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NOMINATION D'un MEMBRE d'un office parlementaire

M. le président. Je rappelle que le groupe Union pour un mouvement populaire a proposé une candidature pour l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.

En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. François-Noël Buffet membre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

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Loi de finances pour 2005

Suite de la discussion d'un projet de loi

Etat C - Titres V et VI (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Etat B - Titres III et IV
Etat C - Titres V et VI (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Etat B - Titres III et IV

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale.

Intérieur, sécurité intérieure et libertés locales (suite)

Décentralisation

M. le président. Le Sénat va maintenant examiner les dispositions du projet de loi concernant la décentralisation.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Michel Mercier, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, il peut paraître curieux de discuter le budget de la décentralisation alors que, pendant les deux jours qui viennent de s'écouler, nous n'avons cessé de parler des finances des collectivités locales ! Bien entendu, il s'agissait alors, notamment, des « recettes » que l'Etat va « verser » aux collectivités locales ; aujourd'hui, nous évoquons les dépenses que l'Etat va engager pour les collectivités locales.

Je me demande néanmoins s'il ne conviendrait pas plutôt - peut-être la mise en oeuvre de la loi organique le permettra-t-elle mieux - d'organiser un débat unique, afin d'avoir une vue complète des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Très bien ! Tout à fait d'accord !

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Même si, monsieur le ministre, vous n'étiez pas avec nous ces derniers jours, vous me permettrez d'être aujourd'hui un peu rapide et de ne pas redire tout ce qui a pu être dit, d'autant que Mme la ministre déléguée nous a fait le plaisir d'assister, le plus souvent possible, à nos débats.

J'évoquerai essentiellement aujourd'hui le problème des dépenses, moins celles de l'Etat que celles des collectivités locales, qui me paraissent appeler un certain nombre de clarifications.

S'agissant des concours financiers de l'Etat aux collectivités locales, dont nous avons largement débattu ces deux derniers jours, force est de reconnaître que le niveau de ces crédits est tout à fait satisfaisant. C'est d'ailleurs parce que ces crédits existaient - nous avions en quelque sorte du grain à moudre ! - que pourra être entreprise la réforme des dotations de l'Etat aux communes, aux groupements de communes et aux départements que le Gouvernement a proposée et que le Sénat a adoptée hier, sous réserve que les départements, au cours de l'année prochaine, en vérifient les effets et repèrent les problèmes qu'elle pourra soulever.

Le principal problème concerne les seuils qui s'appliquent au passage d'une catégorie à une autre et qui sont parfois un peu abrupts. Le fait que certaines collectivités territoriales continuent à percevoir, en vertu d'un droit historique, la dotation de fonctionnement minimale peut paraître injuste à celles qui ne bénéficient pas de ce droit. Il faudra corriger cela en prévoyant un lissage.

Quoi qu'il en soit, des moyens financiers existent pour mener à bien la réforme. Nous ne pouvons que féliciter les ministres compétents - c'est-à-dire vous, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée - d'avoir obtenu de leurs collègues de Bercy les crédits nécessaires, notamment le maintien du contrat de croissance et de solidarité, ce qui n'allait pas de soi en cette période de pénurie budgétaire.

Il faut savoir souligner les points positifs : cela nous autorise à être critiques quand cela s'impose !

La réforme de la DGF des communes, des groupements de communes et des départements est forcément imparfaite ; nous en ignorons encore les effets, mais nous pouvons les redouter. Il faut toutefois reconnaître que cette réforme simplifie un domaine déjà extrêmement complexe, que le Parlement, notamment le Sénat, a contribué à rendre chaque année plus complexe encore en modifiant - après tout, c'est son rôle - à la marge telle ou telle disposition. Elle apporte donc plus de clarté, plus de lisibilité. Elle institue une dotation spécifique pour la péréquation. Au demeurant, l'effort financier très important qui est fait en faveur de la péréquation n'est rien d'autre que la mise en oeuvre du principe constitutionnel que nous avons voté voilà quelques mois.

S'agissant des moyens et de la réforme, je ne peux que marquer une réelle satisfaction.

Parallèlement, le projet de loi de finances pour 2005 met en oeuvre le financement de l'« acte II » de la décentralisation. Les transferts de compétences sont importants : 9,6 milliards d'euros sont prévus entre 2004 et 2008, dont 5 milliards pour le revenu minimum d'insertion, le RMI, 2,2 milliards pour les autres compétences confiées aux départements, 2,2 milliards au profit des régions et 200 millions au profit des communes et de leurs groupements.

Les principes de financement de ces transferts sont conformes aux dispositions constitutionnelles. Désormais, en effet, le montant des transferts financiers doit être calculé sur plusieurs années et ces transferts se font essentiellement sur la base de transferts de fiscalité ou de parts de fiscalité, et non plus à travers des dotations.

Tous, nous nous félicitions : « Nous n'aurons plus, nous disions-nous, des dotations de l'Etat, mais des parts d'impôts ou des impôts totalement transférés. Nous pourrons donc nous appuyer sur cette fiscalité pour donner vie au principe d'autonomie des collectivités locales. Nous jouirons ainsi d'une certaine liberté. En tout cas, nos budgets ne dépendront plus des dotations annuelles que le Gouvernement propose au Parlement, et que, en général, ce dernier adopte. »

Cela peut apparaître comme un réel progrès, mais, à l'issue d'une année de mise en oeuvre, et même s'il est probablement trop tôt pour dresser un bilan, un certain nombre d'interrogations se font jour.

Je formulerai quelques remarques sur l'application de la loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales.

Un léger différend opposait le Gouvernement et le Sénat. Le Gouvernement pensait qu'une disposition réglementaire permettrait de déterminer la part d'impôt partagé pour chaque collectivité. Le Sénat quant à lui, estimait que la loi était claire, disposant que « les ressources propres des collectivités territoriales sont constituées du produit des impositions de toutes natures dont la loi les autorise à fixer l'assiette, le taux ou le tarif, ou dont elle détermine, par collectivité, le taux ou une part locale d'assiette ». Il n'y avait donc pas là, à nos yeux, de place pour l'exercice du pouvoir réglementaire : il s'agissait d'un pouvoir propre du Parlement.

Le Gouvernement a bien voulu le reconnaître en déposant hier deux amendements qui vont dans ce sens et qui nous satisfont pleinement. Je veux souligner cette bonne coopération entre le Gouvernement et le Parlement, notamment le Sénat.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Oui, c'est bien !

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. L'attribution de ressources fiscales en compensation des transferts de compétences est-elle avantageuse et productrice de recettes pour les collectivités territoriales ?

Au regard de la conception de la décentralisation, il y a là une rupture totale. Auparavant, quand les transferts de compétences étaient financés par des dotations de l'Etat, c'était assez facile : il suffisait de monter à cette tribune et de réclamer au Gouvernement une dotation plus importante, en demandant, par exemple un coefficient d'augmentation de 2,27 % au lieu de 2,22 %.

Dorénavant, il y a une base claire, qui représente la moyenne des derniers exercices et qui est compensée à l'euro l'euro. La formule exacte m'échappe...

Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur. A l'euro près !

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Voilà ! C'est la formule chérie de M. Copé ! (Sourires.) Malheureusement, elle ne reflète pas la vérité, et cela pose un problème.

Prenons l'exemple du financement du RMI. Certes, une garantie est accordée par l'Etat aux départements pour financer le RMI. Toutefois, entre cette garantie et ce que paient effectivement les départements, il y avait au 31 octobre dernier un écart de 300 millions d'euros ! Pour autant, s'agit-il véritablement d'une dette de l'Etat vis-à-vis des collectivités locales ? Je l'ai longtemps cru, mais je n'en suis plus aussi sûr aujourd'hui. (Mme la ministre déléguée acquiesce.) Je suis honnête !

J'ai étudié ce qui s'est passé. Tout le monde croyait qu'il y avait une cagnotte à distribuer, du fait de l'augmentation du prix du pétrole. Mais une commission « indépendante »...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Attention à ce que vous allez dire ! (Sourires.)

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Chacun de ses membres était indépendant : c'est sur l'indépendance de la commission elle-même que je m'interroge !

Cette commission a beaucoup travaillé sur ce sujet et a conclu que, s'il y avait des boni de recettes en matière de TVA, il y avait surtout des pertes de recettes par rapport aux prévisions au titre de la taxe intérieure sur les produits pétroliers.

La décision du Conseil constitutionnel sur la loi portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité a donné aux collectivités locales une garantie constitutionnelle. En vertu de cette dernière, la « perte » de TIPP pour les départements est plafonnée à 85 millions d'euros pour l'année 2004, le surplus de perte étant à la charge de l'Etat. Ce dernier s'en est acquitté, il faut lui en donner acte.

Il n'en reste pas moins que l'accroissement du nombre de bénéficiaires du RMI est nettement supérieur à l'augmentation des recettes transférées aux départements. Ainsi, certains départements se trouvent sans moyens adéquats de financement, alors que la garantie constitutionnelle a joué et que l'Etat a appliqué la loi.

Je rappelle que deux garanties supplémentaires ont été prévues, la première dans la loi de finances initiale pour 2004, la seconde dans la loi relative aux libertés et responsabilités locales. La loi de finances rectificative ainsi que les futures lois de finances permettront d'apporter un certain nombre d'améliorations afin de faire jouer cette garantie constitutionnelle. Il restera néanmoins une différence substantielle, liée à l'accroissement du nombre de bénéficiaires du RMI

La garantie de transfert aura joué, l'Etat aura appliqué la loi, mais il manque tout de même pour le moment des sommes relativement importantes pour au moins huit départements.

On voit ainsi que le financement des transferts financiers par des recettes fiscales qui ne sont pas immédiatement modulables pose un grave problème. Ainsi, pour mon département, la différence est estimée à environ 15 millions d'euros, soit cinq points de fiscalité directe. Nous ne pourrons nous tourner vers l'Etat : il nous aura donné ce qu'il devait. Dans la mesure où nous ne pouvons pas modifier la taxe intérieure sur les produits pétroliers, nous n'aurons d'autre choix que d'augmenter la taxe d'habitation.

Le principe constitutionnel de financement des transferts de compétences par des parts de fiscalité ne peut donc être véritablement accepté que si les taux d'impôts de cette fiscalité transférée peuvent être modulés. A défaut, les départements seront complètement bloqués et il ne leur restera qu'à augmenter la fiscalité locale traditionnelle, qui n'est vraiment pas faite pour cela.

Pour les collectivités locales, ce qui importe, ce sont les dotations de l'Etat. De ce point de vue, je l'ai dit, le Gouvernement a fait son devoir.

Pour autant, de nombreuses compétences transférées ne sont pas compensées et l'Etat n'a pas abandonné le pouvoir de décider du montant des prestations en cause.

A titre d'illustration, je prendrai d'abord deux exemples empruntés au domaine social.

Le premier exemple concerne les 35 heures : la loi Fillon a supprimé les compensations liées à leur mise en oeuvre, ce qui n'est pas sans conséquences dans les établissements médico-sociaux. Ainsi, dès lors que les dispositifs Aubry I et Aubry II ne sont plus compensés, ce sont 200 millions d'euros qui vont manquer dans les caisses des départements, ce qui représente environ un point de fiscalité supplémentaire.

Par conséquent, une mesure nationale est appliquée, mais les compétences sont décentralisées et entrent dans le champ de l'action locale, alors même qu'elles sont soumises au droit commun général. Il ne s'agit donc pas d'une compétence transférée à proprement parler : c'est une décision de gestion générale de l'Etat, qui peut être tout à fait légitime au demeurant, mais qui place la collectivité dans l'obligation d'augmenter sa fiscalité, c'est-à-dire, en fait, la taxe d'habitation.

Le second exemple concerne le handicap. Le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est actuellement en navette. Ce projet de loi, plutôt généreux - il est vrai que les besoins sont grands ! - prévoit la création d'une maison du handicap qui prendra la forme d'un groupement d'intérêt public, un GIP, qui accueillera tout le monde : les associations, etc. Bref, tous ceux qui le veulent ! Et ce GIP va distribuer des allocations qui seront payées par le département. !

Cette abomination a tout de même été votée par le Sénat !

Très honnêtement, on ne peut pas agir ainsi. Il faut que la collectivité locale soit l'ordonnateur de ses dépenses. Ce ne peut pas être une tierce personne, fût-ce un GIP qui ne regroupe que des gens bien !

M. Michel Moreigne. Très bien !

M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis. Tout à fait !

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Madame la ministre, je crois qu'il faut que vous entamiez vos nouvelles fonctions en tapant du poing sur la table. On peut créer, où l'on veut, les maisons que l'on veut, où l'on peut boire le thé l'après-midi, cela ne pose aucun problème, mais on ne peut pas engager les finances d'une collectivité qui, pour faire face à toutes ces dépenses, devra augmenter les impôts. Nous comptons sur vous pour le dire clairement, madame la ministre ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du groupe socialiste.- M. le rapporteur pour avis applaudit également.)

J'ai entendu ce matin parler de feuille de route : en voilà une toute simple !

Monsieur le ministre de l'intérieur, je veux maintenant prendre un exemple que vous connaissez bien, celui des sapeurs-pompiers.

Voilà une compétence transférée, mais pas abandonnée, et c'est bien normal, car jamais les collectivités locales n'ont voulu être les autorités qui gèrent les interventions des sapeurs-pompiers. On a dit que c'était le préfet, mais c'est totalement faux : c'est évidemment le colonel qui commande le corps qui assure la gestion. Tantôt il obéit au préfet, tantôt au président. Du reste, c'est une bonne chose parce que, de temps en temps, il est nécessaire que le préfet prenne des décisions telles que la mise en place du « plan rouge », par exemple. Cette coordination est donc tout à fait nécessaire.

Chaque année a lieu un congrès des sapeurs-pompiers. C'est toujours difficile à vivre parce qu'une partie utilise l'autre comme marge de manoeuvre, mais, finalement, tout se déroule bien. D'autant que le ministre, qui préfère que ça se passe bien, vient à cette réunion avec quelques munitions. Malheureusement, ces munitions, elles sont prises en charge par les collectivités !

En ce qui concerne les retraites des sapeurs-pompiers volontaires, un large consensus s'est dégagé. Nous avons tous reconnu qu'il fallait conserver ces volontaires et, par conséquent, adopter les mesures adéquates. Certes, ils accomplissent un service bénévole, mais il faut leur accorder une petite compensation. Nous étions d'accord pour attribuer une prime de fidélisation. L'Etat en prend la moitié à charge, alors que rien ne l'y oblige : c'est très bien ! On peut dire que c'est un geste de bonne volonté, un geste bénévole, comme les pompiers ! (Sourires.) Mais l'autre moitié doit être payée par la collectivité. Avec quoi ? On n'en sait rien !

M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis. Pas la moitié, les deux tiers !

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. J'aimerais bien que l'UMP soit aussi enthousiaste que moi pour soutenir le Gouvernement ! (Nouveaux sourires.)

M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis. Mais ce sont tout de même les deux tiers !

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Non, c'est la moitié parce que la mesure ne va pas être mise en oeuvre tout de suite.

Par ailleurs, monsieur le ministre, on comprend que, par nécessité, vous décidiez, par exemple, que les sapeurs-pompiers et la police émettent sur la même fréquence. Encore faudrait-il que les gendarmes aient aussi la même. Sinon, sur une moitié du territoire, les sapeurs-pompiers parleront aux policiers mais pas avec les gendarmes ! En tout cas, ça coûte cher !

Vous dites aussi qu'il faut changer les tenues parce qu'elles ne sont plus adaptées, et c'est vrai. Mais cela coûte également très cher et les collectivités n'ont pas les fonds pour payer !

Cela étant, je reconnais bien volontiers que vous remplacez une partie de la DGF par 900 millions d'euros de taxe sur les conventions d'assurances. C'est apparemment très bien, mais seulement apparemment. Je m'explique.

Dans le même temps, l'Etat mène une politique courageuse de lutte contre l'insécurité routière, et je l'en félicite. Les conducteurs doivent rouler moins vite, avoir moins d'accidents. Or, lorsque le nombre d'accidents diminue, normalement, les primes d'assurances baissent un peu. Me promenant tout à l'heure à pied dans Paris, je suis passé devant des bureaux d'assurances qui affichaient des publicités du genre : avec telle compagnie, votre prime va baisser ! Je me suis dit : « C'est drôlement bien pour les assurés qui vont acquitter leur prime, mais le département, avec cette baisse, il va voir ses recettes baisser aussi ! »

Les élus locaux ont voulu être responsables et ont demandé des transferts de fiscalité. Ils doivent assumer !

Mais, monsieur le ministre, il faut aller au bout des choses, et voudrais vous proposer deux pistes.

D'une part, le plus rapidement possible, il faut donner le droit aux collectivités locales de moduler les recettes transférées. Aux élus locaux d'être responsables et d'arbitrer entre les divers impôts dont ils ont la maîtrise pour équilibrer leur budget.

D'autre part, monsieur le ministre, je ne sollicite pas un centime de plus, mais je vous demande simplement de ne plus décider de nos dépenses, de nous laisser libres, de ne plus nous imposer de dépenses. Ça, ce serait sensationnel !

J'ai parlé de votre ministère parce que vous êtes avec nous dans l'hémicycle. Mais j'aurais pu aussi parler de celui de M. Borloo : là, c'aurait été un semi-remorque d'exemples que j'aurais eu à donner ! (Sourires.) J'aurais pu aussi parler du secrétariat d'Etat de Mme Montchamp : il m'aurait fallu un second semi-remorque ! (Nouveaux sourires.) Tout cela nous aurait pris beaucoup trop de temps !

Il faudrait vraiment que le Gouvernement, tous ministères confondus, n'impose plus de dépenses aux collectivités locales. Ce serait une très bonne chose.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. On a le droit de rêver ! Nous avons achevé fort tard nos travaux la nuit dernière. Alors, je peux bien rêver que le Gouvernement n'impose plus aucune dépense aux collectivités pendant un an. Madame la ministre, monsieur le ministre, je vous remercie de rendre ce rêve réalité. (Sourires et applaudissements sur les travées de l'Union centriste, de l'UMP et du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi, à titre liminaire, de rendre hommage à celui qui présentait cet avis l'année passée, Daniel Hoeffel, dont chacun connaît le sens de l'intérêt général et sait quel immense travail il a accompli en faveur des collectivités territoriales.

La loi constitutionnelle du 28 mars 2003, complétée par la loi organique du 29 juillet 2004, a tracé le nouveau cadre des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales, cadre particulièrement innovant et plus juste.

Monsieur le ministre, madame la ministre, dans cet exposé, je vais prononcer onze fois l'expression « c'est positif ». C'est dire que beaucoup de points sont satisfaisants dans ce projet de budget, même s'il y a aussi quelques bémols.

Tout transfert de compétences doit désormais être accompagné de l'attribution des ressources qui étaient consacrées à leur exercice. En acquerrant une valeur constitutionnelle, cette règle est devenue, pour la première fois dans l'histoire dans la République, une véritable garantie pour les collectivités territoriales. C'est positif. Et d'une !

Par ailleurs, les ressources transférées doivent être essentiellement fiscales, puisque la part des ressources propres dans l'ensemble des ressources de chaque catégorie de collectivités ne peut désormais être inférieure au niveau constaté en 2003. C'est positif. Et de deux !

Enfin, la loi prévoit des dispositifs de péréquation afin de renforcer l'égalité entre collectivités.

Le projet de loi de finances pour 2005 s'inscrit pleinement dans ce cadre. Nous nous sommes tous largement exprimés hier et avant-hier lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances. Je serai donc bref.

S'agissant, en premier lieu, du financement des compétences transférées, la commission des lois a constaté que les fractions non modulables de la taxe spéciale sur les conventions d'assurances et du tarif de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, respectivement attribuées aux départements et aux régions, ainsi que la taxe additionnelle à la taxe d'apprentissage créée en contrepartie d'une baisse de la dotation générale de décentralisation des régions constituaient des ressources propres au sens de la loi organique du 29 juillet 2004. C'est positif. Et de trois !

Elle a toutefois souhaité que les collectivités territoriales obtiennent rapidement la possibilité de les moduler, à la hausse ou à la baisse, l'autonomie fiscale constituant pour nous un fondement de la démocratie locale et un gage d'efficacité. Mon propos rejoint là celui de mon ami Michel Mercier.

Ce dernier et moi-même nous étions interrogés sur la constitutionnalité des dispositions du projet de loi de finances confiant au pouvoir réglementaire le soin de constater les fractions attribuées à chaque collectivité. Le Gouvernement et le Sénat ont pris en compte ces interrogations. Le texte de la loi s'en trouvera alourdi, mais sa sécurité juridique, améliorée. C'est positif.

Les concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales, hors fiscalité transférée, progresseront de 3 % pour atteindre un montant de 61,4 milliards d'euros en 2005, alors que l'ensemble des dépenses de l'Etat subira un gel en euros constants. C'est positif. Et de quatre !

Dans ce contexte, cette décision est même particulièrement remarquable, et je vous en félicite, monsieur le ministre, madame la ministre.

La commission des lois a souscrit à la reconduction pour un an du contrat de croissance et de solidarité, tout en rappelant le souhait des collectivités territoriales de bénéficier d'une programmation pluriannuelle des concours de l'Etat. C'est un voeu unanime des élus locaux.

Elle s'est félicitée de la réforme des critères de répartition de la dotation globale de fonctionnement des communes, des EPCI, des départements, observant qu'elle contribuerait à un renforcement de la péréquation, conformément à l'objectif posé par l'article 72-2 de la Constitution.

Je rappelle que la structure de la dotation forfaitaire des communes sera simplifiée et réformée afin de mieux prendre en compte la population et la superficie dans le calcul de leur dotation. C'est positif. Et de cinq !

Elle comprendra ainsi une dotation de base, d'un montant compris entre 60 et 120 euros par habitant, et une dotation proportionnelle à la superficie, de 3 euros par hectare pour les communes de plaine et de 5 euros par hectare pour les communes de montagne.

Initialement, cette dotation devait être plafonnée au montant de la dotation de base. Sur l'initiative de notre collègue Pierre JarIier, initiative à laquelle je me suis associé, le Sénat a, hier, supprimé ce plafonnement, sauf pour les communes de Guyane, qui présentent la particularité de disposer d'une superficie équivalant parfois à celle d'un département métropolitain ; pour ces communes, le plafond a toutefois été porté au double du montant perçu au titre de la dotation de base. C'est positif. Et de six !

Enfin, un complément de garantie permettra à chaque commune de disposer d'une dotation au moins égale à celle de 2004. C'est positif. Et de sept !

Les dotations de péréquation communales seront plus sélectives. Ainsi, les augmentations de la DSU et de la DSR, qui devraient atteindre 20 % en 2005, bénéficieront principalement aux communes disposant de zones urbaines sensibles, de zones franches urbaines ou de zones de revitalisation rurale. Je me réjouis, ayant cosigné l'amendement adopté, que le Sénat ait rétabli le coefficient de majoration de la fraction bourg-centre de la dotation de solidarité rurale prévu par le projet de loi de finances au bénéfice des communes disposant de zones de revitalisation rurale. C'est positif. Et de huit !

La dotation d'intercommunalité deviendra plus prévisible grâce à l'augmentation de 15 % à 30 % de la part de la dotation de base, à la simplification du coefficient d'intégration fiscale et à la mise en place d'une garantie de progression dépendant d'un coefficient fixé en valeur absolue et non plus en valeur relative.

Le Comité des finances locales, qui se réunira mardi prochain, devra fixer un taux de progression de la dotation des communautés de communes compris entre 130 % et 160 % du taux de progression de la dotation versée aux communautés d'agglomération, afin de réduire progressivement les écarts constatés dans les dotations entre ces catégories d'établissements publics de coopération intercommunale.

La dotation forfaitaire des départements sera revue, à l'instar de celle des communes, afin de mieux prendre en compte l'évolution des charges liées à la population. Elle sera désormais constituée d'une dotation de base, égale à 70 euros par habitant en 2005, et, le cas échéant, d'un complément de garantie.

La dotation de péréquation, qui n'était pas assez sélective, sera supprimée au profit d'un élargissement de la dotation de fonctionnement minimale à l'ensemble des départements ruraux et de la création d'une dotation spécifique à destination des départements urbains, appelée « dotation de péréquation urbaine ». C'est positif. Et de neuf !

La création de la dotation de péréquation urbaine sera exclusivement financée à partir de l'ancienne dotation de péréquation et grâce à la croissance de la masse, et en aucun cas au détriment des départements ruraux.

La décision que nous avons prise, hier, de laisser à cette réforme le temps de produire ses effets et de procéder à son évaluation avant de la modifier en profondeur me semble sage.

Enfin, pour mieux appréhender la richesse des collectivités territoriales, le potentiel financier sera substitué au potentiel fiscal pour l'attribution des dotations de péréquation communales et départementales, de la dotation globale d'équipement, de la dotation de développement rural, de la dotation particulière relative aux conditions d'exercice des mandats locaux et du Fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France.

L'augmentation des crédits relatifs à l'administration territoriale permettra de financer la poursuite de la politique de déconcentration, qui est le pendant indispensable de la décentralisation. L'un ne peut pas aller sans l'autre. C'est positif. Et de dix !

L'affirmation du rôle des préfets de région et la réorganisation des services des préfectures en huit pôles me semblent aller dans le bon sens.

Je rappelle également qu'il faut veiller au maintien des services publics en milieu rural, même si des adaptations sont absolument nécessaires, et à leur diversification en milieu urbain. A cet égard, nous serons attentifs à la réorganisation du réseau des sous-préfectures.

Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, la commission des lois a décidé de donner un avis favorable quant à l'adoption des crédits relatifs à l'administration territoriale et à la décentralisation inscrits dans le projet de loi de finances pour 2005. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur le banc des commissions.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 29 minutes ;

Groupe socialiste, 21 minutes ;

Groupe de l'Union centriste, 14 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 13 minutes ;

Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes ;

Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 6 minutes.

Mes chers collègues, je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

M. Jean-Claude Peyronnet. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais d'abord saluer la qualité des excellents rapports de MM. Mercier et Saugey.

L'intervention de M. Saugey était argumentée et intéressante, mais j'avoue avoir été plus sensible au « charme » de celle de M. Mercier (Sourires.), qui a porté sur des points que nous avions nous-mêmes soulevés lors de l'examen de la loi constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République ou de celui de la loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales. Nous sommes parvenus aujourd'hui aux travaux pratiques.

Madame la ministre, monsieur le ministre, M. Mercier vous a interpellés sur de vrais problèmes qui subsistent et qu'il faut absolument résoudre.

Le temps qui m'est imparti étant limité, je n'évoquerai que quelques questions, modestes mais précises, qui concernent essentiellement les personnels.

J'aborderai tout d'abord les problèmes des départements et des régions ; cela permettra d'avoir de la décentralisation une vision transversale.

Lorsque nous soulevons les problèmes financiers, vous nous opposez inlassablement la même rengaine : « L'article 72-2 de la Constitution y pourvoit, les transferts se feront à l'euro près. »

Ce n'est pas exact. Les sujets d'inquiétude sont multiples, et M. Mercier en a soulevé un certain nombre de façon précise. Les transferts de compétences ne seront pas entièrement compensés. La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales n'étant pas effective, vous avez beau jeu de dire que nous vous intentons un procès en sorcellerie. Je prendrai donc des exemples de compétences qui ont été transférées avant le vote de cette loi.

Ainsi, en ce qui concerne le RMI, M. Mercier a fort bien montré qu'il pouvait y avoir un différentiel entre ce que l'on nous annonce et ce qui sera effectivement versé. Quant au RMA, il est mort ! En Haute-Vienne, une seule demande - il s'agissait probablement d'une erreur ! - a été présentée en onze mois !

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. C'est un début !

M. Jean-Claude Peyronnet. Il en est ainsi à peu près partout.

Il ne reste donc plus que le RMI, dont le coût et le nombre de bénéficiaires ont augmenté, on le sait, du fait de la dégradation du marché de l'emploi et de votre politique sociale.

Vous nous dites que les transferts seront compensés à l'euro près. Mais quand ? En 2006 ? D'ici là, les départements vont devoir consentir des avances de trésorerie. Dans mon département, ces retards de paiement s'élèveront à 1,4 million d'euros pour le seul mois de novembre, ce qui est beaucoup.

Madame la ministre, monsieur le ministre, si vous nous disiez que ces avances de trésorerie seront prises en charge, ce serait une avancée intéressante. Vous pourriez même aller plus loin, car les départements font parfois d'autres avances, beaucoup plus lourdes.

M. Dominique Braye. Pour l'APA !

M. Jean-Claude Peyronnet. Oui, s'agissant par exemple du Fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie, le FAPA, le retard pris est beaucoup plus grand. Sur les 12 ou 13 millions d'euros qui sont dus au département de la Haute-Vienne au titre du FAPA, seuls 4,5 millions ont été versés à ce jour. C'est une somme ! « Allez, un petit effort ! », ai-je envie de vous dire. (Sourires.)

Mais je reviens au RMI.

Il était prévu que les personnels des DDASS compétents seraient transférés aux départements. Le département de la Haute-Vienne ne s'est vu transférer en tout et pour tout qu'un agent de catégorie C et un quart d'agent de catégorie A, au demeurant tous parfaitement compétents et efficaces, pour un budget transféré de 25 millions d'euros.

J'ai pensé un temps que l'Etat s'était rendu coupable d'une tricherie, ce qu'à Dieu ne plaise ! En fait, le problème est tout autre : les DDASS, comme de nombreux services déconcentrés de l'Etat, sont sinistrées, défaillantes, parce qu'elles manquent de personnel. Elles font donc appel à d'autres services compétents, telles que les ANPE, qui ont mis à leur disposition des conseillers à l'emploi. Le problème est que, les personnels des ANPE n'étant pas considérés comme des agents de l'Etat, ils ne sont pas transférables.

Selon une estimation rapide, au doigt mouillé, à partir du nombre constaté dans mon département, cela peut donc concerner 400 ou 500 agents dans l'ensemble de la France. Ce n'est pas rien !

Madame la ministre, monsieur le ministre, comment sera compensé le manque relatif à ces personnels qui devaient se consacrer la mise en oeuvre du RMI et dont le financement n'est pas prévu ?

Qu'adviendra-t-il, de la même façon, pour une série de fonds - le FAFE pour l'électricité, le FIT pour le téléphone ou encore le FSL pour le logement - qui, avant leur transfert, étaient gérés par des associations employant des contractuels pour le compte de l'Etat ?

Allez-vous compenser en fonctionnement le coût de ces contractuels ? Surtout, comment allez-vous financer le coût de l'encadrement assuré par les DDE et par les DDASS ? Vous m'obligeriez en répondant à ces questions.

En fait, les transferts de compétences permettront à l'Etat de se désengager de nombreuses situations juridiquement incertaines, voire de situations de gestion de fait.

Concernant les personnels des DDE, deux situations différentes coexistent, selon que sont complètement appliquées ou non les possibilités ouvertes par les articles 6 et 7 de la loi du 2 décembre 1992 relative à la mise à la disposition des départements des services déconcentrés du ministère de l'équipement et à la prise en charge des dépenses de ces services.

Pour les collectivités régies par l'article 6, qui emploient la majeure partie des personnels qui seront transférés aux départements, la loi prévoit que 2002 est une année butoir : l'Etat ne peut diminuer les effectifs de fonctionnaires de cette année.

Or, dans ses rapports avec le département, la DDE peut utiliser un autre mode de calcul, l'EETD - effectif, équipement, travail, département. Le ministère de l'équipement effectue un calcul annuel de la rentabilité ou de la productivité de ses agents puis procède à une réfaction pour ceux qui sont mis à la disposition des départements pour l'entretien de leurs routes.

Qu'est-ce qui fera foi ? Est-ce que c'est la loi de 2004 ou est-ce que ce sont les calculs que continue de faire le ministère de l'équipement et qui conduisent inéluctablement à réduire, pour des raisons de productivité, le nombre d'agents affectés aux voies départementales ?

Peut-être ne serez-vous pas en mesure de me répondre ce soir, car cette question mérite une réponse technique et précise.

J'aurais par ailleurs souhaité évoquer la question des parcs de l'équipement, mais je n'en aurai pas le temps. Je dirai simplement que la période de trois ans ouverte par la loi du 13 août 2004 est trop longue et qu'elle les fragilise considérablement.

Pour terminer, j'aborderai la question des personnels techniques, ouvriers et de service, les TOS. Je n'entrerai pas dans le débat technique les concernant, j'évoquerai simplement la question de la responsabilité de l'autorité d'emploi de ces personnels. Il s'agit là d'un problème juridique extrêmement lourd et qui, lui aussi, mérite attention.

Les départements et les régions doivent signer, concernant le transfert des TOS, une convention avec le préfet. Or ces conventions n'auront pas été signées à la date du 1er janvier 2005. Selon les préfets, la loi s'imposant par rapport à la convention, ces personnels seront sous la responsabilité des départements et des régions. En revanche, ces derniers considèrent qu'ils n'en seront pas responsables, car ils n'auront pas alors signé la convention. Ce problème technique et précis doit être résolu. Il serait bon, madame la ministre, monsieur le ministre, que vous vous en préoccupiez.

Selon moi, l'application de cette mesure doit être différée jusqu'à la rentrée scolaire. Cela doit être possible, puisque cela l'est pour le Gouvernement lorsqu'il diffère sa prise en charge des politiques de santé publique qui relevaient jusqu'à présent des conseils généraux au motif qu'il n'est pas prêt. Eh bien, nous non plus, nous ne sommes pas prêts ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Eric Doligé.

M. Eric Doligé. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je dirai en préambule que je soutiens sans réserve le Gouvernement. Toutefois, comme d'habitude, je me permettrai de dire ce que je pense, en l'occurrence qu'il subsiste une marge de progrès pour l'année à venir.

L'UMP vous a montré, lors du vote de la loi relative aux libertés et responsabilités locales, qu'elle était favorable à un mouvement fort de décentralisation. Je me suis impliqué avec passion dans la décentralisation, et je continue de le faire. Je suis globalement satisfait, même si je regrette que la loi ne soit pas allée assez loin s'agissant des choix des compétences nouvelles transférées.

Par ailleurs, je regrette que la rédaction de la loi, floue et compliquée, en permette une trop large interprétation et se traduise par le transfert du législateur à l'administration du pouvoir d'adaptation du texte au bénéfice de l'Etat.

Il nous faut renoncer à cette mauvaise habitude qui consiste à écrire des textes difficilement lisibles doit être perdue. Je reconnais que nous avons en la matière une part de responsabilité, même si elle est légère.

Le décret, la circulaire, l'instruction sont des outils un peu trop répandus, qui permettent à l'Etat de décider du mode d'emploi qui l'arrange.

L'impact financier de la décentralisation a été, en théorie, fort bien cerné grâce à la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République et à la loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales du 30 juillet 2004. Nous avons ainsi gravé dans le marbre une compensation intégrale, à l'euro près, des compétences transférées, conformément au principe d'autonomie financière des collectivités territoriales.

J'ai pris grand plaisir à la lecture de l'excellent rapport de Michel Mercier, dont le contenu est particulièrement dense et riche en informations. Comme notre collègue, je souhaite que nos collectivités bénéficient à la fois de garanties plus fortes et plus claires et d'une autonomie financière réelle. Je souhaite que vous ne décidiez plus de nos dépenses.

Le système actuel n'offre pas ces garanties, en raison de l'existence de multiples dotations. Ainsi en ai-je dénombré au moins une dizaine à la lecture du rapport : la DGE, la DGD, la DRES, la DDEC, la DDR, la DSU, la DSR, la DNP, la DFM et la DGF ! Comment un élu peut-il être à l'aise face à la complexité du calcul de ces compensations ?

D'un côté, l'Etat réduit la DGF en contrepartie d'un transfert de TCA. De l'autre, il augmente la DGF pour compenser la suppression de la vignette ou de la part salaire de la taxe professionnelle. Je mets quiconque au défi de justifier ces réductions et ces augmentations. Les services fiscaux ne sont pas en mesure de communiquer des chiffres aux collectivités territoriales. En matière de finances et de budget, le flou ne devrait plus être de mise.

Hier, lors du débat sur le passage du potentiel fiscal au potentiel financier, notre collègue Michel Charasse nous a expliqué qu'il était trop souvent difficile d'appliquer et d'expliquer la loi.

Ainsi, à la page 11 du rapport de Michel Mercier, la description des principes de mise en oeuvre de la dotation départementale d'équipement des collèges, la DDEC, compte-t-elle pas moins de onze lignes Personne ici n'est en mesure d'en donner le détail de mémoire !

Je ne suis pas contre les dotations, à condition qu'elles ne soient pas incompréhensibles et qu'elles ne dépassent pas un certain pourcentage des recettes des collectivités territoriales. Je vous demande donc, madame la ministre, monsieur le ministre, de veiller à ne pas abuser de ces mécanismes de dotation et de mettre en place des ressources dynamiques et propres aux collectivités.

Si vous me le permettez, étant comme tous les exécutifs départementaux et régionaux en pleine préparation de la mise en oeuvre de la décentralisation, je tenterai de vous décrire rapidement, par secteurs, certains aspects de l'application de la loi.

Compte tenu du peu de temps dont je dispose, je serai très bref sur l'aspect positif de la loi et sur les difficultés que pose sa mise en oeuvre, ainsi que sur les modifications ou les adaptations qu'il serait selon moi nécessaire d'y apporter. J'insisterai en revanche sur les traductions budgétaires de la décentralisation que je n'ai pas trouvées dans le projet de loi de finances et sur les secteurs où je ne constate pas une compensation à l'euro près.

Je commencerai par évoquer le logement social, qui légitime les actions mises en oeuvre par les collectivités compétentes.

Les difficultés actuellement rencontrées sont les suivantes : absence de périmètre suffisamment durable pour l'aide à la pierre et manque d'information sur les financements qui seront délégués, ainsi que sur leur évolution dans le temps.

Pour le FSL, les difficultés sont surtout financières. La modification du contenu de ce fonds risque d'entraîner une augmentation significative des dépenses, alors que les financements sont calculés sur les sommes dépensées avant les transferts.

Ne négligeons pas le risque de voir les partenaires, aujourd'hui co-financeurs, profiter du changement de statut pour se retirer du système.

Il est donc nécessaire d'apporter des garanties financières plus solides et peut-être de mieux affirmer les compétences des territoires.

En ce qui concerne le développement économique, j'ai souhaité que les départements soient reconnus et confirmés. Je me réjouis de ce que le Gouvernement m'ait donné raison. Sur ce sujet, je vous poserai deux questions.

Le transfert à la région à titre expérimental sera-t-il négocié au cas par cas ou une décision de portée nationale sera-t-elle prise ?

Quelles seront les modalités de négociation du transfert ? Une circulaire d'application est-elle envisagée à l'échelon national et, si oui, à quelle échéance ?

Une adaptation me paraît indispensable. Il est urgent que soient publiés le décret et la circulaire d'application des dispositions de la loi définissant le périmètre des aides économiques transférables.

J'évoquerai maintenant les infrastructures, autre sujet important.

Leur transfert permettra aux conseils généraux de conduire des politiques routières départementales de plus grande envergure et de répondre rapidement aux attentes locales.

Je ferai la même réflexion pour les infrastructures aéroportuaires et la navigation fluviale, dont la responsabilité peut relever de la région ou des départements.

Autre élément positif : l'amélioration des services aux citoyens.

En revanche, je ne cacherai pas que, déjà, nous ressentons quelques difficultés de mise en oeuvre en ce qui concerne le transfert des routes.

Les conditions du transfert sont difficiles, les services de l'Etat manifestant certaines réticences à communiquer préalablement les informations nécessaires sur les routes elles-mêmes, sur les moyens, notamment humains, qui y sont aujourd'hui consacrés, ainsi que sur le contenu du patrimoine à transférer.

Il serait bon qu'un engagement ministériel soit pris pour demander aux services de l'Etat de fournir très rapidement aux conseils généraux les informations qui leur sont indispensables.

Il nous faut connaître le contenu du patrimoine tant routier que bâti, avoir les informations nécessaires sur les flux actuels et les flux prévisibles des routes transférées, disposer d'éléments détaillés sur les effectifs affectés à cette mission.

Il est également indispensable que la totalité des moyens humains qui sont mobilisés aujourd'hui dans la mise en oeuvre des politiques nationales sur les routes transférées soit prise en compte, tout particulièrement en termes de maîtrise d'ouvrage et d'ingénierie.

Une clarification par une prise de position nationale sur ce point paraît indispensable.

En termes financiers, les difficultés que je viens d'évoquer et la définition du contenu du transfert peuvent avoir des conséquences importantes.

Si l'on doit considérer que « seules l'exploitation et la préservation des routes » sont transférées, ce qui n'a pas de sens s'agissant d'un transfert intégral de propriété et ne découle pas clairement d'un article de la loi, la compensation de la charge restera injuste et non proportionnée. Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, que vous nous expliquiez cette interprétation tout de même assez curieuse de votre administration.

Le principe de l'arrêt des financements croisés sous-tend que les conseils généraux apportaient des financements dans les grands projets routiers maintenus à l'Etat à hauteur des financements que l'Etat apportait dans les programmes routiers transférés aux départements. Cela ne semble pas correspondre à l'esprit de la loi et, surtout, cela ne permet strictement aucune péréquation entre départements. Il y a là un tour de passe-passe qui ne peut nous satisfaire.

Cette forte diminution va pénaliser les départements qui auront peu ou n'auront pas de routes maintenues à l'Etat et priver ainsi totalement de compensation ceux qui n'en ont aucune.

Le département du Loiret finance ainsi depuis des années environ 30 % des investissements sur les routes nationales, comme la région d'ailleurs. L'Etat apportait pour sa part environ un tiers du financement. Demain, le transfert étant total, l'Etat n'apportera plus rien et le département continuera à investir pour les routes nationales transférées.

Si cette conception très arbitraire du décroisement était maintenue et si une vraie péréquation nationale n'était pas mise en place, il serait indispensable d'obtenir une compensation sous une autre forme pour les départements lésés.

Passons à l'éducation.

L'insuffisance du nombre des agents chargés des fonctions d'accueil nous est très vite apparue. Dans la très grande majorité des établissements - les trois quarts, selon notre évaluation, dans le département dont je préside le conseil général -, ces postes ne sont pas pourvus et l'exercice effectif de ces fonctions est reporté sur des personnels administratifs ou de direction non transférés. La fonction est donc transférée sans personnels.

Autre difficulté majeure : l'insuffisance des crédits de remplacement.

Selon l'évaluation des services académiques, les absences des personnels TOS ne font l'objet d'un remplacement que dans un quart des cas, ce qui entraîne bien souvent des blocages dans le fonctionnement.

Vous savez également que le recours aux personnels en CES est patent. Se pose la question du devenir des emplois aidés au-delà du 1er septembre 2005.

Il importe que les collectivités territoriales connaissent les moyens alloués, en postes et en budget, à ces recrutements indispensables pour compenser l'extinction de certaines catégories de personnels.

Nous avons par ailleurs découvert l'existence d'un différentiel de cotisations patronales entre emploi territorial et emploi d'Etat. La nécessité d'une prise en charge des cotisations de retraite des agents en détachement ne peut nous échapper. L'écart est actuellement de plus de 8 %.

La situation des services de restauration scolaire n'est également pas bien établie.

Je terminerai en évoquant la santé et les actions gérontologiques.

Je constate un report du transfert pour l'année 2006, alors que les départements n'ont plus, en vertu de la loi, budgété les actions sanitaires au titre de 2005.

Monsieur le ministre, si les motifs de satisfaction sont nombreux sur le fond, il reste des inquiétudes en matière de financement qui ne peuvent être apaisées par le simple rappel de la loi organique ou de la loi constitutionnelle.

L'esprit mis dans l'application de chaque article de la loi peut avoir un impact considérable sur les finances des collectivités. Je compte sur vous, madame la ministre, monsieur le ministre, pour donner des instructions fermes d'ouverture et de transparence.

L'objectif de l'Etat et des collectivités est le même : répondre à l'attente des citoyens en améliorant le service sans faire progresser le prélèvement. A entendre nos collègues, nous ne sommes pas tout à fait dans cette situation actuellement.

Comme nous nous situons avant la période des transferts effectifs, ainsi que le disait tout à l'heure M. Mercier, vous disposez encore d'une année pour revoir, si j'ose dire, la copie. Je ne me permettrai bien sûr ni d'insister ni de vous donner des instructions, mais les collectivités, en l'occurrence les départements, doivent pouvoir décider elles-mêmes de leurs dépenses, et il faut donc éviter que l'Etat ne leur transfère insidieusement - ce qui, bien évidemment, n'est pas dans son intention - certaines dépenses. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. le rapporteur spécial applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Madame le ministre, monsieur le ministre, Mme Gourault, qui est retenue à l'Association des maires de France, vous prie de bien vouloir excuser son absence. Je la remplace et, au nom de notre groupe, je vous poserai une seule question.

Les trois niveaux de collectivités vont bénéficier de transferts de personnels. Comment -  et je rejoins là une des préoccupations que vient d'exprimer M. Doligé - l'Etat entend-il compenser financièrement ces transferts ?

La question se pose notamment pour les cotisations de retraite. L'Etat a un régime particulier ; il assure lui-même le service des retraites. Les agents des collectivités locales relèvent eux de la CNRACL, et le taux de leurs cotisations va en augmentant. Je souhaiterais donc savoir comment l'Etat compte assurer la neutralité financière du transfert de ses personnels vers les collectivités territoriales, en ce qui concerne tant les agents transférés que les postes transférés lorsqu'il n'y a pas d'agent. (M. le président de la commission des finances applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon.

Mme Josiane Mathon. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est avec gravité et esprit de responsabilité qu'il nous appartient de débattre des crédits consacrés à l'administration territoriale et à la décentralisation dans le projet de loi de finances.

J'avoue tout de même avoir été assez ravie d'entendre les propos que les uns et les autres ont tenus avant moi. Tout cela confirme que, s'agissant de la décentralisation, nous avions raison depuis fort longtemps !

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. C'est trop tôt : cela ne veut rien dire !

Mme Josiane Mathon. La réalité du terrain ne doit pas être absente de nos débats et de nos votes. Ce vécu fait déjà irruption dans la vie institutionnelle, et je m'en félicite.

La décentralisation, « mère de toutes les réforme », selon l'expression bien connue, provoque plus que des remous et plus que des inquiétudes : un réel mécontentement, qui s'organise en mobilisation civique et républicaine.

Ces piliers de notre société démocratique que sont les élus locaux se rebiffent quelque peu, comme on le voit ici même. Au congrès des maires de France, le Premier ministre est publiquement désavoué. Dans les départements, les élus locaux, à l'instar des 263 élus de la Creuse, organisent leurs protestations au nom de la confiance donnée par leurs électeurs.

La France « d'en bas » refuse de voir ses services publics s'éloigner toujours plus. Selon un récent sondage, 43 % des maires estiment que votre politique va plutôt dans le mauvais sens. Seulement 35 % d'entre eux la soutiennent.

L'expérience vient contredire les discours, qui se voudraient rassurants, du Gouvernement. Voilà le contexte de nos débats !

Vous présentez comme gage infaillible du financement de la décentralisation la réforme constitutionnelle, censée obliger l'Etat à financer tout transfert de charges aux collectivités, mais chaque recul de service public est une charge financière supplémentaire pour une collectivité locale.

Vous menez vos réformes au nom du gain de compétitivité de la puissance publique. C'est raisonner en dehors de l'intérêt général : où est le gain de compétitivité quand les habitants d'une commune doivent désormais effectuer trente kilomètres pour se rendre au Trésor public parce que vous avez réduit le nombre des agences comme une peau de chagrin ? Où est le gain quand une commune doit prendre en charge l'infrastructure du bureau de poste ou de l'antenne de la sécurité sociale ?

Votre politique revient à économiser un peu ici pour faire supporter les dépenses un peu plus partout ailleurs. Même le rapporteur pour avis de la commission des lois souligne dans ses conclusions « la nécessité de veiller au maintien des services publics ». Cela semble, hélas ! un voeu pieu. Et l'on ne pourra plus m'empêcher de pressentir un danger supplémentaire à chaque fois que ce gouvernement prononce l'expression « service public » !

La réalité de la décentralisation que vous menez est révélée par notre ancien collègue Daniel Hoeffel dans un entretien à la presse, paru il y a peu : « Les augmentations d'impôts locaux, je ne vois pas comment on va les éviter », avoue-t-il.

Dans son rapport, l'Observatoire des finances locales note justement que la croissance des recettes recouvre celle de la pression fiscale.

Ainsi, vous transférez aux collectivités locales le soin soit d'augmenter les impôts locaux, soit de gérer un service public exsangue.

Vous ne voulez pas donner à la puissance publique les moyens d'assurer ses missions. Vous pensez : « baisse des dépenses publiques » et non pas : « recherche des recettes adéquates pour répondre aux besoins de nos concitoyens et de leurs collectivités ».

En faisant de l'autonomie financière des collectivités un principe constitutionnel, vous voulez dynamiter l'égalité républicaine. Chaque collectivité est ainsi un peu plus livrée à elle-même, renvoyée aux limites de son propre potentiel fiscal.

Je me réfère à cet égard aux propos du président du conseil général de la Creuse, M. Jean-Jacques Lozach, interrogé par un quotidien national. Confronté à la disparition des services publics dans son département, il expose les énormes difficultés auxquelles il doit faire face : « Si j'augmente l'impôt d'un point, cela va me rapporter 209 000 euros alors que, si le président du conseil général des Hauts-de-Seine fait la même chose, il obtient 5,8 millions d'euros. »

Dans mon propre département, votre ami Pascal Clément décide d'augmenter de plus de six points la pression fiscale, tout en diminuant la contribution du conseil général de la Loire aux communes.

Voilà la réalité de la décentralisation que vous annonciez voilà deux ans avec des slogans pseudo-modernistes. Qu'elles paraissent lointaines ces phrases creuses sur la proximité et sur la démocratie dont vous nous abreuviez alors !

Aujourd'hui, nous pouvons dresser les premiers constats des méfaits causés par votre projet et percevoir les signes de la méfiance et de la défiance des élus locaux envers votre action. Ces derniers ont le sentiment d'être, non pas plus libres dans leurs initiatives, mais plus restreints dans leurs possibilités.

Notre nation est autre chose, monsieur le ministre, qu'une addition de communes, de départements ou de régions. Notre République n'est pas la juxtaposition de territoires à mettre en concurrence !

Il se peut cependant que ce soit là la conception des thuriféraires du libéralisme, et je reconnais dans votre projet de budget la vision des partisans d'un modèle « euro-libéral », qui cherchent à effacer les divers acquis sociaux et démocratiques que se sont donnés les peuples européens pour mieux les intégrer à ce « marché où la concurrence est libre et non faussé » que voudraient proclamer certains à travers le « projet Giscard d'Estaing » de Constitution européenne.

Certes, le projet de budget que vous nous présentez innove. Vous nous dites qu'il garantit loyalement les transferts de compétences et l'autonomie financière des collectivités. C'est à voir ! En transformant le potentiel fiscal en potentiel financier, en créant une dotation superficiaire, vous innovez, certes, mais vous ne vous donnez pas les moyens de réellement évaluer les charges des collectivités pour établir leur dotation en fonctionnement. Il faudrait en effet prendre en compte le revenu moyen par habitant, ou encore la longueur de voirie, pour déterminer de justes dotations.

La dotation de solidarité urbaine serait réservée aux communes comptant sur leur territoire une zone urbaine sensible ou une zone franche. Peut-être est-ce là votre vision de l'équité, mais elle ne correspond pas à la réalité. La richesse ou la pauvreté fiscale d'une commune n'est pas liée à l'existence en son sein d'une zone urbaine sensible ou d'une zone franche. Bien des villes sont faites de quartiers plus ou moins développés en termes d'emploi et de qualité du logement. Votre approche est donc imprécise.

Vous vous abritez derrière le transfert aux départements d'une fraction du taux de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance et le transfert aux régions d'une fraction de la taxe intérieure sur les produits pétroliers pour réfuter l'idée que l'Etat transfère bel et bien des charges.

Ces deux recettes nouvelles ont un point commun : elles sont certainement...incertaines ; je rejoins là les analyses faites par M. Mercier.

Liée aux accidents de la route, la première est tirée à la baisse par la prise de conscience de nos concitoyens de la nécessité d'agir pour la sécurité routière.

Quant à la taxe intérieure sur les produits pétroliers, chacun sait que c'est un impôt peu sûr. Que le prix du pétrole progresse, comme c'est le cas depuis les derniers mois, et les automobilistes modifient leur comportement, laissant la voiture au garage. La faiblesse de leur pouvoir d'achat ne leur permet pas d'alimenter ainsi les caisses de l'Etat !

Le rapporteur spécial, notre collègue Michel Mercier, écrit lui-même que « la volonté affichée par le Gouvernement d'encourager les économies de consommation de pétrole n'est pas de nature à favoriser le dynamisme de la recette transférée aux régions ».

Monsieur le ministre, il faut entendre le cri d'alarme des élus locaux et, en écho, cesser de poursuivre et même d'amplifier vos choix initiaux !

Les membres du groupe communiste républicain et citoyen n'hésiteront pas à censurer par leur vote votre projet de budget.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, le dernier congrès des maires de France a montré qu'il y avait incontestablement une crise de la décentralisation et un malaise dus aux décisions récemment prises ou annoncées en la matière. Cela est incontestable et il faut en comprendre les raisons.

A mon sens, celles-ci tiennent tout d'abord à l'incertitude concernant le financement des transferts de compétences. Les orateurs précédents, dans leur diversité, l'ont dit très brillamment. Il y a bien sûr une puissante déclaration dans la Constitution mais nous, représentants des élus locaux, craignons que cette déclaration n'empêche pas l'évolution négative de la fiscalité locale à laquelle sont contraints de procéder un grand nombre d'exécutifs locaux.

Cette crise et ce malaise tiennent aussi à l'instabilité qui est désormais inscrite dans les lois de décentralisation. En effet, si on additionne les effets de l'expérimentation, des conventions multiples et variées entre divers niveaux de collectivités ainsi que de la possibilité pour toute région ou département de confier à une intercommunalité toute compétence, on aboutit à quelque chose de fou. Or, comme nous l'avons souvent exposé ici même lors de débats sur les textes précédents, ce flou est d'une certaine manière voulu.

M. le Premier ministre a clairement exposé qu'il lui paraissait souhaitable que chaque collectivité pût, en quelque sorte, se saisir des compétences de son choix, de manière à rompre avec une certaine forme d'uniformité.

Mais que se produira-t-il, en fait, lorsque, dans les années à venir, les contours des compétences seront de plus en plus multiples et variés ? Beaucoup d'élus craignent que cela n'aboutisse, comme toujours en pareilles circonstances, à la loi de la jungle ou à une concurrence non maîtrisée : les collectivités qui auront davantage de moyens, de ressources pourront se doter - je prends un exemple - des compétences qui leurs sont offertes en matière sanitaire ou hospitalière, mais celles qui auront moins de moyens ne pourront pas le faire. Il y a donc une véritable inquiétude concernant la notion d'égalité.

Le malaise tient aussi aux effets d'annonce, qui laissent perplexe.

Madame la ministre - et je salue votre arrivée dans cette fonction de ministre délégué à l'intérieur, chargée des collectivités locales -, vous connaissez bien les annonces que fait M le président de la République. Il avait en effet choisi Avignon pour faire une annonce, qu'il a tenue : il s'est bien présenté à l'élection présidentielle. (Sourires.)

Depuis, il a fait deux annonces surprenantes.

La première concerne la suppression de la taxe professionnelle.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Un impôt imbécile !

M. Jean-Pierre Sueur. On peut penser ce que l'on veut de cet impôt et une littérature abondante existe sur ce sujet, mais annoncer la suppression de la taxe professionnelle sans dire par quoi on la remplace alors que les nouvelles lois sur l'autonomie financière interdiront de mettre en place des dotations nouvelles ne peut que susciter l'inquiétude. Nous doutons fort que cela soit suivi d'effet. D'ailleurs, nous ne le souhaitons pas car nous ne voyons pas comment les intercommunalités pourraient financer leurs charges si, d'aventure, on supprimait ou on réduisait les recettes de la taxe professionnelle.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il y a des précédents !

M. Jean-Pierre Sueur. M. le Président de la République a aussi annoncé la suppression de la taxe sur foncier non bâti. Nombre de communes, rurales en particulier, se demandent comment elles vont pouvoir faire face compte tenu de cette annonce.

Tout cela crée l'incertitude. Une clarification est nécessaire. Il faut dire que l'on revient sur ces annonces, plutôt que de laisser l'incertitude peser sur l'ensemble du dispositif. Je ne sais pas, madame la ministre, si cela est en votre pouvoir.

D'autres questions se posent, et je vais les aborder succinctement, monsieur le président.

La taxe spéciale sur les conventions d'assurance, qui sera attribuée aux départements, ne compense pas les charges nouvelles. S'agissant des sapeurs-pompiers, il est clair que les départements devront globalement débourser 40 millions d'euros supplémentaires - peut-être même plus - sans aucune forme de compensation.

Madame la ministre, dès 2006, la départementalisation des plaques minéralogiques sera abandonnée. Comment va-t-on répartir le produit de cette taxe spéciale sur les conventions d'assurance ? Certes, il nous a été dit qu'on y réfléchissait, que des discussions avaient lieu, mais vous comprenez bien que cela suscite une inquiétude légitime.

De même, les régions sont dotées d'une partie de la TIPP, la taxe intérieure sur les produits pétroliers. On nous a beaucoup dit que cela serait modulable, puis on nous a dit que, dans un premier temps, cela ne pouvait pas être modulable.

Le 22 octobre dernier, devant l'Assemblée nationale, le secrétaire d'Etat au budget d'alors a dit que le produit de la TIPP serait en baisse pour 2004.

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Par rapport aux prévisions !

M. Jean-Pierre Sueur. Voilà qui n'a pas manqué d'être relevé par les représentants des régions, qui comptent sur cette ressource. Si elle baisse, ce n'est pas une bonne nouvelle.

Comment l'assiette de cette TIPP sera-t-elle territorialisée. Cette question est loin d'être négligeable. Certes, des discussions ont été entreprises avec l'Union française des industries pétrolières, mais il serait utile d'apporter quelques précisions concrètes à cet égard.

En un mot, nous voulons plus de clarté !

Je veux évoquer, à mon tour, la question des dotations. D'abord, je relèverai les points positifs de votre projet de budget. Je l'ai déjà dit en commission, le fait d'avoir dessiné une dotation de péréquation va assurément dans le bon sens. Le fait d'avoir simplifié un certain nombre de critères va aussi dans le bon sens. Le fait d'avoir stabilisé et augmenté la DSU va encore dans le bon sens, même si l'on peut critiquer les critères retenus. J'ai, pour ma part, critiqué le retour aux critères des zones franches urbaines.

En revanche, d'autres sujets sont plus critiquables, et j'en citerai trois.

Premièrement, s'agissant de ce que j'appelle le dogme de la dotation forfaitaire, je ne comprends toujours pas - mais peut-être parviendrez-vous à fournir des arguments - pourquoi on limite le champ ou l'effet de la péréquation à ce qui augmente, à ce qui est susceptible d'augmenter, à ce qui est censé augmenter, monsieur Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous savez très bien pourquoi !

M. Jean-Pierre Sueur. Je ne suis pas d'accord avec cela et ma position est constante depuis longtemps.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous n'avez pas réussi, quand vous étiez secrétaire d'Etat aux collectivités locales, à faire autrement !

M. Jean-Pierre Sueur. Certes, mais il n'y avait pas encore de dotation forfaitaire à cet égard, monsieur Hyest. C'est en effet M. Daniel Hoeffel, notre ancien - et peut-être futur - collègue, qui a stabilisé la dotation forfaitaire. On ne va pas faire un débat historique sur ce point.

Je ne comprends pas pourquoi on refuse de faire jouer la péréquation sur une partie appelée « dotation forfaitaire ». Cela va contre l'esprit de la péréquation, puisque c'est une prime considérable au statu quo. Si l'on veut véritablement privilégier la péréquation, il faudra remettre en cause cet a priori envers une dotation forfaitaire qui n'est pas, ou peu, péréquatrice et qui continue, année après année, à véhiculer les inégalités. On en reparlera.

Deuxièmement, concernant la DSR, la dotation de solidarité rurale, si chaque commune se réjouit de la recevoir, on pourrait organiser les choses autrement. J'attendais une réforme plus ambitieuse.

M. Dominique Braye. Il n'a rien fait, mais il donne des conseils !

M. Jean-Pierre Sueur. Dans le budget pour 2005, il est incontestable que...

M. Dominique Braye. Vous n'avez pas fait beaucoup de chose, vous !

M. Jean-Pierre Sueur. Si, on a fait beaucoup en matière de DSR et de DDR !

M. Dominique Braye. Et pour aider les communes pauvres, vous avez fait beaucoup ?

M. Jean-Pierre Sueur. La dotation de développement rural était, dans l'esprit, beaucoup plus ambitieuse en termes de développement du territoire que ce qu'est devenue la dotation de solidarité rurale.

M. Dominique Braye. Vous avez toujours eu de bonnes idées, mais vous ne les avez jamais mises en oeuvre !

M. Jean-Pierre Sueur. Mon cher collègue, 34 494 communes, soit 95 %, vont percevoir cette dotation en 2005. Chaque bénéficiaire touchera donc des miettes.

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Ce sont celles de la madeleine, celles qui font le plus plaisir, depuis Proust ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. Certes, mais je ne suis pas sûr que cette logique soit la plus pertinente pour développer les territoires ruraux en difficulté.

Troisièmement, j'en viens à l'intercommunalité, mon dernier point, et, vous le constatez, monsieur le président, je respecte mes engagements.

Ce n'est pas parce qu'il y a une intercommunalité que l'on est pauvre ou que l'on est riche. Il existe des différences de toutes sortes entre les intercommunalités. Là aussi, il aurait été possible d'aller plus loin dans la péréquation entre les intercommunalités. (M. Dominique Braye s'esclaffe.)

S'agissant de ce que l'on souhaite obtenir en matière d'intercommunalité, on n'échappera pas, qu'on le veuille ou non, à un débat sur la démocratie.

Je rappelle que, pour l'année 2004, l'ensemble des régions de France vote 5 milliards d'euros de prélèvements fiscaux et l'ensemble des intercommunalités 5,2 milliards d'euros. Les intercommunalités prélèvent donc plus d'impôt que l'ensemble des régions.

Il y a eu un grand débat, dont se souviennent d'ailleurs M. Braye et d'autres collègues, lors des récentes élections régionales. Je souhaiterais que l'on nous donne l'occasion un jour d'avoir des débats de cette nature et de cette qualité au niveau de nos agglomérations.

Ce projet comporte des évolutions positives, mais aussi des imprécisions et un manque de clarté, et de grandes inquiétudes demeurent.

Selon moi, l'idée d'un marché des compétences ouvert à tout vent est contraire au principe d'égalité. Il faudra donc revoir cette conception. La séparation des pouvoirs suppose la justice entre les différents niveaux de collectivités, mais pas la confusion des pouvoirs vers laquelle on s'oriente malheureusement trop souvent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.

M. Bernard Fournier. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, en cette première année d'application des nouvelles lois de décentralisation, je suis très heureux d'intervenir, comme en 2004, sur ce projet de budget. Très heureux, parce que, s'il y a bien un sujet qui nous concerne tous, en tant qu'élus locaux dans les régions, les départements et les communes, c'est bien celui-là !

C'est un sujet sensible et ô combien difficile car rien n'est plus important que les relations entre l'Etat et les collectivités locales, puisque, chacun le sait, le rôle de nos collectivités territoriales en période de reprise économique peut être déterminant. A cet égard, je tiens à rendre hommage au Gouvernement, qui a consacré, dans le titre Ier du projet de loi relatif aux libertés et aux responsabilités locales, le développement économique des collectivités territoriales.

En tant que premier vice-président du conseil général de la Loire, j'ai constaté, ces trois dernières années, comme les autres élus locaux, les transferts grandissants de compétences aux départements, avec par exemple la création de l'allocation personnalisée d'autonomie, en 2002, et la prise en charge exclusive de l'augmentation des budgets des services d'incendie et de secours.

Ces transferts ont contribué à la hausse des budgets des départements, qui ont progressé d'environ 25 % entre 2001 et 2004, la part des dépenses d'aide sociale dans leurs dépenses de fonctionnement étant passée de 56 % à près de 64 %.

Je note tout d'abord que le Gouvernement mène cette grande réforme qu'est la décentralisation avec courage, bon sens et efficacité.

Lorsque je relis mon intervention du mois de décembre 2003, je constate que le Gouvernement répond au fur et à mesure à nos sollicitations et à nos inquiétudes, mais j'y reviendrai.

Alors, bien sûr, tout n'est pas parfait, les inquiétudes sont encore vives et, sur tel ou tel point, nous avons encore quelques incertitudes.

A ce propos, je voudrais vous dire que je suis assez surpris de la dégradation du climat politique et des mentalités sur la question de la décentralisation. De nombreux élus qui critiquaient le jacobinisme - d'aucuns diraient les décisions prises à Paris ou qui viennent « d'en haut » -, ...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !

M. Bernard Fournier. ...qui se voulaient les apôtres de la décentralisation, n'ont pas aujourd'hui de mots assez durs pour critiquer cette réforme voulue par le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin.

La tentation est grande, chez certains élus de gauche, d'augmenter les impôts locaux en prenant la décentralisation comme alibi. Je crois que ce serait faire un mauvais procès au Gouvernement qui, en matière de compensations - il faut avoir l'honnêteté intellectuelle de le reconnaître - a donné des garanties très importantes aux collectivités.

Il est un moment où, dans la vie, et surtout en politique, il faut savoir prendre position pour avancer.

Lorsque j'examine les crédits relatifs à la décentralisation inscrits dans le projet de loi de finances pour 2005, je me félicite du nouvel effort financier de l'Etat en faveur de nos collectivités locales, et ce, vous en conviendrez tous, dans une situation budgétaire difficile et contraignante.

En effet, le budget s'élèvera à 62,138 milliards d'euros en 2005, soit une augmentation de 4,7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2004, ce qui représente tout de même par son volume - et ce n'est pas rien - un cinquième des recettes du budget de l'Etat.

Des ressources fiscales seront transférées aux collectivités ; les régions recevront une fraction de tarif de la TIPP et les départements, quant à eux, une fraction de taux de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance, afin de financer les transferts de compétences. L'article 72-2 de la Constitution sera donc respecté.

Le Gouvernement propose de reconduire en 2005, pour un an, le contrat de croissance et de solidarité, selon des modalités d'indexation identiques à celles qui avaient été appliquées en 2004. Cela signifie que l'enveloppe « normée » progressera en 2005 de 2,625 %, soit une augmentation de 1,2 milliard d'euros.

La dotation globale de fonctionnement, quant à elle, augmentera de 3,29 %, soit 1,208 milliard d'euros à structure constante, atteignant ainsi un montant total de 37,949 milliards d'euros.

La loi de finances pour 2004 avait déjà modifié la DGF en lui donnant une place fondamentale dans le dispositif d'aide financière de l'Etat aux collectivités territoriales. Elle était devenue le pivot central des dotations de l'Etat aux collectivités locales. La nouvelle réforme des critères de répartition des communes, des EPCI et des départements devrait garantir une meilleure répartition entre les collectivités territoriales et tendre ainsi à corriger les inégalités de telle manière que les citoyens soient égaux devant les charges comme devant les prestations du service public sur l'ensemble du territoire national.

L'année dernière, j'avais attiré votre attention sur la disparité importante de la dotation d'Etat par habitant entre les communautés de communes et les communautés d'agglomération.

Cette année, monsieur le ministre, madame la ministre, je note avec beaucoup de satisfaction, même si cela reste symbolique, qu'à partir de 2005 la dotation globale de fonctionnement par habitant des communautés de communes évoluera chaque année selon un taux fixé par le Comité des finances locales entre 130 % et 160 % des taux retenus pour les communautés d'agglomération.

Cette diminution des écarts de dotation par habitant entre les deux catégories de communautés était hautement souhaitable au vu des charges spécifiques qui pèsent sur nos communes rurales.

Dans le même sens, je soutiens un amendement présenté par notre collègue Jean Faure, qui vise à mieux prendre en compte l'importance des résidences secondaires dans la redistribution des sommes versées aux communes dans le cadre de la DGF.

Ainsi, le développement de l'intercommunalité se poursuit. Cent un EPCI à fiscalité propre, dont douze communautés d'agglomération, ont vu le jour en 2003. Plus de 50 millions d'habitants sont dorénavant concernés. Ma région Rhône-Alpes compte d'ailleurs le plus grand nombre d'EPCI à fiscalité propre, soit 219, réunissant plus de 5 millions d'habitants.

Par ailleurs, à l'heure où les départements ont porté leur attention sur les collèges, qui ont été soutenus à hauteur de 2,4 milliards d'euros en 2004, soit une hausse de 10,2 % par rapport à 2003, je me réjouis de constater que la dotation départementale d'équipement des collèges et la dotation régionale d'équipement scolaire vont passer de 894 millions d'euros en 2004 à 921 millions d'euros en 2005.

Je veux encore souligner les efforts du Gouvernement, qui tient compte des communes défavorisées en augmentant de 20 % la DSR. Les principaux bénéficiaires en seraient les communes bourgs-centres en zones de revitalisation rurale : elles verraient leur DSR, dite « bourgs-centres », majorée de 15 %, ce qui, dans un contexte budgétaire difficile, me semble important.

J'aborderai, enfin, deux dotations hors enveloppe, mais néanmoins significatives : d'une part, le fonds de compensation pour la TVA et, d'autre part, le prélèvement au titre des amendes forfaitaires de la police de la circulation routière.

Le montant prévisionnel du fonds de compensation pour la TVA est estimé, pour 2005, à 3,791 milliards d'euros, soit une hausse de 2,18 % par rapport à 2004.

Les règles d'éligibilité au fonds de compensation pour la TVA posent encore des problèmes, et c'est pourquoi je suivrai avec beaucoup d'attention les réflexions du groupe de travail qu'entend constituer le ministre délégué au budget, Jean-François Copé ; je le félicite de sa nouvelle nomination et j'en profite pour rendre hommage à son prédécesseur à ce poste, Dominique Bussereau.

Quant au produit des amendes forfaitaires, il s'élèvera en 2005 à 560 millions d'euros, soit une hausse de plus de 30 %, les prévisions d'exécution pour 2004 étant révisées à la hausse : 542 millions d'euros, contre 430 millions d'euros inscrits en loi de finances initiale.

C'est pourquoi, face au projet de dépénalisation des amendes de stationnement, nous devons rester vigilants afin qu'il ne soit pas porté atteinte aux ressources des collectivités locales concernées. En effet, la décentralisation ne saurait être un succès que si, et seulement si, les transferts de compétence programmés sont compensés « à l'euro près », comme s'y est engagé le Gouvernement.

Vous l'avez compris, je suis globalement satisfait par le budget que vous nous avez proposé, monsieur le ministre, madame la ministre, ainsi que par les réformes engagées par le Gouvernement sur le grand dossier de la décentralisation.

Toutefois, je ne vous cache pas que la réforme sur la taxe professionnelle annoncée par le Président de la République nous inquiète.

M. Jean-Pierre Sueur. C'est bien vrai !

M. Bernard Fournier. Même si elle est pénalisante pour les entreprises - il faut bien l'admettre -, la taxe professionnelle, ou plutôt sa recette est indispensable à nos collectivités.

Il faudra que cette réforme soit menée rapidement, avec clarté et dans la concertation, en préservant bien sûr - et j'insiste sur ce point primordial - les ressources propres des collectivités territoriales. Je sais que la commission de réflexion qui remettra ses propositions avant la fin de l'année y veillera avec diligence.

Pour conclure et rassurer les élus locaux, pouvez-vous, monsieur le ministre, madame la ministre, me confirmer que l'on ne touchera pas à la taxe foncière sur les propriétés non bâties ?

M. Jean-Pierre Sueur. Il faut le demander à M. le Président de la République !

M. Bernard Fournier. Je vous souhaite beaucoup de succès, madame la ministre, dans vos nouvelles fonctions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Etant donné l'heure et afin de ne pas répéter ce que d'autres ont dit avant moi, je me contenterai d'attirer votre attention, monsieur le ministre, madame la ministre, sur une question très sensible dans les communes rurales.

Les élus ruraux ont toujours été ulcérés de constater qu'un urbain vaut plusieurs ruraux, au motif que les communes rurales dépensent moins que les villes. La vertu n'est donc pas récompensée ! Vous l'avez compris, je veux évoquer le mode de calcul de la partie forfaitaire de la DGF et le système des strates démographiques.

La décision de réduire l'éventail des inégalités est une bonne nouvelle pour les élus ruraux. L'écart passe de 2,5 à 2,2 : c'est indéniablement un progrès. Néanmoins, l'écart reste très important et, surtout, de plus en plus injustifié.

Un mouvement très profond se fait dans la population qui, sous l'effet de la pression foncière, de la hausse des loyers, de la difficulté de faire garder ses enfants, déserte les villes et les agglomérations. Les communes rurales doivent donc accueillir une population accrue, dont les aspirations et les besoins sont les mêmes que ceux des urbains, et qui comprend de plus en plus de personnes en difficulté.

Les communes rurales d'aujourd'hui n'ont donc plus grand-chose à voir, pour la moitié d'entre elles au moins, avec les communes rurales traditionnelles.

Envisagez-vous, monsieur le ministre, de poursuivre le mouvement impulsé et d'atteindre, en quelques années - nous sommes réalistes -, l'égalité entre les ruraux et les urbains ? Vous répondriez ainsi à une revendication de longue date et vous feriez oeuvre de justice.

Dans le cadre d'une réforme globale de la dotation globale de fonctionnement, on pourrait imaginer un système dans lequel les injustices ne seraient pas corrigées par des dotations spécifiques et où la structure de la dotation serait claire et juste. Si la solidarité, c'est bien, la justice, c'est mieux !

Monsieur le ministre, en acceptant de mettre en chantier cette question l'année prochaine, les maires ruraux pourraient espérer voir leurs problèmes pris en considération afin que leur situation soit alignée sur celle de l'ensemble des élus. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, je suis particulièrement heureux de vous retrouver à l'occasion du débat sur la partie collectivités locales du budget du ministère de l'intérieur. Permettez-moi, tout d'abord de rendre hommage au travail remarquable accompli par Jean-François Copé.

Je voudrais aussi saluer l'arrivée à mes côtés de Marie-Josée Roig. Je ne doute pas que, par sa connaissance du mandat de maire, elle m'apporte une aide précieuse pour faire vivre la relation harmonieuse et confiante entre l'Etat et les collectivités. Marie-Josée Roig complétera mon intervention en répondant à plusieurs de vos questions.

Je sais l'intensité et la qualité des débats qui ont eu lieu ici même, hier et cette nuit, en présence de Jean-François Copé. J'en ai pris connaissance avec intérêt et je vous en remercie.

Vous avez, hier soir, rappelé le rôle prépondérant du Parlement dans les décisions qui concernent les budgets locaux. Je veux à mon tour affirmer, en particulier devant les orateurs qui se sont exprimés sur ce sujet, l'importance du travail accompli par le Comité des finances locales.

Sur des sujets de plus en plus techniques et complexes, il a permis, sous la présidence de Jean-Pierre Fourcade, de dégager des lignes de force et, sans se substituer à vous, d'éclairer utilement vos travaux.

Ces débats vous ont permis de percevoir les axes de la politique pour les collectivités locales que j'entends conduire sous l'autorité du Premier ministre. Après le vote de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, il m'appartient, devant vous, de tenir les engagements qui ont été pris afin que cette décentralisation permette de mieux servir les Français, et que, pour cela, les différents niveaux de collectivités disposent rapidement des instruments juridiques et financiers nécessaires.

C'est pourquoi vous retrouvez un certain nombre de priorités dans ce projet de loi de finances. Elles permettent de satisfaire des objectifs qui sont au centre de l'action gouvernementale : d'abord, assurer un meilleur équilibre entre les territoires ; ensuite, renforcer notre cohésion nationale ; enfin, soutenir l'activité économique et l'emploi.

Pour atteindre ces objectifs, j'évoquerai devant vous cinq défis majeurs : le renforcement de la péréquation, le développement de l'intercommunalité, mais aussi la modernisation de notre fiscalité locale, le financement des transferts de compétences et, enfin, le soutien de l'activité économique, à travers la progression des dotations inscrites en dépenses à mon budget ; elles représentent cette année 2,5 milliards d'euros.

En premier lieu, la péréquation, ardente obligation de l'Etat, sera dynamisée dès 2005.

Vous avez pu analyser en détail cette nuit les inscriptions budgétaires en prélèvement sur recettes. Elles progressent de près de 3 % et représentent 44 milliards d'euros. C'est le quatrième budget de l'Etat. Additionnées aux autres concours de l'Etat aux collectivités locales, c'est même le deuxième budget et plus du quart des recettes de l'Etat. Leur adaptation permettra de mieux faire fonctionner la solidarité nationale et territoriale.

Plus de justice dans les dotations nécessite de disposer de marges de manoeuvre. J'ai obtenu de telles marges pour le budget 2005, grâce au maintien du pacte de croissance entre l'Etat et les collectivités. Je remercie d'ailleurs MM. Mercier, Saugey, Doligé et Fournier d'avoir bien voulu s'en féliciter à leur tour. La conséquence de ce choix, c'est, malgré l'extrême contrainte qui pèse sur le budget de l'Etat, une augmentation de 1,2 milliard d'euros pour la seule dotation globale de fonctionnement, à répartir entre chaque catégorie de collectivité. Deux principes président à cette répartition : d'une part, des mécanismes d'attribution plus simples ; d'autre part, davantage de ressources pour les collectivités qui en ont besoin.

Ces principes se retrouvent à tous les niveaux de la péréquation, désormais inscrite dans notre Constitution.

Le premier niveau est la dotation forfaitaire. Son mode de calcul prendra désormais en compte la population réelle - une population actualisée chaque année - et la superficie de la commune. Au nom du même esprit de justice, nous avons choisi de remplacer le potentiel fiscal par le potentiel financier, qui reflète mieux les ressources pérennes des communes.

Mais nous devons aussi faire face, sur le territoire, à deux enjeux essentiels.

Le premier, c'est la situation de villes où nos concitoyens sont confrontés plus qu'ailleurs au chômage, aux difficultés d'intégration et au mal de vivre, et qui comportent des quartiers sensibles. Avec Jean-Louis Borloo, il nous a paru indispensable de leur consacrer des ressources en forte progression : 20 % en 2005, et 600 millions d'euros en cinq ans, au titre de la dotation de solidarité urbaine. En leur donnant des moyens particulièrement importants, cette réforme financière légitime pleinement le rôle que je veux donner aux maires dans le projet de loi sur la prévention de la délinquance.

Le second enjeu, c'est la nécessité de soutenir nos zones rurales. La péréquation volontariste que nous mettons en place bénéficiera aux espaces ruraux, en particulier les bourgs-centres, ces chefs-lieux de canton qui constituent l'ossature du territoire, les bassins de vie et d'animation, qui offrent à la population des services publics de proximité. Ils méritent toute notre attention. C'est pourquoi la dotation de solidarité rurale progressera de 20 %, c'est-à-dire de 80 millions d'euros, dès 2005. L'augmentation pourra même atteindre 40 % dans les zones de revitalisation rurale.

Enfin, j'ai pris la décision d'ouvrir cette péréquation aux départements et de réduire les différences de dotation entre eux : d'une part, en élargissant l'accès à la dotation de fonctionnement minimale à quarante départements supplémentaires et, d'autre part, en créant une dotation de péréquation urbaine pour les départements très urbains.

Vous le voyez, mesdames et messieurs les sénateurs, cette péréquation dont on parle depuis si longtemps, nous allons la faire.

En deuxième lieu, c'est le même souci de fournir aux Français un service de qualité partout sur le territoire qui nous impose de soutenir l'intercommunalité.

J'ai eu l'occasion de dire aux maires de France, il y a quelques jours, mon attachement à nos communes et à nos maires, ainsi que le refus du Gouvernement de s'engager dans la désignation au suffrage direct des élus de l'intercommunalité. La fonction de maire n'est pas une fonction qui se délègue à l'échelon supracommunal.

Pour autant, l'intercommunalité doit être mise au service de nos communes. Là encore, dans la loi du 13 août 2004 comme dans ce projet de loi de finances, nous avons voulu simplifier les règles, notamment le coefficient d'intégration fiscale. Vous le savez, il représente une des principales sources de variation de la dotation d'intercommunalité. Nous avons également souhaité répondre à une de vos aspirations : resserrer les écarts de dotations entre communautés de communes et communautés d'agglomération.

En troisième lieu, nous devons moderniser notre fiscalité locale.

Cette modernisation, elle aussi très souvent évoquée par les orateurs, est nécessaire, comme nous y a invités le Président de la République. Elle concerne la taxe professionnelle qui pénalise encore trop l'emploi et l'investissement, ainsi que la taxe sur le foncier non bâti, qui pèse trop lourdement sur les exploitants agricoles dont on a besoin pour dynamiser le monde rural.

Pour y parvenir - et cela vous rassurera sans doute, monsieur Fournier -, nous devons respecter deux principes : d'une part, préserver le lien entre l'activité économique et les territoires ; d'autre part, préserver la liberté de vote des taux de ces impôts locaux. Soyez assurés que ces principes seront respectés : la loi organique sur l'autonomie financière, que je vous ai proposée et que vous avez votée cet été, nous en fait l'obligation. C'est à la lumière de ces mêmes principes que le Gouvernement examinera les recommandations de la commission Fouquet.

Il en sera de même pour le foncier non bâti, pour lequel les conclusions de la commission animée par Jean Arthuis constitueront, bien sûr, un apport précieux.

C'est dire que ces réformes se feront avec vous, après des concertations très approfondies.

En quatrième lieu, le financement intégral des transferts de compétences constitue, bien sûr, un autre des grands défis.

J'ai entendu vos inquiétudes à ce sujet. Elles sont légitimes : nombre d'élus ont été échaudés par la mise en place de l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, et des 35 heures.

Avec Marie-Josée Roig, nous avons pris deux engagements. Le premier est la clarté et la loyauté dans les transferts de crédits et de personnels : les transferts seront intégralement compensés. C'est inscrit dans la Constitution, ce qui nous impose une obligation de résultat. Le tout sera contrôlé, en toute impartialité, par la commission d'évaluation des charges. Le second engagement est la progressivité, car ce dispositif montera en puissance graduellement : ce n'est qu'en 2007-2008 que les transferts seront pleinement réalisés. Par exemple, les personnels TOS continueront d'être payés par l'Etat en 2005.

En cinquième lieu, nous devons ensemble stimuler l'activité et soutenir l'investissement des collectivités.

Dans la partie inscrite dans le budget du ministère de l'intérieur destinée aux collectivités locales, se trouvent des leviers d'action particulièrement importants pour les investissements civils. Les collectivités locales assument, en effet, près de 70 % de l'investissement public civil de notre nation.

Il était donc pour moi essentiel, dans la conjoncture économique actuelle, de maintenir à un bon niveau cette partie de mon budget.

Les dotations d'équipements progressent en effet de 3 % en 2005.

Je sais que les élus locaux, notamment dans le monde rural, sont particulièrement sensibles à la dotation globale d'équipement, qui permet la participation financière de l'Etat à la réalisation de certains de leurs projets d'investissements. Son montant s'élèvera donc à 931 millions d'euros en autorisations de programme.

Elle se répartit à hauteur de 441 millions d'euros pour la DGE des communes, contre 428 millions en 2004, et 490 millions d'euros pour la DGE des départements, contre 476 millions en 2004.

La dotation de développement rural permet de financer des projets au profit d'EPCI ruraux. Elle augmente, elle aussi, de 3 %, et représentera donc un montant d'autorisations de programme de 119,3 millions d'euros.

De même, la dotation régionale d'équipement scolaire et la dotation départementale d'équipement des collèges passent de 894,6 millions d'euros en 2004 à 921,5 millions en 2005.

S'agissant des compensations des transferts de compétences, comme vous le savez, le Gouvernement a fait le choix de les compenser par des transferts de fiscalité vers les départements et vers les régions. Les crédits correspondants sont inscrits en première partie de la loi de finances.

Les transferts précédents avaient été compensés par la dotation générale de décentralisation, dont le montant continue à être indexé tous les ans. Cette dotation a été, pour l'essentiel, intégrée dans la DGF en 2004 et elle évoluera donc en 2005 de 3,29 %.

Une part résiduelle a été néanmoins maintenue en crédits budgétaires afin de pouvoir procéder plus facilement à des ajustements fins. Cette part résiduelle s'établira en 2005 à 697,5 millions d'euros pour la DGD des communes, des départements et des régions et à 247,5 millions d'euros pour la collectivité de Corse.

S'agissant, enfin, des autres concours de l'Etat, je souhaite évoquer trois contributions spécifiques auxquelles vous attachez beaucoup d'importance.

Tout d'abord, le fonds de compensation pour la TVA est la principale contribution de l'Etat aux dépenses d'investissement des collectivités locales. Son montant prévisionnel pour 2005 s'élève à 3 791 millions d'euros, soit une augmentation de 2,18 % par rapport à 2004. Je sais que ce sujet préoccupe beaucoup les élus et que les conditions d'éligibilité au FCTVA sont parfois discutables. C'est pourquoi, j'ai demandé à Marie-Josée Roig et au nouveau ministre délégué au budget qu'un groupe de travail interservices puisse être rapidement mis en place entre nous pour examiner cette question.

Ensuite, le produit des amendes forfaitaires de la police de la circulation routière s'élève en 2005 à 560 millions d'euros, soit une augmentation de 30,23 %.

Enfin, il est prévu de faire progresser le fonds d'aide à l'investissement des SDIS : les autorisations de programme continueront d'augmenter, pour atteindre 61 millions d'euros en 2005, contre 54 millions cette année. Par ailleurs, 65 millions d'euros de crédits de paiement sont inscrits : ils permettront de couvrir les dépenses de l'exercice et même de rattraper le retard.

Vous le constatez, monsieur Mercier, l'Etat reste attentif à cette compétence partagée que sont les services d'incendie et de secours.

Avant de conclure, je voudrais remercier M. Arthuis, président de commissions des finances, M. Hyest, président de la commission des lois, ainsi que M. Philippe Marini, rapporteur général du budget, M. Michel Mercier, rapporteur spécial de la commission des finances, et M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis de la commission des lois. Vous avez accompli, messieurs, comme à l'accoutumée, un travail de précision, toujours constructif, qui m'a été très utile.

Pour cette partie de mon budget qui concerne les collectivités locales, j'ai la conviction que deux caractéristiques sont au rendez-vous : le respect des engagements et la confiance dans la parole donnée. Vous l'avez compris, je ne pense pas que l'on puisse trouver dans ce budget prétexte à rehausser les impôts.

Mme Marie-José Roig répondra plus précisément à certaines des questions posées par les différents intervenants. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée, que, pour ma part, j'ai l'occasion de saluer au Sénat pour la première fois.

Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur, auprès du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieur et des libertés locales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je m'efforcerai de répondre succinctement aux orateurs et d'abord, à tout seigneur tout honneur, au rapporteur spécial de la commission des finances.

Je vous remercie, monsieur Mercier, de l'avoir reconnu, il n'était pas facile, dans la conjoncture actuelle, de maintenir le pacte de solidarité. Nous l'avons fait et vous l'avez remarqué : j'en suis particulièrement heureuse.

Je vous remercie également d'avoir noté que nous avons apporté plus de lisibilité et de clarté avec la réforme, qui a été menée en bonne coopération avec le Sénat et l'Assemblée nationale.

Vous craignez que les transferts d'impôts nationaux - TIPP et taxe spéciale sur les conventions d'assurance - ne subissent des baisses sensibles avec le temps. La politique de sécurité routière a une influence sur l'assiette de la TIPP et sur les conventions d'assurance. Pour autant, compte tenu de ses effets remarquables, sur le plan humain et sur le plan économique et social, cette politique ne peut pas ne pas être considérée comme une réussite. Certes, s'agissant des conventions d'assurance automobile, un tassement pourrait se produire à terme, mais la progression a été de 5 % à 7 % par an au cours des dix dernières années.

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Oui !

Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée. En outre, cela a été dit tout à l'heure, les contrats d'assurance portant sur d'autres risques continuent de grimper allègrement.

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Qui assure le transfert ?

Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée. Ensuite, vous avez souhaitez que nous surveillions attentivement l'évolution des charges résultant des lois ordinaires. Comme élue locale, j'ai par exemple dû faire face à la loi Voynet et ses aires de jeu, à l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA. Certaines institutions ont subi les charges générées par ces dispositifs. Désormais, de telles situations ne pourront plus se produire puisque des verrous constitutionnels ou institutionnels ont été mis en place.

Vous avez également insisté sur la nécessité de laisser plus de marges de manoeuvre aux collectivités locales, afin de leur conférer une liberté de dépenser conforme au principe d'autonomie de gestion. Je sais, vous l'avez dit en aparté, que les élus veulent être jugés sur une gestion non encadrée.

J'évoque maintenant un sujet qui vous est cher : la compensation du transfert du RMI-RMA. Il s'agit d'une question récurrente, qui a donné lieu à de nombreux débats

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. En effet !

Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée. La loi de finances pour 2004 a estimé un montant des dépenses de l'Etat pour l'année 2003 au titre de l'allocation RMI. A présent, nous disposons de l'évolution définitive des dépenses consacrées par l'Etat en 2003 au RMI A ce titre, la régularisation dans le projet de loi de finances rectificative pour 2004 est évaluée à 59 millions d'euros. Nous allons donc procéder à une régularisation pour rétablir les départements dans leurs droits au titre des dépenses de 2003.

Enfin, compte tenu de l'importance que j'attache à ce que nos relations soient entièrement fondées sur la confiance, les services sont aujourd'hui en train d'étudier les conditions juridiques de la mise en oeuvre de la clause de revoyure, qui existe vraiment, prévue dans la loi de transfert du RMI-RMA.

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Tout à fait !

Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée. Monsieur Saugey, vous avez insisté, et je vous en remercie, sur la progression de 3 % des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales pour 2005. Vous connaissez la volonté du Gouvernement de reconduire le contrat de croissance et de solidarité, qui permettra aux collectivités d'être plus entreprenantes dans les années à venir.

Je vous remercie également d'avoir mis l'accent sur un autre élément, essentiel à mes yeux, de la politique du Gouvernement, je veux parler de la politique de déconcentration, qui doit nécessairement accompagner la décentralisation, car il est souhaitable que chaque exécutif local ait en face de lui un partenaire efficace, parlant d'une seule voix, celle du représentant de l'Etat.

S'agissant du maintien des services publics en milieu rural et de la diversification de ces services en milieu urbain, la réforme des dotations, qui a été présentée avant-hier, apporte une réponse précise, et je ne reprendrai pas les explications qui on été données. Elle met en oeuvre le principe de péréquation, désormais constitutionnel, et c'est important. Cette péréquation est destinée d'abord aux villes qui connaissent de fortes difficultés. J'en connais un certain nombre et si on prend l'ordre alphabétique, j'en connais une dont le nom commence par la lettre A. (Sourires.) Souvent, elles sont classées en zone urbaine sensible. Je connais également des bourgs-centres qui sont classés en zone de revitalisation rurale, qui verront leurs dotations augmenter, parfois jusqu'à 40 %, dès 2005.

Cette première réponse me paraît adaptée à votre demande de diversification et de maintien non seulement des services publics, mais également - et c'est important - des activités dans les zones dont il faut nécessairement augmenter l'attractivité.

M. Peyronnet est revenu, une fois encore, sur l'un de ses sujets favoris : la hausse inévitable des impôts locaux pour financer les transferts de la décentralisation. Le principe concernant le transfert des compétences aux collectivités territoriales est que ces transferts doivent s'accompagner des ressources qui étaient précédemment consacrées par l'Etat à l'exercice des compétences transférées. Cela me paraît évident. La compensation financière sera intégrale, concomitante et contrôlée. Cela devrait rassurer tous ceux qui s'interrogent.

La compensation sera intégrale : les ressources transférées seront équivalentes aux dépenses exposées par l'Etat au titre de la compétence transférée. Toutes les dépenses, directes ou indirectes, liées aux transferts seront intégralement prises en compte, qu'il s'agisse des charges de fonctionnement - elles seront évaluées sur trois ans - ou d'investissement, évaluées, quant à elles, sur cinq ans.

La compensation sera concomitante : concrètement, l'année précédant le transfert des compétences, les ministères décentralisateurs procéderont à l'évaluation provisoire des dépenses qu'ils consacraient à la compétence transférée. Le montant correspondant sera inscrit en loi de finances et, bien sûr, dès que les données définitives seront connues, il sera procédé aux régularisations qui s'imposeront.

Enfin, la compensation sera contrôlée : la loi organique du 29 juillet 2004 sur l'autonomie financière apporte aux collectivités locales de véritables garanties quant au niveau des ressources et, surtout, quant à leur niveau d'autonomie financière.

Le plan de cohésion sociale de Jean-louis Borloo, qui est en cours d'examen devant le Parlement, prévoit de créer, sur cinq ans, un million de contrats d'avenir destinés à peu près aux mêmes personnes en difficulté que celles qui sont visées par certaines régions. Je pense notamment à la région d'Ile-de-France...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est bien de penser à l'Ile-de-France !

Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée. ...et à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Pourquoi des régions se montrent-elles si empressées à financer 80 % du salaire de personnes qui sont visées par le plan de cohésion sociale ? On ne peut nous demander de prendre en charge des dépenses qui le seront déjà par ailleurs.

Quant aux transferts de 2005, ils ne représenteront qu'une part infime, chacun le sait, et ils seront intégralement compensés. On ne peut prétendre qu'un report de 3 % imposera une augmentation des impôts locaux de 10 %. Or des augmentations de cet ordre seraient envisagées dans certaines régions ou certains départements...

Je le répète : la compensation sera intégrale, concomitante et contrôlée, et je m'y engage ici personnellement. Cela vous permettra d'établir rapidement des prévisions budgétaires, d'organiser des débats d'orientation budgétaire qui nous éclaireront sur les compensations à mettre en chantier.

Monsieur Doligé, je vous remercie de vos appréciations positives sur la réforme que j'ai l'honneur de défendre dans la foulée de mon prédécesseur qui, comme l'a dit le ministre de l'intérieur tout à l'heure, a beaucoup fait dans ce domaine.

En tant que président de conseil général, vous êtes très attentif - et c'est normal - aux différents transferts que vous allez devoir organiser. Je vous indique, avec fierté, que les décrets d'application de la loi de décentralisation du 13 août 2004 sont très avancés. En effet, et c'est un record, sur la soixantaine de décrets prévus, trente-huit sont déjà élaborés par les différents services de l'Etat. Reconnaissez que nous avons mis les bouchées doubles !

Vous avez déploré, monsieur le sénateur, l'insuffisante clarté des conditions des transferts et vous avez même suggéré qu'ils pouvaient être mal engagés. Les mécanismes que nous mettons en place sont précisément destinés à vous garantir la transparence, mais toujours, bien sûr, dans la concertation.

S'agissant des transferts eux-mêmes, vous bénéficierez d'une double garantie : celle de la commission commune de la fonction publique et celle des commissions tripartites locales réunissant les représentants de l'Etat, des collectivités et des personnels, que nous allons mettre en place, conformément à la circulaire qui a été adressée aux préfets en septembre.

Comme vous le savez, les transferts des personnels n'ont pas encore commencé.

S'agissant du transfert des routes nationales, M. le ministre de l'équipement vient tout juste de transmettre, c'était la semaine dernière, la concertation des axes d'intérêt national et européen. Ceux-ci seront transférés dans le domaine public routier départemental après avis des départements intéressés ; un délai de trois mois est prévu à cet effet. Le transfert des routes sera alors constaté sur le plan local, dans le département, dans un délai de dix-huit mois. On ne peut donc pas encore s'inquiéter du nombre des personnels transférés puisque l'on ne sait pas encore combien d'entre eux seront concernés ! Certaines collectivités souhaiteront avoir plus de réseaux transférés, d'autres moins. Il est évident que la question des personnels des directions départementales de l'équipement est très liée - et elle le sera toujours - à la surface des réseaux qui sera finalement transférée.

S'agissant des TOS, vous le savez, les charges de rémunération des personnels ne seront totalement supportées par les collectivités qu'à l'issue de la période d'option ouverte aux agents, c'est-à-dire deux ans après la publication du décret. Jusqu'à cette date, il appartient à l'Etat d'assurer la rémunération de ces personnels, et il le fera.

Nous voulions que cette réforme soit bâtie sur un véritable pacte de confiance entre nous ; je pense que nous avons atteint notre objectif, mesdames, messieurs les sénateurs.

M. Mercier, qui a relayé les demandes de Mme Gourault, m'a interrogée sur la compensation des postes de TOS qui ne sont pas pourvus. A cet égard, la réponse est conforme à la règle habituelle : seule une dépense effective, c'est-à-dire constatée, pourra être compensée, mais tel n'est pas le cas pour les postes qui ne sont pas pourvus.

Madame Mathon, vous vous êtes fait l'écho des maires qui, selon un sondage, sont réticents à la décentralisation. Or M. Malvy, président de l'Association des petites villes de France, nous a remis les résultats d'un sondage qu'il a commandé et selon lesquels deux Français sur trois sont satisfaits de la réforme de la décentralisation menée par le Gouvernement. Selon vous, la décentralisation serait une fausse décentralisation et, dans le même temps, elle provoquerait, au nom du libéralisme, un éclatement du cadre républicain. Madame Mathon, ou bien il s'agit d'une fausse décentralisation, ou bien elle fait tout éclater, mais elle ne peut pas être les deux à la fois.

A cet égard, je m'étonne que cette réforme vous inquiète tant. Vous le savez tous, elle est dans le droit-fil des grandes lignes des propositions qui ont été avancées par M. Mauroy, l'artisan de la première réforme de la décentralisation. L'acte II de la décentralisation que nous mettons en place applique exactement les mêmes principes fondamentaux, en allant simplement plus loin. Or, me semble-t-il, M. Mauroy s'est plaint en 2001 que le gouvernement d'alors n'ait pas accepté qu'il aille aussi loin que nous !

Par ailleurs, vous estimez, madame Mathon, que les transferts s'accompagnent toujours d'une augmentation de charges. C'est peut-être possible, mais cette augmentation résulte principalement - et je rejoins là la demande de M. Mercier d'accorder plus de liberté aux collectivités - de la libre décision des collectivités : il n'y a aucune fatalité à ce que les collectivités gèrent moins bien avec des effectifs et des crédits de fonctionnement équivalents à ceux de l'Etat. C'est la liberté de chaque collectivité d'organiser les choses, et c'est cette liberté qui vous sera donnée, mesdames, messieurs les sénateurs.

Madame Mathon, vous le savez, M. le Premier ministre a annoncé, voilà quelques jours, devant l'Association des maires de France, la création d'une conférence nationale des services publics en milieu rural, qui devrait se réunir dans les délais les plus brefs. Vous pouvez donc constater que le Gouvernement se mobilise largement. Il pourra d'ailleurs mettre en oeuvre plusieurs instruments juridiques et financiers afin de traiter ce problème, qui est l'un des problèmes majeurs en matière d'aménagement du territoire.

Monsieur Sueur, vous avez commencé votre intervention en indiquant que les maires sont inquiets. Or, comme l'a dit brillamment mon prédécesseur avant-hier, ils sont peut-être inquiets, mais ils ont élu à la présidence de leur association, et ce à plus de 60 %, M. Pélissard, qui est pourtant un ardant défenseur de la décentralisation.

M. Jean-Pierre Sueur. Cela n'empêche pas qu'ils soient inquiets !

Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée. Mais 60 % d'entre eux n'ont pas trop montré leur inquiétude, monsieur Sueur !

M. Jean-Pierre Sueur. A droite aussi, certains sont inquiets !

Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée. La décentralisation ne fait que commencer, monsieur Sueur. Si tout était décidé à l'avance, si tout était formaté, fixé par l'Etat sans concertation, vous seriez certainement le premier à nous le reprocher ! Puisque tout n'est pas fixé, une concertation sera engagée entre les préfets et tous les élus pour fixer les modalités précises des transferts au niveau local, c'est-à-dire au plus près du terrain, et j'y veillerai.

Cependant, et je vous en sais gré, monsieur Sueur, vous avez reconnu que cette réforme n'a pas que de mauvais aspects. D'ailleurs, lors de l'examen du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, vous avez voté, s'agissant de la dotation de solidarité urbaine, les dispositions relatives aux efforts consentis en faveur des quartiers dégradés.

M. Jean-Pierre Sueur. Tout à fait !

Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée. Je le sais, vous êtes un orfèvre en la matière, vous connaissez bien les quartiers dégradés et leurs besoins. Il y a quatre ans, vous aviez réclamé un plan Marshall pour disposer enfin d'un levier financier important. Vous le voyez, monsieur Sueur, je lis vos déclarations. (Sourires.)

J'ai répondu tout à l'heure de manière détaillée à la question du financement des compétences, je n'y reviens donc pas.

En revanche, même si vous n'avez pas abordé ouvertement la question - mais vous l'avez pensé tellement fort qu'il me semble que tout le monde l'a entendu -, vous avez soulevé le problème de l'évolution de l'intercommunalité, un fait majeur, j'en conviens. A cet égard, vous souhaitez passer à une phase beaucoup plus décisive.

M. Jean-Pierre Sueur. Démocratique !

Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée. Je ne discuterai pas le terme, monsieur Sueur ! Cette phase consisterait à faire élire au suffrage universel direct les présidents des intercommunalités. Pour ma part, et en tant que présidente d'une communauté d'agglomération, je ne partage pas votre avis.

Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée. Je crois que nous sommes parvenus à un équilibre. L'intercommunalité a progressé depuis la loi de 1999, elle couvre désormais 85 % du territoire national. Mais, pour avoir l'occasion de rencontrer de nombreux élus ainsi que des membres du Gouvernement qui sont présidents de communautés, je puis vous dire que les esprits ne sont pas mûrs pour passer à l'élection au suffrage universel direct.

Ainsi, lorsque M. Pierre Mauroy a évoqué cette possibilité lors du congrès des maires de France, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il n'a pas rencontré un franc succès.

M. Dominique Braye. Absolument !

Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée. Vous vous en souvenez certainement, monsieur Sueur. Cette question n'est donc pas d'actualité.

Monsieur Fournier, je vous remercie d'avoir souligné que le Gouvernement conduit la réforme avec courage, bon sens et efficacité. Vous avez notamment insisté, au début de votre intervention, sur le rôle de nos collectivités en période de reprise économique, j'y ai été sensible. L'allocation personnalisée d'autonomie, l'augmentation des dépenses des SDIS et le passage aux 35 heures ont effectivement ébranlé les collectivités. Mais, comme je l'ai dit, nous avons mis les collectivités à l'abri de semblables dérives.

Comme l'a indiqué M. Copé, il est essentiel que les transferts envisagés se fassent « à l'euro l'euro », et que les collectivités locales retrouvent enfin confiance en l'avenir.

Pour ma part, je suis quelque peu surprise de la dégradation du climat politique autour de la question de la décentralisation. La plupart des réformes conduites par le Gouvernement, y compris s'agissant du transfert des personnels TOS, s'inspirent en effet du rapport de M. Mauroy, qui avait fait l'objet, il y a quatre ans, d'un travail fructueux émanant d'élus de la majorité et de l'opposition. Je m'étonne donc que ceux qui l'avaient à l'époque approuvé soient si inquiets aujourd'hui que l'on mette en place les mesures qu'il suggérait.

Au début de l'année prochaine, lorsque les collectivités présenteront leur budget, nous devrons veiller à bien distinguer - car c'est important - ce qui relèvera vraiment d'une politique nouvelle - ce sera toujours possible, car telle sera la liberté des collectivités - et ce qui relèvera d'une augmentation des charges liée à la décentralisation. Je n'insisterai pas sur ce point. Je précise simplement que la compensation n'a pas pour vocation de financer les promesses électorales qui ont été faites ici ou là. Une augmentation de 4,7 % des dotations par rapport à la loi de finances initiale de 2004, ce n'est pas rien, surtout dans le contexte actuel !

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous vous êtes globalement déclarés satisfaits. Pour ma part, je suis moi aussi globalement satisfaite du budget des collectivités locales que M. le ministre de l'intérieur et moi-même vous présentons, car l'essentiel des intérêts de nos collectivités me semble être préservé, dans un contexte qui n'est pas facile.

Monsieur Collombat, vous avez abordé la question des communes rurales. Nous avons mis en place des mécanismes fortement péréquateurs pour les zones de revitalisation rurale et, comme je l'ai précisé tout à l'heure à Mme Mathon, nous continuerons d'apporter une attention toute particulière à cette question. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant l'intérieur et la décentralisation et figurant aux états B et C.

Je rappelle au Sénat que les crédits affectés à la sécurité ont été examinés cet après-midi.

État B

Titre III : 138 998 096 euros.

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Etat C - Titres V et VI (début)

M. le président. L'amendement n° II-7 rectifié, présenté par M. Mercier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Réduire ces crédits de 800 000 euros.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Je reprends bien volontiers un amendement, particulièrement technique, de M. Alduy, visant à réduire de 800 000 euros les crédits du ministère de l'intérieur pour les affecter au budget de la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, la DATAR, qui relève de l'aménagement du territoire. Il s'agit de confier à la DATAR la mission d'expertiser les contrats de plan Etat-régions.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique de Villepin, ministre. Ce sont les préfets de région qui, au niveau déconcentré, procèdent à l'évaluation des contrats de plan. Ils reçoivent, à cet effet, des délégations de crédits de l'administration centrale. L'essentiel est que l'évaluation soit réalisée en toute objectivité.

Par conséquent, je ne suis pas opposé à ce que les crédits destinés à l'évaluation soient affectés à la DATAR. Cette mesure était d'ailleurs prévue dans le projet de budget initial, tel qu'il a été déposé au Parlement. Le Gouvernement s'en remet donc à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Si j'ai bien compris, on se préoccuperait trop actuellement des problèmes que rencontrent les régions dans les contrats de plan.

A l'heure où l'on parle de décentralisation, de déconcentration, il me semble surprenant de vouloir recentraliser les crédits concernés au sein de la DATAR à Paris alors que celle-ci n'a même pas voulu transférer ses bureaux en Seine-Saint-Denis parce que c'est trop loin ! Je voterai donc contre cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-7 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre III, modifiés.

(Ces crédits sont adoptés.)

Titre IV : 68 252 913 €.

M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

Etat B - Titres III et IV
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Etat C - Titres V et VI (interruption de la discussion)

État C

Titre V. - Autorisations de programme : 434 305 000 € ;

Crédits de paiement : 212 040 000 €.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur les crédits.

M. Richard Yung. Je souhaite intervenir sur la question de l'identité nationale électronique sécurisée, qui nous tient à coeur.

Je comprends que les crédits dévolus à l'étude de ce nouveau système soient inclus dans ce titre. Les crédits alloués, de l'ordre de 3,2 millions d'euros, nous semblent notoirement insuffisants pour mettre en place ce nouveau système, qui est important.

Nous soutenons, bien sûr, l'utilisation de ces techniques modernes, qui sont bonnes pour le citoyen et qui le rapprochent de la démocratie. Cependant, 3 millions d'euros pour mettre en place, à la fin de 2006, c'est-à-dire dans deux ans, un système complet de délivrance de passeports et de cartes d'identité comportant les données biométriques, cela ne nous paraît ni sérieux ni faisable.

Je citerai simplement à titre d'exemple les Etats-Unis, qui ont dépensé plus de 1,5 milliard d'euros pour mettre en place un système analogue concernant une vingtaine de millions de passeports biométriques.

Nous avons donc des inquiétudes à ce sujet et nous émettons des réserves sur ces crédits.

En outre, mais cela ne relevant pas de la discussion budgétaire, nous y reviendrons lors de l'examen ici même du projet de loi qui nous a été promis, nous avons un certain nombre d'observations à formuler sur le calendrier, sur les données à inclure dans ces documents, sur le respect des libertés individuelles - dont il faudra discuter - et sur la concertation avec les élus locaux puisque ces données biométriques seront essentiellement saisies par les mairies. Il y a, je crois, 4 000 mairies qui sont prévues dans le système pour être l'endroit où seront saisies les données biométriques. Nous considérons qu'il faut une concertation poussée avec les élus locaux à cet égard.

Enfin, en tant que représentant des Français de l'étranger et ayant vécu des situations désagréables concernant les fameux passeports Delphine, je souhaite obtenir des précisions et des assurances quant à la mise en place de la saisie de ces nouvelles données dans les consulats et dans les consulats généraux. En effet, il ne faudrait pas que, à cette occasion, se renouvelle l'expérience malheureuse des passeports Delphine, avec des délais de six mois au début de la mise en place du dispositif.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Dominique de Villepin, ministre. Monsieur le sénateur, en ce qui concerne le projet Inès, des crédits d'études qui ont d'ores et déjà été inscrits : 6,2 millions d'euros en autorisations de programme et 3,2 millions en crédits de paiement. Il y aura bien sûr un projet de loi, qui est en préparation et qui sera présenté début 2005. Une mission est organisée au sein du ministère pour évaluer l'ensemble des coûts, qui seront bien sûr pluriannuels. Par ailleurs, se pose un problème d'organisation et de partenariat entre le public et le privé, que nous sommes en train d'étudier pour définir la meilleure organisation et les bonnes modalités de financement. Ce texte sera naturellement soumis à concertation avec les élus, en particulier les maires, dans le respect des grands principes et des libertés individuelles.

M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)

Titre VI. - Autorisations de programme : 2 184 825 000 € ;

Crédits de paiement : 981 407 000 €.

M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Dominique de Villepin, ministre. Monsieur le président, vous me permettrez d'exprimer une nouvelle fois ma gratitude à la Haute Assemblée et à vous-même, pour la très grande qualité de ce débat et pour les contributions très positives qui se sont exprimées sur l'ensemble des travées.

Je voudrais également remercier les commissions, leurs présidents et les rapporteurs, et vous remercier tous pour l'approbation de ce budget de l'intérieur 2005. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la décentralisation et, par là même, l'examen des dispositions concernant le ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Etat C - Titres V et VI (début)
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Discussion générale