compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Modification de l'ordre du jour

M. le président. Messieurs les ministres, mes chers collègues, avant d'aborder la discussion du projet de loi portant engagement national pour le logement, je souhaite faire le point sur le déroulement de nos travaux.

Je vous rappelle que 482 amendements ont été déposés sur ce texte, dont 298 tendent à insérer des articles additionnels alors que le projet de loi initial ne comporte que 11 articles...

Au départ, il était prévu de discuter ce texte sur trois jours, à savoir aujourd'hui, demain et mercredi. Or il est désormais manifeste que cette programmation se révélera insuffisante.

La commission des affaires économiques l'avait si bien pressenti que, mardi dernier, lors de la réunion de la conférence des présidents, elle avait proposé que le Sénat siège le samedi 26 novembre, matin, après-midi et soir, ce qui a été accepté.

Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement nous demande de siéger également le jeudi 24 novembre au soir et le vendredi 25 novembre au matin pour avancer dans l'examen de ce texte. Je constate que c'est la première fois que l'on « tronçonne » ainsi l'examen du projet de loi de finances, dont la discussion doit commencer ce jeudi !

Mais je me tourne vers M. le rapporteur : cette formule recueille-t-elle l'agrément de la commission des affaires économiques ?

M. Dominique Braye, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, ce matin, en commission, chacun s'est ému de cette organisation de nos travaux, qui conduit à « tronçonner » l'examen d'un texte aussi important que le projet de loi portant engagement national pour le logement.

Néanmoins, je ne vois pas d'autre solution, le plus important étant, me semble-t-il, d'achever l'examen de ce texte cette semaine.

Mme Michelle Demessine. Je demande la parole, monsieur le président !

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Je fais partie des sénateurs qui, ce matin, en commission, se sont émus des conditions dans lesquelles nous allons travailler, alors que ce texte, très important, traite d'un sujet extrêmement sensible. De telles conditions ne sont pas à la hauteur, me semble-t-il, du sujet que nous sommes sur le point d'aborder !

Par ailleurs, nous ne savons pas très bien comment nous allons travailler cette semaine, puisque nous démarrons nos travaux sans connaître exactement l'ordre du jour !

En outre, la commission des affaires économiques devra se réunir afin d'examiner les amendements déposés sur ce texte, car nous n'avons pas pu disposer du temps nécessaire pour le faire avant la discussion en séance publique.

Un tel projet de loi exige, me semble-t-il, un calendrier adapté et un examen serein. En agissant ainsi, nous n'accordons absolument pas à ce texte l'importance qu'il mérite. Tout cela ne permet pas au Parlement de jouer le rôle qui devrait être le sien sur un tel texte !

En examinant ce projet de loi en urgence et à la va-vite, sans que les conditions nécessaires au débat soient réunies, nous contribuerons à dévaluer l'image du Parlement.

A l'heure actuelle, nous ne savons pas exactement quand nous siégerons, ce qui aboutira très certainement à ce que les travées de notre hémicycle soient de plus en plus clairsemées. Tout cela n'est pas sérieux !

Ces conditions de travail ne sont ni dignes ni humaines !

M. le président. Ma chère collègue, il était prévu, au départ, vingt et une heures de discussion sur ce projet de loi. La nouvelle organisation que je viens de vous proposer en prévoit quarante, ce qui revient quasiment à doubler le temps consacré à l'examen de ce texte !

Toutefois, je vous le rappelle, le texte initial du Gouvernement comportait 11 articles. La présidence n'est pas responsable du fait que 298 amendements tendant à insérer des articles additionnels - ce chiffre me paraît d'ailleurs surréaliste ! - aient été déposés !

Mme Michelle Demessine. Non, ce n'est pas surréaliste !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Madame Demessine, l'urgence n'a pas été déclarée sur ce projet de loi : les débats pourront donc se tenir dans la sérénité.

Certaines parties de ce projet de loi, dont la portée est large, sont de nature législative, alors que d'autres ne le sont pas. Par ailleurs, nous avons besoin d'avancer sur un certain nombre de points, en particulier sur la baisse du taux de TVA à 5,5 % dans les quartiers concernés par la rénovation urbaine.

Je suis navré de constater que le temps nécessaire à l'examen de ce texte a été doublé ! Quoi qu'il en soit, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat s'agissant de l'organisation de ses travaux.

M. Thierry Repentin. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Je m'associe aux propos tenus par notre collègue Michelle Demessine.

Si le « saucissonnage » de l'examen du projet de loi de finances pour y insérer la discussion d'un texte aussi important que le projet de loi portant engagement national pour le logement peut nous troubler, nous pouvons également être troublés par le « saucissonnage » de la discussion du présent texte sur cinq jours consécutifs, à raison de quelques heures par jour. Au demeurant, nous ne connaissons pas encore exactement les horaires qui seront consacrés à cet examen !

Par ailleurs, on ne peut pas faire grief aux sénateurs d'user de leur initiative parlementaire, qui leur permet de faire des suggestions pour compléter le texte initial. Certes, ce projet de loi ne comprend que 11 articles. Mais les 482 amendements qui ont été déposés vont peut-être permettre de lui donner corps !

Pour notre part, nous souhaitons donc qu'une autre solution, permettant un travail plus suivi, puisse nous être proposée.

M. le président. Monsieur Repentin, je vous donne acte de votre intervention.

Je tiens également à vous rendre hommage pour le travail considérable que vous avez effectué, avec M. Braye, dans le cadre du groupe de travail sur les facteurs fonciers et immobiliers de la crise du logement. Ce travail en profondeur, qui a sans doute permis de faire naître de nombreuses idées nouvelles, explique très vraisemblablement le dépôt d'un nombre aussi important d'amendements tendant à insérer des articles additionnels.

Quoi qu'il en soit, je viens de rappeler que nous sommes passés de vingt et une heures à quarante heures de discussion. Certes, l'examen de ce texte et du projet de loi de finances pour 2006 seront « saucissonnés » au cours de la semaine, mais, si tout le monde y est met du sien, nous devrions réussir à achever l'examen du projet de loi portant engagement national pour le logement en fin de semaine.

Ainsi, par rapport aux décisions de la conférence des présidents de mardi dernier, deux nouveaux créneaux de trois heures chacun, le 24 novembre au soir et le 25 novembre au matin, seront consacrés à l'examen de ce texte. Et je ne compte pas le samedi 26 novembre, journée durant laquelle nous pourrons nous consacrer à ce travail, et ce « jusqu'à plus soif » !

Mme Michelle Demessine. Cela veut dire qu'il faudra être là toute la semaine !

M. le président. Certes ! Mais n'oubliez pas que l'examen du projet de loi de finances débute jeudi ! Et, depuis vingt-huit ans que je siège dans cette maison, c'est la première fois que j'assiste à un tel « saucissonnage » de la discussion budgétaire, même si je sais que, grâce à l'application pour la première fois cette année de la loi organique relative aux lois de finances, une telle discussion sera désormais plus concise.

Quoi qu'il en soit, il est indispensable d'utiliser les créneaux horaires disponibles entre la fin de la discussion générale du projet de loi de finances et le début de la discussion des articles, ce qui permet de dégager six heures de débat supplémentaires, sans compter la journée du samedi.

Si le Sénat en est d'accord, nous débattrons donc du projet de loi portant engagement national pour le logement aujourd'hui, lundi 21 novembre, puis le mardi 22 novembre, le matin, l'après-midi et le soir - sachant que, vers dix-huit heures, il sera procédé à la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif au traitement de la récidive en matière d'infractions pénales -, puis le mercredi 23 novembre, l'après-midi et le soir - sachant que, vers vingt-trois heures trente, il sera procédé à la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 -, puis le jeudi 24 novembre au soir, après la discussion générale et l'examen des motions se rapportant au projet de loi de finances pour 2006, puis le vendredi 25 novembre au matin, puis, probablement, le samedi 26 novembre, le matin, l'après-midi et le soir.

Espérons que nous aurons terminé nos travaux cette semaine. C'est à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, d'en décider !

M. Daniel Raoul. Je demande la parole, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Monsieur le président, je suis conscient que le Gouvernement est maître de l'ordre du jour.

Néanmoins, vous nous avez dit que vous alliez consulter le Sénat. Dès lors, consultez-le, ne serait-ce que pour la forme ! Sinon, contentez-vous de nous transmettre l'information, et ne nous interrogez pas !

M. le président. J'avais cru comprendre qu'un consensus s'était dégagé, d'autant que chacun a pu s'exprimer ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

Je consulte donc le Sénat sur la modification de l'ordre du jour que je viens d'évoquer.

Il n'y a pas d'opposition ?...

M. Daniel Raoul. Le groupe socialiste s'abstient.

Mme Michelle Demessine. Le groupe CRC vote contre !

(L'ordre du jour est ainsi modifié.)

3

rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, pour un rappel au règlement.

M. Jack Ralite. Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 36 du règlement du Sénat.

Le Gouvernement et la majorité de droite du Sénat ont choisi de célébrer à leur manière la Journée nationale des droits de l'enfant.

En effet, vendredi 19 novembre, le Gouvernement a présenté un amendement qui remet en cause le droit aux allocations familiales pour les familles étrangères.

Au mépris de la Convention internationale des droits de l'enfant, depuis 1987, les familles étrangères devaient justifier de la régularité du séjour de leurs enfants pour bénéficier des prestations familiales. Une famille pouvait ainsi se voir reconnaître le droit à des allocations familiales pour ses seuls enfants nés en France, mais pas pour leurs frères et soeurs nés à l'étranger.

Mme Claire Brisset, la défenseure des enfants, avait pour sa part dénoncé cette situation, qu'elle considérait comme une discrimination qui « n'est fondée ni en droit ni en équité ».

En 2004, la Cour de cassation a rendu un arrêt en faveur de ces familles, en précisant que le versement des allocations familiales devait se faire quelle que soit la situation de séjour des enfants.

Le Gouvernement prend aujourd'hui position contre ces avis, en subordonnant le versement des allocations familiales à la régularité du séjour de l'enfant sur le territoire.

En s'attaquant aux enfants, un tel amendement confirme l'obsession du Gouvernement et de sa majorité de réduire de plus en plus les droits des étrangers. En outre, il favorise ainsi les amalgames, à des fins politiques, au détriment du respect des droits les plus élémentaires. C'est la politique du bouc émissaire !

Le vote de cet amendement par le Sénat est un acte d'une extrême gravité. Il s'inscrit dans la stigmatisation de l'étranger comme cause de tous les maux de notre société, stigmatisation dont M. Sarkozy se fait chaque jour le héraut.

Le vote de cet amendement survient au lendemain des déclarations infâmes évoquant la polygamie comme source des problèmes dans les banlieues.

Une telle volonté d'ethniciser la crise sociale, la cassure sociale, est dangereuse pour la démocratie et vise à masquer la réalité vraie, et je ne dis pas le « pays réel » !

Lorsqu'un pouvoir en appelle à la xénophobie, flatte le racisme pour se maintenir face à la montée de la colère sociale, il faut alerter l'opinion et rassembler les démocrates.

Monsieur le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, vous qui affichez une fibre sociale, est-il possible que vous défendiez une telle dérive populiste, qui s'exprime maintenant au sein même du Gouvernement ? Allez-vous demander le retrait de la mesure adoptée vendredi dernier au Sénat, laquelle vise expressément les enfants étrangers ?

M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

4

 
Dossier législatif : projet de loi portant engagement national pour le logement
Discussion générale (suite)

Engagement national pour logement

Discussion d'un projet de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi portant engagement national pour le logement
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. L'ordre appelle la discussion du projet de loi portant engagement national pour le logement (nos 57, 81, 86).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai l'honneur de vous présenter le projet de loi portant engagement national pour le logement, coproduction - si j'ose dire ! - du ministère des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, et du ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.

Permettez-moi de souligner tout d'abord le très remarquable travail accompli par les différentes commissions, notamment par M. Dominique Braye, rapporteur saisi au fond, ainsi que par Mme Valérie Létard et M. Pierre Jarlier, rapporteurs pour avis. Il s'inscrit dans une réflexion plus large menée depuis un certain temps, notamment dans le cadre de la mission confiée au sein de votre assemblée au groupe de travail sur les facteurs fonciers et immobiliers de la crise du logement, M. le président vient de le rappeler. Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, je sais que vous êtes très sensibles à ce sujet. C'est pourquoi je suis heureux que ce projet de loi ait été déposé en premier lieu sur le bureau de la Haute Assemblée.

Le logement est un enjeu majeur. Tous les rapports éducatifs montrent qu'il constitue l'un des facteurs essentiels de la réussite de la scolarité : à l'école, tous les enfants commencent par dessiner une maison, lieu évident de structuration de la vie familiale ou de la vie individuelle, en tout cas de la vie dans notre société.

La situation de la France est assez paradoxale. Notre pays a une tradition de construction de logements assez particulière, caractérisée par une intervention forte de l'État. Ainsi, ce dernier construisait plus de 400 000 logements par an, dont près de 80 000 logements conventionnés. Or, pour un certain nombre de raisons dans l'exégèse desquelles je ne me lancerai pas, pendant une longue période de son histoire - dix à quinze ans -, notre pays a connu une baisse à la fois de la construction neuve, toutes constructions confondues, et de la construction conventionnée, qui était tombée aux alentours de 52 000 logements par an.

Depuis quelques années, grâce à l'effort de tous, le rythme de construction de logements et de financement de logements sociaux s'est accéléré : le nombre de constructions a été porté, après un creux à 270 000, à plus de 400 000 par an, tandis que celui des logements sociaux est passé de 40 000 à 77 000 cette année, battant ainsi le record de l'année dernière, avec 70 000 logements construits. En d'autres termes, on n'avait pas construit autant de logements depuis vingt-cinq ans, ni autant de logements sociaux depuis dix ans.

Le parc privé, mobilisé dans le cadre du plan de cohésion sociale, a lui aussi atteint l'objectif qui lui avait été fixé. Ainsi, 30 000 logements à loyers maîtrisés ont été financés par l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitation, l'ANAH, et 14 000 logements vacants ont été remis sur le marché, contre 11 000 en 2004 et 6 000 en 2003.

Globalement, en trois ans, la production de logements sociaux, dans le parc privé comme dans le secteur public, aura doublé en France.

Dans ce contexte, et parce qu'il faut aller plus loin et plus vite, le chef du Gouvernement, M. Dominique de Villepin, a demandé qu'un effort supplémentaire soit accompli au-delà de la loi de programmation pour la cohésion sociale et de la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine. Quoi qu'il en soit, je m'en suis rendu compte, les lois de programmation sont heureusement revenues à la mode ces derniers jours dans le domaine social.

Pour ce qui concerne le logement, le plan de cohésion sociale prend la forme d'une loi de programmation sur cinq ans, qui se fixe, avec des financements garantis, un certain nombre d'objectifs.

Ainsi sont prévus la réalisation de 500 000 logements locatifs dans le secteur social sur cinq ans, le conventionnement de 200 000 logements à loyers maîtrisés, et la remise sur le marché de 100 000 logements vacants grâce aux aides de l'ANAH dans le parc privé.

Par ailleurs, le plan de cohésion sociale vise au triplement du nombre d'accessions à la propriété sous plafond de ressources, grâce au nouveau prêt à taux zéro. Il est également prévu de porter à 100 000 le nombre de places d'hébergement d'urgence, objectif qui est en passe d'être atteint.

Dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine du 1er août 2003, le Gouvernement a aussi engagé un vaste programme pour transformer en profondeur un certain nombre de nos quartiers en grande difficulté en matière d'habitat ou d'environnement, afin de donner un meilleur cadre de vie à tous leurs habitants et d'éviter toute ségrégation territoriale et sociale.

Pour ce faire, le Gouvernement envisage de réhabiliter en profondeur, de « résidentialiser » 400 000 logements et de remplacer 150 000 à 200 000 logements en grand délabrement. De plus, il entend prendre en charge un tiers des financements destinés à l'environnement dans ces quartiers : espaces publics, équipements publics, accessibilité. En d'autres termes, il s'agit d'introduire de la beauté.

Ce programme de 20 milliards d'euros doit maintenant être porté à 30 milliards d'euros sur une période plus longue. C'est le prix à payer pour rattraper le retard que nous accusons en matière de qualité de vie. En effet, nous avons le souci non seulement de réaliser des constructions de qualité, mais aussi d'améliorer un certain nombre d'opérations bâties.

L'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU, qui pilote ce programme, a déjà approuvé 131 projets portant sur 112 000 « résidentialisations » en profondeur, 58 700 reconstructions et à peu près autant de déconstructions ou démolitions.

Les organismes de logement social, les propriétaires du parc privé, les partenaires sociaux du 1 % logement et les autres professionnels de l'immobilier se sont immédiatement mobilisées autour de ces objectifs en les traduisant par des engagements contractuels dans le cadre d'accords nationaux avec l'État.

Concernant la production de logements, en 2005, seize conventions de délégation de compétences ont été signées entre l'État et les agglomérations. D'ici à la fin de l'année 2006, quatre-vingts conventions supplémentaires sont prévues. Cela représente les trois quarts des populations concernées. En effet, chaque convention de délégation de compétences prévoit une production au moins aussi importante - tant en nombre qu'en catégorie de logements sociaux - que celle qui est programmée dans l'exécution générale du plan de cohésion sociale.

Pour cette année, les résultats ont été obtenus grâce à l'engagement de l'ensemble des acteurs : les maires, le parc public, l'État, les directions départementales de l'équipement...

Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 77 000 logements locatifs sociaux, hors ANRU, ont été construits ; 30 000 logements locatifs privés à loyers maîtrisés ont été réalisés ; 14 000 logements vacants ont été remis sur le marché ; 240 000 prêts à taux zéro ont été distribués. Le plan de cohésion sociale est strictement appliqué.

Néanmoins, M. le Premier ministre a engagé un certain nombre de mesures complémentaires pour aller plus loin et plus vite.

Premièrement, la baisse de 0,15 % des taux des différents prêts - les prêts locatifs aidés d'intégration, les PLAI, les prêts locatifs à usages social, les PLUS, les prêts locatifs sociaux, les PLS - porte désormais le taux des prêts consentis par la Caisse des dépôts et consignations aux organismes d'HLM à 3 %.

Deuxièmement, la durée des prêts augmente. Elle passe de trente-cinq ans à quarante ans pour la partie construction des PLUS et des PLAI, de trente ans à cinquante ans pour la partie foncière des PLS, comme c'est déjà le cas pour les PLUS et les PLAI. Ces deux mesures conjuguées sont équivalentes en trésorerie à une subvention de 8 % du coût des opérations.

Troisièmement, la durée des prêts de la Caisse des dépôts et consignations dédiés à l'acquisition de terrains pour faciliter le portage foncier par les bailleurs ainsi que celle de certains prêts fonciers est portée à cinquante ans. Cela permettra aux communes ou aux bailleurs d'acquérir des terrains pour les donner à bail à des organismes de logement social. Il s'agit là d'un financement ab initio permettant d'améliorer la maîtrise foncière.

Quatrièmement, 328 communes classées jusqu'ici en zone II sont reclassées en zone I. Cette mesure permettra d'améliorer considérablement le financement des opérations qui y seront réalisées et aura des conséquences sur l'aide personnalisée au logement, l'APL.

Enfin, pour réduire le crédit fournisseur entre les organismes de logement social et l'État, un effort de 250 millions d'euros a été consenti au profit des organismes publics. Ce n'était pas prévu dans la loi de finances initiale pour 2005, mais ils seront versés avant le 31 décembre 2005.

Les bailleurs sociaux reconnaissent l'importance et la pertinence de ces mesures, au point qu'ils ont signé au mois de décembre dernier, c'est-à-dire avant même l'annonce de ces dispositions, un accord avec l'État pour que la production soit doublée. Pour ma part, je suis convaincu que nous continuerons à maintenir le rythme, voire à l'amplifier.

Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, trois mesures complémentaires ont été annoncées grâce à l'arbitrage du Premier ministre.

Premièrement, 50 millions d'euros ont d'ores et déjà été délégués aux organismes associatifs recevant collectivement des personnes fragiles dans des systèmes groupés ou collectifs pour qu'ils réalisent immédiatement des travaux de sécurité. Ceux-ci démarreront au mois de décembre prochain.

Deuxièmement, la construction de 5 000 logements d'urgence et d'insertion pilotés directement par l'État ou par un établissement public sous tutelle de l'Etat est prévue. La responsabilité de l'État est donc clairement engagée dans ce domaine, et sa volonté est manifeste.

Troisièmement, une offre hôtelière à vocation foncière et de qualité à hauteur de 5 000 places est créée, et ce dans une période très contrainte de deux ans.

Le développement de l'accession à la propriété est engagé. Pour cela, l'élargissement des prêts à taux zéro a été annoncé.

La mobilisation de la ressource foncière se traduit par la mise en place du comité interministériel pour le développement de l'offre de logement, à vocation sociale essentiellement. Pilotée par M. Jean-Pierre Beysson, cette nouvelle organisation prévoit une programmation de 20 000 logements sur trois ans sur des terrains de l'État ou d'organismes sous tutelle de l'État. La machine est d'ores et déjà lancée.

Enfin, un certain nombre de mesures très spécifiques concernant l'urbanisme et l'habitat sont également prévues. M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer les développera dans un instant.

Afin de développer le caractère opérationnel de ce dispositif, le projet de loi prévoit des mesures en matière de foncier, d'urbanisme, de délimitation de secteurs, avec des dérogations possibles au coefficient d'occupation du sol, le COS. Il propose également une majoration substantielle de la taxe foncière sur les propriétés non bâties comme de la taxe locale d'équipement. Ces différents dispositifs accroîtront la mise à disposition des terrains fonciers.

Il n'est pas acceptable que la France, qui a l'une des plus faibles densités de population de la Communauté européenne, connaisse un problème de foncier. Il s'agit fondamentalement d'un problème d'arbitrage ou de gestion d'intérêts rationnels !

Pour conclure, je formulerai quelques remarques sur les amendements qui ont été déposés.

Ce projet de loi contient une mesure qui me tient particulièrement à coeur et à laquelle sont sensibles tous les maires qui sont confrontés à ces problèmes : l'accession sociale à la propriété, notamment dans les quartiers qui connaissent des difficultés réelles et qui sont actuellement en grande transformation. (M. José Balarello acquiesce.)

Il s'agit de favoriser l'accession sociale à la propriété partout, y compris pour consolider les quartiers. En effet, contrairement à une idée reçue, la France a plus besoin de densité que de désertification.

Les sept cents sites sélectionnés sont probablement, en termes fonciers, les plus beaux du pays : situés, en général, sur des hauteurs, ils offrent des vues magnifiques. Et, puisque d'énormes terrains viabilisés sont déjà disponibles, il est possible d'y opérer immédiatement, pour construire des maisons à 100 000 euros ou de petits logements collectifs, car il ne s'agit pas forcément d'habitat individuel.

En développant l'accession sociale à la propriété, en faisant passer le taux de TVA de 19,6 % à 5,5 %, en privilégiant de petits programmes réalisés avec de multiples opérateurs, publics ou privés, nous sommes capables, aujourd'hui, de livrer un logement qui revient quasiment au montant d'un loyer dans une HLM. Cela permet de respecter des plafonds de ressources extrêmement définis et contraignants.

Avec ce dispositif, encadré par l'ANRU, je suis convaincu que nous pourrons respecter une moyenne de trente logements par opération, pour parvenir à 20 000 constructions par an. Cela représente la moitié de la production d'il y a quatre ans, soit un gap tout à fait significatif.

Par ailleurs, nous avons prévu dans ce projet de loi un certain nombre d'éléments complémentaires, qui concernent l'accès de tous au logement, le rôle des EPCI, les établissements communaux de coopération intercommunale, ou celui des commissions de médiation.

En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous dire que j'ai été parlementaire pendant de nombreuses années et que j'ai participé à beaucoup de débats. Par ailleurs, depuis mon arrivée au ministère, j'ai eu la chance de présenter cinq textes importants. Or jamais je n'ai vu un texte bénéficier d'un tel apport, grâce à la qualité des débats en commission et des relations entre les pouvoirs législatif et exécutif ; jamais je n'ai vu un texte faire l'objet d'autant de propositions nouvelles. Celles-ci ont été étudiées et discutées, et sont devenues des amendements, acceptables pour l'essentiel même s'ils ne suivent pas forcément le schéma préalablement défini par le Gouvernement ; bref, jamais je n'ai vu un texte aussi enrichi par le travail de la commission saisie au fond et des commissions saisies pour avis.

Tel est le contexte dans lequel nous abordons ce projet de loi. Vous le savez, nous avons déjà eu l'occasion de discuter de ces propositions lorsque j'ai reçu MM. Braye et Repentin dans le cadre des travaux du groupe de travail parlementaire sur les facteurs fonciers et immobiliers de la crise du logement. Un certain nombre des amendements ont ainsi fait l'objet d'une analyse très attentive du Gouvernement et, s'il ne les soutient pas tous, il sera favorable à un nombre extrêmement important d'entre eux.

Les professionnels du logement qui siègent ici le savent, dans ce domaine, les processus sont longs et exigent de la ténacité dans les engagements. Il faut en effet attendre deux ou trois ans pour ressentir enfin les effets des décisions prises.

Je suis pour ma part convaincu que le plan de cohésion sociale sera dépassé, voire amplifié, car c'est une absolue nécessité pour le pays : j'espère que chacun aura la pudeur de se souvenir à cette tribune quel était l'état exact, dans ce pays, de la production de logements, notamment sociaux, au moment où la majorité à laquelle il appartenait présidait aux destinées gouvernementales. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. Daniel Raoul. La dernière phrase est en trop ! Jusque-là c'était bon !

M. le président. La parole est à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je n'ai pas besoin de rappeler la situation de notre pays au regard du logement puisque Jean-Louis Borloo vient de l'évoquer. Mais, comme vous le savez, l'ensemble du Gouvernement est mobilisé pour lutter contre les différentes composantes de cette crise.

Dans le domaine du droit des sols et de la construction, nous avons lancé de nombreux chantiers pour clarifier l'urbanisme, renforcer les pouvoirs opérationnels des élus et fluidifier les autorisations de construire.

A cet égard, laissez-moi vous rappeler trois chantiers stratégiques qui mettent en perspective ce présent projet de loi.

D'abord, en juillet dernier, en votant la réforme des concessions d'aménagement, vous avez redynamisé l'aménagement opérationnel et vous avez remis le maire au centre des décisions touchant à la « fabrication » de la ville.

Ensuite, au cours de l'été, nous avons relancé les politiques foncières, que ce soit à travers la mise en vente de terrains de l'État ou le soutien aux initiatives locales pour la création d'établissements publics fonciers.

Enfin, je vous rappelle la très importante réforme du permis de construire, à laquelle vous êtes étroitement associés. Avec cette réforme majeure, nous allons redonner plus de confiance à nos concitoyens dans le droit de l'urbanisme. Comme vous, je crois en effet qu'il faut soutenir l'effort collectif de construction : le meilleur moyen d'y parvenir est de garantir les délais, de clarifier le droit et de simplifier les procédures. Ce sont les trois axes de travail que nous privilégions pour cette grande réforme.

Si ces trois chantiers sont importants, il faut également faire face aux besoins immédiats.

Tous les opérateurs nous le disent, la pénurie actuelle de foncier constitue un frein à l'effort de construction. Par le présent projet de loi, le Gouvernement entend remédier à cette situation, en mobilisant le très important patrimoine foncier public et en mettant en place des outils à la disposition des élus pour agir sur le foncier.

Le Premier ministre a fixé le cap et va dégager les surfaces nécessaires, sur les terrains publics, pour construire plus de 20 000 logements. Je ne m'étendrai pas sur ces mesure qui, immédiatement applicables, nécessitent tout de même un certain nombre de dispositions d'accompagnement, la plupart à caractère transitoire, pour éviter que les procédures foncières ou les procédures d'urbanisme ne retardent l'indispensable réalisation de ce programme de logements.

Cela étant, la mobilisation du foncier passe surtout par l'application des règles d'usage du sol, par le respect de l'urbanisme. Pour faire face à la crise du logement et à la pression foncière, les élus, notamment les maires, doivent disposer d'une palette d'outils opérationnels, pour agir au plus près du terrain. C'est le deuxième objectif du Gouvernement, à travers les mesures qu'il vous propose.

La plupart de ces mesures visent à faciliter la tâche des collectivités locales, dont le Gouvernement souhaite qu'elles puissent s'associer pleinement à l'effort engagé. Il est ainsi proposé de reporter de quatre ans la date au-delà de laquelle les plans d'occupation des sols, les POS, ne pourront plus faire l'objet d'une révision d'urgence sans prendre la forme de plans locaux d'urbanisme. Je le sais, cette mesure répond à une demande forte des élus locaux.

Dans le même esprit, il est proposé que les maires puissent, provisoirement, apporter des dérogations ponctuelles à leurs documents d'urbanisme lorsque le POS comprend des règles de densité extrêmement faibles, pour leur permettre ainsi de délivrer des permis de construire sans attendre la future révision du POS. De même, les maires pourront imposer, dans certains secteurs de leur ville, un pourcentage obligatoire de logements sociaux dans tous les programmes de logements neufs.

D'autres mesures permettraient à l'État de prendre, pour un temps très limité, des dispositions immédiates afin de rendre possible la réalisation des logements programmés.

Enfin, je me réjouis que la commission ait proposé la réintroduction des mesures « Pelletier » sur la sécurisation des actes d'urbanisme. Il s'agit d'une préoccupation constante du Gouvernement, afin que les constructeurs, les aménageurs et les maires puissent construire les logements attendus et éviter de passer trop de temps en arguties juridiques.

Je ne peux conclure ce bref propos sans évoquer le nerf de la guerre, c'est-à-dire les aspects financiers.

Le Gouvernement est conscient de la nécessité de prévoir un meilleur accompagnement financier des communes qui accueillent de nouveaux habitants et, vous le savez, le Premier ministre a décidé de consulter l'Association des maires de France pour envisager des dispositions spécifiques réformant la dotation globale de fonctionnement.

Toutefois, sans attendre la conclusion de cette concertation, le Gouvernement proposera des amendements, pour permettre aux communes qui le désirent de majorer la taxe foncière sur les propriétés non bâties portant sur des terrains constructibles et pour améliorer le rendement de la taxe locale d'équipement, que la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « loi SRU », avait trop fortement diminuée. Chaque commune pourra ainsi prendre les mesures qui lui paraissent utiles, en fonction de ses besoins en équipements, en prenant aussi en compte, bien sûr, le souci de modération fiscale, à laquelle nous sommes tous attachés.

Sur ce point également, le Gouvernement veut mettre à la disposition des communes des outils complémentaires, qui seront, me semble-t-il, efficaces et, surtout, adaptables à chaque contexte local.

Pour conclure ce bref exposé, il me semble nécessaire de rappeler que l'essentiel, au-delà des mesures urgentes que nous allons tous être amenés à prendre, est de permettre aux élus de se doter eux-mêmes, en concertation avec l'État et tous les partenaires, des outils de gouvernance permettant effectivement de définir des politiques de logement et d'habitat répondant durablement aux besoins de nos concitoyens.

Des programmes locaux de l'habitat ont été approuvés ou sont en cours d'élaboration dans la plupart des plus grandes agglomérations. À mes yeux, cet effort important doit pouvoir se poursuivre dans toutes les grandes et moyennes agglomérations. Ainsi, les collectivités locales pourront décider d'engager des politiques foncières et urbaines prenant en compte les besoins établis à l'échelle de l'agglomération, et seront en mesure de les mener à bien.

Au terme de cette rapide présentation, je voudrais revenir sur les trois maîtres mots qui ont guidé le Gouvernement dans la mise au point de ces dispositifs : urgence, mais aussi pragmatisme et subsidiarité.

Urgence, car la crise est là et il faut que tous les outils nécessaires soient très vite opérationnels.

Pragmatisme, pour élaborer de nouveaux moyens d'action, sans parti pris idéologique ni pensée unique.

Enfin et surtout, subsidiarité, afin que chacun, tant l'État que les communes, assume sa part du travail.

Telle est notre conception de l'action publique. C'est ainsi qu'ensemble nous construirons les logements dont la France a besoin. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Braye, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la situation actuelle du logement dans un pays comme le nôtre, qui se veut exemplaire en matière de solidarité et d'accès de tous ses citoyens aux droits élémentaires, n'est pas normale et n'est pas digne.

Disposer d'un logement décent est indispensable pour chaque être humain, à tous les stades de sa vie.

Il est indispensable, d'abord, par la sécurité et la douceur qu'il procure, au développement harmonieux et équilibré de chaque enfant.

Il est indispensable, ensuite, par sa stabilité et son confort, à l'épanouissement de chaque adulte et de chaque famille.

Il est indispensable, enfin, par sa tranquillité et sa pérennité, au déroulement d'une vieillesse sereine pour les personnes âgées.

Avec l'éducation et l'emploi, le logement est l'un des volets du triptyque fondamental du droit de tout être humain à grandir, s'épanouir et vieillir dans des conditions normales et dignes, au sein d'une société apaisée.

Or que constatons-nous aujourd'hui ?

Que certains des plus démunis de nos concitoyens ne trouvent pas de place dans les structures d'hébergement, qui ont pourtant vocation à les accueillir.

Que les personnes à revenus très modestes ou modestes trouvent très difficilement une place dans le logement très social ou social.

Qu'il n'existe pas de capacités d'accueil suffisantes dans le logement intermédiaire pour y loger tous ceux qui ont les moyens d'y accéder.

Qu'il est très difficile, enfin, pour ceux qui sont prêts à consentir des efforts importants, d'accéder à la propriété par le biais de l'accession sociale.

Il convient naturellement de résoudre les problèmes rencontrés par toutes ces catégories de nos concitoyens et, notamment, les plus démunies. Mais ceux qui souhaitent accéder à la propriété ne doivent pas être oubliés, et ce pour trois raisons essentielles.

D'abord, parce qu'il s'agit de les aider à réaliser ce qui, comme pour 95% de nos compatriotes, est le rêve de leur vie.

Ensuite, parce qu'il s'agit de leur permettre d'aborder l'âge de la retraite dans de bien meilleures conditions que s'ils étaient restés locataires.

Enfin, parce qu'il s'agit, par un effet de dominos, de libérer de façon mécanique et pérenne les autres maillons de la chaîne du logement, permettant ainsi de conserver les aides publiques pour les autres catégories de population moins favorisées.

Or cette chaîne du logement est aujourd'hui bloquée par une crise qui affecte chacun de ses maillons. Nous constatons ainsi une panne des parcours résidentiels ascendants, qui frappe toutes les catégories sociales de notre pays et, comme toujours dans ces cas-là, plus durement les plus démunies.

Messieurs les ministres, mes chers collègues, nous le savons tous, cette situation est anormale et indigne de notre pays. Elle est due à un déficit patent de toutes les catégories de logements - et pas seulement des logements sociaux -, dont la responsabilité est partagée par tous les dirigeants depuis trente ans. Nous pouvons nier cette responsabilité ou nous la rejeter les uns sur les autres, cela ne changera rien à sa réalité et, surtout, cela ne procurera pas un toit à tous ceux qui n'en ont pas.

Notre devoir est d'agir, d'agir ensemble, et d'agir vite. Toute autre considération est vaine : un logement pour tous, c'est l'affaire de tous !

Pour résoudre cette crise exceptionnelle, il convient de fournir des efforts exceptionnels, lesquels doivent émaner de tous les responsables politiques, à commencer, bien entendu, du Gouvernement.

Dans ce contexte, le projet de loi portant engagement national pour le logement, déposé d'abord sur le bureau de la Haute Assemblée, était attendu avec impatience.

La commission des affaires économiques estime que ce projet de loi apporte un début de réponse bienvenu à l'urgence créée par cette situation de crise. Elle interprète le choix du Gouvernement de présenter un texte resserré de onze articles comme une main tendue vers le Parlement pour qu'il l'enrichisse de façon substantielle et efficace.

Pour ce qui concerne les amendements qu'elle présente, nombre d'entre eux sont directement inspirés des solutions préconisées par le groupe de travail chargé d'analyser les facteurs fonciers et immobiliers de la crise du logement, groupe de travail que j'avais l'honneur de présider. Il n'est sans doute pas anodin de préciser que le rapport de ce groupe, présenté par notre collègue Thierry Repentin, avait été adopté, au mois de juin dernier, à l'unanimité.

M. Dominique Braye, rapporteur. Ce consensus, fondé sur des constats partagés, prouve que des solutions concrètes aux problèmes quotidiens de nos concitoyens peuvent être élaborées dès lors que l'esprit de responsabilité et le pragmatisme priment sur les clivages partisans traditionnels.

Je souhaite très sincèrement que la discussion de ce projet de loi se déroule dans les mêmes conditions que celles qui ont prévalu au sein du groupe de travail que je viens d'évoquer et que les uns et les autres ne se livrent pas à des surenchères stériles, dont les auteurs eux-mêmes savent qu'elles sont vaines tant les objectifs fixés sont impossibles à atteindre.

Je tiens d'ailleurs, en cet instant, à remercier Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, et M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis de la commission des lois, de l'efficacité et de l'ambiance qui ont animé nos travaux afin de faire progresser le projet de loi qui nous est présenté.

Mes chers collègues, nous savons tous que la crise actuelle du logement résulte tout simplement d'un déséquilibre entre l'offre et la demande, d'un déséquilibre entre l'offre nouvelle et les besoins de notre population, qui ont crû à un niveau jamais atteint sans que la réponse à ces besoins nouveaux soit suffisamment forte et rapide.

En effet, face à une offre insuffisante, le nombre de demandeurs de logements locatifs sociaux a littéralement explosé, pour atteindre un million ces dernières années.

Plusieurs évolutions sociodémographiques contemporaines, comme la décohabitation des jeunes, le vieillissement de la population ou l'augmentation du nombre des divorces et la multiplication des familles monoparentales, ont grandement amplifié ce déséquilibre.

Cette pénurie de logement se traduit, d'une part, par une envolée spectaculaire du niveau des loyers - et donc par les difficultés très importantes auxquelles sont confrontés tous nos concitoyens, surtout les plus modestes d'entre eux, pour trouver un logement -, et, d'autre part, par une accession à la propriété rendue plus difficile, les primo-accédants étant de moins en moins nombreux, malgré l'allongement de la durée des prêts immobiliers et la baisse historique des taux d'intérêt.

Ces évolutions sont d'autant plus dommageables que notre pays se caractérise par son faible taux de propriétaires : ils ne sont que 56 % de la population, taux très inférieur à celui que l'on constate chez certains de nos voisins européens. Est-il utile de citer l'Espagne, l'Allemagne et l'Italie où ce taux s'établit à plus de 80% ? Surtout, ces évolutions empêchent nos concitoyens de pouvoir vivre un parcours résidentiel ascendant, dont j'ai souligné l'importance pour l'individu et la société en introduction de mon propos.

Comme le soulignent l'ensemble des élus et des professionnels, l'envolée des prix du foncier est l'un des éléments majeurs de la crise actuelle du logement.

Avec une hausse de 40 % entre 1999 et 2004, le prix des terrains à bâtir atteint un niveau très élevé, voire rédhibitoire, et a des répercussions très importantes sur tous les maillons de la chaîne du logement. Il constitue un obstacle à l'accession à la propriété, il engendre l'envolée des loyers du parc locatif privé ainsi que de très grandes difficultés pour équilibrer les opérations de logement social.

Alors qu'il y a trois ans seulement le prix du terrain représentait 30 % du budget global consacré à la construction d'une maison, aujourd'hui, il peut atteindre jusqu'à 50 %, voire plus. Il apparaît donc indispensable de mettre en oeuvre des moyens énergiques pour libérer des terrains et faire baisser le coût du foncier.

J'en viens maintenant au texte qui nous est soumis et aux propositions de la commission des affaires économiques, sans entrer dans le détail des articles du projet de loi qui viennent de nous être présentés par M. le ministre.

Au cours de sa réunion de mardi dernier, la commission des affaires économiques a adopté près d'une centaine d'amendements. Certains d'entre eux visent à améliorer le texte même du projet de loi, d'autres à l'enrichir en y insérant des articles additionnels.

Renforcement du partenariat avec les collectivités territoriales, cohérence de la conduite des politiques de l'habitat et de l'urbanisme, amélioration du pouvoir d'achat de nos concitoyens et de leurs conditions de logement, tels ont été les grands principes qui ont guidé les travaux de la commission.

Tout d'abord, j'estime indispensable de faire des collectivités territoriales de véritables partenaires de l'État pour mieux répondre aux besoins de logement de nos concitoyens.

Exemple emblématique de la démarche adoptée par la commission des affaires économiques, il est proposé de consacrer un chapitre entier du projet de loi au soutien aux maires bâtisseurs.

Deux amendements viennent à l'appui de cette volonté de redonner aux élus la possibilité et le goût de construire.

En premier lieu, est suggéré le partage de la plus-value liée à l'urbanisation. En effet, le changement du statut d'un terrain qui passe de zone non constructible en zone constructible entraîne, nous le savons tous, une très forte hausse de son prix, qui peut être multiplié jusqu'à cent ! Or, sûrement en raison de son histoire, la France est l'un des seuls pays d'Europe où le propriétaire d'un terrain est aussi propriétaire de la totalité de cette plus-value,...

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. Dominique Braye, rapporteur. ... pourtant exclusivement produite par la décision prise par le conseil municipal, décision qui, je le rappelle, s'accompagne nécessairement du financement des équipements publics indispensables à l'urbanisation.

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. Dominique Braye, rapporteur. Tirant les conclusions de ce constat, le groupe de travail sur les facteurs fonciers et immobiliers de la crise du logement avait proposé d'engager une réflexion sur l'opportunité d'instituer un système de partage de cette plus-value.

Messieurs les ministres, mes chers collègues, nous avons longuement contribué à mûrir cette réflexion, et nous l'estimons aujourd'hui aboutie.

En effet, il ressort du questionnaire envoyé aux élus locaux, dans le prolongement du rapport du groupe de travail précité, que la très grande majorité des élus - les trois quarts d'entre eux - est favorable à l'instauration d'un tel mécanisme. C'est pourquoi la commission des affaires économiques vous proposera d'adopter un amendement permettant à la commune de récupérer 20 % de cette plus-value.

En second lieu, la commission des affaires économiques, à l'unanimité, a estimé indispensable de remédier à une situation qui pénalise très fortement les communes qui se mobilisent en faveur de la construction de logements sociaux.

Je pense bien évidemment aux conditions dans lesquelles l'État compense les pertes de recettes fiscales liées à l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties dont bénéficient les logements locatifs sociaux de la première à la quinzième année. En effet, le dispositif en vigueur, qui ne prévoit une compensation que dans les cas où la perte de recettes est substantielle, pénalise très gravement les communes qui construisent des logements sociaux par rapport à celles qui réalisent des logements privés (M. Thierry Repentin lève les bras au ciel), ces dernières étant pourtant dispensées des dépenses importantes liées au soutien aux populations les plus modestes qui occupent le parc social.

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. Dominique Braye, rapporteur. Pour ces raisons, la commission des affaires sociales estime que le soutien aux élus bâtisseurs implique nécessairement que ces pertes de recettes soient intégralement compensées. (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste.)

M. Daniel Raoul. Nous sommes débordés ! Il était sans doute au Mans ce week-end ! (Sourires.)

M. Dominique Braye, rapporteur. Mon cher collègue, que n'a-t-on pris cette disposition en 1992 ?

M. Dominique Braye, rapporteur. Un autre symbole du partenariat entre l'État et les collectivités territoriales est la mobilisation des terrains publics.

Messieurs les ministres, il ne nous apparaît pas envisageable que, dans le cadre d'un engagement national pour le logement, l'État ne soit pas celui qui donne l'exemple, à tel point qu'il entraîne les autres partenaires à le suivre dans cette politique audacieuse du logement.

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. Dominique Braye, rapporteur. C'est bien au nom de cet intérêt national que la commission des affaires économiques vous proposera, mes chers collègues, d'adopter un dispositif de décote de 25 % sur le prix des terrains de l'État, que nous souhaiterions voir augmenter dans les zones où le marché foncier est le plus tendu.

Enfin, puisque j'évoque les relations entre l'État et les collectivités territoriales dans le domaine du logement social, je ne peux évidemment manquer de soulever la question de l'article 55 de la loi SRU,...

M. Christian Cambon. Très bien !

M. Dominique Braye, rapporteur. ... à laquelle on a donné une dimension idéologique et médiatique sans commune mesure avec sa dimension factuelle, c'est-à-dire avec le nombre de logements locatifs sociaux construits.

M. Daniel Raoul. Dommage : jusqu'à présent, le discours était bon.

M. Dominique Braye, rapporteur. Mes chers collègues, permettez-moi de rappeler qu'au vu du premier bilan triennal, si les 742 communes concernées avaient toutes strictement rempli l'objectif que leur avait assigné la loi,...

M. Jack Ralite. Et qu'a rappelé M. Chirac !

M. Dominique Braye, rapporteur. ... cela se serait traduit par la construction de 62 000 logements sociaux. Or il s'avère que, si certaines communes n'ont pas rempli leur objectif, nombre d'entre elles ont en revanche dépassé le leur, le bilan final étant de 87 000 logements construits, supérieur de plus de 40 % à ce que le législateur avait escompté !

M. Yves Coquelle. Ce sont toujours les mêmes qui font les logements sociaux !

M. Dominique Braye, rapporteur. Il convient donc de nuancer les appréciations, à commencer par celle selon laquelle les communes n'ont pas fait d'effort significatif et par celle qui consiste à stigmatiser les communes n'ayant pas atteint le seuil des 20 %. Il faut savoir de quel seuil partaient ces collectivités, reconnaître celles qui ont fait un réel effort en la matière et prendre en compte leur précédent gestionnaire ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste. - Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Regardons d'où provient la dynamique à laquelle nous sommes confrontés et les efforts que les communes ont réalisés au cours des trois années.

M. Gérard Delfau. C'est indéfendable !

M. Christian Cambon. Mais si ! Le problème réside dans le manque de terrains !

M. Dominique Braye, rapporteur. Je suis persuadé - et plus je rencontre d'élus, plus je suis renforcé dans ma conviction - que ces communes pourraient obtenir de bien meilleurs résultats si on s'efforçait de distinguer, en premier lieu, celles qui remplissent leur objectif ou qui le dépassent - et qui méritent d'être félicitées -, puis, en deuxième lieu, celles qui, malgré un effort important, n'ont pas réussi à atteindre leur objectif - il faut alors analyser sereinement les obstacles qui les en ont empêché et les aider à rattraper leur retard -,...

M. Christian Cambon. Voilà ! Très bien !

M. Dominique Braye, rapporteur. ... et enfin, en troisième lieu, les communes qui sont très loin de l'objectif qui leur était fixé.

Dans cette troisième catégorie, mes chers collègues, si l'on veut faire preuve de pragmatisme et de justice, il faut distinguer deux cas, reconnus d'ailleurs par tous les acteurs de bonne foi en matière de logement.

Le premier cas vise les élus qui ne veulent pas construire de logements et qui n'en réalisent pas alors qu'ils en ont la possibilité. Pour ceux-là, la réponse est simple et claire : ils doivent être sanctionnés et contraints à remplir leurs obligations. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Le second cas concerne les élus qui voudraient construire mais ne le peuvent pas et qui sont pénalisés par la loi au même titre que ceux qui ne veulent rien faire. Eh bien, messieurs les ministres, mes chers collègues, j'estime qu'il est anormal et totalement injuste de ne pas avoir le courage de différencier ces deux catégories d'élus, et je m'opposerai à tout durcissement du système existant tant que la distinction n'aura pas été faite. En effet, tout d'abord, à l'impossible nul n'est tenu, et ensuite il est immoral de pénaliser et de stigmatiser des élus pleins de bonne volonté mais qui ne réalisent pas ce que personne d'autre à leur place ne pourrait davantage réaliser. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jack Ralite. Comme M. Sarkozy, par exemple ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Dallier. Il n'est pas maire ! Faites plutôt du logement intermédiaire à Aubervilliers !

M. Dominique Braye, rapporteur. Monsieur Ralite, les noms ne m'intéressent pas, seuls les principes comptent ! Je croyais d'ailleurs que vous-même étiez plus préoccupé par les principes que par la médiatisation de la stigmatisation des noms !

M. Daniel Raoul. Il n'y a que le résultat qui compte !

M. Dominique Braye, rapporteur. Pour toutes ces raisons, je proposerai un dispositif équilibré, dans le respect des obligations de la loi SRU, qui permettra, d'une part, d'aider les élus de bonne volonté confrontés à des difficultés pour qu'ils puissent atteindre les objectifs qui leur sont imposés, d'autre part, d'étudier de manière impartiale le cas des élus qui ont de véritables impossibilités pour remplir leur quota, et, enfin, de sanctionner ceux qui vont délibérément à l'encontre de la loi.

M. Christian Demuynck. C'est le bon sens !

M. Dominique Braye, rapporteur. N'est-ce pas l'essence de la justice que de séparer le bon grain de l'ivraie avant de sanctionner ?

Je tiens d'ailleurs à remercier publiquement, à cet instant de mon propos, les représentants du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées et ceux de l'Union sociale pour l'habitat qui, avec moi, ont abordé ce problème avec pragmatisme et objectivité, en ayant comme seul objectif de produire le plus de logements sociaux possible.

M. Jack Ralite. Je suis membre de ce comité et je l'affirme : vous ne dites pas la vérité !

M. Dominique Braye, rapporteur. Je sais que vous en êtes membre, mon cher collègue ! Je vous invite donc à prendre connaissance du dispositif.

M. Jack Ralite. Une réunion doit avoir lieu demain matin !

M. Yves Coquelle. Cela tombe à pic !

M. Christian Cambon. Il n'est jamais trop tard !

M. Dominique Braye, rapporteur. Vous aurez ainsi une leçon particulière ! (Sourires.)

Après cette première partie consacrée aux problèmes fonciers, nous avons souhaité renforcer la cohérence de la conduite des politiques du logement pour les départements et les intercommunalités.

S'agissant des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, je relève qu'une nouvelle fois la loi s'apprête à leur confier des missions sans leur donner les moyens de les remplir. En effet, l'article 9 du projet de loi leur permet de signer des accords collectifs intercommunaux, véritable déclinaison des objectifs des plans départementaux d'action pour le logement des personnes défavorisées, les PDALPD, ce qui est excellent en termes d'efficacité, à condition que cette nouvelle mission soit assortie des outils nécessaires pour atteindre ces objectifs, ce qui, pour l'instant, n'est pas le cas.

Pour cette raison, il est proposé d'accompagner cette réforme par la mise à disposition des droits de réservation correspondants.

Nous souhaitons aussi, messieurs les ministres, ne pas limiter aux seuls établissements délégataires la possibilité de signer un accord collectif intercommunal, car le fondement d'une politique de l'habitat sur un territoire est non pas la délégation des aides à la pierre, qui n'est qu'un outil pour intervenir sur le foncier bâti, mais le programme local de l'habitat, qui scelle et précise toutes les dispositions d'une véritable politique de l'habitat sur un territoire donné.

M. Gérard Delfau. C'est vrai !

M. Dominique Braye, rapporteur. Enfin, le dernier volet de la stratégie proposée par la commission des affaires économiques est le renforcement du pouvoir d'achat et l'amélioration des conditions de logement, qui ont été également au coeur de ses préoccupations.

C'est pourquoi il lui est apparu pertinent d'avancer la date d'entrée en vigueur du nouvel indice de référence des loyers au 1er mars 2006, permettant ainsi, pour l'année prochaine, une limitation de la hausse des loyers privés à 1,8 %.

En outre, la commission des affaires économiques a décidé, à l'unanimité, de supprimer le seuil des vingt-quatre euros en deçà duquel l'aide personnalisée au logement n'est pas versée à ses bénéficiaires. Je rappelle que cette disposition pénalise plus de 110 000 ménages modestes pour lesquels chaque euro compte dans le budget familial ; elle constitue, de plus, une mesure qui vient limiter la portée de la loi, comme l'a rappelé le médiateur de la République, notre ancien collègue et ancien ministre M. Jean-Paul Delevoye.

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, vous l'aurez compris, la commission des affaires économiques approuve le volontarisme de ce projet de loi. Je considère qu'il représente, comme je l'ai déjà dit, une main tendue vers la représentation nationale. Tous ceux qui souhaitent voir le Parlement jouer pleinement son rôle ne peuvent que vous en remercier et s'en réjouir, messieurs les ministres.

« Un logement pour tous, c'est l'affaire de tous », disais-je. C'est donc aussi et peut-être d'abord notre affaire, à nous parlementaires et représentants institutionnels des collectivités locales. Nous devons nous saisir de ce texte, pour l'enrichir, notamment par notre expérience d'élus locaux.

Les nombreux amendements déposés par la commission des affaires économiques et par plusieurs d'entre vous, mes chers collègues, témoignent de ce que cet engagement pour le logement est bien un engagement de la nation tout entière en faveur de cette grande cause.

Je suis persuadé que le Gouvernement sera sensible à l'engagement de la Haute Assemblée dans cet effort et j'espère que sa propre volonté d'engagement rencontrera le plus souvent possible la nôtre, et l'on pourra alors vraiment parler d'engagement national pour le logement.

Parce qu'il n'est plus tolérable que la situation du logement soit anormale et indigne de notre pays, parce qu'un logement pour tous, c'est l'affaire de tous, engageons-nous tous ensemble avec pragmatisme, volontarisme et objectivité pour améliorer le plus rapidement possible cette situation. Très nombreux sont nos concitoyens qui attendent beaucoup de nous dans ce domaine. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis.

Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la situation d'urgence de certaines de nos banlieues, qui révèle un malaise profond, donne un relief tout particulier au débat qui va s'engager sur le texte que nous examinons aujourd'hui.

Les problèmes rencontrés dans les zones urbaines sensibles, mêmes si les causes en sont multiples, sont en effet aussi directement liés à la politique du logement qui guide la construction et le peuplement dans les agglomérations urbaines. Cela démontre avec force, si besoin était, que la préservation de la mixité sociale dans les zones urbaines et la capacité du parc social à répondre de façon satisfaisante à une demande croissante de logements constituent des enjeux décisifs pour garantir la sécurité et l'harmonie des quartiers.

Pour une large part, ces problèmes sont bien les révélateurs de la crise du logement que nous connaissons actuellement et qui se caractérise par l'insuffisance de logements disponibles, notamment dans le parc locatif social et dans les hébergements d'urgence, et par un retard considérable pris dans les projets de construction et de rénovation.

Il en résulte une augmentation des prix de l'immobilier, qui se traduit par un accroissement significatif de la part consacrée au logement dans le budget des ménages. Cette part représente désormais en moyenne plus de 20 % de leurs ressources. Cela conduit à exclure de l'accès au logement un nombre croissant de nos concitoyens et à multiplier les situations de surendettement engendrées par l'insolvabilité des ménages.

Pour toutes ces raisons, il faut accélérer encore la mise en oeuvre des politiques en faveur du logement. C'est pourquoi je me réjouis que ce projet de loi ait été déposé en premier lieu sur le bureau du Sénat. Il vise à ce que soit relevé un véritable défi : permettre l'accès de tous à un logement décent, grâce à une augmentation importante et soutenue de l'offre de logements dans les années à venir.

Le mouvement a déjà été impulsé par le programme national de rénovation urbaine, dont l'échéance doit être reportée à 2013, et par le volet « logement » du plan de cohésion sociale, qui s'achèvera en 2009, mais il s'agit aujourd'hui d'en accélérer considérablement le rythme, en levant tous les obstacles à la mise en oeuvre de ces projets sur lesquels le Gouvernement s'est engagé fortement.

C'est précisément ce à quoi tend ce projet de loi, qui comporte deux volets : le premier est consacré à la mobilisation des ressources foncières, afin d'accélérer la production de logements ; le second vise à accroître l'offre de logements sociaux ou conventionnés en faveur des ménages disposant de revenus modestes ou intermédiaires. C'est de ce second volet que la commission des affaires sociales a souhaité se saisir pour avis.

Je ne reviendrai pas sur la présentation des mesures proposées dans le texte. Elles constituent de nouvelles avancées, en permettant d'améliorer encore l'accès au logement des ménages les plus modestes et de développer le parc locatif privé à loyer maîtrisé.

La commission des affaires sociales a cependant considéré que ce projet de loi pourrait être utilement enrichi par des dispositions complémentaires, qui s'ordonnent autour de quatre axes essentiels.

Premier axe : il faut favoriser l'accession sociale à la propriété. Celle-ci demeure trop rare dans notre pays, alors même qu'elle apporte une solution de logement durable aux familles. C'est pourquoi il s'agit de lever les freins qui subsistent, en proposant des mesures plus incitatives.

Le pacte national d'engagement pour le logement comporte trois mesures allant dans ce sens : le nouveau prêt à taux zéro, la relance des prêts sociaux location-accession et l'application, prévue dans le présent texte, d'un taux réduit de TVA de 5,5 % pour l'achat d'un logement neuf implanté en zone urbaine sensible, ZUS, pour les ménages modestes.

Enfin, le nouveau statut de l'ANAH élargit le champ d'action de cette agence, notamment en direction des ménages à faible revenu. Il devrait permettre de développer de manière non négligeable l'offre de logements privés reconquis sur l'habitat inoccupé ou insalubre. Parmi les nouvelles compétences de l'ANAH, le « conventionnement sans travaux » est un nouveau dispositif qui contribuera à élargir l'offre de logements à loyer maîtrisé. Ces mesures vont à l'évidence dans le bon sens.

Nous nous félicitons également que la concertation instaurée depuis 2001 entre, d'une part, la Fédération nationale des OPHLM, les offices publics d'habitations à loyer modéré, et des OPAC, les offices publics d'aménagement et de construction, et, d'autre part, tous les partenaires concernés, débouche aujourd'hui sur une proposition de réforme, par l'habilitation accordée à l'article 8.

Il faudra aussi s'interroger sur la manière de répondre à l'aspiration légitime de nombreux locataires d'HLM qui souhaitent devenir propriétaires de leur logement. Le traitement difficile de la situation des copropriétés privées dégradées doit cependant nous appeler à la prudence pour traiter de cette question, s'agissant d'ensembles immobiliers comportant un grand nombre de logements.

Deuxième axe : il faut préserver la mixité sociale dans les villes et les quartiers sensibles.

Il est proposé, dans le projet de loi, une réforme du système d'attribution des logements sociaux, ce qui va permettre de mieux coller à la réalité nouvelle issue des lois de décentralisation. Ainsi l'idée d'améliorer le traitement des demandes prioritaires, notamment pour les personnes qui reprennent un emploi, rejoint-elle les préoccupations du groupe de travail sur les minima sociaux mis en place au sein de la commission des affaires sociales.

La création d'un barème national obligatoire de surloyer lorsque le locataire dispose de revenus supérieurs de 20 % aux plafonds de ressources vise à libérer plus de logements sociaux occupés par des locataires qui disposent de revenus suffisants pour acquitter les loyers du marché ou accéder à la propriété.

Toutefois, la commission des affaires sociales s'est interrogée sur d'éventuels effets pervers que pourrait entraîner cette réforme. Elle craint en effet qu'en évinçant les populations les mieux insérées on ne débouche sur un renforcement des mécanismes de ghettoïsation et que cela ait pour conséquence de faire disparaître la mixité sociale dont nos quartiers ont tant besoin.

M. José Balarello. Très bien !

Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis. Pour prévenir ce risque, je vous proposerai donc deux amendements.

Le premier vise à renforcer le rôle et le contenu du plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées, le PDALPD, afin de permettre, à l'échelle du département, une meilleure adéquation de l'offre à la demande de logements sociaux.

Le second amendement permet l'intégration de dispositions relatives aux surloyers dans les programmes locaux d'habitat, les PLH, qui pourront prévaloir sur le barème national, afin d'adapter le niveau du surloyer aux réalités du marché locatif local. Chacun sait bien que les conditions rencontrées en région parisienne ou dans les grandes agglomérations régionales diffèrent sensiblement de celles qui prévalent dans d'autres départements où la demande est moins tendue. En outre, seul le PLH maîtrise finement, sur un territoire donné, la sociologie du peuplement, quartier par quartier, ce qui en fait le niveau le plus pertinent d'application du surloyer.

M. José Balarello. Excellent !

Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis. Troisième axe : il faut accentuer l'effort de construction de logements très sociaux.

Cinq années de bilan d'application de l'article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, montrent que, le plus souvent, les communes s'acquittent de leur obligation de production de logements locatifs sociaux en construisant des logements financés à l'aide d'un PLS, un prêt locatif social, pour des ménages disposant d'un revenu intermédiaire.

M. Thierry Repentin. Absolument !

M. Daniel Raoul. C'est exact !

Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis. Bien peu acceptent de financer des logements donnant accès au prêt locatif aidé d'intégration, le PLAI.

M. Daniel Raoul. Effectivement !

Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis. C'est la raison pour laquelle, au regard des besoins recensés de logements pour les personnes les plus défavorisées, il est urgent et nécessaire d'inciter les communes à produire plus de logements à caractère très social, tels que ceux qui sont financés à l'aide d'un PLAI , d'un PLAI-CD, c'est-à-dire d'un prêt locatif aidé d'intégration construction-démolition, ou encore d'une subvention de l'ANAH dans le cadre des programmes sociaux thématiques.

Dans cette optique, je vous présenterai un amendement qui prévoit d'affecter à ce type de logements très sociaux un coefficient égal à 1,5 lors du décompte annuel réalisé par le préfet pour s'assurer du respect du quota de 20 %. Il s'agira d'une mesure temporaire pour donner un coup d'accélérateur à la production de ces nouveaux logements.

Par ailleurs, je proposerai que, dans les communes qui sont encore en deçà du quota, l'octroi des permis de construire soit conditionné à la présence d'au moins 20 % de logements sociaux dans tout projet de construction collective comportant vingt logements ou plus. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - M. Gérard Delfau applaudit également.)

Je défendrai cet amendement jusqu'au bout et avec force, parce que la commission des affaires sociales en fait un amendement de principe. Cette mesure devrait être complémentaire de celle qui est envisagée dans le projet de loi dans le cadre des plans locaux d'urbanisme. Elle prévoit d'ouvrir cette possibilité à toutes les communes, y compris celles qui ne sont pas assujetties à l'article 55 de la loi SRU. Pour la commune qui n'a pas atteint le quota des 20 % de logements sociaux, il s'agira d'une obligation.

MM. Thierry Repentin et Gérard Delfau. Très bien !

Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis. Ces deux amendements très sociaux sont d'autant plus importants que les PLS sont, après revalorisation des plafonds, accessibles à deux tiers des Français. Où s'arrête le logement social ?

Si l'on veut vraiment, aujourd'hui, faire accéder les plus démunis au logement social, il ne faut pas se contenter des PLS, il faut aussi faire du logement très social et s'assurer que, partout où peuvent être construits vingt logements, quatre logements très sociaux seront bâtis. (M. Thierry Repentin applaudit.)

Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis. Enfin, dans la même logique, je vous proposerai un amendement pour que les exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties, la TFPB, accordées aux bailleurs sociaux pour la construction de logements très sociaux soient compensées intégralement par l'État, afin que les pertes fiscales qui en résultent ne constituent pas pour les communes une « désincitation » trop forte à accueillir ce type de logements.

La commission des affaires sociales a choisi de limiter cette compensation aux seules exonérations accordées pour la production des logements très sociaux. Une compensation générale serait bien sûr préférable. Tel est, d'ailleurs, le choix de nos collègues de la commission des affaires économiques et de ceux de la commission des lois, que je salue au passage pour l'énorme travail qu'ils ont fait, mais je n'ignore pas le coût qu'elle représenterait pour le budget de l'État. Le rôle de la commission des affaires sociales est bien évidemment d'encourager au maximum les élus locaux à produire du logement très social.

Quatrième axe : il faut renforcer la solvabilité des ménages face aux dépenses croissantes de logement.

L'augmentation exceptionnelle des prix de l'immobilier pèse lourdement sur le budget des ménages, sans que cette charge ait été compensée par une revalorisation suffisante des aides au logement.

Ainsi, l'indice du coût de la construction, qui sert de base au calcul des loyers, a encore progressé de 3,63 % au deuxième trimestre de 2005, après une hausse de 4,85 % au premier trimestre. Dans le même temps, les aides au logement n'ont été revalorisées que de 1,8 % au 1er janvier 2005. Encore faut-il noter que le forfait « charges » de l'APL n'a, quant à lui, pas été revalorisé du tout. Or, depuis le début des années quatre-vingt, la part des charges dans le coût global du loyer a augmenté d'environ 30 %. Il faudra s'en souvenir quand nous aborderons l'examen des amendements tendant à modifier la répartition et le contenu des charges locatives.

La solvabilité des ménages se trouve donc de fait diminuée. On le constate avec la progression significative des aides versées en cas d'impayés par les fonds de solidarité pour le logement, FSL.

La commission des affaires sociales s'est montrée très sensible à cette situation. C'est pourquoi, en complément de la disposition relative aux interdictions de coupures d'eau, de gaz et d'électricité pendant la période hivernale, je vous proposerai, en son nom, cinq amendements pour prévenir les difficultés rencontrées par certaines familles aux revenus précaires et pour renforcer les moyens des FSL.

Le premier amendement a pour objet de réserver le bénéfice de l'interdiction des coupures d'électricité, de gaz et d'eau durant la période hivernale aux personnes ayant de réelles difficultés financières, afin de limiter les effets d'aubaine. Il prévoit également les obligations d'information qui incombent au fournisseur à l'égard de son client et des services sociaux dans le cas d'un retard de paiement, en précisant notamment l'obligation d'une information du président du conseil général et du maire cinq jours ouvrables avant toute coupure définitive, afin d'éviter que certaines familles ne passent au travers des mailles du filet sans avoir pu être accompagnées par la collectivité, qui représente pour elles le dernier niveau de recours.

Le deuxième amendement tend à compléter le dispositif de la loi de programmation pour la cohésion sociale, qui consiste à donner la priorité aux dettes locatives sur toute autre créance, en particulier sur les crédits à la consommation. Je vous proposerai d'étendre cette priorité de remboursement aux dettes d'eau, d'électricité, de gaz et de chauffage lors des procédures de règlement du surendettement. Cette mesure réduira le besoin de faire appel aux FSL, qui ne seront plus ainsi le recours systématique pour les impayés de loyers ou de factures d'énergie et d'eau.

Les deux amendements suivants visent à améliorer les conditions de versement des aides au logement.

Le premier prévoit la possibilité de verser les allocations sur une base trimestrielle lorsque leur montant mensuel est inférieur au seuil minimal fixé par décret. Cette mesure, qui répond à une recommandation ancienne de notre commission, avait également fait l'objet d'une demande pressante de la part du Médiateur de la République, relayée par notre rapporteur au fond, M. Dominique Braye. Il s'agit d'une mesure d'équité sociale, défendue par tous, depuis longtemps.

Le deuxième amendement est particulièrement important. Il supprime le mois de carence préalable au premier versement de l'allocation logement ou de l'APL, qui a pour effet de déstabiliser le budget des familles les plus fragiles dès l'entrée dans le logement, les obligeant alors à se retourner vers les FSL pour faire face à leurs engagements, ce qui pose un problème aux conseils généraux. En effet, l'allocation étant une prestation de l'État, si ce dernier se désengage, ce sont une fois de plus les collectivités territoriales qui se retrouvent en première ligne. Il est donc juste de rétablir la responsabilité de chacun dans ce domaine.

Le dernier amendement a pour objet de transférer à l'État ou aux EPCI la charge financière des impayés de loyers des logements qu'ils auront attribués sur leurs droits à réservation, malgré le refus d'obtempérer de l'organisme bailleur. Il s'agit de veiller à ce que les FSL ne supportent pas le coût de ces impayés éventuels.

Avant de conclure, je voudrais ajouter que ce texte est aussi l'occasion de dresser un premier bilan des transferts de compétences en matière de logement.

Au cours des différents échanges que j'ai pu avoir avec les acteurs impliqués sur le terrain, il m'est apparu que les programmes locaux d'habitat, les PLH, constituent, aujourd'hui et pour l'avenir, le territoire pertinent pour mettre en oeuvre la politique du logement. Ils permettent, en tenant compte de la réalité des territoires, d'organiser la politique du peuplement et de structurer les projets de construction et de réhabilitation de logements.

C'est le visage de nos villes et de nos agglomérations que nous sommes en train de remodeler. Vous disiez tout à l'heure, monsieur le ministre : « Dessine-moi une maison, dessine-moi une ville ». La connaissance approfondie du terrain, que nous trouvons dans les PLH, est le gage de la réussite des projets que nous entreprenons aujourd'hui. Celle-ci suppose de privilégier des politiques de proximité, afin de ne pas plaquer une vision uniforme sur la diversité des réalités locales.

Dans cet esprit, il nous revient, en tant qu'élus, d'être attentifs à l'évolution de ces réalités, afin de donner des réponses adaptées aux problèmes que nous rencontrons. Il faudra, par exemple, reconsidérer le zonage des territoires, qui ne correspond plus aux situations locales. C'est notamment le cas de nombreuses zones périurbaines, qui demeurent classées en zone 3, au même titre que des territoires ruraux en voie de dépeuplement, alors qu'elles se caractérisent au contraire par une densité de population en constante augmentation et par des prix du foncier de plus en plus élevés, ce qui rend impossible dans ces zones l'accès au logement pour les personnes âgées ou les jeunes ménages modestes.

Voilà donc, monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les réflexions et les propositions de notre commission sur ce texte, dont nous saluons le caractère ambitieux. Son succès nécessite toutefois la vigilance et la mobilisation pleine et entière de tous, qu'il s'agisse des acteurs du logement, l'ANAH et l'ANRU notamment, à qui s'imposent de véritables contrats d'objectifs annuels, des associations d'insertion, mobilisées pour assurer l'hébergement d'urgence et trouver des solutions durables aux problèmes de logement des ménages les plus en difficulté, mais aussi, et peut-être surtout, des élus, qui doivent tous s'associer, sans exclusive ni arrière-pensée, pour répondre à ce défi majeur.

Ce matin, à l'Assemblée nationale, se déroulait la discussion générale sur le budget « ville et logement ». Elle emprunte un chemin qui va totalement dans le sens de ce que je viens d'évoquer et cela me conforte dans l'idée que, dans le cadre de l'article 55 de la loi SRU et sans en changer le périmètre, il faudra renforcer toutes les mesures qui vont dans le sens de son application accrue.

Dans le cadre de ce débat, nous ne devrons pas oublier qu'afin de réaliser des projets de rénovation urbaine ambitieux il est nécessaire d'accorder des moyens humains à la hauteur, pour que nous ne soyons pas obligés de recommencer ce travail titanesque dans dix ans, faute d'avoir suffisamment aidé les populations concernées. Je vous fais confiance pour parvenir à ce résultat, monsieur le ministre, car je sais que vous connaissez bien ces réalités.

La synthèse des orientations qui seront données dans le projet de budget pour accompagner ces populations au niveau tant de l'éducation et de la prévention que de l'emploi, conjuguée à ces politiques de logement et de foncier renforcées nous permettra d'atteindre les objectifs que nous nous sommes tous fixés. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF. - M. Jean-Paul Virapoullé applaudit également.)

M. Gérard Delfau. C'est bien !

M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis.

M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, avec ce texte portant engagement national pour le logement, le Gouvernement ouvre un nouveau chantier pour résorber la crise durable du logement qui touche notre pays.

Ces dispositions législatives, je m'empresse de le rappeler, prennent toute leur importance en s'inscrivant dans le cadre d'un véritable pacte national pour le logement, annoncé le 1er septembre par M. le Premier ministre, et qui intègre également de très nombreuses mesures réglementaires, actuellement en cours de préparation.

Ces dispositions complètent d'abord celles du plan de cohésion sociale, qui consacre un effort sans précédent en faveur du logement social et dont on peut déjà mesurer les premiers effets sur le terrain : 75 000 mises en chantier de logements locatifs sociaux en 2004, contre 42 000 seulement en 2000.

Elles s'inscrivent également dans la continuité de l'ambitieux programme de rénovation urbaine, dont l'objectif est d'offrir un meilleur cadre de vie à tous les habitants des quartiers en difficulté. En effet, elles devraient permettre de faciliter et d'accélérer ces opérations, qui concernent déjà plus de 170 000 logements, dans 240 quartiers où résident plus de 1 500 000 personnes.

Enfin, s'agissant de son volet urbanisme, ce projet de loi, associé aux mesures réglementaires en préparation, facilitera les démarches administratives nécessaires à la construction de nouveaux logements dans nos communes, en révisant une partie de la loi urbanisme et habitat du 2 juillet 2003.

Je n'évoquerai pas en détail le contenu de cet engagement national pour le logement, qui a déjà été présenté par MM. les ministres et largement commenté par mes collègues rapporteurs. Je me contenterai, pour ne pas allonger trop mon propos, de présenter l'esprit des amendements que la commission des lois vous propose.

Mais, avant cette présentation, je voudrais vous faire part, messieurs les ministres, mes chers collègues, d'une réflexion que m'inspire la crise grave que notre pays vient de traverser à travers ce que nous appelons nos banlieues, réflexion que je limiterai évidemment au champ d'action du présent texte.

Outre les difficultés d'éducation, d'insertion, d'emploi et de sécurité récurrentes dans ces quartiers, nous savons tous que nous payons là aujourd'hui le prix d'une conception de l'urbanisme des années soixante parfaitement inadaptée au lien social. Sur ce point, les opérations de rénovation urbaine conduites par l'ANRU devraient remédier, à l'avenir, à cette vision des cités dortoirs.

Pour rompre avec cette logique implacable de fracture sociale et spatiale dont on connaît les conséquences désastreuses, nous devons nous assurer, à mon sens, d'au moins deux démarches au sein des politiques urbaines.

D'abord, il nous faut veiller à ce que la mixité sociale et la dimension humaine des projets constituent une priorité des politiques d'urbanisme dans tout notre pays, et ce sans exception. Le texte que nous examinons aujourd'hui devrait y contribuer.

Ensuite, si la rénovation urbaine et la construction de logements sociaux dans notre pays sont urgentes et nécessaires, elles ne constituent pas pour autant une condition suffisante pour recréer un véritable lien social au sein de ces quartiers et une ouverture à l'échange avec la ville en général.

Le rôle des collectivités, des associations et des agents de médiation sociale est primordial à cet effet et il me semble que l'engagement systématique d'un programme d'accompagnement social des opérations de rénovation urbaine, pour favoriser la cohésion sociale dans notre pays, serait extrêmement utile.

À cet égard, je veux saluer la décision prise par M. le Premier ministre d'abonder à nouveau les crédits des associations qui oeuvrent au quotidien pour lutter contre la fracture sociale et qui, aux côtés des collectivités, constituent des partenaires potentiels essentiels pour la réussite de ces opérations.

Mme Catherine Tasca. Il est grand temps !

M. Daniel Raoul. C'est à peine le quart de ce qui a été supprimé !

M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis. Ces questions méritent, selon moi, un débat qui ne peut avoir lieu à l'occasion de cette première lecture, faute de temps. Mais peut-être pourrions-nous y revenir en deuxième lecture ?

J'en viens aux amendements que la commission des lois, saisie pour avis, vous soumet.

Ils portent sur les articles 1er à 4, 8 et 9 du projet de loi et sont, pour la plupart d'entre eux, communs avec ceux de la commission des affaires économiques avec laquelle, par l'intermédiaire de son rapporteur M. Dominique Braye, nous avons travaillé en parfaite harmonie, de même qu'avec la commission des affaires sociales et son rapporteur, Mme Valérie Létard.

Ces amendements s'articulent autour de cinq axes : accélérer la mobilisation des terrains de l'État au service de la construction de logements ; donner aux élus locaux les moyens de développer la mixité sociale ; privilégier la concertation plutôt que la contrainte dans les rapports entre l'État et les collectivités locales ; améliorer la sécurité juridique des autorisations d'urbanisme et des constructions existantes ; enfin, renforcer la protection des acquéreurs de biens immobiliers.

S'agissant du premier axe, la mobilisation des terrains de l'État, il nous semble nécessaire, d'une part, de permettre la signature d'une promesse ou d'un compromis de vente sous condition suspensive d'un déclassement d'un bien appartenant au domaine public dans un délai de six mois, ce qui permettra d'accélérer les procédures et, d'autre part, de rendre obligatoire la décote prévue par la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, en cas de vente d'un terrain pour la réalisation de logements sociaux.

En ce qui concerne le deuxième axe, c'est-à-dire donner aux collectivités territoriales les moyens de développer la mixité sociale, votre commission préconise, notamment, de prévoir que les catégories de logements et les périmètres dans lesquels elles devront s'inscrire seront définis dans le respect des objectifs de mixité sociale. Elle préconise ensuite de laisser au conseil municipal la responsabilité d'accorder ou non un droit de délaissement aux propriétaires des terrains concernés par l'obligation de réaliser un pourcentage minimal de certaines catégories de logements. Elle préconise en outre de permettre à la commune de récupérer une partie de la plus-value enregistrée par le propriétaire d'un terrain rendu constructible par un document d'urbanisme - proposition identique à celles qui ont été présentées par la commission des affaires sociales et par la commission des affaires économiques. Elle préconise enfin, comme la commission des affaires économiques, de prévoir la compensation intégrale des pertes de ressources fiscales subies par les communes et les EPCI du fait de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties dont bénéficient les logements locatifs sociaux. Il s'agit en l'occurrence d'éviter de pénaliser les communes qui s'engagent dans la réalisation de logements sociaux, notamment dans le cadre des opérations de rénovation urbaine.

Le troisième axe retenu par la commission des lois consiste à privilégier la concertation plutôt que la contrainte dans les relations entre l'État et les collectivités territoriales.

Tout d'abord, pour garantir que les programmes de logements sur des terrains appartenant à l'État et à ses établissements publics ayant le caractère et les effets des opérations d'intérêt national seront cohérents avec le tissu urbain existant, votre commission vous propose de prévoir que les périmètres délimités par décret, premièrement, tiennent compte des projets d'aménagement et de développement durable des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d'urbanisme déjà approuvés, deuxièmement, font l'objet d'un avis des communes et des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de plan local d'urbanisme et, troisièmement, deviennent caducs au plus tard dix ans après leur publication, afin de tenir compte de l'évolution des nécessités d'urbanisme.

La commission formule deux autres propositions.

D'une part, elle suggère de supprimer la possibilité offerte au préfet de se substituer à la commune pour procéder à la modification ou à la révision d'un plan d'occupation des sols ou d'un plan local d'urbanisme approuvé au motif que ce document ne permettrait manifestement pas la construction des logements nécessaires à la satisfaction des besoins. Cette intervention est en effet déjà possible à l'occasion de chaque révision ou à l'occasion de la mise en compatibilité ou la mise en place d'un PLH.

D'autre part, notre commission propose de donner à la commission de médiation - qui associe, auprès du préfet, les collectivités locales, les bailleurs sociaux et les associations - la compétence pour apprécier le bien-fondé des demandes de logement social émanant de personnes occupant des hébergements d'urgence ou de chômeurs de longue durée mal logés et retrouvant une activité, ce qui n'empêche évidemment pas le préfet d'intervenir par la suite.

J'en viens au quatrième axe.

Suivant les préconisations d'un groupe de travail sur la sécurité juridique des autorisations d'urbanisme, présidé par M. Philippe Pelletier, votre commission a adopté quatre amendements qui ont pour objet : premièrement, d'admettre qu'à l'issue d'un délai de dix ans à compter de l'achèvement d'une construction, la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des règles applicables aux autorisations d'urbanisme ne peut plus être opposée ; deuxièmement, de mieux circonscrire l'action en démolition et, en contrepartie, de permettre au préfet, lorsqu'il intervient au titre du contrôle de légalité, de demander au tribunal de grande instance d'ordonner la démolition d'une construction qui aurait été édifiée sur la base d'un permis de construire illégal annulé par le tribunal administratif ; troisièmement, de permettre au juge administratif de n'annuler que partiellement un permis de construire, lorsque certaines parties seulement du projet, détachables de l'ensemble, sont reconnues illégales.

Enfin, cinquième axe, pour renforcer la protection des acquéreurs de biens immobiliers, la commission des lois souhaite, d'une part, unifier les règles applicables aux compromis et promesses de vente en prévoyant un délai de rétractation de sept jours pour l'acquéreur non professionnel, que l'avant-contrat soit établi sous seing privé ou par acte authentique, d'autre part, permettre aux quelque 15 000 négociateurs non salariés employés par les agents immobiliers de bénéficier d'un statut clarifié.

Sous le bénéfice de ces observations et des amendements qu'elle vous soumet, la commission des lois a donné un avis favorable à l'adoption du projet de loi portant engagement national pour le logement.

Cependant, messieurs les ministres, permettez-moi avant de conclure d'appeler votre attention sur les discussions en cours concernant la remise en cause de la loi Malraux prévue par le projet de loi de finances pour 2006.

Au moment où le Gouvernement s'engage dans un pacte national pour le logement, il paraît inimaginable de condamner les opérations de rénovation de centres-villes lancées par les collectivités qui se sont engagées avec un certain courage dans les ZPPAUP, les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, ou dans les secteurs sauvegardés.

En effet, ces opérations contribuent aussi à la mixité sociale dans les centres-villes et ne peuvent être menées à bien en ayant recours aux financements traditionnels des logements sociaux en raison des surcoûts générés par l'intérêt patrimonial des immeubles concernés.

Supprimer ou affaiblir le dispositif fiscal de la loi Malraux reviendrait à laisser dépérir tout un patrimoine des centres historiques qui constitue une richesse incontestable de notre pays. Plus grave encore, cet abandon risquerait de contribuer au développement de cet habitat indigne que nous cherchons précisément à éradiquer et dont nous connaissons les conséquences.

Je souhaite, messieurs les ministres, que vous puissiez vous aussi vous faire l'écho auprès de vos collègues de ces inquiétudes et de la nécessité de conserver les dispositions de la loi Malraux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 75 minutes ;

Groupe socialiste, 49 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 20 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes ;

Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, on peut aujourd'hui mourir parce que le droit au logement, pourtant défini depuis la loi du 31 mai 1990 visant à sa mise en oeuvre, n'est pas appliqué dans notre pays.

Ce printemps et cet été 2005 ont été marqués par les tragiques incendies du Paris-Opéra, hôtel sans confort du ixe arrondissement, dont les chambres étaient louées à un tarif scandaleusement élevé, et celui de l'immeuble du boulevard Vincent-Auriol, dans le xiiie arrondissement, où une association caritative avait hébergé, faute de pouvoir définir des solutions de logement plus adaptées, des familles de salariés et de travailleurs victimes de l'application sans nuance de la loi du marché.

À ces drames humains s'ajoute la campagne lancée en septembre dernier contre les occupants considérés sans droit ni titre de certains immeubles parisiens, comme l'ensemble de la rue de la Fraternité, dans le xixe arrondissement. La presse nous indique, ces derniers jours, que les propriétaires et marchands de biens intervenant sur cet ensemble vont désormais pouvoir réaliser de fructueuses plus-values.

Oui, on peut mourir du non-exercice du droit au logement dans notre pays, tandis que l'état du marché locatif - devons-nous d'ailleurs parler de « marché » quand il s'agit d'un droit élémentaire de la personne humaine qui est ainsi bafoué ? - est tel que des millions de familles sont aujourd'hui privées de toute liberté de choix dans leur parcours résidentiel.

Paradoxe, nombre de ces familles sont éligibles, eu égard à leur situation de ressources, à l'attribution de logements PLA intégration : 60 % des demandeurs de logement sont dans ce cas dans bien des régions de France et n'ont pour l'heure d'autre solution que de payer les loyers exorbitants de logements dits libres, loyers dont la fixation n'obéit qu'aux règles de marché. On paie 400, 500, 600 euros mensuels, pour des revenus familiaux s'élevant parfois à 1 500 euros par mois, dans des logements sans confort, et les demandes de logement social ne sont pas satisfaites !

Enfin, la plus récente actualité, marquée par la révolte des jeunes des quartiers dits sensibles, illustre elle aussi la situation du logement.

Monsieur le ministre, alors que vous évoquiez l'importance structurelle du logement, vous avez rappelé que le premier dessin d'un enfant était souvent une maison. On imagine encore mieux à la lumière de cette évocation le degré de frustration lorsque l'imaginaire ne peut plus s'exercer ! Les familles les plus modestes, les jeunes, souvent précarisés et paupérisés, ne supportent plus la situation qui leur est faite dès lors qu'il s'agit du logement.

La loi du marché se double bien souvent de toutes les discriminations, frappant de plein fouet des milliers et des milliers de familles, aujourd'hui contraintes à la précarité de leurs conditions de logement. Plus de 3 500 000 personnes vivent en situation de surpeuplement, plus de 800 000 sont hébergées chez des tiers, famille ou amis, et 800 000 autres ménages ne doivent de ne pas dormir dehors qu'à des solutions précaires d'hébergement divers. C'est dire l'immensité des problèmes !

On pourrait croire, à la lecture du rutilant intitulé du projet de loi portant engagement national pour le logement, que l'on va chercher, enfin, à définir les solutions pour répondre à l'état d'urgence sociale qui s'exprime en matière de logement.

Reprenant dans ses grandes lignes les thèmes et les termes d'un projet de loi Habitat pour tous que l'on attendait mais que l'on n'a finalement pas vu venir, le texte qui nous est proposé offre-t-il de nouvelles opportunités pour répondre aux besoins en logement ?

Prenons les questions comme elles se posent.

Paradoxe de la situation, la construction de logements s'accroît en 2005, mais la demande demeure forte. À y regarder de plus près, on constate cependant que la construction de logements sociaux n'atteint pas les niveaux escomptés lors de la discussion de la loi de programmation pour la cohésion sociale.

Revenons l'espace d'un instant sur le cheminement qui nous a conduits au texte dont nous débattons.

En 2003, à quelques jours d'intervalle, furent promulguées deux lois, l'une portant orientation et programmation pour la ville et la rénovation urbaine, l'autre portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction.

La mesure phare de la première était la création d'un outil d'intervention en matière de rénovation urbaine, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU, tandis que la seconde était marquée notamment par une réforme de la procédure de confection des plans locaux d'urbanisme mais surtout par l'émergence d'un nouveau produit fiscal d'investissement locatif, le dispositif Robien.

Le moins que l'on puisse dire est que le « Robien » fonctionne, puisque plus de 110 000 des logements construits cette année dans notre pays ont été réalisés sous ce régime, dont le coût pour l'État ne fait que croître - il a quadruplé depuis 2003 -, ces 110 000 logements devant être mis en regard avec les 54 000 logements sociaux aujourd'hui construits dans notre pays...

En 2003 toujours, nous avons débattu de la loi de décentralisation. Celle-ci comportait des dispositions relatives à l'utilisation des enveloppes publiques d'aides à la pierre et à la gestion des attributions de logement.

Dois-je rappeler que le décret d'annulation du 3 novembre dernier a consacré, entre autres choses, l'annulation de 55 millions d'euros sur la ligne destinée à la construction et à la réhabilitation du parc locatif social ?

Dois-je aussi rappeler que, dans le droit fil de cette démarche, se combinant avec le désengagement de l'État dans le financement de l'accession sociale à la propriété, le budget « ville et logement » est orienté à la baisse, près de 130 millions d'euros - 10 % des crédits de 2005 - sur le poste « développement et amélioration de l'offre » ?

Quant aux attributions de logement, force est de constater que bien des choses ne vont pas en la matière et que la quasi-disparition du contingent préfectoral a induit des pratiques peu respectueuses des demandes exprimées par les familles en attente de logement, ce qui a encouragé une importante progression des contentieux.

Le présent texte prétend en son article 9 corriger certaines dérives en permettant la définition de règlements locaux d'attribution de logement et un retour partiel à l'arbitrage du préfet en dernière instance. Mais les procédures ainsi mises en place ne résoudront pas la question posée, et rien ne permettra aux demandeurs de logement de faire valoir, dans des délais suffisamment courts, leur droit à un toit. Devront-ils encore et encore attendre que l'autorité du préfet se fasse respecter pour obtenir le logement auquel ils ont droit ?

Le présent projet de loi n'a en définitive de séduisant que son titre, et ce dernier cache une orientation largement en deçà des attentes, comme le font apparaître la montée des inquiétudes et la révolte des habitants des quartiers.

Concertation parfois escamotée dans les opérations de rénovation urbaine, objectifs de la loi de programmation non atteints en termes de logements sociaux neufs, persistance de l'intolérable attitude des élus refusant de se conformer à la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains en construisant des logements sociaux dans leur commune, poursuite des dérives du marché s'agissant notamment du montant des loyers exigés, tout montre qu'il faudrait une loi de plus grande ampleur que celle qui nous est proposée pour remédier à la situation du logement.

Nous n'avons qu'un ensemble de mesures qui, dans l'immédiat, se bornent à accompagner la mise en oeuvre de politiques définies ces dernières années et déjà financées puisque prévues notamment par la loi de programmation pour la cohésion sociale.

Sur le plan financier, le présent projet de loi n'apporte pas un euro de plus pour répondre à la question du logement dans notre pays. Et il ne comporte pas de mesure nouvelle traduisant une véritable volonté de faire de la réalisation de logements sociaux à loyers accessibles une des priorités de la politique de la nation et de l'action des collectivités territoriales.

Ce texte doit donc être très largement modifié.

Nous l'avons dit, l'exercice budgétaire 2005 a été marqué par des annulations importantes de crédits, consacrées par le décret du 3 novembre.

Les mesures présentées par le Gouvernement sous forme d'amendements au présent texte ne règlent en rien les questions posées. En effet, alors que l'urgence d'une véritable programmation s'impose pour créer un parc réellement social, le Gouvernement ne propose que des mesures de nature fiscale, sans engagements nouveaux de crédits.

Nous formulons donc pour notre part et pour l'immédiat un certain nombre de propositions, pour certaines plus audacieuses que celles qui sont contenues dans le projet de loi.

Nous les appuyons sur le vécu même des demandeurs de logement, des associations de locataires et du cadre de vie, des acteurs du droit au logement qui nous ont fait part de leurs observations, de leurs analyses et de leurs propositions.

Nous les appuyons également sur une initiative politique : le 5 novembre dernier se sont tenus à Bobigny les deuxièmes États généraux du logement et de la ville, qui ont rassemblé, autour des questions du droit au logement et de la ville, plusieurs centaines d'intervenants et de participants d'origines fort diverses.

Parmi les propositions constitutives de ce qu'il faut bien appeler un service public national du logement de nature à permettre l'exercice effectif du droit au logement, relevons le nécessaire allégement des contraintes de financement des logements sociaux, la mise en oeuvre effective des obligations de construction de logements sociaux par toutes les communes, le renforcement de la qualité et de l'efficacité des aides personnelles au logement - sur ce point, j'approuve toutes les propositions faites par notre collègue Mme Valérie Létard -, ou encore la mise à disposition gratuite des terrains cédés par l'État pour la réalisation de programmes locatifs sociaux.

Il est temps, plus que temps, que les dispositions de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains trouvent enfin application. C'est un débat difficile mais nécessaire, et nous devons cette fois aller jusqu'au bout : 742 communes de notre pays ne respectent pas la règle des 20 % de logements sociaux et, même si certaines se sont engagées dans ce programme, il reste encore beaucoup à faire ! Nous formulerons donc dans ce débat plusieurs propositions pour rendre à ce principe toutes ses possibilités d'application.

Du retour précis au texte de 2000, en passant par une utilisation optimale des terrains cédés par l'État, tout doit tendre à ce que l'objectif de construction de logements sociaux soit atteint.

Et nous estimons même qu'il est temps, au regard de l'expérience, de pénaliser plus sévèrement les communes qui n'appliquent pas la loi

En effet, au-delà des discours sur l'urbanisme, le devenir de la ville ou l'aménagement du territoire, cette loi doit enfin donner au droit au logement de nos concitoyens tout son sens. Nous proposerons de rendre nettement plus coercitif le montant des pénalités.

Telle est la priorité que nous devons nous fixer, répondre à l'attente de la population de notre pays, au-delà de toute autre considération.

Il va sans dire que, sans inflexion de son contenu, nous ne pourrons pas voter ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Gautier.

Mme Gisèle Gautier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, d'après une récente étude, le logement constitue la sixième préoccupation des Français, ce qui explique en partie que nous soyons appelés une troisième fois, en l'espace de trois ans, à examiner un projet de loi pour apporter de nouvelles solutions à ce qui constitue aujourd'hui un véritable fléau de notre société moderne, à savoir une crise majeure du logement.

Cette crise se manifeste autant par une carence d'offres locatives, de construction de logements sociaux, que par la flambée des prix, la pénurie et la cherté du foncier. Par exemple, selon les chiffres cités dans le rapport de notre collègue, Thierry Repentin, du groupe de travail "Foncier et habitat", présidé M. le rapporteur, le prix du terrain à bâtir a augmenté de 40 %, pourcentage considérable, entre 1999 et 2004, en cinq ans, donc.

À cette occasion, je tiens à saluer, monsieur le ministre, votre volonté politique d'encourager un retournement de situation. Plus que jamais le besoin d'une offre plus importante de logements est pressant. Plus que jamais la question du droit au logement se pose en des termes cruciaux.

Les chiffres de la construction de logements sont, à ce titre, éloquents. Ainsi, en 1980, 400 000 logements étaient mis en chantier ; en 2001, le chiffre a chuté à 303 000. En 2004, la construction reprend, mais reste insuffisante pour répondre aux besoins. S'agissant des logements sociaux, depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, alors que le nombre total de logements locatifs sociaux financés s'élevait à près de 80 000 en 1994, ce chiffre se situait à 38 000 en 2000. Le Gouvernement a entrepris de rattraper ce retard, mais ce ralentissement du rythme de production a indéniablement créé un déséquilibre entre l'offre et la demande.

Depuis quelques années, vous avez amorcé, monsieur le ministre, un mouvement inverse, salutaire, que nous devons poursuivre, soutenir sans relâche, tant les efforts à produire sont encore nombreux.

C'est pourquoi je suis convaincue qu'au-delà des mesures prises chaque année au coup par coup créant de nouvelles subventions, de nouveaux avantages fiscaux - aux effets plus qu'incertains sur le logement social - il faut réfléchir de manière plus générale, plus approfondie, pour permettre d'offrir à chacun un parcours résidentiel dans la dignité.

Le logement est indiscutablement un élément majeur de cohésion sociale, on l'a dit et on le répétera. Avoir un toit, c'est bien sûr avoir une adresse, c'est l'assurance d'avoir une existence sociale, c'est le cadre de vie et d'expression d'une famille. Avoir un logement, c'est assurer aux enfants un cadre de vie sain où ils peuvent s'émanciper, s'épanouir dans les meilleures conditions.

Et ce constat est d'autant plus important que les évolutions récentes des caractéristiques de notre société, à savoir le vieillissement de la population, l'augmentation des familles monoparentales, des divorces et des gardes partagées, renforcent la vulnérabilité de nos sociétés dont la pénurie de logement n'est que l'expression et l'offre, une solution.

C'est donc dans le cadre du pacte national pour le logement que vous nous proposez d'examiner diverses mesures d'«engagement national pour le logement ».

Vos objectifs sont de trois ordres : libérer le foncier, développer l'offre de logement ainsi que l'accès au logement, et améliorer les conditions de logement de nos concitoyens.

Bien entendu, nous soutenons ces objectifs et l'ensemble des mesures qui en découlent.

Je voudrais notamment saluer les dispositions qui favorisent l'accession à la propriété. Au surplus, nous avons pris acte de vos récentes annonces concernant votre volonté de développer des rencontres avec les représentants du secteur HLM afin de les encourager à vendre davantage leur parc immobilier.

L'accession à la propriété constitue l'aboutissement d'un parcours résidentiel réussi. La France est - faut-il le regretter ? - l'un des pays où le taux de propriétaires est le plus faible. On n'y dénombre en effet que 56 % de propriétaires, soit un niveau beaucoup plus faible que dans d'autres pays de l'Union européenne : la Grèce, par exemple, compte 74 % de propriétaires, l'Espagne, 83%, et l'Irlande, 78%. Le différentiel est donc important.

Toutefois, si nous souscrivons aux mesures proposées dans ces onze articles que je ne détaillerai pas, il me semble légitime de s'interroger sur leur impact réel. Ces mesures, très certainement nécessaires, témoignent d'une dynamique politique, qu'il faut saluer, de faire bouger les choses. Elles sont cependant la source d'un certain nombre d'inquiétudes exprimées par mes collègues du groupe UC-UDF, dont je souhaite me faire l'écho.

Ainsi, les premiers articles pour libérer le foncier ne concernent que le parc immobilier de l'État, champ d'action relativement restreint pour véritablement parler de solution à la pénurie du foncier. Je ne conteste pas cette proposition sur le fond, car elle répond à un besoin essentiel de libérer le parc immobilier de l'État, mais, face aux enjeux, son impact me paraît bien faible.

Par ailleurs, quelques collègues m'ont exprimé certaines inquiétudes en ce qui concerne l'article sur le surloyer et celui sur les nouvelles procédures d'attribution des logements aux plus défavorisées. Leurs interrogations portent surtout sur les conséquences de ces mesures sur la mixité sociale des quartiers. Après avoir créé des quartiers ghettos, ne sommes-nous pas en train de créer des HLM ghettos ? (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.).

Bien entendu, il est nécessaire de stimuler la mobilité dans les logements sociaux, de rompre avec les abus inacceptables qui empêchent de répondre à toutes les demandes et sollicitations les plus légitimes, de faire sortir du parc social les personnes qui, ne l'oublions pas, disposent de revenus leur permettant de supporter largement les prix du marché privé.

Mais, comme je le disais, nous avons des craintes pour le maintien de la mixité sociale, car on écartera du parc social les personnes dites de classe moyenne, on empêchera un brassage nécessaire des populations. Or ce brassage est important dans la mesure où il contribue à faire évoluer les mentalités au sein de notre société.

Notre collègue Dominique Braye a évoqué tout à l'heure les maires qui ne respectent pas l'obligation de 20 % de logements locatifs sociaux sur le territoire de leur commune. Si ces maires sont, de ce fait, montrés du doigt, il faut aussi comprendre certaines difficultés qu'ils rencontrent pour faire évoluer les mentalités et faire accepter l'idée que la construction de logements sociaux n'est pas automatiquement synonyme d'insécurité, loin s'en faut ; il faut le répéter, je crois que c'est indispensable.

Parallèlement, les vifs commentaires en réaction à cette annonce témoignent d'un autre malaise, celui de la paupérisation des classes moyennes. Il s'agit d'un constat bien réel dont il faut prendre la mesure, car au-delà du danger pour la mixité sociale, les modifications proposées peuvent placer un grand nombre de familles dans des situations particulièrement délicates et avoir un impact très négatif sur leur pouvoir d'achat.

S'agissant de la réforme par ordonnance du statut des offices d'HLM, je me permets, monsieur le ministre, de rappeler que j'avais adressé à ce sujet à votre prédécesseur un courrier le 21 octobre 2002, resté à ce jour sans réponse. Cela fait un peu plus de trois ans, c'est dire que les craintes exprimées par de nombreux permanents des OPHLM et des OPAC, dont je m'étais fait l'écho, étaient justifiées puisque, à l'article 8 du projet de loi, il est prévu d'habiliter le Gouvernement à réformer par ordonnance le statut de ces offices et leurs agents en leur substituant un «office public de l'habitat ».

Or il me semble impératif que le statut de droit public des personnes soit maintenu dans la fonction publique territoriale, pour et par un véritable service public de qualité et non pour développer une « fonction marchande » par un service commercial et de rentabilité du logement social. Selon moi, il n'est par concevable, et encore moins réaliste, d'instaurer une structure à deux statuts incompatibles, celui du droit public et celui du droit privé !

M. Gérard Delfau. Très bien !

Mme Gisèle Gautier. Je souhaitais vous interroger, monsieur le ministre, pour que vous apportiez solennellement une réponse rassurante à ces personnes dont les compétences et la volonté ne sont plus à démontrer.

Enfin, je voudrais terminer en insistant sur la nécessité de rendre opérationnels tous les outils qui sont mis à disposition pour la construction de logements.

Le risque d'une législation trop fleurissante, c'est d'augmenter les contraintes qui ralentissent les rythmes de construction, empêchant de répondre à l'urgence de la crise. L'autre risque, c'est d'avoir une législation et une réglementation qui ne soient pas adaptées aux réalités des territoires. Par exemple, le zonage servant de référence à l'attribution des différentes aides à la pierre et des aides à la personne se révèle aujourd'hui complètement inadapté aux différentes caractéristiques territoriales.

Nous le savons, la réticence vient du coût qu'engendrerait cette réforme. Je crois toutefois que, face à la crise que nous traversons, il est plus utile de mettre à la disposition des acteurs du logement tous les outils efficaces et adaptés, plutôt que de camper sur des considérations purement budgétaires, les conséquences n'en seront que profitables.

Telles sont, monsieur le ministre, mes chers collègues, les quelques remarques que je voulais exprimer au nom du groupe UC-UDF. Je le répète, nous approuvons sur le fond la plupart des propositions qui sont faites, mais si certaines sont sujettes à de véritables appréhensions, c'est sur la portée de ces mesures que nous nous interrogeons. Voilà pourquoi nous attendons beaucoup de l'examen de ce projet de loi, espérant un enrichissement conséquent de son contenu par l'adoption des amendements présentés par notre collègue Dominique Braye, et de ceux que nous défendrons. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je m'adresserai plus au ministre en charge du logement qu'à celui qui est chargé de l'urbanisme, même si, en amont de la construction de logements, il est nécessaire d'avoir des règles nous permettant de mener à bien nos projets.

Il y a quelques semaines, monsieur le ministre du logement, vous avez adressé une circulaire à l'ensemble des préfets des départements. Vous leur demandiez de dresser, le cas échéant et après analyse locale, des constats de carence à l'encontre des communes qui ne respectent pas l'obligation, instaurée par la loi, d'accueillir sur leur territoire des logements pour tous, du logement social.

En effet, notre pays est non pas l'addition de 36 000 républiques, mais la juxtaposition de 36 000 communes soumises aux mêmes droits et obligations édictés par la loi.

À cet égard, je me permets de lire un extrait d'un discours : « J'appelle aussi tous les représentants des communes à respecter la loi qui leur impose d'avoir 20 % au moins de logements sociaux. Oh, j'ai conscience des difficultés. Mais on ne sortira pas de la situation actuelle si l'on ne met pas en cohérence les discours et les actes. »

M. Gérard Delfau. Il a bien parlé !

M. Thierry Repentin. Monsieur le ministre, votre circulaire est donc une initiative qui doit être saluée, et sans doute M. le Président de la République s'est-il inspiré des idées que vous lui suggérez.

Je n'avais pas prévu de parler du bilan de la loi SRU, mais puisqu'elle a été citée à plusieurs reprises, notamment en ce qui concerne son article 55, je souhaite tout même dire que, dans les bilans aujourd'hui connus et largement repris par la presse, même dans les communes où le retard est a priori le plus difficile à rattraper compte tenu d'une situation tendue et d'un grand manque de disponibilité du foncier, certains respectent totalement le plan de rattrapage sur trois ans, et d'autres vont même au-delà.

Ainsi, les deux plus grandes villes de France, et ce malgré un changement de majorité municipale qui ne favorise pas la mise en place rapide d'une nouvelle politique urbaine, ont complètement répondu aux obligations de l'article 55 de la loi SRU : Paris, à quelques unités près, et Lyon, en réalisant trois fois plus de logements sociaux que ce que prévoyait la loi.

M. Philippe Dallier. Les plus riches !

M. Thierry Repentin. À propos de ce rattrapage du retard par ces communes qui étaient riches avant le changement de majorité de la municipalité, je souhaiterais m'adresser à Mme le rapporteur pour avis, qui nous a exhortés à rattraper sur nos territoires respectifs ce retard en faisant du logement locatif pour tous. S'agissant des deux communes susmentionnées, la part de PLS, c'est-à-dire les logements sociaux qui ne sont accessibles qu'à partir du moment où vous avez un revenu au moins équivalant à deux SMIC par mois, ne dépasse pas 30 % de la production, ce qui veut dire qu'il est possible de faire, et de faire du logement socialement accessible.

Pour sa part, le groupe socialiste du Sénat a dressé son propre constat de carence à l'égard d'une politique nationale en matière de logements socialement accessibles qui n'est pas toujours au rendez-vous : abandon de la revalorisation des aides aux logements qui concerne plus de 6 millions de ménages ; choix d'une politique fiscale s'orientant vers le soutien à la production de logements locatifs situés au-delà des prix de marché ; manque de volontarisme pour affirmer l'absolue nécessité de construire plus de logements sociaux, qui sont avant tout les logements dont les loyers sont les plus bas, c'est-à-dire ceux qui à la production coûtent le plus cher à l'État lors de leur financement, je pense tout particulièrement aux PLAI et aux PLUS.

Ce constat de carence ne va, bien sûr, pas sans ses corollaires que personne ne peut contester et auxquels plusieurs orateurs ont fait référence : paupérisation des ménages à l'égard du paiement de leur loyer faute d'une revalorisation au rendez-vous ; poids sans cesse croissant des aides fiscales pour les investissements locatifs libres au sein du budget de l'État, en augmentation de 9,3 % pour 2006 dans ce domaine très précis ; envolées record des coûts de la construction et des prix du foncier qui pénalisent en premier lieu les acteurs du logement social et entraînent in fine une liste d'attente de 1 300 000 familles qui viennent frapper à la porte des organismes de logement.

Le paradoxe de l'année 2004 est à lui seul éclairant. En effet, la construction de 400 000 logements, un record depuis plusieurs années - sans doute depuis plus de vingt ans, personne ne le conteste - s'est accompagnée, dans le même temps, d'un effondrement de la part des logements locatifs sociaux, soit seulement 160 000 logements accessibles sous conditions de ressources, issus de la construction ou de la rénovation - car, à côté des logements neufs, il y a des logements remis sur le marché -, contre un peu plus de 210 000 trois ans auparavant, ce qui était déjà insuffisant.

Or, face à ce tarissement de l'offre socialement accessible, il n'existe plus de parcours résidentiel, plus de rotation dans le parc social, qu'il relève d'ailleurs du secteur public ou du secteur privé. En effet, ce dernier, comme le secteur public, peut aussi jouer un rôle pour l'accueil des ménages les plus modestes.

C'est dans ce contexte de pénurie, de précarisation et de contestation - pourquoi le cacher ? - des choix budgétaires que le groupe socialiste a pris la décision de déposer ses propres propositions - cent amendements -, que nous soumettrons d'ailleurs à la représentation nationale à travers une proposition de loi dont nous avons décliné les éléments à l'occasion de l'étude de l'engagement national pour le logement.

Nous avons attendu avec intérêt l'inscription en conseil des ministres du projet de loi annoncé par votre prédécesseur puis par vous-même, monsieur le ministre, intitulé « Habitat pour tous ».

Les milieux professionnels consultés alors nous laissaient espérer une palette de propositions variées dans des domaines d'interventions touchant à toute la chaîne de production du logement. Ce projet de loi serait constitué de soixante à soixante-dix articles, nous disait-on, parallèlement aux trente-huit articles que comportait notre proposition de loi.

C'est donc peu dire notre frustration et celle des acteurs du monde du logement à l'annonce du « contenu » de l'engagement national pour le logement : pas un mot à destination des habitants eux-mêmes, pas un sourcil froncé à l'égard des élus qui pratiquent de fait la discrimination territoriale, pas une incitation pour créer de nouveaux outils favorisant l'émergence d'un parc social plus important.

Par quels mystères - ou, devrais-je dire, par quels arbitrages - s'expliquerait un rétrécissement aussi sévère de près de soixante-dix articles à onze ?

En nous présentant un texte quelque peu squelettique, le Gouvernement adopte-t-il une stratégie pour que nous modelions ensemble un corps moins chétif qu'il ne l'aurait été s'il l'avait laissé bâtir par le travail interministériel, toujours plus tourné vers l'exigence budgétaire que vers la réponse à la demande sociétale, celle de nos concitoyens ?

Cherchez-vous des soutiens au Parlement qui vous feraient défaut ailleurs, monsieur le ministre ?

C'est cette perspective qui nous semble la seule réponse décente à opposer à l'analyse des onze articles proposés à la discussion parlementaire et qui constituent, pour le moment, une peinture en trompe-l'oeil entre les bribes d'un exposé des motifs suggérant que des dispositions conforteront une politique volontariste pour le logement social et des articles qui, s'ils étaient adoptés en l'état, seraient non seulement inopérants à l'égard de cet objectif mais, au contraire, le contrecarreraient.

C'est dans cette optique consistant à rechercher les moyens de construire plus pour répondre à l'aspiration légitime de nos concitoyens de pouvoir se loger selon leurs besoins et leurs moyens, et de disposer d'un logement choisi plutôt que subi, que notre groupe défendra une centaine d'amendements, dont aucun, je dis bien « aucun », ne relève d'une logique d'obstruction. Ils sont tous mus, en effet, par une volonté d'équité et d'ambition sociale dans un domaine où les responsabilités du succès et de l'échec sont à rechercher en direction non pas exclusivement de l'État mais également de certains élus des collectivités territoriales.

L'un de ces derniers, la semaine passée, répondant à un journaliste qui l'interrogeait sur le bien-fondé de son idée de créer une association des maires opposés à l'idée d'admettre sur leur commune des logements sociaux, se justifiait en ces termes : « On ne construit pas en claquant des doigts ».

M. Dominique Braye, rapporteur. C'est vrai !

M. Thierry Repentin. Certes ! Encore faut-il que cette catégorie d'élus ne parle plus du logement social et de leurs habitants pour faire « claquer des dents » !

Monsieur le ministre, rejoignant l'ambition nouvelle et très récente que j'ai citée, exprimée par M. le Président de la République, mais qui doit être prolongée par des avancées législatives pour être exaucée s'agissant de la construction de logements pour tous, nous abordons ce débat avec détermination et avec l'espoir que puissent être retenues, sur toutes les travées, les suggestions qui permettraient d'apporter des réponses à la crise qui meurtrit depuis plusieurs semaines trop de quartiers urbains.

Le Sénat, sur ce sujet qui touche au foncier, à l'urbanisme, aux droits des sols, à la fiscalité, au logement a montré récemment qu'il pouvait faire des propositions qui recueillent l'unanimité de ses membres, y compris à travers un certain nombre de rapports, ce dont plusieurs orateurs ont d'ailleurs fait état.

A l'issue des débats, nous nous positionnerons donc, non sur le texte proposé, monsieur le ministre, mais sur votre capacité à le voir construit avec des suggestions faites par tous les groupes ici représentés, en fonction de votre écoute et de celle des rapporteurs sur un sujet qui nécessite du courage et de l'audace partagés, et sur la capacité ou non du Sénat à apporter, le premier, de vraies réponses de fond à la crise des banlieues et de leurs collectivités territoriales, parce que ces réponses auraient été élaborées avant toute autre considération sur la base de notre expérience du quotidien.

Le groupe socialiste s'engage donc dans ce débat en espérant que le texte final sera le plus audacieux et le plus volontariste possible, compte tenu du contexte d'urgence sociale dans lequel il est élaboré.

Il nous reste donc à adopter des mesures destinées à redonner du pouvoir d'achat aux ménages modestes -  Mme le rapporteur pour avis l'a indiqué -, à insérer dans nos codes des dispositions en faveur du logement des plus défavorisés et des ménages modestes - cela a également été proposé par plusieurs rapporteurs -; à proposer la mixité, ou mieux, la diversité sociale, en renforçant - pourquoi pas ? - l'article 55 de la loi SRU, à accompagner les élus bâtisseurs, à sécuriser la relation entre les bailleurs et les locataires grâce à une offre plus diversifiée.

En conclusion, je souhaiterais vous dire, monsieur le ministre, que, durant mes deux mandats d'adjoint à l'urbanisme dans une ville où la situation en matière de logements était tendue parce que cette ville est située au sein d'une agglomération attractive, jamais je n'ai vu, à partir du moment où la demande du permis de construire était déposée, un projet porté par un promoteur immobilier avorter. Nous avons toujours trouvé une solution, par la concertation, pour que tel ou tel promoteur puisse effectivement mener son projet à bien, tout en intégrant, bien sûr, les souhaits des élus.

En revanche, j'ai pu constater qu'un certain nombre de projets émanant d'organismes de logements sociaux n'ont pas pu aller jusqu'à leur terme. Cela semble plus difficile : les voisins se montrent, étrangement, plus réticents dès lors que la nature du signataire du permis de construire laisse à penser que la commune devra accueillir du logement social ! Le prix du foncier n'est pas nécessairement compatible avec l'équilibre d'opérations menées par les organismes de logement social.

Tout cela pour vous dire, monsieur le ministre, que si personne ne conteste qu'il faut intervenir sur tous les maillons de la chaîne du logement - je dis bien « tous » -, force est de constater que sur la base de notre expérience d'élus locaux c'est tout de même dans le domaine du logement social que les difficultés au quotidien sont les plus criantes.

C'est la raison pour laquelle j'espère que, grâce à la prise en compte de certaines idées qui ont été avancées et de certaines suggestions qui ont été faites par les uns ou les autres, nous trouverons des réponses à apporter aux élus de ces territoires afin qu'ils puissent véritablement accueillir une plus grande part des familles de notre pays.

Peu importe qui en assumera la paternité car in fine ce qui doit nous motiver c'est la réponse à apporter aux 1 300 000 ménages qui aujourd'hui attendent un logement, et ce dans une vision d'équilibre, autrement dit, à travers la mise en place de logements sociaux partagés partout sur notre territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - M. Gérard Delfau applaudit également).

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier.

M. Philippe Dallier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les dramatiques incendies survenus l'été dernier à Paris, l'actualité récente dans les banlieues de nos villes, les nombreuses prises de position des uns et des autres, dont les médias se sont largement fait l'écho, montrent, à l'évidence, que notre débat sera marqué par les propositions d'amendements sur les dispositions introduites par l'article 55 de la loi SRU.

Depuis des semaines, dans une ambiance véritablement délétère, les maires dont les communes ne disposent pas du quota de 20 % de logements sociaux sont devenus de véritables boucs émissaires, responsables de la crise du logement, des émeutes urbaines, et même des morts dans les incendies parisiens.

Les propositions fusent pour mettre au pas ces « hors-la-loi » et contraindre leur population privilégiée à accepter la mixité sociale.

Il faudrait ainsi multiplier par cinq, par six, voire par dix, les pénalités, ou la dépense obligatoire, entend-t-on ici, tandis que, là, il est proposé de supprimer toutes les subventions allouées à ces communes, de rendre leurs maires inéligibles, quand il ne s'agit pas purement et simplement de les démettre de leurs fonctions !

Il ne restera bientôt plus, à tous ces champions de la surenchère médiatique, que de requérir l'indignité nationale, la prison ou l'exil pour, à coup sûr, être les mieux-disants de cette caricature d'analyse de la problématique ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Gérard Delfau. C'est excessif ! (M. Christian Demuynck fait un signe de dénégation.)

M. Philippe Dallier. C'est vous qui êtes excessifs, messieurs !

Pour eux, le débat se résume en ces termes : c'est Neuilly-sur-Seine contre Clichy-sous-Bois, les riches contre les pauvres.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, j'en appelle à la sagesse de notre assemblée afin que le débat qui s'ouvre soit marqué par le retour à la sérénité sur un sujet aussi sensible.

Nous ne pouvons, je crois, qu'être d'accord, sur toutes les travées, pour reconnaître la diversité des 36 000 communes de France...

M. Christian Cambon. Très bien !

M. Philippe Dallier. ...et face à ce constat l'objectivité et le bon sens devraient prévaloir.

Pour vous convaincre, dans les quelques minutes qui me sont imparties, de l'iniquité des dispositions actuelles qui s'appliquent, sans distinction aucune, à la Seine-Saint-Denis comme à la Creuse, aux villes riches comme aux villes pauvres, aux villes endettées comme à celles dont l'autofinancement est confortable, aux villes qui disposent de foncier disponible comme à celles qui en ont peu ou n'en n'ont pas, je voudrais citer un exemple.

Cet exemple, vous me le pardonnerez, c'est celui de ma commune, mais, après tout, on ne parle bien que de ce que l'on connaît.

Le crime des Pavillons-sous-Bois, c'est certainement son nom ! Ses 20 000 habitants vivent au coeur de la Seine-Saint-Denis, aux limites de Bondy et de sa zone urbaine sensible, d'Aulnay-sous-Bois, de Livry-Gargan, du Raincy et de Villemomble.

Cette ville, comme toutes les autres de notre pays, a un passé, une histoire. Une histoire politique : elle a été gérée pendant quatre-vingt-trois ans par le parti socialiste ; je n'en suis devenu le maire qu'en 1995. Une histoire sociale : elle est constituée, mais en partie seulement, d'un tissu pavillonnaire dont la taille moyenne des parcelles ne dépasse pas 275 mètres carrés. C'est dire si nous y trouvons des gens fortunés !

Ces petits pavillons de banlieue ont été construits, en un siècle, par des ouvriers et des employés venus chercher ici un morceau de terrain pas trop coûteux et pas trop éloigné de Paris. Comble du comble, ce sont à eux, et à leurs enfants, que l'on vient dire aujourd'hui, en pleine Seine-Saint-Denis, qu'ils sont privilégiés !

M. Christian Cambon. Très bien !

Mme Michelle Demessine. Vous n'avez rien compris !

M. Philippe Dallier. Certes, nous sommes toujours des privilégiés pour quelqu'un, mais tout de même, la caricature finit par lasser.

MM. Christian Cambon et M. José Balarello. Très bien !

M. Philippe Dallier. Dans les dix dernières années, 300 logements sociaux ont été construits, ce qui représente 35 % des constructions nouvelles, et même 45 % des programmes de logements d'initiative communale. Qui, ici, osera me dire que je suis hors la loi ?

Vous m'accorderez qu'une telle proportion n'est pas négligeable. Or, malgré cela, certains soutiennent, je les ai déjà entendus, que j'aurais dû bâtir 100 % de logements sociaux pour rattraper mon retard !

M. Dominique Braye, rapporteur. Pour les détruire dans dix ans !

M. Christian Cambon. C'est absurde !

M. Philippe Dallier. Belle idée que de rééditer, au beau milieu du « 93 », les mêmes erreurs que voici 40 ans, c'est-à-dire faire sortir de terre un quartier nouveau uniquement composé de logements sociaux !

M. Christian Demuynck. Tout à fait !

M. Philippe Dallier. Cet effort très important de construction a amené pratiquement 3 000 habitants supplémentaires, pour lesquels il a fallu construire une école, une crèche, une mairie annexe et, bientôt, une salle de sport, alors que nous supportons, depuis dix ans, une dette si énorme que l'intégralité du produit de la taxe d'habitation ne suffit pas à rembourser son annuité.

Le potentiel fiscal de ma commune est inférieur de 26 % à la moyenne de la strate régionale. Le revenu moyen par habitant y est inférieur de 15 % à la moyenne de la strate régionale. Notre taux de chômage est supérieur à la moyenne nationale, de même que le taux d'allocataires des minima sociaux.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, et vous, mesdames, messieurs les journalistes, dont les analyses s'apparentent trop souvent, sur ce sujet, aux déclarations à l'emporte-pièce de donneurs de leçons, s'agit-il là d'une ville riche ou peuplée de riches, égoïste, repliée sur elle-même ? Je défie quiconque, ici, de me le démontrer ! (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)

M. Yves Coquelle. Ce ne sont que de belles paroles !

M. Philippe Dallier. Non, monsieur, ce sont des réalités !

Pourtant, la loi SRU et son fameux article 55 s'appliquent à ma commune de la même manière qu'à celles qui, depuis dix ans, n'ont rien fait, ou presque rien, alors qu'elles en avaient les moyens financiers ! Est-ce juste ?

M. Philippe Dallier. Aujourd'hui, il faudrait que nous construisions encore 800 logements sociaux pour atteindre les fameux 20 %. Vous rendez-vous compte de ce que cela représente, alors qu'il reste très peu de foncier disponible, et de surcroît à des prix exorbitants ? Cela signifie que nous sommes condamnés, jusqu'à ce que mort s'ensuive, à payer les pénalités prévues par la loi.

M. Philippe Dallier. Sur ce point précis, je souhaite m'adresser directement à notre collègue Repentin, afin de lui demander s'il mesure les conséquences qu'entraînerait, sur la population de ma commune, sa proposition de multiplier par cinq, puis par dix, le montant des pénalités encourues ? Celles-ci équivalent aujourd'hui à 3 % du produit de la taxe d'habitation, qui passe en totalité dans l'annuité de la dette. Demain, elles en représenteraient 15 %, puis 30 %.

Comprenez-vous ce que cela signifie ? Quelle collectivité est capable, du jour au lendemain, de dégager une part aussi importante de ses ressources sans en faire supporter les conséquences à sa population ? Quel service devrais-je supprimer ? La seule solution sera-t-elle d'augmenter les impôts locaux ?

Est-ce là ce que vous proposez ? Pénaliser des gens dont le revenu est inférieur de 15 % à la moyenne régionale ? Est-ce là votre conception de l'égalité et de la justice ?

M. Philippe Dallier. De plus, les dispositions que vous nous suggérez de durcir ne laissent aucune marge de manoeuvre aux communes, puisque celles-ci n'ont, en réalité, le choix qu'entre payer une amende ou engager une dépense d'un montant équivalent.

Avez-vous songé qu'un maire pouvait construire des logements sociaux sur le territoire de sa commune sans pour autant utiliser directement les ressources de cette dernière ? La garantie des emprunts accordée par la ville aux organismes d'HLM suffit bien souvent. C'est ce que nous avons fait aux Pavillons-sous-Bois. Pourquoi ne pas le reconnaître et vouloir à tout prix taxer ces communes qui devront déjà supporter la charge financière que représente tout nouvel habitant ?

Il s'agit donc bien là d'une dépense obligatoire, qui pèse sur les communes sans aucune distinction, qu'elles soient riches ou pauvres, et surtout, ce qui est plus scandaleux encore, sans que ces pénalités ni la dépense équivalente soient proportionnées aux ressources !

Ainsi, pour 800 logements manquants, ma commune, qui n'est pas riche, payera autant que les communes les plus favorisées d'Île-de-France.

M. Jean Desessard. Déposez un amendement sur ce point !

M. Philippe Dallier. Est-ce là votre vision de l'équité ?

M. Gérard Delfau. Mais non !

M. Philippe Dallier. C'est pourtant ce que vous proposez, ne prétendez pas le contraire ! Telle est la lettre de l'article 55 ! Et vous voulez accroître les pénalités !

M. Thierry Repentin. Le rattrapage est sur 20 ans !

M. Gérard Delfau. Effectivement !

M. Philippe Dallier. Le quota de 20 % de logements sociaux est devenu l'alpha et l'oméga de nos politiques de péréquation, puisqu'il joue de manière importante dans le calcul de la DSU ! Je n'ai rien à y objecter, si ce n'est que les communes qui, comme la mienne, ne perçoivent que la part forfaitaire de la DGF ont vu, en dix ans, baisser leurs dotations d'État d'environ 10%, précisément au profit des villes qui bénéficient de la DSU ou de la DSR.

Mme Michelle Demessine. C'est pourquoi il faut donner plus de DGF à tout le monde !

M. Philippe Dallier. La péréquation existe déjà, elle a été renforcée par la loi de programmation pour la cohésion sociale, et, une fois encore, je n'ai rien à y objecter.

Toutefois, si, à cette péréquation, s'ajoutent les pénalités de la loi SRU ou la dépense équivalente, tout est réuni pour étrangler financièrement des villes qui ne sont pas riches et à qui vous demandez, de surcroît, d'accueillir des populations nouvelles, pour lesquelles il faut construire et faire fonctionner de nouveaux équipements publics.

M. Thierry Repentin. C'est partout pareil !

M. Yves Coquelle. Parce que ceux qui construisent des logements sociaux ne sont pas riches !

M. Philippe Dallier. Nous nous trouvons dans une situation absurde. Ceux qui se sont donné la peine d'étudier la situation de ma commune ont d'ailleurs reconnu qu'elle constituait, avec une quinzaine d'autres villes, un cas particulier. Ils admettent qu'elle n'est pas riche, qu'elle n'a droit à aucune aide et, en outre, qu'elle sera désormais financièrement pénalisée quoi qu'elle fasse, car les objectifs deviendront inatteignables.

Mes chers collègues, lorsqu'une loi est injuste, fût-ce pour un seul de nos concitoyens, elle est mauvaise.

M. Christian Cambon. Très bien !

M. Philippe Dallier. Lorsqu'une loi est injuste, fût-ce pour une seule de nos collectivités locales, elle est mauvaise, et il faut la modifier. (M. le rapporteur opine.) Voilà ce que je vous proposerai à travers mes amendements, qui tous ne visent qu'un seul but : maintenir l'objectif fixé par la loi, mais en tenant compte de la réalité du terrain, car c'est là que le bât blesse.

La loi SRU, en son article 55, a voulu remplacer le contrat par la contrainte. Il faut en finir avec cette absurdité et revenir à de bonnes pratiques, les seules qui soient équitables et efficaces.

M. Thierry Repentin. Quel baratin !

M. Philippe Dallier. La loi doit permettre de faire le tri entre ceux qui ne veulent rien faire et ceux qui ne le peuvent pas,...

M. Christian Cambon. C'est vrai !

M. Philippe Dallier. ...ou alors à un rythme adapté à la situation des finances communales ou à la nature du parcellaire.

Mme Michelle Demessine. En somme, il faudrait une loi par commune !

M. Philippe Dallier. Avec des parcelles de 275 mètres carrés en moyenne, croyez-vous qu'il soit facile de constituer des réserves foncières, si tant est que nous en ayons les moyens financiers, lorsqu'il s'agit d'acheter des pavillons en bon état pour les démolir ?

M. Thierry Repentin. Mais pourquoi les démolir ?

M. Philippe Dallier. Tout simplement parce que, quand il n'y a plus de foncier disponible, que faire, selon vous, sinon acquérir des parcelles déjà construites, pour les démolir ?

M. Thierry Repentin. Les réaffecter à du logement social, sans les détruire !

M. Christian Cambon. Ou plutôt exproprier, comme à Alfortville ou à Vitry !

M. Philippe Dallier. En voici un exemple. J'essaie désormais, dans ma commune, d'engager des programmes de réhabilitation d'immeubles qui, construits souvent au début du siècle dernier, constituent, de fait, du logement social. Croyez-vous que la réhabilitation de vingt ou trente lots dans une copropriété dégradée se fasse en trois ou quatre ans seulement ? Vous êtes-vous rendu compte que c'est seulement, en réalité, au moment où la réalisation est effective que nous pouvons soustraire la dépense ainsi engagée des pénalités à acquitter ? Ce qui signifie que si nous mettons dix ans à faire les acquisitions nécessaires, pendant toute cette période nous ne pouvons rien déduire.

Trouvez-vous cette situation normale ? Pas moi. Or, c'est ce qui est inscrit aujourd'hui dans le texte et vous proposez d'aggraver les pénalités, en les multipliant par cinq ou par dix. Ce système vous semble-t-il équitable ?

M. Dominique Braye, rapporteur. Il a raison !

M. Philippe Dallier. Il est normal que les villes qui refusent de respecter les objectifs fixés par la loi soient pénalisées. Mais il est injuste que la loi punisse les communes sans distinction, sur le seul critère des 20 % de leurs résidences principales en logement social. Nous devons sortir de la logique des stocks, pour entrer dans celle des flux.

M. Thierry Repentin. Nous y voilà !

M. Philippe Dallier. Une autre réflexion encore. Quelle est la conséquence de l'obligation faite aux communes de compter au moins 20 % de leurs résidences principales en logement social ? C'est d'inciter les villes à construire de petits logements. Car, si elles créent des studios ou des deux-pièces, les pénalités leur sont plus vite décomptées que si elles construisent des logements plus grands.

Votre argumentaire est ridicule !

M. Thierry Repentin. Ce n'est pas notre argumentaire, c'est le vôtre !

M. Philippe Dallier. Nous savons bien que la demande des familles ne porte pas essentiellement sur les petits logements. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Telle est la réalité ! Or cette loi, avec son système de contraintes et de pénalités, incite à en créer !

M. Philippe Dallier. Seule la contractualisation entre l'État et les collectivités permettra de prendre en compte la diversité des situations. C'est à cette évidence que je vous demande de bien vouloir vous rendre, monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, au cours du débat qui s'engage. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.

M. Gérard Delfau. Monsieur le président, monsieur ministre, mes chers collègues, trop longtemps la politique du logement a été soumise à des évolutions erratiques, en fonction de la conjoncture et des arbitrages budgétaires des gouvernements. Nous sortons - peut-être - d'une dizaine d'années terribles, où les facteurs financiers, démographiques et psychologiques se sont conjugués pour tirer vers le bas les mises en chantier, favoriser l'envolée du prix du foncier, pousser à la hausse les loyers et les transactions sur l'habitat.

Dans un marché très sensible, la raréfaction des crédits pour le logement collectif social, depuis 1994, la mauvaise orientation donnée récemment à la construction de logements privés à usage locatif, par la défiscalisation sans condition de la loi Robien, l'augmentation inhabituelle du critère du « coût de la construction » qui pèse sur l'évolution des loyers, ont créé les conditions d'un déséquilibre entre l'offre et la demande et provoqué un renchérissement insupportable du logement, doublé d'une spéculation sur le foncier.

À cela s'ajoutent les mouvements démographiques, notamment vers le sud, le fameux « tropisme solaire », qui concentrent une demande forte sur des territoires mal préparés à subir cette hausse brutale de population. Le Languedoc-Roussillon est, à cet égard, en tête de la progression` du nombre d'habitants depuis le recensement de 1982, et la dynamique ne cesse de s'amplifier. Du coup, les prix ont subi une telle envolée que l'accès au logement devient problématique pour les jeunes couples ou les familles qui vivent d'allocations ou d'indemnités.

Enfin, parmi d'autres explications de ce désordre, il en est une trop souvent oubliée, à savoir la tendance récente des juges à considérer que l'intérêt privé prime, par nature, sur l'intérêt général. Une inversion de la jurisprudence, depuis une trentaine d'années, fait que les plaintes des riverains contre l'implantation d'un équipement collectif ou d'un petit immeuble sont souvent mieux entendues dans le prétoire que les arguments d'utilité publique présentés par l'État ou une collectivité territoriale à l'initiative du projet.

Plus grave encore est la dérive de l'évaluation en cas d'expropriation du foncier pour un programme de logements, élément qui, me semble-t-il, devrait être plus souvent souligné dans notre discussion. Trop souvent, le juge, au mépris de toute logique, incline à intégrer au montant de l'indemnisation du propriétaire foncier la plus grande partie de la plus-value suscitée par les investissements de la collectivité, tels que, notamment, réseaux, voies de communication, création d'écoles, de crèches ou de places de stationnement.

Ce faisant, il fait payer, par le reste des contribuables, cet enrichissement sans cause d'une personne privée, ou, à tout le moins, cette indemnisation hors de proportion avec le dommage subi en cas d'expropriation. Cette évolution est l'une des principales causes du renchérissement du foncier lors d'opérations programmées, telles les zones d'aménagement concerté, les ZAC.

Quand la justice se trompe - ce qui peut lui arriver -, le Parlement doit rappeler l'intérêt général et encadrer par la loi la sentence du magistrat. Au minimum, il convient d'atténuer par un prélèvement fiscal le manque d'équité de l'arbitrage et l'envolée de la spéculation. C'est ce que nous nous apprêtons à faire, mais de façon trop timide, à mon avis.

Ce texte de loi qui nous est soumis, malgré sa brièveté- 11 articles -, aborde beaucoup de questions relevant de la politique du logement : les aspects juridiques de la propriété et de sa transmission, les aspects fiscaux de l'accession à la propriété, la maîtrise de l'évolution des loyers, le rôle de l'ANAH, le statut juridique des offices d'HLM, etc.

Sans être audacieux ni complet, ce projet de loi est utile. De surcroît, il est heureusement enrichi des principales conclusions du rapport d'information « Foncier-logement : comment sortir de la crise ? », présenté avant l'été par notre collègue M. Thierry Repentin, sous l'autorité de notre excellent rapporteur, M. Dominique Braye.

Deux amendements de la commission des affaires économiques donnent du relief au texte de loi. En particulier, l'un vise à un partage de la plus-value foncière à hauteur de 20 %, qui bénéficiera à la collectivité territoriale et abondera sa section d'investissement. C'est un pas en avant symbolique, même si le niveau choisi - 20 % - me semble un peu faible et même si les conditions d'exonérations sont beaucoup trop imprécises. J'essaierai, par un amendement et des sous-amendements, de contribuer à améliorer cette sage préconisation.

Je proposerai un prélèvement plus important et, surtout, une définition plus précise des conditions de l'exonération, afin que les mailles du filet ne laissent pas passer trop de poissons de bonne taille, si l'on me permet cette image.

S'agissant des loyers, il faut donner un coup d'arrêt à la hausse excessive de ces trois dernières années. Là encore, je ferai une proposition un peu plus ambitieuse que celle qui nous est faite par les rédacteurs du texte.

En revanche, il est nécessaire de sécuriser les bailleurs qui, souvent, comptent sur ce complément de ressources pour leur retraite ou pour augmenter le produit d'un salaire insuffisant.

J'ai noté enfin ce que j'appelais jusqu'à présent un oubli étonnant, mais le débat fait que ce thème est d'une brûlante actualité. Comment accepter sans réagir qu'un nombre significatif de communes se dérobent à l'obligation qui leur est faite par la loi SRU à propos des 20 % de logements sociaux. Je défendrai un amendement qui alourdit le montant de l'amende afin de dissuader les élus de se soustraire à ce devoir de solidarité, qu'a rappelé solennellement le Président de la République, il y a peu.

Je voudrais dire à notre collègue M. Dallier et à notre rapporteur que ce n'est ni par dogmatisme ni par souci de stigmatiser qui que ce soit.

M. Denis Badré. Il s'agit de construire, et non de condamner !

M. Gérard Delfau. Je suis prêt à examiner avec le plus grand intérêt ce que vous appelez l'idée du flux, c'est-à-dire d'étudier la situation des communes, depuis trois ans par exemple (M. Philippe Dallier applaudit), et d'apprécier son évolution tout en prenant en compte, bien sûr, les difficultés techniques et foncières qu'elles peuvent rencontrer.

M. Christian Demuynck. Eh bien, c'est parfait !

M. Gérard Delfau. Je ne suis pas venu à cette tribune pour mener une guerre de religion sur le logement !

M. Gérard Delfau. C'est trop important, c'est trop grave ! Le contexte politique ne le permet pas. Je suis venu pour contribuer à l'effort qui est fait par le Gouvernement - même s'il reste trop timide - et enrichi par la commission des affaires économiques. Dans la mesure où nous irons dans le bon sens, mes collègues du RDSE et moi-même voterons les propositions qui nous seront faites, parce qu'il faut sortir de la situation actuelle et donner un signal à la nation.

M. Dominique Braye, rapporteur. C'est vrai !

M. Gérard Delfau. Il y aurait bien d'autres sujets à traiter. Je ne m'y emploierai pas, faute de temps, me réservant pour la discussion des articles.

J'aborde ce débat dans un état d'esprit positif. Il me semble que la gravité de la situation en matière d'habitat et le contexte politique ont créé les conditions d'un accord assez large au sein de notre assemblée. Je m'en réjouis et je participerai volontiers au vote d'un projet de loi utile, à condition qu'il soit substantiellement enrichi grâce au Sénat. (M. le rapporteur et M. Michel Bécot applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Gélita Hoarau.

Mme Gélita Hoarau. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le 15 novembre dernier, la commission des finances de notre assemblée a pris acte de la communication de M. Henri Torre, rapporteur spécial sur les crédits de la mission « outre-mer ». Notre collègue invitait le Gouvernement à prendre plusieurs mesures « afin de soutenir les domaines où les besoins de l'outre-mer sont manifestes, notamment le logement et l'accès à l'emploi ». Il reconnaissait implicitement que les crédits destinés au logement pour l'outre-mer sont insuffisants. Il est vrai que, avec l'emploi, la question du logement est la préoccupation essentielle outre-mer.

La situation de mon département l'illustre parfaitement. Sur une population de 800 000 habitants, on recensait, à la fin de 2004, 25 000 demandes de logement insatisfaites.

Nous constatons une tension accrue sur le marché du logement social. Le prix du loyer, charges et dépendances comprises, est passé de 2,64 euros le mètre carré en 1988 à 4,41 en 1997. L'habitat spontané a tendance à se développer : environ 3 000 constructions sont édifiées sans permis chaque année.

Pour faire face aux retards et à la progression démographique, nous devons construire dans les vingt ou vingt-cinq ans à venir 180 000 logements, soit un peu plus que le parc de logements en 1990, et je ne parle pas des logements à réhabiliter ou à rénover.

C'est dans le secteur du logement social - celui où le rôle de l'État est déterminant - que la crise est la plus sensible. Nous assistons à une forte chute des mises en chantier. Alors que l'objectif, pour la période 2000-2004, était la construction de 6 000 logements sociaux par an, on n'en a réalisé que la moitié. Et pour 2005, il est prévu la construction et la livraison d'un nombre de logements égal à un tiers seulement de ce chiffre.

Les causes de cette situation sont parfaitement identifiées. En 2003, tous les acteurs du logement social de la Réunion ont signé une Charte de l'habitat dressant un état de la situation et formulant des préconisations. Les blocages ne sont pas seulement financiers. Ils sont multiples, comme l'a reconnu le dernier Conseil départemental de l'habitat, qui s'est tenu au mois de juillet.

Je rappellerai ici brièvement quelques-uns de ces blocages : les crédits de la ligne budgétaire unique, la LBU, sont versés trop tardivement ; nos communes, sans doute pour ne pas avoir anticipé, souffrent d'un manque de moyens pour financer l'aménagement du foncier et pour l'équiper ; les paramètres de financement du logement social, notamment le prix plafond, n'ont pas évolué et ne tiennent pas compte de l'évolution du prix du foncier et de celui de la construction, rendant certains appels d'offres infructueux ; l'accession au logement intermédiaire est quasi fermée ; il n'existe pas d'engagement pluriannuel de l'État sur les crédits du logement social ; enfin, la Réunion ne bénéficie toujours pas de l'APL.

Les effets des dispositifs de défiscalisation sont aussi souvent mis en cause. Les aides financières de l'État dans le domaine du logement ont été orientées vers la défiscalisation. À tel point que l'effort financier qu'il consent est deux fois plus fort, en moyenne, pour un logement défiscalisé que pour un logement social : de l'ordre de 60 000 euros pour le premier, contre 30 000 euros pour le second.

Cela a des conséquences évidentes. Les constructeurs de logements préfèrent faire du « défiscalisé » plutôt que du « social », moins rentable. De plus, le coût du foncier et celui de la construction ont littéralement explosé.

Pas plus tard que samedi dernier, un journal local indiquait que dans le village de Saint-Gilles-les-Bains, le prix du mètre carré constructible s'élève à 650 euros. Comment peut-on faire du logement social dans ces conditions ?

Cette politique déséquilibrée n'a été assortie d'aucun moyen d'observation, si bien que l'on ne connaît pas l'impact réel de la défiscalisation à la Réunion. On est incapable d'en mesurer les effets pervers, de savoir dans quelle proportion elle a fait flamber les coûts du foncier et de la construction. Les bénéficiaires de cette politique ne sont malheureusement pas les familles les plus en difficulté, lesquelles restent exclues du logement social, de plus en plus rare face à une demande croissante.

Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui et le volet logement du plan Borloo sont les deux textes récents consacrés par le Gouvernement à la question du logement social. Ni l'un ni l'autre n'apporte des solutions à notre problème. Aucun n'a pris en compte la Charte de l'habitat, rédigée en 2003 et adressée au Gouvernement.

Aussi, à. l'instar de ce qu'envisage de faire pour l'outre-mer votre collègue de l'agriculture face aux dangers que fait peser la future réglementation de Bruxelles sur notre production sucrière et bananière, je vous demande, messieurs les ministres, de proposer au Parlement une loi spécifique sur le logement dans les départements d'outre-mer.

Si vous vous engagez dans cette voie, tous les acteurs du logement social, y compris les associations de locataires et de demandeurs de logements de la Réunion, sont prêts à vous faire des propositions pour trouver des solutions durables à ce grave problème social. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. - M. Gérard Delfau applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet.

M. Jean-Pierre Caffet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui affiche un objectif ambitieux puisqu'il « porte engagement national pour le logement », et ce pour répondre, selon les termes de l'exposé des motifs, à la « gravité de la crise actuelle du logement ».

Cette crise, et beaucoup d'orateurs sont intervenus en ce sens, nous en mesurons chaque jour un peu plus l'ampleur et les conséquences dramatiques.

Cependant, messieurs les ministres, nous nous interrogeons sérieusement sur la pertinence et l'efficacité des remèdes que vous nous proposez pour y faire face, à travers les quelques articles - 11 au total - de ce projet de loi. Nous doutons en effet de la réalité de cet engagement. Je voudrais illustrer ce scepticisme en évoquant deux des mesures que vous nous proposez : la mixité sociale et la libération du foncier de l'État.

J'évoquerai tout d'abord la mixité sociale. Pour nous, et je veux l'affirmer fortement, la crise du logement résulte d'abord de l'insuffisance des logements locatifs sociaux - j'insiste sur ces termes - et d'une mauvaise répartition de l'offre existante sur le territoire. Pour que la mixité sociale ne reste pas une incantation, il faut mettre en chantier du logement social dans toutes les communes, dans tous les quartiers et - pourquoi pas ? - dans tous les immeubles, en tout cas dans beaucoup d'immeubles que nous, élus locaux, construisons, ou à la construction desquels nous participons.

C'est le choix qu'ont fait certaines communes en décidant d'imposer un pourcentage de logements sociaux dans les programmes de constructions nouvelles d'une certaine importance.

Ainsi, la Ville de Paris a inscrit dans son plan local d'urbanisme, qui a été arrêté au début de l'année, l'obligation pour toute construction d'une surface d'habitation de plus de mille mètres carrés de comporter au moins 25 % de « logements locatifs sociaux », et j'insiste une fois de plus à cet égard. Cette règle s'applique dans tous les quartiers où le pourcentage actuel de ces logements est inférieur à 20 %.

L'article 2 du projet de loi prévoit de conforter ce dispositif en précisant les conditions dans lesquelles il peut être inscrit dans les plans locaux d'urbanisme. Nous aurions pu nous en féliciter, messieurs les ministres, si deux mesures de cet article ne venaient pas singulièrement restreindre la portée du dispositif.

Tout d'abord, la rédaction présentée ne vise pas explicitement la réalisation de logements locatifs sociaux. A contrario, et j'y insiste, elle permettrait même d'imposer de ne réaliser que du logement locatif non social. Or il nous semble important d'affirmer, au nom de la mixité sociale, que l'obligation doit effectivement porter sur du logement social. Car c'est bien de cela que nous avons besoin dans les constructions des promoteurs pour donner un sens à la mixité.

Ensuite, vous proposez que l'instauration de cette règle dans les plans locaux d'urbanisme soit assortie d'un droit de délaissement, qui permet au propriétaire de mettre en demeure la commune d'acquérir son terrain, sauf à ce que celle-ci renonce à l'objectif de mixité édicté par le PLU. Je reconnais que, sur ce terrain-là, grâce aux efforts, en partie du groupe socialiste, nous avons pu avancer, au moins partiellement.

En tout état de cause, l'instauration d'un droit de délaissement ne se justifie pas dans ce cas. La mesure proposée ne présente pas, en effet, pour les propriétaires une contrainte plus forte que celle qui résulte des servitudes qu'un PLU peut imposer en application de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme, qu'il s'agisse notamment du zonage, des coefficients d'occupation des sols et de la protection du paysage ou des immeubles.

En revanche, le droit de délaissement serait à n'en pas douter un obstacle très sérieux à la mise en oeuvre de la mixité sociale que nous voulons promouvoir. Car les collectivités qui n'auraient pas les moyens d'acheter les terrains verraient la règle édictée par leur PLU devenir sans effet.

Nous proposerons donc un amendement de suppression de ce droit de délaissement, que rien ne justifie et qui viendrait inopportunément casser la démarche dans laquelle se sont engagées plusieurs communes.

J'en viens à la libération des terrains publics pour la réalisation de logements sociaux, sujet abordé par le projet de loi et sur lequel L'État doit donner l'exemple.

Pour construire des logements, il faut du foncier et, dans beaucoup de collectivités où sévit la crise du logement, les dernières grandes emprises foncières disponibles appartiennent au premier propriétaire de France : l'État.

À cet égard, le projet de loi se veut ambitieux, puisque l'article 1er proclame que la réalisation de logements sur des terrains appartenant à l'État ou à ses établissements publics présente un caractère d'intérêt national lorsqu'elle contribue à l'atteinte des objectifs fixés par le titre II de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale. Pour ceux qui l'auraient oublié, je rappelle que ce titre II traite de la programmation des crédits relatifs au logement social.

Nous espérions donc que la suite de la loi allait donner du corps à cette proclamation. Mais, là aussi, notre déception est vive quand nous examinons l'article 4 : il ne prévoit rien de moins que la suppression du droit de préemption urbain sur les terrains publics.

On nous dit qu'il faut aller vite et que le fait que les collectivités disposent d'un droit de priorité puis d'un droit de préemption rend les ventes plus longues et plus complexes. On sous- entend ainsi que, si les résultats en matière de libération de ces terrains sont médiocres, c'est parce que les élus locaux font traîner les choses en abusant des procédures. Or il n'en est rien !

Messieurs les ministres, vous aurez du mal à convaincre mes nombreux collègues qui ont essayé d'acquérir du foncier de l'État que ce sont eux qui sont responsables des blocages ! L'incapacité de l'administration à faire avancer ce dossier est légendaire : il suffit de se reporter aux différents rapports qui ont, au fil des ans, recensé les terrains disponibles en Île-de-France pour voir que la liste est la même depuis vingt ans.

M. Jean-Louis Borloo, ministre. C'est vrai !

M. Jean-Pierre Caffet. Vous le confirmez, monsieur le ministre, et j'en prends acte !

M. Gérard Delfau. M. le ministre le sait !

M. Jean-Pierre Caffet. La suppression du droit de préemption urbain pour les terrains publics ne serait pas un facteur d'accélération. Au contraire, elle pénaliserait sérieusement les communes qui devraient, dans le cadre du droit de priorité, se prononcer sur la base de l'estimation des services de l'État, et qui, si elles renonçaient à exercer ce droit à ce prix, ne pourraient jamais plus se porter acquéreur, même si, plus tard, le prix de transaction était plus faible que le prix annoncé au départ. Selon nous, la possibilité de saisir le juge de l'expropriation n'offre pas, à cet égard, une garantie suffisante.

J'ajoute que l'exonération des immeubles censés rester occupés trois ans par un service public comme les possibilités de ventes groupées de ces biens de l'État sont aussi des facteurs qui risquent d'affaiblir considérablement l'objectif que vous voulez atteindre.

Finalement, on a le sentiment que ce n'est pas vraiment l'intérêt national que présente la construction de logements sur le foncier de l'État qui a guidé la plume des rédacteurs de l'article 4.

Si le foncier de l'État est d'intérêt national, c'est - si je lis bien l'article 1er - pour atteindre les objectifs du plan de cohésion sociale en matière de construction de logements sociaux. On s'attend donc à ce que la loi précise que la cession de ce foncier doit se faire à un prix compatible avec la réalisation de logements sociaux. Malheureusement, elle est désespérément muette sur ce sujet.

D'ailleurs, l'adjoint au maire de Paris chargé de l'urbanisme que je suis, et qui négocie avec les services de l'État la cession d'immeubles pour réaliser des logements sociaux, peut en témoigner : l'État s'accroche au prix du marché pour toutes les emprises et refuse toute décote, pourtant prévue par l'article 95 de la loi de programmation pour la cohésion sociale, au motif que cet article n'a prévu une telle décote que pour les terrains nus.

En conclusion, messieurs les ministres, vous affichez des intentions louables, mais qui ne se déclinent pas vraiment en dispositions tangibles. Le groupe socialiste proposera donc une série d'amendements visant à mettre l'action en concordance avec ces objectifs.

Certains amendements, qui sont d'ailleurs présentés par les commissions, notamment la commission des affaires économiques et du Plan, vont dans le bon sens et le groupe socialiste les votera. Mais, de grâce, messieurs les ministres, si nous voulons être à la hauteur de l'enjeu, ayons ensemble de l'audace ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Leroy.

M. Philippe Leroy. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je souhaite apporter le point de vue d'un représentant d'un département urbain, mais qui n'est pas situé en Île-de-France, étant précisé que je ne trouve pas tout à fait mon compte dans ce qui a été dit jusqu'à maintenant.

Mon département compte un million d'habitants, trois bassins d'habitat importants, rassemblés autour de trois très grandes communautés de communes, qui sont les héritières des bassins miniers de la Moselle, et un grand bassin rural. Cela me conduit à penser que les lois doivent tenir compte de la diversité des situations, et ne pas traiter à l'identique la Moselle, l'île de la Réunion, un département parisien, ou encore la ville de Paris.

M. Philippe Leroy. C'est pourquoi ce projet de loi me paraît raisonnable, messieurs les ministres. Il a pour objet non pas d'embrasser l'ensemble des problèmes du logement, mais de franchir une étape. Il vient après de nombreuses lois qui ont déjà traité de la question du logement et avant de nombreuses autres lois qui aborderont à nouveau cette question. La législation doit en effet s'adapter en permanence à la complexité de situations mouvantes.

Il faut beaucoup d'humilité lorsqu'on aborde ce type de problèmes, car en général on se trompe : on ne peut progresser que par itérations successives.

Monsieur le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, je souhaiterais que votre projet de déclaration commune pour la mise en oeuvre d'un engagement national, que vous avez proposé à la signature des grandes collectivités locales de notre pays, puisse aboutir. En effet, la signature des collectivités locales, notamment des départements, celle des grands bailleurs sociaux, la vôtre et, je l'espère, celle du ministre de l'équipement - qui est partie prenante dans cette affaire- permettraient de tenir compte, à terme, de la nécessité d'adapter nos lois aux situations locales.

Je rejoins tout à fait les propos qui ont été tenus voilà quelques instants par un maire de la Seine-Saint-Denis : ils étaient frappés au coin du bon sens. Mais je n'ai pas besoin de ces remarques pour régler le problème dans les cités de la Moselle, car, en général, nous sommes bien au-delà des 20 % de logements sociaux.

Chaque département a ses spécificités et c'est pourquoi je souhaiterais que cette déclaration commune puisse être signée. Battez-vous, monsieur le ministre ! J'ai l'impression que vous avez oublié cette déclaration commune. (M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement fait un signe de dénégation.) Or c'est très important.

S'agissant des surloyers, dans certains endroits, ils sont indispensables afin d'éviter les rentes de situation. En revanche, dans d'autres endroits, il est préférable de ne pas les mettre en place pour des ménages modestes qui, « à la force du poignet », ont réussi à obtenir des revenus légèrement supérieurs aux plafonds fixés et qui ne souhaitent pas déménager. En effet, si, tout à coup, un surloyer est appliqué, on va leur donner envie de déménager. C'est une façon de nuire à la mixité sociale ! (M. José Balarello opine.) Il est très dangereux d'appliquer les mêmes règles partout, sans distinction aucune ! Il faut être très prudent !

De même, s'agissant des zonages 1, 2 ou 3, il est probable que, dans certains départements, on pourrait supprimer le zonage. Par exemple, dans mon département, il est aussi coûteux de construire dans les zones rurales périurbaines que dans les bassins miniers. Le zonage y est donc plus nuisible à la mixité qu'ailleurs. Comme vous le voyez, c'est très compliqué.

Cela étant dit, je ferme cette parenthèse sur la nécessité de respecter la diversité.

Messieurs les ministres, ce projet de loi, largement amendé par les commissions, constitue un bon levier pour accompagner l'énorme effort du Gouvernement pour relancer la construction sociale. C'est un bon outil et il faut donc le voter, non pas les yeux fermés, mais en le modifiant. Nous allons essayer de procéder à cette reconstruction sociale le mieux possible. Ce ne sera pas parfait, mais cela représentera déjà une étape importante.

En ce qui concerne la mixité, le débat d'aujourd'hui se situe dans un climat un peu délétère. S'il avait eu lieu avant que surviennent les incidents dans nos banlieues, il n'aurait pas pris la même tournure : il est très fortement orienté vers la mixité.

La mixité, c'est le souhait de tout le monde ! C'est ce que nous avons « loupé » - nous ne pouvions probablement pas faire autrement - voilà cinquante ans, lors de l'exode rural : nous avons oublié les quartiers populaires. Je suis né dans un quartier populaire où les races et les professions étaient mélangées et cela fonctionnait bien. Or ce quartier a été rasé et remplacé par de grands ensembles.

Nous avons tous la nostalgie de la mixité, et nous cherchons à la récréer là où elle a disparu. Mais nous n'y parviendrons pas d'un coup de baguette magique. Il faudra le faire progressivement, et sans angélisme.

Si la mixité suscite des craintes et des préventions, c'est parce qu'elle n'est pas seulement fondée sur ces bons sentiments que nous partageons tous : elle se heurte à des réalités économiques, mais aussi sociologiques et psychologiques. Favoriser la mixité au moment de la reconstruction d'un quartier difficile implique un accompagnement social, un respect des valeurs républicaines que nous oublions quelquefois.

La mixité n'est donc pas une bataille facile : pour la remporter, il est nécessaire de franchir les obstacles de différentes natures qui s'opposent quelquefois à la construction de logements sociaux.

Monsieur le ministre, pour conclure, je formulerai une proposition.

Vous souscrivez à juste titre à l'idée communément admise aujourd'hui selon laquelle la réflexion sur le logement doit avoir lieu désormais au niveau des bassins de vie. Les PLH, les programmes locaux de l'habitat, sont indispensables - chacun en est convaincu -, car ils permettront à tous les acteurs d'un territoire d'imaginer leur idéal en termes d'aménagement urbain. J'estime cependant qu'il manque un outil de cohérence sur ce territoire, et un outil à l'échelon départemental.

Je prendrai l'exemple de mon département, qui compte quatre bassins de 250 000 habitants environ. Je vais devoir imaginer de mettre en cohérence les politiques de l'habitat sur ces quatre bassins avec le plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées, puisque c'est par là que passera la mixité.

Nous pourrions donc recourir à une conférence départementale de l'habitat. Au gré des lois sur la décentralisation, des organes départementaux ont été supprimés. Il en a été ainsi du fameux programme départemental de l'habitat, le PDH, et du comité départemental de l'habitat, le CDH. On y a substitué le comité régional de l'habitat, le CRH. L'échelon régional est, certes, intéressant, mais il est inadéquat pour aborder les problèmes de proximité.

Monsieur le ministre, il me semble important, dans le cadre de ce projet de loi, de recréer une conférence départementale parce qu'il s'agit d'un outil pertinent, d'un lieu de rencontre pratique. C'est d'ailleurs le sens d'un amendement que j'ai déposé avec un certain nombre de mes collègues.

Il ne s'agit pas de surveiller ce que font nos collègues dans les grandes intercommunalités ni d'imposer la lourde tutelle du département sur les maires qui se lancent dans leur PLH. Il s'agit simplement de disposer d'un lieu de rencontre à l'échelon du département où l'on pourra mettre en oeuvre ensemble la totalité des politiques de l'habitat et des politiques sociales, dans le cadre du plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées.

Je vous propose donc de mettre en place cet outil de cohérence départementale de façon que les efforts décidés par le Gouvernement, et confirmés par nos rapporteurs, trouvent un relais dans une plus grande implication du département, gage d'une meilleure adaptation des politiques nationales à la réalité des territoires. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, selon la Fondation Abbé Pierre, nous comptons 86 500 SDF dans notre pays. Ce chiffre est éloquent...

Les loyers ont augmenté de 70 % en sept ans, contre une hausse de 24 % seulement pour les salaires. Cet écart doit nous interpeller. À Paris, les prix de vente des logements ont augmenté de 100 % en six ans, et les prix de location de 60 % sur la même période.

Où allons-nous ? Les jugements d'expulsion se multiplient : ils ont progressé de 9 % entre 2003 et 2004 et de 45 % au cours des cinq dernières années. Ces drames ne sont pas étonnants, lorsque l'on met en parallèle l'envolée des loyers, la diminution des APL et la baisse du pouvoir d'achat des salariés.

Malgré les grands discours, sur le long terme, et les intentions affichées, nous assistons bien, en ce domaine, à un désengagement de l'État, qui n'est pas imputable à votre seul gouvernement, messieurs les ministres. Les dépenses publiques pour le logement, qui représentaient 2 % du PIB dans les années soixante-dix, ne sont plus qu'à 1,6 %.

Qu'en est-il de ce projet de loi « portant engagement national pour le logement » ? Après les dramatiques incendies de septembre et dans un contexte d'explosion de certains quartiers populaires, le titre est ambitieux. Les mesures sont-elles à la hauteur des annonces ?

Hélas, j'ai bien peur qu'elles ne le soient pas. Il faut bien vous créditer d'une relance de la construction, monsieur Borloo. Mais, si la crise du logement en France résulte de la pénurie de l'offre de logements en général, elle est aussi et surtout la conséquence d'une crise du logement social.

Les plus riches trouvent encore à se loger. Le foncier disponible est, certes, difficile à trouver, mais ce qui manque cruellement, c'est le foncier pour le logement social. On compte 1,3 million de demandeurs de HLM. À Paris, sur 100 000 demandeurs de logement social, 70 % disposent de ressources inférieures au plafond permettant d'accéder à un logement « PLAI ». Ce sont donc de vrais logements sociaux qu'ont besoin les personnes en difficulté.

En 2004 ont certes été construits 360 000 logements, mais 74 100 d'entre eux seulement sont des logements sociaux. Monsieur Borloo, vous vous félicitez du renouveau de la construction, mais, en ce qui concerne les logements sociaux, on est loin du compte cette année : un objectif de 90 000 logements sociaux avait été fixé pour 2005 ; or, à la fin du mois d'août, selon la Fondation Abbé Pierre, on n'avait atteint que 15 % de cet objectif, soit 13 500 logements sociaux seulement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Ce n'est pas cela !

M. Jean Desessard. Et encore, les chiffres relatifs aux logements dits sociaux sont trompeurs. On a assisté à une augmentation fulgurante des constructions de PLS, classés « logement social » par la droite en 1995 : de 8 900 en 2001, ils sont passés à 20 600 en 2004. Sur la même période, les PLUS stagnent de 42 200 à 45 300. Et que dire des PLAI, qui plafonnent péniblement à 6 000 constructions par an ?

Permettez-moi de rappeler ce que devrait être un logement social. Voici les plafonds de ressources, pour un couple avec deux enfants : 21 857 euros pour un PLAI ; 39 739 euros pour un PLUS ; 51 661 euros pour un PLS.

Je vous rappelle que le revenu médian annuel est fixé à 23 396 euros. Les PLS ne sont donc pas des logements sociaux au sens strict du terme, puisque près de 80 % des ménages de notre pays peuvent avoir accès à ce type de logement.

Compter le PLS dans le logement social et le promouvoir à chaque fois, comme vous le faites dans ce projet de loi, au détriment, implicitement, des autres types de logements vraiment sociaux, est non seulement anti-redistributif, ou en tout cas pas assez redistributif, mais également contraire à la loi, si les mots ont encore un sens.

D'après l'article L. 411 du code de la construction et de l'habitation, inséré par l'article 55 de la loi n°98-657 du 29 juillet 1998 publiée au Journal officiel le 31 juillet 1998 : « La construction, l'aménagement, l'attribution et la gestion des logements locatifs sociaux visent à améliorer les conditions d'habitat des personnes de ressources modestes ou défavorisées. » Si vous changez l'esprit de la loi, ayez au moins l'élégance d'en changer aussi la lettre. On y verra plus clair !

Construire avec les aides fiscales de l'État, c'était la méthode de Robien. Ce système ne fonctionne pas, du moins pour les pauvres. En revanche, il marche assez bien pour les riches. Entre les riches et les pauvres, monsieur Borloo, quelle est votre priorité ?

L'objet de nos amendements est de favoriser le logement social pour les clases populaires et les classes moyennes. Mais la droite, qui a souvent l'expression « classes moyennes » à la bouche, ne voit les classes moyennes qu'à sa porte... En autorisant les prêts à taux zéro aux ménages qui gagnent jusqu'à 7 000 euros par mois, par exemple, vous montrez que vous êtes désespérément sourd à la réalité de la situation sociale de la grande majorité de la population. Des personnes qui disposent d'un revenu mensuel de 7 000 euros, c'est-à-dire 50 000 francs, est-ce là le public que l'on doit cibler en priorité ?

Vous prévoyez un nouveau dispositif fiscal visant à encourager les particuliers à acheter des logements pour les louer à des loyers plafonnés par l'État : le « Borloo populaire ». Les avantages fiscaux seraient assortis de contreparties sociales. Mais, avec des loyers plafonnés aux trois quarts du prix du marché, soit, à Paris, plus de 15 euros le mètre carré, les nouveaux logements « Borloo » s'adresseront non pas aux classes populaires, mais aux classes moyennes.

Pour que le Borloo populaire ne profite pas qu'aux classes moyennes aisées, nous aurions préféré un « Borloo social » : une aide fiscale à la création, par des particuliers investisseurs, de logements accessibles aux plus pauvres, aux mal-logés et aux sans-toit. Nous espérons, monsieur le ministre, que vous saurez rééquilibrer votre projet de loi en acceptant ce « Borloo social ». Vous entrerez ainsi dans la postérité ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Ce projet de loi comporte ici et là quelques petites avancées pour aider à la construction. Cependant, pour les logements sociaux, il faut chercher à la loupe. Et pour un logement écologique, c'est encore plus simple : il n'y a rien dans ce texte ! Cela ne vous intéresse donc pas, monsieur le ministre ? Que faites-vous pour promouvoir les logements « haute qualité environnementale, ou HQE, économes en énergie, seuls à même de contrecarrer la hausse des charges et, accessoirement, la destruction de la planète ? Mais qui s'en soucie en dehors des colloques internationaux ?

Que proposez-vous pour limiter l'étalement urbain, qui coûte si cher aux collectivités, aux habitants, et qui contribue à l'effet de serre ? Sur les 198 000 maisons construites en 2003, plus de 152 000 l'ont été en secteur diffus, contre seulement 46 000 en lotissements, d'après le Syndicat national des professionnels de l'aménagement et du lotissement, cité en page 9 du rapport Braye-Repentin. Vous ne proposez rien sur le sujet, monsieur le ministre. On a beau chercher, à part les économies de papier permises par la minceur de votre projet de loi, il n'y a rien d'écologiste dans ce texte ! Mais, après tout, ce n'est pas illogique, vous n'êtes pas issu d'un gouvernement écologiste.

En revanche, j'ai été très surpris de ne rien trouver à propos de l'application de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU. Alors que le principe d'une péréquation minimale est admis par tous, qu'il est soutenu par 85 % des Français - d'après un sondage CSA -, et qu'il a été solennellement rappelé par le Président Jacques Chirac, rien n'apparaît dans ce projet de loi. Je savais que vous n'étiez pas élu écologiste, monsieur le ministre, je constate maintenant que vous n'êtes pas non plus chiraquien ! (Sourires.)

J'attire donc votre attention sur les amendements de l'opposition à ce sujet. Les Verts, en particulier, demandent une pénalité substantielle, de l'ordre de 1 500 euros par logement social manquant, qui seule pourrait être dissuasive.

M. Philippe Dallier. Proposez 3 000 euros pendant que vous y êtes !

M. José Balarello. Pourquoi pas 10 000 euros, aussi ?

M. Jean Desessard. Monsieur Dallier, lors de la discussion sur l'article en question, je vous montrerai que les communes qui ne construisent pas de logement social font des économies. (M. Philippe Dallier s'exclame.)

Je vous le montrerai ! Avec un tel montant de pénalité, on obtient l'équilibre. C'est comme pour les procès-verbaux de stationnement, qui ne sont pas chers : acquitter la contravention revient moins cher que payer le stationnement lui-même !

M. Philippe Dallier. Quand vous aurez une commune à gérer, nous en reparlerons !

M. Christian Demuynck. On aura tout entendu !

M. Jean Desessard. Monsieur Dallier, j'ai tenu compte de votre proposition de flux. En effet, dans l'un des amendements que je propose, je prévois, par rapport à cette pénalité, une ristourne importante pour les communes qui ont procédé à des constructions récemment et qui font des efforts en ce sens.

De plus, nous demandons que la loi soit modifiée dans un sens très simple : au lieu de dire que, en cas de carence des maires, le préfet « peut » se substituer à ces derniers, il convient de prévoir, simplement, que le préfet se substitue à eux. Car cette « compétence » qui leur est offerte, ils ne l'exercent pas assez. Et pour cause : qui donne des ordres au préfet ? Nicolas Sarkozy, le même qui refuse obstinément d'ouvrir le ghetto des riches de Neuilly, qui lui sert d'ancrage électoral. (M. Philippe Dallier s'exclame.)

M. Daniel Raoul. Il est partout !

M. Jean Desessard. On ne peut pas demander l'application de la loi dans les banlieues pour des jeunes en désespérance sociale, prôner la tolérance zéro en donnant de la prison ferme à l'aveuglette et, dans le même temps, laisser des maires - ce sont souvent les maires des communes les plus riches - s'asseoir sur la solidarité nationale !

L'examen de ces amendements sera pour tout le monde l'heure de vérité !

La création d'un droit au logement opposable, c'est-à-dire d'un droit effectif, que l'on peut réclamer en justice, est un autre révélateur de votre bonne, ou mauvaise, volonté. Je demanderai solennellement à notre assemblée de rendre le droit au logement opposable.

Compte tenu du manque d'ambition du projet de loi en l'état, nous entendons l'améliorer.

Je comprends que vous ayez peur de voir les mal-logés - 86 000 SDF, 800 000 personnes privées de domicile personnel - demander en justice la concrétisation d'un des droits humains les plus fondamentaux, le droit au logement, sans lequel aucune insertion professionnelle, aucune vie familiale, aucune condition sanitaire, ne peuvent se comprendre décemment.

Si vous avez confiance dans votre politique, alors n'hésitez pas : acceptez, comme l'ont fait les parlementaires écossais, de rendre le droit au logement opposable. Mais si vous vous y refusiez, quel aveu de faiblesse ce serait au regard de ce projet de loi !

Le droit au logement opposable est réclamé depuis longtemps, par des associations aussi diverses que Emmaüs, l'Armée du Salut, ATD Quart Monde, les Restos du Coeur, la Ligue des droits de l'homme, la Confédération syndicale des familles, le Syndicat de la magistrature ou le Secours catholique. Et, sur ce sujet, l'hypocrisie du Gouvernement et des rédacteurs de ce projet de loi est révoltante ! (M. Michel Bécot s'exclame.)

Vous osez invoquer le « droit au logement opposable » dans votre exposé des motifs de l'article 9, mais il ne figure pas dans le projet de loi ! On ne saurait mieux résumer la poudre aux yeux censée nous aveugler dans ce texte.

Encore faut-il que l'opposabilité du droit au logement soit déclarée sans plus attendre et qu'un agenda précis de sa mise en oeuvre sur l'ensemble des domaines que représentent le logement et la ville soit établi, pour qu'à terme chacun puisse effectivement disposer d'un logement décent.

C'est cette démarche qui a été entreprise, et qui se poursuit, en faveur de l'école pour tous - parfois mise à mal -, de l'accès aux soins pour tous - parfois également mis à mal. Il est temps pour notre société de faire du logement un droit pour tous, donc opposable.

Il ne s'agit pas de désigner des boucs émissaires pour expliquer la crise du logement ; il s'agit de rappeler les politiques à leurs responsabilités minimales - loger leurs administrés - et donc de désigner ceux qui sont responsables de la concrétisation du droit au logement, en l'occurrence, in fine, l'État.

Martin Hirsch a déclaré, à propos de la sécurité alimentaire et de la protection face aux risques, qu'il faut toujours savoir qui dort mal la nuit, qui se sent comptable, qui a une obligation de résultat. Or, aujourd'hui, à propos de la crise du logement, qui dort mal la nuit, à part les SDF ?

Il convient donc de prévoir, à échéance de 2009, un mécanisme législatif permettant d'instituer l'opposabilité juridique du droit au logement, tel qu'il a été défini par l'article 1er de la loi du 31 mai 1990 et qui n'est pas effectif.

Des recours devraient pouvoir être introduits devant la juridiction administrative contre l'État, ou contre une collectivité territoriale à laquelle l'État aurait délégué, par convention, la mise en oeuvre du droit au logement.

En attendant, pendant que le droit au logement reste un voeu pieux, le taux de vacance des logements se situe régulièrement autour de 7 % en France. Au terme de deux années consécutives de vacance, un logement est taxé à 10 % de sa valeur locative. Nous demandons le doublement cette taxe. C'est bien la moindre des choses !

Comment peut-on, en effet, imaginer que des logements puissent rester vides plusieurs années de suite - et non pas de manière passagère, le temps d'un déménagement - tandis que des SDF vont, cette année encore, mourir de froid ? Il s'agit là non pas d'atteinte à la propriété privée, mais du respect de la vie humaine.

Monsieur le ministre du logement, vous avez justifié la minceur de ce projet de loi en disant que vous étiez ouvert aux propositions des parlementaires. Vous avez d'ores et déjà signalé que vous alliez intégrer des amendements de la commission.

Sur les sujets clés que je viens d'évoquer, je compte être écouté et entendu, comme j'espère que les amendements présentés par le groupe auquel je suis rattaché et par les sénateurs Verts trouveront un écho au Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.

M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le dossier du logement fait l'objet d'un consensus outre-mer. En effet, le bâtiment et les travaux publics constituent la première industrie des quatre régions d'outre-mer. Ce secteur emploie, à la Réunion, 19 000 personnes.

Je salue donc l'initiative prise par le Gouvernement, après la loi de programmation pour la cohésion sociale et la loi de programme pour l'outre-mer, de soumettre au Parlement un nouveau texte visant à favoriser la maîtrise du foncier, à faciliter la vie des collectivités, à essayer d'améliorer le quotidien des familles en difficulté.

Dans ce contexte, je m'efforcerai de vous suggérer quelques aménagements adaptés à notre problématique ultramarine.

En premier lieu, vous avez déclaré, monsieur Borloo, et à juste titre, que vous aviez doublé le nombre de logements sociaux construits en métropole au cours de ces trois dernières années. C'est un bon résultat et il faudra persévérer dans cette voie.

Vous y êtes parvenu, grâce à une volonté politique, grâce aux mécanismes disponibles, mais aussi grâce à la sanctuarisation des crédits affectés au logement. Or, vérification faite, monsieur le ministre, force est de constater que l'outre-mer a été oublié à cet égard ! Une concertation entre vous-même et votre collègue M. François Baroin s'impose.

En effet, s'agissant de l'outre-mer, votre projet de loi ne présente pas de programmation pluriannuelle, pas de visibilité à moyen terme, pas de politique d'aménagement, pas de résultats tangibles à attendre en matière de logements sociaux. Comment peut-on oublier, dans un texte portant engagement national pour le logement, deux millions d'habitants, de surcroît en grande difficulté ? Ce n'est pas possible !

Je ne demande pas la lune ! Il y a d'ailleurs un consensus sur ce sujet. Mes collègues Gélita Hoarau et Anne-Marie Payet se joignent sans doute à moi pour réclamer l'application de l'article 87 de la loi de programmation pour la cohésion sociale, c'est-à-dire une programmation pluriannuelle des crédits de la ligne budgétaire unique - cette LBU que vous connaissez bien, monsieur Perben -, afin d'échapper à la régulation qu'opère le ministère des finances en fin d'année, rabotant ici des crédits pour rétablir là certains équilibres.

En voici un exemple chiffré : à ce jour, nous avons un retard de 934 millions d'euros au titre des crédits de paiement, ce qui représente 67 % d'autorisations d'engagement.

En deuxième lieu, il importe de rendre solvables les ménages les plus en difficulté. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : aujourd'hui, le forfait logement pris en compte pour le calcul de l'aide à la personne en métropole s'élève à 65 euros pour un ménage de deux enfants ; en outre-mer, il se monte à 22 euros. Je vous engage, messieurs les ministres, à demander une expertise pour vérifier mes dires, car les chiffres dont je dispose sont ceux que les organismes veulent bien me donner.

Quoi qu'il en soit, cette disparité contrevient au principe d'égalité sociale et il n'y a aucune raison de laisser subsister un écart aussi important.

Aussi, nous demandons, avec l'ensemble des acteurs du logement social en outre-mer, qu'il soit très rapidement procédé à un rattrapage, l'amélioration du forfait logement permettant d'accélérer la politique du logement.

En troisième lieu, il importe de construire sur le foncier aménagé.

Même si le Gouvernement a fait un effort, que je salue, un retard subsiste dans nos régions par rapport à la métropole. Ainsi, 35 % des logements sont raccordés au tout-à-l'égout, contre 80 % en métropole. Il nous faudrait 750 millions d'euros de crédits pour équiper les terrains à construire, alors que nos dotations s'élèvent à 135 millions d'euros pour la période allant de 2000 à 2006.

Messieurs les ministres, je me félicite de l'immense progrès accompli pour ce qui est des crédits d'aménagement, grâce à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU. Vous avez signé la convention de Saint-Benoît, et je souhaite que vous procédiez rapidement à l'instruction des dossiers de Saint-André, du Port et de Saint-Pierre, auxquels l'ANRU apportera un renfort, bien nécessaire, en matière d'aménagement.

Un gros effort est toutefois indispensable pour l'aménagement des terrains constructibles.

En quatrième lieu, je formulerai une suggestion concernant la défiscalisation, et nous devrions tomber d'accord sur ce point, messieurs les ministres, car c'est un sujet que vous connaissez bien l'un et l'autre.

La défiscalisation, nous l'avons votée, ici, dans cet hémicycle.

M. Roger Madec. Vous, oui !

M. Jean-Paul Virapoullé. Il s'agit de favoriser l'investissement chez nous, pour développer l'industrie, la pêche et le logement. Mais est-on obligé pour autant d'encourager les spéculateurs ?

M. Daniel Raoul. Mais oui !

M. Jean-Paul Virapoullé. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2006, une disposition a été votée par l'Assemblée nationale, que le Sénat va examiner à son tour, qui vise à évaluer la défiscalisation, notamment dans le domaine du logement, du foncier, de la spéculation, pour en mesurer l'impact. Je propose que le débat budgétaire soit l'occasion d'apporter des améliorations au dispositif de défiscalisation, afin qu'il soit réorienté au profit des classes moyennes et des personnes aux revenus modestes.

En effet, aujourd'hui, les classes moyennes sont laissées au bord du chemin, à cause de la plus-value sur le foncier et de l'augmentation des coûts de production du logement. Or, compte tenu de l'insuffisance des crédits de la ligne budgétaire unique, il n'y a aucune raison que le produit de la défiscalisation ne profite pas à ceux, et ils sont un certain nombre, qui veulent investir dans le logement des catégories les plus modestes.

Enfin, en cinquième lieu, je ferai une suggestion facile à comprendre.

Il existe trois types de logements sociaux outre-mer : le logement locatif social, le logement locatif très social et le logement évolutif social, ou LES. Ces logements sont destinés uniquement à des personnes à revenus modestes, surtout les LES.

Or, en application de l'article 55 de la loi SRU, les LES, c'est-à-dire les logements en accession à la propriété, ne sont pas pris en compte dans le quota de 20 % de logements sociaux, de sorte que certaines communes qui ont construit au titre du LES supportent malgré tout des pénalités pouvant aller, par exemple, pour une commune comme Saint-Paul, jusqu'à 450 000 euros. Il y a là une véritable incohérence !

Il n'est ni juste ni souhaitable de laisser perdurer cette situation, d'autant moins que le Gouvernement, tout comme nous, souhaite encourager l'accession à la propriété pour sédentariser les personnes aux revenus modestes, les enraciner dans leurs quartiers, leur permettre de posséder, elles aussi, leur petite maison, un lieu de vie indispensable à la réussite de l'éducation de leurs enfants et à leur intégration sociale.

J'ai donc déposé un amendement visant à faire en sorte que les LES soient pris en compte dans les 20 %.

Messieurs les ministres, le texte qui nous est soumis aujourd'hui, portant engagement national pour le logement, vient compléter un dispositif d'ensemble, après la loi de programmation pour la cohésion sociale et la création de l'ANRU. J'espère que vous nous annoncerez dans votre réponse que ce projet de loi prendra en compte les besoins de l'outre-mer.

Avec ce texte, nous aurons mis sur de nouveaux rails la politique d'aménagement du territoire et de construction de logements, absolument indispensable pour tous ceux qui désirent un foyer pour y élever leurs enfants. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Roger Madec.

M. Roger Madec. Messieurs les ministres, nous examinons aujourd'hui un projet de loi dont la philosophie est, hélas, claire : face à l'urgence sociale, il vous paraît urgent d'attendre !

Alors que nos banlieues viennent de s'enflammer - et l'une des causes de cet embrasement est précisément le logement -, vous invoquez les contraintes du calendrier parlementaire pour amputer des trois quarts ce grand projet de loi sur le logement.

Alors que notre pays connaît un déficit record de logements sociaux, ce texte se réduit à onze articles et zéro euro d'engagements financiers de l'État.

Vous le savez autant que nous, messieurs les ministres, ce projet de loi ne répondra pas aux problèmes du logement, car l'insuffisance des propositions qu'il contient est criante au regard de l'urgence de la situation.

Cette situation, nous la connaissons tous. L'absence totale de mixité sociale dans les zones urbaines sensibles conduit à une concentration de toutes les difficultés : chômage, insécurité, discriminations, déscolarisation, pauvreté. La mixité sociale est tout aussi absente de certaines communes proches de Paris où le logement social ne représente que 10 % dans le meilleur des cas, voire même 2 % du total.

Dans les grandes agglomérations, le marché du logement est saturé. Mon collègue Jean Desessard le rappelait : à Paris, pour prendre cet exemple, ce sont plus de 100 000 familles qui sont à la recherche désespérée d'un logement social.

Pour ceux qui restent hors du parc social, la part du budget qu'ils consacrent au loyer ne cesse d'augmenter, réduisant d'autant leur pouvoir d'achat. Après le chômage, le logement est la principale préoccupation des Français.

Face à cela, messieurs les ministres, les réponses du Gouvernement sont bien légères. Certes, vous vous êtes donné dans le plan de cohésion sociale un objectif de 500 000 logements sociaux. Mais on sait déjà, et vous les premiers, messieurs les ministres, que les crédits programmés sont loin d'être tous destinés à être engagés un jour.

Surtout, vos déclarations cachent mal vos intentions. La construction de logements sociaux est élevée au rang d'« engagement national » et partout affichée comme une priorité ; en réalité, c'est le désengagement de l'État que vous organisez. Peut-on affirmer faire du logement social une priorité nationale lorsqu'on laisse 140 villes enfreindre en toute impunité leur obligation de construire 20 % de logements sociaux ?

Vous souhaitez donner la priorité au logement social et, dans le même temps, vous maintenez des mécanismes d'incitation qui laissent tout loisir aux élus locaux les moins généreux de réaliser uniquement des logements intermédiaires, certes classés dans le secteur social, mais qui bénéficient aux demandeurs les plus favorisés.

Comment défendre l'idée que le logement social est une priorité lorsque l'on maintient l'amortissement Robien, dont tout le monde reconnaît que les contreparties sociales sont bien minces et qu'il ne répond pas aux attentes de nos concitoyens les plus démunis ?

Messieurs les ministres, ce projet de loi n'impose aucune dépense supplémentaire à l'État. Le Gouvernement a annoncé qu'il céderait les terrains de l'État avec une décote de 25 %, ce qui correspond à la hausse du prix des terrains en un an... C'est donc l'objectif de valorisation du patrimoine de l'État qui est mis en oeuvre, non une véritable réponse qui permettrait à bon nombre de communes de supporter le coût de la réalisation des logements sociaux.

Ce désengagement est d'ailleurs confirmé par le retrait de l'État du financement des fonds de solidarité pour le logement. C'est probablement cette austérité qui bloque également toute revalorisation des aides personnelles au logement et qui a motivé que le seuil de non-versement soit porté de 13 euros à 24 euros.

On le voit bien, votre politique du logement n'est pas aussi sociale que vous le prétendez et n'est en aucun cas à la hauteur de la réponse attendue par l'immense majorité des Françaises et des Français.

Pour autant, des solutions existent, messieurs les ministres : nous en avons formulé 38 à travers l'excellente proposition de loi déposée au nom du groupe socialiste par notre collègue Thierry Repentin.

Ces propositions, qui forment un plan d'ensemble cohérent, apportent des réponses concrètes.

Face aux municipalités récalcitrantes, qui refusent de s'engager à atteindre leur objectif de 20 % de logements sociaux, nous proposons de multiplier par cinq le montant des sanctions applicables. (M. Philippe Dallier proteste.)

Nous souhaitons le gel des loyers pendant un an, avec pour objectif la formulation de propositions visant à ralentir la hausse de la part du logement dans le budget des ménages.

Face au manque de logements, nous demandons la réorientation de votre politique vers la construction de logements plus sociaux grâce au recours aux prêts PLUS et aux prêts PLAI, dans les secteurs ou l'insuffisance, voire l'absence de ce type de logement est flagrante : jusqu'à présent, l'accent a trop souvent été porté sur les logements dits intermédiaires.

Ces quelques dispositions, messieurs les ministres, en plus d'être évidentes, sont simples, rapides et efficaces. Ne pas les prendre, c'est refuser de reconnaître l'urgence de la situation.

D'autres mesures sont tout aussi indispensables en matière de mobilisation foncière et de correction des distorsions fiscales. Il faut ainsi supprimer « l'amortissement Robien », qui est à la fois peu social, inflationniste et inadapté à la demande de logement, pour revenir à un dispositif de type Besson, dont les contreparties sont nettement plus sociales.

Il faut également augmenter la taxe sur le foncier non bâti pour limiter la rétention foncière. Surtout, il faut mettre fin à l'insuffisance de la compensation d'exonération de taxe sur le foncier bâti dont bénéficient les logements sociaux au détriment des communes qui les construisent. Il est injuste et contre-productif de pénaliser ainsi les élus les plus courageux en les privant de recettes substantielles. Bien au contraire, la péréquation entre les communes devrait bénéficier en premier lieu à celles qui s'engagent volontairement dans le logement social.

Il faut tout autant enclencher une révolution foncière en incitant les communes à classer en zone constructible de nouveaux terrains et en leur restituant une partie de la plus-value ainsi engendrée.

Il faut en outre faciliter la création d'établissements publics fonciers locaux ou régionaux pour permettre une politique d'acquisition foncière audacieuse.

Il faut enfin mieux répartir l'effort de construction de logements sociaux en appliquant des sanctions dissuasives aux communes qui ne respectent pas la loi SRU et en imposant la mixité du logement.

En effet, certaines situations ne sont pas acceptables. Ainsi, à Paris, dans le XIXe arrondissement, que je connais bien pour avoir l'honneur de l'administrer, on dénombre plus de 40 % de logements sociaux ; dans d'autres arrondissements, plus centraux, plus « dorés », on en recense à peine 10 %. Certaines communes de la région parisienne en comptent 70 %, d'autres, comme Neuilly, ne dépassent pas 2 % de logements sociaux. Une telle ghettoïsation, soit de logements sociaux, soit de logements pour ménages aisés, n'est plus acceptable.

Monsieur le ministre du logement, je serais tenté de vous demander quand vous mettrez fin au « deux poids, deux mesures ». À quand le retour d'une politique du logement volontariste, juste et efficace ?

Vous comprendrez que, en l'état actuel, votre projet de loi ne nous convienne pas, et nous espérons que vous nous apporterez des réponses concrètes à l'occasion de la discussion des amendements que nous avons déposés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.

M. Alain Fouché. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, avec 400 000 mises en chantier prévues en 2005, le rythme de construction atteint un niveau inconnu depuis vingt-cinq ans, et le nombre de logements locatifs sociaux financés son niveau le plus élevé depuis dix ans, avec 75 000 logements en 2004.

Malgré la mobilisation totale des gouvernements de notre majorité en faveur du logement depuis 2002, un déséquilibre persiste entre l'offre et la demande de logements en raison, il ne faut pas le cacher, des retards de construction très importants accumulés sous la précédente législature.

M. Alain Fouché. Faut-il le rappeler, alors que près de 80 000 logements sociaux étaient financés en 1994, ils n'étaient plus que 38 000 en 2000 !

Aujourd'hui, bon nombre de nos concitoyens ont du mal à trouver un logement qui corresponde à leurs besoins, et la situation est difficile pour les ménages à revenus modestes ou moyens.

La crise du logement est d'autant plus forte que l'augmentation des prix à la location est en moyenne de 4,7 % depuis le début de l'année et que, à l'achat, la hausse des prix de l'ancien a été de 15,5 % en 2004, Paris étant désormais la troisième ville la plus chère d'Europe, après Londres et Rome.

Dès lors, le projet de loi qui nous est soumis s'inscrit dans le cadre d'une politique globale du logement particulièrement ambitieuse.

Les dispositions de ce texte ayant été fort bien analysées par les rapporteurs, je centrerai mon propos sur l'impérieuse nécessité d'élaborer une politique du logement équilibrée entre parc social et parc privé. L'un ne peut pas aller sans l'autre, et encore moins contre l'autre.

En effet, l'excellent rapport du groupe de travail constitué par la commission des affaires économiques sur les facteurs fonciers et immobiliers de la crise du logement insiste à très juste titre sur l'importance de la mixité sociale. J'observe d'ailleurs que, à l'exception des modalités permettant d'atteindre l'objectif des 20 % posé à l'article 55 de la loi SRU, les conclusions de ces travaux font l'objet d'un large consensus.

La mixité sociale, oui : à l'intérieur des villes, dans les quartiers, et dans les immeubles. Cela implique de construire des logements sociaux là où il y en a le moins, et d'en construire beaucoup plus qu'actuellement tant les besoins sont considérables.

Nous avons voté en 2005, avec un certain enthousiasme sur nos travées, la loi de programmation pour la cohésion sociale qui nous a fixé pour objectifs de produire 500 000 logements locatifs sociaux en cinq ans, de conventionner 200 000 habitations à loyer maîtrisé et de remettre sur le marché 100 000 logements vacants.

Mais nous savons aussi que, pour atteindre ces objectifs, il faut non seulement maintenir la pression, mais même l'accroître. C'est la raison pour laquelle il me paraît vraiment nécessaire d'amplifier les efforts engagés en permettant de libérer le plus de foncier possible, car c'est là aujourd'hui l'obstacle majeur à la réalisation de programmes de construction, notamment de logements sociaux.

Il est en effet primordial de fluidifier le marché foncier en se dotant des moyens de lutter contre la rétention foncière, c'est-à-dire contre la spéculation, et d'augmenter l'offre de terrains à bâtir à prix modérés. Dans cette logique, il est essentiel de définir pour les terrains publics une politique patrimoniale active en faveur du logement.

Le recensement des terrains du ministère de l'équipement et de ses établissements publics, entrepris par la Délégation à l'action foncière, mérite d'être salué. Ainsi 9 millions de mètres carrés se sont-ils révélés mobilisables en Île-de-France dans les dix ans à venir, ce qui pourrait permettre de réaliser environ 40 000 logements.

Toutefois, la mise en oeuvre du plan de cohésion sociale nécessite que l'effort soit amplifié. Pour cela, il faut effectuer le même travail dans les autres régions et l'étendre à tous les ministères concernés. Les récents travaux de la mission d'évaluation et de contrôle, qui ont montré combien l'État connaît mal son patrimoine - et chacun le sait -, y incitent largement.

Il est également nécessaire d'accélérer le travail d'identification du patrimoine de Réseau ferré de France et de la SNCF, qui sont, avec La Poste, d'importants propriétaires fonciers et dont les terrains sont souvent bien localisés.

N'en doutons pas, il nous faut aller plus vite, et je souhaiterais en l'espèce obtenir des précisions sur le calendrier prévu et sur la superficie des terrains publics qui seront prochainement libérés pour qu'y soient construits des logements sociaux.

Cependant, l'exigence de mettre en chantier un grand nombre de logements sociaux ne saurait occulter la nécessité de préserver un équilibre entre le parc locatif social et le parc locatif privé. Ce dernier constitue indéniablement un segment important du secteur immobilier français puisqu'il loge plus de 5 millions de ménages.

Pourtant, force est de constater que le statut de bailleur ne fait plus recette aujourd'hui. Cette désaffection s'explique notamment par le déséquilibre existant dans la fiscalité française en défaveur de la pierre et par les problèmes que rencontrent certains bailleurs dans leurs rapports avec les locataires.

De fait, bon nombre de logements locatifs privés sortent du secteur locatif à l'occasion des successions. Aussi serait-il souhaitable de prévoir un dispositif fiscal tendant à exonérer les héritiers d'une partie des droits de succession contre l'engagement, pour une durée qu'il faudra définir, à maintenir le logement dans le secteur locatif. Un mécanisme comparable existe déjà pour l'ANAH, qui accorde des crédits plus favorables quand les logements sont destinés à être loués dans le secteur social ; il est certainement possible de le transposer au logement locatif privé.

Dans le même esprit, il serait opportun de créer les conditions juridiques permettant de redonner confiance aux propriétaires bailleurs, par exemple en assurant la sécurisation du paiement du loyer par la création d'un mécanisme de garantie contre les risques locatifs.

Cela étant, nous ne saurions perdre de vue que l'immense majorité des Français ont pour aspiration profonde de devenir propriétaires de leur résidence principale.

En la matière, notre pays accuse un retard significatif par rapport à ses principaux voisins européens, puisqu'il ne compte que 56 % de propriétaires, contre 83 % en Espagne ou 70 % en Italie.

C'est pourquoi tous les instruments nécessaires doivent être mobilisés pour favoriser l'accession à la propriété des ménages, en particulier des plus modestes, qu'il s'agisse d'adapter les outils bancaires -  je pense au report du paiement de mensualités en cas d'accident de la vie -, de réformer l'hypothèque, de développer la politique de vente de logements locatifs sociaux à leurs occupants ou d'actualiser les plafonds d'éligibilité au prêt à l'accession sociale.

La maison dite « à 100 000 euros » est la plus belle illustration de ce que je viens de dire et elle démontre qu'une politique du logement ambitieuse doit avancer sur deux axes, le social et le privé  - c'est ce que je me suis efforcé de vous démontrer - pour aller plus loin et plus fort ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck.

M. Christian Demuynck. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je souhaite m'exprimer sur ce texte important portant engagement national pour le logement social, car je fais partie des maires n'ayant pas atteint les 20 % de logements sociaux. Je suis donc soumis à la vindicte populaire, celle de la presse, celle de l'opposition, ce qui ne manque pas de saveur lorsque l'on sait que c'est justement lorsque les socialistes, les communistes et les Verts étaient au pouvoir que le nombre de logements sociaux construits a été le plus bas.

Je veux simplement rappeler les quelque 59 000 logements sociaux mis en chantier au niveau national en 1996, à comparer aux 40 000 mises en chantier, et difficilement, par le gouvernement Jospin en 2002. Pour achever la comparaison, en 2004, il y en a eu 75 000 !

J'insisterai aussi sur le fait que chacun a hérité d'une situation en matière de logement social et que personne ici n'a à se vanter d'être plus social qu'un autre, en tout cas plus que moi. Car peu de ceux qui se parent aujourd'hui des habits du social sont à l'origine de ces constructions, qui datent des années soixante, époque où la décentralisation n'existait pas et où c'était l'État qui délivrait les permis de construire, donc qui décidait.

D'ailleurs, celui qui le premier prit l'initiative de remplacer les bidonvilles par des logements dits « sociaux » fut le général de Gaulle. Et que certains fassent croire qu'ils sont à l'origine de ces constructions est de leur part pure démagogie.

Je vais, pour illustrer les difficultés d'application de la loi SRU, donner l'exemple de ma ville.

En effet, à Neuilly-Plaisance, ville de Seine-Saint-Denis, j'ai hérité en 1983, avec mon conseil municipal, de 38 logements sociaux.

Il faut dire que nous succédions à une majorité communiste et socialiste.

Aujourd'hui, Neuilly-Plaisance compte 1 205 logements sociaux, soit une augmentation de quelque 3 026 %, à laquelle il faut ajouter, bien sûr, tout ce qui va avec : école de quartier, gymnase, halte-garderie, maison des jeunes, aire de jeu rénovée ou créée, navettes scolaires lorsque cela est nécessaire, bref, des services publics de qualité pour les plus modestes.

J'ajoute d'ailleurs que nous n'avons jamais pu faire prendre en compte et conventionner 67 logements, propriété de la ville, que je qualifierai de logements sociaux « d'urgence ». Ils ont été acquis en pleine propriété, c'est-à-dire financés en totalité par la ville pour y loger les « accidentés de la vie » qui paient un loyer très modeste, quand ils le peuvent. À titre d'exemple, les deux derniers colocataires hébergés dans un pavillon il y a dix jours paient 50 euros par mois. Et là, curieusement, nous ne rentrons dans aucun critère. Pourtant, n'est-ce pas du social ? Ces logements ne devraient-ils pas être pris en compte ?

Nous n'avons pas attendu la loi SRU pour entamer un processus de construction et de réhabilitation, et nous revendiquons - je revendique haut et fort - la reconnaissance de notre engagement pour le développement du logement social, parce que nous considérons que « social » n'est pas un gros mot, que c'est une nécessité et que les plus modestes, comme les jeunes, doivent pouvoir se loger sans difficulté.

Je le répète, nous n'avons pas attendu d'y être contraints par une loi, mais nous l'avons fait avec le souci de l'équilibre, en préservant la qualité de vie.

La devise de Neuilly-Plaisance choisie et plébiscitée par les habitants de tous les quartiers, des plus modestes aux plus aisés, est « un art de vivre ». Que les constructions, les modifications se réalisent, mais que cela se fasse avec intelligence, dans l'intérêt de tous. C'est leur exigence, c'est aussi la mienne.

Neuilly-Plaisance est une petite ville de Seine-Saint-Denis, structurée historiquement pour qu'un peu plus de 18 000 habitants vivent dans de bonnes conditions, c'est-à-dire que chacun s'y sente bien, ait de l'espace vital, puisse circuler, stationner, ait un environnement de qualité.

En d'autres termes, nous voulons éviter les erreurs du passé.

D'ailleurs, au-delà de la loi SRU et de l'engagement pour le logement social, se posent des questions de fond : jusqu'où va-t-on accepter de voir les métropoles s'agrandir ? Va-t-on continuer indéfiniment de construire la ville sur la ville ?

Tout le monde y va de son couplet disant que l'on vit de moins en moins bien en région parisienne, que la circulation y est de plus en plus difficile, que les transports en commun sont saturés et transportent les usagers aux heures de pointe dans des conditions indignes, que les grandes villes sont polluées, que l'on y respire de plus en plus mal, au point que l'on demande aux enseignants d'arrêter les activités physiques des enfants quand le taux de CO2 et de polluants met leur santé en danger.

Ne doit-on pas, monsieur le ministre, forts de ce constat, avoir une vraie réflexion sur l'aménagement du territoire ?

Ne doit-on pas tout faire pour inverser la tendance des campagnes qui se dépeuplent et des zones urbaines qui « explosent » dans tous les sens du terme ? Peut-on vraiment penser qu'en densifiant les grandes villes nous y vivrons mieux ?

Aujourd'hui, Neuilly-Plaisance, c'est 14,83 % de logements sociaux contre 3 % lorsque mon équipe a été élue en 1983. Ces chiffres parlent d'eux-mêmes et montrent un engagement fort et indéniable sur le long terme.

Mais que nous disent les services de l'État ? Qu'il nous en manque 457, chiffre qui n'est d'ailleurs pas exact, puisque chaque fois que nous construisons cinq logements, il faut en prévoir un en plus en fonction des critères de calcul, ce qui porterait à 597 le nombre d'appartements restant à construire.

Honnêtement, monsieur le ministre, nous sommes dans l'impossibilité de les réaliser dans leur totalité par manque de foncier. Ou alors nous décidons que le logement social est une considération prioritaire qui se substitue à la qualité de vie des habitants, à l'urbanisme, aux espaces verts, au bon sens...

Par exemple, nous avons réussi en 1999 à réaliser un parc, après plus de quinze ans de combat, avec le soutien de la population et des associations de sauvegarde de l'environnement, contre un projet de décharge ménagère - c'est vous dire la considération dont nous faisions l'objet à l'époque. Ce parc, créé sur d'anciennes carrières de gypse remblayées par le conseil général, a coûté à la ville près d'un million d'euros. C'est un véritable poumon vert pour notre département défavorisé aussi en ce domaine.

Est-ce que le rayer de la carte pour faire du logement social améliorerait les conditions de vie des habitants de la Seine-Saint-Denis, déjà « sururbanisée » ?

Faut-il, en raison du manque de foncier et pour atteindre les objectifs, envisager de construire de nouveau des tours ? Faut-il exproprier les petits propriétaires pour dégager des terrains à construire ?

Monsieur le ministre, la situation que je viens d'évoquer est celle de ma ville, mais elle n'est pas unique.

La majorité de mes collègues maires qui sont dans les mêmes conditions comprennent l'impératif du social. Nous partageons cette exigence, mais nous ne pouvons pas faire l'impossible.

Je vous demande donc de mettre en place une structure permettant aux préfets de rencontrer les élus concernés par la loi SRU, d'évaluer avec eux l'effort réalisé par leur collectivité sur une période que vous déterminerez, trois ans ou cinq ans, faisant ainsi la différence entre les communes qui, délibérément, refusent tout logement social, et avec lesquelles il faut être impitoyable, et celles qui, faute de foncier, ne peuvent atteindre les objectifs. À partir de ce bilan, il faudrait contractualiser des projets triennaux d'engagement qui supprimeraient les pénalités mais qui, s'ils n'étaient pas tenus, verraient les sanctions aggravées.

Pour conclure et pour illustrer mes propos, je vous dirai que les 147 195 euros de pénalités payées par ma commune durant ces vingt-quatre derniers mois sont tout simplement autant de logements sociaux, d'équipements et de services publics en moins pour l'ensemble de mes administrés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.- M. le rapporteur applaudit également)

M. le président. La parole est à M. José Balarello.

M. José Balarello. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, vous savez aussi bien que moi que, depuis trente ans, nous avons eu successivement onze lois et d'innombrables décrets, tous relatifs au logement des Français, et je ne parle pas de ceux qui ont trait à l'urbanisme.

Or, en 2005, malgré cette abondance de textes, le logement constitue toujours avec l'emploi un problème national. En outre, nous venons d'assister à quantité d'incendies volontaires dans le cadre de violences urbaines, dont le coût dépasserait 500 millions d'euros pour la nation.

Nous devons peut-être nous poser quelques questions à ce propos, et c'est manifestement ce que vous avez fait, messieurs les ministres, en essayant d'apporter des solutions concrètes, et même si je n'approuve pas toutes les mesures que vous proposez, je reste cependant d'accord avec vous sur l'essentiel.

Compte tenu du temps qui m'est imparti, je ferai d'abord quelques constatations qui relativisent la gravité du problème. Ensuite, j'évoquerai le foncier et l'accession aidée à la propriété, qui sont deux de vos priorités, puisque vous y consacrez plusieurs articles des chapitres Ier et II, vision que je partage. Je vous ferai enfin part de quelques réflexions que m'inspirent les événements que nous venons de connaître dans certains ensembles HLM.

Tout d'abord, le constat : comme vous l'indiquiez dans l'exposé des motifs du présent projet de loi, messieurs les ministres, la situation du logement en France est loin d'être sinistrée. En effet, nous pouvons espérer atteindre 400 000 mises en chantier en 2005, ce qui ne s'était jamais vu depuis 1980.

Ensuite, le plan de cohésion sociale que vous avez mis en place prévoit la réalisation et le financement de 500 000 logements locatifs sociaux sur la période 2005-2009, soit deux fois plus que durant la période 1997-2002, même si, faute de foncier disponible - nous en avons abondamment parlé ici -, les organismes d'HLM vont éprouver quelques difficultés à consommer la totalité des crédits.

C'est notre cas dans les Alpes-Maritimes, où le conseil général, pour y parvenir, s'investit beaucoup, notamment dans le domaine des surcoûts fonciers et des subventions aux organismes d'HLM et aux bénéficiaires du prêt à taux zéro.

Avec l'aide des collectivités locales, monsieur le ministre, vous arriverez à réaliser ce plan ambitieux.

Toujours dans le constat, j'en viens à l'accession à la propriété.

Grâce au prêt à taux zéro, initié par Pierre-André Périssol - niçois comme moi-  l'accession à la propriété est en pleine ascension puisque 1 027 527 prêts à taux zéro ont été distribués de 1995 à janvier 2005. Avec la réforme de Marc-Philippe Daubresse, qui a supprimé fort judicieusement la condition de travaux à réaliser dans l'ancien, 138 082 prêts à taux zéro ont déjà été distribués depuis février 2005, soit une nette augmentation. C'est la raison pour laquelle je suis partisan de l'augmentation des plafonds de ressources que vous avez proposée dans les zones d'Île-de-France, de la Côte d'azur et du Genevois.

Après ce constat qui nous incite tout de même à un peu d'optimisme, venons-en à vos propositions.

Une grande partie du projet de loi traite du problème foncier, puisque le chapitre Ier est intitulé : « Mobilisation de la ressource foncière pour la réalisation de logements ». Je souscris totalement à cette orientation gouvernementale.

Il est, en effet, peu admissible que le développement des grandes villes, le logement des étudiants et l'objectif de 20 % de logements sociaux, que je serais d'ailleurs partisan de ramener à 15 %, soient bloqués par l'absence de foncier disponible dû parfois au relief, comme c'est le cas à Menton, ville que je connais bien, où se rejoignent la loi Montagne, la loi Littoral et les plans de prévention des risques. Or l'État, premier propriétaire foncier avec 58 000 immeubles, via quelques grands ministères comme la défense, l'éducation nationale ou les finances, laisse inoccupés de grands bâtiments et inutilisés de vastes terrains potentiellement constructibles, comme l'a montré notre collègue député Georges Tron dans son rapport publié le 6 juillet 2005. J'ajoute que, lorsque l'État décide de les céder, les procédures sont trop longues et trop compliquées.

Lors de la séance de questions orales du 9 novembre dernier, j'ai interpellé M. le ministre des finances sur ce sujet. J'espère, messieurs les ministres, que la décision qui vient d'être prise de transférer au Trésor public le service des domaines accélérera les formalités de cession, surtout lorsque l'acquéreur est une collectivité ou un organisme d'HLM et que le but de l'acquisition est de créer des logements sociaux.

Je parle d'expérience. Voilà maintenant deux ans en effet que je m'efforce d'obtenir le transfert à un organisme d'HLM des locaux d'une ancienne gendarmerie, inoccupés depuis plusieurs années. Je suis sur le point d'y parvenir, mais les actes ne sont toujours pas signés. Par ailleurs, nous nous battons depuis dix ans pour obtenir le transfert de propriété d'un ancien fort qui est situé sur la commune dont j'étais le maire.

Le second chapitre du projet de loi portant engagement national pour le logement est consacré au développement de l'offre de logements et à l'accès au logement, notamment à l'accession à la propriété.

Il est proposé d'instituer une TVA à taux réduit pour faciliter l'accession à la propriété de logements neufs dans les zones urbaines sensibles, ce qui me paraît une bonne mesure.

En effet, mes chers collègues, il est temps de développer l'accession à la propriété. Les chiffres ont déjà été évoqués du haut de cette tribune et il suffit de se pencher sur les statistiques européennes pour constater que notre pays est à la traîne dans ce domaine : en France, 57 % des personnes sont propriétaires de leur logement - et non pas 56 %, monsieur le rapporteur -, contre 83 % en Espagne, 74 % en Belgique ou encore 69 % en Italie et au Royaume-Uni, et ce alors que les familles françaises ont toujours été attachées à la pierre. Cette disparité explique en partie les événements auxquels nous venons d'assister.

Je préside un grand office d'HLM comportant 25 000 logements. En vertu des lois du 10 juillet 1965 et du 23 décembre 1986, dite loi Méhaignerie, dont je fus le rapporteur au Sénat, j'ai vendu aux locataires de mon office plus de 1 000 logements. L'expérience m'a appris que, dans un immeuble, lorsque les locataires deviennent propriétaires, les dégradations cessent et les tensions disparaissent.

Aussi est-ce dans le droit fil de cette démarche que j'ai déposé un amendement sur lequel je me permets d'attirer votre attention, messieurs les ministres. Il vise à prendre en compte, dans le calcul du quota de l'article 55 de la loi SRU, les logements vendus par les organismes d'HLM à leurs locataires, ventes que nous nous devons par ailleurs d'encourager. J'espère que le Gouvernement et le Sénat adopteront cet amendement. Il n'est en effet pas cohérent d'inciter les organismes d'HLM et les élus qui en président les conseils d'administration à vendre une partie du patrimoine pour les pénaliser ensuite en application de l'article 55 de la loi SRU.

En outre, messieurs les ministres, j'attire votre attention sur le fait que, à l'exception du prêt à taux zéro, qui a remplacé le prêt d'accession à la propriété, le PAP, l'accession à la propriété plus sociale fonctionne mal, car le prêt social de location-accession, le PSLA, ne se développe pas faute d'opérateurs intéressés, le système étant difficile à gérer dans le temps.

Aussi m'apparaît-il important que vous incitiez les futurs offices de l'habitat, qui seront créés par l'article 8 du présent projet de loi, ainsi que la Caisse des dépôts et consignations, à réaliser des programmes en PSLA et à instaurer un système analogue à celui des PAP.

En tout état de cause, il est bien évident que le ministère des finances devra mettre la main à la poche, ce qu'il fait très peu pour le prêt à taux zéro, afin d'encourager les constructions qui, étant réalisées par des promoteurs publics, constitueront un produit a priori moins cher, accessible à presque tous les salariés, ce qui n'est pas le cas du prêt à taux zéro.

Je considère peu responsable, sur la forme, la position prise par Mme Obolensky, directrice de la Fédération bancaire française à propos du prêt à taux zéro même si, sur le fond, la position des banques ne me paraît pas dénuée de fondement. Je compte sur vous, messieurs les ministres, ainsi que sur le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, pour remédier très rapidement à cette situation, afin d'éviter que le secteur bancaire ne rejette les demandes de prêt, comme la menace en a été faite, à compter du 23 novembre : ce serait proprement scandaleux, compte tenu des enjeux et du contexte actuel et ce serait incompréhensible par nos concitoyens.

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. José Balarello. Le dernier point sur lequel je tiens à m'exprimer concerne les événements qui se sont produits dans quelques grands ensembles d'HLM dans lesquels, de façon irresponsable, on a logé depuis des années dans les mêmes tours beaucoup trop de familles nombreuses, issues de l'immigration, en situation précaire. Les enfants sont en état d'échec scolaire faute d'avoir des parents en mesure de les suivre. Plus âgés, ils sont au chômage et deviennent les jouets d'agitateurs ou de délinquants.

Dans ces grands ensembles, on a, sans réfléchir, au fil des ans, supprimé les commissariats de quartier et délaissé le tissu sportif et associatif, les clubs sportifs où tous les jeunes se côtoyaient et apprenaient et à se respecter mutuellement, et à respecter leurs dirigeants.

Ce souci de promouvoir la mixité sociale me conduit à m'opposer, comme d'autres orateurs avant moi, notamment les rapporteurs, au fait d'imposer systématiquement aux organismes d'HLM un barème et un seuil de déclenchement obligatoire de surloyer, tel que le prévoit l'article 10 du présent projet de loi. Des familles d'ouvriers devenus artisans doivent pouvoir continuer, si elles le désirent, à vivre dans leur quartier, car c'est un facteur de mixité sociale et de tranquillité au quotidien.

Messieurs les ministres, laissez les organismes et les élus locaux décider de ce qui est bon pour leur quartier, dans le cadre des PLU, y compris pour les attributions de logements, sans faire intervenir les préfets.

C'est la raison pour laquelle, lors de la discussion au Sénat du projet de loi relatif à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville, en 1996, j'avais plaidé, mais en vain, pour que l'on donne aux organismes d'HLM les moyens d'assurer une répartition équilibrée et harmonieuse de la population. J'avais déposé un amendement allant dans ce sens à la suite à la condamnation pour discrimination de M. Pascal, qui est intervenue avant que vous n'occupiez vos fonctions de garde des sceaux, monsieur Perben, mais peut-être vous en souvenez-vous ? Frédéric Pascal, président de la Société centrale immobilière de la Caisse des dépôts et ancien président d'Amnesty international, avait alors reçu le soutien de MM.  Quilliot et Bergeron, qui avaient déposé en sa faveur.

À l'époque, mon amendement n'avait pu prospérer, faute d'avoir obtenu l'appui du Gouvernement. On voit maintenant les dégâts provoqués par les décisions qui ont été prises, notamment avec ces ghettos qui interdisent toute politique d'intégration.

Enfin, je souscris à la proposition d'élargir le rôle de l'Agence nationale de l'habitat pour essayer de réduire le nombre de logements vacants -  quelque 2 millions selon l'INSEE - dans le parc locatif privé, le refus de louer trouvant sa source principale dans la crainte du non-paiement des loyers. Cela exigerait, comme certains des orateurs qui m'ont précédé à cette tribune l'ont indiqué, l'instauration d'une garantie collective comparable, mais plus longue, à celle qui a été instituée dans le cadre de la mise en place du 1 %. Une telle garantie, qui existe déjà dans d'autres pays européens, nous permettrait de réaliser d'importantes économies budgétaires, tout en logeant les personnes dans les centres-villes.

Tels sont, messieurs les ministres, les quelques points sur lesquels je voulais attirer votre attention et celle du Sénat. Au vu des événements auxquels nous venons d'assister, je souhaite que le pragmatisme et le bon sens prennent le pas sur les idéologies. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.

M. Christian Cambon. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les Français éprouvent des difficultés croissantes pour trouver le logement qui correspond à leur besoin, comme l'a amplement démontré le débat que nous avons eu cet après-midi.

Cette crise sans précédent, et qui est déjà ancienne, est attestée par les chiffres : on estime à près de 6 millions le nombre de personnes qui rencontrent de graves difficultés pour se loger.

Mais ce sont évidemment les familles les plus modestes et les plus nombreuses qui sont les plus touchées, en particulier dans les grandes agglomérations. Accéder à la propriété leur est devenu impossible et, dans le même temps, l'augmentation des loyers leur interdit l'accès au parc privé. Paris est la troisième ville la plus chère d'Europe, après Londres et Rome.

Dans mon département, le Val-de-Marne, on recense à l'heure actuelle plus de 45 000 demandeurs de logement inscrits. Les maires le savent bien, huit rendez-vous sur dix concernent en général un problème de logement et il leur faut souvent se contenter d'écouter, sans pouvoir apporter de réelle solution.

Les causes de cette situation, nous les connaissons. Le diagnostic en a été excellemment posé cet après-midi par M. Dominique Braye, rapporteur de la commission des affaires économiques. Il s'agit d'un déséquilibre persistant entre l'offre et la demande, parce que des retards très importants ont été accumulés au fil des années dans la construction de logements, mais aussi parce que l'évolution des modes de vie a été mal anticipée : mobilité professionnelle, décomposition des familles, perte d'emploi.

Le projet de loi portant engagement national pour le logement était d'autant plus attendu, messieurs les ministres, qu'il doit contribuer à sortir notre pays de la grave crise qu'il traverse, en venant renforcer le plan de cohésion sociale et le pacte national lancé par le Premier ministre, le 1er septembre dernier.

Certaines des orateurs qui m'ont précédé ont souligné que ce texte comportait des dispositions positives. Il n'en sera que plus facile de mobiliser les ressources foncières grâce à la simplification des procédures de mise en vente des terrains appartenant à l'État pour y faciliter les constructions. Ce sujet est particulièrement sensible en Île-de-France.

Les maires seront encouragés à construire grâce à la possibilité d'augmenter les coefficients d'occupation des sols pour la construction de logements, notamment dans les zones déficitaires.

L'unification des statuts des offices publics d'HLM, les OPHLM, et des offices publics d'aménagement et de construction, les OPAC, sous le nouveau statut d'office public de l'habitat, ainsi que l'élargissement du rôle de l'ANAH, qui deviendra l'agence nationale de l'habitat, permettront la modernisation nécessaire de la gestion des offices d'HLM.

Le présent projet de loi suscite toutefois quelques inquiétudes sur lesquelles je souhaite attirer l'attention du Sénat.

De nombreux maires souhaitent réellement apporter une solution concrète à la crise du logement. Il convient de les encourager et non pas, comme l'a souligné Dominique Braye, de les assimiler aux maires qui refusent délibérément de réaliser des logements sociaux et qui, eux, doivent être sanctionnés.

Il faut les aider à acquérir des terrains lorsque le foncier est trop cher. C'est notamment le cas dans les grandes agglomérations, dans les départements de la première couronne d'Île-de-France, dans lesquels le coût d'un terrain représente parfois jusqu'à 50 % du coût total d'une opération, ce qui la rend trop souvent difficile à réaliser.

Par ailleurs, lorsque les maires s'engagent dans des opérations d'urbanisme ou de construction de logements sociaux, ils doivent accompagner ces projets par la réalisation de crèches, d'écoles, d'équipements culturels et sportifs qui sont absolument indispensables à l'accueil de nouveaux habitants dans de bonnes conditions. Il faut donc, là encore, les soutenir en instaurant des mécanismes financiers de nature à favoriser ces investissements.

Il pourrait s'agir, comme l'a rappelé M. Pierre Jarlier, rapporteur pour avis de la commission des lois, de la compensation intégrale des pertes de ressources fiscales enregistrées par les communes ou par les EPCI du fait de l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties dont bénéficient les logements locatifs sociaux. Cela représente un poids financier important.

M. Thierry Repentin. C'est une bonne proposition !

M. Christian Cambon. Quant à l'article 55 de la loi SRU, dont vous aurez beaucoup entendu parler aujourd'hui, messieurs les ministres, il faudra bien accepter un jour d'en réviser les mécanismes, afin de rendre le dispositif plus incitatif et d'éviter qu'il ne pénalise celles des communes qui s'engagent, dans la mesure de leur possibilité, dans la construction de logements.

Tout à l'heure, MM. Dallier et Demuynck ont évoqué la situation de leur commune respective dans des termes tout à fait éclairants. Ils ont montré les incohérences auxquelles aboutit une application trop stricte de cette loi.

Comment expliquer en effet à des communes entièrement urbanisées, comme c'est le cas de nombreuses villes du Val-de-Marne - Saint-Mandé par exemple, avec ses 217 habitants par kilomètre carré et où aucun terrain n'est disponible - qu'elles vont être pénalisées pour la totalité de leur habitat alors qu'elles devraient plutôt être incitées à inclure au moins 20 % de logements sociaux dans chaque nouvelle opération de construction ? Comme on l'a proposé, c'est en réalité sur les flux des nouveaux logements, plutôt que sur le parc existant, qu'il serait juste d'appliquer le pourcentage des 20 %.

Il convient également d'être plus réaliste dans la comptabilisation des 20 % de logements sociaux. En effet, il faudrait tenir compte des logements subventionnés par l'ANAH, des résidences étudiantes, des résidences pour personnes âgées et des foyers de migrants, qui sont autant de composantes de l'habitat social dans chacune de nos villes.

De la même manière, ne faudrait-il pas comptabiliser dans le quota requis la petite propriété sociale - la maison à 100 000 euros, par exemple -, qui relève de la mise en oeuvre de plafonds de ressources, les loyers de 1948 pour les surfaces inférieures à 50 mètres carrés ou encore les logements situés dans les zones bruyantes, à proximité des autoroutes ou des aéroports, notamment ?

Enfin, quel sera le sort des communes qui voient leur pourcentage de logements sociaux passer sous la barre des 20 % parce qu'un bailleur a décidé unilatéralement de déconventionner un certain nombre de ces appartements, alors que la qualité de l'habitat n'a pas évolué pour autant ? Dans notre département, c'est le cas de Sucy-en-Brie, dont la presse s'est dernièrement fait l'écho.

Les collectivités seront d'autant plus incitées à aller plus loin qu'elles n'auront pas le sentiment d'être injustement pénalisées par les critères retenus.

Les règles de la décentralisation, qu'il nous faut respecter, sont pour moi une autre source d'inquiétude.

Les préfets ont déjà la possibilité, lors de l'élaboration des PLU, d'intervenir dans la fixation des prescriptions d'urbanisme. Il ne peut être question, comme le prévoit l'article 2 du projet de loi, de les autoriser à intervenir de nouveau sur les permis de construire afin de renforcer la densité des constructions. C'est là, nous semble-t-il, aller trop loin et porter atteinte aux principes de libre administration des collectivités territoriales.

Par ailleurs, s'agissant de l'obligation pour les conseils municipaux de débattre une nouvelle fois, seulement trois ans après l'adoption du PLU, je constate que c'est le genre de débats parfaitement artificiels, assez peu positifs dont les maires souhaiteraient vraiment pouvoir faire l'économie.

Enfin, la fluidité du marché des logements sociaux est le dernier point d'interrogation qui mérite d'être souligné.

La cession du parc social, qui a été défendue par un certain nombre de collègues, y compris de mon groupe, est-elle réellement la bonne solution ? Elle est un élément de la solution. En effet, elle permet très souvent d'obtenir la mixité dans des immeubles qui posent un certain nombre de problèmes. Mais, nous le savons, le fait de vendre les appartements ne répond pas à tous les besoins.

En effet, dans nos communes, certains locataires ne veulent pas acheter leur appartement, ou ne le peuvent pas. Et, à terme, que ferons-nous quand tout aura été vendu ? Que proposera-t-on aux jeunes ? Que proposera-t-on aux familles séparées, aux nouveaux habitants qui nous arrivent dans un flux toujours plus important ?

De même, contrairement à ce qui se pratique dans le secteur privé, le bail social est accordé en fonction de certains critères attachés aux revenus ou à la composition de la famille, notamment. Or ces critères évoluent dans le temps. Après dix, vingt, parfois trente ans, des locataires occupent encore des logements qui ne leur seraient plus attribués en fonction des critères actuels et ils empêchent ainsi, parfois, des familles nombreuses d'obtenir l'appartement qui leur est nécessaire.

Certes, cela a été souligné, le mécanisme des surloyers existe. Mais encore faudrait-il mettre en place avec beaucoup de clairvoyance un dispositif incitatif, car, comme l'a dit Philippe Leroy tout à l'heure, il n'est pas nécessaire d'instaurer des règles s'appliquant uniformément à l'ensemble du territoire. Ne serait-il pas souhaitable, dans certaines communes comme la mienne, de fluidifier le stock de grands appartements familiaux ? En revanche, dans d'autres secteurs, le mécanisme des surloyers peut être un élément de mixité tout à fait important.

Pour conclure, si, encore une fois, ce texte comporte d'excellentes dispositions qui viennent compléter celles du plan de cohésion sociale et le volet législatif du pacte national pour le logement, il ne constitue, à nos yeux, qu'une étape. Nous tenterons de l'améliorer par nos amendements pour aller plus loin et permettre à notre pays de sortir enfin de la crise qui atteint ses catégories sociales les plus fragiles, notamment les familles. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, non sans avoir au préalable félicité les rapporteurs de l'excellent travail qu'ils ont accompli, je tiens à répondre de suite à ceux qui, comme M. Madec, ont relevé pour s'en émouvoir le faible nombre d'articles du projet de loi.

Mesdames, messieurs les sénateurs, il ne vous aura sans doute pas échappé qu'il fallait aller vite : nombre de dispositions pertinentes prévues dans le projet de loi Habitat pour tous ont déjà été votées lors de la discussion de la loi relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, par exemple, la réforme des indices.

Par ailleurs, en matière de logement, notamment de logement social, je suis convaincu que l'action à mener ne peut être que le fruit d'une coproduction. Ce n'est pas un domaine où le Gouvernement sait tout et peut proposer au Parlement un texte déjà ficelé. Les sujets sont complexes, et le diable est dans les détails, avec le risque de malentendus, voire d'anathèmes.

Dans ce domaine plus que dans d'autres, il fallait en plus un énorme travail, non seulement du Parlement, mais aussi des différents partenaires concernés par la construction et la gestion de logements pour parvenir à un texte cohérent, raisonnable, équilibré et susceptible de relancer la machine du logement social. Si c'était si facile, très franchement, cela se saurait !

C'est la raison pour laquelle nous avons travaillé très en amont, les uns et les autres, et qu'un certain nombre de sujets ont été délibérément laissés ouverts. Un exemple mérite d'être cité, d'autant qu'il n'a rien de confidentiel.

Lors des réunions auxquelles j'ai participé du groupe de travail sénatorial, dont le rapport d'information, extrêmement complet, a été voté à l'unanimité et permet d'aller au fond des problèmes, je n'exagère pas en disant que les sénateurs « très porteurs », si vous me permettez cette image, se sont posé la question de savoir si le degré de maturation de la réflexion sur la plus-value exclusivement réservée aux propriétaires, l'un des points fondamentaux évoqués, était suffisant pour que ce sujet figure dans un texte. Le cheminement de pensée a été collectif. Le Gouvernement, de son côté, après avoir accompli un travail interministériel sur la proposition des parlementaires, a fait savoir à ces derniers qu'il soutiendrait un texte qui méritait d'être travaillé à fond.

Il faut beaucoup d'humilité en la matière, car, comme l'a dit M. Leroy, la démarche est celle d'une construction permanente, d'un ajustement de dispositifs rendu complexe par la nécessité de tenir compte de la diversité des situations.

D'autres dispositions viendront, qui ne seront pas forcément d'ordre législatif ou réglementaire, car la vie de ce pays, l'évolution de nos communautés, de la sociologie, de la société en général, exigent un ajustement permanent. Voilà pourquoi ce texte reste délibérément ouvert au partenariat entre le Parlement, saisi dans toute la noblesse de sa fonction, et le Gouvernement.

Cela ne veut pas dire que le Gouvernement n'a pas d'ores et déjà oeuvré soit en intégrant des dispositions dans des textes de loi qui vous ont déjà été soumis, je pense au plan de cohésion sociale, soit en décidant d'un certain nombre de dispositifs financiers hors textes de loi, car on n'est pas obligé de faire de la programmation partout.

Je suis navré de ne pas répondre à toutes les interrogations budgétaires, mais les réponses figurent dans le plan de cohésion sociale, avec une visibilité à cinq ans, ce qu'ont d'ailleurs demandé à juste titre à la fois Mme Gélita Hoarau et M. Jean-Paul Virapoullé pour la Réunion et, d'une manière générale, pour les départements d'outre-mer. Nous avons cette visibilité financière. La loi est là pour des adaptations, et on a vu à quel point elles étaient difficiles.

Je répondrai maintenant aux différents rapporteurs, que je remercie encore d'avoir permis, grâce à leurs analyses croisées, des convergences que nous retrouverons sous la forme d'amendements, tout en évitant le piège d'une symbolique contre-productive au profit d'une technicité toute positive.

Personne dans cet hémicycle ne pourrait être taxé d'hostilité à l'égard du logement social, et cela quelles que soient les positions défendues. Certains propos, parfois durs à entendre, sont venus éclairer nos débats d'une lumière crue. Je dois à la vérité de dire qu'ils correspondent à certaines réalités ; je pense notamment à la description qui a été faite de deux communes d'Île-de-France.

Madame Michelle Demessine, nous partageons le diagnostic sur l'insuffisance de l'offre de logements. Toutefois, s'agissant de l'insuffisance des crédits budgétaires, dois-je vous rappeler que le plan de cohésion sociale a permis de définir un engagement budgétaire sur cinq ans qui est extrêmement important et qui a permis - c'est une première dans l'histoire de la Ve République - un accord entre l'union de la famille HLM  et le Gouvernement sur un contrat de production dans toutes les catégories, et ce dans une totale liberté ? Le Gouvernement n'a en effet exercé aucune pression pour permettre un doublement, voire un triplement, de la production, sous réserve de cette programmation et d'un certain nombre d'avantages complémentaires qui étaient indispensables pour l'équilibre des opérations.

Je ne peux donc pas vous laisser dire, madame Demessine, que les crédits sont insuffisants. C'est une espèce d'antienne reprise en permanence, mais inexacte. Je mets au défi tout parlementaire de me présenter un seul dossier pour lequel il y ait eu le moindre problème de financement en 2005.

En revanche, je suis davantage M. Jean Desessard, quand il dit qu'au mois de juillet, par rapport aux financements disponibles, le taux de demande était de l'ordre de 18 %, car c'est la vérité.

Il faut savoir aussi que, dans ces dossiers-là, les demandes de financement se font toujours les quatre derniers mois de l'année. Par conséquent, je vous rassure, monsieur Desessard, vous avez raison sur les chiffres du mois de juillet, et vous serez, comme moi, satisfait de savoir qu'à cette heure-ci nous tournons aux alentours de 76 000, 77 000 demandes.

Il faut noter l'effort de mobilisation des élus, des préfets - nous les rencontrons tous les mois au ministère pour en faire, département par département, l'état d'avancement - et de la famille HLM. Dans l'accord, une concertation était en effet prévue, aux échelons régional et départemental, entre les SA et les offices pour faire l'état de l'avancement des dossiers. Nous avons également saisi, par la famille HLM, les organismes qui n'avaient présenté aucun dossier de financement depuis cinq ans, certains parce que les territoires ne le justifiaient pas, d'autres parce qu'ils avaient simplement perdu l'habitude de le faire.

Bref, nous n'avons pas plus de problème de financement en 2005 qu'en 2006 et ce, compte non tenu des dernières dispositions que le Premier ministre nous a autorisés à annoncer sur l'équilibre des opérations, les prêts de cinquante ans, notamment.

Monsieur Repentin, vous avez attiré mon attention sur l'abandon par l'État des aides au logement et l'affaiblissement de la production des PLUS et des PLAI. Je sens bien qu'il est difficile pour vous d'accepter avec enthousiasme le fait que la production globale a quasiment doublé, raison pour laquelle il vous faut entrer dans des sous-catégories pour poursuivre votre raisonnement. Néanmoins, y compris par catégorie, la progression est réelle.

Si le dispositif fiscal en faveur de l'investissement locatif a été une nécessité, il a créé dans certains endroits, je suis d'accord avec vous, un déséquilibre des coûts fonciers. Il faut par conséquent le revisiter, afin d'en faire un dispositif plus social. L'amendement n° 185 du Gouvernement y pourvoit.

Je vous remercie d'avoir reconnu qu'il était nécessaire d'intervenir sur tous les maillons de la chaîne, y compris le social et le très social. Pour le reste, je ne reviens pas sur la qualité du rapport que vous avez remis au nom du groupe de travail, notamment s'agissant de la répartition des plus-values.

Je partage le souci de Mme Gautier, qui veut développer l'accession à la propriété. Elle s'inquiète cependant du surloyer, et son inquiétude est partagée par un certain nombre de parlementaires. Je rappelle que le surloyer consiste en une légère augmentation du loyer lorsque les revenus du locataire dépassent de beaucoup le plafond retenu.

Le débat est ouvert. Que faut-il privilégier, la solidité du dispositif ou une certaine mobilité ? Il faut d'ailleurs relativiser, et M. Braye a lui-même indiqué que cela concerne 1 % des cas, qui se situent au-delà de 160 % du plafond ! Nous reviendrons sur cette question pour examiner les arguments qui seront avancés par les uns et les autres, et nous verrons alors ce qu'il en est.

Toutefois, exclure toutes les zones à forte densité de logements sociaux me paraît nécessaire, notamment les zones de rénovation urbaine.

En ce qui concerne le statut unifié des offices d'HLM, je veux également rassurer Mme Gautier. Ce projet a été élaboré en concertation avec la Fédération nationale des offices d'HLM. Il a fait l'objet d'une délibération en bonne et due forme et a été approuvé, le 19 mai 2005, dans le cadre d'une assemblée générale, à 89 % des voix. La formule proposée par la fédération est protectrice des droits des fonctionnaires des offices, mais nous aurons également l'occasion d'y revenir.

M. Dallier a évoqué une réalité qu'il connaît bien, celle d'une commune pavillonnaire dans un département où le logement social et les publics fragilisés sont deux problématiques réelles. La question se pose certes au niveau de sa commune, mais elle se pose aussi pour tout le territoire environnant.

En ce qui concerne l'appréciation des préfets, les constats de carence ne sont applicables qu'après saisine du comité régional de l'habitat, qui, vous le savez, doit tenir compte des différents éléments avec une certaine souplesse. Il n'est pas exclu que l'on puisse considérer la situation réelle dans le détail, opération par opération. Mais le problème financier que vous avez soulevé, monsieur le sénateur, ne concerne pas seulement votre commune, car d'autres aussi passent entre toutes les mailles du filet de soutien prévu, pour des raisons liées à la densité des problèmes, à l'urbanisme, à la concentration, à la taille ou aux finances locales.

Je vous l'ai dit, la DIV, la délégation interministérielle à la ville, a été très officiellement saisie pour examiner les cas particuliers de toutes ces collectivités, qui, de surcroît, n'ont même pas pu bénéficier directement de la réforme de la dotation de solidarité urbaine, eu égard à la nature de leurs ressources.

M. Delfau a parlé de l'aide fiscale de l'État accordée aux investissements de Robien.

Il faut recentrer le dispositif sur quelques sites particuliers et favoriser le développement d'un nouveau produit sous condition de ressources, plus incitatif, plus puissant, au titre de l'aide fiscale et financière, et donc plus performant.

S'agissant des ressources du locataire, le plafond retenu sera inférieur à celui qui existe actuellement, les loyers étant plafonnés à 70 % du loyer théorique du marché. L'ancien produit de Robien a été très dynamique et il va poursuivre sa vie. Comme vous le souhaitez, nous avons bien prévu dans le projet de loi que ce produit utile dans un certain nombre de sites à forte densité, tel le département des Alpes-Maritimes, soit défiscalisé, et à visée populaire et sociale.

Mme Hoarau et M. Virapoullé ont attiré mon attention sur les problèmes spécifiques rencontrés par les départements d'outre-mer, notamment la Réunion, laquelle a une triple caractéristique.

Tout d'abord, c'est dans ce département que le nombre de jeunes est proportionnellement le plus élevé du territoire de la République française.

Ensuite, la surface utilisable est, peut-être avec le département de la Haute-Savoie, la plus faible de notre belle République. En effet, c'est essentiellement sur la bande littorale que l'on peut construire, ce qui pose d'ailleurs des problèmes d'engorgement dans certaines villes. Certes, on peut discuter le fait de fixer un prix du mètre carré spécifique pour la ville de Saint-Gilles, une commune dont les caractéristiques sont particulières, mais votre remarque générale est juste. Il faut donner une certaine visibilité au dispositif.

En effet, le dispositif réservé aux DOM, que Dominique Perben connaît bien, et pour cause, a été, pendant des années, novateur en matière de financement de logement intermédiaire et de logement social. Le logement évolutif social est notamment un produit spécifique particulièrement imaginatif qui est très en avance sur ce qui est fait en métropole.

Troisième et dernière caractéristique, la gestion globale des interventions étant confiée au préfet, la ligne budgétaire unique nuit à la visibilité effective des opérations. C'est une question dont nous devrons absolument débattre avec François Baroin, ministre de l'outre-mer, si possible avant la fin de cette lecture au Sénat.

M. Leroy a décrit, avec bonhomie, la réalité, c'est-à-dire la diversité des situations. Nous n'avons pas voulu aller au-delà du cadre général de la politique de l'habitat. La conférence départementale de l'habitat est probablement une instance pertinente, mais je ne souhaite pas, au risque de susciter une certaine instabilité institutionnelle, mettre en place un énième organisme. En revanche, il est tout à envisageable de prévoir dans la gestion une dimension plus départementale au sein des CRH, c'est-à-dire une appréciation plus départementalisée des différentes situations.

Monsieur Desessard, les chiffres que vous avez avancés pour le mois de juillet sont exacts. Je vous le confirme, en 2005, 77 000 ou 78 000 logements locatifs sociaux seront créés. Serait-il donc interdit dans ce pays de se mobiliser, de réussir et de le dire ?

Oui, il y a eu mobilisation, et il est d'autant plus facile pour moi d'en parler qu'il s'agissait non pas spécialement du Gouvernement, mais plutôt de la famille HLM, des maires, des DDE, de l'ANAH.

Avec l'augmentation du nombre de logements privés conventionnés, hors ANRU et hors foncier, le nombre des logements sociaux a tout de même plus que doublé en quatre ans, ce qui n'est pas rien !

Pour ce qui est du droit effectif, nous avançons, le dispositif proposé n'est pas totalement parfait. Il nous faut une stabilisation des opérateurs. 

Monsieur Virapoullé, je vous le confirme, dans les semaines à venir, l'ANRU examinera les dossiers de Saint-Benoît, Saint-André, Saint-Denis et Saint-Pierre, puisque ce sont de bons dossiers. Mercredi prochain, sera organisée une réunion de travail avec les maires concernés ; je suis certain que les représentants de l'ANRU seraient ravis que vous y participiez.

Monsieur Madec, je n'ai pas bien compris le sens de vos propos. Vous interrogez-vous sur le respect de la programmation prévue au titre du plan de cohésion sociale, ou demandez-vous des moyens accrus pour le logement, ou l'un et l'autre à la fois ? Je n'ai pas bien compris.

S'agissant des villes avec lesquelles une délégation a été signée, notamment la Ville de Paris, vous êtes bien placé pour savoir que les engagements ont été intégralement respectés de part en d'autre. Dans chacune des catégories relatives au logement d'urgence - PLAI, PLUS et PLS -, les programmes engagés sont supérieurs à ceux qui ont été prévus dans le plan de cohésion sociale

À cette heure, aucun dossier, aucune délégation de compétence, ne pose le moindre problème de financement. Bien plus, par rapport à la loi de cohésion sociale, je me permets de rappeler plusieurs mesures. Outre 250 millions d'euros prévus en 2005, 50 millions d'euros sont inscrits au titre de la sécurité et de l'urgence. De plus, la baisse des taux d'intérêt est financée, d'une certaine manière, à un titre ou à un autre, par l'État. Ces mesures ne sont donc pas négligeables.

Le dispositif financier est donc plus important que celui qui avait été prévu dans la loi de programmation pour la cohésion sociale, laquelle avait permis, à l'époque, de signer un engagement partenarial avec la famille HLM.

M. Fouché souhaite être mieux informé sur la mobilisation des terrains de l'État ou des organismes qui en dépendent. Il s'agit de 163 opérations : un peu moins de 40 % d'entre elles ont lieu en Île-de-France, contre 60 % en province, mais les deux tiers des logements sociaux seront créés en Île-de-France, contre un tiers en province.

À notre ami des Alpes-Maritimes, José Balarello, qui semble ennuyé depuis deux ans avec une gendarmerie (Sourires) je veux dire qu'une deuxième liste des bâtiments délaissés va bientôt être publiée par les préfets de région. Dominique Perben et moi-même, sous l'autorité du Premier ministre, avons mis en place une délégation interministérielle pour traiter ces sujets.

Tout le monde le sait, depuis vingt ans, c'est la même liste ! Pourquoi ? Tout simplement parce qu'il en va des ministères comme de tout organisme : chacun a son objet social. La défense, par exemple, a pour mission l'organisation de la défense du pays avant la gestion de terrains. Quant aux responsables, rien ne leur garantit qu'ils n'auront pas besoin un jour ou l'autre de tel ou tel terrain aujourd'hui délaissé. Il leur est difficile de renoncer à une opportunité, de passer à l'acte, c'est-à-dire d'abandonner un bâtiment ou un terrain.

De plus, dans ce processus, les intérêts sont naturellement contradictoires, objectivement contradictoires, et heureusement contradictoires ! En effet, tout le monde fait son travail. Entre les intérêts strictement budgétaires et ceux du site qui va être valorisé - la LOLF va beaucoup nous aider en la matière -, un arbitrage doit être rendu au plus haut niveau pour chacune de ces opérations, afin de débloquer la situation. La mission interministérielle est en train d'arrêter les différentes opérations et elle va même, en amont, définir les opérateurs, condition sine qua non, d'ailleurs, pour que ceux-ci puissent progresser.

Monsieur Demuynck, nous le savons bien, les villes ont leur histoire, et les élus héritent toujours d'un certain nombre de contraintes. L'exemple de Neuilly-Plaisance que vous avez pris est édifiant. À l'évidence, c'est le poumon vert de cette partie du département de la Seine-Saint-Denis. Mais, pour autant, nous devons faire en sorte que soit favorisée de la manière la plus intelligente possible une solidarité nationale ; à cette heure, je crois que plus personne ne doute du bien-fondé de la démarche. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

M. Dominique Perben, ministre. Je souhaite simplement ajouter quelques précisions à ce qui a été dit excellemment par Jean-Louis Borloo sur les questions qui ont strictement trait à l'urbanisme et au foncier.

J'ai écouté les différents rapporteurs avec beaucoup d'attention. J'aurai l'occasion, au fil de la discussion, article par article, de revenir sur tel ou tel point abordé.

Jean-Louis Borloo l'a dit avant moi, la discussion de ce projet de loi constitue un véritable travail de coproduction entre les commissions du Sénat et le Gouvernement, notamment sur les questions de mobilisation du foncier et d'adaptation des règlements d'urbanisme en vue de faciliter la production de logements.

Certains orateurs ont abordé des points qui relèvent plus directement de ma responsabilité.

Ainsi, Mme Gautier a déploré que la mise à disposition des terrains ne concerne que ceux de l'État. Il s'agissait d'un engagement du Premier ministre, qui est aujourd'hui en voie d'être rempli. Il me semble difficile d'aller au-delà. Un certain nombre de collectivités territoriales mettent effectivement des terrains à la disposition d'organismes de construction. Il convient, à mon sens, d'encourager une telle attitude.

Toujours en matière foncière, Mme Demessine a évoqué la possibilité d'une mise à disposition gratuite de ces terrains. Nous proposons déjà une réduction du prix, et il serait sans doute irresponsable d'aller systématiquement plus loin.

M. Caffet a évoqué la nécessaire mixité sociale. C'est évidemment notre objectif dans ce projet de loi, contrairement à ce qu'il semblait craindre. Je voudrais en particulier souligner l'importance des dispositions prévues au VII de l'article 2. Ce paragraphe prévoit en effet la possibilité pour les conseils municipaux des communes d'une certaine taille- cela varie avec l'importance de l'agglomération concernée -, d'augmenter le coefficient d'occupation des sols, afin de réaliser des logements locatifs sociaux dans les secteurs qui leur paraissent utiles. Cette démarche me semble tout à fait intéressante.

S'agissant des terrains de l'État, je le répète, la volonté du Gouvernement est claire. Pourquoi faudrait-il la freiner, en ajoutant des conditions supplémentaires ? Nous y reviendrons, mais je reste convaincu qu'il faut parvenir à une situation la plus fluide possible.

M. Madec a insisté sur l'intérêt des établissements publics fonciers. Le Gouvernement partage son point de vue : avec Jean-Louis Borloo, nous avons proposé que le Premier ministre donne effectivement une directive aux préfets de région afin d'examiner les possibilités de création d'EPF, en concertation avec les collectivités territoriales. Dans ce domaine également, il importe évidemment de mener un travail en commun, qui n'a de sens que si les collectivités territoriales acceptent une telle politique foncière coordonnée. Nous devrions aboutir prochainement à une solution satisfaisante dans trois ou quatre régions.

Monsieur Fouché, vous avez mentionné le repérage et le listing systématiques des terrains que l'État est susceptible de mettre à disposition. Sur ce sujet, un travail très important et extrêmement positif a effectivement été réalisé. Nous disposerons désormais, notamment grâce à la Délégation à l'action foncière, d'un outil plus efficace que l'actuelle liste permanente qu'évoquait Jean-Louis Borloo il y a un instant. Autre point également très important, il est impératif de permettre la mobilisation des terrains de Réseau ferré de France, qui dispose d'un patrimoine relativement important.

Monsieur Demuynck, vous avez notamment plaidé pour une vision globale et équilibrée du territoire, qui tienne compte de la diversité, ce que M. Leroy a également souligné. Il nous faut obtenir une extension de la politique foncière suffisamment large pour parvenir à un repérage efficace, ainsi qu'à une responsabilisation et une solidarité territoriales satisfaisantes.

Enfin, il faut tenir compte des ressources des collectivités locales, que M. Cambon a évoquées avec inquiétude. C'est bien la raison pour laquelle, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, le ministre délégué aux collectivités territoriales et moi-même avons demandé un examen approfondi des possibilités de modernisation de la dotation globale de fonctionnement, pour mieux tenir compte de l'action en matière de construction menée par les communes.

Nous savons bien les et les autres combien il est difficile de modifier les règles de la DGF. J'ai d'ailleurs moi-même pu en faire l'expérience en d'autres temps. Pour autant, il s'agit d'une nécessité tout à fait primordiale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. Messieurs les ministres, je vous remercie de votre écoute et de vos réponses.

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

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Dossier législatif : projet de loi portant engagement national pour le logement
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