Demande de renvoi à la commission
Dossier législatif : proposition de loi précisant le déroulement de l'audience d'homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité
Art. unique (fin)

Article unique

La dernière phrase du second alinéa de l'article 495-9 du code de procédure pénale est ainsi rédigée :

« La procédure prévue par le présent alinéa se déroule en audience publique ; la présence du procureur de la République à cette audience n'est pas obligatoire. »

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers amendements sont identiques.

L'amendement n° 3 est présenté par MM. Badinter, Collombat, Sueur, Peyronnet, Frimat, Sutour et Dreyfus-Schmidt, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 6 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 3.

M. Jean-Pierre Sueur. M. Badinter, M. Collombat et moi-même avons précédemment eu l'occasion d'exposer l'ensemble des arguments par lesquels nous avons tenté de vous convaincre, mes chers collègues, qu'il serait préférable de ne pas voter ce texte. Nous considérons donc que l'amendement n° 3 est défendu.

Jusqu'ici, nous n'avons pas eu le sentiment que ces arguments emportaient votre adhésion. Nous espérons néanmoins que le surcroît de réflexion que rend possible la discussion d'ici au vote de cet amendement nous permettra d'arriver à un meilleur résultat. (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon, pour présenter l'amendement n° 6.

Mme Josiane Mathon. Il est vrai que tout l'argumentaire que nous avons développé tant de ce matin que cet après-midi va dans le sens de la suppression de l'article unique.

J'ose espérer, avec mon collègue M. Sueur, que cette suppression sera voté par le Sénat.

M. le président. L'amendement n° 7, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

La section 8 du chapitre Ier du titre II du livre II du code de procédure pénale et les articles 495-7 à 495-16 du même code sont abrogés.

La parole est à Mme Josiane Mathon.

Mme Josiane Mathon. Cet amendement tend tout simplement à l'abrogation des dispositions instaurant le plaider coupable, auxquelles nous avions été farouchement opposés.

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par MM. Badinter, Collombat, Sueur, Peyronnet, Frimat, Sutour et Dreyfus-Schmidt, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après les mots :

procureur de la République,

rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour la dernière phrase du second alinéa de l'article 495-4 du code de procédure pénale :

est obligatoire à l'audience lorsqu'une peine d'emprisonnement est proposée.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Je tiens à bien préciser que cet amendement est un amendement de repli : il ne marque en aucun cas un recul de notre part sur tout ce que nous avons dit ce matin et cet après-midi. Cependant, comme le risque est grande de voir, dans quelques minutes, la proposition de M. Béteille, à quelques nuances près, adoptée par le Sénat, nous voulons faire une ultime suggestion, en espérant qu'elle sera entendue.

Il s'agirait de n'exiger la présence du ministère public à l'audience d'homologation, ou de refus d'homologation, dans le cadre de la procédure de comparution sur reconnaissance de culpabilité, que lorsqu'une peine d'emprisonnement est proposée.

Il est clair que, pour nous, le ministère public doit toujours être présent. Mais nous pensons que, pour le moins, on doit exiger cette présence dans le cas où une peine d'emprisonnement est requise.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. La commission a émis un avis négatif sur les quatre amendements.

Les trois premiers s'apparentent à la motion d'irrecevabilité ou à la question préalable. A titre personnel, en dépit du temps dont nous avons disposé depuis le début de la discussion, je ne suis toujours pas convaincu. Je maintiens donc ma position, pour des raisons qu'il n'est plus besoin d'exposer.

L'amendement n° 4 est bien un amendement de repli par lequel vous tentez, chers collègues, de n'exiger la présence du ministère public à l'audience que lorsqu'une peine d'emprisonnement est proposée.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous aimerions l'obtenir au moins dans ce cas !

M. François Zocchetto, rapporteur. Je ne pense pas qu'il y ait lieu d'opérer une distinction selon qu'une peine d'emprisonnement est proposée ou non.

Je reviens à la décision du Conseil constitutionnel, qui est un peu le fondement de votre argumentation.

Le Conseil constitutionnel ne s'est prononcé que sur la publicité de l'audience : dès lors qu'une peine privative de liberté peut être prononcée, a-t-il estimé, l'audience doit être publique. Mais il n'en a pas déduit que le parquet devait être présent.

Je vous ai rappelé tout à l'heure des circonstances dans lesquelles une peine privative de liberté est prononcée par le juge des libertés et de la détention, sur requête du procureur, mais hors la présence d'un représentant du parquet, et cela n'a jamais été contesté par le Conseil constitutionnel. Si le Conseil constitutionnel avait voulu lier l'emprisonnement à la présence d'un représentant du parquet, il l'aurait dit clairement.

Par ailleurs, il est vrai que c'est pour des raisons pratiques que nous sommes attachés à ce que la présence d'un représentant du parquet ne soit pas obligatoire, y compris lorsqu'il s'agit de l'homologation d'une peine d'emprisonnement. En effet, si ce représentant est présent pour rester muet ou pour simplement se lever et indiquer qu'il s'en remet à l'appréciation du tribunal, cela ne participe pas à une bonne administration de la justice.

La commission est donc également défavorable à l'amendement n° 4.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, ministre. Je ne reviendrai pas sur les trois premiers amendements puisqu'ils sont au centre du débat qui nous occupe depuis maintenant deux bonnes heures, les uns et les autres restant sur leurs positions. J'y suis évidemment défavorable.

Il me paraît plus intéressant, monsieur Sueur, de m'attarder sur votre amendement concernant la présence obligatoire d'un représentant du parquet lorsqu'une peine d'emprisonnement est proposée.

Monsieur le sénateur, quel est l'intérêt pour le condamné dans l'hypothèse que vous évoquez ? L'intérêt du condamné, c'est d'être mieux jugé. Or, dans le cas où le procureur voudrait requérir de la prison ferme, il abandonnerait la CRPC pour renvoyer le condamné devant le tribunal correctionnel dans sa formation traditionnelle.

Je me permets de recommander à ceux qui ne l'auraient jamais fait d'assister quelques heures à une audience de chambre correctionnelle. Croyez-moi, il y a de quoi être choqué quand on voit, pendant huit à dix heures de rang, des gens jugés en parfois moins de cinq minutes. Quand le prévenu risque la prison ferme, cela peut prendre un peu plus de temps, mais guère plus. Il n'y a, dès lors, aucune espèce de début de commencement d'adhésion de la part du condamné : il ressent cette justice comme une violence supplémentaire provenant de la société.

A l'inverse, avec la CRPC, la personne peut constater que l'institution commence par l'écouter, avant de lui proposer une peine, qu'elle peut accepter ou refuser.

Si le procureur est obligatoirement présent et qu'il a proposé de la prison ferme, que va-t-il faire à l'audience ? Il va requérir avec un maximum d'arguments afin que la peine soit effectivement homologuée. Si le procureur n'est pas présent, on peut très bien imaginer que le juge n'accepte pas l'homologation et considère le sursis comme suffisant.

Autrement dit, la présence obligatoire du procureur tend soit à un alourdissement de la peine pour le condamné, soit au retour au droit commun et au tribunal correctionnel, c'est-à-dire à ces après-midi épouvantables. Voilà à quoi aboutirait votre proposition, monsieur Sueur : l'alternative entre deux mauvaises solutions.

Voilà pourquoi je suis également défavorable à l'amendement n° 4, qui relève manifestement de la fausse bonne idée.

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 3 et 6.

M. Robert Badinter. Je ne vais pas reprendre, en cet instant, la discussion concernant la question de la constitutionnalité de cette proposition de loi ou celle de la hiérarchie des normes. Je veux vous mettre en garde : ce que vous proposez n'est pas bon, et c'est pourquoi je soutiens ces amendements de suppression.

Il n'est pas bon de vouloir faire l'économie de l'audience pénale. Vous nous demandez, monsieur le ministre, quel est l'intérêt pour celui que vous appelez le condamné, ce qui est aller vite en besogne puisque nous sommes encore à l'audience et qu'il s'agit donc de l'intéressé, selon la terminologie en usage. Or ce n'est pas seulement sous cet angle-là que l'on se doit d'aborder le problème.

Je rappelle que l'audience, lorsqu'elle est juridictionnelle - et le Conseil Constitutionnel a pris le soin d'en rappeler la nature -, est toujours soumise à des principes, et c'est ce principe de la présence du procureur de la République qu'a rappelé la Cour de cassation.

Vous dites que la présence du ministère public n'est pas obligatoire pour les audiences pénales et que l'on peut parfaitement y déroger ; elle ne serait obligatoire que quand elle est expressément prévue. C'est là une grave erreur d'interprétation ! L'article 32 qu'a visé la Cour de cassation est d'une portée générale, contrairement à la dérogation qui, elle, devrait être expresse. Cela va de soi !

Ici, ce que vous voulez faire, c'est précisément une exception.

Autrement dit, monsieur Béteille, votre proposition de loi déroge à un principe fondamental du procès contradictoire, à ce qui est une garantie pour le juge, pour les justiciables et pour l'ensemble du système judiciaire ; elle fait exception. Eh bien, une loi qui instaure une exception aux principes fondamentaux, c'est, pardonnez-moi de le dire, une loi d'exception. Je n'ai pas de goût pour les lois d'exception.

Vous avez dit, monsieur le rapporteur, qu'il existait des exemples d'audiences pénales qui se déroulaient sans la présence du ministère public. Vous avez évoqué les placements en détention. J'ai tenu à vérifier.

M. Clément s'en souvient certainement encore : c'est en 1983 que nous avons, à l'unanimité, instauré le débat contradictoire préalable au placement en détention, et nous avions tous souligné qu'il n'était que temps de prévoir qu'un débat contradictoire ait lieu entre le ministère public, donc nécessairement présent, le magistrat instructeur - à cette époque, il n'y avait pas de juges des libertés et de la détention - et l'avocat. Et ce système a survécu avec le placement par le juge des libertés et de la détention ; c'est à l'article 145 du code de procédure pénale.

Alors, il y a le cas de la comparution immédiate où le ministère public souhaite le placement en détention, mais où il n'a pas à sa disposition le tribunal duquel il souhaite obtenir cette décision. A ce moment-là, il saisit le juge des libertés. Il n'est pas dit pour autant qu'il ne doit pas y débattre : il n'est rien dit du tout. Ce silence du législateur par rapport à cette exception faite à l'article 32 du code de procédure pénale ne saurait constituer autre chose qu'un sujet soumis à interprétation. Je n'ai rien trouvé dans la jurisprudence sur ce point.

On ne peut, en tout cas, en tirer aucun argument. J'ai vu que le conseiller-rapporteur en avait tiré un. La Cour de cassation, à cet égard, n'a pas suivi les conclusions du rapporteur dans son avis.

Là est l'équilibre.

Je vais plus loin. Pourquoi faut-il la présence d'un représentant du parquet ? Parce que cela est nécessaire à la bonne justice. Il ne s'agit pas ici d'une justice-distributeur automatique ! Nous ne sommes pas ici au niveau d'une ordonnance pénale ; nous nous trouvons dans un domaine tout à fait différent. Je rappelle que l'ordonnance pénale, comme d'ailleurs la composition pénale, s'arrête devant les peines privatives de liberté.

Ce que l'on demande ici au juge, je ne cesserai jamais de le rappeler, c'est d'homologuer une peine proposée par le ministère public. Le juge prend sur lui de rendre exécutoire la peine proposée. A cet instant, et avant de prendre cette décision qui est l'expression de sa liberté, de sa responsabilité et de sa conscience de juge, il doit pouvoir, s'il le désire, poser au ministère public toutes les questions qu'il estime souhaitables. Cela suppose bien la présence du ministère public. On ne peut pas se contenter d'envoyer un formulaire avec quatre observations écrites.

Evidemment, quand l'audience commence, nul ne sait quelles questions vont jaillir. Des interrogations peuvent naître de la dialectique, des propos de l'intéressé, de ceux de la victime, d'un fait nouveau. Comment, alors, s'il n'est pas présent, le ministère public pourra-t-il justifier sa proposition ?

La question n'est donc pas de savoir ce que le représentant du parquet fait mais bien de savoir si sa présence est nécessaire. Cette nécessité est inhérente à la complexité du débat contradictoire dès l'instant où, en fin de compte, le magistrat va prononcer une peine, s'il estime qu'elle doit être prononcée, en homologuant.

On ne peut pas échapper à ce principe du contradictoire : il est au coeur même du procès pénal. Sauf à dire que ce n'est plus un procès pénal. Or c'est un procès pénal.

Si vous admettez que c'est une audience pénale, comme le Conseil constitutionnel l'a justement rappelé, vous ne pouvez pas échapper au principe du contradictoire, et il vous faut prévoir que le ministère public est présent.

Sinon, permettez-moi de vous le dire, vous avez une justice boiteuse : un premier acte dans le bureau du procureur, un deuxième acte dans le bureau du président, et hop ! on passe des écrits, et c'est terminé. Est-ce là l'idée qu'une grande justice doit se faire des exigences du procès contradictoire ?

On nous dit que cette solution est plus commode, que l'on ne perd pas de temps, etc.

Vous avez raison, et je suis heureux de vous l'entendre dire, monsieur le garde des sceaux, il faut remédier aux difficultés actuelles rencontrées avec la comparution immédiate. Mais c'est là qu'il fallait porter le fer.

J'ajoute que, comme l'a si fortement écrit Ronald Dworkin, à mon sens le meilleur des philosophes du droit contemporains, dans son livre Taking rights seriously - en français : prendre les droits au sérieux -, la grande différence entre la procédure existante et celle, sommaire, du plaider coupable, c'est que la première découle de la volonté de la partie poursuivante alors que la seconde est au choix de celui qui est poursuivi. Quelle immense différence en termes de libertés.

Je le dis simplement, vous ne pouvez pas avoir une audience pénale aboutissant au prononcé d'une peine d'emprisonnement sans la présence du ministère public.

Je terminerai par une simple observation, ou plutôt une question concernant un problème dont j'ai déjà fait état lors de la discussion générale.

Qui va prendre la décision quant à la présence ou à l'absence du ministère public ? Le procureur de la République, chef hiérarchique ? Le substitut en charge du dossier ? Le parquet, qui décidera ainsi de lui-même s'il doit ou non assister ou participer à une audience pénale ? Cela n'est pas possible !

Il est évident que nous devons prévoir que le ministère public viendra présenter ses observations si le magistrat du siège le demande. Sur ce point, monsieur le garde des sceaux, je vous demande de prendre position. On ne peut pas concevoir un autre système, cette solution n'étant au demeurant, au regard des principes, qu'un strict minimum, car on ne sait jamais ce qui peut advenir au cours d'une audience où une peine d'emprisonnement peut être prononcée. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Je me suis attaché dans mon intervention à poser quelques questions de fond. Je voudrais maintenant me situer simplement sur le terrain qui a été celui des auteurs de cette proposition de loi.

On nous dit que c'est un texte de clarification et qu'il va apporter une amélioration notable dans la manière dont sont jugés les gens.

Les propos que vient de tenir M. Badinter à l'instant montrent que la clarification n'est pas totale. La présence du procureur est facultative, mais de qui dépend-elle ? Sur ce point, toutes les interrogations n'ont pas été levées.

Ce texte devait améliorer les conditions d'exercice de la justice. Or M. le garde des sceaux a relevé tout à l'heure le caractère indigne des conditions dans lesquelles se déroulent certaines audiences de comparution immédiate. Si la CRPC doit se transformer en séances d'abattage comme la comparution immédiate, elle risque d'entraîner les mêmes dérives. Je crois que l'on ne fait que reculer pour mieux sauter.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Mes chers collègues, permettez-moi de répéter ce que j'ai dit ce matin, à savoir que la rédaction de la proposition de loi permet une certaine souplesse. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas estimé utile d'apporter de compléments d'information.

Soit le procureur décidera lui-même d'être présent à l'audience pour des raisons qui lui sont propres, soit le président du tribunal de grande instance demandera au parquet d'être présent. Il n'aura aucun moyen de le contraindre.

Toutefois, le juge gardera en définitive la maîtrise de la procédure puisque, si le parquet est absent, il y a fort à parier qu'il refusera d'homologuer et qu'il renverra l'affaire en audience correctionnelle classique.

J'aimerais connaître l'avis de M. le garde des sceaux sur ce point.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Monsieur le rapporteur, je n'ai rien à ajouter à ce que vous avez dit. On ne peut pas rendre obligatoire la convocation du procureur par le juge du siège ; sinon, on retombera dans la situation antérieure et le système ne marchera pas.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 et 6.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 4.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le garde des sceaux, vous avez parlé tout à l'heure avec flamme et vous avez tenu des propos qui m'ont quelque peu surpris. Vous avez dit, en évoquant ces audiences correctionnelles qui durent tout l'après-midi, que c'était une nouvelle violence faite par la société aux personnes qui comparaissent. C'est une formule très forte que vous avez utilisée là. Puis, en comparaison, vous avez chanté les louanges de la CRPC, qui devait être une procédure humaine, humaniste, tranquille, tendre.

Cette opposition me paraît un peu excessive. En fait, comme l'a dit Robert Badinter, le problème est bien de modifier le déroulement de ces audiences que vous avez qualifiées de « violence nouvelle faite par la société ».

Ensuite, monsieur le garde des sceaux, vous vous êtes évertué à expliquer que, du point de vue de la défense, il n'y avait aucun intérêt à ce que le ministère public fût là.

Pour nous, c'est une question de principe : du point de vue de la défense comme du point de vue de la société, et donc dans un souci d'équité, le procès doit toujours être contradictoire.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Monsieur Sueur, le grand intérêt de la CRPC est justement de rendre plus légères les audiences correctionnelles. Quand les juges auront enfin le temps de juger avec sérénité les affaires les plus importantes, les plus complexes qui seront renvoyées devant les tribunaux correctionnels, nous pourrons considérer que la CRPC aura joué tout son rôle en permettant au tribunal correctionnel de remplir sa fonction.

C'est donc un véritable progrès pour la justice que nous proposons et non pas une simple procédure de commodité. Cette procédure a d'ailleurs répondu à un besoin des justiciables puisqu'elle a concerné plus de 10 000 affaires en un peu plus d'un an.

Dès lors, je le répète, les affaires plus complexes retrouveront le chemin du tribunal correctionnel, désengorgé des toutes petites affaires qui étaient souvent jugées rapidement, ce qui pouvait paraître choquant aux non-habitués des palais de justice.

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

M. Robert Badinter. M. le garde des sceaux parle de progrès. Pour ma part, je suis convaincu qu'il s'agit, sans que l'on s'en aperçoive, d'un changement très profond de la justice pénale à l'échelon correctionnel.

Pour toutes les affaires répétitives avec identité de faits, je pense à la conduite en état d'ivresse où il s'agit simplement de savoir quel est le taux d'alcool dans le sang, nous disposons déjà d'un éventail de solutions pénales ; nous n'avons pas besoin de la CRPC.

C'est à la procédure de comparution immédiate qu'il faut apporter des changements, en opérant une distinction entre celui qui choisit la formule du plaider coupable et celui qui conteste. Dans le premier cas, on appliquerait une procédure sommaire.

Avec la CRPC, nous allons passer, dans un domaine quantitativement très important, d'une justice de jugement à une justice administrée. En effet, pour que ce type de procédure puisse fonctionner, il faudra établir une sorte de « tarification ». Lors de la comparution devant le procureur de la République, on donnera le choix au prévenu : si vous n'acceptez pas, ce sera le tribunal qui décidera ; en revanche, si vous acceptez, la peine sera moins lourde que celle qui est communément appliquée. Dès lors, l'avocat sera réduit à la fonction de suppliant.

Il ne restera plus au magistrat du siège qu'à examiner le dossier que lui enverra le procureur. Il sera moins qu'un juge de l'exequatur. Il ne pourra plus qu'accepter ou refuser, sans pouvoir déterminer la peine, sans apprécier la personnalité de l'accusé, sinon pour exercer son droit de veto, ce qu'il ne fera qu'avec hésitation, on le conçoit.

Les procédures pénales sont l'expression même des libertés dans un Etat de droit. Je comprends bien les raisons qui vous motivent : on ne peut plus faire face au flux des affaires. Mais faute de trouver des procédures meilleures correspondant aux exigences que j'évoquais tout à l'heure, faute d'avoir les moyens d'une véritable justice, vous nous proposez une justice à la mesure de vos moyens. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'article unique de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Anne-Marie Payet, pour explication de vote.

Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, c'est à un double titre que je vais m'exprimer ce soir. Je vais en effet expliquer le vote que le groupe UC-UDF va émettre sur cette proposition de loi tout en vous transmettant les quelques réserves que Pierre Fauchon a déjà exprimées en commission des lois.

Le groupe UC-UDF votera ce texte parce que la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité est une bonne procédure, qui permet de désengorger les tribunaux tout en préservant les droits des prévenus et des victimes. Le groupe UC-UDF a toujours soutenu la mise en place de cette nouvelle procédure et il n'est pas question aujourd'hui de la remettre en cause.

Je tiens à saluer le travail de notre collègue François Zocchetto, rapporteur de ce texte qui pose une question majeure sur le plan des principes du droit pénal.

On peut se réjouir de voir consacré par cette proposition le caractère public de l'audience d'homologation. Il y a bien des raisons à cela, la plus importante étant que la justice, a fortiori la justice pénale, ne saurait être rendue en catimini.

Toutefois, selon notre collègue Pierre Fauchon, qui m'a chargée de rappeler sa position sur ce point précis, la présence du procureur est tout simplement utile, normale et conforme aux règles générales de notre droit. On peut imaginer à la rigueur une audience d'homologation sans procureur, quoique cette hypothèse ne semble pas souhaitable, mais l'idée que la présence du procureur soit facultative ne paraît pas envisageable : nous sommes en matière pénale et la composition de l'audience ne doit surtout pas être à géométrie variable.

Malgré ces réserves, monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le groupe UC-UDF votera presque à l'unanimité cette proposition de loi.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'article unique de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)

Art. unique (début)
Dossier législatif : proposition de loi précisant le déroulement de l'audience d'homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité
 

7

ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 27 juin 2005 à quinze heures et le soir :

1. Discussion du projet de loi (n° 356, 2004-2005) autorisant la ratification de la convention des Nations unies contre la corruption.

Rapport (n° 395, 2004-2005) de M. André Rouvière, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

2. Discussion du projet de loi (n° 411, 2004-2005), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

Rapport (n° 414, 2004-2005) de M. Dominique Leclerc, fait au nom de la commission des affaires sociales.

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 24 juin 2005, avant dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 24 juin 2005, à seize heures.

Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, de sauvegarde des entreprises (n° 235, 2004-2005) ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 27 juin 2005, à dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 27 juin 2005, à seize heures.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD