se trouvent tous soumis au même régime, les contenus transportés sur ces réseaux demeurent, quant à eux, soumis à des régimes distincts.

Le titre II du présent projet de loi procède, pour sa part, à des adaptations importantes de la loi de 1986 relative à la liberté de communication.

La commission des affaires économiques a souhaité conserver la compétence au fond sur des dispositions importantes de ce titre qui ont une incidence sur les réseaux de communications électroniques : je veux parler du régime juridique applicable aux réseaux câblés et de la nature des obligations de reprise des chaînes de télévision sur les divers réseaux de communications électroniques.

En quoi ce nouveau cadre réglementaire des communications électroniques se distingue-til du précédent ? Trois traits distinctifs se dégagent : sa simplicité, son efficacité et son adaptabilité.

Simplicité, d'abord : depuis l'adoption en 1990 des deux directives qui ont constitué le socle de l'ouverture à la concurrence du secteur des télécommunications, la réglementation du secteur s'est progressivement enrichie, par strates successives, pour finalement ne pas compter moins de vingt-huit textes communautaires. Ce cadre législatif tentaculaire, destiné à créer un marché intérieur, a atteint ses limites avec la convergence croissante entre les réseaux audiovisuels et les réseaux de télécommunications.

S'y substitue un ensemble de « seulement » sept textes : les directives « cadre », « accès », « autorisation », « service universel », « données personnelles » et « concurrence », ainsi que la décision « spectre ». La visibilité s'est donc améliorée pour les acteurs du secteur, qui attendent tous - vous le savez comme moi, messieurs les ministres - l'achèvement de la transposition de ce cadre réglementaire.

Un apport essentiel de ce cadre simplifié consiste dans l'harmonisation entre les différents réseaux de transport de signaux par voie électronique, dits « réseaux de communications électroniques » : il s'agit des réseaux terrestres et satellitaires, avec ou sans fil, c'est-à-dire du réseau téléphonique commuté, du réseau Internet, de la télévision par câble, des réseaux de radiodiffusion... Cela signifie donc la fin, tant réclamée par les câblo-opérateurs eux-mêmes, de ce qu'il convenait d'appeler « l'exception câble ».

Je voudrais évoquer un dernier élément majeur de simplification pour les opérateurs : la suppression de l'autorisation préalable d'exercer l'activité d'opérateur, autorisation remplacée dans la plupart des cas par une simple déclaration.

Nous ne pouvons que nous féliciter de ce nouveau cadre, qui égalise les conditions de concurrence et promet un jeu plus ouvert avec des règles simplifiées.

Le deuxième apport promis par ce nouveau cadre réglementaire est l'efficacité. A cette fin, les pouvoirs de l'Autorité de régulation des télécommunications sont indéniablement renforcés.

Etant donné son caractère fortement capitalistique et ses fortes économies d'échelle, l'industrie des communications électroniques risque de vivre une lente transition, passant d'une situation monopolistique à une situation concurrentielle ; des situations oligopolistiques peuvent se cristalliser, voire durer : la régulation sectorielle reste donc nécessaire. C'est la raison pour laquelle l'ART est dotée de pouvoirs accrus : pouvoirs d'enquête administrative pour recueillir les informations indispensables à la régulation, possibilité de demander au Conseil d'Etat de prononcer une astreinte pour l'exécution des décisions de l'ART...

En contrepartie de l'accroissement de ses pouvoirs, le régulateur est appelé à être mieux contrôlé. Ainsi, ses décisions importantes doivent faire l'objet d'une consultation publique préalable et, dans certains cas, donner lieu à consultation du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Le régulateur doit également justifier systématiquement ses décisions au regard de la situation de chaque marché et respecter en toute matière une obligation de proportionnalité. Par ailleurs, la Commission européenne doit recevoir notification de toutes les décisions importantes prises par le régulateur.

Surtout, le contrôle du Parlement reste une pierre angulaire du système de régulation, et l'importance de ce contrôle se trouve accrue dans la mesure où les pouvoirs du régulateur se trouvent étendus.

Plus efficace, la régulation le sera aussi parce qu'elle sera mieux ciblée : le régulateur privilégiera l'action de régulation sur les marchés de gros avant de contrôler, si besoin est, les prix de détail. Sur chaque marché susceptible d'être régulé, le régulateur évaluera d'abord si les obligations d'accès et d'interconnexion sont suffisantes ; si tel n'est pas le cas et si le marché n'est pas en situation de concurrence réelle, alors seulement le régulateur exercera un contrôle tarifaire sur ce marché, contrôle qui pourra d'ailleurs prendre la forme d'un encadrement pluriannuel des tarifs, dit « price-cap » .

La troisième caractéristique du nouveau cadre est son adaptabilité. L'esprit des nouvelles directives est de permettre une adaptation permanente de la régulation à la situation concurrentielle de chaque marché du secteur des communications électroniques. A terme, l'objectif est de substituer à la régulation sectorielle a priori une régulation a posteriori , par le droit de la concurrence, dès lors qu'un marché devient concurrentiel.

A cette fin, les directives mettent l'accent sur l'évaluation de la situation économique de chaque marché, évaluation qui constitue le coeur de l'activité du régulateur. Ce dernier devra conduire périodiquement un processus tendant à définir les marchés, à analyser ces derniers et à imposer des obligations spécifiques aux opérateurs en position dominante.

Ainsi, le nouveau cadre réglementaire se distingue par son caractère « glissant ». Cette flexibilité est une très grande vertu, surtout dans un secteur où les évolutions, notamment technologiques, sont particulièrement rapides.

Le principe de neutralité technologique s'applique aussi à la régulation : l'apparition de nouvelles technologies crée in fine de nouvelles formes de concurrence via l'introduction de nouveaux produits substituables. Afin d'encourager l'innovation et l'investissement efficace de l'ensemble des opérateurs, le régulateur pourrait d'ailleurs ne pas réguler en amont les « marchés émergents » ; mais nous y reviendrons.

Un cadre juridique qui se veut simple, efficace et adaptable : tel est le dispositif que vise à mettre en place le projet de loi.

Je laisse maintenant à M. Bruno Sido le soin de présenter la position de la commission des affaires économiques et les amendements qu'elle a déposés. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur.

M. Bruno Sido , rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l'aurez compris en écoutant M. Pierre Hérisson, la commission des affaires économiques soutient cette entreprise juridique ambitieuse, mais complexe, qui a pour objet de refondre le cadre réglementaire des communications électroniques. Elle suggère toutefois quelques adaptations du projet de loi, dans un sens toujours favorable à l'intérêt général et respectueux des directives.

Pourquoi la commission des affaires économiques adhère-telle sans réserves à l'économie générale de ce projet de loi ? Parce qu'elle juge le texte fidèle au cadre communautaire qu'il s'agit de transposer et qu'elle en salue la simplicité, l'efficacité et la flexibilité.

Or cette transposition est une entreprise ambitieuse et difficile tant elle implique une refonte profonde du code des postes et télécommunications.

La commission des affaires économiques se félicite donc de l'aboutissement en droit national de la démarche communautaire et reconnaît l'exemplarité de l'abolition par l'Union européenne des distinctions juridiques entre les divers réseaux de communications électroniques. Les Etats-Unis eux-mêmes se trouvent encore prisonniers d'une loi de 1934 qui fige toujours les catégories de réseaux : téléphone, câble, Internet, qui, il est vrai, n'existait pas alors.

Reconnaissons toutefois que l'examen de ce texte est particulièrement complexe. Le Parlement aura eu à examiner en un an trois textes parallèles de transposition des directives communautaires relatives aux communications électroniques : la loi du 31 décembre 2003 relative aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom, le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique et, enfin, le présent « paquet télécoms ».

La coordination entre le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique et le présent projet de loi est particulièrement délicate : ces deux textes visent en effet à modifier des dispositions identiques du code des postes et télécommunications ou de la loi de 1986, au risque de se contredire ou de s'annuler ! L'opération pourrait ainsi perdre en lisibilité, ce qui serait pour le moins regrettable.

C'est pourquoi la commission a travaillé avec le plus grand soin afin que, à l'issue du processus législatif, le cadre renouvelé de l'exercice des activités de communications électroniques ne souffre d'aucune incohérence.

Comment la commission des affaires économiques pourrait-elle améliorer encore le texte ?

Guidée par le souci de l'intérêt général et de la fidélité aux directives, elle propose des amendements qui plaident pour un jeu ouvert et régulé ainsi que pour une protection du consommateur respectueuse de l'économie du secteur.

Le premier objectif visé est d'asseoir un jeu concurrentiel encadré. A cette fin, la commission vous propose de clarifier le positionnement de l'autorité de régulation dans le paysage juridique national.

En premier lieu, la commission des affaires économiques est favorable à l'obligation de discrétion imposée aux membres de l'ART en vertu de l'amendement adopté par l'Assemblée nationale à l'article 14. Elle tient cependant à la préciser afin qu'elle ne s'applique qu'aux procédures exigeant de telles précautions, à savoir les procédures quasi juridictionnelles menées devant l'ART. Hors ces procédures, l'ART doit pouvoir s'exprimer et apporter ainsi aux acteurs du secteur la lisibilité nécessaire à la poursuite de leurs activités, ce qui est d'autant plus important que celles-ci exigent souvent des investissements importants.

Concernant les rapports, dessinés à l'article 26, entre l'ART, le Parlement et la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications, ou CSSPPT, la commission des affaires économiques rappelle la nécessité de sauvegarder un contrôle permanent du Parlement sur l'ART, laquelle doit régulièrement rendre compte de son activité devant la représentation nationale.

La CSSPPT doit pouvoir continuer d'exercer pleinement sa mission, qui est de veiller au service public des postes et télécommunications. Pour autant, elle ne doit pas être mise en situation de doubler l'action du régulateur, ce qui pourrait compromettre l'indépendance de ce dernier.

Enfin, s'agissant des limites qu'il convient de tracer à la régulation des marchés émergents, la commission des affaires économiques se félicite du rôle que les députés ont confié à l'ART en la matière. Toutefois, elle propose d'affiner la rédaction du dispositif afin de le rendre plus opérationnel et plus conforme aux directives.

La commission souhaite aussi améliorer le texte pour renforcer la protection du consommateur tout en respectant l'économie du secteur.

Ainsi, s'agissant de la gratuité de certains numéros de téléphone spéciaux, dits « à valeur ajoutée », visés à l'article 24 du projet de loi, la rédaction proposée par la commission assigne à l'ART la mission de définir une tranche de numéros spéciaux réservés à des services sociaux et accessibles gratuitement depuis un téléphone fixe comme depuis un téléphone mobile. Le dispositif de gratuité se trouve ainsi recentré sur les numéros qui paraissent devoir en être les bénéficiaires les plus légitimes, ce qui semble à la fois pertinent du point de vue de l'intérêt général des appelants et acceptable par les acteurs du secteur des communications électroniques.

Concernant les obligations de reprise des chaînes hertziennes sur les bouquets de télévision, le projet de loi prévoit dans ses articles 58, 59 et 60 bis un dispositif équilibré qu'a adopté l'Assemblée nationale. La commission des affaires économiques vous invitera à en faire autant, sous réserve néanmoins d'une inflexion.

Depuis 1986, en effet, les réseaux câblés sont astreints à l'obligation de diffuser l'ensemble des chaînes hertziennes, héritage du temps où le câble, dans certaines zones, se trouvait en situation de monopole local.

Le développement de nouvelles technologies comme la télévision sur ADSL, d'une part, et la transposition des directives européennes, d'autre part, ont conduit le Gouvernement à proposer un cadre unifié pour l'ensemble des distributeurs, conformément au principe européen de neutralité technologique.

Ce nouveau dispositif est fondé sur trois principes.

Le premier principe est l'accès au service public ; il fait l'objet de l'article 59. Tous les distributeurs, que ce soit par câble, par satellite ou par ADSL, sont désormais soumis à une obligation de reprise des chaînes du service public à leurs frais, y compris la nouvelle chaîne publique de la TNT, la télévision numérique terrestre.

Le deuxième principe est l'instauration d'une libre concurrence entre éditeurs et distributeurs : les obligations de reprise imposées aux câblo-opérateurs disparaissent au bénéfice d'une négociation entre distributeurs et éditeurs de chaînes privées hertziennes en clair.

Le dernier principe, inscrit à l'article 58, vise à maintenir la garantie de la réception des chaînes hertziennes en clair pour les foyers résidant dans les immeubles collectifs qui ont perdu la possibilité de recevoir ces chaînes via une antenne dite « râteau ». C'est ce qu'on appelle le « service-antenne ».

Ce dispositif, je le souligne, parvient à concilier les différentes exigences évoquées à l'instant : il assure l'accès des téléspectateurs aux chaînes publiques ; il supprime les discriminations entre le câble, le satellite et l'ADSL ; il rétablit le jeu de la concurrence, tout en renforçant l'intervention du régulateur, et préserve les équilibres concurrentiels sur le satellite.

Toutefois, la situation particulière du câble a retenu l'attention de la commission des affaires économiques. En effet, outre 1,2 million d'abonnés dits « collectifs », qui bénéficieront du maintien du service-antenne, le câble ne compte pas moins de 2,6 millions d'abonnés individuels, qui n'ont, bien souvent, plus d'antenne râteau. Il faut prévenir le risque d'un changement trop brusque de l'économie du câble et laisser aux abonnés le temps de s'adapter aux nouvelles dispositions et de s'équiper, s'ils le souhaitent.

C'est pourquoi la commission des affaires économiques, en accord avec la commission des affaires culturelles, propose que soit instaurée une période transitoire de cinq ans pendant laquelle les garanties du service-antenne sont étendues à l'ensemble des abonnés au câble.

Concernant la protection du consommateur en matière de contrat avec des fournisseurs de services de communications électroniques, notre commission propose de rectifier, dans un sens plus réaliste, la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale à l'article 89.

En effet, exiger une acceptation expresse pour toute modification contractuelle risquerait d'avoir des conséquences démesurées, la négligence de nombreux consommateurs pouvant conduire à la résiliation d'une multitude de contrats en cours.

C'est pourquoi la perspective doit être renversée : la commission des affaires économiques suggère que le consommateur soit préalablement informé des modifications contractuelles envisagées et qu'il lui soit permis de résilier le contrat sans frais tant qu'il n'a pas expressément consenti aux modifications annoncées.

Sur ce point également, il s'agit de se rapprocher de la directive communautaire et d'assurer un équilibre satisfaisant entre la protection du consommateur et l'économie du secteur.

La commission des affaires économiques a donc apporté son soutien au projet de loi dans son ensemble, tout en démontrant sa capacité de vigilance, même dans l'urgence ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis comporte deux parties distinctes, comme l'ont excellemment indiqué les deux rapporteurs : l'une concerne les télécommunications, l'autre, le secteur audiovisuel.

La commission des affaires culturelles a reçu, de la part de la commission des affaires économiques, saisie au fond, une délégation de compétence sur l'essentiel du volet audiovisuel du projet de loi, dont le titre II modifie assez sensiblement la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

Je souhaite souligner qu'une collaboration fructueuse s'est établie entre les rapporteurs et les présidents des deux commissions, tout comme ce fut d'ailleurs le cas lors de l'examen du projet de loi relatif à la confiance numérique.

Avant d'entrer plus avant dans le commentaire du projet de loi et dans les propositions avancées par la commission des affaires culturelles, je tiens à attirer votre attention - une nouvelle fois, serais-je tenté de dire - sur la manière dont le Parlement est appelé à légiférer.

Nous avons certes échappé au pire : le Gouvernement a - et c'est à mettre à son crédit - finalement renoncé à transposer ce fameux « paquet télécoms » par voie d'ordonnance et il nous donne par conséquent la possibilité de nous prononcer sur un texte de première importance, tant pour le secteur de l'audiovisuel que pour celui des télécommunications : soyez-en, messieurs les ministres, remerciés.

Toutefois, on ne peut que regretter la discussion à moins d'une semaine d'intervalle de deux textes ayant trait aux mêmes sujets et modifiant les mêmes articles de la loi du 30 septembre 1986. D'où la nécessité devant laquelle nous nous sommes trouvés, les uns et les autres, de déposer un certain nombre d'amendements de coordination.

M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Je suis là pour dire la vérité, toute la vérité, mes chers collègues (Sourires )...même si elle dérange sur certaines travées, comme ce sera le cas tout à l'heure ! (Nouveaux sourires .)

Je vous rappelle en effet que, pas plus tard que la semaine dernière, le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique a profondément modifié l'article 1er de la loi de 1986 afin, notamment, de préciser utilement la frontière entre communication audiovisuelle et communication publique en ligne.

D'où cette question à laquelle vous n'échapperez pas, messieurs les ministres : la présentation de l'ensemble des dispositions relatives à la communication audiovisuelle en un seul et même texte n'aurait-elle pu être envisagée ? Un tel choix aurait eu, à mes yeux, deux avantages.

Il aurait, d'une part, facilité la compréhension, par les parlementaires que nous sommes, mais aussi par le grand public, de textes techniques aux enjeux considérables, tant pour les acteurs des secteurs concernés que pour les citoyens-téléspectateurs.

Il aurait, d'autre part, permis de limiter le nombre de problèmes de coordination juridique et technique auxquels les différents rapporteurs se sont trouvés confrontés.

Cela étant dit, messieurs les ministres, la commission des affaires culturelles soutient l'économie générale du texte que vous nous présentez.

La loi du 30 septembre 1986 devait en effet être adaptée afin de prendre en compte les évolutions technologiques, économiques et juridiques.

Le présent projet de loi permet ainsi, notamment, d'adapter la loi sur la liberté de communication au nouveau cadre juridique communautaire,d'assouplir les dispositions relatives aux infrastructures de diffusion de la radio et de la télévision, de moderniser - et il y a urgence à cet égard - les conditions d'exercice du pouvoir de régulation du CSA.

Surtout - et la commission des affaires culturelles est très attachée à cet aspect -, il ne remet pas en cause les fragiles équilibres établis dans le secteur de l'audiovisuel : équilibre entre les autorités de régulation, ainsi que nous avons pu nous en assurer lors des auditions auxquelles nous avons procédé, à travers la réaffirmation de la compétence du Conseil supérieur de l'audiovisuel en matière d'attribution de fréquences hertziennes et de contenus sur tous les supports ; équilibre entre les éditeurs de services, en matière de télévision comme en matière de radio, par la préservation des intérêts des opérateurs historiques, une place étant néanmoins ménagée pour les nouveaux entrants ; équilibre, enfin, entre les acteurs historiques et les nouveaux entrants, notamment sur les nouveaux supports que seront la télévision et la radio numériques.

Par delà ce satisfecit général, il restait quelques dispositions à compléter ou à clarifier, quelques incertitudes à lever, voire quelques erreurs à corriger.

Telles ont été les principales préoccupations de la commission des affaires culturelles, qui vous proposera, au cours de la discussion, d'adopter un certain nombre d'amendements inspirés par quatre principes fondamentaux : la neutralité technologique, qui est à la base de toute loi durable ; la prise en compte systématique - et je me réjouis d'avoir entendu M. le ministre de la culture et de la communication mentionner également ce principe - de l'intérêt du téléspectateur et de l'auditeur ; la plus grande lisibilité possible des mesures que nous prenons et la meilleure appréciation possible de leurs conséquences ; l'équilibre des industries audiovisuelles et cinématographiques nationales.

J'ajoute, à ce sujet, que nous avons déposé un amendement faisant apparaître qu'il y a, en France, toujours matière à créer.

La première préoccupation de la commission des affaires culturelles est la modernisation du champ de régulation du CSA.

Compte tenu de la convergence des secteurs des médias et des télécommunications, les compétences du CSA sont recentrées sur l'ensemble des services de radio et de télévision, quels que soient les réseaux de communications électroniques utilisés. A l'avenir, tous les supports de télécommunications seront soumis au contrôle de l'Autorité de régulation des télécommunications. Parallèlement, s'agissant des contenus audiovisuels diffusés, tous les services de radio et de télévision relèveront du contrôle du CSA. C'est bien la clarté qui était recherchée.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Et la simplicité !

M. Louis de Broissia , rapporteur pour avis. Le projet de loi prévoit également de renforcer les pouvoirs d'investigation de l'autorité de régulation, en lui permettant de recueillir toutes les informations nécessaires auprès des producteurs d'oeuvres audiovisuelles et cinématographiques et des exploitants de système d'accès sous conditions.

Par ailleurs, afin d'encadrer la diffusion par le satellite Eutelsat de chaînes ne faisant l'objet d'aucun conventionnement, ni en France ni dans aucun autre pays de l'Union européenne, l'Assemblée nationale a adopté une série de dispositions proposées par le Gouvernement et tendant à mettre en place un dispositif juridique cohérent, établissant la responsabilité des opérateurs satellitaires dans le transport de ces chaînes. Il s'agit là, ainsi que cela a déjà été précisé, de renforcer les moyens de lutte contre la diffusion par satellite de programmes à caractère raciste, xénophobe ou antisémite : l'actualité toute récente ne peut que nous inciter à avancer dans cette voie...

Surtout, le projet de loi prévoit - je réponds ainsi par avance aux arguments qui seront peut-être développés à l'appui de la motion tendant à opposer la question préalable -d'étendre significativement les compétences détenues par le CSA en matière de régulation sectorielle. Lui sera en effet confié un pouvoir de règlement des différends entre éditeurs et distributeurs de services dès lors que sont en jeu les principes fondateurs de la loi de 1986 sur la liberté de communication. Il s'agit là d'une importante avancée, de nature à répondre aux attentes d'un grand nombre d'opérateurs.

L'Assemblée nationale a utilement clarifié l'articulation entre la régulation audiovisuelle et le droit de la concurrence, ainsi que l'avait d'ailleurs souhaité le Conseil de la concurrence.

La commission des affaires culturelles souhaite poursuivre dans cette voie. A cet effet, elle a déposé des amendements permettant  de préciser les principes sur le fondement desquels le Conseil pourra exercer ce pouvoir de règlement des différends, de coordonner les délais impartis aux différentes instances de régulation, à savoir le CSA, l'ART et le Conseil de la concurrence, pour rendre leurs décisions et avis, en cas de saisine des deux dernières par le CSA, et, enfin, de rétablir la faculté pour le CSA d'ordonner des mesures conservatoires lorsque le différend porte une atteinte grave et immédiate à la liberté de communication.

J'en viens à l'aménagement des obligations de transport.

Concernant l'obligation faite aux bouquets payants d'intégrer certaines chaînes dans leur offre commerciale autrement, ce qu'on appelle le must carry , si le projet de loi initial proposait une adaptation prudente du dispositif existant, l'Assemblée nationale a adopté trois amendements réformant en profondeur les obligations de reprise des chaînes de télévision sur les réseaux de communication électronique.

Le premier impose la présence des chaînes publiques dans toutes les offres de télévision. Ce point ne souffre pas de discussion.

Le deuxième amendement prévoit la disparition des obligations de reprise des chaînes privées en clair diffusées en analogique ou en numérique par voie hertzienne terrestre, au bénéfice de la négociation entre distributeurs et éditeurs de chaînes, ces chaînes disposant du droit d'accéder aux offres de bouquets de télévision.

Le troisième amendement garantit le maintien de la réception des chaînes hertziennes en clair pour les foyers résidant dans des immeubles collectifs ayant perdu la possibilité de recevoir ces chaînes via une antenne râteau.

Si ce nouveau dispositif réussit par conséquent à combiner les principes de proportionnalité, de transparence et de non-discrimination édictés par le droit communautaire en général et l'article 31 de la directive « Service universel » en particulier, il n'en demeure pas moins qu'aucun de ses éléments ne garantit la distribution des principales chaînes hertziennes privées aux abonnés individuels des réseaux câblés.

M. Gérard Longuet. Exact ! Et des réseaux ADSL !

M. Louis de Broissia , rapporteur pour avis. Si ces chaînes décidaient un jour de se retirer des réseaux câblés, les foyers ayant pris la décision de supprimer leur antenne râteau se verraient donc contraints de la réinstaller.

Ce risque ne pouvant être totalement écarté, la commission des affaires culturelles, en accord avec la commission des affaires économiques saisie au fond, vous propose de maintenir pour une période transitoire de cinq ans l'obligation de reprise en analogique de TF 1 et de M 6 pour les abonnés précités.

M. Louis de Broissia , rapporteur pour avis. Vous savez, madame Pourtaud, dans cinq ans, que serons-nous, vous et moi ? (Sourires .)

M. Jean-Pierre Sueur. Voilà  qui est charmant ! (M. Ivan Renar s'exclame.)

M. Louis de Broissia , rapporteur pour avis. Monsieur Renar, vous siégerez ici éternellement ! La commission des affaires culturelles souhaite par ailleurs que TV 5, principale chaîne francophone diffusée à l'étranger et majoritairement financée par le contribuable national, figure parmi les services devant être repris sur tous les supports de diffusion.

M. Jacques Valade , président de la commission des affaires culturelles. Très bien !

M. Louis de Broissia , rapporteur pour avis. Vous l'avez bien compris, mes chers collègues, nous sommes guidés, encore et toujours, par le respect du téléspectateur, et non par une idéologie télévisuelle. Nous préférons en effet la recherche d'une démocratie télévisuelle (Exclamations sur les travées du groupe socialiste) et j'essaierai de le démontrer à l'occasion de la discussion des articles.

Le troisième point est la volonté de favoriser le développement des télévisions locales.

J'ai lu effectivement de nombreux rapports sur le sujet. J'ai d'ailleurs failli cosigner le dernier en date, le rapport Françaix, paru en novembre 1998, un autre siècle,...

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Un autre millénaire !

M. Louis de Broissia , rapporteur pour avis. Nous en convenons, monsieur le ministre !

Au moment où la France aborde une nouvelle étape de la décentralisation, la commission des affaires culturelles se félicite de la volonté du Gouvernement de rendre prioritaire le développement des télévisions locales. Ces dernières sont et seront les véritables vecteurs de la démocratie et du lien entre les citoyens, comme cela a été écrit dans de nombreux rapports.

L'assouplissement des régimes fiscaux et anticoncentrations qui leur est applicable, associé à l'ouverture des secteurs interdits, qui est déjà « dans les tuyaux », devrait permettre de donner un second souffle à ces services, rendant de ce fait d'autres dispositions inutiles, ce qui a amené la commission des affaires culturelles à ne pas retenir certains amendements. (M. Philippe Nogrix s'exclame.)

De même semblait-il nécessaire d'encadrer les conditions dans lesquelles les éditeurs de services nationaux de télévision diffusés par voie hertzienne peuvent participer au lancement ou au développement de chaînes de télévision locales.

Toutefois, sur ce dernier point, afin de ne pas pénaliser inutilement les rares opérateurs nationaux diffusant des programmes outre-mer, notre commission vous proposera de faire une exception pour les services locaux édités outre-mer, les spécificités des territoires concernés justifiant un traitement adapté, en particulier pour les services cryptés.

Le quatrième point, sur lequel la commission des affaires culturelles émet un avis favorable au prix de quelques aménagements, est le souhait d'encadrer l'intervention des collectivités locales en matière de distribution de services audiovisuels.

Comme vous le savez, mes chers collègues, l'article 57 du projet de loi autorise les collectivités locales ou leurs groupements à éditer des services de communication audiovisuelle comportant des services de radio ou de télévision sur les réseaux n'utilisant pas les fréquences assignées par le CSA, c'est-à-dire, en l'état des technologies existantes qui, comme chacun le sait, progressent chaque jour, le câble, le satellite, l'ADSL. Or, sous réserve de l'autorisation du CSA, cette faculté est à l'heure actuelle uniquement prévue sur les réseaux câblés et réservée aux seules régies communales ou intercommunales disposant de la personnalité morale et de l'autonomie financière.

S'il apparaît souhaitable, eu égard au service rendu au téléspectateur et à l'offre nouvelle, de favoriser l'intervention des collectivités locales dans ce domaine, les téléspectateurs et les auditeurs ne bénéficiant pas toujours d'une offre de services suffisante, on peut cependant s'interroger sur l'opportunité de leur permettre de concurrencer les opérateurs privés dans le cas contraire.

C'est pourquoi, mes chers collègues, la commission des affaires culturelles vous proposera d'adopter un amendement ayant deux objets : d'une part, soumettre cette faculté offerte aux communes, départements, régions et à leurs groupements au constat d'une insuffisance des initiatives privées pour satisfaire les besoins des utilisateurs, constatée par appel d'offres déclaré infructueux que nous connaissons tous dans nos collectivités ; d'autre part, exonérer de cette condition les régies communales qui exercent aujourd'hui une activité de distributeur de services audiovisuels.

J'aborderai plus rapidement la question de la télévision numérique terrestre.

Concernant la TNT, comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, la commission des affaires culturelles a adopté une position fortement volontariste.

Certes, on ne peut que se féliciter du pouvoir donné par l'Assemblée nationale au CSA de modifier la composition des multiplexes de la TNT. Pour répondre par avance à certains de nos collègues qui voudraient, par amendement, aller plus loin, cette disposition permettra, le cas échéant, de favoriser le regroupement sur deux multiplexes de l'ensemble des neuf chaînes privées gratuites devant être diffusées sur ce nouveau support.

Notre commission qui, je le rappelle après M. le ministre, a pris l'initiative de la mise en place du cadre juridique de la TNT lors de la discussion, fameuse, de la loi du 1er août 2000 considère qu'il est grand temps de tourner la page et de fixer des perspectives claires pour ce nouveau support.

Souhaitant vaincre les dernières réticences entendues ici et là, et même dans cette assemblée, et provoquer la mise en place d'une « spirale vertueuse » susceptible d'assurer le succès d'un projet tourné vers la satisfaction du téléspectateur, qui se verra ainsi offrir trois fois plus de chaînes gratuites qu'à l'heure actuelle, la commission des affaires culturelles propose plusieurs mesures.

Il s'agit d'abord de préciser le régime applicable aux opérateurs techniques de multiplexes désignés conjointement par les éditeurs occupant une même ressource radioélectrique.

Il s'agit ensuite de restreindre aux cas de « force majeure », expression qui pourra être adaptée lors de la discussion des articles, les cas dans lesquels les éditeurs pourront s'abstenir de diffuser en numérique sans perdre le bénéfice de la prorogation pour cinq ans de leur autorisation analogique.

Il s'agit enfin, et c'est un débat que nous aurons ensemble, monsieur le ministre, de fixer la date d'arrêt de la diffusion analogique à cinq ans après le lancement effectif de la TNT. C'est la fameuse « bascule » dont on parle en France, aux Etats-Unis, en Finlande, et pour laquelle la France devra fortement « afficher la couleur ». Nous aurons donc l'occasion de débattre de cette ardente obligation, non seulement pour le législateur que nous sommes, mais aussi pour les industriels et pour les téléspectateurs, qui doivent pouvoir connaître le choix qu'ils doivent faire dès aujourd'hui.

Je serai également rapide sur le sujet des services de radio.

Au-delà des quelques améliorations apportées au cadre juridique qui leur est applicable, j'attire votre attention, car je sais que de nombreux amendements nous seront proposés, sur la possibilité donnée au CSA de procéder, sous certaines conditions, à une modification de la catégorie ou de la personne morale titulaire d'une autorisation.

Les radios ont déjà connu une diminution de leurs recettes commerciales du fait de l'ouverture des secteurs interdits. Les radios constituent d'ailleurs le secteur qui a été, dans un premier temps, le plus durement frappé. Il serait donc souhaitable que les conséquences de cette disposition sur les marchés publicitaires locaux soient systématiquement prises en compte par l'autorité de régulation lors des décisions qu'elle sera amenée à prendre. Monsieur le ministre, vous avez déposé un amendement dans ce sens, et c'est une initiative que je salue.

Alors que se profile l'arrivée à échéance de nombreuses autorisations de radio portant sur 1 616 fréquences, le CSA devra également utiliser la faculté de proroger, hors appel à candidatures et pour une durée ne pouvant excéder deux ans, les autorisations d'usage de la ressource radioélectrique délivrées aux services de radio en mode analogique. Il faut en effet, comme le souhaite le CSA via son programme « FM 2006 », optimiser l'utilisation d'une bande FM aujourd'hui saturée, et reconstruire, sans pour autant le déstabiliser, un paysage radiophonique auquel les Français sont très légitimement attachés.

A cet égard, la commission des affaires culturelles souhaitera compléter ce dispositif en élargissant ce cadre juridique aux services de radio par satellite.

En ce qui concerne le régime des rediffusions, j'attire votre attention, mes chers collègues, sur le fait que la commission des affaires culturelles a adopté un amendement, soutenu par la commission des affaires économiques, qui traduit notre souhait d'assouplir le régime des rediffusions.

Il s'agit en effet d'autoriser les déclinaisons des chaînes premiums à proposer, en sus des rediffusions et dans la limite du tiers de leur temps de diffusion, des programmes distincts.

J'insiste sur le fait que cet assouplissement bénéficiera aux téléspectateurs, dans le cadre de l'offre nouvelle, sans peser sur les producteurs. En outre, cette mesure, si elle est adoptée par le Sénat, constituera un appui apporté à la filière cinématographique et à la production française en général.

Enfin, je ferai un commentaire rapide sur la transformation de RFO en filiale de la société France Télévisions.

Cette intégration se justifie par les synergies qu'elle permet d'envisager. Dans mon rapport pour avis sur le budget de la communication audiovisuelle pour 2004, j'avais exprimé le souhait que cette opération permette de « consolider la situation financière de RFO sans pour autant obliger cette dernière à abandonner sa spécificité ultramarine qui demeure incontestablement un véritable atout pour le paysage audiovisuel français ». Renouvelant ce voeu aujourd'hui, nous soutiendrons l'amendement fiscal proposé par le Gouvernement.

Je vous proposerai également un amendement tendant à allonger jusqu'à la fin de cette année le délai de réalisation de l'opération, celui de trois mois prévu initialement semblant optimiste.

Sous réserve de ces observations et des amendements qu'elle vous présentera, la commission des affaires culturelles vous proposera, mes chers collègues, de donner un avis favorable à l'adoption du présent projet de loi pour les sujets relevant de sa compétence. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 81 minutes ;

Groupe socialiste, 44 minutes ;

Groupe de l'Union centriste, 19 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes ;

Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 13 minutes ;

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.

M. Pierre-Yvon Trémel. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous voici devant un texte qui s'est fait longtemps désirer. Il comporte deux parties différentes.

La première partie a pour objet de transcrire en droit interne ce qui est appelé, dans le cercle des initiés, le « paquet télécoms », c'est-à-dire un ensemble de directives refondant le droit européen des télécommunications afin, d'une part, de prendre en compte la convergence des supports servant à la transmission des services téléphoniques, audiovisuels et à Internet, et d'autre part, de mettre en place une régulation sectorielle la plus proche possible du droit de la concurrence.

La seconde partie concerne le secteur audiovisuel et tend à opérer une refonte de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Il s'agit aussi d'un vrai « paquet audiovisuel », car le texte propose une large réorganisation du droit de l'audiovisuel.

Le Gouvernement avait, un temps, envisagé d'adopter ce projet de loi par ordonnance, pour y renoncer finalement à la demande de nombre de parlementaires attachés à débattre sur des dispositions traitant de sujets essentiels et très politiques tels que le service public des télécommunications, le développement de la société de l'information ou le pluralisme des médias.

Messieurs les ministres, le groupe socialiste se félicite de cette nouvelle occasion donnée au Parlement de travailler sur une adaptation de notre droit dans deux domaines stratégiques, les télécommunications et l'audiovisuel, dont les liens sont de plus en plus forts.

Mon intervention portera uniquement sur le titre Ier , mes amis Danièle Pourtaud et Henri Weber, grands spécialistes des questions audiovisuelles, ...

M. Pierre-Yvon Trémel.  ... s'exprimant sur le titre II.

Le titre Ier vient achever la transposition en droit interne du nouveau cadre réglementaire européen des communications électroniques, qui s'est effectuée en trois étapes.

La première étape s'est traduite par l'adoption de la loi du 31 décembre 2003, relative aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom. Le Gouvernement a pris prétexte de la transposition de la directive « service universel » pour redéfinir de manière très libérale le contenu du service universel des télécommunications et en modifier les conditions de fourniture selon des modalités que la législation européenne n'imposait pourtant pas.

Dès lors l'enrichissement du service universel n'a été envisagé que a minima . Les parlementaires socialistes ont voté contre l'adoption de ce premier texte.

La deuxième étape de la transposition de la nouvelle législation européenne, les directives « commerce électronique » et « vie privée », nous a occupés la semaine dernière, avec la discussion du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique. Nous nous sommes également opposés à l'adoption de ce texte.

Nous voici donc parvenus à la troisième étape. Que convient-il de retenir du projet de loi qui nous est soumis ?

Au cours des deux premières étapes, nous nous sommes familiarisés avec les termes en « ion » et en « ique ». Cette troisième étape est marquée du sceau des mots en « ence » : cohérence, convergence, concurrence avec, de surcroît, l'urgence !

M. Charles Gautier. Très bien !

M. Pierre-Yvon Trémel. En effet, l'Union européenne a complètement refondu le droit des télécommunications pour en faire un droit des communications électroniques au sein duquel il s'agit de prendre en compte la convergence des supports qui peuvent permettre à la fois la transmission de services de télécommunications et de services audiovisuels ou l'accès à l'Internet.

L'Union européenne a souhaité mettre en place une législation homogène et horizontale des contenants : réseaux de téléphonie fixe et mobile, réseaux câblés, réseaux de télévision, réseaux satellitaires. En vertu du principe de neutralité technologique, la réglementation ne doit favoriser aucun de ces supports.

La législation européenne met par ailleurs en place un système de régulation sectorielle. Les autorités nationales de régulation en sont le pivot. L'objectif visé est en fait de favoriser l'arrivée de nouveaux entrants sur le marché des communications électroniques.

La transposition en droit français de ce nouveau cadre communautaire a été qualifiée, par nos rapporteurs, d'entreprise juridique ambitieuse, exemplaire et complexe.

M. Pierre Hérisson , rapporteur. Absolument !

M. Pierre-Yvon Trémel. Ces qualificatifs s'imposent en effet lorsque l'on a l'ambition de procéder à une refonte du cadre des postes et télécommunications et du cadre de l'audiovisuel en présentant des projets de loi successifs. Nous verrons avec le temps si les objectifs de cohérence, d'efficacité et d'adaptabilité seront atteints.

Le travail que nous avons réalisé sur les vingt-six articles que comporte le titre Ier du projet de loi me conduit à identifier quatre thèmes, sources de réflexions et d'interrogations : la régulation, la relation entre la régulation et le pouvoir politique, l'intérêt et la protection des consommateurs, le contrôle des tarifs du service universel.

Plus de douze des vingt-six articles du titre Ier sont consacrés à la régulation du secteur des communications électroniques. Pour mettre le droit français en conformité avec les directives européennes, une modification très importante est introduite : le passage d'un contrôle a priori à un contrôle a posteriori .

Le régime d'autorisation est remplacé par un simple régime déclaratif. Si le projet de loi maintient le principe d'une régulation partagée entre le ministère des télécommunications et l'ART, dans les faits, la régulation est essentiellement de la compétence de l'ART. Les directives européennes aboutissent donc en réalité à renforcer le pouvoir de contrôle et d'interprétation de la réglementation confié à l'ART.

Lorsque l'on prend connaissance de la liste des objectifs poursuivis par la régulation telle qu'ils figurent à l'article 3 du présent projet de loi, il devient très clair que la nouvelle régulation tend à se rapprocher d'un simple droit de la concurrence.

Une fois le marché devenu concurrentiel - et cela viendra - , on peut se demander quel sera le rôle de l'ART. Au demeurant, l'évolution du secteur des télécommunications vers le droit commun de la concurrence et donc, à terme, le rétrécissement du champ des missions de l'ART rendent de moins en moins compréhensible le choix de confier la régulation postale à une autorité qui n'en a pas la compétence.

Nous ne pourrons éviter de revenir sur la question de la régulation qui fait l'objet de bien des discussions au sein de la commission des affaires économiques. Il nous faudra en particulier évoquer l'un des points que nous soulevons souvent - et c'est le deuxième thème que j'ai distingué -, à savoir la régulation et le pouvoir politique.

Le projet de loi donne quasiment les pleins pouvoirs à l'ART en matière de service public des télécommunications. Il s'agit pourtant d'un outil mis au service de l'intérêt général et dont le politique doit se porter garant.

Certes, il existe des contre-pouvoirs à l'ART, mais ils sont essentiellement extérieurs à la sphère politique, qu'il s'agisse de l'exécutif ou du législatif. Avec ce projet de loi, le contrôle de l'ART se fait essentiellement par les institutions européennes et par le pouvoir judiciaire.

Nous voulons dès lors affirmer à nouveau l'importance que nous accordons au rôle que doivent jouer le Parlement et la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications. Cette dernière est quasiment le seul lieu où le politique, en particulier le législateur, est en mesure d'exercer un contrôle régulier sur deux secteurs clés : la poste et les télécommunications. Ce contrôle peut se faire tant en amont qu'en aval des décisions. Mais encore faut-il que la commission dispose des moyens de jouer pleinement son rôle. Nous constatons malheureusement que ces moyens ne sont pas à la hauteur des missions qui lui sont confiées.

Messieurs les ministres, messieurs les rapporteurs, nous ne devons pas nous contenter du seul changement de nom de cet instrument d'exercice de nos missions. Confortons le rôle de la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications électroniques. Il nous faut faire en sorte que, par son intermédiaire, le pouvoir législatif puisse veiller au respect des principes de service public, notamment du service universel. Nous avons d'ailleurs déposé quelques amendements sur ce sujet.

Le troisième thème concerne l'intérêt des consommateurs. A la lecture du projet de loi, il semble que la prise en compte des intérêts du consommateur n'a pas été une priorité.

L'article 24, qui traite de la tarification à la seconde ou des appels à partir d'un mobile vers les numéros spéciaux, est d'ailleurs tout à fait révélateur. En dépit d'une volonté, souvent affirmée, de transposer complètement les directives, nous constatons que, s'agissant de la protection des consommateurs, cette déclaration de principe n'est pas ici suivie d'effet : il n'est pas imposé d'étude comparative pour lire les offres ; on ne crée aucun organisme indépendant auquel les consommateurs pourraient s'adresser, comme le suggère la directive européenne.

Soucieux de l'intérêt des consommateurs, nous continuons à défendre le principe de la facturation à la seconde et nous demandons que tous les services sociaux et les services d'intérêt général soient accessibles gratuitement.

Nous proposons par ailleurs la mise en place d'un médiateur des communications électroniques réellement indépendant dans le souci, que nous devons tous partager, de protéger les utilisateurs de services de communications électroniques.

Le quatrième thème porte sur le contrôle des tarifs du service universel.

La question du contrôle de ces tarifs est en débat depuis plusieurs mois et elle figure dans les trois textes que j'ai évoqués. L'article 13 du projet de loi « paquet télécoms » ôte tout pouvoir au ministre des télécommunications en matière de contrôle tarifaire du service universel. On renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de préciser les cas dans lesquels les tarifs du service universel peuvent faire l'objet d'une opposition ou d'un avis préalable de l'ART.

Si le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale limite un peu les pouvoirs de l'ART, il n'encadre pas ces derniers et ne motive pas l'objet de son intervention.

Nous souhaiterions connaître les intentions du Gouvernement dès à présent, avant la parution du décret en Conseil d'Etat. Quels sont exactement les tarifs du service universel qui seront soumis au contrôle de l'ART ou qui pourront faire l'objet de son opposition ? Quel sera l'objet de ce contrôle : veiller au caractère abordable des tarifs ou simplement veiller au dynamisme de la concurrence ? Quelles seront les règles qui régiront le dispositif d'encadrement pluriannuel ? J'ai d'ailleurs déjà eu l'occasion de vous poser ces questions la semaine dernière, monsieur le ministre.

Mes chers collègues, avec l'adoption par voie législative de ce nouveau « paquet télécoms », nous allons achever la transposition des directives de 2002 et modifier profondément la réglementation du secteur des télécommunications électroniques dans le sens d'une forte inspiration libérale. Un peu de temps sera nécessaire pour permettre la digestion de ces nouvelles dispositions, tant les règles du jeu sont complexes.

A mes yeux, trois conclusions s'imposent. Tout d'abord, l'évolution rapide des technologies et de l'organisation des marchés, l'accentuation de la convergence entre les télécommunications et l'audiovisuel nous amèneront, j'en suis persuadé, à délibérer régulièrement sur les communications électroniques.

Nous avons ensuite pu mesurer, à l'occasion de nos travaux sur trois textes, le poids des directives européennes. Si les parlements nationaux veulent vraiment exister à l'avenir, il est urgent de trouver ensemble d'autres méthodes de travail afin d'être plus présents dans la préparation des contenus des directives.

Enfin, les textes de transposition dénotent une approche que l'on peut qualifier d'un peu « mercantile » de l'usage des technologies de l'information et de la communication. Les réseaux de télécommunications ont aussi d'autres vocations - nous le disons les uns et les autres -, en particulier celle de permettre le développement de l'accès aux services, au savoir, à la culture, au pluralisme.

Ce texte, avec ses deux volets, vient à point nommé appeler notre vigilance sur cette dimension essentielle. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix.

M. Philippe Nogrix. Monsieur le président, messieurs les ministres, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui est une priorité pour les secteurs des télécommunications et de l'audiovisuel : priorité s'agissant des impératifs de transposition des directives européennes, priorité également pour les consommateurs au regard des services qui leur sont offerts.

La convergence des réseaux est aujourd'hui une réalité. Il fallait donc légiférer. En effet, désormais le téléphone est offert sur le câble, la voix nous arrive par Internet et la télévision est diffusée par ADSL. Les technologies ont bouleversé le paysage ; il fallait donner des repères clairs et visibles.

Ce projet de loi est une priorité, enfin, pour les opérateurs eux-mêmes. Il convenait de préciser le cadre juridique dans lequel ils travaillent et prendre en compte les évolutions des technologies et du marché. Ce dernier est passé d'une situation de rareté des modes de distribution et de l'offre à une démultiplication de l'offre de supports et, par voie de conséquence, à une augmentation très forte de la concurrence.

Dans une telle situation, nous ne pouvions faire l'économie d'un texte d'envergure qui rénove la loi du 30 septembre 1986 sans en bouleverser les principes. Conçue à une époque où la pénurie était encore la règle en matière audiovisuelle et où l'initiative privée en était à ses balbutiements, cette loi doit en effet être constamment adaptée aux mutations tant technologiques qu'économiques qui se succèdent dans le secteur, au risque de la voir devenir très rapidement obsolète et donc inutile.

Ensemble complexe de dispositions visant tout à la fois à garantir la liberté de communication et à la limiter afin de préserver le pluralisme entre les différents opérateurs, ce texte est fondé sur une double logique de réglementation et de régulation. Ce dernier pouvoir est confié au Conseil supérieur de l'audiovisuel, autorité administrative indépendante, dont les compétences doivent également être régulièrement adaptées à l'évolution du marché et de ses acteurs.

Après une trentaine de modifications intervenues depuis 1986, le titre II du projet de loi vient donc, à son tour, au bon moment, adapter la loi sur la liberté de communication au nouveau cadre juridique communautaire, assouplir les dispositions relatives aux infrastructures de diffusion de la radio et de la télévision, et moderniser les conditions d'exercice du pouvoir de régulation du CSA.

Le titre II du projet de loi, même s'il ne comporte pas de grandes réformes affectant en profondeur le droit de la communication ou le paysage audiovisuel français, comme ce fut le cas lors de la création du cadre juridique de la télévision numérique terrestre, dite TNT, par la loi du 1er août 2000, modifie toutefois de très nombreux articles de la loi de 1986 dans une logique d'assouplissement et de modernisation.

Le projet que nous sommes amenés à étudier est bâti sur quatre principes politiques essentiels : la réaffirmation de la liberté de la communication audiovisuelle, le développement de la diversité de l'offre audiovisuelle faite à nos concitoyens, la neutralité des pouvoirs publics à l'égard des choix technologiques, le renforcement du service public audiovisuel.

Au-delà de ces principes, ce texte est porteur de tant d'enjeux qu'il est bien difficile d'obtenir un consensus des professionnels. Les intérêts des uns et des autres sont différents, pour ne pas dire divergents, tant sur les objectifs que sur les procédures à mettre en oeuvre. De plus, les dispositions qui sont soumises à notre réflexion sont très techniques et difficiles d'accès au néophyte que je suis. Je vais maintenant exposer les principales questions auxquelles le texte entend apporter une réponse.

Le premier enjeu de ce texte concerne les pouvoirs du CSA.

La convergence des réseaux de communications électroniques et la nécessaire transposition des directives communautaires appelaient un rapprochement des régimes juridiques qui leur sont applicables, comme l'exigent les directives du fameux « paquet télécoms ».

Le projet de loi promeut une nouvelle articulation entre les deux autorités de régulation que sont le CSA, d'un côté, et l'ART, de l'autre, tirant ainsi les conséquences des évolutions technologiques. Le CSA sera ainsi clairement chargé de la régulation de la télévision et de la radio, quel que soit leur mode de diffusion. La télévision sur Internet ou sur ADSL reste ainsi dans le champ de compétence du CSA et demeure soumise aux mêmes obligations que sur le câble et le satellite. Il était nécessaire d'inscrire cette disposition dans le projet de loi pour que les nombreux acteurs de ce secteur sachent qui fait quoi.

L'ART, quant à elle, sera chargée de la régulation de tous les réseaux de communication électronique, dont la convergence est de plus en plus forte. Elle sera chargée notamment de la régulation des réseaux câblés qui étaient jusqu'ici régis par les dispositions de la loi de 1986.

Le projet de loi prévoit également de renforcer les pouvoirs d'investigation du CSA, en lui permettant de recueillir toutes les informations nécessaires auprès des producteurs d'oeuvres audiovisuelles et cinématographiques et des exploitants de système d'accès sous conditions.

Surtout, l'article 36 prévoit d'étendre significativement les compétences détenues par le CSA en matière de régulation économique. Il est en effet proposé de lui confier un pouvoir de règlement des litiges entre éditeurs et distributeurs de services, notamment entre les chaînes de télévision et les entreprises qui commercialisent ces chaînes, dès lors qu'entrent en jeu le pluralisme ou la protection des mineurs, comme l'a souligné M. le rapporteur pour avis,...

M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Très bonne citation !

M. Philippe Nogrix. ... principes fondateurs de la loi de 1986 relative à la liberté de communication, ainsi que le bon exercice des missions spécifiques du service public.

Les moyens dont dispose le CSA pour mener à bien ces nouvelles compétences ne seront sans doute pas suffisants. Il faudra s'attacher à les lui donner. Nous serons vigilants sur ce point.

Le deuxième enjeu de ce texte concerne le développement des télévisions locales. Vous l'avez évoqué, monsieur le rapporteur pour avis, et je connais les raisons qui vous conduisent à vous y opposer.

Dans ce domaine, la France est, hélas ! très en retard par rapport à ses voisins européens. Alors que le CSA a autorisé 113 chaînes locales pour l'ensemble de notre territoire, la seule ville de Barcelone en compte 69. En France, Les raisons d'un tel retard sont historiques et liées à une vision très centralisatrice de l'audiovisuel. Est-il bien raisonnable de s'y cramponner encore aujourd'hui ?

Au moment où la France aborde une nouvelle étape de la décentralisation, comme l'a dit tout à l'heure M. de Broissia, nouvelle étape symbolisée par l'inscription dans notre Constitution du principe de l'organisation décentralisée de la République, le développement des télévisions locales, vecteurs de démocratie et de lien entre les citoyens, doit être, pour nous, une priorité. Ces télévisions locales peuvent jouer un rôle de médiation entre les collectivités locales, dotées de compétences élargies et clarifiées, et les citoyens. Il nous faut leur assurer les moyens de cette mission de pédagogie qui permettra une meilleure compréhension des compétences de chacun des échelons territoriaux.

A côté des dispositions visant à encourager l'investissement des collectivités locales dans ces services, le projet de loi tend à un assouplissement du dispositif anti-concentration qui leur est applicable, en supprimant le plafond de 50 % prévu pour la participation au capital d'une télévision locale et en autorisant le cumul d'autorisations pour une chaîne nationale diffusée par voie hertzienne terrestre et pour une chaîne locale diffusée par voie hertzienne en mode numérique, voire, sous certaines conditions, en mode analogique. Cela est une très bonne chose !

Le projet de loi prévoit également le relèvement à 12 millions d'habitants du plafond de cumul de plusieurs autorisations locales et du seuil d'application du dispositif anticoncentration à ces services. Il fallait l'écrire.

Les sénateurs du groupe de l'Union centriste souhaitent aller plus loin en proposant de verser une aide aux chaînes de télévision dont les ressources publicitaires sont inférieures à 20  % de leur chiffre d'affaires.

Mme Danièle Pourtaud. Très bien !

M. Philippe Nogrix. Ce rééquilibrage vers les plus modestes permettrait une diversification souhaitable, vous l'avez dit, et une bonne concurrence porteuse de qualité. On le sait, c'est le meilleur moyen d'améliorer le service au consommateur.

Le troisième enjeu est celui de l'adaptation de la TNT, qui suscite des réserves. Ce « produit », comme d'autres par le passé, est-il victime de la rapidité des progrès dans ce domaine ? Aujourd'hui, certains opérateurs redoutent que la poursuite du plan tel qu'il a été conçu, d'après des perspectives tracées au milieu des années quatre-vingt-dix, ne crée un nouveau déséquilibre dans l'économie fragile du marché de l'audiovisuel.

Même si les inquiétudes sont parfois exagérées, il est certain que toute remise en cause brutale ou mal préparée de ce marché fragiliserait l'ensemble de l'édifice.

On ne peut pas nier le travail réalisé. Mais comment aider au développement nécessaire de la TNT tout en l'adaptant aux exigences nouvelles ? N'est-il pas encore temps de repenser le plan prévu il y a presque quinze ans aujourd'hui ? L'acharnement technologique n'est pas toujours une procédure satisfaisante.

Certains opérateurs proposent de différencier dans le temps le passage à la TNT pour les chaînes gratuites et pour les chaînes payantes, ces dernières pouvant ainsi compter sur une couverture plus large de la population. Les chaînes payantes arguent, sans doute à raison, que les consommateurs épuiseront d'abord l'intérêt des nouvelles chaînes gratuites sur la TNT avant de souscrire un abonnement aux chaînes payantes.

Toutefois, les exemples malheureux de la Grande-Bretagne et de l'Espagne incitent l'ensemble des opérateurs à la prudence, d'autant plus qu'au vu des contraintes techniques le calendrier élaboré par le CSA, tel qu'il a été écrit il y a quinze ans, sera bientôt irréalisable.

Restons donc prudents, ne faisons pas du modernisme par satisfaction, sachons nous adapter et surtout trouver le meilleur rythme à donner aux avancées technologiques ! Vouloir aller trop vite, c'est souvent précipiter l'échec...

Mme Danièle Pourtaud. Mais à force d'attendre, on ne fait rien du tout !

M. Philippe Nogrix. Enfin, le quatrième enjeu est celui du must carry , autrement dit « l'obligation de transporter » des programmes sur les différents réseaux.

Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale respecte les principes de proportionnalité, de transparence et de non-discrimination édictés par le droit communautaire. Ainsi, les régimes applicables au câble et au satellite ont été unifiés, à l'exception du service-antenne, ce que vous avez appelé « les râteaux ». Chez moi, on parle plutôt d' « antennes » parce que, en Bretagne, les râteaux servent à autre chose ! (Sourires.) Toutefois, le texte, tel qu'il nous est soumis, ne garantit plus la distribution des principales chaînes hertziennes privées aux abonnés individuels des réseaux câblés. Si ces chaînes décidaient un jour de se retirer des réseaux câblés, les foyers ayant pris la décision de supprimer leur antenne râteau se verraient contraints de la réinstaller.

M. Paul Blanc. Et de payer la redevance !

M. Philippe Nogrix. Nous reparlerons de cette redevance plus tard. À quoi sert-elle quand il est possible de recevoir la télévision sur son ordinateur ?

Compte tenu de ce risque, les deux commissions ont proposé de maintenir, pour une période transitoire de cinq ans, l'obligation de reprise en analogique de ces chaînes pour les abonnés individuels du câble, afin de leur permettre de rétablir une antenne individuelle. Ne serait-il pas nécessaire, monsieur le rapporteur, messieurs les ministres, de raccourcir cette période ? Nous en reparlerons lors de la défense des amendements déposés par l'Union centriste.

Enfin, le dernier enjeu concerne la radio.

Ce projet de loi tend également à donner au paysage radiophonique de nouvelles possibilités de développement.

L'évolution du paysage radiophonique passe par deux voies : le développement d'une offre de radio numérique et la meilleure planification des fréquences analogiques, notamment sur la bande FM aujourd'hui, nous dit-on, saturée.

La numérisation de la radio est inéluctable, même si celle de la bande FM est encore loin d'être fiable. De nombreux projets apparaissent cependant : relance de la radio numérique selon la norme DAB, numérisation des ondes moyennes, numérisation des ondes courtes, radiodiffusion directe par satellite.

Toutefois, à l'heure actuelle, c'est le réaménagement de la bande FM qui cristallise les passions. Ce débat a été relancé par l'arrivée prochaine à échéance de plusieurs centaines d'autorisations qui seront négociées d'ici à la fin de l'année. A titre personnel, je suis favorable à l'instauration d'un droit de réception pour les auditeurs de tout canal national, dans la limite des fréquences disponibles. Il n'est pas normal qu'un auditeur parisien ait un choix de programmes deux fois plus large que les habitants de Fougères, ville d'Ille-et-Vilaine, en Bretagne, où j'habite. C'est pourquoi, avec mon collègue Philippe Richert, j'ai déposé plusieurs amendements allant dans ce sens.

Malgré ces remarques de fond, le jugement global du groupe de l'Union centriste, que je représente, sur ce texte reste nettement positif.

Je tiens enfin à féliciter les rapporteurs de la commission des affaires économiques et tout particulièrement celui de la commission des affaires culturelles, à laquelle j'appartiens, pour leur excellent travail sur un sujet aussi difficile. En effet, derrière les données technologiques complexes, les très nombreux acteurs intervenants, les intérêts financiers en jeu, il y a une façon française de faire des règlements, de surveiller et d'adapter sa politique face aux moyens de communication modernes toujours évolutifs. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Louis de Broissia , rapporteur pour avis. Bravo !

M. le président. La parole est à M. René Trégouët.

M. René Trégouët. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce que certains, parmi nous, annonçaient depuis bientôt dix ans est maintenant arrivé.

Nous pouvons, dorénavant, regarder la télévision sur notre ordinateur. Nous pouvons même nous servir d'Internet pour téléphoner soit à notre voisin, soit à nos enfants qui sont à l'autre bout du monde, pour le même prix.

Cette fusion physique et culturelle entre notre téléphone, notre téléviseur et notre ordinateur est indéniablement le fait majeur qui va le plus changer notre vie dans les années à venir.

Il est grand temps que la loi prenne enfin en considération cette profonde mutation technologique. Le « paquet télécoms » que le Gouvernement nous demande d'adopter en urgence aujourd'hui date lui-même de 2002. Sur certains de ces aspects, il est déjà partiellement obsolète, tant les technologies évoluent rapidement. Ce texte va nous permettre de prendre conscience du fait qu'il faut rendre notre démarche encore plus réaliste, et ce dès ces prochains mois.

L'une des plus grandes avancées que nous permettra l'adoption du texte de ce jour est d'effacer définitivement l'exception française engagée au début des années quatre-vingt avec la création de Canal Plus, le ratage volontaire du plan câble et le lancement des fameux satellites TDF, Télédiffusion de France, de télédiffusion directe.

M. Paul Blanc. Très bien !

M. René Trégouët. Nous payons encore très cher, et nous paierons encore longtemps, le fait qu'à cette époque notre pays n'ait pas su construire, contrairement à ce qu'ont fait les autres grandes démocraties, un réseau câblé qui, dans l'ensemble des villes et des villages de France, aurait doublé le réseau cuivré de l'opérateur national France Télécom.

Actuellement, 100 % des Belges, plus de 90 % des Allemands et plus de 80 % des Américains disposent de deux prises à leur domicile : une prise téléphonique et une prise pour le câble. A l'heure où ces deux technologies se fondent en un seul ensemble pour nous apporter les mêmes services, chacun d'entre nous peut prendre conscience de l'avantage discriminant dont dispose celui qui peut se servir de deux structures physiques totalement différentes, donc fondamentalement en concurrence, pour accéder à ces nouveaux services.

Cette concurrence est réelle et donc rassurante. Nous ne pouvons, hélas ! éprouver la même quiétude quand la concurrence ne s'exerce que par le biais des services, comme c'est le cas actuellement avec le dégroupage utilisant la technologie ADSL. Nous sommes d'autant moins rassurés, à cet égard, que le propriétaire du réseau physique est en même temps l'un des compétiteurs dans le secteur des nouveaux services.

Quoi qu'il en soit, le partage léonin, qui avait été, malheureusement, confirmé par la loi au début des années quatre-vingt, entre France Télécom et Canal Plus, d'une part, et les câblo-opérateurs, d'autre part, devrait être totalement effacé grâce à ce texte, bien que certaines scories semblent appelées à subsister.

Ainsi, le câble, après un purgatoire qui aura duré près de vingt ans, va enfin entrer dans le droit commun des télécommunications et de l'audiovisuel. Du régime de la double autorisation, il va passer à celui de la simple déclaration. Le plafond interdisant les regroupements de câblo-opérateurs si leurs clientèles potentielles dépassent les 8 millions d'habitants appartient maintenant au passé, de même que le monopole de TDF.

En contrepartie, si les opérateurs du câble demandent une parfaite prise en considération par les collectivités locales, qui leur est nécessaire pour envisager l'avenir, il leur faudra accepter sans réticence le dégroupage sur leurs réseaux, dans le respect, bien entendu, des contraintes économiques particulières auxquelles ils sont soumis.

En effet, ils disposeront dorénavant sur leurs réseaux des mêmes droits que ceux dont jouit France Télécom sur le sien. Il est donc équitable qu'ils soient soumis aux mêmes obligations.

Les trois maîtres mots qui sous-tendent le texte soumis aujourd'hui à notre examen sont : cohérence, concurrence, convergence.

Pour atteindre ces objectifs, louables et ô combien nécessaires, vous avez dit et répété, messieurs les ministres, messieurs les rapporteurs, que les pouvoirs publics devaient désormais respecter une stricte neutralité technologique.

En effet, alors que nous pouvons maintenant recevoir les programmes télévisés non seulement par voie hertzienne ou par satellite, mais aussi par le câble, par le téléphone et même par radio avec le Wifi et, demain, le Wimax, l'Etat ne peut plus marquer sa préférence ou, éventuellement, sa défiance envers une nouvelle technologie à laquelle certaines industries promettent le plus bel avenir : je veux parler de la télévision numérique terrestre. Si cette technologie est à ce point séduisante, laissons les entrepreneurs privés mener à bien, avec des financements privés, la mise en place de ce nouveau réseau de distribution de la télévision. Il serait dorénavant inopportun que des avantages particuliers soient octroyés par les pouvoirs publics à cette technologie non convergente.

Au regard de cette nécessaire recherche de la neutralité technologique, il est dommage, messieurs les ministres, que certaines scories du passé ne puissent être balayées au travers de votre texte.

Ainsi, par souci de cohérence et de transparence, vous proposez, et cela est bien, que le CSA ait désormais une pleine compétence pour l'ensemble des services audiovisuels, même quand ceux-ci parviennent aux téléspectateurs par la voie d'Internet. En contrepartie, vous affirmez avec force, là aussi à juste titre, que l'Autorité de régulation des télécommunications verra ses pouvoirs élargis à la régulation de tous les réseaux physiques qui permettront l'accès non seulement au téléphone et à Internet, mais aussi à la télévision, comme les réseaux « cuivre » de France Télécom ou les réseaux câblés. Cependant, pourquoi ne pas avoir visé également les réseaux hertziens de télédistribution et les avoir maintenus sous l'autorité du CSA ? Ce dernier aura pourtant déjà beaucoup à faire, dans les prochaines années, avec les contenus. Pourquoi lui avoir laissé la gestion des « tuyaux » politiquement les plus sensibles ? Il y a là une incohérence qui ne va pas dans le sens d'une nécessaire convergence.

Parmi les éléments qu'il nous faudra faire évoluer sans retard, à la suite du vote de ce texte, figure la redevance audiovisuelle.

En effet, alors que les programmes de télévision sont dorénavant accessibles sur nos ordinateurs personnels et qu'ils le seront demain sur nos téléphones portables avec l'UMTS, et même sur nos ordinateurs portables grâce au Wifi et, dans l'avenir, au Wimax, il ne sera bientôt plus possible de demander au possesseur d'un téléviseur d'acquitter la redevance sans rien exiger de celui qui disposera d'un ordinateur et d'une installation de home cinéma mais aura pris la précaution de se débarrasser de son téléviseur. Une telle situation serait injuste, donc intenable. Par conséquent, il nous faudra traiter ce problème sans tarder, dès la discussion du prochain projet de budget, à mon avis en supprimant cette redevance et en la remplaçant, par exemple, par une taxe qui pourrait être perçue auprès de tous les foyers français, ceux qui ne regardent vraiment jamais la télévision étant tenus d'en apporter la preuve.

Comme je l'ai dit la semaine dernière lors de l'examen du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique, il va nous falloir en outre élaborer des textes réalistes et applicables. La société de l'information est une société globale, ce qui signifie que, malgré que nous en ayons, notre secteur audiovisuel va devoir se conformer à la règle commune, européenne et même universelle.

Si nous voulons conserver une identité dans ce domaine de l'audiovisuel, il nous faudra donner au CSA des outils qui resteront efficaces dans ce monde ouvert. En effet, nous quittons un contexte marqué par la courte portée optique des émetteurs hertziens et par le lourd ticket d'entrée de la diffusion satellitaire pour nous soumettre au protocole universel d'Internet, accessible à tous et ce au moindre coût. Cela signifie qu'il ne sera plus suffisant de faire jouer un interrupteur pour arrêter la diffusion d'un programme de télévision. Ses images se mêleront dorénavant à des milliards d'autres provenant de tous les sites Internet du monde entier. C'est donc tout un nouveau droit, particulièrement subtil, qu'il va nous falloir mettre en place dans ce monde de réseaux, alors que la télévision de masse, telle que nous la connaissons encore aujourd'hui, reste la plus belle illustration de cette société pyramidale que nous sommes en train de quitter (M. Philippe Nogrix applaudit), mouvement fondamental dont beaucoup d'entre nous n'ont pas encore pris conscience.

M. Paul Blanc. Bravo !

M. René Trégouët. Un autre secteur doit retenir toute notre attention : celui de la radiodiffusion.

En effet, avec la marchandisation totale des télévisions commerciales, soumises à la dictature de l'audimat, la radio est indubitablement appelée à un nouvel avenir. N'utilisant qu'un seul de nos sens, l'ouie, n'accaparant pas l'oeil comme le fait la télévision, n'étant en outre pas incompatible avec la disponibilité visuelle qu'exigent les déplacements, la radio s'adapte parfaitement au nomadisme qui se développe rapidement dans nos sociétés modernes.

De plus, pour un coût modique, elle permet à chacun d'accéder instantanément non seulement à l'information globale, mais aussi à l'information de proximité.

Or, depuis bientôt deux décennies, la radio est maltraitée dans notre pays. Depuis la mise en place de la bande FM et des radios locales, aucun progrès notable n'a été accompli, alors que, dans le même temps, les technologies ont pourtant fait des progrès extraordinaires. La bande FM est maintenant saturée. Dès que nous nous éloignons des grandes villes, de trop nombreuses stations deviennent inaudibles. Par ailleurs, la France est l'un des pays qui ont totalement abandonné la bande des ondes moyennes, alors que, là aussi, des progrès technologiques permettraient une bien meilleure diffusion.

Il nous faut réagir très vite devant cette situation, car la généralisation de la numérisation de la radiodiffusion va amener une évolution très rapide des usages. Demain, avec la généralisation de l'UMTS et des technologies nouvelles, comme le Wifi ou le Wimax, ainsi qu'avec le lancement de nouveaux satellites, de nouveaux terminaux numériques portables et de bonne qualité audio vont apparaître, à des coûts qui les rendront accessibles au plus grand nombre. Il nous faut nous préparer à cette nouvelle révolution des usages dans le domaine de la radio, car il ne faudrait pas que, d'ici à quelques courtes années, les 20 000 stations de notre bande FM soient mises devant une situation nouvelle sans avoir été incitées à l'anticiper.

Oui, mes chers collègues, c'est à une véritable révolution à laquelle nous assistons et à laquelle nous sommes invités à participer.

Nous entrons dans une société globale où chacun d'entre nous peut accéder à l'information et recevoir des programmes audiovisuels, où qu'il soit. Plus encore, chacun de nos concitoyens tient à conserver toutes ses capacités de producteur dans cette économie nouvelle, quel que soit le lieu où il se trouve. Dans une société qui fonde l'ensemble de son activité sur la valeur ajoutée, la notion de propriété terrienne, d'usine ou de bureau où l'on accomplit pleinement sa mission de producteur est caduque! Demain, chacun exigera de pouvoir garder toute son efficacité dans l'économie du futur, qu'il se trouve chez lui ou en déplacement.

Ces nouvelles exigences de nos concitoyens pour un nomadisme complet et efficace, qui vont devenir, dès ces prochaines années, de plus en plus pressantes, doivent être la toile de fond de l'ensemble de notre débat.

Il nous faut non seulement constater la convergence, maintenant réalisée, entre les trois technologies essentielles que sont les télécommunications, l'informatique et l'image, mais aussi tout entreprendre pour qu'une réelle et nécessaire concurrence s'établisse enfin dans ce secteur vital.

En effet, ce n'est que grâce à cette concurrence que notre pays pourra enfin rattraper un regrettable retard dans ce domaine majeur de la communication en réseaux, laquelle sera absolument nécessaire à tous les Français pour qu'ils puissent tenir toute leur place dans le monde de demain. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Gouvernement a pu envisager de ne pas soumettre au Parlement le projet de loi que nous étudions aujourd'hui. Aussi me paraît-il nécessaire de réaffirmer qu'aucune urgence, fût-ce dans l'optique de l'harmonisation européenne, ne peut justifier que l'on élude le débat public et que l'on gouverne par ordonnances et par décrets sur des sujets d'une telle importance, dont la teneur est en apparence très technique, mais en réalité très politique. (Mme Danièle Pourtaud approuve.)

Cela étant, ce texte concernant les communications électroniques et les services de communication audiovisuelle est l'aboutissement de la réforme de la réglementation des télécommunications adoptée en 1996 et en 1997. Mon amie Marie-France Beaufils développera de façon détaillée notre analyse du titre Ier à l'occasion de la présentation d'une motion tendant à opposer la question préalable. Je m'attacherai donc, pour ma part, à l'étude du titre II.

La modification du code des postes et télécommunications se justifie par la nécessité d'une convergence entre les télécommunications et l'audiovisuel, avec pour corollaire l'idée d'une « neutralité technologique » à l'égard des différents modes de diffusion et de transmission de données, de services, d'informations ou de contenus culturels. Cette « neutralité technologique », chère à nos rapporteurs, me fait penser à la neutralité de la Suisse dans le domaine financier. (Sourires .) Mais j'y reviendrai tout à l'heure...

La télécommunication disparaît au profit de la communication électronique et de la téléphonie mobile, outils résultant de l'évolution technologique de la téléphonie et de la télévision. Aujourd'hui, il s'agit de proposer une plateforme multimédia complète sur l'ensemble des terminaux de télécommunication.

Paul Eluard disait : « Nos inventions nous inventent. » ; je me permettrai d'ajouter, à la suite d'un autre grand poète : « J'invente, donc je suis. » Considérées ainsi, les nouvelles technologies pourraient nous « inventer », si nous restions attentifs à l'utopie humaniste inhérente à toute invention humaine : elles ne peuvent révolutionner la société et les mentalités - puisque le mot « révolution » a été utilisé par notre collègue René Trégouët - ...

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. C'est un spécialiste qui parle !

M. Ivan Renar. La révolution n'est plus ce qu'elle était, je le sais bien ! (Rires.)

... que si elles s'accompagnent d'une volonté politique, définissant l'utilisation, dans le strict respect de l'exception culturelle française, de la liberté d'expression, de création, d'accès à l'information et aux savoirs.

L'universalisation de la connaissance souligne les inégalités structurantes de notre société. Elle met en exergue le besoin de rechercher des modes de rétribution des producteurs de contenus et des artistes autres que ceux qui sont consentis par la seule société des marchands.

Il est par ailleurs nécessaire d'établir une définition de la communication audiovisuelle particulière concernant les services dont la spécificité est de mettre des oeuvres à la disposition du public, quel que soit le vecteur de transmission utilisé, et de convenir d'élargir et de renouveler les règles pour le fonds de soutien et les quotas.

La recomposition actuelle du paysage audiovisuel français et des câblo-opérateurs résulte de logiques industrielles et financières à court terme, où le souci du profit des actionnaires détermine le lancement sur le marché de nouvelles technologies, sans expérimentation sérieuse préalable, le consommateur et la société tout entière étant entraînés dans une fuite en avant, n'ayant pas le recul nécessaire à la maîtrise de ces nouveaux outils.

La montée en puissance de l'ADSL dans l'audiovisuel, encouragée par des opérateurs télécoms, satellite ou câble, va engendrer une concurrence effrénée avec son lot de réduction des effectifs, de réduction et d'augmentation du coût des services, de défaillances techniques et d'externalisations à tout va, dont seuls les consommateurs citoyens feront les frais.

La saturation du nombre d'opérateurs entraînera finalement de nouvelles concentrations qui menaceront le droit à l'accès à la communication et à l'information, comme nous le constatons aujourd'hui dans la presse écrite.

Engagés dans une course aux profits rapides, les opérateurs s'attacheront aux zones urbaines ou urbanisées, là où la densité des abonnés « ciblés » est la plus forte pour réussir à pratiquer des tarifs compétitifs et rentables. Ailleurs, l'accès aux services de communication deviendra très coûteux.

Nous traitons là d'une question de politique industrielle engageant les équilibres à court et moyen termes des secteurs culturels d'expression non anglo-saxonne.

Or, les textes, en laissant la liberté des tarifs aux fournisseurs d'accès, en font les arbitres exclusifs des incitations à la protection ou au contournement des droits.

Dans un contexte de profonde mutation, la vitalité des secteurs de création passe par un volontarisme politique en faveur de la protection juridique et de la valorisation économique des oeuvres diffusées sur les réseaux.

La position de la France à l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce, est de refuser que la régulation applicable à un contenu culturel soit définie non par sa spécificité, mais par le mode de transmission utilisé pour le mettre à la disposition du public.

Aussi citerai-je volontiers l'article 8-1 de la directive-cadre, en vertu duquel « les autorités réglementaires nationales peuvent contribuer, dans la limite de leurs compétences, à la mise en oeuvre des politiques visant à promouvoir la diversité culturelle et linguistique, ainsi que le pluralisme dans les médias ».

Il ne fait aucun doute que la régulation applicable aux outils et aux modes de communication façonnera un nouveau paysage audiovisuel et modifiera les règles de la production et de la diffusion des contenus et donc les contenus eux-mêmes.

Ce problème est au coeur des prochaines négociations sur le commerce électronique. Les Etats-Unis ont d'ores et déjà demandé que l'ensemble des services de l'internet constitue une catégorie autonome, distincte des services définis en fonction du secteur d'activité auxquels ils se rattachent, tels que les services audiovisuels.

L'objectif est bien entendu de libéraliser d'un bloc ces services de l'internet, qui relèveraient alors des seules règles du marché et non de modes de régulation tenant compte du secteur d'activité auquel se rattachent les contenus transmis ou les services mis en oeuvre.

En outre, il existe désormais une contradiction entre les principes régissant la notion de communication audiovisuelle, qui figurent à l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986 et dont l'examen est prévu dans le cadre de ce projet de loi, et les principes qui régissent la communication publique en ligne à l'article 1er C du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique. Ne figure en effet plus dans cet article « la nécessité de développer une industrie nationale de production audiovisuelle ».

On ne soulignera jamais assez que, sur 1 440 semaines de travail dans la production cinématographique française en 2003, 40%, soit 600 semaines, ont été délocalisés à l'étranger.

Cela signifie que les industries techniques sont étranglées et que des corps de métier entiers disparaissent, d'où le danger que représentent les services en ligne qui ont pour objet de mettre à la disposition du public des oeuvres, concurrençant ainsi des services existant hors ligne, et dont l'équilibre financier est très précaire.

Comment concilier un affaiblissement de l'industrie cinématographique et télévisuelle française et la nécessité de disposer de catalogues, patrimoniaux ou nouveaux, d'oeuvres à diffuser sur tous les supports existants et à venir ?

II faut réaffirmer que l'interdépendance des financements des contenus, en particulier entre la télévision et le cinéma, a du sens.

De nos jours, la concurrence entre les bouquets numériques a engendré une forte inflation, notamment des droits sportifs, mettant en péril la rentabilité des chaînes.

A supposer qu'une opération de fusion soit agréée par les autorités compétentes, elle ne peut qu'inquiéter les créateurs. Un monopole, dans certains cas, peut abuser de sa position et il ne s'agira plus alors d'un « monopole de service public » au cahier des charges précis, garant d'un accès démocratique à l'information et à la culture. Nous voyons bien qu'aujourd'hui courent dans les tuyaux des « packages » américains à très bon marché faits de séries télévisées anciennes depuis longtemps amorties, de documentaires animaliers et de droits d'adaptation « à la française » de jeux rôdés sur le public made in USA .

Pour répondre à cette inquiétude du monopole privé qui tue le pluralisme, ceux qui veulent fusionner seraient bien avisés d'engager des discussions avec les professionnels du cinéma et des autres médias.

Cette question de la concentration se pose d'autant plus que dans le jeu des ventes et des rachats dans le domaine des nouveaux « réseaux » qui naissent et se développent, la nouvelle décentralisation et le rôle des collectivités locales arrivent très difficilement à défendre le maillage de la production locale de contenus et de services divers face à des propriétés volatiles de réseaux qui, dès demain, appartiendront à des groupes étrangers ou à des multinationales hors Europe.

Et c'est dans ce cadre que même la décision politique de relancer l'ancien projet de télévision numérique terrestre me paraît illusoire puisque, là encore, aucune réflexion quant aux contenus des programmes, aux modes de production et de diffusion n'a été préalablement menée. Il ne saurait être question d'offrir de nouvelles plateformes de décrochage à des chaînes privées, TF 1 et M 6 pour ne pas les citer, sans contrepartie sérieuse de protection et de développement de nos industries culturelles et de la création nationale.

Cela donne un paysage audiovisuel français planté de « plats à barbe » pour chaque satellite national et étranger capté, de câbles de cuivre, de fibres optiques qui courent dans des veines ou des canalisations du terrain et se cassent ou se tordent au moindre accident géographique, le numérique qui vole comme l'ADSL et, à l'arrivée, des individus isolés, dépassés par le vieillissement de leur équipement image et son, écrans plats, décodeurs variés et énigmatiques, prisonniers d'un écran qui devrait compenser la désertification culturelle...

Plus que jamais, l'Etat doit donc entreprendre deux politiques indissociables.

Premièrement, il doit aménager notre territoire pour qu'aux endroits les plus reculés de notre territoire, où réside une population vieillissante et peu argentée, chacun puisse avoir accès à ces technologies, être appareillé à bon marché, sinon gratuitement - je pense à l'expérience du minitel et à la baisse inexorable du coût des équipements, des machines et des robots en question - et ne pas à avoir à changer de décodeur et d'équipement selon les fluctuations du marché.

Deuxièmement, l'Etat doit mener une politique des contenus facilitant l'accès des citoyens aux connaissances et à la culture et garantissant le pluralisme de l'information.

Je m'appuierai ici sur l'analyse que fait le CERNA, le Centre d'économie industrielle : il faut arbitrer rapidement entre un déploiement sauvage, au détriment des contenus, induisant une rentabilité finale médiocre, et un déploiement maîtrisé, fondé sur le relèvement du consentement à payer pour les contenus, les services et l'accès.

II n'existe pas, à terme, de modèle alternatif à la valorisation des usages privés d'Internet.

La subvention au déploiement par le contournement des droits peut être utilement remplacée par un soutien volontaire de l'industrie des contenus : partages de marge avec la distribution, offres concurrentielles fidélisant l'abonné, parrainage publicitaire de la distribution légale...

Je m'arrêterai sur cette remarque parce que je ne saurais être enthousiasmé par l'idée de « parrainage publicitaire » qui demanderait un débat sérieux, comme nous l'avons eu concernant le rôle des fondations et du mécénat. En effet, la tradition française appliquée à l'industrie du cinéma au domaine télévisuel veut que le producteur laisse le final cut , la succession définitive des images et du son, à la décision de l'auteur. Or, les annonceurs prennent de plus en plus « en otage » les domaines de l'image et du son et y impriment un despotisme sournois auquel la chaîne des réseaux se plie imperceptiblement au point de voir des producteurs réputés de la télévision amputer des réalisateurs de leur droit au final cut et décider de certaines coupures demandées par l'annonceur publicitaire.

Nous ne pouvons accepter de voir dévaluer les définitions des oeuvres de création pour justifier de subventionner sur l'argent public des sitcoms réalisées à la chaîne.

C'est dans ce cadre que nous devrions envisager une autre approche du CSA et d'un renforcement de son autorité et de son indépendance : le CSA n'est pas une simple « autorité », c'est théoriquement un conseil de « sages » émergés des rouages de l'industrie de l'image et du son comme des collectifs des auteurs et techniciens qui se penche plus particulièrement sur le contenu des « tuyaux » et des « câbles » et leur octroie les fréquences, ces voies romaines du son et de l'image.

L'ART est un organisme qui se penche sur les exigences et les contingences techniques de la « jungle » des infrastructures. Or, le texte proposé risque d'entraîner un chevauchement des rôles de ces deux autorités en voulant, en particulier, les limiter à des fonctions d'enregistrement des nouveaux opérateurs.

En outre, si le monopole de TDF, véritable tour de contrôle des fréquences distribuées est brisé, comment les téléspectateurs et les auditeurs vont-ils capter leur programme dans la cacophonie ambiante ?

II s'agit donc de contenir l'emballement d'un système de transferts dans lequel les contenus subventionnent les réseaux. Cette chaîne de transferts est génératrice de signaux économiques biaisés, inefficaces et destructeurs de ressources. Pour reprendre l'appréciation du CERNA, « la France a tout intérêt à se lancer la première dans un processus de normalisation. La faible intégration horizontale et verticale de l'industrie culturelle européenne, le rôle prépondérant de l'ADSL et des industries de télécoms dans le déploiement d'Internet, plaident pour une harmonisation publique des relations entre contenus et réseaux ».

La mise en oeuvre du nouveau cadre réglementaire européen offre, en outre, la possibilité d'une extension rapide du dispositif aux autres pays de l'Union européenne.

Cette initiative venant de notre pays, nous pourrions dire du développement des communications électroniques, technique et contenu confondus, ce que Victor Hugo disait de l'imprimerie et de la liberté de la presse : « Avoir une idée dans son cerveau, avoir une écritoire sur sa table, avoir une presse dans sa maison, c'est là trois droits identiques ; nier l'un, c'est nier les deux autres ; sans doute tous les droits s'exercent sous la réserve de se conformer aux lois, mais les lois doivent être les tutrices et non les geôlières de la liberté. »

Avant de terminer, je souhaiterais faire un constat sur le fond, qui rejoint les préoccupations de notre rapporteur, M. de Broissia, à savoir l'intérêt du public.

Alors que nous sommes dans une période de « piège à futur », les mots « culture » et « art » ne sont presque plus jamais prononcés sans être accompagnés des mots « économie », « rentabilité » et « finances ».

En quelques années, le centre de gravité de la société s'est déplacé de l'homme et de la femme pensant, désirant, imaginant, créant, se servant de leurs inventions maîtrisées par eux-mêmes et favorisant le pluralisme vers la mise en marche dominée par le financement de toutes les oeuvres humaines avec une mutilation du pluralisme qui ampute l'imaginaire des peuples.

L'enjeu est important face à la constitution de géants mondiaux de la communication reliant des millions d'abonnés à des dizaines de millions d'oeuvres, fusionnant directement des catalogues d'oeuvres avec des réseaux de distribution tout en revendiquant la diversité culturelle.

Une poignée d'entreprises transnationales s'est accaparée les tuyaux, câbles, satellites, Internet, salles de cinéma et s'est appropriée l'essentiel des contenus culturels de notre planète.

De rachats en fusions, ce phénomène de concentration affecte des pans entiers de notre quotidien : télévision, musique, audiovisuel, édition, information et cinéma. Nous assistons à une véritable colonisation du culturel par le marché, le marché sans confiance ni miséricorde.

Quelles sont les conséquences de ce phénomène sur le statut de l'esprit, sur celui de la liberté de création et sur le danger d'uniformisation des esprits si le marché prend l'ascendant sur la culture, la technique sur la communication, le commerce sur la pensée ?

L'audiovisuel se porte bien à condition qu'on le sauve et ce n'est pas la neutralité technologique qui va le faire. Le projet de loi prépare-t-il bien l'avenir ?

On peut en douter, surtout si l'on examine les mutations techniques auxquelles nos sociétés sont confrontées et qui sont d'une ampleur et d'une innovation parmi les plus grandes qu'ait connues l'histoire humaine, notre collègue M. Trégouët le rappelait tout à l'heure.

Avec les autoroutes électroniques de l'information, la révolution numérique, le multimédia et les réalités virtuelles, tout ce qui fait « l'en-commun des hommes », pour reprendre une expression chère à Jack Ralite, est affecté dans toutes ses dimensions : mémoire, représentation du monde et imaginaire.

L'esprit est touché par les mutations techniques comme le corps est bouleversé par les mutations biotechnologiques. Et tout cela se développe sous le signe de l'accélération qui amène certains à penser que l'humanité a trouvé son « Sésame, ouvre-toi » - ce sont les technophiles - et d'autres à penser que l'humanité a rencontré son désastre - ce sont les technophobes.

Il ne s'agit pas de vouloir arbitrer un débat aveugle entre technophiles et technophobes. Face à ces innovations créées par les hommes, il est nécessaire et urgent de prendre le temps de la maîtrise éthique, esthétique et sociale de ces processus inédits et de dégager aussi, pourvu que l'homme soit au centre de tout, de nouvelles possibilités de liberté et de libération de chaque individu.

Aussi, la révolution technologique en cours, et les transformations sociales qu'elle implique, éclaire de façon nouvelle les enjeux liés à la création artistique, mais aussi la question de l'accès à la culture.

Avec les courriers électroniques et les nouvelles formes d'expression, l'internet est aussi un puissant facteur de dissémination des idées et de dynamisme des réseaux. Bien entendu, il faut se poser la question, quand on voit ce qui se passe sur la toile, de savoir si l'on n'assiste pas plutôt à une accumulation d'informations qu'à une injection de savoir.

Nous avons donc un formidable défi à relever : la mondialisation et les échanges facilités par les nouvelles technologies nous offrent des potentialités nouvelles de développement culturel, individuel et collectif et de démocratisation de l'expression créative et citoyenne.

Nous avons vocation à relever ce défi. Jack Ralite avait déclaré un jour à cette tribune : « L'histoire de la peinture n'est pas l'histoire du pinceau. » Charles Péguy disait : « Le spirituel sans le charnel est une vue de l'esprit. »

Vouloir abolir les rapports féconds entre la main et le cerveau, c'est aussi se cantonner à l'impuissance.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous avions, au Sénat, un collègue pour qui j'avais beaucoup de respect, d'estime et d'amitié, voire d'affection, ce qui n'empêchait pas le débat normal en démocratie, c'était Maurice Schumann, qui, accueillant François Jacob à l'Académie française, avait eu ces mots lumineux : « La seule faute que le destin ne pardonne pas aux peuples, c'est l'imprudence de mépriser les rêves. »

Il rejoignait là ce que le tandem Carné-Prévert, dans le superbe film Les Enfants du paradis , faisait dire à Jean-Louis Barrault ou à Pierre Brasseur évoquant les spectateurs du poulailler ou du paradis, les places les moins chères : « les petites gens peuvent avoir de grands rêves ».

Voilà, résumé en quelques mots, ce qui manque à ce projet de loi qui, sous une avalanche de mesures techniques, cache mal un fond politique pervers, pour ne pas dire mauvais. Malgré toute la bonne volonté de notre rapporteur pour avis M. Louis de Broissia, qui s'est évertué à aseptiser le texte (M. le rapporteur pour avis s'exclame) , personne ne sera étonné de notre extrême réserve. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte.

M. Pierre Laffitte. Monsieur Patrick Devedjian, je vous ai déjà salué la semaine dernière et je me réjouis de vous voir de nouveau parmi nous sur un sujet tout aussi technique. Monsieur Renaud Donnedieu de Vabres, c'est un plaisir pour nous d'accueillir notre nouveau ministre de la culture et de la communication pour présenter ce texte très important.

La communication par voie électronique utilisant ou non les fréquences visées par le présent projet de loi pose nombre de problèmes politiques, techniques, économiques et sociaux. Ce texte n'est pas purement technique ; il est fondamental dans son objet, car la numérisation en cours, la révolution numérique, provoque une évolution fondamentale.

En premier lieu, du point de vue économique, les modèles les plus éprouvés de divers secteurs sont totalement bousculés. Les opérateurs de télécommunications le ressentent, et les opérateurs de télévision et de tous les médias le ressentiront bientôt.

En second lieu, et ce point est beaucoup plus important, des services essentiels que nos compatriotes considèrent comme prioritaires commencent à être rénovés et transformés: je veux parler du travail, de la santé, de la sécurité, de l'enseignement, de la formation continue, mais aussi des relations entre les pouvoirs publics locaux, nationaux et les administrés, de la convivialité, de la diffusion de la culture locale, nationale et internationale. Tout sera profondément transformé, de même d'ailleurs que l'aménagement du territoire. Ce texte est donc tout à fait fondamental.

La rapidité de cette évolution technique rend la majorité de nos concitoyens assez circonspects, d'autant que les experts voient parfois leurs pronostics démentis. En outre, la culture scientifique et technique étant insuffisamment démocratisée dans notre pays, ils n'ont pas la possibilité de juger par eux-mêmes.

A cet égard, le cas de l'UMTS est éclairant : les gouvernements et les entreprises ont été conduits à vendre ou à acheter beaucoup trop cher des licences d'utilisation de bandes de fréquence, contribuant au naufrage momentané d'un secteur qui était en pleine expansion, notamment en Europe. Le phénomène a pu être observé en France, mais plus encore en Allemagne et en Grande-Bretagne, déstabilisant le secteur.

Quant à la migration vers l'ADSL, qui facilite l'usage de l'internet, la rapidité de son expansion en France, y compris dans les zones rurales, a surpris tout le monde. Les particuliers privilégient d'ailleurs souvent les usages que les experts n'avaient pas prévu. C'est ainsi que l'on a cru que le téléphone servirait à écouter des opéras chez soi ; la convivialité n'avait pas du tout été prévue. Or l'étude du développement du haut débit dans les immeubles montre que les gens l'utilisent non pas pour naviguer sur le net mais pour créer des clubs de bridge ou pour préparer des voyages d'étude en commun. C'est la proximité qui prime. L'internet est donc un élément de convivialité locale ; c'est pourquoi sa démocratisation est tellement fondamentale.

J'examinerai à présent quelques points, et tout d'abord la mise à plat du spectre de fréquences. Il me semble important que le Gouvernement puisse évoquer ce problème qui suppose une vision politique des priorités, l'affectation de ce bien rare dépendant de l'Etat et, le cas échéant, de négociations internationales, en particulier pour les zones frontières ou pour les émissions satellitaires.

A cet égard, il faudrait faire en sorte que les équipes des organismes tels que l'Agence nationale des fréquences, l'Autorité de régulation des télécommunications et le Conseil supérieur de l'audiovisuel se rapprochent pour pouvoir éventuellement présenter au Parlement un état de la situation. Nous savons que certaines bandes de fréquence sont réservées aux militaires, d'autres à la police. Toutefois, la plupart de nos collègues ignorent la façon dont cela se présente, alors même que nous devons légiférer sur ce point. Bien entendu, il n'est pas question de changer la loi affectant la gestion d'un certain nombre de demandes de fréquences à certaines autorités de régulation ; il faudrait néanmoins savoir dans quelle mesure elles correspondent aux priorités actuelles.

Dans le domaine de la sécurité, intérieure ou extérieure, des fréquences devraient aussi pouvoir être réservées aux collectivités locales, de façon à faciliter les contacts en cas de risques majeurs, qu'il s'agisse d'incendie, d'inondation, ou même d'attentat terroriste.

Selon moi, il est nécessaire que les innovations importantes dans ce secteur soient clairement exposées et qu'il soit tenu compte dans la loi de leur caractère évolutif. Messieurs les ministres, à cet égard, votre texte est prudent, et je vous en félicite. Ce principe est en effet intégré et des évolutions seront possibles.

Il importe tout de même que cette régulation et ces évolutions soient encadrées et évaluées. Indépendance des autorités de régulation ne veut pas dire irresponsabilité de ces dernières. A l'heure actuelle, nombre de parlementaires s'inquiètent de la façon dont sont évalués voire contrôlés les gestionnaires auxquels la puissance publique a donné des pouvoirs qui peuvent paraître dans certains cas exorbitants. A cet égard, la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications, qui regroupe des experts et des parlementaires, pourrait être saisie de façon à étudier la question.

La convergence a été évoquée lors de l'examen du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique qui a défini, et c'est heureux, la communication audiovisuelle par rapport aux services de communication électronique. C'est d'autant plus utile qu'un nombre croissant de sites Internet présentent des caractères les faisant presque ressembler à une télévision sur Internet : ils peuvent diffuser désormais des séquences de télévision, de radio, tout en y ajoutant des images fixes et des données.

La proportion a été précisée dans le projet de loi que nous avons adopté la semaine dernière. Il est nécessaire de suivre le développement de la voix sur IP, des caméras, de la visiophonie par Internet correspondant à des images animées. Il conviendra que des milliers de sites soient d'une certaine façon regardés ; mais par qui ? Par le CSA ? Par l'ART ? Sur ce plan, une évolution est nécessaire; les réglementations et les autorisations marquent bien la différence entre ce qui devient une télévision locale et un site.

Les télévisions locales seront très probablement nombreuses à démarrer sur des sites modernes et attractifs et interactifs. Il n'est d'ailleurs pas impensable que le Sénat, avec cinq millions de pages mensuelles et des séquences de Public Sénat, soit l'un des premiers sites concernés, en étant considéré comme à moitié audiovisuel.

J'en viens à la télévision numérique hertzienne terrestre, la TNT. La demande de convivialité locale est probablement l'argument qui a conduit le Sénat, en particulier sa commission des affaires culturelles, au mois d'août 2000, à pousser au développement de ce type de télévision.

Je partage la prudence de M. Renaud Donnedieu de Vabres s'agissant de la date de suppression de l'analogique. Bien que le passage au numérique soit inéluctable, il est nécessaire de ne pas perturber dès à présent nos concitoyens, les évolutions sociologiques étant nettement plus lentes que les évolutions technologiques.

Depuis 2000, le contexte a évolué, qu'il s'agisse des télévisions sur Internet, de la baisse du coût des connexions ADSL. Le 6 avril dernier, le raccordement par Erenis à plus de dix mégabits par seconde pour moins de cinq euros par mois a été évoqué, limité il est vrai à 30 000 logements dans la région parisienne par VDSL. Les nouvelles possibilités offertes aux collectivités locales pour développer des réseaux représentent également une évolution, de même que la diminution massive des coûts des récepteurs émetteurs par satellite, qui relèvent désormais quasiment du domaine des particuliers.

Il convient d'ajouter les conséquences pratiques induites par le réseau de satellites GALILEO, qui va permettre non seulement la localisation géographique mais aussi la distribution de services. Je rappelle enfin l'augmentation du nombre d'internautes ayant accès au haut débit, la prolifération nécessaire des sociétés innovantes qui proposeront des services et des téléservices interactifs dans tous les domaines, le développement du Wifi, des radios interactives, la baisse du coût des écrans plats LSD pouvant servir à la fois aux téléviseurs et aux ordinateurs. Toutes ces évolutions ne condamnent certes pas la TNT ; néanmoins, elles en limiteront certainement le succès commercial.

C'est la raison pour laquelle il me paraît indispensable qu'une étude sérieuse, conjointe, entre les services compétents soit menée.

Cette étude devrait tenir compte évidemment à la fois de l'état actuel de la législation française, des possibilités qui sont offertes, des recherches en cours et de ce qui se passe hors de nos frontières.

Je souhaiterais pour ma part que des spécialistes de l'Institut national de recherche en informatique et en automatique, l'INRIA, par exemple, ou de tout autre centre de recherche, qu'ils soient français ou étrangers, puissent y participer. La Commission supérieure des services publics des postes et télécommunications dont c'est quelque peu le métier pourrait également y être conviée.

Messieurs les ministres, il semblerait que tous les spécialistes, toutes les autorités, demandent de façon assez instante une étude transparente afin de mettre à plat devant le Parlement les évolutions actuelles et les développements probables en la matière.

Nous pourrions ainsi, après y avoir introduit quelques amendements, voter avec intérêt le projet de loi que vous nous présentez, même s'il ne peut s'agir d'un texte destiné à subsister définitivement en l'état dans la mesure où il concerne un domaine évolutif. C'est ce que je vous propose au nom de mon groupe.

Messieurs les ministres, mes chers collègues, cette révolution considérable que nous sommes en train de vivre portera des fruits économiques, culturels, mais aussi et surtout sociaux. Elle nous offre une occasion inespérée de faire en sorte que l'ensemble de la population non seulement française, mais aussi mondiale, puisse accéder à cet immense savoir réservé, à l'heure actuelle, aux plus favorisés. Ainsi se trouvera réduit ce que l'on appelle la « fracture numérique », c'est-à-dire l'écart existant entre les riches en savoir et les pauvres en savoir ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et de l'UMP.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle
Discussion générale (suite)

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Candidatures à une commission mixte paritaire

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

« Monsieur le président,

«Conformément à l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, j'ai l'honneur de vous faire connaître que j'ai décidé de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique.

« Je vous serais obligé de bien vouloir, en conséquence, inviter le Sénat à désigner ses représentants au sein de cette commission.

« J'adresse ce jour, à M. le président de l'Assemblée nationale, une demande tendant aux mêmes fins.

« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération.

« Signé : Jean-Pierre Raffarin »

J'informe le Sénat que la commission des affaires économiques et du Plan m'a fait connaître qu'elle a procédé à la désignation des candidats qu'elle présente à cette commission mixte paritaire.

Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 9 du règlement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Daniel Hoeffel.)

PRÉSIDENCE DE M. Daniel Hoeffel

vice-président

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saisine du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre par laquelle il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi, le 13 avril 2004, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante députés, d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.

Acte est donné de cette communication.

Le texte de cette saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

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NOMINATION DE MEMBRES

D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique.

La liste des candidats établie par la commission des affaires économiques et du Plan a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.

Je n'ai reçu aucune opposition.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :

Titulaires : MM. Jean-Paul Emorine, Pierre Hérisson, Bruno Sido, Alex Türk, Christian Gaudin, Daniel Raoul et Mme Odette Terrade.

Suppléants : MM. Louis de Broissia, Bernard Joly, Jean-François Le Grand, Philippe Leroy, Claude Saunier, Yannick Texier et Pierre-Yvon Trémel.

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COMMUNICATIONs électroniques

Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle
Question préalable

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Danièle Pourtaud.

Mme Danièle Pourtaud. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, j'avoue qu'en prenant connaissance de ce texte j'ai hésité entre « enfin » s'agissant de la transposition des directives Télécoms, et « encore » ou « hélas » pour ce qui concerne la communication audiovisuelle. « Hélas », car c'est bien une véritable loi sur l'audiovisuel que le Gouvernement présente, de manière un peu subreptice pour ne pas dire dissimulée, dans ce texte sur la régulation du secteur des télécoms.

Des adaptations des lois de 1986 et 2000 étaient sans doute nécessaires, en particulier pour le démarrage de la télévision numérique terrestre et de la radio numérique, mais le procédé utilisé, auquel s'ajoute la déclaration d'urgence, ont conduit à des conditions d'examen que je déplore à nouveau.

La commission des affaires culturelles, saisie seulement pour avis, n'a pas procédé à une seule audition, même si M. le rapporteur pour avis nous affirme avoir beaucoup travaillé.

M. Jacques Valade , président de la commission des affaires culturelles. C'est vrai, je le confirme !

Mme Danièle Pourtaud. Je n'en doute pas !

Les «amendements extérieurs», c'est-à-dire principalement ceux de l'opposition, ont été examinés par la commission des affaires économiques, saisie au fond, en l'absence de leurs auteurs, membres de la commission des affaires culturelles.

Si l'on avait voulu faire en sorte que ce projet de loi soit adopté le plus discrètement possible, sans débat, il ne restait plus qu'à le faire passer par ordonnances ! D'ailleurs, le gouvernement Raffarin II avait failli le faire ! Et, sans les protestations des socialistes, c'est sans doute ce qui se serait passé. Alors, pourquoi tant de discrétion et de hâte ?

II suffit de lister les principales dispositions du texte pour obtenir quelques débuts de réponse : mise à mal de tout le dispositif anti-concentration dans le domaine de la télévision hertzienne, dispositions sur mesure concernant la distribution par câble et par satellite pour les deux groupes privés TF 1 et M 6, confirmation de la marginalisation du service public sur le hertzien numérique, tandis que l'on fait « cadeau » à France Télévisions du réseau RFO.

Monsieur le ministre, je comprends la tentation de votre prédécesseur d'éviter le débat ! Mais, puisqu'il a lieu - pour une brève et unique lecture dans notre assemblée -, profitons-en !

Je m'intéresserai d'abord aux risques qui pèsent sur le démarrage et la réussite de la télévision numérique terrestre, la TNT, puis au démantèlement du système anti-concentration de la loi de 1986, et enfin au renforcement des pouvoirs du CSA. Je préciserai chaque fois de quelle manière nous essaierons d'améliorer ce texte.

Deux éléments conditionnent la réussite de la télévision numérique terrestre dans notre pays, nous l'avons toujours dit : la vitesse de son déploiement et le nombre et la qualité des programmes, en particulier le développement de programmes locaux.

S'agissant de la rapidité du déploiement, le succès de la TNT est en effet conditionné par la rapidité de l'équipement des ménages, et donc par le calendrier de la mise en oeuvre.

Plus l'équipement des ménages sera massif et rapide, moins le prix unitaire des modems sera élevé et plus les chaînes publiques et privées pourront amortir leurs investissements rapidement.

Nous sommes pour l'inscription dans la loi d'incitations pour les chaînes du hertzien analogique - c'est d'ailleurs déjà fait avec la prolongation de cinq ans de leur autorisation prévue à l'article 97 -, mais nous souhaitons également que soient prévues des contraintes pour inciter les opérateurs à démarrer sur le numérique.

Nous nous félicitons du nouveau dispositif qui va obliger les chaînes à démarrer effectivement leur diffusion, sous peine de perdre leurs canaux réservés.

Nous défendrons par ailleurs un amendement afin de contraindre les opérateurs de multiplexes à conclure un contrat avec un diffuseur technique dans l'année suivant leur attribution d'autorisation, sous peine de perdre cette autorisation.

Ainsi, à la fin de l'année 2004, sur les quatre multiplexes déjà attribués, les chaînes devraient commencer leurs émissions en numérique.

C'est aussi pour cela que nous approuvons l'idée d'affirmer le volontarisme des pouvoirs publics en affichant une date de basculement définitif, même si les cinq ans proposés par M. le rapporteur me semblent irréalistes au regard de la vitesse de déploiement des émetteurs numériques.

Conformément au calendrier établi par le CSA, TDF prévoit entre le 1er décembre 2004 et le 31 mars 2005 un démarrage commercial sur dix-sept premières zones qui couvriront 35% de la population.

Fin 2005, une diffusion depuis trente-neuf sites supplémentaires, soit cinquante-six sites, permettra de couvrir 60% de la population.

Les prévisions finales visent 80% de couverture avec six multiplexes fin 2007. La couverture pourrait même atteindre 90% dans les cinq années suivantes, mais à des coûts considérables, j'y reviendrai tout à l'heure. On voit bien que l'arrêt de l'analogique pourrait au mieux être envisagé en 2013 !

II faudra surtout trouver une solution pour les foyers qui ne seront pas desservis par les émetteurs numériques. Rien n'est prévu, sinon l'autorisation donnée aux collectivités locales d'être opérateurs de réseaux. Mais a-t-on réfléchi au paradoxe qu'il y aurait à ce que ce soient les collectivités des zones les plus reculées, et donc certainement pas les plus riches, qui paient, comme elles l'ont fait pour M 6 et Canal Plus, ce qui ailleurs est pris en charge par les opérateurs ?

Je ne dis pas qu'il faut imposer aux opérateurs une couverture à 100%, mais il faut peut-être créer un fonds de péréquation, comme pour le service universel du téléphone, et s'en servir pour équiper les zones d'ombre avec le dispositif technique le plus adéquat : câble, parabole satellite offerte aux foyers situés en zone d'ombre, ou ADSL gratuit.

J'en viens maintenant au deuxième facteur déterminant : l'importance et la qualité des nouvelles chaînes gratuites.

La télévision numérique terrestre est d'abord destinée aux 67% de foyers français qui ne reçoivent que les cinq ou six chaînes gratuites du réseau hertzien analogique. Rappelons en effet que seuls 33% des foyers sont raccordés au câble ou au satellite. Mais plus significatif encore, me semble-t-il, est le fait que seuls 23% des foyers français ont décidé de s'abonner à une offre complémentaire. Cela démontre clairement que beaucoup de Français, sans doute pour des raisons avant tout financières, ne souhaitent pas ou ne peuvent pas s'abonner aux chaînes payantes, même lorsqu'ils disposent du câble ou du satellite.

Les études réalisées auprès des abonnés des chaînes thématiques montrent bien que ceux-ci sont plus jeunes que la moyenne des Français, plutôt masculins, et surtout issus de catégories socioprofessionnelles supérieures. C'est même le facteur le plus discriminant : 38,9% des abonnés aux offres payantes ont un chef de famille issu d'une catégorie socioprofessionnelle supérieure.

C'est parce que nous avions considéré que la télévision numérique terrestre devait représenter une avancée démocratique pour l'ensemble de la population, et pas seulement un gadget technologique de plus, que le gouvernement de Lionel Jospin avait souhaité que la moitié au moins des chaînes de la télévision numérique terrestre soit gratuite et que le service public en soit le fer de lance avec huit chaînes : France 2, France 3, La Cinquième et Arte - chacune sur un canal entier - la Chaîne parlementaire, une chaîne d'information en continu, la chaîne Régions et une chaîne de rediffusion de fictions de télévision et de variétés.

Nous étions nombreux à souhaiter en plus une chaîne destinée aux jeunes, que l'on aurait pu rêver être sans publicité, au moins pour tous ces produits ou marques qui fabriquent une génération d'obèses.

Hélas, le Gouvernement a tué les projets de développement de France Télévisions, qui ne gagne qu'une chaîne et demi : Festival, et France 5 qui passe à plein temps.

Le service public n'est plus en mesure d'être le « fer de lance » de la télévision numérique terrestre et l'on peut même dire que l'équilibre historique public-privé est rompu. Le service public ne pourra plus jouer, comme dans l'analogique, son rôle de régulateur naturel du paysage audiovisuel français.

Par ailleurs, le Gouvernement a fait cadeau de deux canaux supplémentaires à des opérateurs privés, décision entérinée par le CSA le 27 janvier dernier. Aujourd'hui, sur vingt-huit canaux attribués, quatorze sont gratuits. Mais il faut bien voir que ces deux chaînes privées supplémentaires, si elles sont gratuites, vont accroître la concurrence sur le marché publicitaire et rendre encore plus difficile le financement des nouvelles chaînes, malgré l'ouverture des secteurs jusque là interdits.

Les opérateurs privés historiques - TF I et M 6 pour ne pas les nommer - ne cachent pas leurs réticences.

Peu pressés de partager leurs recettes publicitaires, ils mettent souvent en avant le caractère déjà obsolète de la télévision numérique terrestre et tentent de nous persuader qu'il vaudrait mieux privilégier l'ADSL, alors qu'il est probable que les publics concernés ne sont en rien superposables et qu'il y a donc un marché possible pour la coexistence de ces deux technologies.

Le Gouvernement a choisi de les amadouer par des cadeaux supplémentaires sous forme d'aménagement du régime anti-concentration ou, pour M 6, d'accès au marché publicitaire local.

Enfin, parmi les nouveaux programmes, ceux qui sont les plus attendus et qui constitueraient une réelle avancée pour la majorité de nos concitoyens sont les programmes locaux.

Or, dans ce domaine, rien n'est fait, ou pas grand-chose, pour garantir l'existence de vrais programmes locaux.

Certes, le CSA a, en principe, réservé trois canaux sur le multiplexe et cinq pour les programmes locaux, mais encore faudrait-il que quelques dispositions législatives garantissent l'existence de ces programmes.

Je suis assez surprise que l'expérience de ce qui s'est passé pour les radios ne soit pas plus sérieusement prise en compte.

Ce que nos concitoyens demandent, ce sont des informations locales et de l'information service. Aujourd'hui, au travers des aménagements du dispositif anti-concentration, tout pousse à ce que ces canaux locaux puissent être attribués à des chaînes qui n'auraient de locales que le nom.

Aucune disposition ne prévoit de limitation à la diffusion de programmes majoritairement étrangers au local. On pourra très bien assister à la constitution de réseaux nationaux contrôlant plusieurs chaînes locales, soit directement par le capital, puisque les chaînes locales de la TNT ne seront plus concernées par les limites de cumul d'autorisations, soit indirectement via la syndication, c'est-à-dire l'abonnement à une banque de programmes identiques, soit plus insidieusement par le contrôle économique à travers la mise en régie de plusieurs chaînes locales.

Nous proposerons au Sénat de limiter ces pratiques en imposant aux antennes locales, comme cela a été fait pour les radios, des minima de programmes locaux. Nous proposerons également de prendre en compte les éléments économiques comme la mise en régie pour déterminer le seuil de contrôle par un même groupe pour fonder le dispositif anti-concentration.

Mais, au-delà du risque de contrôle, nous devons déplorer que rien ne soit fait pour aider ces programmes locaux à naître et à durer.

Nous savons tous que toutes les expériences de télévisions locales commerciales ou associatives ont connu de terribles déconvenues financières : en moyenne 1 million à 1,5 million d'euros de déficit par an.

Nous proposons que les chaînes locales puissent bénéficier d'une aide de l'Etat lorsque les recettes publicitaires représentent moins de 20% de leur chiffre d'affaires. Nous proposons également, comme pour les radios associatives, que les télévisions locales associatives puissent accéder à un fonds de soutien ; sinon, elles ne seront pas viables.

Je veux aussi dénoncer l'assaut libéral contre toutes les mesures anti-concentration du secteur de l'audiovisuel que prévoit ce texte ainsi que les dangers qu'il comporte. Nous envisageons d'ailleurs de saisir le Conseil constitutionnel au sujet de la conformité du nouveau dispositif au principe du pluralisme.

La réglementation de l'audiovisuel, depuis 1982, est basée sur la garantie du pluralisme tant sur le plan national que sur le plan local. Nous avions prévu, dans toutes les lois relatives à l'audiovisuel, un dispositif anti-concentration, non seulement vertical pour lutter contre les systèmes propriétaires et éviter qu'un téléspectateur ne soit pris en otage par un groupe qui contrôlerait l'édition de programmes et leur distribution, mais aussi horizontal afin qu'un opérateur ne puisse pas contrôler une zone territoriale donnée à travers plusieurs médias.

Au moment où ces règles seront le plus utiles, le projet de loi casse les dispositions anti-concentration.

L'article 61 prévoit l'assouplissement de la règle interdisant à une même personne de détenir une autorisation en hertzien de terre pour une télévision nationale et une autorisation de même nature pour une télévision locale. La participation dans le capital d'une télévision locale devient possible à hauteur de 33 %, ce qui suffit largement pour contrôler une société.

L'article 62 prévoit la possibilité de détenir sept autorisations en numérique terrestre au lieu de cinq actuellement.

Mme Danièle Pourtaud. Un même opérateur pourra cumuler plusieurs autorisations de télévisions locales, jusqu'à couvrir 12 millions d'habitants, soit le double de ce qui est prévu avec les dispositions actuelles.

Toujours dans le domaine de la télévision locale, le seuil au-delà duquel un tel service devient national a été porté à 10 millions d'habitants par l'Assemblée nationale. Le projet initial avait même prévu de le relever à 12 millions, contre 6 millions aujourd'hui, sans doute pour faire échapper Paris et la région parisienne au dispositif.

Par les articles 63 et 64, le régime anti-concentration dans le multimédia est également allégé, puisque les activités des câblo-opérateurs ne seront désormais plus comptabilisées. Il convient de souligner que les opérateurs de bouquets satellitaires n'ont jamais été comptabilisés dans les dispositions anti-concentration horizontales.

Pour les câblo-opérateurs, il convient également de rappeler que le seuil d'audience maximum de 8 millions d'habitants, toutes autorisations incluses, auquel ils étaient soumis a été abrogé par la loi du 31 décembre 2003 relative aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom.

Parallèlement, le projet de loi amendé par l'Assemblée nationale taille un dispositif sur mesure sur le câble et le satellite pour les deux chaînes privées, TF1 et M 6 pour ne pas les nommer, et permet à cette dernière d'aller « pomper » les marchés publicitaires locaux.

Le but à demi avoué est de les amadouer et de les amener à diffuser leurs programmes sur la télévision numérique terrestre. Mais le risque réel est d'aboutir à un système concentré verticalement dans lequel le téléspectateur est prisonnier d'un groupe et du système technologique qu'il contrôle.

Quel paradoxe, alors que le prétexte à la suppression du must carry , résultant des articles 58 et 59, qui constituaient la juste transposition de la directive de 2002, était l'application du principe de neutralité technologique des supports ! On risque donc de voir apparaître des situations ubuesques.

Ainsi, un citoyen qui a la malchance d'habiter une ville câblée pourra très bien apprendre du jour au lendemain qu'il n'a plus accès aux chaînes hertziennes historiques TF1 et M 6, le must carry n'étant plus prévu que pour le service public. De la même manière, un habitant d'une zone d'ombre devra continuer à manier plusieurs télécommandes et à disposer d'une parabole motorisée ou de deux paraboles pour s'orienter alternativement sur Astra ou sur Eutelsat s'il a le malheur de vouloir regarder - toupet insensé ! - Canal Plus et TF1.

Messieurs les rapporteurs, si l'on prend en compte l'intérêt du téléspectateur, l'obligation de neutralité technologique des supports ne doit pas conduire à aligner le régime plus favorable du câble sur le régime propriétaire et exclusif du satellite, mais plutôt à aligner les deux régimes sur le plus transparent pour le téléspectateur qui souhaite, quel que soit le véhicule technique qu'il a choisi, pouvoir disposer de l'offre la plus large possible.

Il est ainsi inconcevable qu'il n'y ait pas une clause de must offer pour les réseaux câblés, non pas uniquement pour les abonnés collectifs - je vous rappelle qu'ils ne sont qu'un million, contre deux millions d'abonnés individuels - ou pour cinq ans, comme vous le proposez, messieurs les rapporteurs, mais que cette clause soit de droit commun, comme c'est le cas aujourd'hui.

II est également inconcevable qu'il n'y ait pas une clause de must offer pour les chaînes privées hertziennes, TF1 et M 6, sur l'ensemble des supports, qu'il s'agisse des réseaux câblés, des plateformes satellitaires, voire, demain, de l'ADSL.

II est enfin incompréhensible que l'on supprime le must carry pour TV5 sur les réseaux câblés et les plateformes satellitaires, la France continuant par ailleurs à proclamer son attachement à la francophonie dans tous les sommets internationaux.

J'espère que la Haute Assemblée, dans sa sagesse, prenant le parti du téléspectateur, acceptera de nous suivre pour imposer ces trois clauses à tous les opérateurs. J'espère aussi qu'elle nous suivra afin de supprimer la disposition invraisemblable octroyant à TF1 et à M 6, au titre des nombreux cadeaux qui leur sont faits, une clause de must deliver , constituant ainsi une première en Europe.

J'en viens à la partie la plus positive du texte, à savoir l'accroissement des pouvoirs du CSA.

D'abord, l'article 33 confirme les pouvoirs du CSA, en particulier ceux qui sont prévus à l'article 15 de la loi du 30 septembre 1986 concernant la protection de l'enfance et de l'adolescence, le respect de la personne et le refus de toute incitation à la violence pour des raisons de race, de sexe, de moeurs ou de religion, et cela quels que soient les réseaux de communication électronique utilisés dès lors qu'ils transporteront des programmes de télévision ou de radio.

Ensuite, je tiens à le souligner, l'article 36 renforce les pouvoirs économiques du CSA. Cet article lui octroie une nouvelle compétence, celle de connaître des différends de nature déontologique, mais surtout économique ou technique, qui opposent les acteurs du secteur audiovisuel. Cependant, on ne peut que le regretter, l'Assemblée nationale a cru bon de rogner ces nouveaux pouvoirs en supprimant la possibilité pour le CSA de prendre des mesures conservatoires lorsqu'une atteinte grave à la liberté de communication est constatée.

Nous approuvons également le nouveau droit de contrôle sur les opérateurs satellitaires prévu par l'Assemblée nationale aux articles 37 et 70 bis . Il est en effet difficile d'accepter de rester démunis face à des chaînes qui ne respectent pas les principes généraux de notre droit, comme l'interdiction de tenir des propos racistes ou xénophobes. Il ne saurait s'agir de liberté d'expression et l'on ne peut ignorer les conséquences de tels programmes sur la cohésion de la société française.

Ce dispositif permettra au CSA de contrôler les programmes transportés par les satellites de la société française Eutelsat. A ce sujet, messieurs les ministres, est-il envisageable que, dans les futures négociations européennes, vous obteniez de vos collègues, en particulier de vos collègues luxembourgeois, qu'ils appliquent eux aussi l'article 2 bis , paragraphe 2, de la directive « Télévision sans frontière » afin de contrôler ce qui est transporté par Astra ?

Mme Danièle Pourtaud. En revanche, nous ne pouvons approuver l'autorisation donnée au CSA de reconduire pour les radios les autorisations de fréquence, même après changement d'actionnaire ou de catégorie.

Nous ne pouvons pas non plus approuver la disposition qui permet au CSA de modifier pour la télévision numérique terrestre la composition des multiplexes. Cette disposition et les regroupements de chaînes appartenant à un même groupe déjà effectués par le CSA aboutissent au paysage d'une TNT confiée aux principaux groupes privés existant dans le paysage audiovisuel français.

C'est l'option très politique consistant à faire plaisir aux groupes déjà en place qu'avait essayé d'imposer le Sénat en première lecture de la loi de 2000. Le gouvernement de Lionel Jospin avait alors fait le choix inverse en ouvrant la télévision numérique terrestre aux nouveaux entrants et en limitant l'emprise des groupes déjà présents dans le câble ou le satellite.

Malheureusement, nous sommes obligés de constater - mais ce n'est pas une surprise -, que le Gouvernement fait à nouveau sauter les barrières que nous avions posées, courant le risque de décourager les nouveaux programmes et d'appauvrir l'offre de télévision numérique terrestre pour les téléspectateurs.

En conclusion, messieurs les ministres, mes chers collègues, derrière le toilettage d'un texte déjà remanié trente fois depuis 1986, se cache en réalité la quasi-suppression de toutes les régulations anti-concentration spécifiques à l'audiovisuel. Ce texte confirme le début du confinement du service public sur ses chaînes traditionnelles et les cadeaux faits à TF1, à M 6 et à leurs régies.

Ce texte ne fonde pas le démarrage de la télévision numérique terrestre sur des bases soucieuses du téléspectateur. Il confond liberté d'entreprendre et liberté de communication et ne garantit plus le pluralisme essentiel dans ce domaine.

Vous ne serez donc pas étonnés, sauf à voir nos amendements adoptés, que le groupe socialiste vote contre le présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui est porteur d'un double enjeu : une modification profonde du code des postes et télécommunications, afin de transposer dans notre droit national les directives du « paquet télécoms », et une refonte de la loi de septembre 1986 relative à la liberté de communication, afin d'accompagner les profondes mutations technologiques et économiques du secteur audiovisuel. Ce projet de loi se caractérise également par sa complexité et son extrême densité.

L'examen parallèle de trois textes de transposition des directives communautaires relatives aux communications électroniques n'est pas un exercice aisé. De plus, la coordination entre le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique et le présent projet de loi est particulièrement délicate. Certaines dispositions du code des postes et télécommunications se trouvent modifiées concomitamment par les deux textes, les modifications prévues par l'un risquant de contredire ou d'annuler les modifications prévues par l'autre. C'est donc à un exercice législatif particulièrement difficile que nous avons à nous livrer.

Mme Anne-Marie Payet. Le projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de la communication audiovisuelle marque le deuxième volet du plan RESO 2007 visant au développement d'une République numérique dans la société de l'information. Seul manque à l'appel, désormais, le texte sur la fracture numérique, qui, pour beaucoup de régions enclavées, notamment pour mon département de la Réunion, revêt une importance fondamentale.

Toutefois, le texte que nous examinons aujourd'hui apporte plusieurs avancées majeures. Il confirme les principes de la réforme de la réglementation des télécommunications adoptée en 1996 : liberté d'exercice des activités de télécommunication, service universel garanti, régulation par une autorité indépendante. Il élabore ainsi un cadre juridique harmonisé pour l'ensemble des réseaux de communication électronique, les contenus transportés sur ces réseaux restant cependant soumis à des régimes distincts.

Cette harmonisation a pour conséquence immédiate de supprimer le régime spécifique du câble. Au régime actuel de double autorisation préalable se substituerait désormais une simple déclaration.

Par ailleurs, les pouvoirs de l'Autorité de régulation sont indéniablement renforcés par ce texte. L'ART disposera désormais de pouvoirs d'enquête administrative, qui lui faisaient défaut jusque-là. L'effectivité de ses décisions est également renforcée grâce à la possibilité qu'a dorénavant son président de demander au Conseil d'Etat de statuer en référé pour prendre toute mesure conservatoire et prononcer une astreinte pour l'exécution de son ordonnance.

La nature de cette régulation est également modifiée, puisque les contrôles tarifaires sont allégés au profit d'un contrôle prioritairement porté sur les marchés de gros. Ce nouveau système prend acte du fait que la concurrence se joue prioritairement autour des problèmes d'accès au réseau. En contrepartie, l'exercice de la régulation sera mieux contrôlé.

Ainsi, l'ART devra justifier systématiquement ses décisions au regard de la situation de chaque marché et respecter en toute matière une obligation de proportionnalité. De même, ses décisions importantes devront faire l'objet d'une consultation publique préalable et donner lieu à consultation du CSA.

Il ne faut pas non plus oublier le contrôle que nous serons amenés à exercer sur cette autorité, mes chers collègues, en tant que parlementaires.

Le groupe de l'Union centriste a présenté plusieurs amendements, visant notamment à clarifier les nouveaux pouvoirs dévolus à l'ART et à limiter les conflits de jurisprudence éventuels entre l'ART et le Conseil de la concurrence ainsi qu'entre la cour d'appel de Paris et le Conseil d'Etat pour les recours portant sur les décisions prises par l'ART.

Je ne reviendrai pas sur les aspects développés par mon collègue Philippe Nogrix concernant le titre II du projet de loi modifiant la loi de septembre 1986 relative à la liberté de communication. Toutefois, au-delà de la portée générale de ce texte, je souhaite aborder un sujet qui me tient particulièrement à coeur en tant qu'élue de la Réunion, celui de la filialisation de RFO.

L'intégration de RFO au sein de France Télévisions ne peut être que profitable. Elle permettra de renforcer le service public audiovisuel en développant une complémentarité évidente et en donnant une dimension nouvelle au groupe France Télévisions à travers la « France des quatre continents ».

Cette intégration permettra également d'échanger les savoir-faire, de favoriser les synergies techniques. Par exemple, RFO dispose d'un savoir-faire indubitable dans la diffusion de programmes en horaires décalés. De même, le professionnalisme du groupe sera très utile à RFO, dont les recettes publiques sont en baisse depuis deux ans.

Cette fusion offrira, par ailleurs, de nouvelles perspectives de développement à RFO en l'adossant à un groupe puissant. En effet, France Télévisions est le premier groupe audiovisuel français en audience, avec 39,6 % en 2002, et ce malgré un contexte concurrentiel difficile.

Mais France Télévisions se distingue aussi et surtout par sa proximité régionale, avec treize stations régionales de France 3 et plus de mille heures de programmes régionaux. Mais nous avons besoin, il est vrai, d'une télévision régionale reflétant des cultures et des identités.

En intégrant la holding France Télévisions, RFO pourra bénéficier d'une véritable dynamique de groupe sans risquer de perdre son identité.

Cependant, des initiatives maladroites et décevantes sont prises depuis quelques années sous prétexte de magnifier le respect identitaire. Je veux parler, par exemple, de la diffusion le samedi matin d'un journal en créole. Je ne renie pas ma langue régionale, je sais l'apprécier à sa juste valeur. Mais utiliser les mots les plus vulgaires du créole pour réaliser un journal télévisé dans le but de satisfaire les revendications d'un groupuscule d'indépendantistes a pour seul effet de tourner en dérision notre beau parler si imagé.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !

Mme Anne-Marie Payet. C'est pourquoi je plaide pour la suppression de ce genre d'initiatives inutiles et stupides qui recueillent la désapprobation générale.

Autre point important : la fusion renforcera la position de RFO comme média audiovisuel de référence dans l'outre-mer, tout en favorisant la diffusion des images d'outre-mer en métropole sur les antennes de France Télévisions.

Une véritable politique de coproduction métropole-outre-mer pourra être mise en place. Grâce à la mise à disposition gratuite d'images de l'outre-mer, le groupe assurera la promotion et le rayonnement ultra-marins, tout en diffusant outre-mer l'essentiel des programmes des chaînes nationales. Car la fusion vise, ne l'oublions pas, à développer la diffusion des programmes tout en augmentant la productivité.

L'intégration de RFO à France Télévisions permettra aussi de resserrer les liens de RFO avec la métropole et, en particulier, d'effectuer un rapprochement avec les populations d'outre-mer installées en métropole. Non seulement l'activité de radio de RFO sera maintenue, mais les liens avec Radio France seront intensifiés.

J'ajouterai enfin que l'intégration de RFO à France Télévisions est unanimement soutenue par les personnels des deux parties, ainsi que par les parlementaires d'outre-mer et répond aux attentes des téléspectateurs du groupe, qui réclament davantage de proximité.

La filialisation de RFO se fait dans le respect de sa singularité, de son autonomie, de son organisation décentralisée, ainsi que du statut de ses personnels, car RFO restera une société à part entière. Elle bénéficiera, de ce fait, d'un meilleur encadrement administratif et d'une amélioration des conditions de mobilité de ses personnels. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Henri Weber.

M. Henri Weber. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le titre II de ce projet de loi concerne les services de communication audiovisuelle et apporte « des modifications à la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ».

Le précédent ministre de la culture et de la communication - qui nous a laissé un excellent souvenir... - qualifiait ce texte, lors du débat à l'Assemblée nationale, de « petite loi audiovisuelle ».

Nos rapporteurs soulignent quant à eux que ce titre II procède à « des adaptations importantes de la loi de 1986 ». Dans leur exposé général, ils présentent ce projet de loi comme « une refonte attendue et profonde du cadre réglementaire visant la simplicité, l'efficacité et l'adaptabilité ».

Le Gouvernement et la majorité parlementaire tentent de nous faire croire que ce texte n'est finalement rien de plus qu'un « toilettage » de la loi de 1986, une « adaptation aux mutations technologiques, apportant les assouplissements et les modernisations nécessaires. »

Nous connaissons depuis un certain temps déjà cette chanson : sous couvert de modernisation, d'adaptation, d'harmonisation, de simplification, votre gouvernement continue aujourd'hui comme hier, contre vents et marées - comme l'a d'ailleurs brillamment démontré Danièle Pourtaud - sa politique libérale de dérégulation.

Nous avons adopté il y a quelques jours, dans le cadre du projet de loi sur la confiance dans l'économie numérique, une nouvelle architecture juridique en créant la catégorie des services audiovisuels, catégorie transversale à la communication audiovisuelle et à la communication publique en ligne.

Ce dispositif a été mis en place afin que l'Etat se garde la possibilité de réguler le secteur de l'audiovisuel, préservant ce dernier des négociations internationales menées dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce.

L'intention était excellente. Mais pourquoi, après vous être prémunis contre ce risque extérieur, faut-il que vous reveniez sur la plupart des dispositifs anti-concentration qui s'appliquent aujourd'hui à la radio et à la télévision en menant à marche forcée la dérégulation de l'audiovisuel ?

Je voudrais moi aussi dénoncer au passage les conditions de travail que le Gouvernement nous impose. C'est bien plus qu'une simple question de méthode !

Ce titre II, dont nous débattons aujourd'hui, marque un véritable tournant libéral de nos politiques publiques audiovisuelles. Or nous sommes saisis en urgence de ce texte. En outre, lors du débat à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a introduit à la dernière minute tout un ensemble d'amendements qui posent problème.

Ajoutons qu'au Sénat la commission des affaires culturelles n'a été saisie que pour avis. Nous n'avons même pas eu la possibilité d'examiner ce texte en commission ! En outre - et je pense que, sur ce point, mes collègues de la majorité seront d'accord -, le télescopage avec la discussion du projet de loi sur la confiance dans l'économie numérique n'a pas facilité la poursuite de nos travaux.

Enfin, depuis quelques mois, la convergence, que l'on annonçait imminente depuis plusieurs années, a fait une entrée remarquée dans l'économie des médias avec la télévision sur ADSL. Ce fait à lui seul aurait justifié qu'il y eût sur ce texte une deuxième lecture et, à défaut, une plus étroite association des travaux de la commission des affaires culturelles à ceux de la commission des affaires économiques.

Après avoir testé - à ses dépens - l'arme de l'article 49-3, après avoir renoncé à légiférer sur ce texte par ordonnances, le Gouvernement persiste dans son manque de considération envers le Parlement.

Tout jugement est cependant contrasté. Avant d'en venir aux aspects négatifs du texte, je voudrais en souligner, après Danièle Pourtaud, les points satisfaisants

Nous nous réjouissons ainsi de la réorganisation et de l'extension des pouvoirs du CSA, notamment en ce qui concerne ses nouvelles compétences pour le règlement des litiges techniques et économiques entre éditeurs, distributeurs, exploitants de services d'accès, et ce quel que soit le support.

La situation des chaînes thématiques est aujourd'hui très fragile : 80 % de leurs ressources proviennent des redevances reversées par les câblo-opérateurs et les plates-formes satellitaires. D'un côté, nous avons près de cent chaînes thématiques conventionnées et, de l'autre, une poignée de distributeurs. Au cours des deux dernières années, les chaînes thématiques ont vu leurs redevances diminuer de 30 % à 50 %.

Cette dissymétrie du rapport de forces - très défavorable aux chaînes thématiques - sera à présent régulée par la possibilité donnée au CSA d'intervenir dans un litige opposant un éditeur à un distributeur bien plus rapidement que ne pouvait le faire le Conseil de la concurrence.

Je salue aussi la disposition de l'article 37 qui autorise le CSA à contrôler les chaînes distribuées en France mais émises de l'étranger et qui ne respectent pas notre réglementation.

Je reviens néanmoins sur un point soulevé par mon collègue Didier Mathus à l'Assemblée nationale au cours de la première lecture et qui doit retenir toute notre attention. Ainsi, en 2007, surviendront quatre échéances électorales décisives : les municipales, l'élection présidentielle, les législatives et les sénatoriales.

M. Louis de Broissia. Et les régionales ?

MM. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles, et Philippe Nogrix. Oui, et les régionales ?

M. Henri Weber. Or, en 2007, en vertu du mode de désignation des sages du Conseil supérieur de l'audiovisuel, ces derniers - ou ces dernières - auront tous été nommés par la droite. Faut-il se résoudre au fait qu'une autorité indépendante, chargée de faire respecter en période électorale le pluralisme de l'expression politique dans les médias audiovisuels, soit aussi bleu monochrome ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Ce n'est pas nécessaire !

M. Henri Weber. Il ne s'agit pas là d'un procès d'intention ni d'une marque de défiance abusive !

J'attire l'attention du Gouvernement sur ce point : il ne serait pas inutile que nous réfléchissions prochainement à un nouveau mode de désignation des membres du CSA. Le fait que ce soient les mêmes autorités politiques - du même bord - qui y procédent est une anomalie. Peut-être la droite regardera-t-elle d'ailleurs un jour d'un autre oeil cette règle de désignation du CSA...

Les autres articles du titre II de ce projet de loi relatif aux services de communication audiovisuelle s'inscrivent dans l'offensive que le Gouvernement mène depuis 2002 contre l'audiovisuel public en faveur de certains grands groupes privés.

Je ne prendrai que trois exemples.

Premier exemple, l'autorisation faite, à l'article 41, aux télévisions privées nationales de diffuser de la publicité durant les décrochages locaux risque de déstabiliser le marché publicitaire local, aussi vital pour la presse quotidienne régionale qu'il est indispensable au développement des chaînes locales. Appelons cette disposition par son nom : bien que soumis à l'autorisation du CSA de façon exceptionnelle et dans des conditions fixées par décret, l'amendement M6 n'est pas de nature à favoriser le développement des télévisions locales.

Deuxième exemple, les articles 58 et 59 adoptés par l'Assemblée nationale sur le must carry - l'obligation de transport - sont également des dispositifs très favorables aux deux grandes chaînes privées du hertzien. En effet, les obligations relatives à l'obligation de transport ont été allégées pour le câble. Et cette obligation ne figure pas, même dans sa version légère, pour l'ADSL et le satellite. Nous sommes là en contradiction avec le principe de neutralité technologique.

M. Bruno Sido , rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Pas du tout !

M. Henri Weber. Sans doute agit-on ainsi parce que les activités de distribution et d'édition audiovisuelles dépendent des mêmes groupes...

Nous ne sommes évidemment pas favorables, quant à nous, à un must carry généralisé qui obligerait tous les opérateurs à distribuer toutes les chaînes.

M. Pierre Hérisson , rapporteur. Ah ! Voilà !

M. Henri Weber. En revanche, nous estimons que les chaînes privées hertziennes - TF1 et M6 - ne doivent pas être autorisées à refuser d'être distribuées. Ces deux chaînes totalisent 40 % de parts d'audience sur le réseau hertzien. Elles bénéficient gratuitement de l'usage des fréquences hertziennes analogiques. Elles ont également l'exclusivité d'un certain nombre d'évènements majeurs, notamment sportifs. De plus, 10 % des foyers sont dans des zones d'ombre et ne reçoivent pas le hertzien. Et ce pourcentage est encore plus important concernant la réception de M6.

Par ailleurs, certains immeubles câblés et certains foyers individuels ne bénéficient plus d'une réception hertzienne. C'est pourquoi nous sommes favorables à une obligation de reprise des chaînes hertziennes privées sur tous les supports.

M. Henri Weber. C'est également la recommandation du CSA qui, dans son avis concernant le présent projet de loi, écrit qu'il serait « justifié que l'ensemble de l'offre en clair hertzienne, et pas seulement des chaînes publiques hertziennes, soit accessible à l'ensemble des foyers raccordés au câble et au satellite ». Cette position du CSA, nous la partageons sans réserve.

Enfin, il faut nous assurer que le réaménagement des fréquences, avec le basculement progressif vers le numérique hertzien, qui se traduira peut-être par une augmentation des zones d'ombre de l'analogique, ne prive pas nos concitoyens de certaines fréquences. C'est pourquoi le must carry est nécessaire afin d'assurer une égalité de réception pour tous les foyers.

En outre, je m'étonne de l'éviction de TV5 du dispositif du must carry. Au même titre que les autres chaînes publiques, TV5 doit être distribuée sur tous les supports. S'agit-il d'une simple omission, ou bien faut-il en déduire que cette omission est sous- tendue par le prochain lancement de la future chaîne d'information internationale, dont on nous parle depuis deux ou trois ans mais dont on ne trouve toujours pas le financement ?

Le troisième exemple qui nous préoccupe concerne un article relatif à la télévision numérique terrestre.

L'article 61 fait passer de cinq à sept le nombre d'autorisations en numérique hertzien de terre qu'il sera possible de détenir pour un même groupe, favorisant ainsi la concentration audiovisuelle.

Le Gouvernement, après avoir annoncé en novembre dernier qu'il comptait, en définitive, n'attribuer qu'un seul multiplexe au service public, persiste à ne pas tirer les leçons des expériences européennes et poursuit dans sa volonté de marginalisation du service public sur la TNT.

Les quatre premières années de la TNT britannique ont été, vous le savez bien, un échec. L'offre proposée par le bouquet ITV Digital ressemble d'ailleurs à celle qui a été retenue par le CSA compte tenu de la volonté du Gouvernement de réduire considérablement la place du service public : ITV proposait trente programmes, dont seulement dix gratuits. Ce modèle s'est soldé par le dépôt de bilan d'ITV en mars 2002.

La TNT britannique ne s'est véritablement développée qu'avec l'engagement fort de la BBC et de ses nouvelles chaînes thématiques. Elle compte aujourd'hui trente chaînes publiques et plus de vingt radios. A la fin 2003, deux millions de foyers s'étaient équipés. C'est cette année seulement qu'une nouvelle offre payante a pu y trouver sa place.

Autre exemple, en Espagne, la TNT connaît également un démarrage laborieux. Mais elle a décidé de s'inspirer de l'exemple britannique en proposant prochainement une offre sur laquelle la diffusion gratuite serait majoritaire.

Or, en France, sur les vingt-huit canaux attribués, seuls quatorze seront d'accès gratuit, et encore dans les conditions qu'a rappelées ma collègue Mme Pourtaud tout à l'heure, au lieu des seize prévus initialement. En s'inspirant un peu plus des contre-exemples britannique et espagnol, on pourrait éviter un démarrage décevant et coûteux. Il faut faire de la diffusion gratuite et du service public le fer de lance de la TNT. Si nous nous y prenons autrement, nous irons vers l'échec.

Certes, l'article 97 de ce projet de loi, qui soumet le renouvellement des autorisations en analogique des chaînes hertziennes à l'émission effective de leurs programmes en numérique, contraint les chaînes à accélérer leur mutation. Néanmoins, à sept mois de son démarrage - prévu pour le 1er décembre 2004 -, ce texte laisse toujours en suspens la question cruciale de la distribution commerciale du hertzien terrestre.

Sans une véritable volonté politique, on risque de voir la télévision numérique terrestre prendre encore un peu plus de retard dans son lancement. Or la seule volonté que l'on aperçoit est celle de certains groupes qui, depuis plusieurs années, font preuve d'une énergie digne d'une meilleure cause pour faire gagner du temps au statu quo .

Combien de temps encore va durer « l'exception française » de ce malthusianisme audiovisuel ? Nous sommes le seul pays en Europe où 75% de la population n'a accès qu'à cinq chaînes !

M. Ivan Renar. C'est vrai !

M. Henri Weber. Ce texte, contrairement à la présentation que vous en avez faite, monsieur le ministre, n'est pas « une petite loi audiovisuelle » ; c'est une grande mauvaise loi de dérégulation. C'est pourquoi le groupe socialiste votera contre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d'abord de remercier les trois rapporteurs qui se sont exprimés sur l'ensemble de ce texte.

J'ai apprécié l'intervention de M. de Broissia, et j'ai pu bénéficier de son expertise. J'avais déjà eu l'occasion d'apprécier les propos tenus par MM. Sido et Hérisson, et j'ai été heureux de retrouver la pertinence de leurs analyses dont tout le monde a reconnu la qualité la semaine dernière et que l'on retrouve à l'occasion de l'examen de ce projet de loi relatif aux communications électroniques.

Je souhaite revenir sur quelques points.

En ce qui concerne la question des ordonnances, permettez-moi de rappeler que je préfère le débat car il permet toujours d'enrichir les textes et de se comprendre. Mais, s'agissant du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique examiné par votre assemblée la semaine dernière, nous étions en retard dans la transposition des directives. Si le Gouvernement a envisagé le recours aux ordonnances, c'est seulement pour rattraper le retard du gouvernement précédent, qui n'avait pas fait son devoir (Protestations sur les travées du groupe socialiste) , je suis obligé de vous le rappeler, monsieur Weber, puisque vous insistez lourdement. Nous étions poursuivis par la Commission, il y avait donc bien urgence.

Si, sur le projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, qui transpose six directives, l'urgence a été déclarée, c'est parce que ce projet de loi doit être cohérent avec celui que nous avons examiné la semaine dernière sur la confiance dans l'économie numérique.

Certains ont considéré que quelques-unes des dispositions du projet de loi sur la confiance dans l'économie numérique auraient pu être incluses dans le texte que nous examinons aujourd'hui, et inversement. Il s'agit évidemment de créer, de conforter et d'organiser les deux autorités administratives indépendantes que sont le CSA et l'ART, et de clarifier leurs situations respectives. Mais, chacun l'a dit la semaine dernière et le répétera sans doute aujourd'hui, ces deux projets de loi sont profondément liés.

Le Gouvernement a pour souci de clarifier - et Dieu sait si c'est nécessaire ! - les transferts de compétences du Gouvernement vers l'ART, de même que ceux qui interviennent entre l'ART et le CSA.

S'agissant du CSA, c'est un mauvais procès que vous nous avez fait sur le caractère monocolore de cette instance, monsieur Weber !

M. Henri Weber. Potentiellement monocolore !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. D'abord, je ne sais pas s'il est bleu, rose ou vert : je ne connais pas les opinions politiques des membres du CSA, mais je sais qu'ils ont été choisis pour leur expertise, pour leurs capacités et non pas pour leurs opinions.

M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Ce sont des gens compétents !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. En effet, quand vos amis politiques étaient au pouvoir et qu'ils procédaient aux nominations, vous n'étiez pas saisis d'une telle indignation ni d'un tel besoin de réformes ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste. - Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

Mme Danièle Pourtaud. Nous avons souvent protesté !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Vous avez donc sacrifié à la petite politique, et votre remarque n'est pas aimable pour ces personnes qui font autorité.

M. Henri Weber. Ce système est malsain !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il fallait vous en apercevoir auparavant ! Vous trouvez que le système est malsain quand vous perdez les élections, mais tant que vous les gagnez vous trouvez le système formidable !

M. Henri Weber. Nous serons bientôt consolés !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Ce texte, qui est un texte difficile, un texte indispensable et un texte utile, ne mérite pas ces polémiques. Peut-être pourrions-nous retrouver l'esprit qui transcendait nos opinions différentes la semaine dernière afin de rechercher ensemble un système plus satisfaisant pour le consommateur.

Pour sa part, le Gouvernement souhaite s'en tenir à une transposition extrêmement rigoureuse et fidèle des directives, ce qui est sans doute le meilleur moyen de protéger le consommateur.

Il s'agit de construire un cadre pérenne et les dispositions que nous vous proposons sont souples. Elles nous permettent de nous adapter non seulement à l'évolution des marchés, mais également à l'évolution des technologies. Vous verrez d'ailleurs que le Gouvernement ne tardera pas à prendre des mesures réglementaires afin de parachever l'oeuvre accomplie.

A M. Laffitte, qui a posé, comme toujours avec pertinence, une question intéressante s'agissant des fréquences, je répondrai que l'ART et le CSA travaillent en étroite collaboration. La récente parution au Journal officiel du tableau national de répartition des fréquences prouve d'ailleurs que cette collaboration est fructueuse, et que la France a le souci de se conformer aux décisions communautaires.

Même si je sais que je serai souvent appelé, hélas ! à donner un avis négatif sur différents amendements, la discussion des articles va maintenant nous donner l'occasion de comprendre les uns et les autres les enjeux auxquels nous sommes confrontés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, vous me permettrez de commencer par un point d'actualité.

Un journaliste français a été pris en otage en Irak. Je souhaite devant vous - et, je pense, au nom de l'ensemble de cette assemblée - condamner de la manière la plus solennelle la prise en otage d'un combattant de la liberté.

Nous exigeons sa libération immédiate, nous assurons sa famille et ses camarades de travail de notre solidarité et de notre résolution à faire en sorte qu'il soit libéré le plus rapidement possible.

M. le président. Le Sénat tout entier, monsieur le ministre, s'associe à ces sentiments de solidarité. (Applaudissements sur toutes les travées .)

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. C'est là une façon d'exprimer un hommage à ces combattants de la liberté que sont les grands reporters, les envoyés spéciaux, les correspondants de guerre, qui courent tous les risques pour leur passion, c'est-à-dire pour l'information, pour la liberté et pour le pluralisme.

Vous ne serez pas étonnés non plus, même si peu l'ont évoqué, que je commente quelques instants l'encart publicitaire que les radios indépendantes ont publié dans un « grand journal du soir », selon l'expression consacrée.

Cet encart affirme que la loi que nous examinons aurait pour effet de tuer les radios indépendantes. Face à une telle caricature, il m'appartient de préciser un certain nombre de points qui me semblent très importants, parce que cette affirmation va à l'encontre des valeurs que nous tentons, les uns et les autres, de servir.

Cette affirmation est totalement erronée puisque nous avons, au contraire, sanctuarisé les radios associatives afin d'éviter que les possibilités de changement de catégorie ne puissent les toucher. Il est tout à fait clair qu'il ne faut pas qu'elles soient livrées aux appétits des grands groupes, et c'est là un engagement fort que je prends devant vous ce soir.

Je tiens à vous préciser que les modifications de capital qui accompagneraient des changements de catégorie ne peuvent profiter qu'aux actionnaires qui contrôlent d'ores et déjà la radio concernée au sein du groupe.

Par définition, les radios indépendantes n'appartiennent à aucun groupe, et une telle disposition ne pourrait leur être appliquée, sauf à brader leur indépendance.

Toutefois, afin de tenir compte des demandes exprimées par les représentants des radios indépendantes dans le cadre de la concertation menée sur ce projet de loi, je proposerai un amendement rappelant que le CSA, à l'occasion des changements de catégorie qu'il pourrait autoriser au cas par cas sous le contrôle du juge, devra veiller à la préservation de l'équilibre des marchés publicitaires.

M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Ces éléments sont de nature à apaiser les inquiétudes légitimes qui se sont exprimées sur la remise en cause d'une liberté. Les choses sont maintenant claires, et je souhaite donc que ce faux procès disparaisse de notre horizon.

Nous avons tous en mémoire les temps héroïques des radios locales qui, dans les années quatre-vingt, ont défrayé la chronique. A cet égard, permettez-moi d'évoquer un souvenir personnel : j'étais à cette époque dans les Alpes de Haute-Provence et une radio locale, Radio Zinzine, qui faisait beaucoup parler d'elle et que vous connaissez sans doute,...

MM. Claude Domeizel et Daniel Raoul. Bien sûr !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. ... avait lancé, à la suite d'un congrès politique très célèbre, le congrès de Valence : « Donnedieu de Vabres, pas la peine de le guillotiner, il n'a pas de tête ! » (Rires .)

M. Daniel Raoul. Quelle lucidité ! (Sourires .)

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Ce souvenir, que je rappelle avec humour, montre que la liberté de l'information, le pluralisme et la démocratie sont des valeurs qui, quelles que soient nos convictions politiques, peuvent nous rassembler.

Ce point éclairci, j'en viens aux interventions des différents orateurs.

Je ne reprendrai pas les propos des rapporteurs, sinon, comme l'a fait Patrick Devedjian, pour les remercier de la qualité de leur travail. J'espère que, tout au long des semaines et des mois à venir, ce climat de rapports directs et confiants règnera afin de nous permettre de traiter de problèmes parfois très délicats.

Monsieur Nogrix, vous avez fort bien parlé des télévisions locales et je partage totalement votre analyse. Permettez-moi néanmoins de ne pas vous suivre lorsque vous proposez la création d'un fonds de soutien aux télévisions locales. Outre le fait que cette création ne pourrait intervenir dans le cadre de ce texte, cela ne me paraît pas forcément la voie la plus opérationnelle possible.

Mme Danièle Pourtaud. On nous répète cela à chaque fois !

M. Philippe Nogrix. Vous êtes libéral ? Nous aussi, monsieur le ministre !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Bien sûr !

Je rappelle que les canaux locaux du câble contribuent pour beaucoup d'entre eux à une véritable communication locale d'intérêt général, avec l'aide des collectivités territoriales. Notre texte a vocation à favoriser l'initiative privée dans ce domaine, facteur de pluralisme et de diversité, et non de faire vivre des projets de manière plus ou moins artificielle.

Laissons le CSA conduire les appels à candidature. Evaluons le nombre de projets associatifs. Nous pourrons alors réfléchir au meilleur moyen de les aider et de les faire vivre afin qu'ils contribuent effectivement au pluralisme.

M. Daniel Raoul. C'est hypocrite !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Monsieur Renar, j'ai été très intéressé par vos propos sur la vitalité des secteurs de la création et le nécessaire volontarisme politique qui doit l'accompagner pour non seulement la préserver, mais surtout l'encourager. La promotion de la diversité culturelle est un sujet qui m'est cher, soyez-en assuré. C'est justement au nom de cette diversité qu'il convient de tout mettre en oeuvre pour renforcer nos industries audiovisuelles et cinématographiques, tant au plan national qu'à l'échelle européenne.

En revanche, sur le projet de la TNT, je ne partage pas votre pessimisme. Certes, je suis convaincu, comme je l'ai déjà affirmé, qu'une étude est indispensable afin d'y voir plus clair sur le plan technique et d'éviter le lancement de cette technologie sur des choix industriels qui n'auraient pas été totalement contrôlés.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Mon propos n'est pas ici dilatoire, mais il n'est pas un seul instant envisageable qu'un nouveau système ne puisse pas avoir l'efficience d'une disponibilité opérationnelle pour tous.

Les options technologiques offertes peuvent être très différentes les unes des autres. C'est la raison pour laquelle j'estime opportun, comme je l'ai déjà indiqué dans mon propos liminaire, que le CSA publie, dans un délai très bref, une étude sur les diversités technologiques qui s'offrent afin que nous puissions donner à nos concitoyens des informations totalement fiables.

M. Henri Weber. Il l'a déjà fait, cette étude existe !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Je ne souhaite pas qu'une sorte d'incertitude ou de peur s'empare des téléspectateurs et de nos concitoyens, car cela remettrait en cause l'objectif que nous partageons, notamment MM. Valade et de Broissia ainsi que l'ensemble des membres de la commission des affaires culturelles.

Je crois profondément qu'au nom du droit à l'information il convient de donner leur chance à toutes les techniques numériques de diffusion. C'est dans ce cadre - et, de ce point de vue, je vous rejoins -, que nous permettrons une politique des contenus facilitant l'accès de tous les citoyens à l'information, à la connaissance et au pluralisme.

Plusieurs orateurs, notamment MM. Nogrix et Tregouët, ont évoqué le sujet de la redevance audiovisuelle, obsolète selon eux dans un contexte de convergence.

Comme vous le savez, puisque votre Haute Assemblée y est très dignement représentée par le président Jacques Valade, un groupe de travail associant les parlementaires a été mis en place sur ce sujet. Il examinera toutes les options, sans aucune exclusive, conduisant à une nécessaire réforme. Soyez assurés, mesdames, messieurs les sénateurs, que je mènerai avec la plus grande résolution le travail déjà entamé.

S'agissant de la radio, le projet de loi répond à plusieurs interrogations pertinentes évoquées à diverses reprises.

L'étude confiée au CSA et l'optimisation du spectre radiophonique permettront d'y voir plus clair s'agissant des options à adopter.

Quant à la TNT, je ne peux vous laisser dire que nous tuons le projet de France Télévisions à cet égard. C'est franchement de la caricature !

L'offre de programmes, comme vous le savez, sera enrichie pour le public puisqu'elle se traduira par la diffusion de France 5 et d'Arte chacune sur un canal propre, ce qui constitue une vraie valeur ajoutée en termes d'offre de programmes du secteur public.

M. Pierre Laffitte. Très bien !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Par ailleurs, la chaîne nouvelle dont France Télévisions bénéficiera sur la TNT permettra la mise en valeur de la création française et européenne dans les domaines du spectacle vivant, du théâtre et de la production audiovisuelle qui, vous en conviendrez tous, a bien besoin du plus large public et du plus grand rayonnement pour vivre durablement de manière satisfaisante.

Madame Pourtaud, je ne peux partager vos propos. Tout d'abord, l'intégration de RFO dans France Télévisions est le moyen de lui permettre de s'adosser à un groupe solide du secteur public de l'audiovisuel. Grâce à cette réforme, RFO ne disparaît pas mais pourra au contraire jouer pleinement son rôle. Les citoyens de métropole et ceux de l'outre-mer pourront ainsi être reliés par leur diversité mais également par leur unité. La découverte par les citoyens de métropole des actualités dans chacun de nos départements et de nos territoires d'outre-mer contribuera de manière conjointe au respect de l'unité et de la diversité de notre République, auquel nous sommes les uns et les autres particulièrement attachés.

Enfin, les modifications du dispositif anti-concentration correspondent à une réelle volonté d'adapter les contraintes qui pèsent sur les opérateurs et dont un grand nombre n'ont pas été modifiées depuis 1986. Nous attendons de ces modifications qu'elles permettent davantage d'initiatives s'agissant des télévisions locales, qui sont encore peu nombreuses en France.

On ne peut pas, d'un côté, déplorer l'insuffisance des radios et télévisions de proximité ainsi que de l'information locale et, de l'autre, critiquer la possibilité de renforcer les interventions financières permettant d'épauler ces initiatives locales. Je ne peux vous laisser dire que nous le faisons de manière débridée en étant les apôtres de la dérégulation absolue, du capitalisme ultra financier, etc.

Mme Danièle Pourtaud. Je n'ai pas dit cela !

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Vous l'avez quasiment dit ! En tout cas, Henri Weber, faisant écho à vos propos, l'a dit de manière encore plus claire...

Je ne peux laisser dire que TF 1 et M 6 pourraient avoir accès au marché publicitaire local. Un opérateur national, à condition de ne pas contrôler un opérateur local, peut disposer d'une part de capital pouvant atteindre 50 %. Or vous savez parfaitement que le nouveau projet se propose d'abaisser cette limite à 33 %.

Madame Payet, j'ai été très sensible à vos propos sur l'adossement de RFO à France Télévisions. Vous avez su parfaitement traduire la volonté qui nous anime dans cette réforme. Notre but est de renforcer le rayonnement de RFO outre-mer, mais bien sûr aussi en métropole, et ce sera, à mon sens, un vrai progrès.

Je reviendrai, à l'occasion la discussion des articles, sur un certain nombre de propos qui ont été émis. Je souhaite en tout cas que cette discussion générale fasse apparaître une perspective claire vis-à-vis de nos concitoyens et des téléspectateurs. Il faut qu'ils s'y retrouvent ! Il nous appartient donc de clarifier les enjeux, de savoir jusqu'où l'on peut aller en annonçant avec précision un certain nombre de mesures. Mais nous devons aussi avoir l'humilité de reconnaître que certains préalables techniques doivent parfois être levés si l'on veut donner une information définitivement opérationnelle à nos concitoyens, futurs téléspectateurs d'une offre élargie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ? ...

La discussion générale est close.

La parole est à M. Pierre Hérisson, rapporteur.

M. Pierre Hérisson , rapporteur. Monsieur le président, je sollicite une suspension de séance d'environ dix minutes afin que la commission des affaires économiques puisse se réunir pour examiner deux amendements.

M. le président. Le Sénat va, bien sûr accéder, à votre demande, monsieur Hérisson.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-trois heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle.

Question préalable

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle
Art. 1er

M. le président. Je suis saisi, par Mme Beaufils, M. Coquelle, Mmes Didier et  Terrade, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n° 302, tendant à opposer la question préalable.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle (n° 215, 20032004).

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Marie-France Beaufils, auteur de la motion.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur ce qu'a dit tout à l'heure mon collègue et ami Ivan Renar. L'argumentation qu'il a développée sur la seconde partie de ce texte concernant l'audiovisuel ne fait que renforcer les raisons pour lesquelles nous avons déposé une question préalable sur ce projet de loi.

J'insisterai donc plus particulièrement sur la première partie de ce texte, qui constitue à elle seule un véritable projet de loi puisqu'elle vise à transposer dans notre droit français sept directives européennes et une décision.

Outre la lourdeur de ces textes, dont le haut degré de technicité rend extrêmement complexe une vision d'ensemble des enjeux sociaux, économiques et donc, in fine , politiques, nous voilà une fois de plus amenés à débattre dans un temps record d'un projet de loi concernant le secteur des télécommunications.

Lors de cette discussion, nous reviendrons sur un certain nombre d'aspects contenus dans le projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique, qui anticipaient sur le « paquet télécoms ». Mais la confusion est à son comble, car nous allons aujourd'hui modifier de manière radicale notre code des postes et télécommunications en défaisant à nouveau le travail législatif effectué l'année dernière avec l'adoption de la loi relative aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom.

Au vu des analyses des divers spécialistes rencontrés, il semble que ces directives européennes elles-mêmes seront bientôt caduques du fait de la rapidité des évolutions technologiques. Du reste, d'autres de nos collègues semblent partager ce point de vue.

Tous ces textes qui se télescopent, s'enchevêtrent, empiètent les uns sur les autres - au point que, comme le soulignent nos rapporteurs, MM. Hérisson et Sido, les modifications prévues par l'un des textes risquent de contredire ou d'annuler les modifications prévues par l'autre -, témoignent en réalité de l'absence d'une conception moderne du service public des télécommunications.

Ces textes ne permettent pas d'apporter de réponses appropriées en matière d'aménagement du territoire ou d'égale accessibilité de tous aux nouvelles technologies de communication, en particulier à l'internet à haut débit.

Sous prétexte d'une convergence entre les secteurs des télécommunications et l'audiovisuel et en imposant l'idée d'une nécessaire neutralité en matière technologique, ce projet de loi rassemble dans un même texte des dispositions qui touchent à des domaines bien différents. Or cela ne va pas de soi, messieurs les ministres, et mériterait à notre avis un long débat, dont nous sommes privés puisque ce texte est déclaré d'urgence.

Le politique devrait avoir son mot à dire sur ces nouvelles technologies et leur implication en termes de choix de société, mais aussi d'emplois, ce qui aurait supposé une vision à long terme, fondée sur une réflexion concernant les investissements nécessaires à la recherche, notamment fondamentale, indispensable à notre indépendance nationale.

Cette réflexion devrait aussi concerner l'articulation entre l'accessibilité aux réseaux de communications, c'est-à-dire les contenants, les taxes susceptibles d'être perçues par les opérateurs et le contrôle effectué sur les contenus.

Quelle puissance détiendront les opérateurs privés qui contrôleront à la fois les contenants, grâce à la propriété des réseaux, et maîtriseront donc les droits d'entrée et de circulation des données sous diverses formes, et la nature même de ces données, c'est-à-dire les contenus, car ils seront également présents en aval par le biais de filiales !

Toutes ces questions méritent des éclaircissements et un débat sur la société que l'on nous prépare.

Par ailleurs, ces nouvelles technologies conditionnent dans une large mesure les capacités professionnelles des générations présentes et futures, car elles sont un élément incontournable du développement économique et auront des effets d'entraînement sur la croissance économique. Elles peuvent donc a fortiori constituer un facteur d'accroissement des inégalités territoriales et sociales.

Un tel projet de loi consacre l'affaiblissement du politique au profit d'une régulation qui, à terme, sera purement marchande. Il opère, sur des champs importants, un transfert de compétences des ministères de tutelle vers les autorités de régulation dites indépendantes, dont la conséquence possible peut être la perte de la maîtrise publique des réseaux de télécommunications.

Les rapporteurs se félicitent des effets bénéfiques pour le consommateur et pour la compétitivité globale de l'économie française de « l'ouverture maîtrisée à la concurrence », et ils considèrent que « le nouveau cadre réglementaire confirme donc l'objectif visé, à savoir établir une concurrence effective et régulée sur l'ensemble du marché des communications électroniques ».

Je continue de penser pour ma part, et les faits corroborent mes dires, que ces bénéfices attendus pour les consommateurs, et plus précisément pour les usagers et les citoyens, ne sont pas au rendez-vous et que ce projet de loi accusera plus encore les inégalités sociales, territoriales et tarifaires.

En effet, comme l'a souligné mon collègue et ami Daniel Paul, à l'Assemblée nationale, l'abonnement a été multiplié par trois en France depuis 1993 et les tarifs des communications locales ont augmenté relativement aux communications internationales sur les axes de trafic fortement utilisés, comme l'axe Europe - Etats-Unis.

La plupart des associations de défense des consommateurs, ainsi que les organisations syndicales, soulignent qu'il n'y a pas eu de répercussion de la hausse des gains de productivité sur l'ensemble des prix, qu'il s'agisse du coût d'achat du matériel ou des offres tarifaires lors de l'abonnement. C'est la péréquation tarifaire géographique qui risque de disparaître à terme, comme on a pu l'observer dans d'autres pays.

L'exemple de la téléphonie mobile est éloquent : la couverture de l'ensemble du territoire et le financement de la troisième phase du plan d'équipement ne sont toujours pas assurés ! Face à la défaillance des opérateurs privés, on compte évidemment sur les deniers publics, et les collectivités locales sont les premières sollicitées.

Toutes ces charges qui s'accumulent sur les collectivités territoriales se traduiront à terme par des augmentations de taxes locales, avec des répercussions territoriales et sociales sources d'inégalités nouvelles.

Pour éviter une telle dynamique de fractionnement inégalitaire sur le plan social et territorial, nous devons faire évoluer le contenu de nos services publics en respectant l'un de leurs principes fondateurs, l'adaptabilité. Autrement dit, il est urgent, messieurs les ministres, d'intégrer dans le service dit universel - pour reprendre la terminologie de Bruxelles - la téléphonie mobile de troisième génération et le haut débit.

En matière de concurrence, ce projet de loi aurait pour objet de renforcer la compétitivité de notre secteur des télécommunications et l'attractivité de nos territoires, pour reprendre une expression très à la mode aujourd'hui. La mise en concurrence devrait aussi, selon l'argumentation de la Commission européenne, se traduire par une augmentation des emplois, résultant d'effets compensatoires largement positifs dus à l'entrée sur le marché de nouveaux opérateurs.

Une fois de plus, les faits démentent tous ces pronostics. On peut même penser que la tentative de faire émerger la concurrence tue la concurrence ! Et l'anarchie qui prévaut dans ce secteur montre que l'on est bien loin de connaître une concurrence maîtrisée.

Le gâchis financier qui en résulte est énorme : la multiplication des réseaux alternatifs à celui de l'ancien opérateur historique sont autant de doublons redondants, dans lesquels certaines collectivités ont engouffré beaucoup d'argent, avec le risque que leur technologie ne devienne rapidement obsolète. Il apparaît clairement aujourd'hui que les réseaux alternatifs ne seront jamais rentables.

Dans cette optique, l'un des articles clé de ce projet de loi, l'article 6, qui supprime le régime actuel d'autorisation délivrée par le ministre pour établir et exploiter des réseaux au profit d'une simple déclaration auprès de l'Autorité de régulation des télécommunications, l'ART, nous semble particulièrement dangereux. Ce choix de supprimer les licences nationales d'opérateurs au profit, à terme, de licences européennes risque d'amplifier l'actuelle anarchie qui règne dans le secteur !

Aujourd'hui, un certain nombre d'opérateurs présents sur ce secteur ne parviennent pas à s'imposer face à France Télécom, LDCOM ou Cegetel. Ils occupent de petites niches de rentabilité ou ne sont que des sous-traitants de l'opérateur historique.

Alors que se profile la privatisation de France Télécom, la reconstitution d'un quasi monopole, privé cette fois, ou d'un oligopole n'aura sans doute pas les effets bénéfiques pour les usagers que l'on nous annonce !

A contrario , les gâchis que l'on constate aujourd'hui risquent de s'amplifier. De ce point de vue, nous aurions davantage besoin de durcir les conditions d'autorisation plutôt que de permettre à n'importe quel opérateur, quel que soit son pays d'origine, de pénétrer notre marché.

Nous avons donc de bonnes raisons de penser qu'il faudrait rendre beaucoup plus difficile le régime des autorisations autour d'un opérateur public, avec un cahier des charges contraignant en matière d'obligations de service public. Pourquoi ne pas imposer à France Télécom de couvrir à 100 % le territoire, en diversifiant les différents supports, pour permettre une accessibilité au plus près des abonnés ? Une mutualisation des coûts entre les différents opérateurs privés, notamment ceux qui ont accès à la boucle locale de France Télécom, permettrait de financer le coût des investissements !

En termes d'emplois, le bilan est, là aussi, désastreux ! Depuis 1997, plus de 32 650 suppressions d'emplois ont été actées au sein de la maison mère de France Télécom. En 2003, ce sont 13 500 suppressions d'emplois qui ont été programmées, dont 7 500 en France. Dans le même temps, de nombreuses mesures sont prises pour accroître la mobilité du personnel vers les collectivités territoriales.

C'est bien la déflation des effectifs de fonctionnaires qui est recherchée ! En effet, l'entreprise s'efforce de plus en plus de s'en séparer. C'est une main-d'oeuvre bien encombrante pour une entreprise de plus en plus soumise aux critères de gestion du privé.

Enfin, selon certaines sources syndicales, des départs négociés dans les filiales, pour les contractuels, se multiplient. On cherche à développer les plates-formes d'appel, au détriment de l'accueil de proximité.

Les pressions qui se multiplient sur les salariés de France Télécom contribuent à une grave détérioration des conditions de travail, qui se traduit par une forte augmentation des congés maladie et un accroissement des cas de suicides. Ma collègue Marie-Claude Beaudeau a déjà alerté le Gouvernement sur cette situation. Dans ce secteur, contrairement aux estimations de Bruxelles, loin de favoriser les créations d'emplois, l'accroissement de la concurrence, qui a pour corollaires la multiplication des plans de restructuration et la rationalisation des effectifs, conduit à des suppressions nettes de postes !

Le constat est le même pour les équipementiers comme Alcatel, qui a fortement réduit ses effectifs, passant, entre 2001 et 2003, de 113 000 salariés à 70 000.

Tous ces éléments témoignent que d'autres choix doivent être opérés pour préserver nos services publics et pour favoriser le retour d'une croissance économique riche en emplois. La maîtrise du secteur des télécommunications est, en ce sens, indispensable !

Nous devons aujourd'hui prendre des mesures pour former les jeunes générations aux nouvelles technologies, pour mettre à la disposition de tous les foyers les équipements en haute technologie et pour aboutir, dans un horizon proche, à la couverture en haut débit de notre territoire. Le câblage en fibre optique de notre pays est un choix politique ; il stabiliserait les technologies et éviterait que les gâchis financiers ne se poursuivent. Nous avons donc déposé un certain nombre d'amendements qui vont dans ce sens.

Nous en proposerons également d'autres, dont le caractère social devrait être apprécié par le Gouvernement, puisque certaines déclarations laissent supposer qu'il serait, désormais, plus préoccupé par la question sociale et par l'insécurité sociale.

Mais nous souhaitons avant tout attirer l'attention sur la nécessité de moderniser nos services publics de télécommunications.

Les télécommunications ne sont pas un bien comme les autres, elles constituent un bien collectif et, en cela, elles ne doivent pas être soumises à une régulation purement marchande.

Si le Gouvernement souhaite réellement agir en faveur de la cohésion sociale, il doit retirer son projet de privatisation de France Télécom. C'est d'ailleurs à l'unanimité que les petits actionnaires de cette entreprise ont souhaité que la part de son capital détenue par l'Etat ne passe pas en dessous de 50 %.

Manifestement, ce projet de loi ne va pas dans le sens de la préservation du caractère encore majoritairement public de l'entreprise, ni même dans celui de la modernisation de nos services publics. En transférant de plus en plus de pouvoirs à une ART censée s'effacer progressivement au profit d'une régulation purement marchande, ce sont nos services publics que l'on condamne.

Le rôle de l'ART demeure, par ailleurs, bien ambigu puisqu'elle est censée, selon les articles 13 à 18, assouplir dans l'absolu son contrôle tarifaire et se concentrer sur les marchés dits « pertinents ». L'existence, sur ces marchés, d'opérateurs puissants susceptibles de créer des distorsions de concurrence nécessiterait une attention particulière de la part de l'ART, qui devrait les soumettre à certaines obligations.

On suppose qu'à terme l'ensemble des marchés devrait pouvoir rejoindre les conditions du droit commun de la concurrence. Au final, on constate qu'à travers ce texte l'affaiblissement du politique s'articule avec la fin programmée du monopole public, au profit de la reconstitution d'un monopole purement privé, qui sera soumis à quelques contraintes !

Quel sera, dans ces conditions, le rôle du conseil de la concurrence ? Que devient la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications ? Comme le soulignent certaines organisations syndicales, une telle commission devrait conserver aujourd'hui toute sa raison d'être au regard des exigences en matière de service public. Ces exigences sont, à l'évidence, incompatibles avec la privatisation de l'opérateur historique ; c'est bien la casse de notre service public que vous préparez !

L'article 26 du projet de loi, qui transforme cette institution en Commission supérieure du service public des postes et communications électroniques, ne prend pas pleinement acte de la dérégulation européenne. Suite à la transposition dans notre droit d'un certain nombre de dispositions communautaires, vous avez même substitué à notre notion de « service public », celle de « service universel », ce qui en constitue une conception bien appauvrie !

A légiférer comme on l'a fait pour permettre une privatisation totale de l'opérateur historique et donc des services publics, on a beaucoup de mal à imaginer le rôle qui sera confié à cette institution ainsi rebaptisée. A juste titre, on peut se demander quel sera le rôle d'une commission administrative face à des opérateurs privés en charge d'un service public vidé de sa substance, c'est-à-dire d'un service public a minima .

Nous pensons qu'il faut engager le débat sur le service public, qui est indispensable, pour que les habitants de notre pays, quel que soit leur lieu de vie, quelles que soient leurs ressources, puissent accéder aux nouveaux outils de communication.

Au fur et à mesure, tous les textes présentés sur ce sujet modèlent le paysage par défaut, en écartant le vrai débat politique auquel le législateur devrait s'attacher au lieu de courir derrière les évolutions technologiques.

Refusant d'annoncer clairement vos choix, vous optez pour une méthode inacceptable, non seulement pour les parlementaires, mais aussi pour nos concitoyens, qui ne peuvent pas être associés aux décisions qui les concernent.

Nous avons déjà demandé qu'un état des lieux de la déréglementation soit établi avant toute nouvelle évolution. Mais vous semblez sourds à toutes les réflexions émises sur le terrain. Ainsi, Ivan Renar a, tout à l'heure, rappelé l'importance du débat sur le contenu de ce que nous proposons. Or aucune de ces questions n'est abordée dans le texte que vous présentez. Pour toutes ces raisons, je vous invite à voter cette question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Un certain nombre d'arguments de droit pourraient conduire à écarter cette motion. Le texte que nous examinons assure, en effet, la transposition de directives communautaires dont la négociation a commencé il y a plus de six ans et qui ont été adoptées par les représentants de l'Etat français au début de l'année 2002.

Dans le domaine des télécommunications, ces directives s'inscrivent dans un élan général, entamé au début des années 1990, visant à promouvoir la création d'un marché intérieur des télécommunications en Europe. C'est dès ce moment-là que la décision de principe de mettre fin aux monopoles historiques nationaux de télécommunications a été prise. Les auteurs de la motion n'ignorent pas quels gouvernements ont participé à ce mouvement de transformation de la réglementation !

M. René Trégouët. Très bien !

M. Bruno Sido , rapporteur. Nous sommes passés en quinze ans d'une réglementation des monopoles à une réglementation des marchés.

En matière audiovisuelle, le projet de loi que nous examinons ne recèle aucun danger substantiel pour l'avenir du secteur. Je souligne, notamment, que le dispositif anti-concentration actuel s'est révélé parfois si contraignant qu'il a empêché le développement des services locaux analogiques. Il convient, par conséquent, de l'assouplir, afin d'inciter les opérateurs privés et les collectivités territoriales à investir dans ces services de télévision locale.

Je conclurai en indiquant aux auteurs de la motion que le développement économique du secteur des communications électroniques et de l'audiovisuel sera favorisé par l'adoption de ce texte. C'est la raison pour laquelle la commission des affaires économiques, avec le concours de la commission des affaires culturelles, pour la partie audiovisuelle, l'a adopté et enrichi d'amendements qui contribuent à l'intérêt général.

C'est pourquoi les rapporteurs avaient proposé à la commission d'émettre un avis défavorable sur cette question préalable. Mais, sur ce point, les votes se sont partagés par moitié.

M. Bruno Sido , rapporteur. Par conséquent, il appartient au Sénat, dans son ensemble, de trancher le débat ouvert par la question préalable déposée par nos collègues du groupe CRC.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian , ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaiterais d'abord apporter une précision sémantique.

Comme vous le savez, l'objet d'une motion préalable, c'est d'affirmer qu'il n'y a pas lieu de débattre. En l'occurrence, s'il n'y avait pas lieu de débattre, cela voudrait dire qu'il n'y aurait pas lieu, non plus, de transposer en droit interne les directives communautaires dont il s'agit ici. Or, au moment où notre pays est déjà poursuivi par la Commission européenne à cause de nos retards en matière de transposition de directives, cette initiative me paraît fort malvenue.

M. René Trégouët. Très juste !

Mme Marie-France Beaufils. Le problème n'est pas là !

M. Patrick Devedjian , ministre délégué. Vous critiquez les conséquences de cette transposition, mais ces directives, qui ont été longuement négociées, ont été adoptées définitivement en mars 2002, à une époque où la France était représentée par un gouvernement qui, ainsi que M. Sido l'a suggéré avec tant d'élégance, comprenait des membres issus de votre groupe.

M. Daniel Raoul. Nous y voilà ! Vous allez encore nous faire le coup de « l'héritage socialiste » ! Ce serait bien si, d'ici à 2007, vous parveniez à renouveler un peu votre palette d'arguments !

M. Patrick Devedjian , ministre délégué. Comme vous souteniez cet ancien gouvernement, je crois que vous avez été solidaires de l'adoption de ces directives que vous voulez à présent dénoncer.

M. Patrick Devedjian , ministre délégué. Pour toutes ces raisons, permettez-moi de souligner l'incohérence de cette question préalable.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 302.

Je rappelle que son adoption aurait pour effet d'entraîner le rejet du projet de loi.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle
Art. 2

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 159 :

Nombre de votants 311
Nombre de suffrages exprimés 309
Majorité absolue des suffrages exprimés 155
Pour l'adoption 112
Contre 197

Le Sénat n'a pas adopté.

En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

TITRE Ier

MODIFICATIONS DU CODE DES POSTES

ET TÉLÉCOMMUNICATIONS

Article 1er

Le code des postes et télécommunications devient le code des postes et des communications électroniques. Dans ce code, les mots : « télécommunication » et « télécommunications » sont remplacés par les mots : « communications électroniques », sauf dans les mots : « Autorité de régulation des télécommunications ».

Le code des postes et des communications électroniques est modifié conformément aux dispositions du présent titre.

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par MM. Hérisson et  Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Compléter in fine la dernière phrase du premier alinéa de cet article par les mots :

, et les mots "Commission supérieure du service public des postes et télécommunications" sont remplacés par les mots : "Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques"

La parole est à M. Pierre Hérisson, rapporteur.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. La nouvelle rédaction de l'article L. 125 du code des postes et télécommunications proposée par l'article 26 du présent projet de loi transforme la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications en Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques.

Cette substitution pure et simple de mots correspond à un ajustement avec les nouvelles dispositions prises concernant la dénomination de l'Autorité de régulation des télécommunications.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par MM. Hérisson et  Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa de cet article, remplacer les mots :

communications électroniques

par les mots :

télécommunications

La parole est à M. Pierre Hérisson, rapporteur.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1, modifié.

(L'article 1 est adopté.)

Art. 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle
Art. 3

Article 2

L'article L. 32 du même code est ainsi modifié :

1° Le 1° est ainsi rédigé :

« 1° Communications électroniques.

« On entend par communications électroniques les émissions, transmissions ou réceptions de signes, de signaux, d'écrits, d'images ou de sons, par voie électromagnétique. » ;

2° Le 2° est ainsi rédigé :

« 2° Réseau de communications électroniques.

« On entend par réseau de communications électroniques toute installation ou tout ensemble d'installations de transport ou de diffusion ainsi que, le cas échéant, les autres moyens assurant l'acheminement de communications électroniques, notamment ceux de commutation et de routage.

« Sont notamment considérés comme des réseaux de communications électroniques : les réseaux satellitaires, les réseaux terrestres, les systèmes utilisant le réseau électrique pour autant qu'ils servent à l'acheminement de communications électroniques et les réseaux assurant la diffusion ou utilisés pour la distribution de services de communication audiovisuelle. » ;

3° Le 3° est complété par les mots : « ou de services de communication audiovisuelle » ;

4° Après le 3° bis , il est inséré un 3° ter ainsi rédigé :

« 3° ter Boucle locale.

« On entend par boucle locale l'installation qui relie le point de terminaison du réseau dans les locaux de l'abonné au répartiteur principal ou à toute autre installation équivalente d'un réseau de communications électroniques fixe ouvert au public. » ;

5° Le 4° est ainsi rédigé :

« 4° Réseau indépendant.

« On entend par réseau indépendant un réseau de communications électroniques réservé à l'usage d'une ou plusieurs personnes constituant un groupe fermé d'utilisateurs, en vue d'échanger des communications internes au sein de ce groupe. » ;

6° Au 5°, le mot : « indépendant » est remplacé par les mots : « de communications électroniques » ;

7° Le 6° est ainsi rédigé :

« 6° Services de communications électroniques.

« On entend par services de communications électroniques les prestations consistant entièrement ou principalement en la fourniture de communications électroniques. Ne sont pas visés les services consistant à éditer ou à distribuer des services de communication audiovisuelle. » ;

8° Au 7°, les mots : « au départ et à destination de réseaux ouverts au public commutés » sont supprimés ;

9° Le 8° est ainsi rédigé :

« 8° Accès.

« On entend par accès toute mise à disposition de moyens, matériels ou logiciels, ou de services, en vue de permettre au bénéficiaire de fournir des services de communications électroniques. Ne sont pas visés par le présent code les systèmes d'accès sous condition et les systèmes techniques permettant la réception de services de communication audiovisuelle, définis et réglementés par la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. » ;

10° Le 9° est ainsi rédigé :

« 9° Interconnexion.

« On entend par interconnexion la liaison physique et logique des réseaux ouverts au public par 1e même opérateur ou un opérateur différent, afin de permettre aux utilisateurs d'un opérateur de communiquer avec les utilisateurs du même opérateur ou d'un autre, ou bien d'accéder aux services fournis par un autre opérateur. Les services peuvent être fournis par les parties concernées ou par d'autres parties qui ont accès au réseau. L'interconnexion constitue un type particulier d'accès mis en oeuvre entre opérateurs de réseaux ouverts au public. » ;

11° Supprimé ........................................................................................ ;

12° La deuxième phrase du 10° est ainsi rédigée :

« Ne sont pas visés les équipements permettant exclusivement d'accéder à des services de radio et de télévision. » ;

13° Au 12°, les mots : « la protection de l'environnement et la prise en compte des contraintes d'urbanisme et d'aménagement du territoire, » et le dernier alinéa sont supprimés ;

14° Les 13° et 14° sont ainsi rédigés :

« 13° Numéro géographique.

« On entend par numéro géographique tout numéro du plan national de numérotation téléphonique dont la structure contient une indication géographique utilisée pour acheminer les appels vers le point de terminaison du réseau correspondant.

«14° Numéro non géographique.

« On entend par numéro non géographique tout numéro du plan national de numérotation téléphonique qui n'est pas un numéro géographique. » ;

15° Il est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« 16° Données relatives au trafic.

« On entend par données relatives au trafic toutes les données traitées en vue de l'acheminement d'une communication par un réseau de communications électroniques ou de sa facturation. »

M. le président. L'amendement n° 303, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. - Dans le 3° de cet article, remplacer les mots :

communication audiovisuelle

par les mots :

communication au public par voie électronique

II. - En conséquence, procéder à la même modification dans le second alinéa du texte proposé par le 7° de cet article pour le 6° de l'article L. 32 du code des postes et télécommunications.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Il s'agit d'un amendement de coordination visant à mettre le présent texte en harmonie avec les définitions de la loi pour la confiance dans l'économie numérique.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson , rapporteur. La commission émet un avis favorable sur cet amendement.

La modification proposée assure la coordination entre les définitions de la loi pour la confiance dans l'économie numérique et celles du présent texte. Le code des postes et télécommunications s'appliquera donc aux réseaux et services de communications électroniques. En revanche, les services de contenu, notamment l'édition des services de communication au public par voie électronique, doivent en être exclus.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 303.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 114, présenté par M. Nogrix et les membres du groupe de l'Union Centriste, est ainsi libellé :

Après le seizième alinéa (6°) de cet article, insérer trois alinéas ainsi rédigés :

...° Après le 5°, il est inséré deux alinéas ainsi rédigés :

...° Installateur intégrateur

 « On entend par Installateur intégrateur toute personne physique ou morale qui assure la mise en place des réseaux mentionnés aux 4° et 5° du présent article, notamment par l'intégration de différents réseaux de communications électroniques, qui en assure la maintenance ainsi que le fonctionnement des services qui y sont développés, dans le respect des exigences essentielles. Les activités installateur intégrateur s'exercent librement, la profession étant susceptible de s'organiser dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. »

La parole est à M. Philippe Nogrix.

M. Philippe Nogrix. Le 1er janvier 2004, France Télécom a absorbé la société Cofratel, acteur de tout premier plan spécialisé dans les activités d'installation de télécommunications.

Dans ce nouveau cadre, France Télécom regroupe désormais sous la même enseigne, la même appellation, les activités d'opérateur de réseaux auxquels les installateurs intégrateurs indépendants sont contraints d'adresser des informations en permanence pour le raccordement de leurs clients, et les activités d'installateur en concurrence avec les installateurs intégrateurs indépendants.

Ce cumul d'activités suscite une grande réflexion de notre part et une vive inquiétude au sein de la profession. En effet, la plupart de ces installateurs intégrateurs indépendants sont des PME, qui ne doivent pas être fragilisées par un acteur aussi puissant que France Télécom : par sa position dominante sur l'activité de réseau, il pourrait exercer une concurrence dans des conditions déséquilibrées face au tissu des installateurs intégrateurs indépendants.

Dans ce contexte, il nous paraît tout à fait souhaitable que soient prises en compte les attentes de la profession grâce à l'adoption de cet amendement, dont l'objet est d'insérer dans l'article L. 32 du code des postes et des communications électroniques une définition de la profession d'installateur intégrateur de télécommunications. Cela permettra de connaître le rôle de chacun !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson , rapporteur. Cet amendement pose un problème qui ne peut malheureusement pas être réglé de la manière proposée. En effet, l'activité d'installateur intégrateur consiste à mettre en place un réseau indépendant en intégrant différents réseaux de communications électroniques, à en assurer la maintenance et à garantir le fonctionnement des services qui y sont développés. Il s'agit donc d'une activité concurrentielle classique qui n'a pas à relever du droit sectoriel des communications électroniques.

Telle est la raison pour laquelle la commission a souhaité, mon cher collègue, que vous puissiez retirer votre amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement émet le même avis que la commission et souhaite que l'amendement soit retiré. A défaut, il émettra un avis défavorable, et ce pour trois raisons.

D'abord, la profession n'est réglementée par aucune disposition du code. La définition n'a donc en principe aucune utilité.

Ensuite, cette définition, telle qu'elle est proposée dans cet amendement, introduit une confusion avec l'activité des opérateurs proprement dits en indiquant que l'installateur intégrateur assure le fonctionnement des services développés sur un réseau alors que cela relève, en fait, de la responsabilité de l'exploitant du réseau.

Enfin, la référence à un décret en Conseil d'Etat pour définir les conditions d'exercice est contradictoire avec l'affirmation selon laquelle cette profession s'exerce librement.

Pour toutes ces raisons, il me paraît souhaitable de rédiger différemment cet amendement même si, j'en conviens, le problème est réel.

M. le président. Monsieur Nogrix, quels sont les sentiments que vous inspirent ces deux avis ?

M. Philippe Nogrix. Ils sont très clairs : je ne comprends ni l'un ni l'autre (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC) et je n'admets ni l'un ni l'autre, pour des raisons simples.

Premièrement, si Cofratel n'avait pas été intégrée à France Télécom, l'ensemble de vos propos pourraient être acceptables. Mais le Gouvernement a laissé France Télécom absorber Cofratel et, aujourd'hui, France Télécom confond les rôles et est en train de tuer une profession qui existait jusqu'à l'absorption de Cofratel. Le problème n'est donc absolument pas réglé. Au contraire, il se pose avec une plus grande acuité.

Deuxièmement, la profession ne serait pas réglementée. C'est justement l'objet de mon amendement ! Affirmer que la profession n'est pas réglementée, c'est estimer que mon amendement n'a aucun sens. Or j'estime qu'il en a.

Troisièmement, vous dites qu'il y a confusion entre l'opérateur et l'exploitant de réseau. Certes ! France Télécom estime qu'il a seul la capacité d'agir et qu'il ne faut pas laisser faire les indépendants. C'est ce qu'on appelle un monopole technologique, sur lequel on s'appuie pour devenir un monopole commercial. Nous y sommes tous ici opposés.

Quatrièmement, si j'ai demandé que les conditions soient définies par un décret en Conseil d'Etat, c'est pour que le sujet soit examiné en connaissance de cause par des personnes capables de déterminer la part de la concurrence et celle de la technologie.

Par conséquent, je ne retire pas mon amendement. Je souhaite, au contraire, que le Sénat se prononce sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson, rapporteur.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. J'insiste auprès de notre collègue Philippe Nogrix pour qu'il retire son amendement.

En effet, il s'agit, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, d'une activité de concurrence classique. Dès lors qu'il y a situation dominante ou qu'il peut y avoir un dysfonctionnement concurrentiel, il faut saisir le Conseil de la concurrence, qui est compétent pour régler le problème. Il n'est pas nécessaire de légiférer ni de prévoir un décret en Conseil d'Etat ; le Conseil de la concurrence doit exercer normalement son activité et son action. Si le problème tel que vous l'avez présenté existe - ce que nous croyons -, le Conseil de la concurrence aurait pu être saisi pour régler la difficulté.

M. le président. La parole est à M. Jean Pépin, pour explication de vote.

M. Jean Pépin. J'avoue que j'aurais une certaine difficulté à voter de façon abrupte pour ou contre cet amendement.

En effet, le problème qui est posé me semble bien réel, et nous ne savons pas y répondre aujourd'hui. Personnellement, je m'abstiendrai donc sur cet amendement, quitte à ce qu'il soit redéposé dans un autre contexte.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 114.

M. Ivan Renar. Le groupe CRC s'abstient.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 282, présenté par M. Trégouët, est ainsi libellé :

Remplacer le second alinéa du texte proposé par le 9° de cet article pour le 8° de l'article L. 32 du code des postes et télécommunications par neuf alinéas ainsi rédigés :

« On entend par accès la mise à la disposition d'un autre opérateur, dans des conditions bien définies et de manière exclusive ou non exclusive, de ressources et/ou de services en vue de la fourniture de services de communications électroniques. Cela couvre notamment :

« - accès à des éléments de réseaux et à des ressources associées et éventuellement la connexion des équipements par des moyens fixes ou non (cela inclut en particulier l'accès à la boucle locale ainsi qu'aux ressources et services nécessaires à la fourniture de services via la boucle locale) ;

« - l'accès à l'infrastructure physique, y compris les bâtiments, gaines et pylônes ;

« - l'accès aux systèmes logiciels pertinents, avec notamment les systèmes d'assistance à l'exploitation ;

« - l'accès à la conversion du numéro d'appel ou à des systèmes offrant des fonctionnalités équivalentes ;

« - l'accès aux réseaux fixes et mobiles, notamment pour l'itinérance ;

« - l'accès aux systèmes d'accès conditionnel pour les services de télévision numérique ;

« - l'accès aux services de réseaux virtuels ;

« Ne sont pas visés par le présent code les systèmes d'accès sous condition et les services techniques permettant la réception des services de communication audiovisuelle tels que définis et réglementés par la loi n° 861067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. » ;

La parole est à M. René Trégouët.

M. René Trégouët. Je souhaiterais que le texte que nous allons adopter soit le plus proche possible des définitions qui sont données dans la directive « Accès » du 7 mars 2002. En effet, la définition fournie par le 8° de l'article 2 du projet de loi est plus limitée que celle de la directive et, de ce fait, elle ne répond que partiellement à l'objectif de ladite directive. Or un écart par rapport aux définitions de cette dernière pourrait être source d'insécurité juridique. Il pourrait y avoir différentes interprétations, des incertitudes, des contestations.

Dans un souci de clarté et de prévisibilité du cadre réglementaire des communications électroniques, il convient de reprendre fidèlement la définition communautaire, comme le prévoit le présent amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson , rapporteur. A écouter M. Trégouët, on peut croire que la définition de l'accès retenue à l'article 2 du projet de loi est une synthèse de celle qui figure à l'article 2 A de la directive « Accès ».

Mais tous les cas d'accès énumérés explicitement dans le texte communautaire ne le sont pas dans le texte de transposition en droit national.  Il s'agit d'un parti pris qui relève de traditions juridiques différentes, notre droit utilisant les définitions pour fixer des principes, alors que le droit communautaire a une pratique très analytique des définitions.

La définition synthétique qui figure à l'article 2 du projet de loi me paraît satisfaisante dans la mesure où elle est conforme à l'esprit de la définition communautaire et à notre tradition juridique.

Pour rassurer l'auteur de cet amendement, je soulignerai qu'en tout état de cause l'interprétation de la définition nationale que nous allons retenir pour l'accès sera faite par le juge à la lumière des textes communautaires. Il n'y a donc pas d'incertitude juridique à craindre en la matière.

C'est la raison pour laquelle, mon cher collègue, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je partage l'avis de la commission, même si je trouve très louable le souci de M. Trégouët.

En effet, l'idée de s'en tenir au plus près de la directive et de la recopier, si elle part d'une bonne intention, peut aussi avoir des effets pervers En l'occurrence, l'emploi du mot « ressources » est source d'ambiguïté, puisque, dans la suite du projet de loi, ce mot est utilisé pour désigner ce que l'on appelle parfois les ressources rares, c'est-à-dire la numérotation et les fréquences.

Par conséquent, recopier purement et simplement la directive, c'est ne pas toujours utiliser - je le dis en ayant le plus grand respect pour la Commission - un français exemplaire ; ce n'est en tout cas pas le français de l'homme dont la statue veille sur nous en ce moment même, je veux parler de Portalis, qui veillait avec obsession à ne pas employer l'adverbe « notamment ». (Sourires .) .

M. Ivan Renar. Il n'avait pas de portables, non plus ! (Nouveaux sourires .)

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. En effet, cet adverbe dénote une faiblesse du rédacteur qui, n'ayant pas su dans sa définition faire tenir l'essentiel, est obligé de procéder par analogie. Ce faisant, il ne cite que quelques exemples, mais il pourrait y en avoir beaucoup d'autres qui, n'étant pas mentionnés, peuvent paraître d'une importance moindre, ce qui crée pour le juge une vraie difficulté.

C'est la raison pour laquelle je vous demande, monsieur Trégouët, de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. L'amendement n° 282 est-il maintenu, monsieur Trégouët ?

M. René Trégouët. Après avoir écouté avec attention l'argumentation de M. le ministre, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 282 est retiré.

L'amendement n° 3, présenté par MM. Hérisson et  Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du second alinéa du texte proposé par le 10° de cet article pour le 9° de l'article L. 32 du code des postes et télécommunications, après les mots :

la liaison physique et logique des réseaux ouverts au public

insérer le mot :

exploités

La parole est à M. Pierre Hérisson, rapporteur.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par MM. Hérisson et  Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Rédiger le premier alinéa du 12° de cet article comme suit :

La seconde phrase du second alinéa du 10° est ainsi rédigée

La parole est à M. Pierre Hérisson, rapporteur.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par MM. Hérisson et  Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa du texte proposé par le 15° de cet article pour le 16° de l'article L. 32 du code des postes et télécommunications, après les mots :

toutes les données traitées en vue de l'acheminement d'une communication par un réseau de communications électroniques ou

insérer les mots :

en vue

La parole est à M. Pierre Hérisson, rapporteur.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

Art. 2
Dossier législatif : projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle
Art. 4

Article 3

L'article L. 32-1 du même code est ainsi modifié :

1° Au 1° du I, les mots : « autorisations et » sont supprimés et les mots : « , qui sont délivrées ou vérifiées dans des conditions objectives, transparentes, non discriminatoires et proportionnées aux objectifs poursuivis » sont remplacés par les mots : « et sous réserve, le cas échéant, des autorisations prévues au titre II et par la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée » ;

2° A la deuxième phrase du 3° du I, les mots : « dans les conditions prévues au chapitre IV » sont supprimés ;

2° bis  Le premier alinéa du II est ainsi rédigé :

« Dans le cadre de leurs attributions respectives, le ministre chargé des télécommunications et l'Autorité de régulation des télécommunications prennent, dans des conditions objectives et transparentes, des mesures raisonnables et proportionnées aux objectifs poursuivis et veillent : » ;

3° Au 3° du II, après les mots : « l'emploi, » sont insérés les mots : « de l'investissement efficace dans les infrastructures, » ;

4° Le 5° du II est complété par les mots : « , ainsi que de la protection des données à caractère personnel » ;

4° bis  Dans le 6° du II, après le mot : « télécommunications, », sont insérés les mots : « de l'ordre public et » ;

5° Au 7° du II, après le mot : « utilisateurs », sont insérés les mots : « , notamment handicapés, » ;

6° Le II est complété par les 9° à 14° ainsi rédigés :

« 9° A l'absence de discrimination, dans des circonstances analogues, dans le traitement des opérateurs ;

« 10° A la mise en place et au développement de réseaux et de services et à l'interopérabilité des services au niveau européen ;

« 11° A l'utilisation et à la gestion efficaces des fréquences radioélectriques et des ressources de numérotation ;

« 12° A un niveau élevé de protection des consommateurs, grâce notamment à la publicité des tarifs ;

« 13° Au respect de la plus grande neutralité possible, d'un point de vue technologique, des mesures qu'ils prennent ;

« 14° A l'intégrité et la sécurité des réseaux de communications électroniques ouverts au public. » ;

7° Il est complété par un III ainsi rédigé :

« III. - Lorsque, dans le cadre des dispositions du présent code, le ministre chargé des communications électroniques et l'Autorité de régulation des télécommunications envisagent d'adopter des mesures ayant une incidence importante sur un marché, ils rendent publiques les mesures envisagées dans un délai raisonnable avant leur adoption et recueillent les observations qui sont faites à leur sujet. Le résultat de ces consultations est rendu public, sous réserve des secrets protégés par la loi.

« L'autorité met en place un service permettant de prendre connaissance des consultations prévues par l'alinéa précédent. »

M. le président. L'amendement n° 281 rectifié, présenté par M. Trégouët, est ainsi libellé :

Avant le 2° bis de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après la deuxième phrase du troisième alinéa du I, i1 est inséré une phrase ainsi rédigée :

« L'autorité intervient en toute indépendance. »

La parole est à M. René Trégouët.

M. René Trégouët. L'Assemblée nationale a conforté les pouvoirs de l'ART, mais elle a aussi adopté plusieurs dispositions afin de renforcer le contrôle sur cette autorité. Or il convient que ces dispositions ne portent pas atteinte à l'indépendance de l'ART voulue par la directive «  Cadre » et les accords de l'OMC sur les services de base.

Aussi le présent amendement vise-t-il à rappeler clairement l'indépendance de l'autorité.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson , rapporteur. Il va sans dire que l'ART, qui est une autorité administrative, intervient en toute indépendance, mon cher collègue !

En outre, à l'article 14 du présent texte, des dispositions sont prises afin de garantir l'indépendance des membres de l'autorité.

Cet amendement nous paraît donc superfétatoire et la commission s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée, mais elle souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. L'article L.32-1 du code des postes et télécommunications prévoit déjà très clairement que la régulation est indépendante de l'exploitation des réseaux et de la fourniture des services de communications électroniques, ce qui est notre seule obligation à l'égard tant des directives européennes que de l'OMC.

Les dispositions concernant la nomination des membres de l'ART et son fonctionnement garantissent son indépendance à l'égard du pouvoir politique, mais l'ART n'a pas à être indépendante dans l'absolu - cela n'aurait d'ailleurs aucun sens.

De plus, le contrôle plus poussé du Parlement sur l'ART est justifié par l'accroissement des prérogatives de cette autorité. Dès lors qu'elles montent en puissance, le contrôle du Parlement doit lui-même s'accentuer, mais les modalités retenues ne remettent pas en cause l'indépendance de l'ART.

C'est la raison pour laquelle il me semble que cet amendement est non seulement superflu, monsieur Trégouët, mais qu'il serait de nature à créer une véritable difficulté. Je vous serais donc reconnaissant de bien vouloir le retirer.

M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Trégouët ?

M. René Trégouët. Cet amendement avait comme seule finalité d'affirmer avec force que l'ART est indépendante. Vous venez de le faire devant nous, monsieur le ministre, et cela figurera au Journal officiel.

Je retire donc mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 281 rectifié est retiré.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 6 est présenté par MM. Hérisson et  Sido, au nom de la commission des affaires économiques.

L'amendement n° 289 est présenté par M. Trégouët.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans le texte proposé par le 2° bis de cet article pour le premier alinéa du II de l'article L. 32-1 du code des postes et télécommunications, remplacer les mots :

le ministre chargé des télécommunications

par les mots :

le ministre chargé des communications électroniques

La parole est à M. Pierre Hérisson, rapporteur, pour défendre l'amendement n° 6.

M. Pierre Hérisson , rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.

M. Daniel Raoul. C'est un amendement fondamental !

M. le président. La parole est à M. René Trégouët, pour présenter l'amendement n° 289.

M. René Trégouët. Je n'ai rien à ajouter à ce que vient de dire M. le rapporteur.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement est favorable à ces deux amendements.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6 et 289.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 115, présenté par M. Nogrix et les membres du groupe de l'Union Centriste, est ainsi libellé :

Après le cinquième alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

... ° Le 2° du II de l'article 32-1 est ainsi rédigé :

« 2° A l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau, les fournisseurs de services de télécommunications et les Installateurs de télécommunications ; »

La parole est à M. Philippe Nogrix.

M. Philippe Nogrix. Cet amendement a pour objet de permettre à l'ART d'exercer un contrôle sur les relations entre exploitants de réseaux, fournisseurs de services et installateurs intégrateurs de télécommunications, alors que les barrières entre ces différents métiers tendent à s'estomper, engendrant ainsi des risques importants en termes de concurrence entre de petites sociétés indépendantes et des opérateurs de taille nationale.

Je vous rappelle que ce sont les PME qui font vivre la France et non pas les grandes entreprises. Il est donc de notre devoir de les protéger et de leur permettre d'exercer leur métier.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson , rapporteur. Pour les mêmes raisons que celles qui ont été évoquées pour l'amendement n° 114, il n'est pas utile d'intégrer dans les objectifs de la régulation la recherche d'une concurrence loyale entre opérateurs de télécommunications et installateurs intégrateurs.

J'ajoute - c'est là, à mon avis, le plus important - que nous sommes tenus, dans la rédaction du nouvel article L.32-1, qui fixe les objectifs de la régulation, de respecter l'article 8 de la directive « Cadre » et que cet article ne prévoit rien de tel. Si des installateurs intégrateurs jugent déloyales ou non effectives les conditions de la concurrence dans lesquelles ils exercent leur métier, il leur revient, comme je l'ai dit tout à l'heure, de saisir le Conseil de la concurrence, dont les compétences permettront naturellement de sanctionner tout comportement constituant un abus de position dominante.

C'est la raison pour laquelle je vous demande, monsieur Nogrix, de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Revoilà donc ces fameux installateurs intégrateurs !

Je voudrais dire à M. Nogrix que l'ART n'a de compétence que pour contrôler le respect des règles édictées par le code et assorties de sanctions. Or le code ne comporte aucune disposition concernant les installateurs intégrateurs. De plus, les problèmes de concurrence entre installateurs intégrateurs et opérateurs relèvent non pas de la régulation des télécommunications mais de l'action normale du Conseil de la concurrence, comme M. le rapporteur vient de le souligner.

En outre, la principale organisation représentative de la profession, la FICOM, a pris acte de cette situation et a récemment saisi pour avis le Conseil de la concurrence afin que soient, selon ses propres termes, clarifiées les conditions d'une libre et saine concurrence et, de ce point de vue, vous devriez, monsieur Nogrix, obtenir satisfaction.

Je crois donc que cet amendement peut sans dommage être retiré.

M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Nogrix ?

M. Philippe Nogrix. Décidément, nous avons beaucoup de mal à nous comprendre !

Personnellement, j'ai l'impression d'être législateur,...

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Vous l'êtes !

M. Philippe Nogrix. ...ce qui veut dire que je participe avec vous tous, mes chers collègues, à l'élaboration de la loi et, si possible, à son enrichissement Or j'ai l'impression que, selon le Gouvernement et la commission, il appartient finalement aux opérateurs de présenter des réclamations auprès du Conseil de la concurrence et des prix.

Telle n'est pas ma conception. Très sincèrement, je considère qu'il est de notre responsabilité d'établir les véritables règles de la concurrence ou de la non-concurrence. Je ne vois donc pas pourquoi vous semblez ne pas vouloir comprendre l'objet des deux amendements que j'ai déposés.

Je sais, pour avoir étudié le texte qui nous est proposé, que nous devons respecter un certain équilibre entre les rôles respectifs de l'ART, du CSA et du Conseil de la concurrence.

Pour sa part, le groupe de l'Union centriste tente de détecter toute anomalie. Or il semble qu'il n'ait pas été tenu compte, dans les réflexions et du Gouvernement et de la commission, du fait que Cofratel a été complètement intégrée par France Télécom et qu'a véritablement été donné à France Télécom et à sa filiale Cofratel un monopole d'installation, puisque celle-ci disposera de l'ensemble du fichier des clients qui se seront adressés aux petites entreprises. Pourquoi, nous, législateur, devrions-nous attendre que le Conseil de la concurrence soit saisi et que la FICOM décide ?

Certes, je respecte la FICOM, mais je considère que le législateur doit aussi être respecté et que c'est à lui d'écrire la loi.

La loi de 1986 de M. Léotard a été modifiée à de multiples reprises Faisons en sorte que la nôtre, celle dont nous discutons aujourd'hui, ne soit modifiée qu'un minimum de fois. Essayons de comprendre le paysage actuel et comment nous devons intervenir à l'intérieur de ce paysage pour éviter de commettre des erreurs.

C'est la raison pour laquelle je maintiens mon amendement.

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.

M. Ivan Renar. Le groupe communiste républicain et citoyen votera cet amendement pour venir au secours de M. Nogrix, qui lutte courageusement contre les effets du marché. Nous allons l'aider à faire en sorte que les intégrateurs ne se fassent pas « désintégrer » par le marché, qui n'a ni conscience ni miséricorde, comme je le rappelais tout à l'heure.

M. le président. La parole est à M. Jean Pépin, pour explication de vote.

M. Jean Pépin. Je crois vraiment que nous sommes en train d'évoquer le coeur du problème que nous souhaitions traiter la semaine dernière !

Nous savons que France Télécom, avec près de 50 milliards d'euros de dettes, a beaucoup de mal à faire face à tout. Mais cette entreprise dispose d'un nombre suffisant d'agents pour pouvoir contrarier l'innovation des petites entreprises sur le terrain.

Si nous voulons assassiner ces petites entreprises, faisons-le ! Mais rendons à France Télécom son autonomie, ainsi que l'exclusivité de tout ce qui doit se passer dans ce secteur.

Nous sommes en pleine contradiction avec le projet de loi que nous avons examiné la semaine dernière. Nous avons souhaité que France Télécom puisse exercer son métier, se refaire une santé et se développer. Nous redoutions cependant - je me permets de le rappeler - que notre pays ne prenne du retard. En effet, l'opérateur historique n'a pas les moyens d'entrer dans la compétition du très haut débit. Il propose, et je comprends sa stratégie, l'ADSL, qui est un pis-aller car, dans cinq ans ou huit ans, cette technologie sera dépassée.

Allons-nous asphyxier le génie, sur le terrain, des petits entrepreneurs qui peuvent développer leur activité, en voulant que France Télécom conserve son monopole ?

Soit nous optons pour le monopole de France Télécom et de quelques autres grandes entreprises - disons-le tout de suite, et cela nous épargnera la discussion d'un certain nombre d'amendements -, soit nous sommes logiques avec ce que nous avons souhaité démontrer la semaine dernière.

M. le président. La parole est à M. Philippe Richert, pour explication de vote.

M. Philippe Richert. J'éprouvais déjà un certain malaise tout à l'heure, lorsque nous avons examiné l'amendement n° 114 de M. Nogrix.

En l'occurrence, les explications de M. le ministre et de M. le rapporteur me semblent un peu courtes et j'avoue que les arguments invoqués à propos de la nécessité de donner des garanties aux petites entreprises qui possèdent la technicité nécessaire et qui se sont engagées dans cette voie me paraissent tout à fait convaincants.

Bien sûr, il est possible de saisir le Conseil de la concurrence, mais je crois qu'il faut donner aux petites entreprises la chance d'accéder à certaines garanties, afin d'éviter que les moyens dont elles disposent ne soient par trop disparates par rapport à ceux de France Télécom.

J'ai été quelque peu rasséréné tout à l'heure par les propos de M. le ministre, puisqu'il indiquait que cette saisine permettrait d'obtenir des garanties.

Cependant, et même si l'urgence a été déclarée sur ce projet de loi, il sera toujours possible, le cas échéant en commission mixte paritaire, de discuter de nouveau de cet amendement pour être sûr de ne pas laisser passer l'occasion de mettre en place une protection nécessaire.

Je ne crois pas qu'un tel dispositif soit en contradiction avec la transposition des directives européennes !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Je voudrais simplement rappeler l'esprit du texte.

Le Gouvernement ne souhaite pas supprimer les contrôles de l'ART et du Conseil de la concurrence. Il s'agit simplement ici de désigner l'un de ces organismes. En l'occurrence, ce contrôle relève du Conseil de la concurrence. Pourquoi voulez-vous absolument qu'il incombe également à l'ART, qui n'a pas les moyens - on vous l'a expliqué tout à l'heure - de l'exercer ?

Toute la philosophie de ces deux projets de loi est de clarifier les compétences du CSA, de l'ART et du Conseil de la concurrence. Or vous êtes en train de vouloir organiser des chevauchements qui sont sources de confusion.

J'ajoute que, tout à l'heure, le Sénat n'a pas voulu définir la catégorie des installateurs intégrateurs. Et maintenant, il voudrait leur donner des droits ! Cela manque de cohérence ! (M. Philippe Richert proteste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson, rapporteur.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Il est dommage que nous n'ayons pas pu avoir une discussion plus approfondie en commission sur ce sujet. Je suis en effet persuadé que si tous ceux qui souhaitent voter cet amendement avaient pu participer au débat en commission, nous n'en serions pas là ce soir.

Compte tenu de l'avis qui a été donné par la commission des affaires économiques - je rappelle qu'il n'existe pas de définition juridique des installateurs intégrateurs - et après avoir écouté les arguments tout à fait intéressants qui ont été avancés, je pense que nous ne pouvons pas aller dans le sens d'une confusion des rôles du CSA, de l'ART et du Conseil de la concurrence.

S'agissant du droit de la concurrence classique, le Conseil national de la concurrence est totalement compétent pour régler ce type de problèmes. Ne compliquons pas les choses à souhait, ne créons pas de confusion, même si nous voulons tous protéger les petites entreprises en leur donnant plus de garanties ! Or je crois que le dispositif prévu par cet amendement ne ferait qu'apporter un peu plus de confusion, sans améliorer la protection et la sécurité des petites entreprises.

M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix.

M. Philippe Nogrix. Les arguments de M. le ministre et de M. le rapporteur m'ont permis de réfléchir et je vais leur accorder ma confiance.

Croyez bien cependant que nous suivrons avec beaucoup d'intérêt ce qui se passera au niveau du Conseil de la concurrence !

Par ailleurs, nous aurons l'occasion, à un moment ou à un autre, de revenir sur ce sujet. En effet, ce n'est pas parce qu'une discussion a eu lieu en commission qu'il faut que nous soyons tous d'accord dans l'hémicycle ! Le débat en séance est fait pour discuter : le rapporteur rapporte et les sénateurs s'expliquent.

Pour ces raisons, je retire l'amendement n° 115.

M. le président. L'amendement n° 115 est retiré.

L'amendement n° 283, présenté par M. Trégouët, est ainsi libellé :

Après le mot :

développement,

rédiger comme suit la fin du deuxième alinéa (10°) du texte proposé par le 6° de cet article pour compléter l'article L. 321 du code des postes et télécommunications :

de réseaux transeuropéens et de l'interopérabilité des services paneuropéens et de la connectivité de bout en bout

La parole est à M. René Trégouët.

M. René Trégouët. Je souhaite expliquer la position qui sous-tend les quatre amendements que j'ai déposés sur l'article 3.

L'article 8 de la directive « Cadre » 2002/21/CE du 7 mars 2002 apparaît comme une véritable charte à laquelle les régulateurs nationaux devront impérativement se référer afin de fonder juridiquement chacune de leurs décisions en matière de régulation des communications électroniques.

Or, malgré les travaux d'amélioration effectués par l'Assemblée nationale, qui a intégré certains principes, la liste des principes et des objectifs de l'article L. 32-1 du code des postes et communications électroniques, tel que modifié par l'article 3 du projet de loi, n'est pas encore complètement cohérente avec l'article 8 de la directive « Cadre », ce qui ne manquera pas d'engendrer des litiges.

Le principe de la coopération du ministre chargé des communications électroniques et de l'ART avec les autorités réglementaires nationales des autres pays membres de l'Union européenne et de leur coopération avec la Commission européenne n'a pas été repris dans le projet de loi. D'autres principes tels que la « fourniture d'informations claires » sont imparfaitement traduits dans le projet de loi, et l'obligation de « contribuer au développement du marché intérieur » n'est pas clairement énoncée.

Le présent amendement corrige ou précise la rédaction de deux principes, qui concernent l'interopérabilité et la connectivité. Dans un souci de clarté et de prévisibilité du cadre réglementaire des communications électroniques et pour éviter toute insécurité juridique, tous les principes mentionnés à l'article 8 de la directive « Cadre » doivent être repris fidèlement à l'article L.32-1 du code des postes et communications électroniques, comme le proposent le présent amendement et les amendements n°s 284, 285 et 286.

Je sais bien que M. le rapporteur va me dire que je suis trop analytique. Malgré tout, je pense que, à un certain moment, devant la technicité de ces textes, il faut parfois être très précis.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson , rapporteur. Monsieur Trégouët, je ne pense pas que votre amendement soit trop « analytique ». Je le considère même comme irréprochable puisque parfaitement conforme à la directive.

Toutefois, il n'apporte pas une précision véritablement utile. En outre, il conduirait à intégrer dans notre législation une terminologie communautaire - je pense aux mots « paneuropéen » et « connectivité » -, à laquelle nous sommes spontanément rétifs. (Sourires .)

La commission s'en remet donc à la sagesse du Sénat et souhaite entendre l'avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Monsieur Trégouët, sur le fond, je suis plutôt d'accord avec vous.

Sur la forme, je suis horrifié : « la connectivité de bout en bout » va entrer dans le droit français ! Que Portalis veuille bien nous pardonner ! (Sourires .)

Le Gouvernement s'en remet lui aussi à la sagesse du Sénat.

M. le président. Monsieur Trégouët, l'amendement est-il maintenu ?

M. René Trégouët. Je ne voudrais pas fâcher ce grand homme, qui nous écoute et qui considère sans doute que je parle mal le français. Il est d'ailleurs dommage que cette langue soit si mal parlée en Europe !

Quoi qu'il en soit, je retire cet amendement, en pensant tout de même qu'il était nécessaire de préciser ce point.

M. le président. L'amendement n° 283 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 144 rectifié, présenté par MM. Trémel et  Raoul, Mme Pourtaud, M. Weber et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le 12° du texte proposé par le 6°de cet article pour le 9° de l'article L. 321 du code des postes et télécommunications:

« 12° A un niveau élevé de protection des consommateurs, notamment grâce à l'existence de procédures simples de règlement des litiges mises en oeuvre par un organisme indépendant des parties concernées et à la fourniture d'informations claires et transparentes sur les tarifs et les conditions d'utilisation des services de communications électroniques ;

La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.

M. Pierre-Yvon Trémel. L'article 3 définit les principes et les objectifs de la régulation. Il est fortement inspiré par l'article 8 de la directive « Cadre », dont on vient de dire grand bien.

S'agissant de la protection des consommateurs, la rédaction retenue par le projet de loi ne reprend pas l'ensemble des dispositions prévues par la directive européenne.

Il me paraît intéressant de rappeler le texte de l'article 8 de la directive « Cadre » :

« Les autorités réglementaires nationales soutiennent les intérêts des citoyens de l'Union », notamment - c'est le point b - « en assurant un niveau élevé de protection des consommateurs dans leurs relations avec les fournisseurs, en particulier en garantissant l'existence de procédures de règlement des litiges simples et peu coûteuses, mises en oeuvre par un organisme indépendant des parties concernées » et - c'est le point d , que notre éminent collègue M. Trégouët connaît bien - « en encourageant la fourniture d'informations claires, notamment en exigeant la transparence des tarifs et des conditions d'utilisation des services de communications électroniques ».

La rédaction proposée par l'article 3 du projet de loi ne met l'accent que sur la publicité des tarifs, ce qui nous paraît insuffisant : en matière de tarifs, les consommateurs réclament avant tout de la transparence et de la clarté, toutes les enquêtes d'opinion le montrent et le débat sur la tarification à la seconde que nous avons eu la semaine dernière l'illustre parfaitement.

Cet amendement vise à rendre la rédaction de l'article 3 conforme au texte européen. Nous demandons donc que les autorités réglementaires nationales veillent à ce que les informations données soient claires et transparentes, qu'il s'agisse des tarifs ou des conditions d'utilisation des services.

Nous demandons également la mise en place d'un organisme indépendant des parties pour régler les litiges. La multiplicité des opérateurs risque en effet d'augmenter le nombre des conflits, qui sont d'ores et déjà nombreux. Nous aurons l'occasion d'évoquer de nouveau cet organisme indépendant à l'occasion de l'examen d'un autre article.

M. le président. L'amendement n° 284, présenté par M. Trégouët, est ainsi libellé :

Dans le quatrième alinéa (12°) du texte proposé par le 6° de cet article pour compléter l'article L. 321 du code des postes et télécommunications, remplacer les mots :

la publicité des tarifs

par les mots :

la fourniture d'informations claires, notamment par la transparence des tarifs et des conditions d'utilisation des services de communications électroniques accessibles au public

La parole est à M. René Trégouët.

M. René Trégouët. Cet amendement a été défendu.

Mais il comporte l'adverbe « notamment ». Je crains donc fort qu'il ne puisse pas aller très loin ! (M. Paul Blanc rit.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson , rapporteur. L'amendement n° 284 apporte une précision en imposant aux régulateurs de veiller à la publicité des tarifs. Fidèle à la directive européenne, il insiste sur la clarté des informations fournies et sur la transparence des tarifs et des conditions d'utilisation des services de communications électroniques.

On ne peut que souscrire à de tels principes, particulièrement dans un secteur où les offres commerciales sont particulièrement difficiles à comparer.

Toutefois, une telle précision nuirait peut-être à la lisibilité de la loi en alourdissant la rédaction de ce 12°.

C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis de sagesse.

En ce qui concerne l'amendement n° 144 rectifié, il est vrai que la rédaction imposant à l'autorité de régulation d'assurer un niveau élevé de protection des consommateurs ne reprend pas intégralement la prose communautaire de l'article 8 de la directive « Cadre ». Mais le caractère synthétique du présent texte favorise la lisibilité de la loi.

En outre, la rédaction proposée par les membres du groupe socialiste présente une ambiguïté : elle donne à penser que des procédures spécifiques de règlement des litiges doivent être mises en place pour les litiges simples, alors que l'adjectif « simples » utilisé dans la directive qualifie non pas les litiges, mais les procédures.

M. Pierre-Yvon Trémel. L'amendement a été rectifié, monsieur le rapporteur !

M. Pierre Hérisson , rapporteur. Il n'y a donc pas lieu de prévoir un organisme spécifique pour régler les litiges simples.

C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. Daniel Raoul. Il faut lire l'amendement rectifié !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 284 de M. Trégouët, malgré l'utilisation de l'adverbe « notamment ».

En revanche, il est défavorable à l'amendement n° 144 rectifié, pour les raisons indiquées par la commission.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote sur l'amendement n° 144 rectifié.

Mme Marie-France Beaufils. Aujourd'hui, on nous présente toujours les dispositions mises en place comme étant un « plus » pour les consommateurs en leur permettant de réduire leur facture. Or on ne compare jamais correctement les propositions qui sont faites à ces consommateurs, c'est-à-dire que l'on confronte rarement les mêmes éléments, ce qui permettrait d'approcher la réalité des coûts.

La multiplication des litiges, qui sont d'ailleurs dénoncés aussi bien par les associations de consommateurs que par les organisations syndicales, témoigne de la non-perception de la réalité de ces tarifs.

La proposition présentée dans cet amendement me semble donc très importante. Sur le fond, cette protection est utile, car, à l'heure actuelle, on ne cherche pas à répondre aux besoins des consommateurs : on se soucie uniquement du marché.

S'il faut aujourd'hui protéger une petite entreprise qui s'installe, c'est tout simplement parce que l'on veut privatiser France Télécom. Sinon, nous ne serions pas obligés d'engager cette procédure. Nous aurions en effet une entreprise publique qui assumerait la totalité des compétences dans ce domaine.

On assiste à une régulation aux seules conditions du marché. Nous soutenons donc cet amendement n° 144 rectifié non pas parce que nous sommes d'accord avec le texte, mais pour protéger les consommateurs

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 144 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 284.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 285, présenté par M. Trégouët, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par le 6° de cet article pour compléter l'article L. 321 du code des postes et télécommunications par un alinéa ainsi rédigé :

« ... ° Au développement du marché intérieur, notamment, la suppression des derniers obstacles à la fourniture de réseaux de communications électroniques, de ressources et services associés et de services de communications électroniques au niveau européen. » ;

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson , rapporteur. Certes, u n tel objectif est conforme à la directive, puisqu'il tend à transposer le point 3 a de l'article 8 de la directive « Cadre ». Toutefois, la portée juridique exacte de cet objectif n'est pas claire. La rédaction proposée n'est pas limpide et la valeur ajoutée discutable. (Rires sur les travées de l'UMP.) On peut difficilement être plus direct dans l'avis qui est émis par la commission !

De toute façon, la simple adoption d'un cadre réglementaire s'imposant dans l'ensemble des pays membres de la Communauté répond à l'objectif de développement du marché intérieur. Cet objectif est donc satisfait de facto.

C'est la raison pour laquelle, mon cher collègue, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement a le même avis que la commission, d'autant que M. Trégouët récidive avec le terme « notamment ».

M. le président. Monsieur Trégouët, l'amendement est-il maintenu ?

M. René Trégouët. Le récidiviste retire à nouveau son amendement. (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° 285 est retiré.

L'amendement n° 286, présenté par M. Trégouët, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un 8° ainsi rédigé :

8° - Il est complété par un IV ainsi rédigé :

« IV - Le ministre chargé des communications électroniques et l'autorité de régulation des télécommunications coopèrent avec les autorités réglementaires nationales compétentes des autres Etats membres de l'Union européenne, ainsi qu'avec la Commission, de manière transparente, afin de veiller à l'élaboration de pratiques réglementaires cohérentes et à l'application cohérente des directives européennes que le présent code transpose. »

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson , rapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement.

Vous faites une injonction au Gouvernement, monsieur Trégouët. Cela m'étonne de quelqu'un d'aussi courtois que vous !

M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Trégouët ?

M. René Trégouët. Monsieur le ministre, je ne partage pas votre interprétation, mais je retire volontiers cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 286 est retiré.

Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Art. 3
Dossier législatif : projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle
Art. 5

Article 4

I. - L'article L. 32-2 du même code est abrogé.

II. - L'article L. 32-3 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 32-3.  - Les opérateurs, ainsi que les membres de leur personnel, sont tenus de respecter le secret des correspondances. »

III. - L'article L. 32-4 du même code est ainsi modifié :

1° A Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Le ministre chargé des télécommunications et l'Autorité de régulation des télécommunications peuvent, de manière proportionnée aux besoins liés à l'accomplissement de leurs missions, et sur la base d'une décision motivée : » ;

1° Au 1°, les mots : « par les textes législatifs ou réglementaires ou par l'autorisation qui leur a été délivrée » sont remplacés par les mots : « par le présent code ou par les textes pris pour son application » ;

2° Le 2° est ainsi rédigé :

« 2° Procéder auprès des mêmes personnes à des enquêtes.

« Ces enquêtes sont menées par des fonctionnaires et agents du ministère chargé des communications électroniques et de l'Autorité de régulation des télécommunications habilités à cet effet par le ministre chargé des communications électroniques et assermentés dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Elles donnent lieu à procès-verbal. Un double en est transmis dans les cinq jours aux personnes intéressées.

« Les fonctionnaires et agents mentionnés à l'alinéa précédent peuvent accéder aux locaux, terrains ou moyens de transport à usage professionnel utilisés par les personnes exploitant des réseaux de communications électroniques ou fournissant des services de communications électroniques, demander la communication de tous documents professionnels nécessaires et en prendre copie, enfin recueillir, sur convocation ou sur place, les renseignements et justifications nécessaires. Ils ne peuvent accéder à ces locaux qu'entre 8 heures et 20 heures ou pendant leurs heures d'ouverture au public. Ils ne peuvent pénétrer dans la partie des locaux servant de domicile aux intéressés, sauf autorisation du président du tribunal de grande instance ou du magistrat qu'il délègue à cette fin. » ;

3° Au dernier alinéa, les mots : « le président de » sont supprimés.

M. le président. L'amendement n° 7, présenté par MM. Hérisson et  Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Au début du texte proposé par le 1°A du III de cet article pour le premier alinéa de l'article L. 32-4 du code des postes et télécommunications, remplacer les mots :

Le ministre chargé des télécommunications

par les mots :

Le ministre chargé des communications électroniques

La parole est à M. Pierre Hérisson, rapporteur.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'article 1er .

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 8, présenté par MM. Hérisson et  Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par le 1°A du III de cet article pour le premier alinéa de l'article L. 32-4 du code des postes et télécommunications, remplacer le mot :

décision

par le mot :

demande

La parole est à M. Pierre Hérisson, rapporteur.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Cet amendement tend à préciser que le fondement justifiant la procédure d'enquête engagée par le ministre ou l'autorité de régulation est bien constitué par leur demande motivée et non par une décision de leur part. Il s'agit de garantir aux opérateurs qu'une telle procédure d'enquête ne pourra être entreprise que si le ministre ou l'autorité de régulation ont indiqué expressément les motifs justifiant leur demande d'information.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. L'article 4 renforce les pouvoirs d'enquête de l'ART et du ministre chargé des communications électroniques.

L'Assemblée nationale a souhaité que l'utilisation de ces pouvoirs reste raisonnable et elle a prévu que l'ART et le ministre devaient motiver leur décision d'y recourir.

Le remplacement du mot « décision » par le mot « demande » est donc, à mon sens, source de confusion. En effet, il s'agit non pas d'une décision unilatérale du régulateur, mais d'une demande d'information adressée aux opérateurs.

Il convient donc de préciser la procédure applicable selon le sort réservé par l'opérateur à cette demande, en particulier pour la mise en oeuvre des dispositions prévues au 2° de cet article.

C'est la raison pour laquelle je vous serais reconnaissant, monsieur le rapporteur, de bien vouloir retirer cet amendement.

M. le président. Monsieur le rapporteur, l'amendement est-il maintenu ?

M. Pierre Hérisson , rapporteur. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 8 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 113 est présenté par M. Nogrix et les membres du groupe de l'Union Centriste.

L'amendement n° 257 est présenté par M. Trégouët.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Remplacer la dernière phrase du dernier alinéa du texte proposé par le 2° du III de cet article pour le 2° de l'article L. 324 du code des postes et télécommunications par deux phrases ainsi rédigées :

Ils peuvent pénétrer dans  les locaux  sur autorisation judiciaire donnée par ordonnance du président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les locaux, ou d'un juge délégué par lui. La demande doit comporter tous les éléments d'information de nature à justifier l'accès aux locaux, lequel s'effectue sous l'autorité et le contrôle du juge qui l'a autorisé.

La parole est à M. Philippe Nogrix, pour défendre l'amendement n° 113.

M. Philippe Nogrix. Je suis content de constater que, de temps en temps, la commission s'incline, alors que, tout à l'heure, on nous disait qu'il fallait suivre la commission. C'était presque un péché mortel que d'aller contre la commission ! Mais je vois que cette dernière est souple et tolérante à l'égard du Gouvernement. C'est bien ainsi !

L'amendement n° 113 a pour objet d'encadrer le droit d'accès aux locaux à des fins d'enquêtes par les fonctionnaires et agents de l'Autorité de régulation des télécommunications.

Il est vrai que nous avons intérêt à ce les fonctionnaires et les agents de l'ART soient respectés. Mais nous sommes encore dans une démocratie et il faut peut-être encadrer leurs possibilités de pénétrer dans des locaux des opérateurs sans avoir recours à qui que ce soit !

Ce que vous nous proposez va largement au-delà de la directive « Cadre ». La direction générale de la concurrencer, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, devrait revenir sur cette possibilité, et vous aussi.

Le législateur se doit d'encadrer le mode d'intervention des fonctionnaires et agents de l'ART. Tel est l'objet de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. René Trégouët, pour présenter l'amendement n° 257.

M. René Trégouët. J'approuve ce que vient de dire M. Nogrix. Par cet amendement, j'ai simplement voulu aligner le droit sur les mesures qui sont prévues dans le cadre des pouvoirs d'enquête des agents de la DGCCRF.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson , rapporteur. L'encadrement des pouvoirs d'enquêtes dans les locaux des opérateurs que propose notre collègue Philippe Nogrix n'apparaît pas vraiment utile. Il faut bien garder à l'esprit que les pouvoirs d'enquêtes administratives ne se confondent pas avec les pouvoirs d'enquêtes qui sont liés à la recherche d'infractions pénales. Il y a un cloisonnement de nos institutions.

L'objet et les modalités de ces deux types d'enquêtes sont différents, tant pour le secteur postal que pour celui des communications électroniques. En effet, les pouvoirs d'enquêtes administratives sont définis aux articles L. 5-9 et L. 34-2 du code des postes et télécommunications, alors que les pouvoirs d'enquêtes pénales sont encadrés par les articles L. 20 et L. 40 du même code.

La distinction ainsi opérée met fin à une confusion actuelle regrettable, puisque l'article L. 32-4 en vigueur autorise aujourd'hui les fonctionnaires habilités à cet effet à procéder aux enquêtes «dans les conditions prévues à l'article L. 40 », c'est-à-dire sur autorisation judiciaire.

Cette protection, justifiée en matière de recherche d'infractions pénales, ne l'est pas s'agissant des enquêtes administratives. Sa suppression permettra de rendre plus opérationnel le pouvoir d'enquêtes administratives et d'en faire ainsi un outil de dissuasion efficace, ce qui facilitera l'application des décisions de l'ART par les opérateurs.

C'est la raison pour laquelle je souhaite, mon cher collègue, que vous retiriez votre amendement.

Je formule la même demande auprès de M. Trégouët.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Tout à l'heure, M. Nogrix a souligné le fait que la commission s'était inclinée. Dans un débat très technique, où chacun apporte sa contribution, il peut arriver à tout le monde, y compris au Gouvernement, de s'incliner ! Par conséquent, ne faisons pas preuve d'un orgueil inutile dans ce domaine.

Après les explications lumineuses qui ont été données par la commission, je crois que ces deux amendements identiques doivent être retirés, car il s'agit ici de la séparation des ordres juridiques. Le juge judiciaire a simplement compétence pour constater les infractions pénales. En l'occurrence, il s'agit non pas de constater des infractions pénales, mais simplement de vérifier la bonne conformité administrative de l'organisation : on n'encourt pas des poursuites pénales  pour avoir fait l'objet d'un contrôle par l'ART. Il est constitutionnel de séparer l'ordre administratif de l'ordre judiciaire.

M. le président. Monsieur Nogrix, l'amendement est-il maintenu ?

M. Philippe Nogrix. Je suis satisfait que les débats que nous avons actuellement permettent de clarifier certains jugements.

Cela étant, je retire mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 113 est retiré.

Monsieur Trégouët, l'amendement n° 257 est-il maintenu ?

M. René Trégouët. Je le retire également, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 257 est retiré.

Je mets aux voix l'article 4, modifié.

(L'article 4 est adopté.)

Art. 4
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Art. 6

Article 5

I. - La section 1 du chapitre II du titre Ier du livre II du même code est intitulée : « Réseaux et services ».

II. - L'article L. 33 du même code est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Les réseaux et services de communications électroniques sont établis, exploités ou fournis dans les conditions fixées par la présente section. » ;

2° Au 1°, les mots : « de l'article 21 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication » sont remplacés par les mots : « de l'article L. 41 » ;

3° Le 2° est ainsi rédigé :

« 2° Sous réserve des dispositions du IV de l'article L. 33-1, les installations utilisant des fréquences dont l'assignation est confiée au Conseil supérieur de l'audiovisuel, et dont l'objet exclusif est la diffusion de services de communication audiovisuelle. » - (Adopté.)

Art. 5
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Art. 7

Article 6

I. - L'article L. 33-1 du même code est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi rédigé :

« I. - L'établissement et l'exploitation des réseaux ouverts au public et la fourniture au public de services de communications électroniques sont libres sous réserve d'une déclaration préalable auprès de l'Autorité de régulation des télécommunications.

« Toutefois, la déclaration n'est pas exigée pour l'établissement et l'exploitation des réseaux internes ouverts au public et pour la fourniture au public de services de communications électroniques sur ces réseaux.

« La déclaration ne peut être faite par une personne qui a perdu, du fait d'un retrait ou d'une suspension prononcés en application de l'article L. 36-11, le droit d'établir et d'exploiter un réseau ouvert au public ou de fournir au public un service de communications électroniques ou par une personne qui a été condamnée à l'une des peines prévues par l'article L. 39.

« L'établissement et l'exploitation des réseaux ouverts au public et la fourniture au public de services de communications électroniques sont soumis au respect de règles portant sur :

« a) Les conditions de permanence, de qualité et de disponibilité du réseau et du service ;

« b) Les conditions de confidentialité et de neutralité au regard des messages transmis et des informations liées aux communications ;

« c) Les normes et spécifications du réseau et du service ;

« d) Les prescriptions exigées par la protection de la santé et de l'environnement et par les objectifs d'aménagement du territoire et d'urbanisme, comportant, le cas échéant, les conditions d'occupation du domaine public, les garanties financières ou techniques nécessaires à la bonne exécution des travaux d'infrastructures et les modalités de partage des infrastructures ;

« e) Les prescriptions exigées par l'ordre public, la défense nationale et la sécurité publique, notamment celles qui sont nécessaires à la mise en oeuvre des interceptions justifiées par les nécessités de la sécurité publique, ainsi que les garanties d'une juste rémunération des prestations assurées à ce titre ;

« f) L'acheminement gratuit des appels d'urgence. A ce titre, les opérateurs sont tenus d'assurer l'accès gratuit des services d'urgence à l'information relative à la localisation de l'équipement du terminal de l'utilisateur, dans la mesure où cette information est disponible ;

« g) Le financement du service universel et, le cas échéant, la fourniture du service universel et des services obligatoires, dans les conditions prévues aux articles L. 35-2 à L. 35-5 ;

« h) La fourniture des informations prévues à l'article L. 34 ;

« i) L'interconnexion et l'accès, dans les conditions prévues aux articles L. 34-8 et L. 38 ;

« j) Les conditions nécessaires pour assurer l'équivalence de traitement des opérateurs internationaux conformément aux dispositions du III du présent article ;

« k) Les conditions nécessaires pour assurer l'interopérabilité des services ;

« l) Les obligations qui s'imposent à l'exploitant pour permettre son contrôle par l'Autorité de régulation des télécommunications et celles qui sont nécessaires pour l'application de l'article L. 37-1 ;

« m) L'acquittement des taxes dues par l'exploitant pour couvrir les coûts administratifs occasionnés par la mise en oeuvre des dispositions du présent livre, dans les conditions prévues par les lois de finances ;

« n) L'information, notamment sur les conditions contractuelles de fourniture du service, et la protection des utilisateurs.

« Un décret fixe les modalités d'application du présent article, notamment le contenu du dossier de déclaration, et précise, en tant que de besoin, selon les différentes catégories de réseaux et de services, les règles mentionnées aux a à n . » ;

2° Au premier alinéa du II, le mot : « autorisée » est remplacé par le mot : « déclarée » ;

3° Le troisième alinéa du II et le III sont abrogés ;

4° Le IV devient le III ;

5° Au premier alinéa du III, les mots : « autorisés à acheminer » sont remplacés par le mot : « acheminant » et les mots : « d'interconnexion aux réseaux français et étrangers auxquels ils demandent accès » sont remplacés par les mots : « d'accès aux réseaux français et étrangers » ;

6° Au second alinéa du III, le mot : « autorisés » est remplacé par le mot : « déclarés », les mots : « et de l'article L. 34-1 » sont supprimés et, après les mots : « d'interconnexion », sont insérés les mots : « et d'accès » ;

7° Il est rétabli un IV ainsi rédigé :

« IV. - Les installations mentionnées au 2° de l'article L. 33 sont soumises à déclaration dans les conditions prévues aux trois premiers alinéas du I du présent article et doivent respecter les règles mentionnées aux i et l du I. » ;

8° Le V est abrogé.

II. - Dans les premier et deuxième alinéas de l'article L. 35-6 du même code, les mots : « autorisés en application des articles L. 33-1 et L. 34-1, sont déterminées par leur cahier des charges » sont remplacés par les mots : « sont déterminés par décret ».

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 202, présenté par Mme Beaufils, MM. Coquelle et  Le Cam, Mmes Didier,  Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Il s'agit d'un article clé de ce projet de loi : il tend à la déréglementation totale du secteur des télécommunications.

La modification de l'article L 33-1 du code des postes et télécommunications constitue une étape décisive, que vous souhaitez irréversible, de la mise en place d'un marché unifié pouvant être pénétré par n'importe quel opérateur, et pas seulement par un opérateur européen.

Cet article supprime l'actuel régime juridique qui soumettait à l'autorisation préalable du ministre la possibilité d'établir et d'exploiter des réseaux ouverts au public et de fournir des services de communications électroniques. Il met ainsi fin au système de licence pour lui substituer un régime de simple déclaration auprès de l'ART. Autrement dit, cet article consacre la libre entrée et la libre installation sur le marché des télécommunications. On escompte ainsi l'unification sur le plan européen d'un vaste marché des télécommunications, où pourrait se déployer une concurrence sans entrave aucune, et surtout pas de nature politique !

A ces dispositions s'ajoute l'abrogation du paragraphe III de l'article L.33-1, qui interdisait à une société dont plus de 20% du capital social était détenu par des personnes de nationalité étrangère d'exercer l'activité d'opérateur. Avec cette suppression, on peut envisager toutes sortes de scénarios possibles : l'achat de réseaux câblés par des sociétés américaines - SFR racheté par l'anglais Vodafone - et France-Télécom passant sous la domination d'un consortium financier d'origine européenne ou américaine.

Cette substitution du régime de déclaration préalable à l'ART à l'actuel régime d'autorisation délivrée par le ministre consacre bien un retrait du politique, avec la suppression du contrôle effectué par le ministre en matière d'installation d'opérateurs. C'est donc de la perte de la maîtrise publique de nos réseaux de télécommunications sur le plan national qu'il est question.

C'est aussi notre indépendance nationale que nous remettons en cause, en n'exerçant pratiquement plus aucun contrôle, si ce n'est celui, édulcoré, de l'ART, qui recevra une simple déclaration !

Pourtant, la déréglementation à l'oeuvre dans les autres secteurs, ceux de l'énergie, du gaz ou des services postaux, n'a absolument pas eu les vertus que l'on nous annonçait, ni en termes d'efficacité économique ni en termes d'amélioration des services à destination des consommateurs - que je préfère, moi, qualifier d'usagers. Au contraire, les tarifs augmentent partout ! Dans le secteur énergétique, non seulement les petits consommateurs ont vu leur facture progresser, mais également les industriels !

On s'interroge donc toujours sur les vertus de cette mise en concurrence à l'échelle européenne, sur la création de bourses d'électricité à l'échelle européenne et sur les gains de la réalisation d'un marché unifié européen. En termes d'emplois, la facture est incroyablement élevée !

Dans le secteur des télécommunications, tout au long de la filière - et particulièrement chez les équipementiers comme Alcatel, je l'ai dit tout à l'heure -, les suppressions d'emplois, les plans de licenciement se multiplient depuis plusieurs années. En termes d'emplois, il n'y a pas là non plus de gains !

Est-ce là l'Europe que nous voulons construire ? Une Europe qui détruit ses emplois, une Europe qui est incapable de développer une conception moderne des services publics pour répondre aux besoins de ses populations ?

A vouloir trop compter sur des vertus que cette fameuse concurrence n'a pas, le politique se dédouane de ses propres responsabilités. On ne l'observe que trop bien dans le secteur des télécommunications, où la mise en concurrence se traduit par un gâchis financier extraordinaire, avec des réseaux alternatifs en doublon avec ceux de France Télécom.

La mise en concurrence à laquelle devrait veiller l'ART s'apparente plus à une véritable anarchie qu'à une réelle régulation. La mise en concurrence ne règlera rien si, en amont, des choix politiques, en matière de normes technologiques par exemple, ne sont pas effectués. Ces choix relèvent d'une politique industrielle volontariste de la part de l'Etat afin de moderniser nos services publics des télécommunications pour corriger les inégalités territoriales et sociales qui se creusent de plus en plus !

Pour toutes ces raisons nous souhaitons que cet article 6 soit supprimé. Tel est le sens de notre amendement.

M. le président. L'amendement n°203, présenté par Mme Beaufils, MM. Coquelle et  Le Cam, Mmes Didier,  Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le premier alinéa du texte proposé par le 1° du I de cet article pour le I de l'article L. 331 du code des postes et télécommunications par une phrase ainsi rédigée :

Le contenu de ces déclarations est accessible à toute personne, physique ou morale, qui en fait la demande.

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Il est évident qu'il s'agit d'un amendement de repli... (Sourires .)

Nous avons expliqué les raisons pour lesquelles nous étions fortement opposés aux dispositions de l'article 6 qui supprime le régime d'autorisation d'établissement et d'exploitation de réseaux ouverts aux publics et de fourniture des services de communications électroniques.

Il s'agit d'une étape décisive dans la banalisation des pratiques purement concurrentielles pour un bien collectif, celui des communications électroniques qui est aussi au coeur de la dynamique de l'emploi et devient un instrument incontournable pour l'employabilité des générations futures. Ce n'est pas bon pour les salariés de notre pays, ce n'est pas bon non plus pour les usagers et les citoyens de notre pays !

Nous ne connaissons que trop bien les dégâts causés par la déréglementation européenne. La Commission européenne, en dépit des expériences peu convaincantes de la libéralisation menée dans les pays pionniers, s'acharne à vouloir réaliser un marché des télécommunications. Je reste convaincue que c'est un leurre et qu'à terme seuls quelques grands opérateurs mondiaux domineront le marché, sans que cela se traduise favorablement pour nos emplois et nos services publics ! Nous attendons toujours les effets bénéfiques prônés par Bruxelles alors que les inégalités sociales se creusent ! Les urnes ont pourtant sanctionné une telle politique ! Faut-il le rappeler ce soir pour que cette sanction soit mieux prise en compte ? Je ne sais si nous serions entendus !

Bref, nous ne sommes absolument pas favorables aux dispositions de l'article 6. Nous souhaitons, dès lors, des garanties de transparence. Ainsi, nous suivons le comité de liaison des industries culturelles lorsqu'il souhaite que ces déclarations puissent être accessibles à tous et permettre de connaître l'identité du déclarant, la nature de l'activité des réseaux aux services concernés, ainsi que ses obligations.

Il s'agit là de répondre à des exigences de transparence tout à fait légitimes, comme celles que je proposais d'adopter tout à l'heure pour l'amendement avec n° 144 de nos collègues du groupe socialiste.

Tel est le sens de notre amendement, que nous vous demandons d'adopter.

M. le président. L'amendement n° 9, présenté par MM. Hérisson et  Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Compléter le huitième alinéa (d) du texte proposé par le 1° du I de cet article pour le I de l'article L. 33-1 du code des postes et télécommunications par les mots :

et d'itinérance locale

La parole est à M. Pierre Hérisson, rapporteur.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Il importe que le nouveau régime déclaratif remplaçant l'ancien régime d'autorisation pour l'établissement et l'exploitation de réseaux ouverts au public et la fourniture au public des services de communication électronique respecte les prescriptions exigées par les objectifs d'aménagement du territoire et d'urbanisme.

Cette précision était déjà prévue dans le II de l'article 37 bis du projet de loi sur la confiance dans l'économie numérique, relatif à la couverture mobile du territoire par itinérance locale. Mais la modification qu'il prévoyait d'apporter à l'article 33-1 serait rendue caduque dès l'adoption du présent projet de loi.

M. le président. L'amendement n° 146, présenté par MM. Raoul et  Trémel, Mme Pourtaud, M. Weber et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Compléter le dixième alinéa (f) du texte proposé par le 1° du I de cet article pour le I de l'article L. 331 du code des postes et télécommunications, par les mots :

, de même lorsque la localisation de l'appel est nécessaire à l'accomplissement d'une enquête judiciaire

La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Je suis sans illusion sur le sort réservé à ma proposition, même si, sans jeu de mots, il s'agit bien d'un amendement d'appel qui vise à mettre en évidence les moyens insuffisants dont dispose en particulier la police judiciaire pour mener ses enquêtes. Les procureurs que j'ai pu contacter m'ont pourtant dit qu'ils ne pouvaient financer la localisation des appels, alors qu'elle constitue un moyen efficace pour lutter contre le cambriolage.

M. le président. L'amendement n° 145, présenté par MM. Trémel et  Raoul, Mme Pourtaud, M. Weber et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Avant le dernier alinéa du texte proposé par le 1° du I de cet article pour le I de l'article L. 331 du code des postes et télécommunications, insérer un nouvel alinéa ainsi rédigé :

« L'Autorité de régulation des télécommunications transmet pour information au ministre en charge des communications électroniques les déclarations qu'elle reçoit.

La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.

M. Pierre-Yvon Trémel. Avec l'article 6, nous passons d'un régime d'autorisation à une procédure déclarative. Il reviendra à la seule ART d'assurer le suivi de l'entrée des opérateurs de communications électroniques sur le marché.

En cohérence avec l'article 3 du projet de loi, il nous paraîtrait normal que le pouvoir exécutif puisse avoir lui aussi une connaissance du marché en temps réel. Cela lui permettrait de mieux préparer la réglementation et la législation relative à ce secteur.

Nous souhaitons donc que l'ART transmette au pouvoir exécutif les déclarations qu'elle reçoit.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 202. L'ouverture à la concurrence du secteur des télécommunications a eu d'indéniables effets positifs, tant pour la compétitivité de notre économie que pour le consommateur. Un bilan positif de cette ouverture à la concurrence avait d'ailleurs été dressé par la commission des affaires économiques voilà maintenant deux ans.

L'accès aux nouvelles technologies de l'information et de la communication s'est considérablement répandu et continue à se diffuser. Ce n'est pas en maintenant un régime d'autorisation pour l'établissement et l'exploitation de réseaux que va s'accélérer le mouvement de diffusion des nouvelles technologies.

La commission est également défavorable à l'amendement n° 203. Rendre libre l'accès de toute personne au contenu des déclarations faites par les opérateurs risquerait de porter atteinte au secret des affaires. Le contenu exact de ces déclarations n'est pas encore connu puisqu'il doit être déterminé par décret. Toutefois, il est possible qu'elles contiennent des dispositions relatives aux normes et spécifications du réseau et du service dont la divulgation pourrait ne pas être bienvenue.

J'en viens à l'amendement n°146. Il est nécessaire de prévoir la gratuité de la localisation des appels pour les appels d'urgence. Nous en sommes tous convenus. Les autorités intervenant en cas d'urgence doivent être informées de la localisation des appelants, et le 3° de l'article 26 de la directive « service universel » doit être transposée.  

Certes, les moyens budgétaires de la justice sont insuffisants. Toutefois, étendre la gratuité à la localisation des appels nécessaires au bon accomplissement des enquêtes judiciaires constituerait une charge supplémentaire pour les opérateurs qui s'apparenterait à un impôt finançant la justice, alors même que les appels exigés par les enquêtes judiciaires présentent rarement un caractère d'urgence.

La commission est donc défavorable à cet amendement. Cependant, monsieur le ministre, nous attirons votre attention sur la nécessité de renforcer les moyens financiers de la justice, de manière à ce qu'elle puisse faire appel aux opérateurs de télécommunications.

Quant à l'amendement n°145, il vise à améliorer l'information du ministre. La commission juge que c'est à lui d'apprécier l'utilité de cette information supplémentaire et s'en remet donc à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 202, qui nous mettrait en contravention avec la directive « Autorisation ».

Il est également défavorable à l'amendement n°203, car, comme l'a excellemment dit la commission, les déclarations doivent continuer à être régies par l'accès aux documents administratifs, dans la mesure où elles peuvent comporter des informations relatives au secret des affaires.

Le Gouvernement est favorable à l'amendement n°9, qui réalise une coordination avec la loi relative à la confiance dans l'économie numérique.

Il est défavorable à l'amendement n° 146 de M. Raoul. Celui-ci ne se faisait pas d'illusion, à juste raison. Le financement des moyens trouvera sa place dans le texte qui organise les interceptions judiciaires et il ne saurait trouver sa place ailleurs. Cela dit, que les procureurs manquent de moyens, je l'ai souvent entendu dire, et depuis fort longtemps.

M. Daniel Raoul. Encore plus aujourd'hui !

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Non, c'est un constat fait sous tous les gouvernements, et j'ai toujours entendu pleurer sur le manque de crédits de la justice. Sans doute ne lui accordons-nous pas la place qu'elle mérite. En la matière, faire des économies de bout de chandelle joue d'ailleurs peut-être sur le moral de la nation. Peut-être est-ce beaucoup plus grave qu'on ne le croit, alors que ce budget n'est pas si imposant que cela...

Quant à l'amendement n°145, il est satisfait, monsieur Trémel. L'ART publie d'ores et déjà la liste sur son site Internet. Vous voulez qu'elle l'adresse au ministre ? Je n'y vois pas d'inconvénient, mais une telle disposition serait inutile et cause de bureaucratie. Croyez-moi, mon ministère consulte régulièrement Internet !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 202.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 203.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 146.

M. Daniel Raoul. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 146 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 145.

M. Pierre-Yvon Trémel. Je le retire également.

M. le président. L'amendement n° 145 est retiré.

Je mets aux voix l'article 6, modifié.

(L'article 6 est adopté.)

Art. 6
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Art. 8

Article 7

I. - L'article L. 33-2 du même code est ainsi modifié :

1° La première phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigée :

« Un décret, pris après avis de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques, détermine les conditions générales d'établissement et d'exploitation des réseaux indépendants en ce qui concerne la protection de la santé et de l'environnement et les objectifs d'urbanisme, les prescriptions relatives à 1'ordre public, la sécurité publique et la défense, et les modalités d'implantation du réseau que doivent respecter les exploitants. » ;

2° Au cinquième alinéa, le mot : « autorisation » est remplacé par le mot : « déclaration » et le mot : « délivrée » est supprimé ;

3° Les premier, troisième, quatrième et sixième alinéas sont supprimés.

II. - L'article L. 33-3 du même code est ainsi modifié :

1° Les 1°, 2°, 3° et 4° sont abrogés ;

2° Les 5°, 6° et 7° deviennent respectivement les 1°, 2° et 3° ;

3° Au dernier alinéa, la référence : « 7° » est remplacée par la référence : « 3° ». - (Adopté.)

Art. 7
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Art.  9

Article 8

I. - Les articles L. 33-4 et L. 34 à L. 34-4 du même code sont abrogés.

II. - Les articles L. 34-5 et L. 34-7 du même code deviennent respectivement les articles L. 33-4 et L. 33-5, insérés dans la section 1 du chapitre II du titre Ier du livre II.

III. - Au deuxième alinéa de l'article L. 33-4 du même code, les mots : « à définir les procédures d'autorisation, » sont supprimés, après les mots : « à l'interconnexion », sont insérés les mots : « ou à l'accès » et la référence : « L. 34-10 » est remplacée par la référence : « L. 44 ». - (Adopté.)

Art. 8
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Art. 10 (début)

Article 9

La section 2 du chapitre II du titre Ier du livre II du même code, intitulée « Annuaires et services de renseignements », comprend l'article L. 34 ainsi rétabli :

« Art. L. 34.  - La publication des listes d'abonnés ou d'utilisateurs des réseaux ou services de communications électroniques est libre, sous réserve de la protection des droits des personnes.

« Parmi les droits garantis figure celui pour toute personne d'être mentionnée sur les listes d'abonnés ou d'utilisateurs publiées dans les annuaires ou consultables par l'intermédiaire d'un service de renseignements ou de ne pas l'être, de s'opposer à l'inscription de certaines données dans la mesure compatible avec les nécessités de la constitution des annuaires et des services de renseignements auxquels ces listes sont destinées, d'être informée préalablement des fins auxquelles sont établis, à partir de ces listes, des annuaires et services de renseignements et des possibilités d'utilisation reposant sur des fonctions de recherche intégrées à leur version électronique, d'interdire que les informations nominatives la concernant soient utilisées dans des opérations commerciales, ainsi que de pouvoir obtenir communication desdites informations nominatives et exiger qu'elles soient rectifiées, complétées, clarifiées, mises à jour ou effacées, dans les conditions prévues aux articles 35 et 36 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

« Les abonnés à la téléphonie mobile doivent exprimer leur consentement préalable à ce que les données à caractère personnel les concernant figurent dans les listes d'abonnés ou d'utilisateurs établies par leur opérateur.

« Sur toute demande présentée en vue d'éditer un annuaire universel ou de fournir un service universel de renseignements, même limitée à une zone géographique déterminée, les opérateurs sont tenus de communiquer, dans des conditions non discriminatoires et à un tarif reflétant les coûts du service rendu, la liste de tous les abonnés ou utilisateurs auxquels ils ont affecté, directement ou par l'intermédiaire d'un distributeur, un ou plusieurs numéros du plan national de numérotation téléphonique prévu à l'article L. 44. Les données communiquées portent soit sur l'ensemble des abonnés et des utilisateurs de l'opérateur soit sur ceux qui sont domiciliés dans la ou les communes de la zone géographique faisant l'objet de la demande. Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission supérieure du service public des postes et communications électroniques, précise les modalités d'application du présent alinéa.

« Les litiges relatifs aux conditions techniques et financières de la fourniture des listes d'abonnés prévue à l'alinéa précédent peuvent être soumis à l'Autorité de régulation des télécommunications conformément à l'article L. 36-8. »

M. le président. L'amendement n° 10, présenté par MM. Hérisson et Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 34 du code des postes et télécommunications, remplacer les mots :

figure celui

par les mots :

figurent ceux

La parole est à M. Pierre Hérisson, rapporteur.

M. Pierre Hérisson , rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Favorable à l'orthographe !

M. Daniel Raoul. C'est plutôt de la grammaire !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 11, présenté par MM. Hérisson et Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 34 du code des postes et télécommunications, après les mots :

s'opposer à l'inscription de certaines données

insérer les mots :

la concernant

La parole est à M. Pierre Hérisson, rapporteur.

M. Pierre Hérisson , rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 12, présenté par MM. Hérisson et  Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Rédiger le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 34 du code des postes et télécommunications comme suit :

« Le consentement préalable des abonnés à un opérateur de téléphonie mobile est requis pour toute inscription, dans un annuaire, de données à caractère personnel les concernant.

La parole est à M. Pierre Hérisson, rapporteur.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Je souhaite rectifier cet amendement, qui est purement rédactionnel, afin de tenir compte de l'amélioration proposée dans un sous-amendement de M. Le Grand que son auteur, absent, ne pourra pas défendre, et qui visait à préciser ce qu'il faut entendre par « annuaire ».

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 12 rectifié, présenté par MM. Hérisson et  Sido, au nom de la commission des affaires économiques, qui est ainsi libellé :

Rédiger le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 34 du code des postes et télécommunications comme suit :

« Le consentement préalable des abonnés à un opérateur de téléphonie mobile est requis pour toute inscription, dans les listes d'abonnés ou d'utilisateurs établies par leur opérateur mobile, de données à caractère personnel les concernant.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 9, modifié.

(L'article 9 est adopté.)

Art.  9
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Art. 10 (interruption de la discussion)

Article 10

I. - La section 3 du chapitre II du titre Ier du livre II du même code est intitulée : « Protection de la vie privée des utilisateurs de réseaux et services de communications électroniques ». Elle comprend les articles L. 32-3-1, L. 32-3-2, L. 32-5, L. 32-6 et L. 33-4-1 qui deviennent respectivement les articles L. 34-1, L. 34-2, L. 34-3, L. 34-4 et L. 34-5.

II. - L'article L. 34-1 du même code est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi rédigé :

« I. - Les opérateurs de communications électroniques, et notamment ceux mentionnés à l'article 43-7 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, sont tenus d'effacer ou de rendre anonyme toute donnée relative au trafic sous réserve des dispositions des II, III, IV et V. » ;

2° Au II et au III, les mots : « dans les limites fixées par le IV, » sont remplacés par les mots : « dans les limites fixées par le V, » ;

3° Le dernier alinéa du III est ainsi rédigé :

« Les opérateurs peuvent en outre réaliser un traitement des données relatives au trafic en vue de commercialiser leurs propres services de télécommunications ou de fournir des services à valeur ajoutée, si les abonnés y consentent expressément et pour une durée déterminée. Cette durée ne peut, en aucun cas, être supérieure à la période nécessaire pour la fourniture ou la commercialisation de ces services. Ils peuvent également conserver certaines données en vue d'assurer la sécurité de leurs réseaux. » ;

4° Le IV devient le V ;

5° Après le III, il est rétabli un IV ainsi rédigé :

« IV. - Sans préjudice des dispositions du II et du III et sous réserve des nécessités des enquêtes judiciaires, les données permettant de localiser l'équipement terminal de l'utilisateur ne peuvent ni être utilisées pendant la communication à des fins autres que son acheminement, ni être conservées et traitées après l'achèvement de la communication que moyennant le consentement de l'abonné, dûment informé des catégories de données en cause, de la durée du traitement, de ses fins et du fait que ces données seront ou non transmises à des fournisseurs de services tiers. L'abonné peut retirer à tout moment et gratuitement, hormis les coûts liés à la transmission du retrait, son consentement. L'utilisateur peut, par un moyen simple et gratuit, hormis les coûts liés à la transmission du retrait, suspendre le consentement donné. Tout appel destiné à un service d'urgence vaut consentement de l'utilisateur jusqu'à l'aboutissement de l'opération de secours qu'il déclenche et seulement pour en permettre la réalisation. » ;

6° Le premier alinéa du V est ainsi rédigé :

« Les données conservées et traitées dans les conditions définies aux II, III et IV portent exclusivement sur l'identification des personnes utilisatrices des services fournis par les opérateurs, sur les caractéristiques techniques des communications assurées par ces derniers et sur la localisation des équipements terminaux. »

III. - A l'article L. 34-2 du même code, les mots : « aux articles L. 33-1, L. 34-1 et L. 34-2 » sont remplacés par les mots : « à l'article L. 33-1 ».

IV. - A l'article L. 34-4 du même code, les mots : « L. 32-3-1, L. 32-3-2 et L. 32-5 » sont remplacés par les mots : « L. 34-1, L. 34-2 et L. 34-3 ».

V. - L'article L. 34-6 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 34-6.  - A sa demande, tout abonné d'un réseau ouvert au public peut, sauf pour une raison liée au fonctionnement des services d'urgence ou à la tranquillité de l'appelé, s'opposer à l'identification par ses correspondants de son numéro d'abonné. »

M. le président. L'amendement n° 13, présenté par MM. Hérisson et  Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Rédiger le texte proposé par le 1° du II de cet article pour le I de l'article L. 34-1 du code des postes et télécommunications comme suit :

« I. - Les opérateurs de communications électroniques, et notamment les personnes dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne, effacent ou rendent anonyme toute donnée relative au trafic, sous réserve des dispositions des II, III, IV et V. »

La parole est à M. Pierre Hérisson, rapporteur.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 116, présenté par M. Nogrix et les membres du groupe de l'Union Centriste, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi les 2° et 3° du II de cet article :

° Le II est ainsi rédigé :

« II - Pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales, et dans le seul but de permettre, en tant que de besoin, la mise à disposition de l'autorité judiciaire d'informations, il peut être différé pour une durée maximale d'un an aux opérations tendant à effacer ou à rendre anonymes certaines catégories de données techniques. Sans préjudice des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, une convention avec l'Etat détermine, dans les limites fixées par le V, les catégories de données et la durée de leur conservation, selon l'activité des opérateurs et la nature des communications. Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités de compensation, le cas échéant, des surcoûts identifiables et spécifiques des prestations assurées à ce titre, à la demande de l'Etat, par les opérateurs. ».

3° Le III est ainsi rédigé :

« III. - Pour les besoins de la facturation et du paiement des prestations de communications électroniques, les opérateurs peuvent, jusqu'à la fin de la période au cours de laquelle la facture peut être légalement contestée ou des poursuites engagées pour en obtenir le paiement, utiliser, conserver et, le cas échéant, transmettre à des tiers concernés directement par la facturation ou le recouvrement les données techniques concernées, sous réserve des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

« Les opérateurs peuvent en outre réaliser un traitement des données de trafic en vue de commercialiser leurs propres services de télécommunications ou de fournir des services à valeur ajoutée, si les abonnés y consentent expressément et pour une durée déterminée. Cette durée ne peut, en aucun cas être supérieure à la période nécessaire pour la fourniture ou la commercialisation de ces services. Ils peuvent également conserver certaines données en vue d'assurer la sécurité de leurs réseaux. »

 

La parole est à M. Philippe Nogrix.

M. Philippe Nogrix. L'amendement que je vous propose a pour objet de nous aider à y voir clair dans la définition actuelle de ce que l'on appelle les « données de trafic » tout en restant en conformité avec la nouvelle directive européenne.

Dès qu'il s'agit de conservation de données, il est dans notre pays indispensable de respecter les dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. La déclaration par chaque opérateur à la CNIL des données de trafic qu'il entend conserver doit, à notre avis, se substituer à un mécanisme de listes de données fixées a priori par décret.

Il importe en effet que tout fichier, quel qu'il soit, ait une pertinence et un objet bien définis, que sa conservation soit effectivement limitée dans le temps et que les renseignements qui y sont inscrits soient communiqués à ceux qu'ils concernent.

Je suis convaincu, mes chers collègues, que vous aurez tous compris la portée de l'amendement que je vous propose.

M. le président. L'amendement n° 128, présenté par M. Le Grand, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi les 2° et 3° du II de cet article

° Le II est ainsi rédigé :

« II. - Pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales, et dans le seul but de permettre, en tant que de besoin, la mise à disposition de l'autorité judiciaire d'informations, il peut être différé pour une durée maximale d'un an aux opérations tendant à effacer ou à rendre anonymes certaines catégories de données techniques. Sans préjudice des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, une convention avec l'Etat détermine, dans les limites fixées par le V, ces catégories de données et la durée de leur conservation, selon l'activité des opérateurs et la nature des communications. Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités de compensation, le cas échéant, des surcoûts identifiables et spécifiques des prestations assurées à ce titre, à la demande de l'Etat, par les opérateurs. »

° Le III de l'article L.34-1 est ainsi rédigé :

« III. - Pour les besoins de la facturation et du paiement des prestations de communications électroniques, les opérateurs peuvent, jusqu'à la fin de la période au cours de laquelle la facture peut être légalement contestée ou des poursuites engagées pour en obtenir le paiement, utiliser, conserver et, le cas échéant, transmettre à des tiers concernés directement par la facturation ou le recouvrement de données techniques concernées, sous réserve des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. »

 

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 14, présenté par MM. Hérisson et  Sido, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du texte proposé par le 3° du II de cet article pour le dernier alinéa du III de l'article L. 34-1 du code des postes et télécommunications, remplacer les mots :

leurs propres services de télécommunications

par les mots :

leurs propres services de communications électroniques

La parole est à M. Pierre Hérisson, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 14 et donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 116.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. L'amendement n° 14 est un amendement de coordination avec l'article 1er .

M. Nogrix pose à travers l'amendement n° 116 un problème très important dans la mesure où la question de la conservation des données de communication est complexe. Mais les enjeux, en termes de sécurité de l'Etat, surtout un mois après les attentats de Madrid, sont fondamentaux et imposent d'agir vite, c'est-à-dire par décret.

La rédaction que propose l'article 10 pour le nouvel article L. 341 du code, consacré à la protection de la vie privée des utilisateurs, se doit d'être conforme à la directive « Données personnelles » de juillet 2002, qui se substitue à la directive de 1997 concernant également le traitement des données à caractère personnel.

La transposition de la directive de 1997 a été assurée par l'article 29 de la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne. Celui-ci modifiait l'article L. 32-3-1 du code des postes et télécommunications, que le présent texte transforme en article L. 34-1.

Cette approche, monsieur Nogrix, est certes complexe, mais les attentats de Madrid nous contraignent à être particulièrement précis afin de ne pas créer de confusion sur des points aussi sensibles.

Ce panorama juridique étant posé, je voudrais rappeler les termes exacts de l'article 15 de la directive « Données personnelles » que nous transposons ici.

« Les Etats membres peuvent adopter des mesures législatives visant à limiter la portée des droits et des obligations prévus aux articles 5 et 6, à l'article 8, paragraphes 1, 2, 3 et 4, et à l'article 9 [...] » - sont ici visés les articles traitant de la confidentialité des télécommunications et de l'effacement des données de trafic et des données de localisation - « lorsqu'une telle limitation constitue une mesure nécessaire, appropriée et proportionnée, au sein d' une société démocratique, pour sauvegarder la sécurité nationale - c'està-dire la sûreté de l'Etat - la défense et la sécurité publique, ou assurer la prévention, la recherche, la détection et la poursuite d'infractions pénales ou d'utilisations non autorisées du système de communications électroniques [...]. A cette fin, les Etats membres peuvent, entre autres, adopter des mesures législatives prévoyant la conservation de données pendant une durée limitée [...]. »

Je comprends le point de vue des acteurs économiques du secteur des télécommunications, qui considèrent que la diversité de leurs activités et les innovations constantes de technologies et de services qui caractérisent ce secteur plaident pour l'établissement de conventions bilatérales entre l'Etat et chacun des acteurs afin de fixer une liste des données à conserver qui soit ajustée au type d'activité de l'acteur concerné. Ils souhaiteraient aussi que, pour les données qu'ils choisissent eux-mêmes de conserver pour leurs besoins propres - facturation, commercialisation de services et sécurité des réseaux -, une déclaration par chaque acteur à la CNIL des données qu'il conserve se substitue à un mécanisme de listes de données.

Toutefois, deux arguments peuvent être opposés à ces légitimes revendications.

D'abord, le calcul du surcoût que représente la conservation des données pour les réquisitions judiciaires, dont l'Etat doit assurer la compensation, serait rendu extrêmement lourd et complexe si l'on substituait au décret un système conventionnel : en effet, il faudrait comparer, pour chacun des acteurs, la liste des données qu'il a conservées de son propre chef et qu'il a déclarées à la CNIL avec la liste des données qu'il a accepté de conserver pour les besoins de l'Etat.

Ensuite, le contexte international actuel, après les attentats de Madrid du mois dernier, fait de la lutte contre le terrorisme une priorité indiscutable pour l'Union européenne. La conservation des données pendant un an constitue bien une « mesure nécessaire, appropriée et proportionnée ». Le dernier Conseil européen « Justice et affaires intérieures » a d'ailleurs conclu à la nécessité d'un approfondissement de la coopération existante.

Pour cette raison, mon cher collègue, la commission souhaite le retrait de cet amendement. A défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 14.

Sur l'amendement n° 116, je formulerai deux objections, d'inégale importance.

La première, la moins importante, sera pour faire remarquer que le renvoi à des conventions entre l'Etat et les opérateurs plutôt qu'à un décret paraît impraticable en raison du très grand nombre d'opérateurs concernés et, me semble-til, ferait naître une grande bureaucratie et une grande complexité.

Ma deuxième observation, qui rejoint celle de M. Hérisson à l'instant, est capitale : en raison de la mise en place d'un dispositif essentiel de lutte contre le terrorisme est sur le point de paraître un décret d'application, moyen auquel nous sommes obligés de recourir pour pouvoir mener une action efficace en la matière. Mais, évidemment, monsieur Nogrix, vous ne pouviez pas le savoir au moment où vous avez rédigé votre amendement !

Je confirme également - M. le rapporteur vient d'y faire allusion - que les ministres de l'intérieur sont en train d'étudier le dispositif à l'échelon européen afin de disposer, avec les données qui seront conservées, d'un véritable instrument de lutte contre le terrorisme.

Telles sont les raisons pour lesquelles, monsieur Nogrix, je souhaite très vivement que vous puissiez retirer cet amendement.

M. le président. Monsieur Nogrix, l'amendement n° 116 est-il maintenu ?

M. Philippe Nogrix. Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, j'ai bien entendu vos explications.

Permettez-moi toutefois de rappeler que, à la suite du 11 septembre 2001, nous avons, en toute bonne foi, communiqué aux Américains les fichiers qu'ils nous demandaient : les fichiers de la police, les fichiers d'Europol, etc. Ainsi, Big Brother sait maintenant tout ce qui se passe chez nous ! D'ailleurs, il était censé nous restituer ces fichiers dans les deux mois, mais nous les attendons toujours !

Alors, évidemment, chat échaudé craint l'eau froide...

On nous reproche régulièrement de superposer sans cesse des textes. Mais il en est au moins un que nous avons eu le mérite d'élaborer et de voter, c'est la loi de janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Ce texte permet à la fois de préserver l'intimité des individus, d'entourer de protections les renseignements qui peuvent concerner tout un chacun et être portés sur des fichiers, et de garantir l'efficacité de la lutte contre divers trafiquants ou contre le terrorisme.

La CNIL se réunit chaque semaine. S'il lui est demandé de pouvoir utiliser tel ou tel fichier au nom de la lutte contre le terrorisme, elle examinera cette demande puisque le législateur en a décidé ainsi.

Et voilà que tout à coup, parce qu'il y a eu le 11    septembre, puis le 11 mars, on nous explique qu'il faut céder devant la nécessité !

Bien sûr, je vais retirer mon amendement, car personne ne comprendrait que je m'obstine, eu égard à la gravité d'un événement comme la série d'attentats du 11 mars. Mais je tenais à souligner combien le législateur avait eu raison de créer cette commission qui s'appelle la CNIL.

Car il faut en être bien conscient, l'exploitation des fichiers au niveau international, cela peut ouvrir la porte à n'importe quoi, à n'importe quelle décision. Lorsque nos fichiers se retrouveront dans des pays qui n'ont pas la même législation que nous, à quel usage pourront-ils donner lieu ? Quand ces pays nous restitueront-ils les renseignements que nous leur avons transmis ?

C'est pourquoi il me paraissait juste de faire explicitement référence à la loi de 1978. Après tout, la France est une nation majeure, gouvernée par des lois !

Cependant, je m'incline devant la raison d'Etat, qui a été invoquée tout à l'heure, et, à contrecoeur, je retire mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 116 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 14.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 147, présenté par MM. Trémel et  Raoul, Mme Pourtaud, M. Weber et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit les deuxième et troisième phrases du texte proposé par le 5° du II de cet article pour le IV de l'article L. 341 du code des postes et télécommunications :

L'abonné peut retirer à tout moment gratuitement son consentement. L'utilisateur peut, par un moyen simple et gratuit, suspendre le consentement donné.

La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.

M. Pierre-Yvon Trémel. L'article 9 de la directive « Données personnelles », qui autorise l'utilisation de données de localisation en vue de fournir des services commerciaux dès lors que l'abonné a donné son consentement, prévoit que celui-ci ou l'utilisateur du téléphone peut suspendre sans délai et sans frais son consentement.

Or nos collègues de l'Assemblée nationale ont autorisé sans justification la facturation des coûts liés à la transmission du retrait.

Par cet amendement, nous proposons de maintenir la gratuité de cette opération, de manière à revenir aux termes de l'article 9 de la directive.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Pierre Hérisson , rapporteur. L'article 9 de la directive « Données personnelles » prévoit que l'utilisateur peut suspendre gratuitement le consentement qu'il a préalablement donné. En revanche, il ne précise pas que le retrait du consentement doit se faire gratuitement ; il impose seulement que ce retrait soit possible à tout moment.

Il est toutefois logique de prévoir le régime de gratuité dans les deux cas de figure, la directive ne l'interdisant pas dans celui du retrait, et la commission émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Sagesse !

M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix, pour explication de vote.

M. Philippe Nogrix. Cet amendement est important, car, trop souvent, on ne permet pas au consommateur ou à l'utilisateur de prendre une décision en toute connaissance de cause. Ensuite, il doit payer, un point c'est tout, et l'on se demande d'ailleurs pourquoi !

Je remercie donc la commission et son rapporteur d'avoir émis un avis favorable sur cet amendement, ainsi que le ministre de s'en remettre à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 147.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 10, modifié.

(L'article 10 est adopté.)

M. le président. La suite de discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Art. 10 (début)
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Art. 11

11

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. André VALLET une proposition de loi modifiant les articles L.123, L. 124, L. 125, L. 126 et L. 162 du code électoral concernant la mise en place d'un nouveau mode de scrutin pour les élections législatives.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 262, distribuée et renvoyée à la commission des Lois Constitutionnelles, de Législation, du Suffrage universel, du Règlement et d'Administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.

12

TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Décision du Conseil relative à la mise en oeuvre par le Royaume-Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord de certaines parties des dispositions de l'acquis de Schengen.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2558 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Conseil relative à la signature et à l'application provisoire d'un protocole additionnel à l'accord UE-Mexique de partenariat économique, de coordination politique et de coopération, visant à permettre l'adhésion des nouveaux Etats membres de l'UE à cet accord. Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un protocole additionnel à l'accord UE-Mexique de partenariat économique, de coordination politique et de coopération, visant à permettre l'adhésion des nouveaux Etats membres de l'UE à cet accord.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2559 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application provisoire du protocole fixant, pour la période du 3 décembre 2003 au 2 décembre 2007, les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et le gouvernement de Maurice concernant la pêche dans les eaux de Maurice.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2560 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion du protocole fixant, pour la période du 3 décembre 2003 au 2 décembre 2007, les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et le gouvernement de Maurice concernant la pêche dans les eaux de Maurice.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2561 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à l'application provisoire du protocole fixant les possibilités de pêche thonière et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et la République démocratique de Madagascar concernant la pêche au large de Madagascar, pour la période allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2562 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion du protocole fixant les possibilités de pêche thonière et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et la République démocratique de Madagascar concernant la pêche au large de Madagascar, pour la période allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2563 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil concernant le gel des fonds de l'ancien président libérien Charles Taylor et de certaines personnes et entités associées à ce dernier.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2564 et distribué.

13

DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de Mme Gisèle GAUTIER un rapport d'activité pour l'année 2003 et le compte rendu des travaux de cette délégation sur la mixité dans la France d'aujourd'hui, déposé en application de l'article 6 septies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 263 et distribué.

14

DÉPÔT D'UN avis

M. le président. J'ai reçu de M. Joël BOURDIN un avis présenté au nom de la commission des Finances, du Contrôle budgétaire et des Comptes économiques de la Nation sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif au développement des territoires ruraux (n° 192, 2003-2004).

L'avis sera imprimé sous le n° 264 et distribué.

15

ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 14 avril 2004, à quinze heures et le soir :

Suite de la discussion du projet de loi (n° 215, 2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle ;

Rapport (n°244, 2003-2004) de MM. Pierre HERISSON et Bruno SIDO, fait au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan.

Avis (n°249, 2003-2004) de M. Louis de BROISSIA, fait au nom de la commission des Affaires culturelles.

Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 14 avril 2004, à une heure cinq.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD