Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d'abord vous remercier de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui de pouvoir répondre à l'ensemble des questions que vous avez posées sur un sujet aussi important que l'organisation mondiale du commerce.

L'un d'entre vous a indiqué que le calendrier était parfait. Je crois qu'effectivement nous nous souviendrons de cette semaine où les négociations de l'OMC sont probablement entrées - l'histoire le dira ! - dans une phase déterminante ; vous l'avez tous souligné.

Je rends hommage à la qualité de vos observations et à la connaissance précise que vous avez de questions aussi techniques que celle de l'OMC. J'y ai consacré une partie des premiers mois de l'exercice de mes fonctions.

Comme vous le savez, la négociation a connu une accélération déterminante depuis le 10 octobre dernier, avec une multiplication de propositions, des Etats-Unis d'abord, proposition à laquelle l'Union européenne a jugé bon de répondre, ce qui a entraîné ensuite des propositions du G20 et du G10.

Malheureusement, cette accélération s'est limitée à l'agriculture, vous l'avez tous constaté, et cela suscite les plus vives inquiétudes du Gouvernement et du Président de la République. Nous considérons en effet que notre politique agricole commune, telle qu'elle a été réformée en 2003, est menacée.

Compte tenu de cette évolution, le Premier ministre a confirmé deux objectifs prioritaires pour la France dans le cadre de ces négociations : tout d'abord, opérer un rééquilibrage des négociations au profit, d'une part, de nos intérêts et, d'autre part, des intérêts des pays en voie de développement ; ensuite, faire en sorte que les négociations menées par le commissaire européen ne sortent pas du cadre du mandat qui a été fixé, vous l'avez rappelé tout à l'heure, selon des règles très précises, avec une référence spécifique à la politique agricole commune.

Je suis personnellement très sensible à l'attention que la Haute Assemblée porte aux questions de l'OMC et au rôle que le Sénat doit jouer dans le dialogue qui se déroule entre cent quarante-huit Etats membres.

Certains d'entre vous le savent pour avoir participé à nos réflexions, j'ai tenu à associer les parlementaires à la préparation de ces négociations. Je leur ai offert à tous de participer à une réunion qui a été organisée le 14 septembre dernier. J'ai de même participé à une audition organisée par le Sénat le 19 octobre 2005 qui fut pour moi l'occasion de répondre à toutes les questions que vous souhaitiez me poser.

Je suis également très heureuse de pouvoir compter sur la présence de certains d'entre vous à Hong-Kong, du 13 au 18 décembre prochain.

En reprenant les différents points soulevés par M. Bizet dans sa question et les commentaires des uns et des autres, je me propose de vous répondre en suivant trois axes principaux : après un état des lieux d'une négociation qui, je dois le dire, évolue au fil des heures ces jours-ci, je ferai le point successivement sur le mandat de négociation de la Commission, notamment en matière agricole, puis sur les dossiers relatifs au développement.

Je commencerai donc par l'état des lieux de la négociation du cycle de Doha.

Comme vous le savez, l'accord-cadre de Genève du 1er août 2004 avait relancé le cycle de Doha après des échecs magistraux - en particulier à Cancún -, mais au prix de concessions de l'Union européenne : affirmation du principe de la suppression conditionnelle des restitutions à l'exportation, rétrogradation des questions de régulation et éviction pure et simple de trois des quatre sujets de Singapour.

Que s'est-il passé après le 1er août 2004 ? Pas grand-chose, jusqu'au 10 octobre, date à partir de laquelle les Etats-Unis et l'Union européenne ont présenté leurs propositions respectives pour la négociation agricole.

Cela a suscité, en réplique, des prises de position des groupes du G20, du G33 et du G10.

Par ailleurs, M. Lamy, le nouveau directeur général de l'OMC qui a succédé à ce poste, le 1er septembre, à M. Supachai, a accéléré le rythme de travail. Il adopte une attitude très volontariste et veut aboutir aux deux tiers du chemin du cycle de Doha à Hong-Kong, ce qui rendrait possible - compte tenu du calendrier des nécessaires négociations complémentaires - la réalisation complète des accords avant la fin de 2006 ou le début de 2007, date d'expiration des pouvoirs de négociation de l'administration américaine, le Trade Promotion Authority.

C'est compte tenu de cette date que nous nous « calons » sur celle de la conférence de Hong-Kong, dont nous faisons une étape déterminante.

Les pays du G20, pays émergents emmenés traditionnellement par le Brésil et l'Inde, et les pays du groupe de Cairns - Australie, Canada, Nouvelle-Zélande - continuent, à ce jour, de faire des engagements agricoles le préalable indispensable au déblocage et à l'avancée des négociations sur les produits industriels, les services et les questions liées au développement.

Quant au changement de rapport de force que vous avez évoqué tout à l'heure, je mentionne simplement qu'ils sont régulièrement changeants. A mon sens, au sein du G20, notamment, où l'on trouvait traditionnellement liés par les accords complémentaires des pays comme l'Inde et le Brésil, ces rapports de force sont en train d'évoluer.

A cet égard, je ne serais pas surprise que l'Inde, en particulier, se dissocie un peu du G20 et que la Chine adopte une attitude très discrète. Certains Etats ont intérêt à jouer du G20 tout en faisant valoir leurs intérêts dans des domaines tels que l'industrie et les services.

Aujourd'hui, la négociation agricole, point fondamental sur lequel se constate le plus d'avancées, se concentre sur l'accès au marché, avec comme principale difficulté les droits de douane.

La proposition conditionnelle de l'Union européenne, en août 2004, d'éliminer les restitutions aux exportations - sous réserve, donc, que l'autre partie fasse le même effort - n'a pas été suivie, à ce jour, d'engagements parallèles de la part de nos autres partenaires.

Or la priorité, en l'espèce, est bien d'arriver à un parallélisme des engagements, c'est-à-dire en particulier de faire en sorte que les Etats-Unis acceptent de mettre sur la table leurs programmes d'aide alimentaire qui servent certainement de variable d'ajustement !

Le débat sur une « date d'élimination » est à cet égard emblématique. Vous le savez, nous avons ouvert les négociations sur les restitutions aux exportations en indiquant qu'elles seraient éliminées « dans un délai raisonnable », sans qu'il soit pour autant fait mention d'un délai plus précis.

Or, aujourd'hui, tant les Etats-Unis que quelques-uns de nos partenaires parlent de l'année 2010 comme d'une date butoir réaliste pour l'élimination de ces restitutions. Pourtant, cette date n'a pas été proposée, et ce d'autant moins qu'elle ne nous semble pas acceptable.

Après des mois de blocage sur la question des soutiens internes, les Américains - extrêmement malins, au point d'invoquer un certain nombre de restrictions internes, notamment sur l'accord de libre-échange qu'ils négociaient avec les pays d'Amérique centrale - ont enfin formulé, le 10 octobre, des propositions de réductions chiffrées.

Cette annonce américaine était très habile : il semblait tout à fait ambitieux de proposer une réduction de 60 % du plafond autorisé sur la boîte orange - c'est-à-dire les soutiens les plus distorsifs - ainsi que des réductions de plafond appliquées à la boîte bleue - des soutiens un peu moins distorsifs - et aux aides non soumises à discipline, celles que l'on appelle traditionnellement les de minimis.

Cependant, après analyse, et vous imaginez combien nos services ont été minutieux, cette offre est beaucoup moins ambitieuse. Pour reprendre le mot du ministre du commerce de l'Inde, les Etats-Unis proposent de ne pas dépenser des sommes qu'en définitive ils n'avaient pas l'intention de dépenser ! (M. Paul Girod approuve.)

L'Union européenne a réagi en faisant une contre-proposition. Sous réserve de la démonstration contraire, bien sûr, on peut dire que l'Union européenne a épuisé ses marges de manoeuvre en matière de soutiens internes en proposant une baisse de 70 % du plafond de la boîte orange, c'est-à-dire des soutiens les plus distorsifs.

Les discussions, aujourd'hui, se concentrent - c'est tout l'objet de la polémique dont la presse internationale se fait actuellement l'écho - sur l'accès au marché. Les Etats-Unis, le groupe de Cairns et le G20 - tous intérêts confondus, quoique différents ! - font pression sur l'Europe et réclament des réductions tarifaires très ambitieuses, ainsi qu'une limitation à 1 % des produits sensibles, c'est-à-dire les cent soixante produits auxquels M. Bizet a fait référence.

La Commission s'est mal engagée dans ces discussions. En proposant une formule de réduction linéaire, c'est-à-dire sans le mécanisme de pivot qui permet une certaine flexibilité, comportant seulement 8 % de produits sensibles, elle se prive dès le départ, nous semble-t-il, de toute marge de manoeuvre. Elle risque même, selon l'identification de ces produits sensibles, de déstabiliser des marchés agricoles de la PAC réformée.

La France est d'autant plus concernée que nos produits sensibles sont répartis sur une foultitude de lignes, contrairement à d'autres pays, notamment du Sud.

Avec l'appui de treize autres Etats membres qui ont accepté de signer un mémorandum, la France a demandé à la Commission de rester dans le cadre de son mandat. A la suite du conseil Affaires générales, la France a demandé à la Commission de prouver qu'elle restait dans le cadre de son mandat et qu'elle n'était pas en train de fragiliser la PAC.

Aujourd'hui, en dépit des réunions d'expertise qui ont eu lieu, la Commission ne nous a certainement pas convaincus du fait qu'elle était bien restée à l'intérieur de son mandat. Dans ces conditions, toute offre complémentaire de sa part me paraîtrait tout à fait inopportune, car elle ne pourrait aller qu'au-delà des propositions faites.

Vous avez mentionné les indications géographiques, notamment pour les vins et spiritueux, qui nous intéressent au premier chef.

La plupart de nos partenaires, hélas ! restent à ce jour très réticents sur les indications géographiques. Ce dossier n'avance donc pas particulièrement, et M. Bizet l'a souligné à juste titre.

Or il est essentiel d'obtenir des résultats sur ce sujet à Hong-Kong. Il serait en particulier opportun de pouvoir adopter le registre national qui, seul, serait garant de la protection d'un certain nombre de productions, notamment dans le domaine des vins et spiritueux. Une telle mesure répondrait aux interrogations de M. Emorine et de M. Girod.

En ce qui concerne les négociations sur les produits industriels, très clairement, aujourd'hui, les débats s'enlisent au détriment des pays développés, donc au détriment des intérêts des productions françaises.

Je note au passage qu'il est tout de même un peu étonnant, compte tenu de la place qu'ils occupent dans nos économies, de définir les produits industriels comme des produits non agricoles. Mais c'est la règle retenue pour les négociations NAMA, ou Non Agricultural Market Access.

Or la France a beaucoup à attendre des négociations NAMA. Les secteurs qui bénéficieraient d'une ouverture pour les produits industriels représentent aujourd'hui à peu près 55 % de l'emploi industriel total, soit 1,7 million d'emplois et 181 milliards d'exportations, c'est-à-dire 68 % des exportations de nos produits industriels.

Or quel est notre objectif en la matière ? Il est clair que les pays en développement, en particulier les pays largement avancés dans leur développement tels que la Chine, le Brésil ou l'Inde, doivent accepter de diminuer significativement les barrières douanières - et les barrières non douanières, d'ailleurs ! - qu'ils érigent pour protéger leur marché.

Ces barrières douanières empêchent aujourd'hui nos industriels d'exporter leur production.

Dans le domaine de l'acier, si nos industriels souhaitent exporter vers l'Argentine, les droits de douane sont aujourd'hui de 35 %. Si nos industriels souhaitent exporter des 4 x 4 aux Etats-Unis, les droits de douane sont de 25 %. S'ils souhaitent exporter des véhicules automobiles ou des vins et spiritueux à destination de la Malaisie, les droits de douane y sont de 50 %. S'ils souhaitent exporter des vins et spiritueux à destination de l'Indonésie - certes, pays musulman où probablement nos exportations seraient assez minimes -, les droits de douane sont de 100 %.

Vous le voyez, il s'agit de droits de douane pour des pays émergents, mais aussi, dans un certain nombre de domaines très spécifiques, de pics tarifaires, comme au Etats-Unis, sur certains véhicules automobiles ou sur la céramique et le verre.

Malheureusement, l'Union européenne et les Etats-Unis, qui sont les principaux intéressés par une progression importante de la libéralisation dans ce domaine, ont du mal à présenter un front uni. Les stratégies adoptées ne sont pas les mêmes : les Etats-Unis favorisent une négociation ciblée sur certains secteurs, alors que l'Union européenne favorise une négociation générale.

La discussion, actuellement, porte sur la structure de la formule de réduction, laissant le degré d'ambition pour un stade ultérieur.

La France et l'Union européenne militent aujourd'hui en faveur d'une « formule suisse » que l'un d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, a fort bien décrite : réduire plus fortement les tarifs les plus élevés et plus faiblement les tarifs les moins élevés.

Le commissaire a présenté une proposition très intéressante qui conduirait à des droits de douane inférieurs à 10 % pour les pays développés et à 15 % pour les pays émergents, qui pourraient ainsi voir monter doucement en puissance leurs industries sans être totalement envahis par nos productions industrielles, comme ils peuvent le craindre.

D'après les dernières réunions NAMA qui se sont tenues à Genève, les principaux partenaires de l'Union européenne - les Etats-Unis, l'Inde, le Brésil et l'Australie - subordonnent tout progrès dans le domaine des produits industriels à l'avancement et la réalisation d'un accord dans le domaine agricole.

Je suis assez inquiète, je dois le dire, car le directeur responsable des négociations concernant les produits industriels a récemment indiqué que, à supposer qu'un accord aboutisse dans le domaine agricole, il serait probablement difficile de parvenir à un accord sur les produits industriels avant la conférence de Hong-Kong.

Concernant maintenant la négociation sur les services, elle n'a malheureusement que très peu progressé depuis 2003.

Comme l'ont souligné MM Haenel, Emorine et Deneux, les bénéfices à attendre d'une libéralisation du commerce sont considérables. Nous escomptons des engagements clairs de la part des pays développés et émergents, notamment pour ce qui concerne le secteur des télécommunications au Brésil et les services informatiques au Brésil, en Inde et en Chine.

Nos intérêts, aujourd'hui, sont concentrés sur ce que, dans le jargon, on appelle le « mode 3 », c'est-à-dire sur la possibilité d'établir et de développer des activités de services dans les autres pays.

Le mode 3 représente à peu près 50 % du commerce des services, et nous avons tout intérêt à nous engager très avant dans cette négociation. Songez que, aujourd'hui encore, le groupe Carrefour n'a pas le droit d'ouvrir une grande surface en Inde ; et des petits détaillants qui souhaiteraient, à titre individuel, ouvrir un magasin dans ce pays se heurteraient aux mêmes difficultés.

En ce qui concerne les activités qui relèvent, elles, du mode 4, nous devons à l'évidence rester très vigilants. Tout ce qui concerne la durée ou le contrôle des déplacements des salariés qui effectuent une prestation de service pour un prestataire situé à l'étranger doit relever du droit du pays d'accueil. En d'autres termes, si un travailleur étranger assure en France, pour une durée indéterminée, une prestation de service dans le cadre du quota prévu par le mode 4, c'est le droit français qui sera applicable. J'insiste sur ce point, car il convient de ne faire aucune confusion entre le mode 4 et le régime prévu par la directive Bolkestein.

Sept secteurs des services sont très importants pour la France : les services financiers et les télécommunications, les transports maritimes, les services environnementaux, la construction, la distribution et le transport aérien. Dans tous ces secteurs, nous avons des intérêts offensifs à faire valoir.

Certains orateurs ont évoqué la diversité culturelle et les services publics. Dans l'offre de services qu'elle a déposée, l'Union européenne n'a pas inclus - ce qui revient à dire qu'elle a exclu - ce qui correspondait aux services publics et à la diversité culturelle, donc notamment toutes les activités liées à l'audiovisuel. A cet égard, je me réjouis à mon tour de l'adhésion et du support massif qu'a reçus une proposition relative à la diversité culturelle qui a été largement soutenue par la France. Quel que soit le débat sur la validité juridique de cet accord, pour entrer en vigueur, il devra être ratifié par trente pays. J'espère que la France sera l'un des premiers Etats à procéder à cette ratification.

S'agissant des autres sujets, du quatrième pilier de la négociation en quelque sorte, il faut savoir que, si les négociations sur les règles restent en retrait, la facilitation des échanges a un peu progressé. Néanmoins, les questions relatives au développement, sur lesquelles je reviendrai, n'ont guère avancé, bien que le développement soit au coeur du cycle de Doha.

Monsieur Bizet, vous avez mentionné la vigilance et la confiance. Vous m'avez aussi attribué sans doute plus de vertus que je n'en ai. Je n'ai pas, par exemple, la faculté de négocier directement. En effet, les vues des vingt-cinq pays membres sont représentées par la Commission, en la personne du commissaire Mendelson.

Je crois beaucoup aux bienfaits de la vigilance et de la confiance. Il est sans doute temps d'encourager vivement et fermement à une réorientation de la négociation. Que M. Mendelson nous entende ou pas, il est de notre devoir de le lui rappeler.

En effet, aujourd'hui, l'Europe est vertueuse et ouverte ; elle n'a aucune raison d'adopter une position défensive.

Elle est vertueuse puisqu'elle a mis en oeuvre la réforme du régime des subventions et d'aides à l'agriculture. Parallèlement, nous instituons le découplage. Les Etats-Unis, pour leur part, et vous l'avez rappelé à juste titre, monsieur le sénateur, ont plus « recouplé » que « découplé ». Quant à leurs propositions, elles n'ont que la valeur de promesses et, comme toutes les promesses, elles n'engagent que ceux qui y croient !

L'Europe est également ouverte. L'Union européenne absorbe en effet 85 % des exportations de produits agricoles en provenance des pays d'Afrique et 65 % des exportations des pays les moins avancés. Le taux moyen des produits industriels y est de 4 %. Que ceux qui affirment que l'Europe est protectrice, fermée et égoïste s'appliquent à regarder les chiffres !

J'en viens à la question du mandat de négociation qui, sans être fondamentale, est aujourd'hui au coeur du débat.

Le mandat de négociation de la Commission européenne en matière agricole est la somme de diverses conclusions des conseils agricoles et des affaires générales. Je remercie M. Haenel d'avoir rappelé les fondements juridiques sur lesquels s'appuie la définition de ce mandat.

Le Conseil en l'espèce a fixé une limite très claire au mandat de la Commission à l'OMC : préserver la politique agricole commune telle qu'elle a été réformée en 2003.

Le conseil Affaires générales du 21 juillet 2003, confirmé par celui du 18 octobre dernier, au cours duquel la France a demandé que l'examen du mandat soit mis à l'ordre du jour, indique que la réforme de la PAC de 2003 fixe les limites du mandat de la négociation. Il prévoit également que la marge de manoeuvre qu'offre la réforme de la PAC ne pourra être exploitée qu'à la condition que les partenaires de l'OMC fassent des concessions équivalentes dans le domaine agricole. C'est le principe du parallélisme que j'évoquais tout à l'heure.

Dans un souci d'exhaustivité, j'ajoute que le mandat de négociation comporte également des éléments plus spécifiques.

S'agissant d'abord de l'accès au marché, l'objectif qui a été fixé dans la déclaration de Doha et dans l'accord-cadre d'août 2004 reste celui d'une « amélioration substantielle pour tous les produits ». Toutefois, le Conseil a demandé que la réduction tarifaire soit similaire à celle qui a été négociée dans le cycle de l'Uruguay. Vous pouvez donc constater que des paramètres très précis ont été fixés.

S'agissant ensuite des subventions aux exportations, le Conseil a demandé un parallélisme des engagements pour toutes les formes de soutien. En d'autres termes, les pays partenaires qui subventionnent leurs exportations doivent faire le même effort que ceux qui ont été consentis, sous forme de propositions, lors des réunions d'août 2004.

S'agissant enfin des soutiens internes, le conseil du 26 octobre 1999 et le conseil agricole du 21 novembre 2000 ont posé certaines conditions, notamment le maintien des notions de « boîte bleue » et de « boîte verte ».

Les plus anciennes conclusions du Conseil insistaient sur la reconnaissance des considérations non commerciales et sur le rôle de l'agriculture en tant que fournisseur de biens publics. Ces considérations ont progressivement disparu des conclusions du Conseil, sauf en ce qui concerne les indications géographiques.

Enfin, un traitement spécial et différencié, dit TSD, a été évoqué en faveur des pays les moins avancés. Les conseils de 1999, de 2001 et de 2003 prévoient de promouvoir les TSD, en particulier pour les pays les moins avancés. Ils proposent de réfléchir à la stabilité et à la prévisibilité des préférences commerciales et d'inciter les pays développés et les grands émergents à accorder des préférences commerciales aux pays les moins avancés.

J'en viens au troisième et dernier volet de mon propos, le développement. Il convient de remettre le développement au coeur du cycle de Doha.

Je ne remonterai pas jusqu'en 1945. Je rappellerai simplement que, lors du lancement du cycle de Doha, en 2001, certains d'entre vous s'en souviennent pour y avoir participé, les Etats - ils n'étaient d'ailleurs pas cent quarante-huit à l'époque - s'étaient engagés à placer le développement au coeur du cycle. Pourtant, les négociations sur le développement, donc le coeur du cycle, ne progressent pas. A sept semaines de la conférence de Hong-Kong, au cours de laquelle les grands principes devraient être définis, nous avons de sérieux motifs d'inquiétude.

Tout d'abord, de nombreux pays en développement sont inquiets, car ils n'ont pas la certitude de retirer des bénéfices du cycle en cours de négociation. En effet, les analyses les plus récentes montrent que les bénéfices de la libéralisation ne sont ni automatiques ni assurés à court terme et que certains pays en développement seront perdants.

La Banque mondiale, qui n'a pas toujours eu toutes les vertus, a accepté d'infléchir son discours s'agissant des bienfaits de la libéralisation. Elle a identifié des pays perdants à court terme : le Bangladesh, le Vietnam, le Mexique, les pays du Moyen-Orient - zone géographique un peu vaste qui mériterait d'être précisée -, ceux de l'Afrique du Nord et tous les pays d'Afrique sub-saharienne, c'est-à-dire les plus pauvres des plus pauvres.

De la même manière, le Fonds monétaire international, qui, lui non plus, n'a pas toujours eu toutes les vertus, a identifié six pays à revenus intermédiaires menacés par l'érosion des préférences, érosion consécutive à la réduction générale des droits de douanes. Il s'agit de l'île Maurice, pour le sucre, de Sainte-Lucie, pour la banane, de Belize, de Saint-Kitts-et-Nevis, du Guyana et des îles Fidji. On cite aussi parfois les Seychelles, pour la pêche, la Tanzanie, l'Ouganda, Madagascar et le Maroc.

En effet, les bénéfices attendus de la libéralisation prévue ne sont pas aussi clairs que l'on veut bien le dire, et ce en raison de la combinaison de quatre facteurs : premièrement, l'érosion des préférences tarifaires ; deuxièmement, la hausse des prix alimentaires, inéluctable puisque l'ouverture d'un certain nombre de marchés affectera les pays en développement qui sont des importateurs nets de produits alimentaires ; troisièmement, la faible capacité des pays les plus pauvres à adapter leur offre ; quatrièmement, enfin, les pertes de recettes douanières qui résulteront de l'abaissement des barrières douanières que nous évoquions tout à l'heure.

Les dossiers qui ont de l'intérêt pour les pays en développement ne progressent pas et restent bloqués dans la négociation. Tout se passe comme si les questions liées au développement étaient périphériques et auxiliaires.

Les débats sur les traitements spéciaux et différenciés n'ont pas progressé. Les négociations actuelles se concentrent sur les formules de réduction, renvoyant à plus tard le traitement des TSD.

En matière agricole, nous n'avons pas encore commencé à traiter les demandes des pays en développement relatives à un mécanisme de sauvegarde spéciale, au nom de la sécurité alimentaire et du développement rural.

Dans le même temps, l'examen des quatre-vingt-huit propositions visant à améliorer les mesures de TSD déjà existantes est aujourd'hui bloqué, en raison du refus des grands pays émergents - le Brésil, l'Inde, la Chine - d'accepter une distinction en fonction de leur niveau de développement entre eux et les pays les moins avancés. Pourquoi le feraient-ils ? Ils profitent d'avoir dans leur groupe les pays les moins avancés pour « tirer les marrons du feu », si je puis m'exprimer ainsi.

Certains pays, notamment parmi les plus développés, ont toujours autant de réticences à s'ouvrir davantage aux produits des pays les moins avancés.

La déclaration de Doha et l'accord-cadre du 1er août 2004 demandent pourtant aux pays développés et aux pays en développement qui sont « en mesure de le faire » d'adopter des mesures analogues à celles que l'Union européenne a décidées, connues sous la dénomination : « Tout sauf les armes ». Or on constate que pratiquement aucun de ces pays n'a accepté d'appliquer une mesure de ce type.

Les pays ACP insistent en vain sur l'érosion des préférences. Ce sujet ne progresse pas en raison de l'opposition des pays latino-américains.

Comme l'a souligné M. Emorine, la situation du marché du coton reste inquiétante. La perspective d'un règlement spécifique de ce problème à Hong-Kong est bien peu réaliste. Bien que condamnés à l'OMC, les Etats-Unis ne se sont pas engagés à discipliner leurs subventions. Cette situation, inquiétante au plus haut point, a conduit mon homologue malien à brandir, la semaine dernière, la menace d'un échec de la conférence de Hong-Kong, à défaut du règlement de la question du coton.

Enfin, la France regrette que la question de l'accès aux médicaments, à laquelle le Président de la République est très attaché, ne figure pas à l'ordre du jour de la conférence de Hong-Kong.

En effet, l'accord du 30 août 2003 n'est toujours pas transcrit dans l'accord sur l'accès des droits de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce, connu sous le nom d'accord ADPIC.

L'Union européenne, sur l'initiative de la France, va, je l'espère, transposer rapidement l'accord de 2003 en droit communautaire - ce sujet sera évoqué au Parlement européen le 17 novembre prochain -, ce qui permettra aux membres de l'Union européenne de répondre aux demandes des pays en développement pour la fourniture de médicaments dans les situations d'urgence et justifiées qui sont décrites dans l'accord de 2003.

Mes services sont mobilisés pour que la France soit en mesure de répondre à ces demandes dès que la réglementation européenne sera applicable. Nous souhaitons être à la pointe du mouvement qui vise à améliorer l'accès aux médicaments des pays les moins avancés.

Pour concrétiser les promesses du cycle de Doha pour le développement, nous devons réagir maintenant, avant la conférence de Hong-Kong. C'est pourquoi, comme je vous le disais, cette semaine sera probablement cruciale.

J'ai décidé - peut-être pour les raisons que vous avez évoquées, monsieur le sénateur - de m'engager personnellement sur le terrain. J'irai donc moi-même aux Etats-Unis et en Afrique au début du mois de novembre pour faire entendre la voix de la France sur ces questions liées au développement. Je le ferai dans des termes non ambigus, afin de clarifier la position de notre pays, notamment sur les questions agricoles, après la confusion alimentée, probablement à dessein, par tel ou tel organe.

J'aimerais croire que le débat ne se cantonnera plus à l'échelon européen et qu'il aura lieu en relation avec nos partenaires américains et d'autres. Toutefois, je crains que l'une des manoeuvres envisagées pour aboutir, de manière peut-être hâtive, ne consiste à diviser pour mieux régner. A cet égard, M. Dominique Bussereau et moi-même engageons tous nos efforts afin que le soutien que nous avions acquis, notamment sur le mémorandum agricole, et qui nous avait permis de rassembler les signatures de treize autres pays membres, ne soit pas défaillant. C'est un combat de tous les jours !

Pour conclure, je souhaite rappeler l'engagement de la France en faveur d'un accord équilibré et ambitieux, dans l'esprit de Doha. Il s'agit, en l'espèce, de promouvoir la libéralisation des marchés, d'encadrer la mondialisation par des règles équitables et loyales, de préserver une agriculture multifonctionnelle et, surtout, de veiller à l'intégration des pays en développement dans le commerce mondial. En aidant ces pays, nous nous aidons nous-mêmes ! Les problèmes d'immigration que vous avez évoqués sont aussi au coeur du débat sur le développement.

Dans ce combat - j'allais dire dans cette bataille, mais il est vrai que, là où il y a du commerce, les moeurs sont plus douces ! -, la France n'est pas seule. Elle est soutenue par un certain nombre de pays européens et même de pays situés au-delà de l'Europe avec lesquels nous devons continuer, sans défaillir, à multiplier les échanges, bâtir des alliances, pour, ensemble, être plus forts. Tel est le combat que nous menons et que nous continuerons à mener.

Tous les pays européens sont aujourd'hui conscients de l'importance des enjeux du cycle de Doha, des négociations de Hong-Kong. J'espère qu'ils sauront de même reconnaître l'impérieuse nécessité de respecter les termes d'un mandat et de revenir devant les membres du Conseil s'il devait y avoir une modification quelconque des paramètres sur lesquels s'engage la négociation.

Un succès des négociations de l'OMC à Hong-Kong, avant l'expiration du cycle de Doha, ne sera pas seulement d'ordre commercial. Il donnera aussi raison à ceux qui croient en un système multilatéral plus juste, à ceux qui pensent que cent quarante-huit pays peuvent encore s'accorder pour régler ensemble les problèmes nés de la mondialisation des échanges, pour répondre ensemble aux défis d'un monde inéluctablement globalisé, sans pour autant renoncer à leurs valeurs et à leur identité, et, enfin, à ceux qui s'insurgent contre la fatalité d'un monde replié sur lui-même - c'est effectivement le risque - ou qui refusent de céder à la tentation de conclure des accords bilatéraux, dans lesquels, par hypothèse, le plus faible subit la loi du plus fort.

Ces risques de repli sur soi et de bilatéralisation, nous souhaitons les éviter. « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, c'est la liberté qui opprime et la loi qui libère » : c'est inspirés de cette belle citation du dominicain Lacordaire que nous continuerons à mener la bataille du multilatéral, la bataille de l'OMC ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme la présidente. En application de l'article 83 ter du règlement, je constate que le débat est clos.

7

 
Dossier législatif : proposition de loi relative aux délégués départementaux de l'éducation nationale
Discussion générale (suite)

Délégués départementaux de l'éducation nationale

Adoption des conclusions du rapport d'une commission

(Ordre du jour réservé)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux délégués départementaux de l'éducation nationale
Art. unique (début)

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 28) de M. Jean-Claude Carle, fait au nom de la commission des affaires culturelles, sur :

- la proposition de loi (n° 483, 2004-2005) de Mme Annie David, MM. Ivan Renar, Jack Ralite, Jean-François Voguet, François Autain, Mmes Eliane Assassi, Marie-France Beaufils, MM. Pierre Biarnès, Michel Billout, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Robert Bret, Yves Coquelle, Mmes Michelle Demessine, Evelyne Didier, MM. Guy Fischer, Thierry Foucaud, Mme Gélita Hoarau, MM. Robert Hue, Gérard Le Cam, Mmes Hélène Luc, Josiane Mathon et M. Bernard Vera tendant à modifier l'article 40 de la loi d'orientation pour l'avenir de l'école relatif au lieu d'exercice des délégués départementaux de l'éducation nationale ;

- la proposition de loi (n° 511, 2004-2005) de MM. Jean-Claude Carle, Jacques Valade, Christian Demuynck, Alain Dufaut, Louis Duvernois, Jean-Paul Emin, Hubert Falco, Bernard Fournier, Hubert Haenel, Jean-François Humbert, Mmes Christiane Hummel, Lucienne Malovry, M. Pierre Martin, Mme Colette Melot, M.M Jean-Luc Miraux, Bernard Murat, Philippe Nachbar, Mme Monique Papon, MM. Philippe Richert, Pierre Bordier, Denis Detcheverry, Ambroise Dupont, Soibahaddine Ibrahim et Jacques Legendre relative aux délégués départementaux de l'éducation nationale.

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que la commission des affaires culturelles vous demande aujourd'hui d'adopter fait l'objet d'un large consensus.

Elle émane de deux initiatives de deux groupes politiques du Sénat : d'une part, la proposition de loi n° 483 de notre collègue Annie David - que je veux associer à ce débat et à qui je transmets tous nos voeux de prompt rétablissement - et plusieurs membres du groupe CRC tendant à modifier l'article 40 de la loi d'orientation pour l'avenir de l'école relatif au lieu d'exercice des délégués départementaux de l'éducation nationale ; d'autre part, la proposition de loi n° 511, que j'ai moi-même déposée avec le président Jacques Valade et plusieurs membres de la commission des affaires culturelles et du groupe UMP.

Il est en effet de notre responsabilité, et d'abord de la mienne en tant que rapporteur, au nom de la commission des affaires culturelles, du projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école, de rectifier une disposition adoptée par le Sénat à l'occasion des débats sur ce texte, dès lors qu'elle s'est révélée très nettement difficile à appliquer.

Lors de votre première audition devant la commission des affaires culturelles, au mois de juillet dernier, vous avez vous-même, monsieur le ministre, exprimé votre soutien à toute initiative du Parlement visant à apporter cette modification utile et de bon sens.

Mes chers collègues, je vous rappelle que la disposition qu'il est aujourd'hui proposé de modifier a été introduite par amendement dans la loi du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école lors des débats en séance publique au Sénat. Confirmée ensuite par la commission mixte paritaire et figurant à l'article 40 de la loi, la disposition introduite par cet amendement prévoit que les délégués départementaux de l'éducation nationale chargés de l'inspection des écoles publiques et privées « ne peuvent exercer leur mission que dans des établissements autres que ceux de leur commune, ou, à Paris, Lyon et Marseille, de leur arrondissement de résidence. »

Cette disposition était guidée par le souci fort légitime de renforcer la neutralité de ces fonctions, condition, bien sûr, de leur bon exercice. Toutefois, les représentants de ces personnels ont attiré notre attention sur les problèmes d'application que soulève ce texte.

En effet, les délégués départementaux de l'éducation nationale sont très attachés à la dimension de proximité sur laquelle repose, en grande partie, l'efficacité de leur mission.

Nommés par l'inspecteur d'académie, ils sont notamment chargés de faire rapport aux municipalités et aux autorités académiques de l'état et des besoins des établissements préélémentaires et élémentaires de leur circonscription. Dans les écoles, leur visite porte sur l'état des locaux, la sécurité, le chauffage, le mobilier scolaire et le matériel d'enseignement, l'hygiène et la fréquentation scolaire. La fonction s'étend également aux aspects touchant à la vie scolaire, c'est-à-dire aux centres de loisirs, aux transports scolaires, à la cantine, aux bibliothèques et aux caisses des écoles.

Les délégués départementaux de l'éducation nationale sont également membres de droit du conseil d'école.

Interface entre l'école, ses usagers et la municipalité, ils exercent ainsi une mission d'incitation et de coordination, et veillent à faciliter les relations entre les différents membres de la communauté éducative.

A ce titre, la première circulaire ministérielle encadrant la fonction de « délégué cantonal » régie par la loi du 30 octobre 1886, dite « loi Goblet », précise qu'il convient de « rechercher avec soin le concours de véritables amis de l'école ». Et, s'agissant du délégué, le texte poursuit : « Qu'il se souvienne seulement que, s'il doit s'efforcer de tout voir, de tout entendre, de tout observer, ce n'est pas au point de vue technique de l'homme du métier, mais à un point de vue plus général, celui de la famille et de la société. »

Aussi, en raison de la nature même de ces fonctions, qui s'appuient sur une bonne connaissance de l'environnement scolaire local, l'interdiction pour tout délégué d'inspecter les écoles situées dans sa commune de résidence n'apparaît pas tout à fait pertinente.

De surcroît, les quelque 25 000 délégués départementaux de l'éducation nationale actuellement en fonction exercent ces missions à titre bénévole. Ce sont, en grande majorité, des retraités de l'enseignement : 56 % d'entre eux ont plus de soixante ans.

En leur imposant des contraintes et des frais de transport, cette disposition pourrait conduire un grand nombre de ces personnes à renoncer à leurs fonctions. A la veille d'un renouvellement, la Fédération nationale évalue la perte à près de la moitié du corps. C'est pourquoi la commission des affaires culturelles a estimé opportun d'apporter une clarification à la disposition introduite dans la loi pour l'avenir de l'école : il s'agit de restreindre l'interdiction aux seuls délégués exerçant un mandat municipal.

Cet ajustement permet de préciser la portée de ce texte pour lui redonner tout son sens et, bien sûr, toute son efficacité. Sa nécessité et son bien-fondé font consensus.

Les deux propositions de loi sur lesquelles s'est prononcée la commission des affaires culturelles avaient ce même objet général, mais dans des rédactions quelque peu différentes.

Le texte retenu reprend celui de l'article unique de la proposition de loi que j'ai déposée avec le président Jacques Valade et d'autres membres de la commission et du groupe UMP, dans la mesure où sa rédaction est, d'une part, plus précise sur le plan formel et, d'autre part, de plus large portée.

Le texte vise à préciser que, « lorsqu'ils exercent un mandat municipal, les délégués départementaux de l'éducation nationale ne peuvent intervenir dans les écoles situées sur le territoire de la commune dans laquelle ils sont élus, ni dans les écoles au fonctionnement desquelles cette commune participe. »

Ce texte est de portée plus large, car il permet de prendre en compte le cas où deux ou plusieurs communes se sont réunies pour l'établissement et l'entretien d'une école, en application de l'article L. 212-2 du code de l'éducation, et les cas - de plus en plus fréquents - dans lesquels les communes membres d'une structure intercommunale, notamment d'un établissement public de coopération intercommunale, EPCI, ont décidé de lui transférer les compétences en matière scolaire et périscolaire.

Dès lors, un délégué ne pourra visiter les écoles dont la commune où il est un élu contribue au fonctionnement, quand bien même ces écoles seraient situées sur le territoire d'autres communes.

Quant aux délégués des villes de Paris, Lyon et Marseille, si le critère de résidence justifiait une adaptation à leur égard, il ne semble plus souhaitable, pour des raisons de neutralité, qu'ils dérogent au principe fixé dès lors qu'ils sont élus dans l'un des arrondissements de ces municipalités. Mais ces cas sont si peu fréquents que cela ne pose aucun problème.

Cette proposition de loi répond donc au souci d'améliorer l'efficacité du dispositif qui avait été adopté par notre assemblée. Elle le conforte dans l'intention initiale qui avait été la nôtre au moment de l'adoption du texte, à savoir de garantir et de renforcer la neutralité et l'indépendance des délégués départementaux de l'éducation nationale dans l'exercice de leur mission, afin qu'ils ne soient pas « juge et partie ». Cette mission au service de l'intérêt général de l'école ne saurait en effet se confondre avec d'autres intérêts.

Mes chers collègues, au nom de la commission des affaires culturelles, je vous demande d'adopter cette proposition de loi, qui conjugue neutralité et efficacité.

Monsieur le ministre, je souhaite que ce texte, après une large approbation par le Sénat, puisse être présenté à l'Assemblée nationale dans les meilleurs délais. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. La question que nous traitons aujourd'hui n'est pas nouvelle, mais l'éminent rapporteur de la commission des affaires culturelles que vous êtes, monsieur Carle, vient de l'aborder excellemment.

Si je voulais faire un rappel historique, je pourrais presque remonter à la Convention de 1793, qui créa les « magistrats aux moeurs », ou, plus près de nous, à la IIe République, qui institua les délégués cantonaux. Rassurez-vous, je n'irai pas jusque-là ; je me contenterai de dire que la situation des délégués départementaux de l'éducation nationale, les DDEN, fait depuis très longtemps, vous le savez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, l'objet de réflexions.

Dans leur forme actuelle, les DDEN, dont le statut a été fixé par le décret du 10 janvier 1986, remplissent des missions d'inspection, que l'éducation nationale apprécie, sachez-le, à leur juste valeur : visite des écoles publiques, comptes rendus sur la salubrité des locaux, l'éclairage, le chauffage, le mobilier, l'équipement, la fréquentation scolaire, la restauration, les transports ou la caisse des écoles, entre autres.

Siégeant dans les conseils d'école, les DDEN y ont voix délibérative, ce qui est parfaitement légitime puisqu'ils sont, du fait de leurs missions, de bons connaisseurs de la situation matérielle des établissements. Cependant, pour leur permettre d'exercer leur mission non seulement en toute neutralité - c'est le terme important qu'il faut retenir -, mais également en toute indépendance, un amendement que vous aviez déposé, mesdames, messieurs les sénateurs, lors de l'examen du projet de loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, avait proscrit leur désignation dans leur commune ou arrondissement de résidence.

La présente proposition de loi, qui part de l'idée que l'indépendance du DDEN ne risque d'être atteinte que dans le cas où ce dernier est élu au conseil municipal de la ville dans laquelle il exerce, vient donc restreindre le champ de l'exclusion, en précisant que l'interdiction d'exercer dans sa commune ne s'applique qu'au DDEN élu au conseil municipal de cette même commune ou de l'arrondissement.

Je n'ai pas d'objection de principe à formuler sur le fond, et je considère, mesdames, messieurs les sénateurs, que votre lien organique avec les collectivités locales vous permet d'être les mieux placés pour juger de l'opportunité particulière d'une telle disposition.

Dans ces conditions, j'émets un avis favorable sur cette proposition de loi. Je souhaite vraiment que la collaboration des DDEN avec l'éducation nationale puisse continuer à être fructueuse et à satisfaire pleinement les écoles, leurs usagers et les collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

Mme la présidente. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 19 minutes ;

Groupe socialiste, 14 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 8 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 7 minutes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 40 de la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école qui est aujourd'hui en cause a été introduit par le Sénat dans le souci d'assurer l'exigence de neutralité qui sied à la fonction exercée par les délégués départementaux de l'éducation nationale, encore que nous ne saurions, bien sûr, porter des soupçons infondés sur un corps dont la neutralité conditionne à la fois l'indépendance et la crédibilité.

Justifiée sur le plan des principes, cette disposition, comme cela a été excellemment rappelé, s'est révélée, sur un plan strictement pratique, peu conforme à la réalité concrète de l'exercice de leur mission. C'est ce que craignait d'ailleurs notre collègue Yves Pozzo di Borgo, en présentant l'amendement n° 176 rectifié ter, puisqu'il redoutait qu'il « ne pose des problèmes dans les zones urbaines ». Le ministre de l'éducation nationale lui-même observait alors que cet amendement, pour lequel il s'en remettait à la sagesse du Sénat, poserait un problème d'application pour la ville de Paris, notamment.

En effet, il y a, à Paris, comme à Lyon et à Marseille, une délégation par arrondissement, chacune étant sous la responsabilité d'un président de délégation d'arrondissement. Le bon fonctionnement de ces délégations qui a prévalu jusqu'à présent n'est possible que si leurs présidents sont connus dans les mairies et y trouvent une bonne écoute - cette observation vaut d'ailleurs pour toutes les autres villes. Ce n'est qu'au prix de longues années d'efforts qu'ils y parviennent.

L'article D. 241-34 du code de l'éducation dispose que le DDEN « veille à faciliter les relations entre l'école et la municipalité ». Ce rôle d'interface entre l'école, les usagers, la municipalité et les autorités académiques exige une connaissance globale de l'environnement des écoles dont le délégué a la charge.

D'une façon générale, l'article 40 de loi précitée pose deux types de difficultés.

Tout d'abord, que ce soit en zone urbaine ou rurale, il implique un éloignement qui ne correspond pas à la très forte dimension de proximité qui est attachée à la fonction même du DDEN. Comme je viens de le souligner, son action est très utile, justement du fait de sa bonne connaissance de la situation locale et des besoins de la population scolaire.

Dissocier le lieu d'exercice de la fonction du lieu de résidence revient à vider de son sens le rôle de médiation et de personne-ressource qui est unanimement reconnu au DDEN.

Ensuite, en imposant aux délégués d'intervenir en dehors de leur commune de résidence, on leur fait subir des contraintes de déplacement qu'ils n'avaient pas à supporter auparavant ; c'est un point essentiel pour eux. Les trajets nécessaires risquent d'occasionner des frais, alors que ces délégués sont des bénévoles, comme M. le ministre et M. le rapporteur l'ont rappelé. Il serait donc infiniment regrettable que des candidats se détournent de ce mandat, alors qu'ils remplissent leur fonction avec dévouement et disponibilité, chacun le sait, et qu'ils sont très appréciés par l'ensemble de la communauté scolaire, parmi laquelle ils jouissent d'une réputation non usurpée, pour leur disponibilité, leur compétence, leur respect de chacun, leur impartialité et l'engagement total dans l'exercice de leur tâche.

En outre, alors que le rôle des DDEN est reconnu de tous et que les directeurs d'école sont demandeurs, le recrutement des délégués est déjà particulièrement difficile à Paris : on compte 320 délégués pour visiter 657 écoles publiques et 111 écoles privées !

Je salue les efforts de M. le rapporteur pour rechercher une solution équitable. Ses rencontres avec les représentants des DDEN et ses contacts avec l'administration ont abouti à la rédaction de cette proposition de loi, dont nous ne pouvons que louer l'esprit et la forme.

Je note également que le souci de neutralité, tout à fait légitime, qui avait guidé la rédaction du texte en cause, est préservé pour les délégués exerçant un mandat municipal. Il est, en effet, souhaitable que le délégué ne soit pas partie prenante aux affaires de la commune dont il inspecte lui-même les écoles.

Ainsi, nous parvenons à une solution aussi bien équilibrée que pratique.

Toutefois, monsieur le ministre, il vous faut désormais réfréner votre administration.

J'appelle notamment votre attention sur une circulaire émanant de l'académie de Paris à propos du renouvellement partiel des DDEN pour la période 2006-2009, qui a été récemment envoyée aux présidents de délégations départementales de l'éducation nationale. Celle-ci précise que les délégués « ne peuvent exercer leur mission que dans des établissements autres que ceux de leur arrondissement de résidence », reprenant pour partie la formulation de l'article L. 241-44 du code de l'éducation.

Vous le savez, monsieur le ministre, les représentants des délégués se sont émus de ces courriers, qui ont peut-être été envoyés un peu hâtivement - même si je me félicite de ce que les services d'une administration réagissent aussi rapidement ! -, en l'absence de décret d'application. Le vote qui interviendra tout à l'heure sur cette proposition de loi - je ne doute pas de l'issue de nos débats - sera, je l'espère, de nature à rassurer pleinement les délégués. Vous voudrez bien alors, monsieur le ministre, relayer l'information, afin que le prochain renouvellement puisse être pleinement assuré.

La proposition de loi qui nous est aujourd'hui soumise permet d'introduire dans le droit applicable aux délégués départementaux de l'éducation nationale une disposition équilibrée. Elle permet également, je tiens à le dire, de souligner l'estime que nous portons à ces délégués. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Voguet.

M. Jean-François Voguet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous ne serez pas étonnés que je me félicite de l'examen de cette proposition de loi par notre assemblée.

En effet, le groupe CRC a pris part à cette initiative parlementaire. Je pense notamment à mon amie Annie David qui, saisie comme nous tous par les représentants des DDEN, a aussitôt réagi en déposant, dès le mois de juillet dernier, une proposition de loi, afin que l'exil absurde des DDEN ne provoque ni leur démission ni leur extinction.

Je ne reprendrai pas ici l'historique de la fonction de délégué départemental de l'éducation nationale, car vous l'avez fait avec brio, monsieur le ministre. L'article de la loi Fillon que nous proposons de modifier en faisait pourtant fi, alors que ces « amis de l'école publique » sont étroitement liés à l'histoire de notre République et de l'éducation nationale et qu'ils ont contribué à l'enracinement de celle-ci dans notre pays.

Le rôle du délégué départemental de l'éducation nationale est, nous le savons bien, primordial au sein de nos collectivités locales. L'adoption, par le Sénat, de l'amendement n° 176 ter rectifié était donc d'autant plus incompréhensible que notre assemblée se vante de représenter les territoires, les collectivités territoriales.

Dès l'adoption de cette loi, la Fédération des délégués départementaux de l'éducation nationale nous faisait remarquer qu'une telle disposition, comme bien d'autres dans cette loi, d'ailleurs, relevait du cadre réglementaire et non du cadre législatif. Elle rappelait aussi que le fait de dissocier le lieu d'exercice de la fonction du lieu de résidence revenait à vider de son sens le rôle de médiation et de personne-ressource qui est unanimement reconnu aux DDEN par l'ensemble de la communauté éducative. De surcroît, cet amendement faisait porter sur l'ensemble de ce corps un soupçon injustifié.

En fait, cette modification était sans doute de simple opportunité. La démocratie locale semble poser encore quelques problèmes à certains élus, qui tentent ainsi d'empêcher un citoyen, surtout s'il est un opposant à la majorité municipale, d'être nommé à cette fonction visible, responsable, utile et reconnue.

De plus, je crains que les auteurs de l'amendement en question n'aient été emportés par l'ambiance qui régnait lors de l'examen de ce projet de loi, mais peut-être n'est-ce pas le cas.

Rappelons-nous : ce débat fut mené à la hussarde, dans des conditions anormales, puisque nous n'avions disposé que de très peu de temps pour examiner ce texte. Après avoir déclaré l'urgence, le Gouvernement n'avait pas hésité à nous faire travailler en séances de nuit et même à convoquer notre assemblée, du jour au lendemain, un samedi, qui plus est un jour de commémoration officielle !

Aucune écoute, aucune attention n'avait été portée aux propositions de l'opposition. De même, le ministre de l'époque avait refusé d'entendre l'ensemble des critiques provenant de la communauté éducative et de notre jeunesse scolarisée en particulier. Nous avons même parfois eu le sentiment - mais je me trompe peut-être - que certains membres de la majorité voulaient en découdre.

C'est dans ces conditions que cet amendement a été adopté, au cours d'une séance de nuit, sans qu'un réel débat ait eu lieu et sans la moindre concertation. Mais, à la vérité, il en a été de même pour l'ensemble de cette loi, qu'il nous faudra bien réformer un jour, tant elle est néfaste, me semble-t-il, pour notre système éducatif.

En attendant, à cause de cet amendement, l'activité des DDEN aura été, pour le moins, perturbée pendant un an ; nous ne pouvons que le regretter.

Avec la proposition de loi que nous examinons, la situation devrait être rapidement rétablie, si le Gouvernement crée les conditions pour que celle-ci soit déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale ; c'est en tout cas ce que nous souhaitons et nous nous en félicitons à l'avance.

Cependant, s'il est vrai que, comparée à l'actuel article 40 de la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, cette proposition de loi marque une avancée, il sera sans doute plus difficile à l'avenir de trouver des citoyens disponibles, en particulier en zone rurale. En effet, les regroupements scolaires touchent plusieurs communes, ce qui risque peut-être d'exclure de ces missions un bon nombre de citoyens actifs.

Par ailleurs, nous regrettons de ne pas être parvenus à retenir une application spécifique de la loi pour ce qui concerne les trois plus grandes villes de notre pays, structurées en arrondissements.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, tous ici, nous estimons que les ordres du jour de notre assemblée sont parfois chargés. Il est alors dommage de devoir, de notre fait, légiférer à nouveau sur un texte qui a été adopté récemment. La réflexion et la retenue qui siéent à notre assemblée devraient, je crois, nous garder d'une telle obligation.

Cela dit, le groupe CRC votera évidemment cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Nogrix.

M. Philippe Nogrix. Madame la présidente, je ne parle pas au nom du groupe UC-UDF ; j'interviens en lieu et place de mon collègue Yves Détraigne, malheureusement retenu par des obsèques. Croyez bien, mes chers collègues, qu'il le regrette sincèrement. Il le regrette d'autant que notre collègue est à l'origine du débat qui nous réunit cet après-midi puisqu'il a été l'auteur de l'amendement relatif aux délégués départementaux de l'éducation nationale, devenu l'article 40 de la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, dont l'adoption le 18 mars dernier, a suscité beaucoup d'émoi chez lesdits délégués et à propos duquel nombre de parlementaires ont été interpellés.

Ayant moi-même cosigné à l'époque cet amendement, je peux vous exposer le point de vue d'Yves Détraigne.

A l'origine, cet amendement avait pour objet d'appeler notre assemblée à s'interroger sur l'utilité réelle de la fonction de DDEN dans l'école du XXIe siècle. Comment imaginer, à l'époque, que cet amendement subirait - après un certain temps - les foudres d'une grande partie de nos collègues ?

Du haut de cette tribune, Yves Détraigne vous aurait dit qu'il ne s'agissait pas pour lui d'en découdre avec tel ou tel DDEN en poste dans sa commune, même si son amendement tirait son origine du constat fait quelques années auparavant de la nomination, dans les quatre écoles de sa commune, de représentants de l'opposition au conseil municipal, nous sommes bien dans un débat concernant les collectivités locales. Cela semble difficilement admissible et pose la question de la neutralité de certains des titulaires de la fonction- nous sommes bien en démocratie.

Surtout, n'ayant toujours pas compris, après un mandat de maire long de seize années et après avoir été durant dix ans membre du conseil départemental de l'éducation nationale, quel était l'apport des DDEN au bon fonctionnement de l'école d'aujourd'hui, notre collègue souhaitait profiter de ce débat pour amener notre assemblée à s'interroger sur l'utilité même de la fonction.

Mme Nicole Bricq. On avait bien compris !

M. Philippe Nogrix. Notre rapporteur Jean-Claude Carle rappelle que la fonction de DDEN trouve son origine dans la loi Goblet du 30 octobre 1886 sur l'enseignement primaire, laquelle faisait du délégué un observateur se plaçant du point de vue de la famille et de la société. Cent ans plus tard, le décret du 10 janvier 1986 relatif aux DDEN, en actualisant cette fonction, lui a confié un certain nombre d'attributions telles que le contrôle de l'état des locaux, celui de l'hygiène ou de la fréquentation scolaire ou la facilitation des relations entre l'école et la municipalité.

Dans le même rapport, Jean-Claude Carle indique que « le délégué joue ainsi un rôle d'interface et de liaison entre tous les membres de la communauté éducative : l'école, ses usagers, la municipalité, les autorités académiques. »

Mme Nicole Bricq. Vous voilà éclairé sur le rôle des délégués !

M. Philippe Nogrix. Le rapporteur, de surcroît quand il s'agit de Jean-Claude Carle, a parfois pour fonction d'éclairer certains points ! (Sourires.)

Pourtant, force est de constater qu'il n'est nul besoin de DDEN pour qu'une municipalité s'inquiète de l'état des locaux scolaires ou périscolaires dont elle a la charge, pour qu'un maire et un directeur d'école communiquent ou pour que les familles soient représentées au conseil d'école - elles le sont de droit. Au reste, les élections des représentants des parents d'élèves pour la présente année scolaire viennent d'avoir lieu dans toutes les écoles de France.

Lorsque notre collègue Yves Détraigne a expliqué tout cela aux représentants des DDEN venus le rencontrer en juin dernier, ils ne l'ont pas démenti et ont indiqué que leur rôle actuel s'inscrivait plutôt dans une fonction de médiation en cas de conflits persistants entre des parents et des enseignants ou entre un maire et un directeur d'école. Ces situations, heureusement rares, nécessitent-elles réellement le maintien de 25 226 DDEN ? C'est la question que notre collègue nous pose. Franchement, a-t-on vraiment encore besoin, aujourd'hui, de cette fonction ?

Mes chers collègues, tel est le message que le sénateur Yves Détraigne souhaitait faire passer aujourd'hui à cette tribune. En conclusion, il aurait rappelé que, si toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire, la fonction de DDEN aurait pour le moins besoin d'être dépoussiérée. Il se demanderait qui en aurait donc un jour le courage. S'il avait été présent, il se serait abstenu. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Lagauche.