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rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Josselin de Rohan, pour un rappel au règlement.

M. Josselin de Rohan. Monsieur le président, depuis quarante-huit heures, nous assistons dans la presse à une campagne contre le président de notre assemblée.

Je voudrais dire de la manière la plus ferme que cette campagne, au-delà des attaques personnelles indignes contre un homme que nous respectons, s'adresse à l'institution, et que nous la réprouvons.

Bien sûr, la vie politique expose au combat et à la critique ceux qui s'y engagent. Mais il y a des limites qu'il ne faut pas franchir. Aujourd'hui, à travers ces attaques, c'est la République qui est touchée, c'est la classe politique qui est visée. Nous ne pouvons pas rester impassibles devant une telle entreprise de destruction, et je demande que, tous, nous agissions pour faire comprendre à ceux qui sont derrière ces attaques que nous les réprouvons fortement. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Je vous donne acte de vos propos, mon cher collègue.

Je pense que chacun ici ne peut que s'associer à votre indignation et s'engager à faire en sorte que le respect dû à la Haute Assemblée et sa place dans les institutions de la République soient assurés.

M. le président. La parole est à M. Marc Massion, pour un rappel au règlement.

M. Marc Massion. Mon intervention s'inscrit à la suite de celle de M. Josselin de Rohan.

Comme vous tous, mes chers collègues, nous avons pris connaissance de la campagne dans la presse menée à l'encontre du président du Sénat et, sur ce point, nous n'avons rien à ajouter à vos propos, monsieur de Rohan.

Je tiens toutefois à préciser que les attaques contre le président du Sénat auxquelles il est fait référence semblent provenir de ministres, de sénateurs de la majorité, mais en aucun cas de membres du groupe socialiste. (Applaudissements.)

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Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de règlement portant règlement définitif du budget de 2004
Discussion générale (suite)

règlement définitif du budget de 2004

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de règlement portant règlement définitif du budget de 2004
Art. 1er

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi portant règlement définitif du budget de 2004.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le ministre, mes chers collègues, comme M. de Rohan, je pense moi aussi que lorsque l'on s'attaque au président d'une institution, on s'attaque à l'institution elle-même, mais aussi à la République et à la démocratie. Je ne peux donc que m'associer à sa réprobation en condamnant celles et ceux qui croient rendre service au Sénat en agissant ainsi.

Il me semble, mes chers collègues, que la manière dont nous abordons aujourd'hui l'examen de ce projet de loi de règlement est de nature à donner une nouvelle image du débat parlementaire. Nous n'avons sans doute jamais été aussi nombreux en séance pour examiner un projet de loi de règlement et pour la première fois - c'est historique - les rapporteurs pour avis se sont inscrits dans cette discussion.

La discussion de la loi de règlement doit devenir un moment de vérité budgétaire où le Gouvernement rend compte de sa gestion et de sa performance de gouvernance. Nous sortirons alors de ce que certains pourraient qualifier de « gesticulation ».

Monsieur le ministre, la discussion de la loi de finances initiale constitue encore trop souvent un moment de communication, et il existe un décalage entre le discours qui accompagne le projet de loi de finances initiale et le projet de loi de règlement. Jusqu'à aujourd'hui, le projet de loi de règlement apparaissait comme une formalité totalement inutile. Seul, le ministre du budget exposait les difficultés qu'il avait dû surmonter pour réguler les dépenses et veiller à ce que le montant des dépenses autorisées par le Parlement ne soit pas dépasser, au prix de quelques contorsions parfois.

Mes chers collègues, je souhaite qu'à partir de maintenant nous consacrions le temps nécessaire aux lois de règlement et que nous invitions non pas seulement M. le ministre du budget, mais aussi les ministres gestionnaires - je n'ai pas dit « dépensiers » - à rendre compte de leur gestion, de telle sorte que nous comprenions pour quel motif certains d'entre eux n'ont pas atteint la performance sur laquelle ils s'étaient engagés. Nous pourrons alors mettre « sous pression » l'Etat et ses services pour obtenir les résultats que nous attendons et engager enfin la réforme de l'Etat.

Monsieur le ministre, vous avez dit votre satisfaction d'avoir amélioré le solde budgétaire. A ce propos, M. le rapporteur général a fait mention des remarques formulées par la Cour des comptes, notamment au sujet des dépenses de la défense nationale.

La Cour des comptes a en effet constaté qu'à partir du mois de décembre 2004 des factures sont restées impayées, ce qui, bien sûr, vous a permis d'améliorer le solde budgétaire. Mais est-ce une pratique de bonne gestion que de ne pas honorer des factures pour un milliard d'euros émanant de petites et moyennes entreprises qui fournissent la défense nationale ? C'est là une pratique à laquelle il convient de renoncer.

Parmi les bons indicateurs de bonne gestion, monsieur le ministre, ne pourrait-on pas retenir la disparition des intérêts moratoires ?

Chaque fois que l'Etat explique à ses fournisseurs qu'il ne peut pas les payer immédiatement, il se met en position de faiblesse et, d'une manière ou d'une autre, il oblige ses représentants à engager des compromis pour respecter l'oukase budgétaire et le gel des crédits. Si l'on avait établi le bilan au 31 décembre 2004, les factures non payées seraient apparues comme une dette.

Aussi, monsieur le ministre, je souhaiterais que votre performance ne soit pas due à la suspension du paiement de ces factures. Les services ont été rendus, les armes ont été livrées, il n'est pas convenable qu'elles n'aient pas été payées. Au-delà de cet aspect, il s'agit du respect même de la loi de programmation militaire

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. On sait qu'il y avait un décalage de 800 millions d'euros sur la loi de finances précédente, nous en sommes déjà à 2 milliards d'euros de retard sur la loi de finances en cours et personne ne nous a dit comment nous allons pouvoir les combler. Cela fait partie des questions que nous devons pouvoir traiter à l'occasion de débats comme celui qui nous réunit aujourd'hui.

Ce débat préfigure ce que pourraient être demain les discussions non plus des « lois de règlement » mais des « lois de compte rendu de gestion ». Cela dit, la commission des finances tiendrait à ce que ces discussions aient lieu non pas à l'automne mais au mois de mai ou de juin pour tirer les conséquences de la gestion passée.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. On sait qu'en 2004, tout n'a pas été des plus simple.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement. Je l'ai dit !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. En défendant une loi de finances rectificative qui portait sur 2004, vous avez été obligé de combler les insuffisances de la loi de finances initiale pour 2005, qui venait à peine d'être votée.

Donnons de la consistance à ces débats et faisons de l'examen de la loi de compte rendu de la gestion gouvernementale l'un des temps forts de la maîtrise de la dépense publique et de la bonne gouvernance ! (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'an passé déjà, intervenant à cette tribune à l'occasion de l'examen du projet de loi portant règlement définitif du budget de 2003, j'avais souligné que cet exercice constituait un moment très important dans l'évaluation des résultats relativement aux choix opérés par l'Etat lors de l'élaboration de la loi de finances initiale. J'en vois le témoignage dans la présence d'un nombre important de nos collègues.

Comme l'a excellemment dit M. le président de la commission des finances, l'examen du projet de loi de règlement doit constituer dorénavant, avec la mise en place de la LOLF, l'élément central du pouvoir parlementaire en matière budgétaire. A terme, cet exercice offrira aux parlementaires la capacité de rapprocher, au sein de chaque mission de la LOLF et devant le ministre référent - si, bien sûr, il n'y a pas eu de remaniement ministériel entre temps - les objectifs de leurs indicateurs de résultats.

Autrement dit, la loi de règlement sanctionnera clairement l'exécution budgétaire annuelle, en mettant en comparaison les résultats et le contrat qui aura, en quelque sorte, été signé avec le ministre lors du vote de la loi de finances initiale. De ce point de vue, la mise en place des indicateurs de performance et des objectifs permettra de faciliter grandement le débat ; M. le président de la commission a montré combien il était important de pouvoir faire ressortir la réalité.

Je remercie donc M. le président de la commission des finances d'avoir pris l'initiative d'organiser aujourd'hui les prémices d'un tel débat, qui sera fondé, contrairement à la loi de finances, sur des réalisations concrètes et non sur des prévisions.

L'évocation de ces prévisions me permet de revenir plus précisément au projet de loi portant règlement définitif du budget pour 2004. J'indique en passant que j'approuve le changement de nom proposé par M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Merci !

M. Jean-Jacques Jégou. Ce sont donc des prévisions réalistes qui ont offert au budget 2004, en cours d'exécution, un redressement aussi important.

Alors que la loi de finances initiale affichait un déficit prévisionnel de 55,1 milliards d'euros, le solde d'exécution s'établit aujourd'hui à moins 43,9 milliards d'euros. Bien sûr, comme M. le rapporteur général, je me félicite de ce que ce déficit ait été réduit en cours d'exécution de 10 milliards d'euros, toutefois, je demeure dubitatif comme lui, comme la Cour des comptes et comme nombre des membres de la commission des finances, quant à la nature de cette réduction. Je ne voudrais pas que mon propos soit mal interprété, mais je dois dire que le groupe UC-UDF considère qu'un tel déficit est inacceptable ; les propos de la Cour des comptes sont parfaitement clairs sur ce point.

Cette évolution en cours d'exécution a été favorable, grâce principalement à une reprise soutenue de la croissance qui a permis d'engranger des recettes que nous n'attendions pas, en particulier du fait de l'élasticité importante de certaines d'entre elles.

Je tiens d'ailleurs à souligner que ce qui vaut pour le plus vaut pour le moins. Et encore une fois, je comprends que l'on puisse vouloir bâtir un projet de budget sur des prévisions volontaristes - même si cela relève souvent de la méthode Coué -, mais cela est-il vraiment responsable de la part d'un gouvernement digne de ce nom, monsieur le ministre ?

Malheureusement, force est de constater que cette réduction de déficit est plus conjoncturelle que structurelle. Les dépenses ont été stabilisées en volume, mais, comme l'a dit M. le rapporteur général, est-ce suffisant ? Je ne le pense pas. Le déficit primaire a diminué, mais il est toujours là - 5,8 milliards d'euros - et le déficit structurel est trop important, même en période faste.

Plus graves encore sont les maquillages budgétaires, sur lesquels je ne reviendrai pas en détail puisque j'aurai l'occasion d'en traiter en tant que rapporteur pour avis du projet de loi de financement de la sécurité sociale ; je pense notamment, - et je parle dans l'intérêt du Gouvernement, de la majorité et du pays tout entier - au transfert du déficit du budget annexe des prestations sociales agricoles, le BAPSA, qui a été pérennisé lors de la création du fonds de financement des prestations sociales agricoles, le FIPSA. En tant que membre du conseil de surveillance de cet organisme, je ne peux accepter un déficit qui s'élève aujourd'hui à 4,7 milliards d'euros, puisque, structurellement, le FIPSA enregistre 1,5 milliard d'euros de déficit par an sans que le Gouvernement s'en préoccupe.

Il existe d'autres sujets d'inquiétude : je pense au déficit de toutes les branches de la sécurité sociale et au déficit abyssal de l'UNEDIC, et je propose, même si ce n'est pas le sujet d'aujourd'hui, de regrouper toutes ces dépenses, qui forment en fait le bilan global de l'Etat.

Une réforme est donc indispensable, la maîtrise de la dépense n'étant pas satisfaisante. Tant que nous n'en prendrons pas acte, la dette continuera de se creuser : 1 100 milliards d'euros, n'est-ce pas suffisant ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Sans compter la dette des retraites !

M. Jean-Jacques Jégou. Monsieur le ministre, il est inutile de se chamailler, ainsi que cela se produit habituellement, comme j'ai pu le constater depuis mon arrivée au Sénat ! En effet, je suis convaincu qu'il existe un moment de vérité et nous nous devons de reconnaître, aujourd'hui, que nous pouvons procéder autrement. Si nous restons sur les mêmes bases, nous ne nous en sortirons pas.

Par conséquent, au-delà des critiques, il importe d'émettre des propositions - je suis d'accord avec vous sur ce point, monsieur le ministre. Le groupe UC-UDF s'y emploiera, en particulier dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2006.

Je tiens enfin à féliciter notre rapporteur général pour la qualité de son travail et sa présentation pédagogique exemplaire qui a rendu compréhensible à la commission des finances et, aujourd'hui, à l'ensemble de nos collègues, le sujet difficile que constitue le règlement définitif du budget de 2004. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme Hélène Luc. Ce n'est pas de pédagogie dont les Français ont besoin !

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier.

M. Philippe Dallier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une loi de règlement procède traditionnellement aux constatations comptables et aux derniers ajustements de crédits permettant d'apurer la gestion budgétaire.

Elle permet également de faire le point de la situation financière de l'Etat, de rappeler les priorités affichées en loi de finances initiale, de vérifier si la hiérarchie effective de leur mise en oeuvre a été conforme et de révéler les performances de l'action administrative.

La loi de règlement est donc souvent riche d'enseignements sur le passé, mais aussi sur l'avenir.

C'est particulièrement le cas du budget de 2004, qui se caractérise par une réduction du déficit budgétaire de 11,2 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale et de 13 milliards d'euros par rapport à l'année 2003, ce qui ne s'était pas produit depuis très longtemps, ainsi que cela nous vient de nous être rappelé.

A cet égard, il convient de saluer l'action du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, qui a su appliquer avec constance des principes de saine gestion auxquels le Sénat et, plus particulièrement, sa commission des finances sont très attachés. (M. Josselin de Rohan applaudit.)

La très forte réduction du déficit budgétaire en 2004 est d'abord le résultat de la maîtrise des dépenses de l'Etat, dont le montant de 283,7 milliards d'euros est inférieur au plafond qui avait été voté en loi de finances initiale.

Pour la deuxième année consécutive - voilà l'amorce d'une tendance - le plafond voté par le Parlement a été rigoureusement respecté et la norme « zéro volume » a été appliquée, sans que soit remis en cause le financement des priorités gouvernementales, s'agissant en particulier de la loi de programmation militaire, de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et de la loi d'orientation et de programmation pour la justice.

Cette stabilisation des dépenses en volume - en attendant la stabilisation en valeur que nous appelons tous de nos voeux - est devenue une constante des budgets de ces dernières années. Le groupe UMP se réjouit qu'elle soit poursuivie dans le cadre du projet de loi de finances pour 2006, comme cela a été le cas pour le projet de loi de finances pour 2005.

La seconde caractéristique marquante du budget de 2004 est la prudence des hypothèses économiques qui avaient été retenues lors de son élaboration.

Comme l'a très bien souligné notre rapporteur général, Philippe Marini, cette prudence initiale a permis de dégager d'importantes plus-values de recettes fiscales avec le rebond de la croissance en 2004.

L'affectation des 10 milliards d'euros de recettes supplémentaires à la réduction du déficit budgétaire constitue la troisième caractéristique de ce budget.

Cette décision, courageuse - il faut le souligner - et responsable, tranche avec les pratiques observées entre 1997 et 2002 et doit, là encore, être mise au crédit du Premier ministre d'alors, Jean-Pierre Raffarin, et de son ministre délégué au budget. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Philippe Dallier. L'exécution de la loi de finances initiales pour 2004 est donc riche d'enseignements pour l'avenir.

La stabilisation des dépenses ouvre la voie aux ajustements de structure et à la réforme de l'Etat, que le groupe UMP du Sénat appelle de ses voeux.

Ce n'est qu'ainsi que nous pourrons véritablement assainir nos finances publiques, comme l'a très bien souligné le rapporteur général. Il n'est pas nécessaire, mes chers collègues, de vous rappeler que la dette publique dépasse aujourd'hui les 1100 milliards d'euros !

A cet égard, notre groupe tient à saluer la volonté du gouvernement de Dominique de Villepin de continuer à rénover les pratiques budgétaires, en renforçant notamment la sincérité des lois de finances.

Vous avez annoncé plusieurs mesures en ce sens, monsieur le ministre, lors de la remise au Premier ministre, le 16 septembre dernier, du rapport au Gouvernement sur la mise en oeuvre de la LOLF, par nos collègues parlementaires Alain Lambert et Didier Migaud.

Ces derniers nous suggèrent de consacrer un temps substantiel à l'examen du projet de loi de règlement car, selon eux - et nous partageons cet avis -, le débat sur ce texte a vocation « à sortir du cercle étroit dans lequel il est confiné aujourd'hui, autour du seul ministre chargé du budget »

L'initiative prise par la commission des finances va dans ce sens.

Elle permettra, tout à l'heure, au ministre des affaires étrangères, au ministre de l'agriculture et de la pêche et au ministre de la culture et de la communication de rendre compte de l'exécution de leur budget en 2004, en attendant de pouvoir rendre compte de la gestion de leurs programmes et de la fiabilité des résultats affichés dans le cadre de la nouvelle constitution financière de l'Etat.

Cette initiative de la commission des finances contribuera à renforcer la responsabilité collégiale des ministres, dans l'esprit de la LOLF.

Le développement d'une gestion orientée vers les résultats devrait également accroître l'intérêt de la loi de règlement, non seulement pour les membres de la commission des finances, nombreux aujourd'hui dans l'hémicycle, mais aussi pour l'ensemble des sénateurs, car notre responsabilité dans ce domaine est bien collective.

La LOLF vise à placer la loi de règlement au coeur du débat budgétaire, en la transformant en un véritable outil de contrôle et d'évaluation des politiques publiques, pour permettre aux parlementaires d'évaluer la performance des administrations et de fixer de nouveaux objectifs.

Le groupe UMP souhaite que le Sénat utilise pleinement cet outil pour faire vivre la LOLF et réaffirmer sa volonté de réformer les structures de l'Etat afin de rendre ce dernier plus performant et de lui permettre de retrouver des marges de manoeuvre durables pour investir et préparer l'avenir.

La LOLF est certes le « levier » de la réforme de l'Etat, mais elle ne peut remplacer la volonté politique.

C'est dans cet esprit, mes chers collègues, que le groupe UMP votera le projet de loi soumis à notre assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président de la commission des finances, vous avez souhaité que ce débat sur le projet de loi portant règlement définitif du budget de 2004 soit l'occasion d'anticiper les conditions de discussion dans la forme induite par la mise en oeuvre de la LOLF.

Je suis plus intéressée, pour ma part, avec les membres du groupe communiste républicain et citoyen, par une analyse de la gestion budgétaire des affaires de l'Etat, afin de savoir si cette dernière a apporté, ou non, une réponse adaptée aux besoins de nos compatriotes.

Le constat est clair : les plus-values fiscales enregistrées - elles ont d'ailleurs été sous-évaluées dans la loi de finances rectificative pour 2004 - ont contribué à la réduction du déficit.

Mais force est de constater que les besoins sociaux, eux, ne sont malheureusement pas en situation d'être satisfaits.

Il est vrai que, lors de la présentation du projet de loi de finances rectificative, vous aviez souligné, monsieur le ministre, votre volonté de maintenir la stabilité des dépenses de l'Etat d'une année sur l'autre, comme vous venez de le rappeler.

C'est d'ailleurs pour cette même raison que, dès le vote du projet de loi de finances pour 2005, vous avez estimé nécessaire d'effectuer une « mise en réserve » de quelque 4 milliards d'euros et que vous venez d'annoncer que vous souhaitiez faire de même dans le cadre du projet de loi de finances pour 2006.

Ce gel de crédits - ils ont pourtant été votés par la majorité de la représentation nationale - se traduit en fin de compte par une annulation pure et simple, ce qui est devenu votre habitude. C'est en effet suivant le dogme de la gestion discrétionnaire des crédits votés par le Parlement que votre gouvernement a mis en oeuvre le budget pour 2004, puis le budget pour 2005.

Dès lors, quel rôle que peut jouer le Parlement ? Quel est son sens ?

Constitutionnellement, nous devrions être capables d'agir pour que les choix exprimés par nos compatriotes trouvent leur concrétisation dans les lois de finances et dans la manière dont sont gérées les affaires publiques. Or, malgré les déclarations d'intention plus ou moins solennelles sur le rôle du Parlement, tout se passe comme si le pouvoir des parlementaires était toujours plus réduit.

Cette loi de règlement n'échappe pas à ce constat.

Une fois encore, c'est un volume non négligeable de crédits qui sont reportés sur l'année 2005, notamment certains engagements de l'Etat dans le cadre des contrats de plan Etat-région, tandis que d'autres crédits sont annulés, malgré le vote émis par le Parlement.

Mais revenons sur les choix qui ont guidé la loi de finances initiale pour 2004 et sur leurs effets.

Il s'agissait pour votre gouvernement de poursuivre dans la voie de l'austérité budgétaire, en soumettant les choix opérés aux critères de convergence liés à la construction européenne et fondés, entre autres, sur la maîtrise des déficits publics, ce qui se traduisait par la mise en déclin de la dépense publique.

Lors du référendum de mai dernier sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe, c'est de manière largement majoritaire que les électeurs ont rejeté la conception de la construction européenne qui leur était proposée.

Les Français savent en effet que ces choix ont des conséquences lourdes pour les populations les plus modestes.

Lors de l'examen de la loi de finances rectificative pour 2004, mon collègue Thierry Foucaud déclarait :

« Pour la grande majorité des habitants de notre pays, ces dernières années ont été marquées avant tout par une précarisation renforcée des conditions de vie, parce que les politiques menées en matière d'emploi ont accordé la priorité aux seules attentes des entreprises et, plus précisément, du MEDEF.

« Des efforts ont été exigés du plus grand nombre, qu'il s'agisse des prélèvements sociaux, de la remise en cause des garanties collectives, ou encore de la réalité des aides publiques à la population.

« C'est ainsi que le pouvoir d'achat des Français diminue. C'est si vrai, monsieur le ministre, que votre prédécesseur avait estimé nécessaire d'inviter les grandes surfaces à diminuer leurs prix. Mais, parallèlement, les charges, notamment en ce qui concerne les logements, sont en constante augmentation et un salarié payé au SMIC a de plus en plus de difficultés à faire vivre sa famille. »

Des études récentes sont venues corroborer cette analyse. Ainsi, si l'on se réfère aux statistiques disponibles en matière de prix à la consommation, la seule lecture de l'indice INSEE pourrait laisser croire que l'inflation est relativement maîtrisée.

Mais le principal défaut de cet indice est qu'il est de plus en plus éloigné de la réalité des dépenses réellement supportées par les ménages.

Depuis l'introduction de l'euro, en 1999, les prix ont globalement progressé de 14 % environ. Nombreux sont d'ailleurs les consommateurs qui constatent que l'introduction de la monnaie unique a sensiblement relevé le prix de bien des produits et le tarif de nombre de prestations.

Mais si l'on considère d'autres dépenses, l'augmentation est encore plus importante .Ainsi, elle atteint 20 % pour les dépenses liées au logement : la hausse des loyers a été largement encouragée par les dispositifs incitatifs au développement des investissements immobiliers ; viennent s'y ajouter les charges, notamment énergétiques. Le pourcentage est identique pour les dépenses relatives à l'usage d'un véhicule automobile, liées à la hausse du prix du pétrole. Le renchérissement atteint même 23 % en ce qui concerne les dépenses de santé.

En outre, l'annonce toute récente de la hausse des tarifs de consommation de gaz naturel, que GDF souhaite officialiser à hauteur de 13 %, accentuera encore la progression du coût des services aux particuliers dans notre pays.

La dégradation organisée de la qualité des prestations prises en charge par le régime général de protection sociale a conduit à une très sensible majoration du coût de l'ensemble des cotisations volontaires et complémentaires.

De plus, la structure budgétaire des ménages a évolué. Aujourd'hui, nous ne disposons que de peu d'éléments sur les conséquences monétaires de l'augmentation sensible de l'usage des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Or, elles ne sont pas dépourvues d'incidences sur la situation des familles.

En la matière, ce n'est pas la table ronde récemment tenue sur le coût des services d'assistance technique qui fera illusion. Chacun sait que certaines prestations de téléphonie demeurent largement surfacturées.

Se loger, se chauffer, s'éclairer, se soigner, se déplacer, s'informer ou communiquer coûtent de plus en plus cher et pèsent toujours plus dans le budget des ménages.

Cette loi de règlement est l'occasion de faire un « état des lieux » de la situation de notre pays et de ses habitants.

Or, le constat montre clairement que, dans son exécution, le budget de 2004 n'apporte pas de réponse aux attentes fortes en matière de pouvoir d'achat des ménages.

La situation des comptes publics en 2004 est marquée, quant à elle, par une sensible majoration du niveau des recettes fiscales. Elle atteint en effet plus de 9 milliards d'euros, ce qui représente - il faut tout de même le rappeler - l'équivalent de 60 milliards de francs !

Vous affectez cette somme, de manière exclusive, à la réduction du déficit annoncé en loi de finances initiale, comme en loi de finances rectificative. Comme s'il s'agissait de se montrer docile avec les acteurs des marchés financiers, vous choisissez une nouvelle fois de donner un signe aux détenteurs de titres obligataires en procédant sans cesse à de nouvelles émissions pour couvrir les frais de votre politique.

Cependant, compte tenu de la situation dégradée des comptes sociaux - s'agissant tant de la sécurité sociale que de l'assurance chômage -, le cumul du déficit de l'Etat avec les déficits sociaux porte le déficit public au-delà de la fameuse barre des 3 % du PIB, sacro-saint critère de l'orthodoxie libérale, selon la version de Maastricht et de l'Union économique et monétaire.

Cette fameuse norme de la construction européenne a-t-elle encore un sens ? On peut se le demander.

Le critère des 3 % ne serait-il pas finalement agité comme un épouvantail pour justifier le recul de la dépense publique, le déclin de la présence de l'Etat dans la vie de la nation, le remodelage social en faveur des plus riches et des grosses entreprises qui alimentent idéologiquement votre politique ?

Quand on sait que le plus grand des pays du monde capitaliste, les Etats-Unis, se moque parfaitement du niveau de son déficit public, de sa dette publique et de son déficit commercial dès lors que cela contribue à la croissance de l'activité, on se demande presque pourquoi les argentiers européens continuent de poursuivre dans cette voie.

L'imposition des critères de convergence définis par le traité de Maastricht et repris dans le projet de Constitution européenne, donc validés par ceux qui l'ont soutenu à l'époque, a été battue en brèche par le vote des Français au printemps dernier, mais elle continue de peser sur la définition des orientations et des choix budgétaires.

Ce sont là pourtant des orientations récessives, dépressives, qui aboutissent, à l'expérience, au résultat inverse de celui qui avait été annoncé.

Ainsi, malgré une timide reprise de l'activité, la croissance se situe finalement aux alentours de 2,3 % pour l'ensemble de l'année 2004 et va de nouveau s'affaisser en 2005, puisqu'il faut nous attendre à un taux finalement proche de 1,5 %.

Le même niveau de déficit est prévu pour l'exercice 2006, dans les termes de la loi de finances initiale ; il est d'ailleurs associé à une prévision de croissance proche de celle qui a été observée pour l'année 2004. Cependant, là encore, on ne peut qu'être dubitatifs quant à la consistance de ces prévisions de croissance.

Mais revenons à la loi de règlement et à la majoration des recettes fiscales de plus de 9 milliards d'euros au regard de la loi de finances initiale.

Le premier impôt qui voit croître son rendement de manière sensible est l'impôt sur les sociétés. Le montant de la plus-value constatée, proche de 7 milliards d'euros, est d'un niveau jamais atteint.

Lors de la précédente législature, mes chers collègues de la majorité, vous n'aviez pas de mots assez forts pour critiquer les plus-values fiscales « cachées », ce que l'on appelait la « cagnotte fiscale ». La plus-value constatée n'a d'ailleurs jamais atteint ce niveau puisque, pour mémoire, près de 7 milliards d'euros, cela fait plus de 45 milliards de francs.

Monsieur le rapporteur général, vous écrivez dans votre rapport - vous l'aviez déjà indiqué en commission des finances - que « cette sous-estimation des plus-values d'impôt sur les sociétés vient de la difficulté à prévoir correctement les recettes de cet impôt ».

Vous reconnaissez toutefois que, « certes, les bonnes rentrées de cet impôt étaient connues dès le versement du deuxième acompte, c'est-à-dire dès le mois de juin. »

M. Philippe Marini, rapporteur général. J'aime bien les sous-estimations !

Mme Marie-France Beaufils. « Cependant, » - ajoutez-vous - « l'objectif de la loi de finances initiale pour 2004 ne pouvait être atteint avant le versement du quatrième acompte, qui a lieu au mois de décembre de chaque année. Bien que ce dernier ait toujours été supérieur à 5 milliards d'euros dans les années récentes, le Gouvernement a choisi d'être prudent et de ne pas faire une prévision de plus-value qui aurait pu devoir être revue à la baisse. »

Pour être claire, pour vous, lorsqu'une loi de finances néglige de prévoir une majoration sensible des recettes de l'impôt sur les sociétés, c'est de la prudence quand le gouvernement correspond à vos choix politiques et c'est de la falsification quand le gouvernement est d'une autre obédience !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Madame Beaufils, me permettez-vous de vous interrompre ?

Mme Marie-France Beaufils. Je vous en prie, monsieur le rapporteur général.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, avec l'autorisation de l'orateur.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Permettez-moi de rappeler, sans esprit de polémique, qu'en 1999 ce qui était en cause, c'était la transparence de l'action gouvernementale. C'est en effet très tard dans l'année que le ministre de l'époque, Christian Sautter, a divulgué le vrai niveau des recettes. Il a attendu alors que les données apparaissaient très probables, voire certaines, notamment selon nos propres calculs.

En 2004, à l'inverse, le ministre du budget a indiqué rapidement - il l'a d'ailleurs rappelé dans son intervention -, dès le premier trimestre de l'année, que les recettes réelles seraient sensiblement supérieures aux recettes prévisionnelles de la loi de finances.

Il n'a donc pas attendu. Il ne s'est pas fait prier, si je puis dire. Il a, de sa propre initiative, révélé en cours d'année des informations qui nous ont permis de nous rapprocher de la réalité budgétaire, exprimée dans la loi de finances rectificative. Pour plusieurs raisons de nature technique, qui figurent dans le rapport de la commission, le montant de la plus-value est passé de 7,5 milliards d'euros à 9 milliards d'euros, sans que cela doive susciter des critiques particulières à l'égard du Gouvernement.

M. le président. Veuillez poursuivre, madame Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Cela ne change rien sur le fond de mon analyse de la loi de règlement. Cela n'apporte pas d'éléments supplémentaires permettant, lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative, de donner de nouvelles orientations à la loi de finances initiale.

Le décalage atteint, je le répète, pratiquement 7 milliards d'euros. La question est de savoir ce que cela traduit.

La hausse du produit de l'impôt sur les sociétés est la démonstration de la hausse des profits des entreprises assujetties, donc de leur bonne santé financière.

Certaines mesures fiscales prises ces dernières années ne sont pas sans conséquences sur le rendement de l'impôt. M. Mercier lui-même avait montré comment l'allégement de la part salaire de la taxe professionnelle avait alimenté l'impôt sur les sociétés.

La suppression de la part taxable des salaires au titre de la taxe professionnelle ou les allégements de cotisations sociales patronales conduisent, en théorie, à une majoration du tiers du produit de l'impôt. Ainsi, une exonération de 18,9 milliards d'euros au titre des cotisations sociales devrait se traduire par une majoration de 6,3 milliards du rendement de l'impôt sur les sociétés.

Mais la hausse des profits « d'abord et avant tout » ne profite ni à l'emploi - 2004 a été une des pires années en la matière - ni au pouvoir d'achat des salariés. Les gains de productivité et la croissance alimentent les débats des assemblées générales ordinaires d'actionnaires quand il s'agit de fixer la hauteur du dividende ; ils ne nourrissent manifestement pas les négociations salariales annuelles dans les entreprises.

D'ailleurs, cette manière de « partager les fruits de la croissance » est encouragée au plus haut niveau.

Vous faites un effort pour majorer la prime pour l'emploi, pour encourager le développement du travail à temps partiel, lequel favorise la pratique des bas salaires de par la ristourne dégressive. Ces mesures qui, au demeurant, amputent largement le budget de l'Etat, ne sont pas sans conséquences sur l'impôt sur les sociétés.

Qu'en est-il des autres impôts ? Il suffit de lire le texte de présentation du projet de loi pour comprendre les processus en cours.

S'agissant de l'impôt sur le revenu, il nous est dit : « A législation constante » - la législation de 2003-, « le produit de l'impôt sur le revenu progresse de 4,3 % contre 4,5 % en 2002, évolution essentiellement imputable à la progression des revenus imposables et au dynamisme des plus-values immobilières réalisées en 2004. »

En termes clairs, cela signifie que ce sont les revenus non salariaux qui ont vu leur assiette progresser en 2004.

La hausse du produit de la TVA, toujours à législation constante, traduit l'impact limité des mesures de relance de la consommation et enregistre l'augmentation du prix de certains produits importés, notamment du pétrole et de ses dérivés, dont le prix a commencé de s'envoler à la fin de l'année 2004.

Quant à la stagnation du produit de la TIPP, outre qu'elle traduit l'effet diesel et le rajeunissement relatif du parc automobile de notre pays, on peut espérer qu'elle atteste aussi d'un moindre recours à l'automobile par les particuliers.

Les éléments publics en la matière révèlent un nouveau tassement du produit de la taxe cette année, ce qui ne sera pas sans conséquences sur les financements des transferts de compétences aux conseils généraux et, surtout, aux conseils régionaux.

De fait, tout atteste que l'embellie des recettes fiscales constatée en 2004 ne fait que traduire les évolutions profondes de la situation sociale et économique.

Dans un pays de bas salaires, de chômage massif - 10 % de personnes sans emploi étaient officiellement recensées à la fin de 2004 -, de précarisation forcenée des conditions de travail et d'emploi, si la situation financière des entreprises apparaît florissante, il n'en est pas de même de celle de la grande masse des habitants de ce pays.

Or, un pays où il vaut mieux être actionnaire ou propriétaire immobilier que salarié ou locataire est un pays qui ne peut durablement développer ses potentiels et, par voie de conséquence, connaître la croissance économique, le développement de l'emploi et la réduction dynamique de ses déficits.

Avec la loi de finances de 2004, vous aviez privilégié la satisfaction de la rente au détriment de la satisfaction des besoins sociaux : cette loi de règlement l'atteste de manière spectaculaire.

J'en viens à présent au volet des dépenses, d'autant qu'il est question de donner un caractère nouveau à l'examen des lois de règlement, en appliquant par anticipation la loi organique.

Pour vous, a priori, la dépense publique est mauvaise.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Non ! C'est l'abus qui est mauvais !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous souhaitons simplement qu'elle diminue !

Mme Marie-France Beaufils. C'est ainsi que je le ressens après avoir écouté l'ensemble de vos déclarations et je vais vous expliquer pourquoi.

Vous estimez que la dépense publique doit être réduite, sauf pour les missions de l'Etat que vous appelez « régaliennes ». C'est pourquoi vous avez décidé d'auditionner des ministres que vous qualifiez de trop « dépensiers ».

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Non, « gestionnaires » !

Mme Marie-France Beaufils. C'est le terme que vous avez employé, monsieur le président de la commission des finances !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je me suis corrigé !

Mme Marie-France Beaufils. Selon le compte rendu de la réunion du bureau, vous avez dit « dépensiers ». Je vous invite à relire vos propos !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Madame Beaufils, me permettez-vous de vous interrompre ?

Mme Marie-France Beaufils. Je vous en prie, monsieur Arthuis.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission, avec l'autorisation de l'orateur.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Si nos débats sont un peu moins formels et plus interactifs, nous ne pouvons que nous en féliciter.

Permettez-moi de dissiper un malentendu. Il est vrai que, lors de la réunion du bureau, j'ai employé l'expression « ministres dépensiers », reprenant une formule convenue, mais qui n'est pas convenable.

Les ministres sont en effet des gestionnaires. Et vous aurez sans nul doute constaté, madame, que, depuis plus d'une semaine, je parle non plus de « ministres dépensiers », mais de « ministres gestionnaires ».

M. Jean-François Copé, ministre délégué. C'est vrai !

M. le président. Veuillez poursuivre, madame Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Je prends acte du terme. Je ne suis pas persuadée que cela change sur le fond la suite de mon propos !

Vous voulez faire de la LOLF l'outil qui mettrait en exergue cette trop forte dépense publique.

L'ancien rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale durant la précédente législature, M. Didier Migaud, exprimait son inquiétude, le 4 octobre dernier, devant les députés. Je vais citer ses propos, même si nous n'avons pas la même approche de la LOLF.

Après avoir salué le travail qui avait été réalisé, il rappelait solennellement que la LOLF « est un outil pour mieux présenter, évaluer, contrôler les finances publiques. L'assimiler a priori à la réduction de la dépense publique ou de l'emploi public, c'est en détourner l'esprit. »

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Absolument !

Mme Marie-France Beaufils. Nous allons voir que ce n'est pas toujours la réalité.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est une autre question !

Mme Marie-France Beaufils. M. Migaud continuait en ces termes : « C'est le sentiment de l'ensemble de la commission des finances et, de temps à autre, certains ministres devraient assumer leurs choix politiques.

« Réduire la dépense publique, ce n'est pas mon choix ; je peux comprendre que ce soit celui de la majorité, mais ne confondons pas l'outil qu'est la LOLF avec cet objectif politique, si l'on veut que la réforme réussisse ».

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien entendu !

Mme Marie-France Beaufils. Le groupe communiste républicain et citoyen estime que, malheureusement, vous aviez cet objectif présent à l'esprit dès la conception de la LOLF et c'est la raison essentielle qui nous avait amenés à la rejeter en 2001.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est un procès d'intention !

Mme Marie-France Beaufils. L'avenir nous le dira ! D'autant que, comme je le soulignais déjà lors de la discussion du collectif budgétaire de fin d'année, votre souci de contenir les dépenses à l'euro près se traduit trop souvent par des conséquences regrettables : par exemple, la fermeture d'une classe en zone urbaine ou en zone rurale, ...

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Il est un peu abusif de m'imputer des fermetures de classes !

Mme Marie-France Beaufils. ...la disparition d'une option ou d'une formation dans certains lycées, l'insuffisance ou l'absence d'entretien de la voirie nationale ou encore le retard pris dans la construction d'un programme de logements sociaux.

Ce souci se traduit aussi par un retard dans le lancement des actions sur le terrain, lesquelles doivent souvent faire l'objet d'un préfinancement par les collectivités territoriales ou par les associations - je pourrais évoquer des aménagements dans les zones inondables, en particulier de la consolidation des levées de la Loire - avec le risque de voir le gel se transformer en annulation ou en reports de crédits pour l'année suivante.

Hélas ! ces observations que j'avais faites à l'automne dernier trouvent encore leur illustration dans ce projet de loi de règlement comme dans la mise en oeuvre de la loi de finances pour 2005.

Des dizaines d'associations connaissent des situations catastrophiques et sont à la limite de la rupture financière, faute d'avoir reçu les financements prévus, ce qui aura, très vite, de lourdes conséquences dans les domaines de la formation et de l'insertion.

Comme la conférence des présidents l'a décidé, trois débats thématiques vont être organisés sur certains aspects de la loi de finances pour 2004.

Alors que la situation de l'emploi demeure préoccupante - puisque la baisse du chômage « officiel » doit plus à la souplesse administrative et au départ en retraite des chômeurs de longue durée qu'à la croissance économique -, vous n'avez pas choisi d'analyser la pertinence des mesures annoncées dans la loi de finances initiale pour agir sur le chômage. Nous aurions préféré que votre envie de contrôle affecte plutôt le budget consacré aux exonérations de cotisations sociales des entreprises, fortement consommateur des marges budgétaires annuelles de l'Etat.

Or, 18,9 milliards d'exonérations de cotisations sociales, un déficit creusé de la protection sociale - puisque les compensations ne sont pas intégrales, contrairement aux dispositions organiques du code de la sécurité sociale -, une forte incitation au développement de l'emploi sous-rémunéré - ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'exigence de qualification en regard de la  qualité » des offres -, voilà qui aurait pu motiver un intéressant débat !

Quand un groupe informatique américain, Hewlett Packard, bénéficie d'aides publiques directes et indirectes pour s'installer en France...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Apparemment pas !

Mme Marie-France Beaufils. ... et qu'il décide ensuite de liquider les emplois, cela mérite que la représentation nationale regarde au plus près l'efficacité de ces mesures !

Quand Carrefour tire pleinement parti des exonérations sur les bas salaires et négocie directement à l'étranger pour se fournir en produits textiles, ce qui « liquide » des emplois dans cette branche industrielle, cela pose aussi question sur le sens donné à la politique de l'emploi.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !

Mme Marie-France Beaufils. L'obsession de la réduction de la dépense publique installe une dangereuse confusion entre contrôle de l'utilisation des fonds publics et saignée permanente des crédits et des emplois publics.

Une telle orientation n'est pas la nôtre, vous le savez pertinemment.

Ce projet de loi de règlement du budget de 2004 atteste donc des choix politiques fondamentaux opérés par ce Gouvernement.

Initiée par l'actuel ministre de l'intérieur, la loi de finances pour 2004 était fondée sur l'inégalité de traitement entre contribuables, favorisant manifestement et sans vergogne les contribuables aux revenus les plus importants, rompant avec les principes constitutionnels et républicains d'égalité devant l'impôt.

Comme c'est dans ce sens que le budget pour 2006 se prépare, il aurait été intéressant d'analyser les effets de ces choix.

Nous constatons, pour notre part, que cette conception ne fait que renforcer les inégalités entre les citoyens. La dépense publique est pourtant un moyen essentiel de la redistribution de la richesse nationale en direction des plus modestes, des plus vulnérables de nos concitoyens, des habitants de ce pays.

M. Alain Lambert. Très mauvaise méthode !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. On voit le résultat !

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le ministre, à chaque fois que vous réduisez le champ de la dépense publique, vous faites reculer l'égalité.

C'est évidemment pour l'ensemble de ces raisons que nous ne voterons pas ce projet de loi de règlement du budget de 2004. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, certains, en observant les premiers pas de M. Breton au ministère, ont pensé qu'il avait trébuché en ne suivant pas le discours convenu lorsqu'il avait affirmé que la France vivait au-dessus de ses moyens. Et pourtant, c'était, et c'est toujours, hélas !, la vérité. Bien sûr, personne n'imaginait qu'il lui serait possible de redresser les comptes de la nation comme il avait pu redresser ceux de France Télécom, mais nous étions pleins d'espoir en entendant ce langage de vérité.

Aujourd'hui, le langage du néophyte aurait-il laissé la place au langage convenu, selon lequel, au fond, tout ne va pas si mal ?

Dans l'exécution du budget de 2004, vous êtes, certes, parvenu à une réduction du déficit budgétaire de 13 milliards d'euros et à une certaine stabilisation de nos dépenses. Les artifices y sont-ils étrangers ? La réduction du déficit de l'Etat n'est-elle qu'apparente et, surtout, est-elle due à une hausse mécanique des prélèvements obligatoires et des recettes supplémentaires consécutives à une croissance économique moyenne et meilleure qu'on ne le croyait ?

Quoi qu'il en soit, la dette publique de la France n'a cessé de s'aggraver, notre pays accumulant les déficits année après année. Pensez-vous avoir mis fin à cette évolution ?

Aucune des mesures ou réformes décidées n'a été à la hauteur de la gravité de la situation dans laquelle se trouvent nos finances publiques. La charge que supporteront nos enfants est consternante.

Référons-nous à la Cour des comptes, qui a souligné, dans son rapport sur l'exécution des lois de finances, que la réduction de 10 milliards d'euros du besoin de financement de l'Etat est, au mieux une façade, au pire le résultat de manipulations comptables relatives à la transformation du BAPSA, à la reprise du FOREC par la CADES et au versement d'une soulte de plus de un milliard d'euros par EDF et la COGEMA au CEA.

Nous confirmez-vous que la soulte de deux nouvelles entreprises publiques, La Poste et la RATP, seront mises à contribution dans le prochain projet de loi de finances ?

Monsieur le ministre, des mesures ponctuelles peuvent améliorer une situation budgétaire, mais aucune ne peut inverser cet inexorable accroissement de la dette. Le concept budgétaire doit non seulement évoluer, mais aussi changer.

Malgré des paramètres très aléatoires - prix du baril, évolution de la consommation, évolution des investissements, déficit des comptes sociaux -, tous les ministres des finances aboutissent à une résultante qui est un chiffre de croissance escompté. Ils savent pourtant qu'ils seront vraisemblablement démentis - il va falloir geler des chiffres, supprimer des crédits budgétaires - et donc qu'ils devront se livrer à des acrobaties entre les divers budgets ministériels. Tout cela, bien sûr, a des conséquences politiques négatives.

Un espoir réside dans la LOLF, qui est un progrès formidable, car elle introduit la notion de performance. Nous sommes convaincus que vous saurez utiliser à plein ce nouvel outil.

Allons plus loin : j'ose deviner que vous avez peut-être le désir secret d'aller plus avant. Vous rêvez - ou est-ce moi ? - d'un budget au caractère uniquement comptable, calculé sur une croissance nulle, qui vous permettrait d'utiliser une partie du surplus généré, dans la grande majorité des cas, par une croissance même modeste pour rembourser la dette. Peut-être même imaginez-vous des budgets qui évolueront, en cinq ans, d'une dépense à croissance nulle en euros constants vers des euros courants.

De nombreux pays ont réussi ce redressement budgétaire : le Canada, la Nouvelle-Zélande, la Suède... J'arrête là une liste qui devient humiliante ! Au nom de quoi la France, qui a toujours su se redresser, ne serait-elle pas capable d'un effort comparable ? Il faut oser parler d'effort, un mot qui semble proscrit du vocabulaire des politiques.

Ceux qui prétendent que tout finira par s'arranger sans parler d'effort nous mentent ou, comme disait Talleyrand, « cela finira par s'arranger, mais mal ».

Rétablir la situation sera très difficile. Nous y sommes obligés non seulement du fait de la contrainte communautaire, mais aussi pour ne pas être la seule génération politique à laisser à nos enfants une situation moins bonne que celle que nous avons prise en charge.

Monsieur le ministre, chacun reconnaît ou a été amené à reconnaître les talents de chef d'entreprise du ministre des finances. Les Français ne lui pardonneraient pas de ne pas y adjoindre le courage. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais revenir sur la présentation qui nous a été faite par le ministre du budget.

C'est une présentation habile qui a consisté à naviguer entre les années 2005 et 2006, voire à anticiper sur l'année 2007. Mais, aujourd'hui, notre exercice, le projet de loi de règlement, doit porter sur l'exécution de la loi de finances pour 2004 !

M. le ministre a navigué entre ces différentes années, selon moi à mauvais escient, mais sciemment, car l'année 2004 a été une année singulière : celle d'un rebond de croissance et d'une augmentation des recettes - j'y reviendrai.

La présentation qui nous a été faite montre que la loi de finances initiale pour 2004 prévoyait un déficit budgétaire de 55 milliards d'euros. L'exécution du budget s'étant finalement traduite par un déficit de 44 milliards d'euros, le solde budgétaire se serait donc amélioré de 11 milliards d'euros par rapport à la loi de finances pour 2004 et de plus de 13 milliards d'euros par rapport à celui de l'année 2003. Si j'écoute et si je lis, cette réduction serait le résultat de la maîtrise des dépenses de l'Etat et de recettes plus importantes que prévues.

En vérité, je voudrais revenir sur trois éléments : d'abord les dépenses et les recettes, ensuite le déficit et, enfin, la dette.

Quand on examine attentivement la situation, on se rend compte que la présentation faite, y compris dans les interventions, comporte un aspect trompeur - je ne dis pas qu'il y a tromperie -, car le respect de l'autorisation parlementaire de dépenses a été largement formel. Selon le discours officiel du Gouvernement - vous le répétez souvent, monsieur le ministre -, il ne sera pas dépensé un euro de plus que ce que le Parlement a autorisé en loi de finances initiale. Mais c'est faire fi des nombreuses mesures de régulation budgétaire et des annonces, dès la discussion de la loi de finances, de mises en réserve et d'annulations de crédits !

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est grâce à cela que l'on peut respecter le principe de l'autorisation budgétaire !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !

Mme Nicole Bricq. Laissez-moi finir, monsieur le rapporteur général !

Il est évident que l'on ne peut refuser a priori le principe de régulation, qui permet effectivement au Gouvernement de s'adapter à la conjoncture. C'est un outil de pilotage des finances publiques et, sur ce point, aucune discussion n'est possible.

Mais les critiques faites par la Cour des Comptes sont largement recevables sur trois points. Les régulations ont un coût pour l'Etat - on sait qu'elles ne sont pas gratuites -, elles reportent la difficulté sur l'année suivante et elles posent le problème de la sincérité de la loi de finances initiale. Je crois que nous pouvons, là aussi, en convenir.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Et même de la loi de règlement !

Mme Nicole Bricq. Malgré les gels et le surplus de recettes, l'engagement du respect du plafond de dépenses n'a été tenu qu'au prix non pas de gesticulations, monsieur le président, mais de contorsions... Je suis plus sympathique peut-être !

M. Aymeri de Montesquiou. Attention au lumbago ! (Sourires.)

Mme Nicole Bricq. Les contorsions, effectivement, cela peut faire mal ! Il faut être très souple...

Vous avez rappelé vous-même les factures qui ne sont pas payées, l'augmentation très nette des reports de crédits...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Les reports, c'est en loi de finances rectificative !

Mme Nicole Bricq. ... et un blocage des dépenses militaires en capital en fin d'année. Vous avez même indiqué la somme : 800 millions d'euros. Cela est en contradiction avec la volonté affichée par le Gouvernement. Les reports de crédits ont augmenté et ceux qui ont été reportés de 2004 sur 2005 ont été plus importants que ceux qui l'ont été de 2003 sur 2004.

Cette hausse des reports constitue un problème. En effet, pour 2005, les limites fixées par la LOLF s'appliqueront. C'est ainsi que le montant des crédits pouvant être reportés sera plafonné, par programme, à 3 %. Par conséquent, c'est la dernière fois que nous nous livrons à cet exercice, un peu obligé, d'examen de l'exécution d'un budget de cette manière.

Les dépenses constatées en exécution du budget pour 2004 ont progressé de 4,5 %.

J'en viens au déficit public. Malgré un surplus de recettes de près de 2 milliards d'euros, il n'a été réduit que de 0,5 point du PIB.

Je voudrais revenir sur la période contestée 1999 - 2000, à laquelle ont fait référence à la fois le ministre avec l'énergie habituelle qu'on lui connaît - je ne sais pas s'il compte les sous de l'Etat, en tout cas il ne m'écoute pas, mais ce n'est pas grave ! - et, vous-même, monsieur le rapporteur général, lorsque vous avez interrompu ma collègue Mme Beaufils. Je vous donne acte de l'habileté de l'action gouvernementale à gérer la transparence.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Merci !

Mme Nicole Bricq. Nous n'allons pas en débattre, mais il est vrai que nous aurions pu, à l'époque, être plus habiles. Toutefois, cela ne change rien sur le fond, et c'est ce qui importe. J'estime que je suis dans une situation de légitime défense, tout comme je le suis s'agissant du problème de la dette et des déficits auquel vous avez fait allusion, monsieur le ministre.

Même si faute avouée est à moitié pardonnée, la faute demeure. En matière de déficit public, le résultat est nettement moins bon que celui qui avait été obtenu en 1999, année où ce déficit avait été réduit de un point de PIB. Le gouvernement de gauche de l'époque, que je soutenais, avait affecté 82 % de la prétendue « cagnotte » de 3,4 milliards d'euros à la réduction du déficit. Et si la croissance avait été plus forte que prévu, c'est parce que la politique budgétaire conduite par ce gouvernement avait permis un tel résultat ! (Rires sur les travées de l'UMP.)

D'une façon générale, je tiens à le souligner, les déficits publics ont été constamment réduits entre 1997 et 2001. Or, depuis 2002, ils n'ont cessé de gonfler : après avoir connu des pics de 3,2 %, 4,2 % et 3,6 % entre 2002 et 2004, ils seront supérieurs à 3 %, malgré la soulte d'EDF, en 2005. Cela pose le problème du seuil incontournable des 3 %.

A cet égard, j'observe que tous les pays du Vieux continent, membres de l'Union européenne, laissent filer peu ou prou leur déficit. Depuis 1997, même le Royaume-uni agit ainsi parce qu'il a besoin de financer ses services publics, notamment les enseignants, les fonctionnaires qui travaillent dans les hôpitaux ou dans les transports par exemple. Je pense que cette espèce de plafond, qui n'est pas un plafond de verre, pose problème.

Quoi qu'il en soit, lorsque la gauche a gouverné le pays, elle a fait beaucoup mieux que votre majorité depuis qu'elle est aux responsabilités, monsieur le ministre

S'agissant de la dette publique, elle s'élevait en 1998 à 58,7 % du PIB. En 2001, ce taux n'était plus que de 56,2 % et, aujourd'hui, elle atteint 66,2 %. Autrement dit, elle a connu une baisse constante entre 1998 et 2001 et elle enregistre une augmentation constante depuis 2002.

La dette publique comprend également la dette des collectivités locales. A ce sujet, j'ai entendu à plusieurs reprises M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et je vous ai aussi entendu, monsieur le ministre, faire ce que j'appelle un « procès » en mauvaise gestion aux collectivités locales, qui sont confrontées aux multiples désengagements de l'Etat et aux premiers effets des transferts non compensés.

Evidemment, leur situation financière se dégrade. Pour la première fois depuis 1995, les collectivités locales affichent non pas un excédent, mais un déficit. Or vous ne devez pas leur faire ce procès, car les besoins de nos concitoyens n'ont pas disparu d'un coup de baguette magique, et nous devons y répondre. Faire des annonces ronflantes sur la capacité de la puissance publique à agir ne suffit pas à définir et à bâtir une politique économique. Tout l'art du politique réside justement dans l'exécution de ses missions : ses marges de manoeuvre sont plus ou moins grandes et, si nous voulons redonner aux Français le goût de croire en ceux qui commandent l'action publique, la noblesse de l'action du politique consiste à élargir ses marges de manoeuvre.

Après une année noire en 2003, la pire depuis 1993, l'année 2004 a connu une vraie dérive. En effet, depuis juin 2002, tous les indicateurs économiques et sociaux se sont dégradés. Mais la croissance de l'économie mondiale dont j'ai parlé au début de mon propos a connu un rebond de 4,6% en 2004, ce qui a permis à la France d'enregistrer une croissance de 2,3 % au lieu de 1,7%, pourcentage prévu dans la loi de finances initiale.

Cette marge de manoeuvre supplémentaire aurait dû constituer un environnement favorable à une bonne gestion du budget de 2004. Or le Gouvernement et sa majorité n'ont pas su tirer profit de ce surplus pour réorienter la politique économique et consolider ce mouvement. Avec une croissance comparable, les performances avaient été nettement supérieures sous la précédente législature.

La gestion du budget de 2004, particulièrement insincère dès le départ, a donc été décevante. Le projet de loi portant règlement définitif du budget de 2004 apporte la démonstration que la situation des comptes publics ne s'est pas assainie au cours de cette année-là, malgré un excédent de recettes fiscales qui était trois fois plus important qu'en 1999. Le déficit public n'a été que faiblement réduit en 2004 et la dette publique a continué de progresser fortement, l'Etat connaissant un déficit avant même d'avoir remboursé les intérêts de sa dette, qui atteint 57,5 % du PIB.

Dans ces conditions, vous comprendrez, monsieur le ministre, mes chers collègues, que le groupe socialiste votera contre ce projet de loi portant règlement définitif du budget de 2004. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je souhaiterais répondre de manière aussi précise que possible à chacun des orateurs ; j'ai eu le plaisir d'écouter leurs interventions tout à fait intéressantes et pertinentes depuis le début de cette séance.

Tout d'abord, je vous remercie, monsieur le rapporteur général, des encouragements que vous avez bien voulu me prodiguer. Je partage totalement l'analyse qui est la vôtre, s'agissant du redressement de nos finances publiques : l'enjeu est que l'Etat retrouve sa capacité d'action. En effet, qui peut penser que nous réduirons la dette si nous ne réduisons pas le déficit, l'un provenant naturellement de l'autre ?

De ce point de vue, notre choix d'affecter la totalité des plus-values fiscales à la réduction de l'endettement de notre pays va évidemment dans ce sens.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Solder les opérations budgétaires de l'année et ne pas prévoir de reports de crédits sur l'année suivante est un objectif sur lequel nous pouvons tous être d'accord.

Pour aller dans le même sens, je dirai que le collectif budgétaire ne peut pas être le « match retour » du projet de loi de finances. J'ai moi-même publiquement regretté la situation que nous avons connue l'année dernière. Jean Arthuis avait alors utilisé une formule terrible, parlant d'un « texte poubelle ».

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Tout à fait !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Cette formule était certes très sévère, mais elle reflétait la vérité ! Il faut dire les choses telles qu'elles sont. J'avais alors indiqué que je tirerai tous les enseignements de cette situation et, vous le verrez, mesdames, messieurs les sénateurs, le prochain projet de loi de finances rectificatives ne comportera pas de dépenses nouvelles ; il présentera uniquement quelques dispositions opérationnelles, notamment de nature fiscale.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Merci de cette annonce !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. J'essaie d'honorer les engagements que je prends !

Monsieur le rapporteur général, vous vous demandez si le « zéro volume » est suffisant. J'adore cette question qui me permet de reprendre un credo que je partage naturellement avec vous.

Cette interrogation comprend en réalité plusieurs aspects. Tout d'abord, vous vous demandez si nous devons aller plus loin et tendre vers le « zéro valeur ».

Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, rebondissant ainsi sur les annonces que le Premier ministre lui-même a faites, effectivement, il faut maintenant tendre vers le « zéro valeur ».

Dans notre pays, nous avons démontré que nous étions capables dans la durée de ne pas augmenter la dépense publique plus que l'inflation. C'est ce qui s'est passé pour les années 2002, 2003, 2004, 2005 et, monsieur Lambert, nous tenons également le cap pour l'année 2006.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Pour 2006, nous nous posons des questions quant à l'AFIFT, l'Agence de financement des infrastructures de transport.

M. Philippe Marini, rapporteur général. A chaque jour suffit sa peine !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Nous en reparlerons ! Je suis à votre disposition pour vous démontrer que cet objectif est tenu.

Quoi qu'il en soit, les conditions sont maintenant créées et les administrations publiques ont vu comment fonctionnait le système. Elles ont également compris la détermination politique qui est la nôtre ; je vous confirme donc qu'il faut aller vers le « zéro valeur ».

Par ailleurs, vous me demandez, monsieur le rapporteur général, si l'assiette du « zéro volume », futur « zéro valeur », est la bonne. C'est une excellente question, un peu plus difficile à traiter.

En effet, ne mélangeons pas tout : d'une part, les dépenses et, d'autre part, les prélèvements sur recettes ainsi que les recettes fiscales sont des éléments très différents. En effet, les dépenses sont discrétionnaires alors que les recettes ou les prélèvements sur recettes sont automatiques, sauf à baisser les impôts et assimiler alors cette baisse à une dépense.

Il ne s'agit donc pas de la même démarche, et c'est pour cette raison que, dans le projet de loi de finances pour 2006, nous avons considéré les allégements de charges comme des pertes de recettes. Je voulais justement sortir de cette confusion, car il s'agit de prélèvements obligatoires en moins et non de dépenses discrétionnaires.

Allons plus loin en imaginant une norme un peu plus grande encore afin de parvenir au « zéro volume » en incluant, par exemple, les dépenses fiscales, les fameuses « niches » fiscales dont nous allons beaucoup parler dans quelques semaines, ...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... ainsi que les prélèvements sur recettes qui sont plutôt automatiques et sur lesquels nous n'avons aucune marge de manoeuvre.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Absolument !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. En réalité, monsieur Jégou, je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous : ce ne sont pas des dépenses, ce sont des moins-values de recettes. En tout cas, cela concerne pour une bonne part les collectivités locales. Mais si nous élargissons l'assiette, nous y perdrons, à mon sens, en précision.

Par ailleurs, nous devrons réfléchir sur l'alignement des prélèvements au profit des collectivités locales sur la norme générale Bref, vous l'avez bien compris, mesdames, messieurs les sénateurs : cette conférence des finances publiques, dont je rêve va vraiment être tout à fait passionnante !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oh oui !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Monsieur Arthuis, une fois encore, je vous remercie d'avoir pris l'initiative d'accélérer l'examen du projet de loi portant règlement définitif du budget, suivant les dispositions de la LOLF. Il faut évidemment que nous recentrions nos débats budgétaires non pas sur les moyens engagés, mais sur les résultats atteints avec l'argent des Français. L'exercice auquel nous nous livrons est une petite préfiguration de ce que nous ferons ensemble à l'avenir.

S'agissant de la gestion des crédits militaires accordés en 2004, je tiens à dire que le ministère de la défense, comme tous les ministères civils, a participé à l'objectif de maîtrise de la dépense. Il est assez normal que l'effort soit partagé. Le rapport de la Cour des comptes indique que nous avons veillé à ce que cet effort ne pénalise ni les PME ni les PMI.

A cet égard, je veux dire que c'est en toute responsabilité que nous avons choisi de débloquer ces crédits, car le ministère de la défense devait honorer ses dépenses auprès des PME et des PMI ; dans le cas contraire, les conséquences économiques auraient été désastreuses. Pour le reste, le problème que vous posez est réel, et je pourrais vous apporter des éléments de réponse tant avec la LOLF et tous les dispositifs que nous mettons en place qu'avec l'audit de l'Etat que j'ai lancé cette semaine.

Monsieur Jégou, vous dites qu'il est nécessaire que nous soyons toujours plus ambitieux dans la maîtrise de la dépense. Comme je l'ai déjà indiqué tout à l'heure à M. Marini, je partage votre analyse. Il en va de même pour l'assainissement de nos finances publiques et la conduite de la réforme de l'Etat. Je forme le voeu que, sur tous ces sujets sur lesquels, vous le savez, je suis, à titre personnel, particulièrement engagé, j'aurais la chance de bénéficier de vos éloges, peut-être, de vos encouragements, sans doute, voire, rêvons un peu, de votre soutien ...

M. Michel Mercier. Si vous le méritez, monsieur le ministre !

M. Aymeri de Montesquiou. Dieu y pourvoira ! (Sourires.)

M. Jean-François Copé, ministre délégué. En tout cas, je le répète, pour la quatrième année consécutive, nous stabilisons les dépenses en volume et, dès 2007, nous allons tendre vers la stabilisation en valeur en faisant un premier pas : une réduction de 1 % en volume, ce qui représente une économie de 3 milliards d'euros. Ayons tous ce chiffre en tête parce que cette somme est proche de celle qui nous est nécessaire pour financer notre réforme fiscale. Vous voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, sur ces sujets, nous avons beaucoup à faire ensemble.

Monsieur Jégou, s'agissant du FIPSA, le Fonds de financement des prestations sociales agricoles, je suis cette question de très près, car je considère que rien n'est pire que de ne pas apporter de réponses à des sujets aussi sensibles, sur lesquels chacun est en droit de savoir ce qui se passe.

En réalité, trois problèmes doivent être réglés : le financement de l'établissement en 2006, la dette et, enfin, une meilleure solidarité entre les régimes de protection sociale.

Vous le savez, le FIPSA relève du champ de compétence du projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais je le dis ici, dans l'exercice des fonctions qui sont les miennes, l'Etat saura prendre ses responsabilités. Je vous annoncerai prochainement les améliorations que nous souhaitons mettre en oeuvre en faveur du financement du régime de protection sociale des agriculteurs. J'ai prévu de travailler en concertation avec mes collègues chargés de l'agriculture, de la santé et de la protection sociale. Nous aurons l'occasion de revenir rapidement sur ces sujets.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Monsieur Dallier, je vous remercie pour vos encouragements et pour votre analyse très claire des enjeux budgétaires qui sont les nôtres. Nous engrangeons les résultats de la politique de précaution que nous avons conduite depuis 2002 ; l'enjeu majeur est évidemment la réforme de l'Etat. Vous le savez, dans ce domaine, j'entends engager des mesures importantes et ambitieuses.

Madame Beaufils, je suis obligé de constater que nous ne sommes pas complètement d'accord.

M. Alain Lambert. Pas encore ! (Sourires.)

Mme Hélène Luc. Cela aurait été étonnant !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Autant, avec Philippe Dallier, j'ai trouvé de vrais points de convergence, autant, avec vous, je les ai cherchés en gémissant !

Qu'en est-il ? Vous plaidez pour l'économie administrée, pour l'augmentation de la fiscalité et de la dépense publique au profit d'une société d'assistance.

Mme Marie-France Beaufils. Pas n'importe laquelle !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. C'est sans doute un point de divergence majeure entre nous. Au contraire, le modèle auquel je crois profondément pour notre pays consiste à libérer les initiatives, à développer la croissance, à revaloriser la valeur travail.

Madame Beaufils, vous avez dit tout à l'heure, emportée par votre élan, que la majorité -  je crois que vous pensiez un peu à moi ainsi qu'au président de la commission des finances et au rapporteur général - n'aimait pas la dépense publique. C'est une énorme erreur d'appréciation ! La question n'est pas de savoir si l'on aime ou si l'on n'aime pas la dépense publique : celle-ci est évidemment indispensable dans un pays moderne.

Mme Marie-France Beaufils. Je suis d'accord, mais...

M. Jean-François Copé, ministre délégué. En revanche, il faut sans cesse se demander si la dépense publique est efficace, si les Français « en ont pour leurs impôts », si les usagers sont satisfaits par les services publics et, enfin, si les fonctionnaires mettent en oeuvre la dépense dans les meilleures conditions. C'est cela qui nous importe. A cette fin, un examen quotidien s'impose. Ce sera un rendez-vous majeur dans le cadre de la réforme de l'Etat, qu'il nous faudra évoquer ensemble.

S'agissant des questions budgétaires, je veux faire une remarque sur la régulation. Il s'agit de se donner les moyens de respecter pleinement l'autorisation parlementaire. A cet égard, j'ai souhaité, cette année, moderniser en profondeur les modalités de la régulation budgétaire en termes de transparence et de prévisibilité, vis-à-vis aussi bien du Parlement que des ministres. Comme je l'ai précisé tout à l'heure à la tribune - ce point est essentiel -, nous indiquerons chaque fois la tranche ferme et la tranche conditionnelle au sein des différents programmes.

La dépense publique n'est ni bonne ni mauvaise : elle est indispensable, à condition naturellement de mesurer chaque fois son efficacité.

Mme Hélène Luc. Vous en voulez le moins possible !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Monsieur de Montesquiou, vous exprimez avec une grande sévérité une préoccupation concernant l'augmentation de la dette publique. Comment ne pas la partager ? Oui, ce phénomène est important. La dette publique représentait 20 % du PIB en 1980 ; elle en représente plus de 65 % aujourd'hui. Quant à la charge des intérêts, elle correspond à 75 % du produit de l'impôt sur le revenu.

Nous avons un devoir de responsabilité.

La croissance de la dette est stabilisée dans le projet de loi de finances pour 2006. De plus, nous oeuvrons au désendettement et à la maîtrise de la charge de la dette en affectant une part significative du produit des cessions d'actifs au désendettement et en adoptant une gestion active de la dette. Ces mesures ont vocation à réduire le coût budgétaire annuel de la charge des intérêts. Il ne faut en aucun cas être immobile. Il faut s'impliquer dès maintenant pour engager la diminution de la dette à l'avenir. Nous serons les uns et les autres confrontés à un dilemme sur lequel je saurai vous rendre chaque fois témoins et même acteurs.

Lorsque a été annoncée, il y a peu, la décision de l'Etat d'ouvrir le capital des sociétés d'autoroutes, j'ai immédiatement dit, en bon ministre chargé du budget, qu'il serait sensé d'en affecter le produit au désendettement. Que n'avais-je dit là ? Des personnalités éminentes, tant de l'opposition que de la majorité, d'ailleurs, m'ont alors dit que c'était une erreur, excipant que les sommes concernées étaient très faibles. Mais, alors, on n'arrivera jamais à faire le lien ! On m'a dit, de plus, que l'important était d'honorer les investissements prévus dans les contrats de plan, s'agissant d'équipements structurants pour l'avenir.

Mme Nicole Bricq. Il ne fallait pas privatiser !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Bref, nous avons tous compris qu'il fallait alors distraire une partie du produit de ces cessions d'actifs au profit de l'investissement. C'est d'ailleurs une bonne idée. Nous avons tous des investissements structurants à honorer. Cependant, nous devrons les uns et les autres être cohérents avec ce que nous voulons faire.

Nous avons surmonté, me semble-t-il, cette difficulté en proposant de partager de manière équilibrée le produit de ces cessions entre le désendettement, pour une part majoritaire, et les investissements, pour une part minoritaire mais importante, notamment pour les investissements structurants.

Madame Bricq, je veux voir les choses sous un angle positif : vous avez rendu hommage, me semble-t-il, à mon énergie. Dans l'histoire complexe et presque ancienne de nos relations, le progrès est considérable ! (Sourires.)

Mme Nicole Bricq. Il y a des énergies négatives et des énergies positives. (Nouveaux sourires.)

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Et voilà que la fête est gâchée ! (Nouveaux sourires.) J'avais pris cela presque comme un compliment ! Peu importe.

Vous avez évoqué de manière très critique - ce n'était pas surprenant - la situation dégradée des finances publiques. Nos analyses divergent sur un certain nombre de points. Ce n'est pas nouveau et ces divergences ne portent pas seulement sur la question des finances publiques.

Vous ne pouvez pas nier la réalité des cycles économiques : la situation n'est pas la même selon que le rythme annuel de croissance est de 3 % - comme ce fut le cas au cours des quatre dernières années du gouvernement de M. Jospin - ou qu'il est inférieur de moitié - comme cela est le cas depuis trois ans - voire presque nul - comme en 2003.

Dès lors, il faut bien avoir à l'esprit des éléments fondamentaux. Ainsi, lorsque la croissance économique est au rendez-vous, il faut en profiter, d'une part, pour maîtriser totalement la dépense publique, d'autre part, pour utiliser les surplus de recettes fiscales à des réformes structurelles. Celles-ci servent à réaliser des économies et des gains de productivité dont on a besoin pour « tenir le coup » dans les périodes plus difficiles.

Madame Bricq, que voulez-vous que je vous dise, sinon que la France n'a pas été présente aux deux ou trois rendez-vous majeurs auxquels elle aurait dû être à la fin des années quatre-vingt-dix ?

. Les retraites, la sécurité sociale, la réforme de l'Etat sont autant de sujets sur lesquels le gouvernement de l'époque n'était pas au rendez-vous !

Mme Nicole Bricq. Parlons-en de la sécurité sociale ! Le plan. Douste-Blazy est « dans les choux » !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Aussi, il nous a fallu agir dans les pires conditions, à un moment où la croissance était absente.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. C'est une situation que nous avons dû assumer, avec toutes les difficultés que cela implique. La période 1999-2001 - je suis désolé de devoir le dire avec la même énergie, dont je ne sais si elle est positive ou négative ! - a vu les fruits de la croissance gaspillés en dépenses publiques pérennes et non adossées. Vous avez multiplié les baisses d'impôts, qui, n'étant pas financées, ont aggravé les choses. Pour notre part, nous faisons l'inverse : nous essayons de maîtriser la dépense dans la durée et nous tentons d'affecter autant que possible les surplus de recettes à la réduction du déficit.

Bref, nous n'avons pas la même conception de la gestion du budget de l'Etat. C'est ainsi et c'est aussi le charme de la démocratie que de permettre aux Français d'exercer en conscience, le moment venu, leur choix politique. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces réponses circonstanciées. Chacun aura apprécié, monsieur le président de la commission des finances, la richesse de nos échanges, qui atteste l'intérêt de ce débat sur la loi de règlement.

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ? ...

La discussion générale est close.

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