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nomination de membres de commissions

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe socialiste a présenté une candidature pour la commission des affaires culturelles et une candidature pour la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.

La présidence n'a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :

- M. Robert Tropéano, membre de la commission des affaires culturelles, en remplacement de Marcel Vidal, décédé ;

- M. Marcel Rainaud, membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, en remplacement de Raymond Courrière, décédé.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

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Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques
Discussion générale (suite)

Eau et milieux aquatiques

Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques
Articles additionnels avant l'article 1er ou avant l'article 24 ou avant l'article 27

M. le président. Nous reprenons la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, sur l'eau et les milieux aquatiques (n os 370, 461).

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Françoise Férat.

Mme Françoise Férat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l'occasion de cette deuxième lecture, notre assemblée a, une nouvelle fois, la possibilité d'apporter des améliorations au projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques, texte essentiel à la préservation de la qualité et de la quantité de notre ressource en eau.

« L'eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d'intérêt général. » Cette affirmation, que le législateur a inscrite dans la loi sur l'eau du 3 janvier 1992, conserve aujourd'hui toute sa justesse.

En effet, comme l'écrivait Antoine de Saint-Exupéry dans Terre des hommes : « Eau, [...] tu n'es pas nécessaire à la vie : tu es la vie. »

Cet aphorisme traduit parfaitement la place occupée par cette ressource au travers des siècles. Toutes nos activités, qu'elles soient d'ordre alimentaire, hygiénique, industriel, logistique ou encore agricole, ont l'eau pour dénominateur commun. Notre corps lui-même n'est-il pas essentiellement composé d'eau ? Ne doit-il pas en consommer régulièrement afin de compenser ses pertes quotidiennes, évaluées à 2,5 litres ? Aussi convient-il d'en réguler les usages et d'en améliorer le traitement afin d'offrir une eau de qualité.

Si ces exigences imposées au cycle de l'eau n'ont pas immédiatement été prises en considération par notre société, la convergence des directives communautaires et des normes nationales vers une maîtrise des pollutions et des consommations démontre désormais une volonté partagée de protéger ce don de la nature. Mais, pour être pleinement efficaces, ces décisions et leurs bienfaits sur l'environnement doivent être expliqués à nos concitoyens.

Ainsi pourrons-nous, dans nos existences respectives, adopter et développer des usages raisonnés s'agissant de la consommation de l'eau. Usages sanitaires, alimentaires, culinaires ou encore de pur confort doivent être maîtrisés par l'homme, tous les hommes.

Il faut inlassablement faire preuve de pédagogie, à l'intention de tous, notamment, bien sûr, des plus jeunes. Il est d'ailleurs fréquent d'entendre les enfants reprendre leurs parents gaspilleurs. La formation des parents passe donc également par les enfants. Cette attitude augure de comportements responsables pour aujourd'hui et, surtout, pour demain.

Nous devons donc poursuivre nos efforts pour préserver les nappes phréatiques de toute pollution et en enrayer la raréfaction.

Aussi difficiles soient-ils à atteindre, en raison des déficits pluviométriques répétés et de la persistance d'activités polluantes, ces objectifs ont pourtant donné lieu à une réelle appropriation par les secteurs économiques primaires et secondaires. Suivons leur démarche.

À titre d'exemple, je m'attarderai sur un sujet qui m'est cher : la gestion des effluents de la viticulture champenoise.

Comment, en effet, imaginer qu'un produit aussi noble et naturel que le raisin soit à la source d'une pollution ? À l'instar d'autres activités agro-alimentaires, la matière première est engagée dans un process dont l'aboutissement est la réalisation d'un produit transformé. Mais le raisin, au travers des étapes de pressurage, de soutirage et de filtration génère des effluents viticoles, à l'origine de pics de pollution au cours des mois d'octobre, de décembre, de janvier, de mars, d'avril et de mai.

En Champagne, à la suite d'une importante pollution, les autorités et le Comité interprofessionnel du vin de Champagne ont signé un accord-cadre le 1er avril 2001 sur les équipements de traitement des effluents viticoles. La profession s'était alors engagée à atteindre en cinq ans le traitement de 80 % du total des effluents champenois. À l'heure du bilan, le pari semble gagné.

Grandes maisons de champagne, coopératives et petits exploitants sont donc soumis aux mêmes exigences environnementales. Si certains réalisent leurs unités de traitement in situ, d'autres décident de se raccorder au réseau urbain. Ainsi, pour le bassin de vie d'Épernay, la communauté de communes a dimensionné sa station afin d'accueillir les rejets viticoles. Elle a réparti ce surcoût en investissement et en fonctionnement au prorata du volume émis par le viticulteur.

Cette coopération entre les autorités administratives, les collectivités territoriales et l'interprofession champenoise me paraît donc exemplaire. Tant d'efforts méritent que les autorités publiques accompagnent cette prise de conscience par des mesures raisonnables et raisonnées, seules susceptibles de préserver la motivation des professions viticoles à protéger leur environnement.

C'est pour soutenir cette démarche et celles qui ont été lancées dans d'autres vignobles que je présenterai un amendement, madame la ministre, sur l'article 37 du présent texte. En effet, la modification proposée pour l'article L. 213-10-2 du code de l'environnement aurait pour conséquence d'accroître l'assiette de la redevance pour pollution de l'eau acquittée pour les activités saisonnières, telles que la viticulture. Ne décourageons pas les bonnes pratiques !

Je forme donc le voeu que cette deuxième lecture permette à la Haute Assemblée d'élaborer un texte qui traduise notre ambition commune de concilier préservation du milieu et satisfaction des usages. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor.

M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lors de l'examen en première lecture du présent projet de loi, tous les orateurs ont souligné l'impérieuse nécessité de répondre aux dangers qui nous guettent dans le domaine de l'eau.

Des différences de taille subsistent entre nous, mais je ne désespère pas qu'un consensus puisse être trouvé s'agissant de la transposition de la directive européenne du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique commune dans le domaine de l'eau.

Cette directive a au moins le mérite d'exister. Surtout, elle rappelle que « l'eau n'est pas un bien marchand comme les autres mais un patrimoine qu'il faut protéger, défendre et traiter comme tel ».

Atteindre un bon état écologique des eaux en 2015 est évidemment un objectif louable, auquel je souscris pleinement, mais on ne peut se résoudre à limiter le débat sur l'eau à ce seul aspect : il faut également traiter les aspects économiques et politiques.

Dès lors, s'il est légitime de respecter les prescriptions de cette directive, nous devons aller bien au-delà et adopter une ligne politique claire sur la gestion même de la ressource. M. le rapporteur nous y conduit par son travail, et je tiens à l'en remercier.

Notre pays a la chance de disposer d'une capacité de stockage globalement correcte, ou susceptible de l'être, grâce à la réserve constituée par notre potentiel « montagne », mais cette situation ne doit pas nous faire oublier les difficultés auxquelles nous avons à faire face. Voilà en effet de nombreuses années que le sud de la France connaît régulièrement des épisodes d'inondation et de sécheresse.

Pour faire justice des raccourcis sur ce sujet, je tiens à préciser que les agriculteurs, y compris les producteurs de maïs, ne sont pas seuls responsables de la sécheresse. C'est bel et bien le manque de pluie qui est en cause ! En effet, les paysans irriguent non pas pour le plaisir mais parce que leurs cultures ont besoin d'eau à une période bien précise. Cette réalité exige que l'on se dote d'ambitieux dispositifs de gestion quantitative des eaux par la création de ressources nouvelles, par l'étalement de l'utilisation, mais aussi, sans doute, que l'on oriente notre agriculture vers des productions moins consommatrices d'eau. Les paysans sont d'ailleurs de plus en plus sensibles à ce problème puisque les assolements en maïs diminuent désormais régulièrement.

Nombre de barrages et de lacs collinaires jouent un rôle important pour l'écologie, l'économie locale et la pêche.

Économiser, partager, créer : ce sont en fait les trois actions autour desquelles s'articulent nombre de nos plans de gestion des étiages, les PGE.

Aussi, l'amendement que nous présenterons, madame la ministre, sur l'article 13 bis est à mon sens tout à fait opportun, car il y a aujourd'hui obligation de créer de nouvelles ressources d'eau.

Les questions du bon état écologique des cours d'eau et de la préservation de la ressource ne peuvent donc être dissociées de celles de la gestion quantitative et de la création de ressources nouvelles.

Par ailleurs, je m'interroge sur l'affirmation selon laquelle les paysans sont les seuls responsables de la pollution et des fortes concentrations de nitrates constatées dans nos rivières. Quel est donc le rôle des industriels ? Quel est celui des commissaires de Bruxelles ?

C'est tout de même bien la politique agricole commune qui, à force d'encourager la baisse des prix agricoles, est parvenue à mettre sous tutelle l'agriculture afin de mieux la dominer et de l'enfermer dans une logique productiviste, celle-ci servant bien plus les intérêts des grands groupes financiers que ceux des agriculteurs.

Pour autant, on ne peut pas nier l'existence de cette pollution, dont le monde agricole doit assumer une part de responsabilité, mais une part seulement. Cela doit le conduire à participer, avec d'autres, au financement des dépenses d'assainissement qu'entraîne la pollution des nappes et des cours d'eau due à l'utilisation, trop parfois massive, des intrants.

De la même façon, le financement de la politique de l'eau ne saurait relever de la seule redevance pour pollution.

Le débat est bien celui de l'accès de chacun à l'eau.

L'eau n'est pas une simple marchandise mais « un patrimoine qu'il faut protéger, défendre et traiter comme tel ».

Vous l'aurez compris, madame la ministre, je souhaite mettre l'accent sur le fait que, parce qu'elle est une ressource rare et vitale, l'eau est un bien public de l'humanité. Sa gestion ne peut donc être que collective et démocratique.

Quelle possibilité offre-t-on aujourd'hui aux élus de maîtriser la gestion et la distribution de l'eau ? Quelles politiques publiques leur proposons-nous ?

Nous n'avons pas à inventer un mode de gouvernance radicalement nouveau : les lois de 1964 et de 1992 ont laissé à la disposition des acteurs de la politique de l'eau, avec les agences de l'eau, les comités de bassin et les schémas d'aménagement des eaux, des outils fortement ancrés dans chaque bassin hydrographique. Il est indispensable que les élus y soient majoritaires, et cette majorité doit, à mes yeux, être reprécisée.

La maîtrise publique que nous appelons de nos voeux ne pourra être effective que si elle se manifeste dans tous les maillons de la chaîne, depuis le prélèvement de la ressource jusqu'au service public de l'assainissement.

Dans son dernier rapport public particulier dédié à l'eau, publié en décembre 2003, la Cour des comptes soulignait déjà : « Les chambres régionales et territoriales des comptes ont constaté que les outils dont disposent les collectivités territoriales pour contrôler la gestion de leurs services d'eau et d'assainissement n'étaient pas suffisamment développés. Pourtant, le renforcement de ces outils permettrait aux collectivités territoriales de pouvoir exiger de l'exploitant les informations nécessaires à l'appréciation de la qualité du service. »

Enfin, les associations de consommateurs dénoncent aussi, de manière courageuse, les profits exorbitants réalisés parfois par ces firmes sur le dos des usagers, avec des conséquences graves sur la crédibilité d'élus locaux.

La maîtrise publique est nécessaire pour mieux gérer cette ressource rare et précieuse qu'est l'eau. Elle exige, au préalable, une transparence à toute épreuve, un contrôle étroit et permanent des collectivités élues et enfin, évidemment, une meilleure implication des usagers de l'eau, quels qu'ils soient ; je pense notamment aux consommateurs, aux pêcheurs, aux organisations agricoles et industrielles. C'est aussi par le dialogue que l'on avancera et que l'on préviendra de nombreux conflits d'usage.

Eau et assainissement demandent donc plus de transparence, mais surtout une gestion partagée et mutualisée : l'eau est le bien de tous. C'est pourquoi plusieurs démarches sont à maintenir, ou à rétablir après l'examen du texte à l'Assemblée nationale : plus de démocratie dans la lecture des prix de l'eau ; une taxe départementale assurant, à travers les politiques des conseils généraux, dans un souci de péréquation et de solidarité territoriale, un soutien précieux à l'alimentation d'un fonds départemental ; la remise en place des services publics d'assainissement non collectif - SPANC -, correspondant à un service mutualisé, au service de tous et notamment des petites communes, puisque cette mesure a été retirée à l'Assemblée nationale sous la pression de grands groupes.

Puissions-nous un jour, comme l'a dit notre collègue François Fortassin, voir la création d'un ministère de l'eau, tant cette question est fondamentale pour la vie demain ! Nos amendements, madame la ministre, iront dans ce sens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - M. le rapporteur applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau.

M. Rémy Pointereau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après huit années d'hésitation et dix-huit mois de travail, cette loi sur l'eau n'est pas devenue un long fleuve tranquille ; elle a fait des vagues, elle a même été source de turbulences, et je voudrais remercier notre rapporteur, Bruno Sido, de son travail d'apaisement.

Car si tout le monde s'accorde à dire que l'eau est devenue un bien précieux, une valeur patrimoniale, des divergences fortes existent entre les différents utilisateurs : les particuliers, les pêcheurs, les industriels, les agriculteurs et les collectivités locales.

L'objectif de cette loi ne doit pas être de focaliser les esprits, de condamner certains utilisateurs, notamment les agriculteurs et les industriels, trop souvent considérés comme la source de tous les maux. Car nous sommes tous des consommateurs et des pollueurs en puissance. Alors, de grâce, cessons de nous donner les uns les autres des leçons ! L'objectif est bien de concilier les usages des uns et des autres et non des uns contre les autres.

Comment faire en sorte de mieux gérer les ressources d'eau en quantité et en qualité ?

Pour ce qui est de la quantité, tout d'abord, il faut avant tout donner les bonnes informations sur la rareté de l'eau, faire le lit de cette idée selon laquelle c'est la surconsommation d'eau qui provoquerait la sécheresse.

Il faut savoir que, sur vingt-cinq ans, la pluviométrie reste stable dans notre pays. Autrement dit, ce n'est pas l'irrigation ou la surconsommation d'eau qui cause la sécheresse, mais bien la sécheresse qui cause la surconsommation.

Parallèlement, il nous faut tenir compte aujourd'hui de l'augmentation de l'effet de serre, qui est la cause du changement climatique, avec des périodes sèches et chaudes plus longues et des périodes de pluie plus courtes et plus intenses.

Cependant, même si les quantités de pluie restent identiques, force est de constater que l'eau ruisselle et s'écoule plus rapidement vers les rivières, vers la mer, et que les nappes phréatiques se rechargent par conséquent moins facilement.

Pour illustrer mon propos et relativiser la situation, je voudrais vous citer quelques chiffres concernant le département du Cher.

Selon des enquêtes, il y tombe chaque année de 600 à 650 millimètres d'eau, soit 4,5 milliards de mètres cubes d'eau de pluie, dont 2,5 milliards s'évaporent, sont consommés par l'homme et par la végétation ou pénètrent dans le sol, et 2 milliards s'écoulent dans les rivières. Sur ces 4,5 milliards de mètres cubes d'eau de pluie, seuls 230 millions sont consommés, soit 5 %.

En réalité, ce chiffre se décompose en 180 millions de mètres cubes d'eau potable, dont 30 millions retournent dans le sol à cause des fuites importantes des réseaux existants, tandis que 50 millions de mètres cubes font l'objet d'une utilisation industrielle ou servent à l'irrigation ; la comparaison de ces deux derniers chiffres me paraît d'ailleurs instructive.

Ces données démontrent en tout cas que les consommations d'eau restent dérisoires par rapport à la pluviométrie, que la consommation industrielle et agricole est stable par rapport à la consommation humaine et aux pertes d'eau dans nos réseaux.

Aujourd'hui plus qu'hier, pour éviter les conflits d'usage, il est urgent de constituer des réserves de substitution, des chargements artificiels de nappes, comme au Pecq, dans les Yvelines, commune administrée par notre collègue Alain Gournac, et de donner aux collectivités les moyens de revoir le réseau d'eau potable, où il arrive que plus de 25 % de l'eau traitée se perde dans des fuites.

Nous devons poser le problème de façon pragmatique et technique, car le dogmatisme n'apporte pas de solutions concrètes.

D'ici à 2030, si nous ne faisons rien, comme le préconisent certains, nous aurons beau faire des économies d'eau, interdire l'irrigation, faire payer des redevances plus lourdes, assurément, nous aurons malgré tout des problèmes d'alimentation, parce que le changement climatique ne va pas s'inverser du jour au lendemain.

De tout temps, les Égyptiens, les Romains, puis les moines au Moyen Âge dans nos campagnes, ont su prendre des mesures pour retenir l'eau dans des réserves, en vue de satisfaire les besoins humains et, déjà, les besoins économiques.

Aujourd'hui, de nombreux pays ont compris les enjeux et ont réalisé des réserves de substitution, que ce soit en Espagne, aux États-Unis et même à Cuba.

Gérer, c'est prévoir. La loi doit prendre en considération ces principes, pour que soient maîtrisées en même temps une qualité et une distribution adaptées aux besoins saisonniers des uns et des autres.

Dans notre pays, permettez-moi de citer en exemple le département de Charente-Maritime. Notre collègue Michel Doublet, président d'un important syndicat d'eau, m'a reçu dans son département : il a été l'un des pionniers dans ce domaine en créant des réserves de substitution importantes, permettant de satisfaire les besoins des consommateurs, des pêcheurs, des industriels, des agriculteurs et, récemment, des ostréiculteurs, en lâchant 400 000 mètres cubes dans les marais afin d'adoucir l'eau devenue trop salée pour l'ostréiculture.

Voilà un bel exemple de gestion partagée de la ressource en eau en termes de quantité et de qualité !

M. Josselin de Rohan. Bravo ! Voilà un vrai écologiste !

M. Jean Desessard. C'est insuffisant !

M. Rémy Pointereau. Le directeur de l'eau au ministère de l'écologie et du développement durable, M. Berteaud, a d'ailleurs conforté mon propos lors d'une conférence : « Sans barrages, pas de régulation et pas de production énergétique, pas de soutien d'étiage des rivières dans lesquelles le maintien de la vie dépend de la constance d'un débit minimum. Sans retenues, pas de prévention des sécheresses calamiteuses pour l'élevage et les productions agricoles. »

À ce titre, il convient de signaler qu'une grande majorité d'agriculteurs ont consenti des efforts importants sur les ressources en eau. Ils ont contribué à une meilleure connaissance de notre sous-sol et des nappes phréatiques. Ils ont participé à la création de ressources nouvelles par des retenues collinaires. Ils ont également réalisé des économies d'eau par l'installation de tensiomètres, par des irrigations à basse pression, ce qui permet en outre d'économiser l'énergie.

Il ne faut donc pas les décourager par des taxes trop importantes et parfois inéquitables.

Quant au prix de l'eau, sur lequel le magazine Que choisir a publié un article important, comparons les .choses comparables ! Le prix de l'eau utilisée par le consommateur dépend en majeure partie de son coût en aval - traitement, investissements, distribution, taxes - et non pas du prix de l'eau brute.

L'eau utilisée par l'agriculture supporte également des coûts de distribution, pris en charge par le seul agriculteur, très comparables à ceux de l'eau utilisée par le consommateur particulier.

Concernant la qualité de la ressource, il m'apparaît là encore opportun de faire preuve de pragmatisme. Le principe pollueur-payeur ne doit pas être un slogan qui handicape la réflexion sur les vrais problèmes.

M. Jean Desessard. Il est inscrit dans la Constitution !

M. Rémy Pointereau. Il ne doit pas constituer un droit à polluer, il doit devenir un moyen de prévention afin d'éviter la pollution et permettre, de façon curative, de la réduire quand elle est là.

Les mises aux normes environnementales pour les industriels et les éleveurs ont un coût très important ; elles alourdissent les charges sans créer de valeur ajoutée.

Aussi, plutôt que de taxer ou de créer une redevance sans discernement, il vaudrait mieux étudier un système de bonus-malus qui permettrait notamment de récompenser les efforts de ceux qui appliquent de bonnes pratiques environnementales.

Il faudrait par ailleurs que les redevances et les taxations soient à la fois équitables sur l'ensemble du territoire, pour ne pas créer de distorsion entre les régions, et efficaces, pour que leur produit ne se perde pas dans les arcanes administratifs : on s'aperçoit que près de 70 % des budgets de certaines agences de l'eau sont utilisés en études, en contrôles et en fonctionnement.

M. Paul Raoult. Ça, ce n'est pas vrai !

Mme Dominique Voynet. Seveso, c'est sans doute plus satisfaisant !

M. Rémy Pointereau. Le contrôle des pulvérisateurs est une bonne mesure, mais il faut savoir que les sources de pollution se font souvent sur le lieu de remplissage des cuves.

J'avais d'ailleurs mis en place dans le département du Cher une aide pour les aires de remplissage et de récupération de fonds de cuve et de débordements de produits phytosanitaires. Ce serait une bonne mesure de prévention des pollutions ponctuelles, souvent plus importantes et plus dangereuses que les pollutions diffuses.

Le fonds de garantie pour l'épandage des boues est également le bienvenu. En effet, on ne peut à la fois condamner une agriculture performante qui accepte d'épandre les boues de stations d'épuration des collectivités locales, et donc de la population, et expliquer aux agriculteurs en cause qu'ils sont peu soucieux de l'intérêt public.

Concernant les redevances phytosanitaires, les tarifs doivent être examinés avec discernement, en tenant compte des degrés de toxicité des produits.

Voilà, madame la ministre, les quelques réflexions que je voulais apporter à ce débat qui sera, je l'espère, passionnant, mais également constructif, afin de réconcilier les différents utilisateurs de ce bien commun qu'est l'eau, source de vie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois.

M. Daniel Dubois. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la question fondamentale de l'avenir de l'eau sur notre territoire a amené, en huit ans, quatre ministres de la République à travailler sur cette politique.

Ce sujet majeur nous contraint à réfléchir, entre autres, aux questions suivantes : comment gérer dans le temps une ressource de plus en plus rare ? Comment lui conserver une qualité irréprochable ? Comment assurer un prix raisonnable pour tous ?

Je n'interviendrai pas sur les nombreux points qui ont déjà été soulevés par les précédents orateurs. J'insisterai plutôt sur quelques aspects « pratico-pratiques » qui me paraissent importants, en particulier dans le domaine d'intervention des collectivités locales.

Vous ne l'ignorez pas, madame la ministre, mes chers collègues, les collectivités locales sont des acteurs incontournables dans le domaine de la gestion de l'eau. Elles ont notamment pour mission de participer à la reconquête de la qualité des eaux et de gérer en totale transparence les services publics d'eau potable et d'assainissement.

Or, tout le monde le reconnaît, les règles se complexifient, les obligations des communes et de leurs groupements s'accroissent. Nous devons donc éviter de les surcharger de responsabilités qu'ils ne pourraient assumer à terme...

M. Jacques Peyrat. Très bien !

M. Daniel Dubois. ... particulièrement en milieu rural, où se trouvent pourtant, jusqu'à preuve du contraire, les sources d'eau !

M. Jean Desessard. Et les sources de profit sont en milieu urbain !

M. Daniel Dubois. Or, en milieu rural, le réseau de distribution des eaux est parfois vieux de plus de cinquante ans. À certains endroits, les pertes linéaires avoisinent ou dépassent le double de la norme autorisée, laquelle est de 12 mètres cubes par kilomètre et par jour.

Dans l'avenir, les dépenses de rénovation seront extrêmement importantes. Nous devons donc optimiser les modes de gestion des systèmes de l'assainissement et de l'eau sur l'ensemble de notre territoire. C'est pourquoi le fonds départemental pour l'alimentation en eau et l'assainissement proposé en première lecture au Sénat, alimenté par une redevance de 5 centimes d'euros par mètre cube, offrirait aux départements, après la suppression du FNDAE, la possibilité d'engager des actions supplémentaires dans le domaine de la gestion de l'eau, en particulier dans le renouvellement des réseaux.

Je me réjouis que la commission et le groupe auquel j'appartiens proposent en deuxième lecture de rétablir ce fonds. Je suis persuadé que cet argent supplémentaire permettra non seulement d'agir sur la mauvaise qualité des réseaux et de limiter ainsi les fuites, mais aussi de faciliter une meilleure organisation syndicale - c'est très important en milieu rural - dans le domaine de la gestion de l'eau.

Je veux également évoquer ici l'engagement des collectivités locales dans le domaine des SPANC.

L'Assemblée nationale a fait évoluer la réglementation alors que des SPANC sont aujourd'hui créés et fonctionnent pour mettre en oeuvre les règles précédentes.

Les évolutions préconisées par ce texte sont sans aucun doute plus souples. Mais attention, encore une fois, à ne pas transférer à moyen terme aux communes et à leurs groupements la responsabilité des travaux à effectuer sur les assainissements non collectifs, car ils n'en auraient pas les moyens ! J'y insiste : si une commune peut agir à la place d'un organisme, c'est à moyen terme lui transférer une responsabilité.

M. Jacques Peyrat. Bien sûr !

M. Daniel Dubois. Les communes rurales en auront-elles les moyens ? Je pose très clairement la question, mes chers collègues.

Je voudrais d'ailleurs à nouveau insister sur le diagnostic certifiant l'existence et le bon état des installations d'assainissement autonome lors de toute transaction immobilière. Je ne connais pas le rythme des transactions immobilières en milieu rural, mais je pense qu'en une quinzaine ou une vingtaine d'années elles doivent être nombreuses. Ce diagnostic sera sans aucun doute l'un des outils les plus efficaces pour améliorer l'épuration des eaux usées des maisons individuelles non raccordées aux réseaux collectifs.

Je souhaiterais également aborder la question des compteurs d'eau dans les logements locatifs d'HLM.

Madame la ministre, vous avez présenté à l'Assemblée nationale, qui vous a suivie, un amendement imposant la pose de compteurs individuels dans tous les logements collectifs qui seront réalisés après la promulgation de cette loi. Je trouve cette proposition intéressante.

M. Jean Desessard. Nous aussi !

M. Daniel Dubois. Après tout, quoi de plus normal ? Les régisseurs et les concessionnaires posent bien des compteurs dans les maisons individuelles, pourquoi n'en installeraient-ils pas dans les appartements ?

M. Bruno Sido, rapporteur de la commission des affaires économiques. Tout à fait !

M. Daniel Dubois. Quoi qu'on en dise, les logements d'HLM sont nombreux dans notre pays, et cela est juste.

M. Jean Desessard. Sauf à Neuilly-sur-Seine !

M. Daniel Dubois. Je rappelle qu'un article de la loi SRU prévoit que tout organisme d'HLM peut demander à ses frais l'installation de compteurs d'eau par la régie ou la concession. Or, compte tenu de ce que vous proposez, madame la ministre, les organismes d'HLM se trouveront confrontés à une vraie difficulté : ils devront à la fois gérer des appartements sans compteurs individuels et des appartements dotés de compteurs individuels imposés.

Les régisseurs ou les concessionnaires doivent assumer leurs responsabilités : ils doivent poser des compteurs dans tous les appartements d'HLM et non attendre qu'on le leur demande. En effet, on sait très bien qu'un directeur général d'office d'HLM est en position délicate pour régler cette question lorsqu'il est face à une collectivité territoriale qui gère.

C'est donc aux régisseurs ou aux concessionnaires d'installer des compteurs afin d'assumer la gestion des relevés et, surtout, d'envoyer la facture à l'utilisateur. Aujourd'hui, ce sont les propriétaires d'HLM qui paient les factures et qui essaient tant bien que mal de récupérer la somme auprès du consommateur final, tout en sachant que la règle de répartition se fait toujours très mal : dans la mesure où il n'y a ni compteur ni relevé, l'utilisateur ne sait pas ce qu'il consomme ! Après tout, rien ne l'empêcherait de laisser ses robinets ouverts ! De plus, ce sont les organismes d'HLM qui assument les factures impayées de leurs locataires au profit des concessions ou des régies.

J'ai donc déposé un amendement visant à exiger la pose de compteurs individuels dans chaque appartement du parc HLM. Je suis tout à fait conscient des problèmes techniques qui peuvent se poser, en particulier dans les vieux immeubles où la même conduite d'eau alimente plusieurs appartements. Mais des solutions peuvent être trouvées pour régler ce point.

Je ne voudrais pas oublier de dire ma satisfaction qu'un consensus ait pu être trouvé au sujet du calcul de la redevance pour les élevages, tout en soulignant l'importance de la recherche d'une plus grande équité entre les différents éleveurs. Je sais que c'est compliqué ! Bien sûr, l'unité de gros bétail est une norme bien comprise par les éleveurs, mais on sent bien que l'équité n'est peut-être pas tout à fait au rendez-vous.

Je ne saurais conclure sans évoquer un autre usager de l'eau : le pêcheur.

Nous avons discuté ici et à l'Assemblée nationale de la définition des eaux libres et des eaux closes. Vaste débat ! Je sais, madame la ministre, que vous vous appuyez sur le rapport de Mme Hélène Vestur, conseiller d'État, pour préciser ces notions.

Il est de notre responsabilité de prendre en compte dans la loi le caractère « naturel » de l'écoulement des eaux et d'exclure expressément les communications exceptionnelles du nombre de celles qui caractérisent les eaux libres. C'est pourquoi j'ai déposé deux amendements sur ce sujet, tenant à souligner le rôle des pêcheurs en tant que sentinelles de la qualité des eaux.

Les pêcheurs sont en effet très attachés à leurs poissons. Nous savons tous qu'il y a des poissons quand les eaux naturelles sont de bonne qualité. En outre, il faut que les gardes des associations de pêche puissent jouer un rôle dans le respect de la réglementation, ce qui n'est plus tout à fait le cas aujourd'hui. Il est dommage de se priver de leur grande compétence.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, durant ces quelques jours, nous aurons la difficile tâche de définir la politique de l'eau pour les années qui viennent. Il nous faut pour cela nous projeter dans la durée. Il en va de l'avenir de chacun d'entre nous et de nos territoires. J'espère qu'un certain nombre de nos propositions pourront être retenues lors de ces débats.

Pour conclure, je voudrais remercier et féliciter le président, le rapporteur et les membres de la commission des affaires économiques du travail qui a été réalisé et du dialogue toujours très ouvert qui a permis d'élaborer ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet. (M. Jean Desessard applaudit.)

Un sénateur de l'UMP. Quels applaudissements nourris ! (Sourires.)

Mme Dominique Voynet. Je fais tout de même remarquer que 50 % des sénateurs Verts sont présents en séance ! (Nouveaux sourires.)

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'écologie sera très probablement au coeur des débats de 2007. On peut parier que la plupart des candidats aux législatives comme à la présidentielle veilleront à donner des gages en la matière : ils trufferont leurs discours de vigoureuses protestations de vertu écologique et ils auront tous la « main verte »...

Mais ce n'est pas de discours électoraux que nous avons besoin. Assez de discours ! Assez de constats alarmants ! Assez de descriptions d'une situation qui se dégrade - qui l'ignore encore ? -, certaines années un peu plus, d'autres un peu moins, les efforts des hommes y contribuant moins que les caprices de la météo !

Ainsi, cette année encore, nous avons subi une sécheresse importante. On peut reconnaître la modification bien réelle du régime des précipitations sur fond de changement climatique. Reste que deux tiers des départements français sont en situation « préoccupante » ou « délicate ».

Encore faut-il convenir ici que l'impact de cette sécheresse ne serait pas aussi fort ni aussi problématique si nous avions fait, il y a déjà plusieurs décennies, des choix plus responsables en matière agricole, en matière industrielle ainsi qu'en matière d'aménagement et d'urbanisme. Je pense à l'imperméabilisation des sols, à la rectification des méandres des cours d'eau, à l'arrachage de dizaines de milliers de kilomètres de haies et à l'arasage des talus.

Certains, telle la Cour des comptes, dénoncent haut et fort cette situation. D'autres sont plus pudiques : notre rapporteur évoque le « bilan mitigé des actions concrètes ».

Assez parlé, donc, il faut agir ! Mais comment ? Réparer les dégâts en faisant payer la facture aux usagers domestiques qui n'en peuvent mais ? Sensibiliser, recommander, comme le fait depuis si longtemps le ministère de l'écologie ? Ou changer en profondeur la politique de l'eau en France afin de gérer de façon responsable et sur le long terme des ressources fragiles ? On en est loin.

J'ai entendu certains de nos collègues qui ne manquent pas d'idées parler de pompages, de barrages, d'usines d'assainissement de l'eau de plus en plus sophistiquées, d'usines de dépollution de plus en plus coûteuses et de plus en plus voraces en énergies fossiles pour éliminer les lisiers, les fientes, les boues et même désaliniser l'eau de mer.

Quel sera le prix de cette fuite en avant ? Quelles seront les conséquences pour les différentes activités concernées ?

Je pense évidemment aux ostréiculteurs de Marennes-Oléron, qui subissent depuis tant d'années les conséquences de la raréfaction et de la dégradation de la qualité de l'eau douce apportée dans le bassin d'Arcachon et à qui aucune mesure sérieuse n'a jamais été proposée. Car on ne peut pas qualifier de mesure sérieuse le désastreux projet de barrage de la Trézence, heureusement recalé par le Conseil d'État.

MM. Michel Doublet et Rémy Pointereau. Hélas !

Mme Dominique Voynet. Je pense évidemment à un usage plus responsable des ressources, tenant compte des besoins des différents utilisateurs.

C'est que, voyez-vous, la liste des délires technocratiques est longue ! Elle permet à certains d'espérer gagner du temps - encore ! - avant de reconnaître qu'il faudra bien changer les pratiques agricoles. Et là, je pense aussi bien à l'élevage intensif, qui mine le sol et l'eau de la Bretagne, où se trouvent 60 % des porcs sur 6 % du territoire national, qu'à l'irrigation du maïs, mais pas que du maïs.

Ainsi, on propose de diluer la pollution d'une eau impropre à la consommation humaine, en raison de concentrations excessives de pesticides ou de nitrates, par l'apport d'une eau plus conforme. Sans parler des projets de barrages destinés à soutenir les étiages et à permettre la poursuite ou l'intensification des politiques d'irrigation, mais présentés aux élus et aux riverains comme des plans d'eau touristiques.

Madame la ministre, cet été la situation s'est aggravée par rapport aux années précédentes, et ce malgré les différentes mesures qui ont été prises. Mais quelles sont ces mesures ?

Vous êtes aujourd'hui présente devant nous, mais M. le ministre de l'agriculture, lui, ne l'est pas, et je le regrette. Vous avez ensemble adressé une lettre aux agriculteurs en leur recommandant d'être vigilants. Certains ont pris leurs responsabilités en essayant courageusement de modifier leurs pratiques, alors que rien ne les incite à le faire et que l'irrigation continue à être financièrement plus encouragée que les pratiques responsables. D'autres ne le font pas et ont poursuivi l'irrigation massive des cultures ainsi que les gaspillages répétitifs, détectés d'ailleurs dans les départements les plus touchés par la sécheresse.

Cette année encore, madame la ministre, vous avez autorisé les centrales EDF à relâcher des eaux plus chaudes dans les rivières. Comme si la situation n'était pas assez grave!

Des recommandations aux agriculteurs, des pratiques laxistes à l'égard d'EDF : y arriverons-nous en procédant de la sorte ?

Mme Dominique Voynet. Je ne le crois pas. C'est pourquoi j'avancerai quelques propositions concrètes.

La première d'entre elles - la plus efficace sans doute à la fois pour restaurer la qualité de l'eau et pour reconquérir une bonne partie du territoire - est de changer les règles de la PAC, laquelle n'incite en rien les agriculteurs à économiser l'eau et à en préserver la qualité.

Et que l'on ne me dise pas que c'est à cause de Bruxelles que l'on ne peut rien faire, puisque c'est bel et bien le Président de la République qui se bat, s'est battu et se battra - à l'en croire - pour défendre les modalités actuelles de mise en place de la PAC contre les intérêts de nos voisins européens et contre ceux d'une bonne partie des paysans du tiers-monde !

Aujourd'hui, pour assurer la qualité et la durabilité de l'activité agricole, il faut que la France devienne porteuse, à l'échelon européen, d'une réforme courageuse de la PAC qui permette d'encourager les pratiques responsables à l'égard de l'environnement et qui soit riche en emplois.

Je pense également - c'est un point que Jean Desessard évoquera plus longuement tout à l'heure - à une tarification progressive de l'eau pour inciter les gros consommateurs à économiser et à changer leur mode de production, au lieu d'incriminer les ménages les plus modestes, pénalisés par la part fixe.

Pour aller jusqu'au bout de la logique « pollueur-payeur », nous devons introduire une redevance sur les excédents d'azote et mener une politique de taxation et d'incitation fiscale pour réduire d'au moins 70 % l'utilisation des pesticides et l'émission des nitrates. Bref, nous devons mettre en place une fiscalité écologique !

Enfin, nous sommes ici nombreux à considérer qu'il est également essentiel de revenir à des modes de gestion de l'eau plus modestes, moins capitalistiques et, pour parler net, plus publics, plus transparents, plus démocratiques, afin d'éviter les corruptions, les petits « arrangements ».

Il y a des formes de lobbying qui ne devraient plus être tolérées, surtout au sein de nos assemblées. Elles doivent être dépassées et aujourd'hui interdites ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Yannick Texier.

M. Yannick Texier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte qui nous réunit aujourd'hui constitue une nouvelle étape dans l'élaboration de la législation sur l'eau, inaugurée par la loi de 1964.

Depuis quarante ans, en effet, la réflexion des pouvoirs publics sur la gestion et la protection de l'eau n'a cessé de s'approfondir.

Une véritable prise de conscience des enjeux économiques, écologiques, sociaux et humains que représente l'eau - cette richesse qui conditionne la vie - a émergé, et je m'en réjouis.

Nous sommes désormais tous conscients de notre responsabilité en ce qui concerne la gestion et la qualité de l'eau. Autant dire que ce texte est à la fois très attendu et redouté ! Attendu par tous ceux qui ont le souci de l'aménagement du territoire et du respect de l'environnement. Redouté par ceux qui, en raison de leur activité ou de leur comportement, portent atteinte au nécessaire équilibre devant présider à l'utilisation de l'eau.

Heureusement, ces derniers, grâce aux campagnes de sensibilisation et d'information, mais aussi grâce à la mise en place de sanctions, sont de moins en moins nombreux.

Néanmoins, cette loi est également redoutée par les acteurs économiques. Je pense bien sûr aux agriculteurs, notamment aux éleveurs, qui, par des efforts considérables et soutenus depuis plusieurs années, ont amélioré leurs méthodes de travail, réduit les nuisances liées aux inévitables rejets et ainsi préservé les ressources et les milieux aquatiques.

Ces hommes et ces femmes, confrontés à la difficulté de concilier la compétitivité de leur exploitation et le respect maximal des ressources dans de cadre de leur mission alimentaire envers le pays, doivent être encouragés. Leur participation sous forme de redevance à l'effort de préservation de l'eau doit être soigneusement adaptée.

Au cours de nos travaux préparatoires, nous avons beaucoup oeuvré pour mettre au point un dispositif de « redevance-élevage » qui soit le plus réaliste et le plus équitable possible.

J'en profite, au passage, pour rendre un hommage appuyé au remarquable travail de M. le rapporteur.

MM. Michel Doublet et Alain Gournac. Très bien !

M. Yannick Texier. Je souhaite donc attirer l'attention de chacun sur cette fameuse redevance, qui a donné lieu à tant de débats passionnels, et plus précisément sur son mode de calcul.

La loi initiale prévoyait comme assiette pour la redevance des élevages le calcul de la quantité d'azote oxydé épandable produit par les animaux, et elle fixait à 8 500 kilos le seuil en dessous duquel la redevance n'est pas due.

L'Assemblée nationale a retenu un dispositif reposant sur le nombre des unités de gros bétail, les UGB, et elle a fixé le seuil à 1,4 UGB par hectare de surface agricole utilisée, dans une optique de simplification administrative et de baisse des coûts de gestion, avec un taux maximum de 3 euros par unité.

Le seuil de perception est fixé à 100 unités en zone vulnérable et à 150 unités en zone non vulnérable.

Cette modification constitue un réel progrès, car elle change notablement le calcul de la redevance. Cependant, je propose d'améliorer ce dispositif dans un souci d'équité à la fois envers les agriculteurs et entre les agriculteurs.

Équité envers les agriculteurs, tout d'abord, que nous devons encourager en récompensant ceux qui réalisent ou ont réalisé des efforts en matière environnementale.

Élu breton, je parle en connaissance de cause, car nos éleveurs sont souvent montrés du doigt de manière caricaturale !

Je reconnais bien volontiers les dérives passées et encore certaines pratiques condamnables, mais je souligne que notre agriculture a considérablement progressé sur le chapitre écologique, en particulier grâce aux travaux de recherche et à la formation continue des agriculteurs, financés par les agriculteurs eux-mêmes !

Halte donc au procès en sorcellerie fait à nos agriculteurs, et rappelons qu'ils ne sont pas les seuls pollueurs ! François Guillaume a très justement rappelé à l'Assemblée nationale que les plus grands utilisateurs de produits phytosanitaires étaient la SNCF et les services de l'équipement ! (Mme Évelyne Didier proteste.)

Aujourd'hui, être agriculteur, c'est être chef d'entreprise. L'endettement moyen des agriculteurs a augmenté de 20 % entre 2004 et 2005 : tenons compte de la dimension sociale et humaine de l'activité agricole ! Si l'on instaure une redevance, elle doit donc être la plus proche possible de la réalité.

Nous devons veiller à éviter les taxations abusives et irrationnelles, sources de complexité et de surcoût. Or les frais de recouvrement de la redevance-élevage absorbaient jusqu'à maintenant 40 % de son produit : c'est un vrai gaspillage !

De plus, pour constituer les dossiers, les éleveurs devaient faire appel à des tiers. Grâce à un meilleur calcul, ces frais inutiles disparaîtraient !

Faisons également jouer l'équité entre les agriculteurs. Le calcul retenu à l'Assemblée nationale fait peser la redevance sur un petit nombre d'éleveurs, par l'effet mécanique du seuil. Ce seuil est d'ailleurs mal vécu psychologiquement, car il désigne les « bons » et les « mauvais » éleveurs.

Le seuil de 1,4 UGB introduit un manque d'équité entre les régions - je pense notamment à la Bretagne - comme entre les éleveurs.

Celui qui aurait réussi à « s'agrandir », parfois au détriment de son voisin, peut présenter un chargement inférieur au seuil cité. Il ne paiera pas la redevance, à la différence de celui qui, à cheptel identique, n'a pas pu agrandir son exploitation.

Un étalement de la redevance, par la suppression de ce seuil de chargement, serait donc plus conforme à la réalité tout en permettant d'éviter l'exercice d'une pression accrue sur les agriculteurs.

C'est pourquoi j'ai déposé un amendement à l'article 37 afin de proposer la suppression du seuil de 1,4 UGB à l'hectare et de ne retenir comme base de calcul que le nombre des unités de gros bétail, ce qui est plus conforme à la vérité du terrain.

Un accueil favorable à ma proposition, qui est soutenue par les éleveurs, serait vécu par eux comme un acte de justice et une reconnaissance de leurs efforts.

Avant de conclure, je glisserai une remarque au sujet de mon désaccord avec l'idée de sanctionner financièrement le non-respect de l'environnement. En effet, ce serait là selon moi d'une double peine, les exploitants concernés étant déjà sanctionnés par la PAC !

Si j'ai insisté sur cette redevance, c'est qu'elle cristallise beaucoup d'espoirs et qu'elle recouvre des enjeux non négligeables pour nos éleveurs.

Par ailleurs, ce texte comprend d'excellentes mesures qui témoignent du souci du Gouvernement de faire de la gestion optimale de l'eau et des milieux aquatiques une priorité.

Il y va de notre santé et de l'avenir de nos enfants. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Madame la ministre, j'ai des choses gentilles à vous dire ! (Sourires.)

M. Alain Gournac. C'est rare !

M. Éric Doligé. Et ça laisse craindre le pire pour la suite ! (Sourires.)

M. Jean Desessard. Tout d'abord, je veux saluer votre courage pour la réintroduction de l'ours dans les Pyrénées. (Mme Dominique Voynet applaudit.)

M. Josselin de Rohan. Ça fait plaisir aux socialistes !

M. Jean Desessard. Ensuite, vous faites preuve d'une réelle volonté d'aller vite pour transposer les directives européennes en matière d'environnement, ce qui était également le cas de votre prédécesseur, M. Serge Lepeltier.

En tant qu'écologiste, je ne peux que vous féliciter, d'autant que la France a longtemps été à la traîne de l'Europe en matière d'environnement !

Un autre point est par ailleurs à porter à votre crédit, madame la ministre : vous avez reconnu ce matin, au début de votre intervention, que les canicules, les périodes de sécheresse, étaient dues au réchauffement climatique, ...

M. Alain Gournac. C'est sans doute la faute de la droite !

M. Jean Desessard. Et de la gauche, mon cher collègue !

Vous avez également, madame la ministre, reconnu que ce réchauffement climatique n'était pas le fruit du hasard, mais qu'il résultait des activités humaines, ...

M. Jean Desessard. ... en particulier des émissions de gaz à effet de serre, qu'il faut effectivement combattre à l'échelon français, européen et international, comme vous l'avez souligné, madame la ministre.

Vous avez même dit, madame la ministre, qu'il ne s'agissait là que des prémices d'un phénomène dont les conséquences seront encore bien plus graves dans les années à venir.

Je tenais donc à saluer cette lucidité !

Mes chers collègues, les Verts voteront-ils pour autant en faveur de ce projet de loi sur l'eau ? Eh bien non, car, en matière d'environnement - particulièrement dans le domaine de l'eau - il ne suffit pas de faire un peu : il faut faire beaucoup, voire tout !

M. Alain Gournac. Qu'avez-vous fait quand vous étiez au pouvoir ?

M. Jean Desessard. Vous me parlez du bilan de la gauche, monsieur Gournac, mais nous sommes en discussion pour le prochain gouvernement, et nous sommes très exigeants, vous le savez ! (Sourires.) Nous avons tiré le bilan de la précédente législature et nous en avons reconnu les manques !

M. Alain Gournac. Je l'espère !

M. Jean Desessard. Quoi qu'il en soit, nous sommes exigeants, vous avez dû l'apprendre par voie de presse !

M. Dominique Braye. En général, vous vous contentez de peu !

M. Jean Desessard. Nos demandes sont très fortes et nous ne participerons à un gouvernement que sous certaines conditions ! (Nouveaux sourires.)

M. le président. Revenez-en au sujet, monsieur Desessard !

M. Jean Desessard. La question qui est posée, madame la ministre, est la suivante : avec l'adoption de ce projet de loi, les choses iront-elles mieux ou moins bien dans deux ans ?

Nous connaissons déjà la réponse à cette question : même si ce projet de loi contient des améliorations techniques, administratives, nous savons bien que dans deux, trois ou quatre ans, dans le domaine de l'eau, les choses iront plus mal !

Pourquoi ? Tout simplement parce que les économies d'eau nécessitent des changements structurels de l'économie. Cela signifie qu'il faut en finir avec la logique productiviste de l'agriculture, qui se veut exportatrice, mais qui fait supporter les frais de pollution - du paysage, des rivières, des nappes phréatiques, de l'alimentation - au contribuable !

Cette logique porte non seulement atteinte à l'environnement, mais également à d'autres secteurs économiques ; je pense aux ostréiculteurs qui ont été touchés cet été en Poitou-Charentes.

M. Michel Doublet. Mais non ! Ce n'est pas vrai !

M. Jean Desessard. Nous avons besoin d'un système qui fasse apparaître le coût écologique de la production.

Or le projet de loi que nous examinons ne fera pas apparaître le vrai prix et laissera croire - notamment à M. Bernard Murat - que certains secteurs sont rentables alors qu'ils portent en eux les germes de la pollution de l'eau !

Les redevances sur les pesticides, sur les nitrates, sur l'irrigation, permettraient de financer la reconversion écologique de l'agriculture.

Nos amendements ne sont pas contre les agriculteurs puisque nous défendons une certaine agriculture. Ils visent simplement à aider les agriculteurs à trouver une nouvelle légitimité au sein de notre société et, en fin de compte, à survivre, de la même manière qu'on limite les excès de la pêche pour permettre au secteur de la pêche de survivre.

Certains des orateurs qui se sont exprimés cet après-midi m'ont fait rire lorsqu'ils ont dit : si l'on manque d'eau, ce n'est pas à cause de l'irrigation, c'est à cause de la sécheresse ! À leur place, j'aurais même été plus loin : s'il pleut beaucoup, il n'est même pas nécessaire d'irriguer !

M. Bruno Sido, rapporteur. Si !

M. Jean Desessard. Mes chers amis, quand on fait de la politique, il est quand même plus facile d'intervenir sur le mode de production agricole que sur le climat ! Il est plus facile de limiter l'irrigation que de faire pleuvoir ! (Sourires.) Si vous connaissez le moyen de faire pleuvoir, nous sommes acheteurs, même au prix fort ! (Nouveaux sourires.)

Je remercie donc de leurs interventions ceux qui ont dit que, s'il y avait une sécheresse, c'était parce qu'il ne pleuvait pas assez !

Il faut en finir avec le laxisme de l'irrigation à outrance et faire payer l'eau à son véritable prix.

Par exemple, la taxe d'irrigation mise en place par l'Agence de l'eau Adour-Garonne n'est que de 23 centimes d'euros par mètre cube, alors que la région souffre de sécheresses chroniques et d'arrosages intempestifs. Ce prix ridiculement bas, on le retrouve aussi pour les bassins Loire-Bretagne et Rhône-Méditerranée-Corse, mais pas dans les bassins Rhin-Meuse ou Artois-Picardie, où la taxe est cinq fois plus élevée.

Comment expliquer que, dans les régions marquées par de fortes sécheresses, la taxe soit plus basse ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Chez nous, on n'irrigue pas !

M. Jean Desessard. Madame la ministre, ainsi que vous l'avez déclaré cet été, il y a un type de cultures qui n'est pas adapté au climat, à la ressource en eau. Je suppose que vous faisiez allusion au maïs. J'aurais aimé que vous en tiriez les conséquences sur le mode de production agricole dans ce projet de loi. Je rappelle en effet que la consommation d'eau est pour 68 % le fait des agriculteurs.

Deuxième point important : la gestion démocratique de l'eau.

L'eau est une ressource indispensable mais rare, nous l'avons tous souligné. Cela implique que l'on doit aborder la gestion de l'eau en termes de solidarité, nous l'avons presque tous dit. L'eau est un droit fondamental, tout le monde l'a également affirmé. Vraiment, au Sénat, les déclarations écolos sont fortes ! On boit de la bonne eau ! (Sourires.)

M. Bruno Sido, rapporteur, et Mme Jacqueline Gourault. On boit du petit-lait ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean Desessard. Il faut donc offrir un accès à l'eau qui soit peu cher. C'est pourquoi nous avons déposé un amendement qui tend à limiter la partie fixe de la facture d'eau, quitte - afin de tenir compte de certaines propositions qui ont été formulées - à la moduler pour les résidences secondaires. S'il s'agit d'une résidence secondaire, ce n'est donc plus un besoin fondamental, et l'on peut taxer davantage.

Il faut économiser l'eau en mettant au point un système incitatif, avec une tarification progressive. Si l'eau est rare, il faut bien en limiter la consommation. Il faut donc que la tarification soit progressive, et non pas dégressive. Les premiers litres doivent être peu chers, car ils sont indispensables, puis le prix de l'eau doit augmenter au fur et à mesure, car l'on peut considérer, à partir d'une certaine consommation, qu'il s'agit d'un produit de luxe.

Comme on peut s'attendre à une pénurie d'eau, si on laisse la distribution de l'eau au privé, on peut aussi s'attendre à une spéculation autour de ce bien fondamental.

Rappelez-vous, mes chers collègues, nous avons, voilà peu, parlé de spéculation au sujet des ventes à la découpe. Ce qui constitue le terreau de la spéculation, c'est une crise de l'offre affectant un produit indispensable. Si l'eau est un produit à la fois rare et indispensable, il y a bien risque de spéculation. Pour que la spéculation devienne certaine, il ne faut qu'un autre facteur : le privé ; introduisez le privé et vous aurez une spéculation qu'il sera impossible de maîtriser !

À Neufchâteau, dans les Vosges, exemple parmi d'autres, après que le maire eut rompu son contrat d'eau et d'assainissement avec une filiale de Veolia, le prix de l'eau a immédiatement baissé de 24 %. Dans la plupart des cas de remunicipalisation, le prix baisse de 25 % à 45 %.

M. Bruno Sido, rapporteur. On en reparlera, Neufchâteau est à côté de chez moi !

M. Jean Desessard. On peut en parler : mes chiffres sont exacts ! Ça fera une excellente publicité à ma thèse !

J'en arrive à ma conclusion.

Les questions de réchauffement climatique nécessitent des changements économiques importants. Or ce projet de loi, loin d'aborder le dossier de l'eau sous un angle nouveau, nous propose simplement la transposition de la directive européenne ainsi que quelques avancées techniques, voire simplement administratives. Mais nous serons condamnés, mes chers collègues, dans deux ou trois ans, quelle que soit la couleur de la prochaine majorité, qui, je l'espère, pourra se prévaloir d'avancées importantes en matière d'environnement et d'écologie, à discuter un nouveau texte, contenant cette fois les dispositions qui permettront de mettre en oeuvre une vraie politique de l'eau en France.

Ce projet de loi, dont M. Fortassin a dit qu'il manquait de souffle, ne remet pas en cause le poids des lobbies ni un certain type de production agricole ou de production industrielle, pas plus qu'il ne remet en cause un système économique de spéculation sur l'eau. Je pense donc que nous aurons bientôt à rediscuter de ces questions, car ce texte ne permettra pas de résoudre le problème en profondeur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Henri Revol.

M. Henri Revol. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme je l'avais fait lors de la première lecture de ce texte, je souhaite, en ma qualité de président du groupe d'études de l'énergie et de rapporteur du projet de loi d'orientation sur l'énergie, évoquer brièvement les enjeux énergétiques qui y sont liés.

Il est incontestable que la discussion de ce texte est bienvenue dans la mesure où il a pour objet, entre autres, de nous mettre en conformité avec nos engagements communautaires, c'est-à-dire atteindre le bon état écologique des eaux d'ici à 2015.

Après de nombreux collègues, je tiens, madame la ministre, à vous rendre hommage pour la ténacité dont vous avez fait preuve pour élaborer et faire aboutir ce projet de loi, dont l'objectif est ambitieux.

Cet objectif ambitieux appelle des réponses elles aussi ambitieuses, qui sont, en très grande partie, intégrées dans le texte qui nous a été transmis par l'Assemblée nationale, après que nous l'eûmes déjà examiné et enrichi en première lecture.

Pour autant, n'oublions pas, mes chers collègues, que notre pays a pris d'autres engagements environnementaux non moins fondamentaux ; je pense bien entendu à ceux qui ont trait à la lutte contre le réchauffement climatique et à la réduction des gaz à effet de serre, dont l'excellent rapport de nos collègues Pierre Laffitte et Claude Saunier nous démontre le caractère absolument impérieux.

Le développement des sources d'énergie renouvelables est évidemment nécessaire et la promotion de celles-ci doit être soutenue.

De ce point de vue, la réflexion sur notre politique en matière de protection de la qualité des eaux et des milieux aquatiques doit être constamment guidée par le souci d'opérer un équilibre entre les différents usages de l'eau.

Certes, il est indispensable de préserver la biodiversité de nos milieux aquatiques ; le bon état écologique des eaux nous y oblige. Mais, ce faisant, il est tout aussi important de ne pas obérer notre potentiel hydroélectrique, qui est, en France, notre principale source d'énergie renouvelable. Celle-ci contribue, je le rappelle, pour près de 15 %, à la couverture de nos besoins électriques annuels et représente le principal outil de fourniture d'électricité pendant les périodes de pointe de consommation.

À ce sujet, je précise qu'EDF, durant les pics de consommation de l'hiver dernier et encore cet été, a été obligée d'acheter très cher à l'étranger du courant pour faire face aux besoins. Sans ces grandes chaînes de barrages hydrauliques dont sont dotées nos régions, la France aurait, à plusieurs reprises ces dernières années, été incapable d'assurer la sécurité de notre système électrique, malgré ces importations.

Rappelons enfin que toute perte de puissance d'énergie hydraulique doit, pour que nous soyons en état de faire face à ces pics de consommation de manière autonome, être compensée par la construction de moyens de production thermique, fortement émetteurs de gaz à effet de serre.

M. Pierre Laffitte. Absolument !

M. Henri Revol. À cet égard, je ne peux que me féliciter de l'état d'esprit dans lequel notre Haute Assemblée, sur l'initiative de notre commission des affaires économiques et de son rapporteur, notre collègue Bruno Sido, a abordé l'examen des dispositions de ce projet de loi ayant un impact substantiel sur le potentiel hydroélectrique français, à l'instar de la réforme du débit réservé, des critères de classement des cours d'eau ou des mesures encadrant la variation des éclusées.

Dans sa version initiale, le projet de loi aurait en effet conduit à une perte de près de 3 térawattheures de production hydraulique, dont l'essentiel est utilisé en période de pointe. Ce risque est désormais écarté compte tenu des amendements adoptés par notre assemblée en première lecture.

Les députés ont, à cet égard, approuvé et conservé l'essentiel de nos orientations et des modifications que nous avons apportées aux articles 2 et 4 du projet de loi. Je ne peux que m'en féliciter.

Quelques ambiguïtés subsistent néanmoins dans le texte qu'ont adopté les députés. Je pense notamment aux raisons pour lesquelles l'État pourra modifier les autorisations et concessions hydrauliques en application de l'article 2, qui ont été élargies. Je pense aussi à l'augmentation considérable de la redevance pour refroidissement des centrales qui a été approuvée par les députés et qui se traduirait pour EDF par un prélèvement annuel supplémentaire de plus de 400 millions d'euros.

Néanmoins, mes chers collègues, toutes ces ambiguïtés devraient être levées avec l'adoption des amendements que notre rapporteur nous présentera. À ce titre, je tenais, monsieur le rapporteur, à vous remercier d'avoir conforté le travail que nous avions accompli en première lecture et à vous indiquer que je soutiendrai pleinement cette démarche.

Je vous présenterai, quant à moi, quelques amendements qui s'inscrivent dans l'esprit que j'ai indiqué, c'est-à-dire avec le souci de ne pas pénaliser les forces de notre système électrique tout en permettant la réalisation des efforts nécessaires pour parvenir au bon état écologique des eaux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. Pierre Laffitte. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lorsque nos concitoyens manquent d'eau, qu'elle est de mauvaise qualité ou qu'ils la trouvent trop chère, ce n'est ni le ministre de l'écologie, ni le préfet, ni les spécialistes de l'environnement ou les associations qu'ils incriminent ou sanctionnent par leurs votes, ce sont les élus locaux.

M. Bernard Murat. Très juste !

M. Pierre-Yves Collombat. Quand une station d'épuration connaît un dysfonctionnement, c'est encore le maire, et personne d'autre, qui se retrouve devant le tribunal correctionnel, où il ne lui suffit pas d'expliquer que l'accident était imprévisible ou que le budget communal ne lui a pas encore permis de la renouveler.

Ces élus ont-ils pour autant un rôle à la hauteur de leurs responsabilités dans les comités de bassin et agences de l'eau chargés de conduire localement les politiques de l'eau ? Ont-ils les moyens financiers qui leur permettraient de faire face à leurs obligations ? À ce jour, la réponse est non.

Le présent projet de loi, dans son état actuel, change-t-il significativement la situation ? La réponse est toujours non, ce qui donne la mesure de l'effort restant à accomplir.

En accordant 50 % des sièges des comités de bassin aux élus locaux en première lecture, le Sénat avait permis une petite avancée dans la bonne direction.

En revanche, notre assemblée avait refusé d'adopter le même dispositif pour les agences de l'eau. En effet, venue en renfort du Gouvernement, la commission avait alors usé de cet étrange argument : « Il est logique que l'État joue un rôle prépondérant au sein du conseil d'administration de l'agence de l'eau afin de s'assurer du respect par celle-ci des grandes orientations qu'il entend donner à la politique de l'eau en France. Rappelons que c'est bel et bien l'État, et non l'agence, qui est responsable devant les instances européennes. »

Je le concède, les élus locaux ne sont responsables que devant les citoyens. Ils ne représentent donc que peu de chose face aux instances européennes. Nos concitoyens ont d'ailleurs fini par s'en apercevoir !

M. Jean-Luc Mélenchon. Bien envoyé !

M. Pierre-Yves Collombat. Bien évidemment, il est apparu inconvenant que le président des agences puisse être élu, comme nous le demandions, et non nommé par l'État.

L'Assemblée nationale a cru bon de revenir sur cette avancée, en ne concédant que 40 % des sièges des comités de bassin aux élus locaux.

Allez savoir pourquoi, elle a même supprimé la possibilité pour les départements de répartir directement, dans un cadre conventionnel, les aides financières des agences. Le renforcement de la collaboration entre les agences et les départements serait pourtant indispensable.

S'agissant de la capacité des élus locaux à peser sur la politique des comités de bassin et des agences de l'eau, nous sommes donc revenus à la case départ.

J'en viens à présent au volet financier.

Les moyens budgétaires dont disposeront les élus locaux leur permettront-ils de remplir leurs obligations, y compris celles, nouvelles, qui découlent du présent projet de loi ? Nous verrons bien que non !

Pour un élu, la première obligation est de faire en sorte que ses administrés, même s'ils sont rebaptisés « consommateurs », puissent avoir de l'eau lorsqu'ils ouvrent leur robinet.

Or, cela a été rappelé, depuis plusieurs années, l'approvisionnement en eau pose des problèmes dès le début de l'été dans un nombre important de départements, et pas seulement dans le sud de la France.

En juin 2006, la situation était jugée « préoccupante » dans onze départements et « délicate » dans vingt-sept autres. En 2003, les trois quarts des départements - les deux tiers cette année - ont fait l'objet d'arrêtés de restriction d'usage de l'eau, d'ampleur variable selon les lieux.

Selon une récente étude du conseil général, 43 % des communes de mon département, le Var, sont aujourd'hui en situation limite d'adéquation entre les besoins et les capacités de production. En outre, moins de 20 % des communes seulement seront en mesure de répondre à la demande en eau dans les dix ans à venir.

Si la surconsommation agricole est incriminable dans beaucoup de départements, la vétusté et la mauvaise qualité des réseaux de distribution, donc de leur rendement, sont également en cause.

Près de la moitié des canalisations en France ont plus de trente ans et 10 %, plus de cinquante ans. Par conséquent, leur restructuration et leur renouvellement, dont il faut attendre des économies d'eau substantielles, sont à l'évidence absolument nécessaires.

Nous l'avons vu, fournir de l'eau constitue une première obligation pour les élus locaux. Leur deuxième obligation est de veiller à ce que l'eau distribuée soit de bonne qualité.

À cet égard, permettez-moi de mentionner les problèmes de protection des périmètres de captage, de changement des canalisations en plomb ou en amiante-ciment et de renouvellement des systèmes d'assainissement obsolètes ou sous-dimensionnés. Là encore, nous sommes très loin de compte.

Même si les estimations varient selon les sources, les coûts de mise à niveau des réseaux et des stations d'épuration pour la France entière sont considérables.

Selon le rapport de Cour des comptes de l'année 2003, le simple remplacement des canalisations en plomb ou en amiante-ciment, indépendamment du renouvellement du reste du réseau, demanderait un effort annuel de 1,5 milliard d'euros. Quant au besoin annuel en matière d'assainissement, il serait compris entre 800 millions d'euros et 1,5 milliard d'euros !

Sur ces bases, l'ordre de grandeur des besoins de financement annuels pour les dix prochaines années se situe entre 2,5 milliards et 3 milliards d'euros.

L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques évalue le coût de la seule résorption des matériaux à risques et anciens à 5,3 milliards d'euros par an sur dix ans. Dans le Var, le coût global des travaux nécessaires pour l'alimentation en eau potable sur les dix prochaines années est estimé à 493 millions d'euros, soit environ 50 millions d'euros par an, dont plus du tiers pour le renouvellement des réseaux.

Dans mon département, le fonctionnement de plus de 50 % des stations d'épuration n'est pas satisfaisant. Plus de la moitié de ces dernières ont vingt ans d'âge et 20 % d'entre elles ont trente ans. Pendant les dix prochaines années, les collectivités locales devraient dépenser près de 300 millions d'euros pour les renouveler.

Pour maintenir ses aides au niveau actuel, le département devrait quasiment tripler les crédits qu'il consacre actuellement à ses interventions en matière d'eau et d'assainissement.

Dans ce contexte, ce sont évidemment les communes rurales, dont les réseaux sont les plus anciens, les plus longs et dont les moyens financiers sont les plus faibles, qui ont le plus de souci à se faire.

Paradoxalement, ces dernières doivent supporter les charges de protection de captage qui alimentent les zones urbaines - cela a été évoqué précédemment -, et ce sans participation des bénéficiaires. Notre groupe déposera donc de nouveau un amendement tendant à autoriser les organismes publics gestionnaires de services d'eau et d'assainissement à accorder des fonds de concours aux collectivités d'où leur ressource est originaire. Il serait étonnant que notre assemblée, défenseur institutionnel des communes rurales, ne l'adopte pas.

Les coûts sont donc considérables. Face à cela, que prévoit le présent projet de loi dans sa version actuelle ? Malheureusement, aucune intervention de l'État qui aurait permis de financer une quelconque forme de solidarité nationale après la disparition du FNDAE, et la captation de la ressource issue du PMU !

L'Assemblée nationale a même jugé bon de supprimer la possibilité, qui n'était pourtant que facultative, offerte aux départements de créer un fonds départemental pour l'alimentation en eau et l'assainissement.

Quand on connaît l'implication des départements en matière d'eau et d'assainissement, qui est actuellement de l'ordre de 700 millions d'euros annuels, leurs engagements en direction des communes rurales et surtout les enjeux financiers futurs, on s'étonne d'une telle position.

Par conséquent, notre assemblée doit impérativement rétablir le dispositif qu'elle avait adopté en première lecture. Mais j'ai cru comprendre qu'il existait un certain consensus sur cette question. (M. le rapporteur acquiesce.)

De mon point de vue, la seule avancée issue des travaux de l'Assemblée nationale, mais sur laquelle notre commission entend curieusement revenir, est la hausse du plafond de ressources des agences de l'eau.

Pourtant, même à ce niveau, le compte n'y est pas encore.

Permettez-moi de vous faire partager un petit calcul auquel je me suis livré : un montant de 14 milliards d'euros sur six ans, cela représente 2,3 milliards d'euros par an. Si l'on en croit le rapport de la Cour des comptes précédemment évoqué - ce sont les chiffres de l'année 2000 -, l'investissement annuel des collectivités locales pour les stations d'épuration est évalué à 1,3 milliard ou 1,4 milliard d'euros.

On peut donc penser que, si elles se tiennent à un tel rythme, selon les chiffres que j'ai mentionnés tout à l'heure, les collectivités locales pourront renouveler leurs installations futures sans financements supplémentaires des agences.

En revanche, il en va différemment pour l'eau. En effet, toujours selon la Cour des comptes, le coût actuel du renouvellement des canalisations serait d'environ 900 millions d'euros. Pour le simple renouvellement des conduites en matériaux illicites, il faudrait donc débourser plus de 1,5 milliard d'euros annuels. Mais, si l'on tient compte du renouvellement des conduites dans un objectif d'amélioration du rendement, les dépenses annuelles sont en réalité de l'ordre de 2 milliards d'euros.

À mon sens, 2,33 milliards d'euros par an permettront simplement aux agences de l'eau de faire face aux investissements des collectivités au rythme actuel, ainsi qu'à leurs autres missions, mais pas à la totalité des charges de renouvellement des canalisations.

Sauf à penser que la totalité de ce supplément de charges incombera aux collectivités locales, sur la base de 30 % d'intervention, il manque quelque 300 millions d'euros par an, soit 1,8 milliard d'euros sur six ans.

Dans ces conditions, on peut comprendre, même si on ne l'admet évidemment pas, que la ministre de l'écologie et du développement durable ait émis, lors de l'examen du présent projet de loi en première lecture, un avis défavorable sur l'amendement, finalement adopté, tendant à placer les actions programmées sur les réseaux, c'est-à-dire leur renouvellement dans un souci de bonne gestion de la ressource, au titre des actions prioritaires des agences !

En outre, le plancher de 170 millions d'euros par an pour les aides au titre de la solidarité envers les communes rurales est, à l'évidence, notoirement insuffisant. Je ne m'attarderai pas à en faire la démonstration, car ce qui est vrai pour les communes en général l'est plus encore pour les communes rurales.

C'est pourquoi, et ce sera ma conclusion, les élus locaux, à commencer par les maires ruraux, ne pourront qu'être déçus par ce projet de loi si est maintenu dans sa rédaction actuelle. En effet, celle-ci ne leur donne ni le pouvoir de se faire entendre ni les moyens financiers de faire face à leurs obligations.

Il appartient donc à notre assemblée d'y remédier. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Braye.

M. Dominique Braye. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je n'étais pas intervenu lors de la première lecture du présent projet de loi par la Haute Assemblée, en avril 2005. Par conséquent, je ne souhaite ni commenter aujourd'hui les modifications apportées à ce texte par la navette parlementaire ni revenir sur les propositions adoptées par notre commission des affaires économiques en vue de cette deuxième lecture. Notre excellent rapporteur Bruno Sido s'en est déjà chargé avec clarté et précision.

Cependant, je souhaiterais faire quelques observations. En effet, un délai important s'est écoulé entre les deux lectures de ce texte par le Sénat ; cela illustre d'ailleurs malheureusement certaines des difficultés du travail parlementaire.

M. Jean Desessard. Grâce à qui ?

M. Dominique Braye. Or, durant ce laps de temps, en ma qualité de président d'un établissement public de coopération intercommunale, j'ai été confronté à certaines péripéties locales relatives à la qualité de l'eau distribuée sur le territoire de ma communauté d'agglomération. C'est pourquoi j'ai tenu à intervenir dans la présente discussion générale.

Je voudrais vous faire part de cette expérience et des réflexions qu'elle m'a inspirées, non pas pour le seul plaisir d'évoquer le cas de la communauté d'agglomération de Mantes en Yvelines, même si celle-ci le mérite largement (Sourires), mais parce que je suis persuadé que nombre d'entre vous, mes chers collègues, ont eu à connaître des expériences similaires et que vous en avez certainement conçu la même amertume que moi.

En effet, je ne suis sûrement pas le seul élu local de cette assemblée - nombre d'entre nous sont maires, présidents de communauté de communes, d'agglomération ou urbaine, ou présidents de syndicat compétent en matière de gestion de l'eau potable - à avoir été la cible d'attaques médiatiques quant à la qualité de l'eau distribuée sur son territoire.

Or, dans le Mantois, un journal local, Le Parisien, pour ne pas le nommer,...

M. Paul Raoult. Un excellent journal !

M. Dominique Braye. ... s'appuyant sur un très léger dépassement de la norme en vigueur pour un dérivé de l'atrazine, la déséthylatrazine, a diffusé de fausses informations quant à l'importance de ce dépassement.

Il est même allé jusqu'à reprendre des « plaintes d'habitants » qui, après vérification, se sont révélées n'être qu'une unique lettre envoyée par un journaliste, en l'occurrence le correspondant local du quotidien Le Parisien dans le Mantois !

Vous en conviendrez, mes chers collègues, il s'agit là d'une bien curieuse conception de la déontologie, de la part de ces journalistes donneurs de leçons qui sont prêts à tout pour faire sensation dans le seul objectif de vendre du papier, même si cela inquiète faussement tous les habitants d'un territoire !

Bref, pour ce journal, peu importe la vérité pourvu qu'il puisse créer le sensationnel en stigmatisant au passage les élus locaux, qu'il juge responsables de cette situation. D'ailleurs, celle-ci n'a rien d'inquiétant puisque - je vous rassure tous - l'eau distribuée dans le Mantois est considérée par toutes les autorités compétentes comme de bonne qualité et parfaitement potable. (M. le rapporteur acquiesce.)

Mes chers collègues, si certains d'entre vous ont connu semblable expérience, ils se sont certainement demandé, tout comme je l'ai fait, pourquoi ils étaient les cibles de telles attaques, qui visent à en faire véritablement des boucs émissaires en s'efforçant de les désigner plus ou moins clairement à leurs concitoyens comme les responsables de telles pollutions.

Que je sache, les élus locaux et les collectivités ne sont quasiment jamais les responsables de la mauvaise qualité de l'eau, pour autant qu'elle soit réelle. Au contraire, ils en sont même, à bien des égards, les principales victimes.

Ce n'est aujourd'hui un secret pour personne, les responsables sont ailleurs, et nous les connaissons.

D'abord, il y a naturellement ceux qui ont utilisé et qui utilisent encore parfois en quantité excessive les produits dégradant la qualité de l'eau. Je pense notamment à l'agriculture intensive, forte consommatrice de pesticides, ainsi qu'à certains services de l'État ou à certaines grandes entreprises nationales, comme la SNCF et Réseau Ferré de France, qui possèdent des surfaces considérables de terrains désherbés.

Mais les responsables sont également, et peut-être en premier lieu, ceux qui ont laissé apparaître et perdurer de telles dérives, alors que leur mission principale était de faire preuve de vigilance dans le contrôle de la qualité de l'eau. Vous l'aurez compris, il s'agit de certains services de l'État, en particulier des agences de l'eau.

Certes, dans ces conditions, les collectivités locales se doivent - elles y sont d'ailleurs contraintes du fait des maladresses ou des négligences commises par les acteurs que je viens d'évoquer - de réparer ces erreurs en traitant au mieux les eaux polluées. C'est ce qu'elles font le mieux possible, si j'en crois mon expérience personnelle et celle des élus du département des Yvelines.

Les élus n'ont jamais eu et n'ont toujours pas le pouvoir d'influer sur l'utilisation de nitrates et pesticides sur des terrains agricoles d'ailleurs situés le plus souvent hors du territoire de leur collectivité ou sur des emprises foncières de l'État ou d'entreprises d'État.

Naturellement, comme tous les élus locaux soucieux de la santé et de l'intérêt de leurs administrés et des enjeux, j'entends oeuvrer pour un traitement performant de l'eau. Mais ce traitement représente un coût important et croissant, financé évidemment par les consommateurs, qui ne sont pas non plus, pour l'immense majorité d'entre eux, responsables de la dégradation de la qualité de l'eau, mais qui doivent pourtant payer.

Comment en est-on arrivé à une telle situation ? Je ne reviendrai pas sur la genèse des pollutions dues à l'agriculture intensive. Elles sont heureusement en voie de régression, grâce aux effets conjoints des incitations européennes et d'une réelle prise de conscience par les agriculteurs de leurs responsabilités en matière de développement durable. Ce recul sera conforté, nous n'en doutons pas, par les dispositions en ce sens du présent projet de loi.

Mais les principaux responsables de la dégradation de la qualité de l'eau, à savoir les différents services de l'État et les agences de l'eau, chargés du contrôle et de la vigilance, qui auraient dû empêcher les acteurs de poursuivre leurs pratiques et n'ont pas rempli cette mission, ne doivent pas se soustraire aujourd'hui à leur responsabilité passée en tentant, si j'ose dire, de « refiler la patate chaude » aux élus des territoires concernés, comme cela se passe actuellement.

Ils doivent au contraire assister les élus, techniquement et financièrement, de façon concrète et réaliste, c'est-à-dire sans vouloir imposer des mesures illusoires, tant elles sont exigeantes et déconnectées de la réalité des territoires concernés.

Je reprends l'exemple de ma communauté d'agglomération : celle-ci met en oeuvre, dans un souci de protection de ses ressources en eau, un programme financé par l'agence de l'eau, avec des études sur les bassins d'alimentation de ses captages.

Or, contrairement à ce que les élus seraient en droit d'attendre d'un partenaire réellement actif, compte tenu de sa responsabilité dans la situation actuelle, l'agence de l'eau se comporte sans aucun scrupule comme un censeur et fait obstacle à l'émergence de solutions réalistes et constructives, exigeant des élus et des acteurs des engagements impossibles à tenir.

M. Paul Raoult. Il faut s'adresser à André Santini ! C'est lui le président du comité de bassin ! Et c'est un élu !

M. Dominique Braye. Ainsi, l'agence de l'eau repousse jour après jour ses financements et les soumet perpétuellement à de nouvelles exigences : elle demande, par exemple, à la communauté d'agglomération de garantir la qualité et la quantité des produits utilisés sur les terrains agricoles des différents bassins versants, qui ne sont même pas situés sur son territoire ! Pourtant, comme toutes les collectivités locales et territoriales, ma communauté n'a aucun pouvoir de police vis-à-vis de la population concernée, ce pouvoir appartenant éventuellement et, en tout cas, essentiellement à l'État.

Par conséquent, la communauté d'agglomération que je préside est actuellement très fortement pénalisée par l'agence de l'eau, du fait du chantage permanent qu'elle exerce sur le financement des études et des travaux liés à l'exploitation des nouvelles ressources en eau.

M. Paul Raoult. Allez voir Santini !

M. Dominique Braye. Cette expérience est emblématique d'une situation vécue par de très nombreuses collectivités locales, j'en ai encore eu la preuve en écoutant les différents orateurs qui se sont exprimés aujourd'hui à cette tribune. C'est pourquoi, madame la ministre, j'espère que l'examen en seconde lecture du présent projet de loi permettra de clarifier les responsabilités et les engagements financiers de chacun des acteurs de la gestion de l'eau.

Madame la ministre, il est grand temps que chacun assume pleinement sa part de responsabilité dans le domaine de la qualité de l'eau potable, afin que les élus responsables ne soient plus injustement stigmatisés. Ils sont, je tiens à le rappeler une nouvelle fois, les principales victimes de la dégradation de la qualité de l'eau et en aucun cas les responsables de cette situation.

Si ce projet de loi permet de clarifier le rôle de chacun des acteurs de la gestion de l'eau potable, afin que les responsabilités soient définies sans équivoque et que les engagements soient tenus, nous aurons fait une oeuvre louable et bienvenue. Je ne doute pas, madame la ministre, mes chers collègues, que nos débats y contribueront en améliorant le texte qui nous est soumis. C'est en tout cas dans ce sens que j'aborderai les propositions qui nous sont faites. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard.

M. Yann Gaillard. « Eau et bois, c'est tout un ; qui dit l'un dit l'autre ; ce sont deux membres d'un seul et même corps. On est cependant forcé de convenir que la prédominance appartient aux forêts ; car elles sont la cause ; l'eau n'en est que la conséquence. En effet, un sol boisé, rempli de sources, vient-il à être mis à nu, peu à peu celles-ci s'affaiblissent, puis elles disparaissent. Que si, au contraire, on se met à boiser une contrée précédemment desséchée et aride, bientôt les rosées deviennent plus abondantes, de petites sources se montrent et, avec le temps, leur volume augmente. Aussi a-t-on depuis longtemps reconnu ce principe, et réuni ces deux choses sous la dénomination générale des eaux et forêts. »

Ces quelques phrases, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je les ai tirées du livre les Arbres et la Civilisation, publié en 1868 par Élie-Abel Carrière, horticulteur et botaniste français né en 1818, également auteur de l'Arbre généalogique du groupe pêcher, de l'Étude générale du genre pommier, entre autres ouvrages. Si Élie-Abel Carrière a peu écrit sur la forêt, l'hommage qu'il rend au rôle de celle-ci dans la gestion de l'eau me paraissait mériter d'être cité au moment où nous réétudions ce projet de loi sur l'eau.

C'est dire combien ce texte est important pour la forêt et les forestiers, qui souhaitent que leur point de vue soit pris en compte.

En effet, les forestiers, publics ou privés, au nom desquels je m'exprime ici, voudraient que leur rôle soit mieux reconnu par la loi et que celle-ci permette une amplification du service environnemental assuré par la forêt et la gestion forestière en faveur de l'eau.

Malheureusement, nous avons en quelque sorte « raté » la première lecture devant notre Haute Assemblée. Nos propositions ont été plus ou moins prises en compte lors de la première lecture à l'Assemblée nationale : certaines n'ont pas été retenues, d'autres l'ont été, mais trop peu.

Pour que les rôles de la forêt au bénéfice de l'eau soient mieux reconnus par la loi, au nom de l'association nationale France Forêts, quelques collègues et moi-même avons déposé quatre amendements.

Le premier, à l'article 14 quater, est le plus novateur et c'est aussi celui qui, peut-être, nous créera le plus de difficultés : il vise à ce que, lorsqu'un captage est créé en forêt - qu'elle soit publique, résultat que nous avons obtenu devant l'Assemblée nationale, ou privée -, la voie conventionnelle soit préférée à celle de l'expropriation afin d'assurer la préservation et l'amélioration de la qualité de l'eau.

Le deuxième amendement, à l'article 32, ouvre la possibilité de conventions entre propriétaires forestiers et gestionnaires de la ressource en eau pour développer une gestion forestière axée sur le service environnemental rendu par la forêt.

Les deux derniers amendements, à l'article 36, tendent à confirmer les rôles joués par la forêt en faveur de la qualité de l'eau et dans la prévention des crues.

J'ai conscience, madame la ministre, que mon intervention dans ce débat est assez marginale, puisque le projet de loi porte sur l'eau et trop peu sur la forêt. Je tenais néanmoins à intervenir dans cette discussion générale, fût-ce à la fin, pour donner ce petit accent « vert ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais m'efforcer de répondre à chacun d'entre vous.

Monsieur Ambroise Dupont, vous avez évoqué l'enjeu de l'assainissement non collectif en milieu rural. Le texte du projet de loi apporte de nombreuses améliorations qui permettront aux élus d'offrir un service complet à leurs concitoyens et de ne pas se limiter ainsi au seuil de contrôle, ce qui est souvent mal perçu par la population et ne répond pas forcément à ses besoins.

Je tiens à souligner que le dispositif qui vous est proposé actuellement sera amélioré par les amendements de votre rapporteur tendant à ce que les communes puissent décider si elles assurent elles-mêmes les modalités de contrôle de l'assainissement non collectif, soit directement par leur service d'assainissement non collectif, soit en recourant à des sociétés privées.

Je tiens donc, monsieur le sénateur, à rassurer les élus sur ce point, qui a fait l'objet de nombreuses interventions.

M. Laffitte a fort justement insisté sur le défi majeur du xxie siècle : le changement climatique. Je rappelle que le Gouvernement conduit une action de fond sur ce thème.

La France respecte ses engagements au titre du protocole de Kyoto depuis 2002. Mais nous savons que nous devons aller au-delà et, je l'ai dit ce matin, nous devons diviser par quatre nos émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2050. Pour y parvenir, le Gouvernement a mis en place des incitations fiscales pour développer les énergies renouvelables : chauffe-eau solaires ou isolation des bâtiments. Ces aides rencontrent un très grand succès auprès de nos concitoyens. Les énergies renouvelables se développent à un rythme sans précédent ; le parc éolien a été multiplié par cinq en trois ans, par exemple.

Pour autant, il ne serait pas raisonnable de transformer nos rivières en une succession de microcentrales dont l'impact cumulé sur nos cours d'eau serait très néfaste, pour un bénéfice énergétique réduit, et qui ne correspondrait pas non plus à nos besoins en période de pointe. Nous préférons, au contraire, permettre de mieux utiliser l'énergie hydroélectrique à partir des ouvrages existants afin de minimiser l'impact sur le milieu.

Madame Didier, vous signalez à juste titre l'importance du respect de nos engagements européens. Je tiens à préciser que, depuis l'automne dernier, la France est totalement à jour des transpositions de directives européennes en matière d'environnement. En un an, nous avons aussi réduit de moitié les contentieux européens et les retards accumulés avant 2002. J'espère donc, madame la sénatrice, vous rassurer sur ce point très important : la France reconquiert sa crédibilité au niveau européen.

S'agissant des services publics, et particulièrement de celui de l'assainissement non collectif, les précisions que je viens de donner sur ce sujet devraient vous rassurer. Il ne s'agit nullement de remettre en cause les services publics existants, mais d'offrir plus de possibilités aux communes dans l'exercice de leurs responsabilités. On ne saurait donc parler de « marchandisation ». De plus, la loi prévoit plusieurs mesures qui renforcent la transparence dans le domaine des services publics de l'eau et de l'assainissement.

M. Biwer a raison de considérer qu'il convient de simplifier le dispositif des redevances et de l'harmoniser entre bassins. C'est un des objectifs majeurs de ce projet de loi.

Le transfert du FNDAE aux agences de l'eau a permis de relancer les investissements en milieu rural dont le rythme commençait à s'essouffler. Le projet de loi prévoit au moins 1 milliard d'euros pour ces aides spécifiques qui viennent, j'y insiste, en supplément des aides traditionnelles des agences. C'est le double des fonds alloués auparavant par le FNDAE, ce qui est loin d'être négligeable. Cependant, il me paraît difficile d'aller jusqu'à 1,5 milliard d'euros.

S'agissant du dispositif des avances remboursables consenties par les agences, il est apprécié par nombre de ses bénéficiaires, et je ne pense pas qu'il faille le supprimer. En revanche, il conviendrait de l'encadrer plus strictement, car il nécessite de lever plus d'argent public. Cela fait partie des objectifs à prendre en compte dans la préparation des neuvièmes programmes des agences de l'eau.

Enfin, M. Biwer a évoqué la question du coût du contrôle de la qualité de l'eau potable. Il ne me semble pas possible de subordonner la fréquence de ces contrôles sanitaires à des considérations économiques.

En effet, le jour où nous serons confrontés à un vrai problème sanitaire, tout le monde montrera l'État du doigt alors qu'il ne sera pas nécessairement le responsable, ou bien on dira que les services ont failli à leur contrôle. C'est pourquoi nous devons, me semble-t-il, être extrêmement prudents sur ce point.

Monsieur Raoult, vous contestez, même si c'est en termes très aimables, le fait que ce projet de loi soit ambitieux. Permettez-moi de m'en étonner ! Qu'il s'agisse d'irrigation, de lutte contre les pollutions diffuses ou encore d'amélioration des services de l'eau et d'assainissement, ce texte tend à nous fournir, notons-le tout de même, de vrais outils nouveaux ! Je tiens d'ailleurs à saluer la contribution du Parlement.

Je citerai, notamment, la création d'un taux majoré de redevance pour les pesticides les plus toxiques par rapport à l'actuelle taxe générale sur les activités polluantes, la possibilité d'organiser la gestion de l'eau d'irrigation par quota ou encore la possibilité d'imposer dans les bassins versants des évolutions de pratiques agricoles pour lutter contre les pollutions diffuses.

D'autres mesures ont été mises en oeuvre : la protection contre les inondations, grâce à la loi de 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, la simplification des procédures d'établissement des périmètres de captage avec la loi de 2004 relative à la politique de santé publique, la protection des zones humides mise en place par la loi de 2005 relative au développement des territoires ruraux, avec, là encore, une exonération de la taxe sur le foncier non bâti.

Cela étant, monsieur le sénateur, un point nous rassemble : la volonté de voir cette loi promulguée. Nous mettons tout en oeuvre pour y parvenir. L'inscription à l'ordre du jour de la session extraordinaire de ce texte en est un signe tangible.

Enfin, je vous informe que le Premier ministre a accepté, à ma demande, de dégeler 10 millions d'euros du budget de mon ministère pour les verser au ministère de l'agriculture. Ainsi pourra se poursuivre cette année, et avant l'entrée en fonction du FEADER, fonds européen agricole pour le développement rural, prévue en 2007, la signature des contrats d'agriculture durable pour les sites Natura 2000 sur lesquels les documents d'objectifs sont approuvés.

Monsieur Murat, à l'instar de plusieurs de vos collègues, vous avez soulevé la question des eaux libres et des eaux closes.

En ce qui concerne la définition des eaux closes, comme vous, je pense que le rapport de Mme Vestur apporte des solutions. Il faut un dispositif adapté aux conditions particulières, notamment aux zones de montagne. C'est l'objet du décret que prépare le Gouvernement. J'en présenterai les grandes lignes quand nous aborderons l'article correspondant.

Monsieur le sénateur, soyez assuré que cela n'aboutira pas à une quelconque « privatisation tous azimuts » des eaux. J'y veillerai tout spécialement dans le décret d'application qui sera rédigé en concertation avec l'ensemble des acteurs concernés.

Comme plusieurs de vos collègues, vous avez aussi évoqué le coût des analyses de l'eau potable. Ce coût est répercuté sur le prix de l'eau : il est donc assumé par le consommateur. Il n'est malheureusement pas possible d'assimiler les analyses à des investissements pour pouvoir bénéficier du fonds de compensation de la TVA.

Monsieur Fortassin, vous avez insisté, ainsi que de nombreux autres orateurs, sur la nécessité d'accroître la mobilisation des ressources en eau.

Je souscris à cet objectif dès lors qu'il ne remet pas en cause les équilibres fragiles des écosystèmes aquatiques et qu'il se fait dans des conditions économiques rationnelles. Je n'ignore pas le rôle important que joue le canal de la Neste dans le maintien des équilibres écologiques des rivières du Gers.

Nous devons utiliser simultanément tous les outils qui existent pour améliorer la gestion de la ressource en eau, tels que la gestion collective de l'eau, qui sera renforcée par ce texte, ou encore l'évolution des pratiques agricoles dans des secteurs qui connaissent des déséquilibres trop forts.

Je salue à ce titre les efforts qui ont été fournis par le monde agricole en 2004 et en 2005.

Vous estimez ce projet de loi trop écologiste ! Je ne veux pas y voir une critique, car l'écologie, dans mon esprit, n'est pas ennemie de l'économie. Au contraire, l'ambition du projet est de concilier et non d'opposer ces deux piliers du développement durable.

M. Jean Boyer a évoqué la prévention des inondations, soulevant ainsi une question importante dans le contexte de changement climatique que nous connaissons.

Les outils ont été renforcés par la loi de 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels. Cela explique que le projet de loi que nous examinons aujourd'hui accorde moins de place à cette question.

Je présenterai un amendement visant à élargir le domaine d'intervention du « fonds Barnier » pour le financement de la prévention. Il tendra à renforcer nos programmes de prévention des inondations, comme je l'ai annoncé le 12 juillet dernier.

Je partage avec M. Bockel l'idée selon laquelle il est préférable de prévenir les pollutions et de réduire les investissements, qui renchériraient le prix de l'eau et pèseraient sur les budgets des familles... Il s'agit là, naturellement, de l'un des objectifs centraux de ce projet de loi.

Il convient aussi de savoir prendre en compte les situations de précarité de certains de nos concitoyens dans l'accès à l'eau, et je voudrais rappeler les avancées réalisées par le Gouvernement en ce domaine. Je citerai notamment la loi du 9 août 2004 qui tend à clarifier les dispositifs d'aides aux plus démunis avec l'intervention du fonds social au logement et la loi portant engagement national pour le logement, promulguée en juillet dernier, qui interdit les coupures d'eau en hiver.

Monsieur Le Grand, je souhaite tout d'abord vous dire à quel point j'apprécie le travail que vous accomplissez au sein du Cercle français de l'eau. En qualité de président de cet organisme, dont les travaux sont vraiment d'une grande utilité, vous l'animez avec un enthousiasme... communicatif.

Vous avez souhaité nous rappeler que le droit à l'accès à l'eau, malgré des actions concrètes comme celles que je viens de citer, ne bénéficie pas d'une reconnaissance formelle et vous proposez d'insérer dans le projet de loi une disposition tendant à le consacrer. Je salue cette démarche ainsi que votre esprit pionnier ! Je suis bien sûr favorable à cette avancée, sur laquelle le Gouvernement a lui-même déposé un amendement.

Madame Férat, je vous remercie particulièrement de votre intervention. Vous avez mis l'accent sur l'importance de la formation et la nécessité d'agir sur l'éducation de nos enfants. Cette orientation, que partage totalement mon ministère, est clairement affirmée à l'article 36 du projet de loi.

Je ne puis également qu'être sensible à la prise en compte des particularités de la viticulture champenoise, déjà largement intégrées dans le programme de l'agence de l'eau.

Enfin, concernant l'évaluation de la pollution brute des activités saisonnières, vous aurez noté que l'article 37 du projet de loi apporte des atténuations sensibles par rapport au système actuel, qui prend en considération le jour moyen d'activité maximale.

M. Pastor a soulevé, comme beaucoup d'autres intervenants, la question de l'assainissement non collectif, mais aussi celle de la création de ressources. J'ai évoqué ces points à plusieurs reprises et j'espère que les éléments que je viens de fournir répondront à ses interrogations.

L'examen des articles et des différents amendements nous permettra, s'il le souhaite, d'approfondir la discussion.

Monsieur Pointereau, vous avez largement évoqué la question de la gestion quantitative de la ressource en eau et du lien existant avec le changement climatique, comme le démontrent la sécheresse de cet été et celles des années précédentes.

Comme vous, je pense que le plus grand danger serait une position dogmatique ! Cette dernière ne permettrait pas de tirer avantage des différentes solutions que nous pouvons mettre en oeuvre.

Comme je l'ai dit précédemment, nous devons agir par bassins versants en combinant les différents outils disponibles. La création de ressources ne saurait faire l'objet d'un tabou, sans être pour autant la panacée. Tout est question d'équilibre et de bonne gestion. (M. Rémy Pointereau applaudit.)

Permettez-moi néanmoins, monsieur le sénateur, de m'interroger sur le chiffre que vous avez cité concernant la part du budget des agences de l'eau consacrée à leurs frais de fonctionnement et d'étude. Si mes données sont exactes, elle est inférieure à 15% : nous sommes donc loin des 70% que vous avez évoqués. Il serait peut-être utile que vous procédiez à une vérification !

Monsieur Dubois, vous avez notamment évoqué le rôle de sentinelle que jouent les pécheurs. Je vous rejoins pleinement : les pêcheurs sont des observateurs irremplaçables. C'est pourquoi je ne serais pas défavorable à ce que les fédérations de pêche puissent mettre en place, dans certaines conditions, des agents de développement qui renforceraient la surveillance des milieux.

Vous avez également évoqué l'installation de compteurs d'eau dans tous les appartements HLM. C'est une idée séduisante ! Comme vous le savez, l'Assemblée nationale a introduit, sur ma proposition, une disposition qui tend à prévoir la présence obligatoire de compteurs d'eau dans les logements collectifs neufs. En effet, nous ne pouvions pas, à nouveau, entamer une série de constructions sans prévoir cette installation a priori !

Évidemment, cela ne règle pas la question des immeubles locatifs anciens, que vous avez raison de soulever. Toutefois, pour le moment, il me paraît difficile de prévoir la même obligation dans les logements existants : dans certains immeubles, le coût serait prohibitif.

Pour autant, nous devrons progresser dans ce domaine afin que chacun paye l'eau qu'il consomme ; cela peut inciter à changer de comportement et à économiser.

Monsieur Texier, vous avez soulevé la question de la redevance-élevage.

Je tiens tout d'abord à rendre hommage à tous les parlementaires qui se sont mobilisés, sous l'autorité du rapporteur, pour réaliser un travail préparatoire à partir des avancées adoptées à l'Assemblée nationale. Simplicité et équité sont les maîtres mots qui ont guidé les débats.

S'agissant d'abord de simplicité, la référence à l'unité de gros bétail constitue un grand progrès et évitera une lourde paperasserie, souvent inutile et coûteuse pour les agriculteurs et les agences de l'eau.

Pour ce qui est de l'équité, vous avez su tenir compte de différents critères tels que la taille de l'exploitation, l'extensification de la production ou encore les bonnes pratiques d'alimentation du bétail.

Je serai particulièrement attentive à l'ensemble des propositions qui seront présentées, car chaque coefficient a des conséquences qui doivent être analysées précisément. Je souhaite que nous arrivions à une solution équilibrée, où personne ne doit être lésé.

Mme Dominique Voynet n'est plus là,...

M. Jean Desessard. Je la remplace !

M. Dominique Braye. Pour les élections présidentielles aussi ? (Sourires.)

Mme Nelly Olin, ministre. ... mais je voulais lui dire que, en pleine canicule, il me semble responsable et non laxiste de prendre, par anticipation, des mesures tendant à assurer la sécurité de la production électrique.

À titre préventif, j'ai donc pris certaines mesures, contrairement à ce que l'on avait pu constater à une autre époque... Mais, si certaines dispositions ont été prévues, elles n'ont pas pour autant été mises en oeuvre. Gérer, c'est aussi prévenir !

En ce qui concerne la politique agricole commune, nous avons systématisé le comptage des prélèvements d'eau pour l'irrigation durant l'été 2002 et nous avons mis en place la conditionnalité des aides et la généralisation des bandes enherbées qui maillent désormais le paysage et dont l'efficacité est reconnue par tous.

Et nous avons agi dès 2002 ! Les actions que nous avons menées, elle aurait aussi pu y penser !

M. Jean Desessard. Là, je ne la représente plus, madame la ministre ! (Sourires.)

Mme Nelly Olin, ministre. Dominique Bussereau et moi-même avons alerté et sensibilisé les agriculteurs aux risques de sécheresse dès le mois de février dernier. Il ne s'agissait pas d'une banale information, comme on l'a laissé entendre, mais de responsabilisation. Il s'agissait de travailler avec et non contre les hommes et les femmes de ce pays.

Les résultats sont là ! Les surfaces en maïs ont été réduites en deux ans de 20 %. Dans certains secteurs, la réduction atteint même 30 %, voire 40 %.

Lorsqu'on travaille en faisant de la pédagogie, de la prévention, de la sensibilisation, on enregistre toujours des avancées.

Il est vrai que l'agriculture a encore des efforts à fournir, et elle le sait, mais nous devons reconnaître les efforts qu'elle a déjà consentis, car il s'agit tout de même d'un secteur difficile.

Dominique Bussereau et moi-même avons en outre demandé aux instituts de recherche d'axer leurs travaux sur les économies d'eau que l'agriculture pourrait réaliser.

Monsieur Desessard, j'en arrive à vous personnellement, et je vous remercie tout d'abord de vos propos de soutien pour la réintroduction de l'ours. La tâche n'a pas été facile ; mais quand on doit faire les choses, il faut aller jusqu'au bout. Ramené à cinq ours, le plan était raisonné et raisonnable.

Je remercie d'ailleurs tous ceux qui m'ont soutenue et je présente mes très sincères regrets à ceux que, tout à fait involontairement, j'ai parfois mis en difficulté.

Comme vous, monsieur le sénateur, je pense qu'il faut anticiper dans la gestion de l'eau les effets prévisibles du changement climatique. Il faut aider notre agriculture à relever le défi, sans pour autant la montrer systématiquement du doigt ni la surcharger de taxes. Le projet de loi me paraît tracer une voie d'équilibre.

Je suis d'accord pour que l'on maîtrise le montant de la part fixe tout en tenant compte des situations particulières des communes touristiques ou montagnardes. Mais cela relève au premier chef de la compétence des collectivités territoriales. Le projet de loi encadre les possibilités de tarification dégressive et laisse aux communes la liberté d'établir une tarification progressive.

L'amalgame « privé égale spéculation » est trop facile et, à la limite, diffamatoire : même si, dans le passé, certains débordements se sont produits, les industriels français de l'eau, je tiens à le souligner, ont le sens du service public. Pour autant, on ne saurait remettre en cause la nécessité d'assurer la transparence de la gestion du service public au profit des consommateurs et, bien sûr, des collectivités délégataires.

Monsieur Revol, vous avez souligné qu'il était nécessaire de concilier l'atteinte du bon état des eaux en 2015 - c'est demain, ne l'oublions pas ! - et la lutte contre le réchauffement climatique et l'effet de serre. Il nous faut donc trouver un équilibre entre les différents usages de l'eau pour pouvoir parvenir à ce bon état écologique sans obérer le potentiel hydroélectrique, notamment pour les périodes de pointe. La première lecture a déjà permis de trouver un équilibre ; nous devons, je crois, le conforter aujourd'hui.

Monsieur Collombat, vous avez évoqué la composition des comités de bassin et vous proposez de réduire la place des usagers au sein de ces instances.

M. Pierre-Yves Collombat. Disons plutôt d'augmenter celle des élus !

Mme Nelly Olin, ministre. Étant moi-même élue de terrain, je ne méconnais pas l'importance des élus, responsables devant leurs concitoyens. Pour autant, il me semblerait tout à fait regrettable de réduire la part des usagers dans les comités de bassin.

Les usagers sont les associations de protection de l'environnement, les consommateurs, les industriels, les agriculteurs et les pêcheurs. Leur contribution me paraît tout à fait essentielle au débat, et leur présence fait toute l'originalité de notre système.

J'entends souvent parler dans votre famille politique, monsieur le sénateur, de démocratie participative.

Mme Nelly Olin, ministre. N'est-ce pas réduire celle-ci que de vouloir minorer le rôle des usagers au sein des instances de bassin ? Pour ma part, je le pense, et c'est pourquoi j'y suis défavorable ; j'espère que la Haute Assemblée partagera ce point de vue.

Monsieur Braye, votre intervention me conduit à saluer le travail remarquable des élus pour la gestion des services d'eau et d'assainissement.

Il ne s'agit pas pour l'État de se défausser. La tâche est ardue, et vous en témoignez. Les services de l'État et les agences de l'eau doivent effectivement apporter aux élus aide et assistance, dans le respect des règles de la concurrence en matière d'ingénierie publique.

M. Paul Raoult. C'est ce qu'ils font !

Mme Nelly Olin, ministre. En ce qui concerne l'état de vos relations avec l'agence de l'eau Seine-Normandie, que vous avez, en somme, mise en cause, je n'ai découvert le problème qu'aujourd'hui, durant la séance. Je demanderai à mes services d'étudier immédiatement la question.

Enfin, monsieur Gaillard, je ne méconnais pas le rôle important de la forêt dans l'équilibre des ressources en eau. Mais faut-il afficher dans la loi, dont l'objet doit être essentiellement normatif, ce rôle que nul ne remet en cause ? J'en doute, et je ne pense d'ailleurs pas que ce serait conforme à la Constitution.

Soyez cependant assuré, monsieur le sénateur, que les agences de l'eau accueilleront tout à fait favorablement des démarches d'aide émanant du milieu forestier, dès lors qu'il s'agira d'opérations présentant un caractère sortant des champs de la gestion courante des territoires forestiers.

J'ajoute que je ne suis pas favorable à ce que soit trop assouplie la réglementation des périmètres de protection de captage, qui vient déjà d'être allégée, en 2004, par une loi sur la santé. Autant il faut éviter les transferts de propriété entre collectivités publiques, autant on ne peut tout régler par simples conventions entre propriétaires.

Quoi qu'il en soit, monsieur le sénateur, je vous remercie d'avoir apporté à la fin de cette discussion générale l'aimable fraîcheur que procurent les arbres.

Je conclurai, monsieur le président, en saluant la qualité des interventions et la sérénité des débats. La politique en sort grandie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - M. Pierre-Yves Collombat applaudit également. )

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.

TITRE IER

PRÉSERVATION DES RESSOURCES EN EAU ET DES MILIEUX AQUATIQUES

CHAPITRE IER

Milieux aquatiques

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques
Articles additionnels avant l'article 1er

Articles additionnels avant l'article 1er ou avant l'article 24 ou avant l'article 27

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 172, présenté par M. Le Grand, est ainsi libellé :

Après le chapitre II, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Toute personne a le droit d'accès au service public de distribution d'eau dans les zones agglomérées et les zones non agglomérées desservies et le devoir de contribuer à la pérennité de ce service.

Elle doit pouvoir disposer d'eau potable à des conditions qui lui soient économiquement supportables.

Les autorités publiques responsables de la mise en oeuvre de ces dispositions sont définies par décret, lequel fixe également leurs obligations à cet égard.

La parole est à M. Jean-François Le Grand.

M. Jean-François Le Grand. J'ai eu l'occasion d'évoquer cet amendement pendant la discussion générale ; je serai donc assez bref.

Il s'agit d'introduire le droit à l'eau dans notre législation.

Ce droit à l'eau fait l'objet d'une revendication, d'une supplique que les pays d'Amérique du Sud, notamment, mais d'autres également, ont formulée avec force, en particulier durant le Forum mondial de l'eau qui s'est tenu à Mexico. J'ai constaté encore ce matin, dans les messages électroniques qu'elles m'ont adressés, que les ONG elles-mêmes souhaitaient s'associer à une telle démarche.

Notre Constitution reconnaît le droit à l'eau comme élément du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels depuis 2002.

J'avais déjà déposé en première lecture un amendement similaire, fruit d'une réflexion menée par le Cercle français de l'eau. Au demeurant, madame la ministre, je vous remercie de vos propos aimables sur les responsabilités que j'ai l'honneur d'exercer dans cette instance. Croyez bien que la valeur des travaux qui y sont menés tient avant tout à la qualité de ses membres.

Cela étant, madame la ministre, vous avez vous-même déposé un amendement tendant à peu près aux mêmes fins. Je retirerai bien entendu le mien au bénéfice du vôtre dès que nous aurons entendu vos explications.

J'ai indiqué ce matin que c'était pour moi un honneur de présenter un tel amendement. Ce sera pour moi un bonheur de me rallier à celui du Gouvernement. (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° 278 rectifié, présenté par Mme Didier, MM. Billout et Coquelle, Mme Demessine, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Les services publics de distribution d'eau et d'assainissement assurent à chacun un accès à l'eau suffisant pour assurer sa santé et son bien-être ainsi que ceux de sa famille, notamment par la mise en oeuvre, en liaison avec les services sociaux des collectivités publiques et des organismes responsables visés aux sections 1, 2 et 4 du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de l'action sociale et des familles, du dispositif pour l'application de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement ou de tout autre dispositif pris pour l'application de l'article L. 115-3 du code de l'action sociale et des familles.

Dans le cadre de contrat collectif de fourniture d'eau à un immeuble d'habitation à usage de résidence principale, le service de distribution d'eau ou le propriétaire ou le gestionnaire de l'immeuble ne peuvent interrompre la fourniture d'eau sauf si tous les occupants légaux y consentent ou si l'immeuble est déclaré insalubre avec interdiction d'habiter et, dans ce cas, après le départ de tous les occupants.

Dans le cas d'un contrat individuel de fourniture d'eau à un immeuble d'habitation à usage de résidence principale, et en cas d'impayés de la facture d'eau, le service informe l'abonné des modalités d'application de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant la mise en oeuvre du droit au logement ou de tout autre dispositif pris pour l'application de l'article L. 115-3 du code de l'action sociale et des familles. Lorsque les services sociaux saisis d'une demande d'aide le demandent, le service suspend l'engagement des poursuites pendant une période de trois mois, renouvelable une fois. En l'absence d'intervention du dispositif prévu en application de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 précitée, le service assure le maintien d'un débit minimal de fourniture d'eau, dont les conditions d'installation et le volume sont déterminés par le règlement de service.

Pour des motifs de santé publique, le maire, à défaut, le préfet peut imposer au service de distribution d'eau la mise en place d'une distribution d'eau par borne fontaine et dans les conditions mentionnées par le règlement de service, le rétablissement de fourniture d'eau à un immeuble à usage d'habitation. 

La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Cet amendement s'inscrit dans le droit fil de la discussion du projet de loi portant engagement national pour le logement.

Voilà longtemps, je tiens à le souligner, que le droit à l'eau figure également parmi nos préoccupations. Ayant toujours mis l'accent sur les droits fondamentaux des personnes, notamment le droit à l'énergie, le droit à l'eau, nous nous réjouissons que ce débat ait lieu.

Dans son article 75, la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement précise en effet que, « du 1er novembre de chaque année au 15 mars de l'année suivante, les fournisseurs d'électricité, de chaleur, de gaz et les distributeurs d'eau ne peuvent procéder, dans une résidence principale, à l'interruption, pour non-paiement des factures, de la fourniture d'électricité, de chaleur ou de gaz ou de la distribution d'eau ». Nous sommes donc bien dans la même logique.

Lorsqu'un consommateur n'a pas procédé au paiement de sa facture, des mesures doivent être prises pour l'aider. Dans les faits, ainsi que nous l'avions souligné lors de la discussion de cette loi, la disposition visée ne tend qu'à créer une sorte de trêve hivernale des coupures d'eau, à charge ensuite pour le consommateur, une fois la trêve passée, de faire face à ses engagements.

Notre amendement a donc pour objet de compléter la loi en permettant que soient au mieux préservés les intérêts des consommateurs et que toutes dispositions puissent être prises pour leur éviter de se retrouver sans fourniture d'eau. Il s'agit notamment, pour aller à l'essentiel, de donner aux délégataires de service public une forme d'obligation de suivi social des usagers en difficulté.

Telle est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement. Il n'est cependant pas exclu que la suite du débat nous amène à infléchir notre position.

M. le président. L'amendement n° 450, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Avant l'article 27, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Il est garanti à chaque habitant la fourniture quotidienne d'un volume minimum d'eau à hauteur de 40 litres par jour et par usager domestique. Cette disposition est financée par l'augmentation du droit de timbres sur les opérations en Bourse à due concurrence.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Je suis ravi de voir les bonnes dispositions du Gouvernement, qui propose d'instituer un droit d'accès à l'eau potable « à des conditions économiquement supportables ».

En effet, pour des raisons éthiques et sanitaires, l'accès au service universel de l'eau doit être considéré comme un principe intangible ; l'Organisation mondiale de la santé, par exemple, estime à 50 litres la quantité nécessaire pour boire, s'alimenter, se laver. La société doit donc s'assurer que chacun de ses membres y a accès, car il n'y a pas de vie sociale épanouie sans ce minimum.

Hélas ! derrière ces belles intentions, que trouve-t-on dans l'amendement du Gouvernement ? Pas grand-chose de nouveau ! (Protestations sur les travées de l'UMP.) Le Gouvernement regroupe quelques dispositions déjà existantes, comme l'interdiction sous conditions des coupures d'eau, le droit à une aide de la collectivité pour l'accès à l'eau, l'interdiction des dépôts de garantie et des cautions solidaires, la simplification des aides, etc.

En revanche, le Gouvernement mentionne que le droit à l'eau ne signifie pas que l'eau est gratuite.

Mme Nelly Olin, ministre. Bien sûr !

M. Jean Desessard. C'est là que nous sommes en désaccord !

Il ne suffit pas de proclamer un droit formel : il faut aussi réunir les conditions pour le rendre réel. C'est pourquoi nous recommandons d'instituer un service minimal garanti gratuit qui permette de couvrir les besoins essentiels des usagers.

Cette proposition de gratuité n'est pas synonyme de déresponsabilisation ou de gaspillage ; elle ne veut pas dire « aujourd'hui, on rase gratis », au contraire. En cohérence avec d'autres amendements que j'ai déposés et qui tendent à rendre la tarification de l'eau plus sociale et plus écologique, elle vise à la progressivité du prix de l'eau : plus on consomme, plus l'eau coûte cher.

En conséquence, l'amendement n° 450 a pour objet de limiter la partie fixe de la facture afin que le prix de l'eau reflète vraiment la consommation d'eau et alourdisse la facture de ceux qui en abusent. Pour la même raison, je refuse toute dégressivité, alors que le projet de loi, en ses articles 27 et 37, l'autorise.

Les distributeurs ne perdront pas d'argent puisqu'ils feront payer plus cher l'eau consommée au-delà des premiers litres indispensables.

La progressivité est un moyen de responsabiliser les consommateurs d'eau sans priver les plus modestes de leur droit à l'eau.

Le principe est simple : l'eau est une ressource fondamentale, d'où la gratuité des premiers litres ; mais elle est rare, d'où la progressivité des prix. Plus cette progressivité est importante, plus elle est écologique et redistributive.

C'est pourquoi il faut commencer par la gratuité des premiers litres pour tous. Sans cela, nous n'aurons pas de simplification : ce que vous proposez, c'est de faire la charité aux plus démunis, charité humiliante pour les bénéficiaires, coûteuse du fait des contrôles qu'elle implique, et qui aboutira inéluctablement à un système complexe qu'on appelle l'« assistanat social ». Il est plus simple de décider que les premiers litres seront gratuits.

M. le président. L'amendement n° 508, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de l'article L. 210-1 du code de l'environnement est ainsi rédigé :

« Dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement établis, l'usage de l'eau appartient à tous, et chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a droit d'accéder à l'eau potable à des conditions économiquement supportables. »

La parole est à Mme la ministre.

Mme Nelly Olin, ministre. Comme je l'ai indiqué lors de la discussion générale, la France s'est prononcée, lors du Forum mondial de l'eau à Mexico, sur le « droit à l'eau ».

En conséquence, je vous propose d'inclure ce droit à l'eau dans l'article L. 210-1 du code de l'environnement. La France disposerait ainsi d'un cadre législatif dans lequel s'inscriront les diverses dispositions prises pour la mise en oeuvre du droit à l'eau tant sur le plan législatif qu'à l'échelon local, dans l'action des collectivités et des services publics de distribution d'eau et d'assainissement.

L'article L. 115-3 du code de l'action sociale et des familles prévoit déjà que toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières du fait d'une situation de précarité a droit à une aide de la collectivité pour accéder ou préserver son accès à une fourniture d'eau.

Cette disposition a été complétée par la loi portant engagement national pour le logement, la loi ENL, qui interdit des coupures d'eau appliquées aux abonnés ayant bénéficié d'un appui au paiement des factures par le Fonds de solidarité pour le logement au cours des douze derniers mois. Le décret d'application de la loi ENL précisera les obligations des services en matière d'information des usagers sur les possibilités d'aides.

Le projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques, tel qu'il a été adopté en première lecture, comporte également plusieurs dispositions favorisant l'accès à l'eau, avec notamment l'interdiction des dépôts de garantie et des cautions solidaires, qui constituent des difficultés supplémentaires pour l'accès à l'eau des foyers les plus modestes.

Nous aurons ainsi un dispositif permettant de répondre aux préoccupations de nos concitoyens en veillant à faciliter l'accès aux services d'eau des personnes les plus modestes. Tel est l'objet du présent amendement.

J'ajouterai quelques mots en réponse à M. Desessard.

Monsieur le sénateur, je comprends vos propos, mais ils ne correspondent pas tout à fait à la réalité.

À Mexico, j'ai plaidé pour le droit à l'eau, notamment en tant que femme, car, dans certains pays, la corvée d'eau relève des femmes et parfois même de toutes jeunes filles, ce qui les empêche de surcroît d'aller à l'école.

Nous partageons tous ici le même objectif. L'eau gratuite, c'est la déresponsabilisation, et même les ONG avec lesquelles je me suis entretenue à Mexico sont contre cette gratuité.

Le système que nous mettons en place est un système juste, un système de solidarité et non de « pitié » ; c'est un mot que je n'aime pas : je préfère parler de justice envers ceux qui sont en difficulté.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il m'apparaît particulièrement important, comme à vous tous, que la discussion des articles du projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques s'ouvre sur ces quatre amendements qui traitent du droit à l'eau, droit important s'il en est.

Je tiens à rappeler qu'en tant que président du groupe d'études sur l'eau, je représentais le Sénat au sein de la délégation française participant au IVe Forum mondial de l'eau, et je vous remercie encore, madame la ministre, d'avoir eu le souci d'associer ainsi la représentation nationale.

Lors du Forum de Mexico, la question du droit à l'eau, c'est-à-dire de l'accès à l'eau et à l'assainissement pour tous, faisait partie des thèmes prioritaires défendus par le partenariat français pour l'eau et il a été reconnu comme fondamental par la majorité des pays participants au Forum.

Je tiens à dire à ce sujet qu'il n'y a rien de tel que d'aller sur place. J'ai pu constater comme vous, madame la ministre, que les jeunes, même les moins fortunés, ne buvaient que de l'eau minérale, car l'eau en bouteille est, là-bas, la seule eau potable ; il n'est pas question de boire l'eau du robinet.

Tout le monde s'accorde désormais sur la définition du droit à l'eau, à savoir « le droit pour toute personne, quel que soit son niveau économique, de disposer d'une quantité minimale d'eau de bonne qualité, qui soit suffisante pour la vie et la santé ».

Le droit à l'eau fait ainsi partie intégrante des droits de l'homme et du droit à la santé. Il s'agit d'un bien social car, comme l'air, il est indispensable à la survie de tout homme. C'est pourquoi l'article L. 210-1 du code de l'environnement, article fondateur de notre politique de l'eau, affirme que « l'eau fait partie du patrimoine commun de la nation ».

Bien social, l'eau est également un bien économique de grande valeur, et chacun reconnaît qu'elle ne saurait être gratuite, car elle ne peut être gaspillée.

Mais cette approche économique ne s'apparente pas à une vision commerciale, car l'eau est tout sauf une simple marchandise qui pourrait être régulée par les seules forces du marché, puisqu'elle est essentielle à la vie humaine.

Cette conception du droit à l'eau justifie pleinement que les pouvoirs publics se saisissent de cette question. Cette mobilisation est effective à tous les niveaux, et tout particulièrement à celui des collectivités territoriales.

Le Forum de Mexico, mais également d'autres instances ou réunions internationales oeuvrent, sur le plan mondial, en vue d'améliorer la situation qui est encore dramatique pour près d'un milliard d'êtres humains qui n'ont toujours pas accès à l'eau potable, et la France est partie prenante à ce combat. À titre d'exemple, la récente loi Oudin-Santini, en autorisant les collectivités territoriales et les agences de l'eau à consacrer 1 % de leurs ressources à la coopération internationale dans le domaine de l'eau, traduit cet engagement et il faut s'en féliciter.

J'en arrive maintenant à l'avis de la commission sur les amendements nos 172, 278 rectifié, 450 et 508, qui tendent tous quatre à inscrire dans la loi un accès à l'eau pour tous.

Tout en souscrivant à la philosophie qui les sous-tend, la commission a émis un avis défavorable sur les amendements nos 278 rectifié de Mme Evelyne Didier et 450 de M. Jean Desessard.

Le premier, qui décrit très bien les conséquences de ce droit à l'eau pour les services publics de distribution d'eau et d'assainissement, est, nous semble-t-il, trop détaillé et s'ajoute aux dispositifs déjà existants en droit français depuis l'adoption de la loi de 1992 relative à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale et professionnelle, de la loi d'orientation de 1998 relative à la lutte contre les exclusions et, tout récemment, de la loi portant engagement national pour le logement.

L'affirmation contenue dans l'amendement n° 450 est généreuse dans son principe, mais elle n'est pas réaliste - je pense en particulier à la gratuité du premier mètre cube d'eau - et elle doit être écartée.

Les amendements nos  172 et 508 définissent le droit à l'eau comme l'accès à l'eau potable à des conditions économiquement supportables.

La préférence de la commission va à l'amendement n° 508 du Gouvernement, qui codifie ce droit dans l'article L. 210-1 du code de l'environnement. Il s'agit, en effet, d'une affirmation de portée générale, qui va désormais encadrer tous les dispositifs de mise en oeuvre de ce droit existant et à venir. Il est important qu'elle figure dans cet article qui, je le répète, fonde la politique de l'eau en France.

Néanmoins, et malgré l'accord de la commission sur le contenu de cet amendement, celle-ci s'est interrogée sur sa recevabilité compte tenu de la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel s'agissant de la recevabilité des amendements en deuxième lecture.

C'est pour cette raison, et uniquement pour celle-là, madame la ministre, que la commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 508.

Monsieur Le Grand, nous étions ensemble à Mexico, et je tiens à témoigner ici de votre engagement, en tant que président du Cercle français de l'eau, pendant ces quelques jours. Je tenais à vous en remercier personnellement.

Cela étant dit, monsieur Le Grand, la commission vous demande de bien vouloir retirer l'amendement n° 172, mais vous avez d'ores et déjà indiqué votre intention de le faire.

M. le président. Monsieur Le Grand, confirmez-vous cette intention ?

M. Jean-François Le Grand. Oui, monsieur le président, l'objectif étant atteint, je retire mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 172 est retiré.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 278 rectifié et 450 ?

Mme Nelly Olin, ministre. Je veux d'abord remercier M. Le Grand d'avoir retiré son amendement.

Madame Didier, en application de l'article 75 de la loi portant engagement national pour le logement, adoptée le 13 juillet 2006, le Gouvernement publiera un décret précisant les modalités d'information des abonnés sur les possibilités d'aides au paiement des factures d'eau, c'est donc une mesure concrète. Cet article renforce également la protection contre les coupures d'eau des abonnés ayant bénéficié d'une aide du Fonds de solidarité pour le logement au cours des douze derniers mois.

Sous le bénéfice de ces observations, je vous demande, madame, de bien vouloir envisager le retrait de l'amendement n° 278 rectifié.

S'agissant de l'amendement n° 450, compte tenu des explications que j'ai déjà données, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Madame Didier, l'amendement n° 278 rectifié est-il maintenu ?

Mme Évelyne Didier. M. le rapporteur estime que notre dispositif entre trop dans les détails. C'est volontaire. À un moment donné, il faut apporter des éléments concrets pour préciser les choses.

Madame la ministre, j'ai bien entendu votre réponse. Le Gouvernement prendra-t-il un décret précisant toutes ces dispositions ? Si tel est le cas, on peut comprendre que cela ne figure pas dans la loi.

Toutefois, je voudrais savoir ce que signifient les mots : « ainsi que des droits antérieurement établis ». Je voudrais également savoir comment vous définissez les « conditions économiquement supportables ».

Il s'agit surtout ici de faire avancer une idée qui nous semble extrêmement importante. Nous n'allons donc pas faire la fine bouche ! Je suis prête à retirer mon amendement si vous m'apportez des précisions de nature à nous laisser penser que nous ne sommes pas loin du compte.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Nelly Olin, ministre. Madame Didier, il n'y aura pas de décret sur ce point. Je l'ai précisé tout à l'heure dans ma réponse, il s'agit d'affirmer un principe et de mettre en place des mécanismes concrétisant l'accès pour les personnes en difficulté à la gratuité de l'eau ou aux dispositifs interdisant les coupures.

M. le président. Madame Didier, quelle votre décision ?

Mme Évelyne Didier. Je suis heureuse que le principe soit très clairement établi, c'est un premier pas et nous n'allons pas le refuser. Pour autant, je ne suis pas totalement satisfaite de la réponse qui m'a été apportée.

Je vais néanmoins retirer mon amendement, tout en soulignant que nous souhaitons qu'on aille beaucoup plus loin.

M. le président. L'amendement n° 278 rectifié est retiré.

La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote sur l'amendement n° 450.

M. Paul Raoult. Le texte qui nous est proposé par le Gouvernement constitue une avancée significative.

Toutefois, j'aurais préféré la définition inscrite en 2002 la charte internationale des droits de l'homme à l'ONU et selon laquelle le droit à l'eau consiste en un approvisionnement suffisant, physiquement accessible et à un coût abordable d'une eau salubre et de qualité acceptable pour les usages personnels et domestiques de chacun.

Une telle définition va au-delà du simple fait de dire « vive le droit à l'eau ! ». Si j'avais su que nous allions avoir ce débat, j'aurais déposé un amendement tendant à reprendre cette définition.

Néanmoins ce texte apparaît comme une avancée quand on sait que 1,5 milliard de personnes dans le monde sont privées d'eau potable, que d'autres meurent de soif ou de maladie parce que l'eau est toxique et que, dans notre pays aussi, des gens ont du mal à s'approvisionner en eau parce qu'ils n'ont pas les moyens financiers suffisants.

Cette question mérite donc une attention particulière.

Certes, madame la ministre, il y a le FSL. Cependant, pour avoir participé à la gestion de cet organisme, je puis vous affirmer, mais vous le savez déjà, que durant les dernières années il a toujours manqué des crédits. Et pour trouver les crédits manquants, on s'est adressé aux conseils généraux. Il s'agit, dans les faits, d'un transfert de charges qui n'est pas à dédaigner, car les sommes en jeu sont importantes.

Par ailleurs, il ne faut pas éluder le problème que constitue le prix de l'eau. Dans notre pays, le prix du mètre cube, qui est en moyenne de 2,70 à 3 euros, oscille entre un euro et 7 euros. On peut dès lors se demander à partir de quel prix on doit aider les ménages.

Ensuite, il faut dire haut et fort qu'il existe un droit à l'eau et que l'eau correspond à un besoin humain fondamental. Le critère financier ne doit donc pas être un mode de sélection pour garantir le droit à l'eau. Personne n'a le droit de s'approprier cette richesse. Or j'ai le sentiment qu'à travers l'organisation de notre système certaines multinationales s'approprient l'eau pour la vendre très cher à nos concitoyens.

Telles sont les observations que je souhaitais faire.

J'ajoute que l'on peut s'interroger sur les raisons pour lesquelles la France est un des pays dans lequel on consomme le plus d'eau en bouteilles. Les Français, soumis à une pression médiatique répétée, à la télévision ou sur d'autres supports, consomment 126 litres d'eau en bouteille par an et par personne.

Il faut donc garantir la potabilité de l'eau et faire en sorte que nos compatriotes utilisent l'eau du robinet pour leur consommation personnelle, sans risque pour leur santé. On améliorerait ainsi le respect du droit de l'eau pour chacun, en particulier pour les ménages ne disposant que de faibles ressources.

Nos concitoyens achètent quantité de packs d'eau de toutes les marques - la France est la championne du monde dans ce domaine - alors qu'ils pourraient consommer l'eau du robinet. Quel gaspillage financier !

M. Jean Desessard. Et énergétique !

M. Paul Raoult. Le présent texte constitue une avancée en affirmant le droit à l'eau, mais allons plus loin et dépassons la question qui nous est posée aujourd'hui. Il reste encore beaucoup de progrès à faire pour que le droit à l'eau devienne effectif.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Mon intervention portera sur la notion de réalisme.

Les Verts sont favorables à l'instauration d'un revenu citoyen universel, qui permettrait à chacun de satisfaire ses besoins en matière de logement, de santé, d'eau, d'énergie...

M. Dominique Braye. De résidence secondaire !

M. Jean Desessard. Non ! Sur ce point, je suis favorable à la taxation. Il y a une crise du logement : il faut bien partager. Où peut-on trouver des logements ? On ne pourra pas toujours construire ! Il faudra bien se limiter, ou partager les résidences secondaires... (Sourires.)

En tout état de cause, je le répète, les Verts sont favorables à l'instauration d'un revenu citoyen universel. Nous estimons que, tant qu'il n'existe pas, il faut assurer les besoins fondamentaux en matière de logement, de santé, d'eau, d'énergie. Il est donc normal et réaliste de prévoir la gratuité des premiers litres d'eau consommés.

Ce qui n'est pas réaliste, en revanche, c'est de croire que l'on peut facilement faire du social dans un régime capitaliste. On y soupçonne toujours une personne de vouloir voler la collectivité ou de chercher à dissimuler des revenus. Alors, on fait maints et maints contrôles de la pauvreté. Et finalement, ce sont les collectivités territoriales ou les bureaux d'aide sociale qui payent, et cela coûte aussi cher.

Il me paraît donc plus réaliste de considérer que l'on peut être solidaire d'une façon simple et limpide en introduisant des éléments de gratuité dans les domaines de l'énergie, de l'eau, de la santé et du logement.

M. Jean Bizet. Quel programme !

M. Jean Desessard. C'est celui de demain !

M. le président. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Le texte du Gouvernement constitue en effet une avancée. Il est normal d'instituer la gratuité de l'eau en faveur des ménages les plus déshérités en prévoyant un certain nombre de compensations, notamment de la part du Fonds de solidarité pour le logement.

Le problème tient au fait que les sociétés distributrices, qu'il s'agisse de sociétés fermières, de syndicats intercommunaux ou de régies, ne participent en aucun cas à ces compensations. Que la facture d'eau soit payée ou non, elles ne subissent aucunes pertes.

Dans certaines zones, 98  % des factures d'eau sont payées alors que, dans d'autres, le pourcentage tombe à 75  %, et ce quelle que soit la nature des sociétés distributrices. Il y a là une anomalie.

Pour l'électricité, on est parvenu à obtenir qu'EDF participe au Fonds de solidarité pour le logement. Il aurait fallu, madame la ministre, profiter de ce projet de loi pour obliger les syndicats intercommunaux, les régies et les sociétés fermières à participer elles aussi à ce fonds. Et c'est le vice-président d'un syndicat intercommunal d'eau qui obtient le paiement de 98  % de ses factures qui vous le dit !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 450.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 508.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 1er.

Articles additionnels avant l'article 1er ou avant l'article 24 ou avant l'article 27
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Article 1er

Articles additionnels avant l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 310, présenté par M. Raoult, Mme Bricq, M. Collombat, Mme Alquier, MM. Pastor,  Piras et  Lejeune, Mme Herviaux, MM. Cazeau,  Dauge et  Peyronnet, Mme Y. Boyer, MM. Repentin,  Lise,  Marc,  Le Pensec,  Domeizel et  Roujas, Mme M. André, MM. S. Larcher,  Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Les cours d'eau et leurs bassins versants constituent une entité géographique, économique et sociale dont le patrimoine naturel et culturel nécessite la définition et la mise en oeuvre d'une politique spécifique de développement, d'aménagement et de protection. L'identité et les spécificités de ces territoires sont reconnues par la nation et prises en compte par l'État, les établissements publics, les collectivités territoriales et leurs groupements dans les actions qu'ils conduisent.

La réalisation de cette politique d'intérêt général implique une coordination des actions de l'État et des collectivités locales, ou de leurs groupements, ayant pour objet :

1° la mise en oeuvre d'un effort de recherche et d'innovation portant sur les particularités et les ressources des bassins versants ;

2° la gestion équilibrée de l'eau et des milieux aquatiques telle que prévue par l'article L. 211-1 du code de l'environnement.

La parole est à M. Paul Raoult.

M. Paul Raoult. Les cours d'eau et leurs bassins versants constituent une entité géographique, économique et sociale dont le patrimoine naturel et culturel nécessite la définition et la mise en oeuvre d'une politique spécifique de développement, d'aménagement et de protection.

Nous souhaitons, au sein de ces entités, que l'on fasse un effort de recherche, d'innovation, et que l'on instaure une gestion équilibrée de l'eau.

Il est donc nécessaire d'affirmer la nature spécifique des cours d'eau en tant qu'entité géographique, économique, sociale et environnementale, et de l'intégrer dans les objectifs de la directive cadre européenne sur l'eau.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Mon cher collègue, je vous le dis en toute amitié, la portée normative de cet amendement est plus que sujette à caution.

Vous me rétorquerez sans doute, comme vous le précisez dans l'objet de votre amendement, que la rédaction que vous proposez est calquée sur un article relatif au littoral qui figure dans le code de l'environnement et sur un article de la loi montagne. Il est vrai que le législateur n'a pas toujours été très rigoureux en la matière, mais ce n'est pas une raison suffisante pour ne pas modifier certaines habitudes : nemo auditur... (Sourires.)

Pour toutes ces raisons, la commission souhaite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre. Cet amendement vise en fait à encourager la gestion par bassin versant des milieux aquatiques et à favoriser la coordination du travail entre les administrations et les collectivités, en recopiant, comme l'a souligné M. le rapporteur, une disposition applicable au littoral.

En pratique, ces objectifs sont déjà atteints avec de nombreux articles relatifs à l'eau. Je pense en particulier aux articles L. 211 et suivants du code de l'environnement relatifs au régime général de l'eau et aux articles L. 212-1 et suivants du même code qui instaurent notamment les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux.

Je souhaite donc le retrait de cet amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 310.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 308 rectifié, présenté par MM. Courteau,  Rainaud et  Raoult, Mme Bricq, M. Collombat, Mme Alquier, MM. Pastor,  Piras et  Lejeune, Mme Herviaux, MM. Cazeau,  Dauge et  Peyronnet, Mme Y. Boyer, MM. Repentin,  Lise,  Marc,  Le Pensec,  Domeizel et  Roujas, Mme M. André, MM. S. Larcher,  Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Le bassin versant constitue le périmètre privilégié pour la définition des objectifs de gestion durable de l'eau et des milieux aquatiques et la mise en oeuvre des mesures destinées à les atteindre. Ces objectifs et ces mesures  s'appliquent aux eaux de surface, aux eaux de transition, aux eaux souterraines et aux eaux marines intérieures et territoriales.

Ils visent une préservation et le cas échéant une amélioration de la qualité des eaux et de la disponibilité de ressource utilisable en vue d'assurer une conciliation durable des différents usages de l'eau et de la préservation des milieux aquatiques continentaux et marins.

La parole est à M. Paul Raoult.

M. Paul Raoult. Cet amendement est de même nature que le précédent. Il vise, dans les bassins versants, à préserver la qualité de l'eau et la disponibilité des ressources utilisables en vue de concilier durablement les différents usages de l'eau et la préservation des milieux aquatiques continentaux et marins.

Il convient de souligner que la protection des eaux des estuaires, des côtes et des littoraux est un élément important de la politique de l'eau.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Tous les textes législatifs relatifs à la politique de l'eau, qu'il s'agisse de la loi de 1964 ou de celle 1992, ont toujours défendu l'idée selon laquelle la politique de l'eau devait s'organiser autour d'unités hydrographiques cohérentes.

Cette même vision est constamment défendue et promue par les différents articles du présent projet de loi. Par exemple, l'article 30 précise que le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux est institué pour un sous-bassin, pour un groupement de sous-bassins correspondant à une unité hydrographique cohérente et pour un système aquifère. Notre législation générale sur les grandes définitions et les grands objectifs de la politique de l'eau me semble donc assez complète et détaillée.

Il ne me semble donc pas opportun d'ajouter des dispositions juridiques aux textes existants, surtout lorsqu'elles ne sont pas codifiées, comme c'est le cas dans votre amendement.

C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, la commission y sera défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre. Pour les raisons que vient d'exposer M. le rapporteur, je suis obligée d'émettre un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 308 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 309, présenté par Mme Herviaux, M. Raoult, Mme Bricq, M. Collombat, Mme Alquier, MM. Pastor,  Piras,  Lejeune,  Cazeau,  Dauge et  Peyronnet, Mme Y. Boyer, MM. Repentin,  Lise,  Marc,  Le Pensec,  Domeizel et  Roujas, Mme M. André, MM. S. Larcher,  Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

À titre expérimental et pendant une durée de cinq ans, les régions dont le territoire correspond à une unité hydrographique et qui en font la demande, assurent l'organisation de la protection  et de la gestion de la ressource en eau en conformité avec la directive cadre n° 2000/60/CE du 23 octobre 2000 sur l'eau et le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux, couvrant leur ressort territorial. L'expérimentation est assurée dans le respect des compétences des communes, de leurs groupements et des départements en matière de service public de l'eau. A cet effet, les régions candidates à l'expérimentation définissent, coordonnent et mettent en oeuvre une politique de gestion équilibrée des ressources en eau.

La parole est à M. Paul Raoult.

M. Paul Raoult. Cet amendement présente un grand intérêt.

Il prévoit qu'à titre expérimental et pendant une durée de cinq ans les régions dont le territoire correspond à une unité hydrographique et qui en font la demande assurent l'organisation de la protection et de la gestion de la ressource en eau en conformité avec la directive cadre et le SDAGE de leur secteur.

Il est souhaitable de laisser la possibilité à certaines régions de s'engager dans la politique de l'eau sur des territoires bien définis. Ce serait un enrichissement, une capacité d'initiative et d'expérimentation.

Cet engagement devra se faire en accord avec les départements. Les communes, les intercommunalités et les départements sont aujourd'hui, aux côtés des agences de l'eau et de l'État, les fers de lance de la politique de l'eau. Toutefois, dans certains cas, l'échelon régional peut être le plus pertinent. Il serait donc intéressant de laisser aux régions des initiatives dans ce domaine.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Monsieur Raoult, est-il vraiment nécessaire d'ajouter un échelon administratif supplémentaire en matière de gestion de la politique de l'eau ?

Notre système de gouvernance se caractérise déjà, vous en conviendrez, par une certaine complexité : c'est ce qu'on appelle le millefeuille. Ajouter un échelon supplémentaire et donner aux régions un rôle de coordonnateur de la politique de l'eau ne me paraît donc pas d'un intérêt évident et risque d'être facteur de lourdeurs administratives et de complexités supplémentaires.

Aussi, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre. La France a fait, depuis 1964, le choix d'une gestion de l'eau par bassins versants, choix d'ailleurs repris par la directive cadre sur l'eau. Si l'on peut concevoir une cohérence entre le territoire régional et la logique de bassin pour certaines régions ou certains bassins - je pense notamment aux petits cours d'eau -, cette cohérence semble difficile à trouver lorsqu'il s'agit de grands fleuves couvrant le territoire de plusieurs régions.

Par ailleurs la loi organique prévoyant que les expérimentations réalisées sont ensuite étendues à tout le territoire ou abandonnées, l'amendement n° 309 pose problème à cet égard.

En outre, il semble difficile que l'État se dessaisisse complètement d'une compétence et d'un contrôle sur la gestion et la protection de l'eau, alors qu'il reste seul responsable face aux institutions européennes de la bonne application des directives européennes et de l'atteinte de leurs objectifs.

Au demeurant, je m'interroge sur la pertinence de prévoir un nouvel acteur dans le cadre de la gestion de l'eau.

Pour l'ensemble de ces motifs, j'émets un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.

M. Paul Raoult. Certes, il s'agit d'un millefeuille auquel on propose d'ajouter une couche ! Mais, vous le savez bien, monsieur le rapporteur, madame la ministre, les régions interviennent déjà dans ce domaine. Par exemple, s'agissant des zones humides, pour un ensemble de données liées à l'eau, l'agence de l'eau Artois-Picardie a reçu le soutien financier de la région Nord-Pas-de-Calais ; d'autres interventions ont eu lieu en Bretagne.

Cet amendement vise donc à officialiser des pratiques qui existent. En effet, les élus régionaux ne doivent pas se sentir exclus s'agissant de questions qui sont tout de même très graves.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 309.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels avant l'article 1er
Dossier législatif : projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques
Article additionnel après l'article 1er

Article 1er

I. - Le I de l'article L. 211-7 du code de l'environnement est ainsi modifié :

1° Dans le premier alinéa, les mots : « et la communauté locale de l'eau » sont supprimés ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les compétences visées aux alinéas précédents peuvent également être exercées par l'établissement public Voies navigables de France sur le domaine dont la gestion lui a été confiée. »

bis. - Dans le I bis du même article L. 211-7, la référence : « L. 213-10 » est remplacée par la référence : « L. 213-12 ».

II. - Supprimé

III. - L'article L. 212-2-2 du code de l'environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les propriétaires riverains de cours d'eau, lacs et plans d'eau non domaniaux sont tenus de laisser le libre passage sur leurs terrains aux agents mandatés par l'autorité administrative pour accéder auxdits cours d'eau, lacs et plans d'eau et effectuer les mesures nécessaires à la mise en oeuvre et au suivi du programme de surveillance de l'état des eaux, dans la mesure nécessaire à l'accomplissement de cette mission. »

IV. - L'article L. 435-9 du même code est ainsi modifié :

1° Dans le premier alinéa et à la fin du troisième alinéa, le mot : « pêcheurs » est remplacé par le mot : « marcheurs » ;

2° Dans le deuxième alinéa, après le mot : « pêche », sont insérés les mots : «, le passage des marcheurs » ;

3° Dans le quatrième alinéa, le mot : « pêcheurs » est remplacé par le mot : « marcheurs » ;

4° Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La responsabilité civile des propriétaires, locataires, fermiers ou titulaires d'un droit réel visés au premier alinéa, ne saurait être engagée, au titre des dommages causés ou subis à l'occasion du passage des marcheurs, qu'en raison de leurs actes fautifs. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :

A - Rédiger ainsi le I de cet article :

I. - L'article L. 211-7 du code de l'environnement est ainsi modifié :

1° Le début du premier alinéa du I est ainsi rédigé :

« Les collectivités territoriales et leurs groupements ainsi que les syndicats mixtes créés en application de l'article L. 5721-2 du code général des collectivités territoriales sont habilités... (le reste sans changement) » ; 

2° Le I est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les compétences visées aux alinéas précédents peuvent être exercées par l'établissement public Voies navigables de France sur le domaine dont la gestion lui a été confiée. » ;

3° Dans le I bis, la référence : « L. 213-10 » est remplacée par la référence : « L. 213-12 ».

B - En conséquence, supprimer le I bis de cet article.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bruno Sido, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président. L'amendement n° 311 rectifié, présenté par MM. Courteau,  Rainaud et  Raoult, Mme Bricq, M. Collombat, Mme Alquier, MM. Pastor,  Piras et  Lejeune, Mme Herviaux, MM. Cazeau,  Dauge et  Peyronnet, Mme Y. Boyer, MM. Repentin,  Lise,  Marc,  Le Pensec,  Domeizel et  Roujas, Mme M. André, MM. S. Larcher,  Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Au début du texte proposé par le 2° du I de cet article pour compléter le I de l'article L. 211-7 du code de l'environnement, ajouter un alinéa ainsi rédigé :

« Les organismes professionnels concernés, notamment les professionnels de la pêche et de l'agriculture, participent à la définition et au suivi de la politique des eaux continentales et marines.

La parole est à M. Paul Raoult.

M. Paul Raoult. Ce type d'amendement, mes chers collègues, vous le retrouverez de nombreuses fois. Il s'agit en effet de permettre aux professionnels de la pêche et de l'agriculture de participer aux consultations relatives à la politique de l'eau.

Je sais que la commission n'est guère sensible à cette question. Or il me paraît tout de même important que les fédérations de pêche soient systématiquement et automatiquement consultées s'agissant de la politique de l'eau. Ces centaines de milliers de personnes sont, en quelque sorte, les gardiens de la qualité de l'eau, puisqu'ils nous avertissent très rapidement des problèmes qui peuvent se poser le long des réseaux hydrographiques. À mon avis, il serait judicieux d'instaurer - on me rétorquera que c'est superfétatoire - une consultation automatique des fédérations de pêche.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 311 rectifié ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Je ne qualifierai pas une telle disposition de « superfétatoire », monsieur Raoult.

Outre une faible valeur normative, cet amendement présente un défaut substantiel puisqu'il s'insère dans un article qui traite de la réalisation de travaux par des collectivités territoriales. Son introduction dans le texte du projet de loi n'est donc pas évidente et risquerait d'être source d'incohérences juridiques.

Enfin, le fait d'indiquer que ces organismes participent à la définition de la politique de l'eau sans préciser les modalités d'une telle participation ne me semble pas très pertinent.

Pour ces raisons, je vous demande, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 1 et 311 rectifié ?

Mme Nelly Olin, ministre. En ce qui concerne l'amendement n° 1, le Gouvernement émet bien sûr un avis favorable.

S'agissant de l'amendement n° 311 rectifié, monsieur Raoult, je tiens à vous rassurer : les organismes auront l'occasion de s'exprimer lors de l'enquête publique systématique en cas de mise en oeuvre de l'article L. 211-7 du code de l'environnement. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.

M. Paul Raoult. Je comprends bien votre réponse, monsieur le rapporteur, madame la ministre. Cependant j'ai vu des curages de cours d'eau menés si allègrement que l'on enlevait des frayères utiles, par mégarde ou parce que l'on ne souhaitait pas y regarder de près.

Instaurer dans le projet de loi la précision proposée par cet amendement permettrait de conforter le rôle de ces gardiens de la nature.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 311 rectifié n'a plus d'objet.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 134 rectifié bis, présenté par MM. César,  Pointereau,  Vasselle,  Doublet,  Bizet,  Beaumont et  Bailly, est ainsi libellé :

Supprimer le IV de cet article.

La parole est à M. Michel Doublet.

M. Michel Doublet. Cet amendement vise à revenir sur l'extension aux « marcheurs » du droit d'accès aux terrains privés riverains de cours d'eau et de plans d'eau domaniaux. Les exploitants agricoles sont tenus de respecter des obligations, notamment la mise en place de parcelles enherbées en bordure des cours d'eau. Le passage de nombreux marcheurs, impossibles à identifier, risque de perturber fortement la tenue de telles obligations. Une détérioration de ces parcelles enherbées, l'entreposage de biens ou matériels peut entraîner pour les agriculteurs, lors d'un contrôle inopiné au titre de la conditionnalité des aides PAC, de graves pénalités et des retenues financières.

Par ailleurs, si la responsabilité civile des propriétaires n'est engagée qu'en raison de leurs actes fautifs, les questions d'entretien pourraient donner lieu à de multiples plaintes. Les conditions d'accès aux terres agricoles doivent être déterminées sur une base contractuelle précisant les droits et les devoirs des cocontractants.

M. le président. L'amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le IV de cet article :

IV. - Le code général de la propriété des personnes publiques est ainsi modifié :

1° L'article L. 2131-2 est ainsi modifié :

a) Après le premier alinéa, il est inséré deux alinéas ainsi rédigés :

« Tout propriétaire, locataire, fermier ou titulaire d'un droit réel, riverain d'un cours d'eau ou d'un lac domanial est tenu de laisser les terrains grevés de cette servitude de marchepied à l'usage du gestionnaire de ce cours d'eau ou de ce lac, des pêcheurs et des piétons.

« La responsabilité civile des riverains visés à l'alinéa précédent ne peut être engagée au titre des dommages causés ou subis à l'occasion du passage des pêcheurs ou des piétons qu'en raison de leurs actes fautifs. »

b) Avant le dernier alinéa, il est inséré deux alinéas ainsi rédigés :

« Le long des canaux de navigation, les pêcheurs et les piétons peuvent user du chemin de halage et de la portion de berge faisant partie du domaine public, dans la mesure où le permet l'exploitation de la navigation.

« Sur décision de l'autorité administrative, ce droit peut exceptionnellement être supprimé soit pour des raisons d'intérêt général, soit pour des raisons de sécurité lorsque les berges sont incluses dans des établissements industriels. »

2° Le premier alinéa de l'article L. 2131-3 est ainsi rédigé :

« Lorsque l'exercice de la pêche, le passage des piétons et les nécessités d'entretien et de surveillance du cours d'eau ou du lac le permettent, la distance de 3,25 mètres mentionnée à l'article L. 2131-2 pour la servitude de marchepied peut être exceptionnellement réduite sur décision de l'autorité gestionnaire jusqu'à 1,50 mètre. » 

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bruno Sido, rapporteur. Le paragraphe IV de l'article 1er élargit aux « marcheurs » le bénéfice de la servitude de marchepied, qui est aujourd'hui réservé aux seuls pêcheurs le long des cours d'eau domaniaux.

Cet amendement a pour objet de conforter ces dispositions, de les intégrer dans le nouveau code général de la propriété des personnes publiques et de remplacer le mot « marcheurs » par le mot « piétons ».

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre. S'agissant de l'amendement n° 134 rectifié bis, je partage l'avis de M. le rapporteur. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

En revanche, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 2 rectifié, pour les motifs qui ont été exposés par M. le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 134 rectifié bis.

M. Bruno Sido, rapporteur. Je vous remercie, monsieur le président, de me permettre de donner l'avis de la commission sur cet amendement. (Sourires.)

Il ne me semble pas illogique, monsieur Doublet, que les promeneurs du dimanche bénéficient, au même titre que les pêcheurs, du droit d'aller et venir le long des berges des cours d'eau domaniaux, dans la limite de 3,25 mètres.

Au surplus, le dispositif proposé par l'article 1er est très encadré, puisque la responsabilité civile des riverains ne saurait être engagée « qu'en raison de leurs actes fautifs ».

En outre, cette servitude de marchepied peut être supprimée pour des raisons d'intérêt général par l'autorité administrative.

Je vous propose donc de soutenir le dispositif approuvé par l'Assemblée nationale, sous réserve de l'adoption des améliorations rédactionnelles que je vous suggère dans l'amendement n° 2 rectifié.

Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 134 rectifié bis.

M. le président. L'amendement n° 134 rectifié bis est-il maintenu, monsieur Doublet ?

M. Michel Doublet. Non, monsieur le président, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 134 rectifié bis est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
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Article 1er bis

Article additionnel après l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 312, présenté par M. Raoult, Mme Bricq, M. Collombat, Mme Alquier, MM. Pastor,  Piras et  Lejeune, Mme Herviaux, MM. Cazeau,  Dauge et  Peyronnet, Mme Y. Boyer, MM. Repentin,  Lise,  Marc,  Le Pensec,  Domeizel et  Roujas, Mme M. André, MM. S. Larcher,  Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le 1° du I de l'article L. 211-1 du code de l'environnement, après les mots : « zones humides ; », est inséré un membre de phrase ainsi rédigé : « on entend par cours d'eau le lieu de convergence de toutes les eaux, superficielles ou souterraines d'un bassin versant, qui se caractérise par la permanence d'un lit dans lequel s'écoulent, de façon pérenne ou temporaire, des eaux courantes formant un habitat pour une faune ou une flore spécifique ; ».

La parole est à M. Paul Raoult.

M. Paul Raoult. La question soulevée par cet amendement suscite aujourd'hui de nombreuses interrogations, puisqu'elle est également liée au problème des bandes enherbées souhaitées par la nouvelle PAC.

Les définitions du cours d'eau sont en effet variables d'une région ou d'un département à l'autre. Certes, des concertations sont menées avec les fédérations agricoles sur cette question. Toutefois, le degré d'appréciation varie selon les lieux. On observe en effet des discordances entre les bassins : certains, se référant aux cartes de l'IGN, l'Institut géographique national, acceptent les pointillés bleus, d'autres les refusent.

Il serait donc souhaitable de disposer d'une définition correcte et précise du cours d'eau. En effet, les conséquences économiques et sociales d'une telle situation ne sont pas négligeables.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Inscrire dans la loi une définition unique du cours d'eau présenterait bien des inconvénients.

Tout d'abord, cela remettrait en cause plus de deux siècles et demi de jurisprudence sur le sujet, jurisprudence qui a été décryptée dans une récente circulaire de la direction de l'eau.

Par ailleurs, il me semble délicat d'imposer à tous les territoires français une définition unique de la notion de cours d'eau, laquelle ferait l'impasse sur leur spécificité.

En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 312.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, pour les raisons exprimées par M. le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.

M. Paul Raoult. Je fais confiance à l'esprit de concertation des départements et des régions. Peut-être est-ce d'ailleurs la meilleure solution ! Il faut tout de même savoir que ce problème a aujourd'hui des conséquences sur les primes de la PAC, la procédure de DUP, déclaration d'utilité publique, et sur la définition des zones enherbées le long des rivières. Il s'agit donc d'une vraie difficulté.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 312.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel après l'article 1er
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Article additionnel avant l'article 2

Article 1er bis

La deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 3113-1 du code général de la propriété des personnes publiques est complétée par les mots : « et ne donnent lieu au paiement d'aucune indemnité, droit, taxe, salaire ou honoraires ».  - (Adopté.)

Article 1er bis
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Article 2

Article additionnel avant l'article 2

M. le président. L'amendement n° 168 rectifié, présenté par M. Doligé et Mme Rozier, est ainsi libellé :

Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. La propriété de la section du canal d'Orléans déclassée du domaine public fluvial, de l'écluse de la folie à Chalette-sur-Loing jusqu'à l'écluse en Loire de Combleux incluses, est transférée par l'État au conseil général du Loiret. Ce transfert comprend l'ensemble des annexes actuelles et notamment celles hydrauliques et immobilières permettant son maintien en eau et son exploitation. Il est effectué à titre gratuit et ne donne lieu au paiement d'aucune indemnité, droit, taxe, salaire ou honoraires. Ce transfert vaut classement dans le domaine public fluvial du conseil général. Il sera constaté, le moment venu, par un acte administratif publié aux hypothèques.

II. La perte de recette pour l'État résultant du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Éric Doligé.

M. Éric Doligé. L'amendement n° 168 rectifié est important parce qu'il concerne le patrimoine et le devenir du canal d'Orléans. À ce titre, permettez-moi de vous rappeler, mes chers collègues, quelques éléments d'histoire et quelques chiffres.

Le canal d'Orléans, construit au XVIIe siècle par le duc d'Orléans, a été en très grande partie déclassé du domaine public fluvial de l'État en 1954, voilà cinquante-deux ans. Depuis cette date, il a été délaissé par l'État, qui n'a plus investi pour l'entretenir. Ce canal, comme tous les canaux, comprend des voies d'eau, des chemins de halage, des écluses, des terrains, des bâtiments et des étangs pour le réseau hydraulique.

En 1985, devant la dégradation du canal, l'État a fait appel au département, lequel a obtenu une concession de cinquante ans. Vingt ans plus tard, la concession a encore trente ans devant elle. Les deux cinquièmes de son existence se sont écoulés. Par ailleurs, 15 millions d'euros ont été investis à ce jour pour entretenir le territoire de ce canal, en particulier les maisons éclusières.

Un programme de 80 millions d'euros a été mis en oeuvre pour continuer de remettre en état le canal d'Orléans, en le rendant navigable.

D'ici à dix ans, nous aurons donc investi à peu près 100 millions d'euros dans ce cadeau de l'État donné en concession au département. Il est important de noter cette somme !

Nous demandons par conséquent que la propriété de la section du canal d'Orléans restée dans le domaine privé de l'État, car oubliée lorsqu'elle a été déclassée, soit transférée au conseil général du Loiret pour un euro symbolique, comme cela a été fait pour les autres canaux. En effet, sans le déclassement intervenu, elle serait restée dans le domaine public fluvial, aurait été entretenue et aurait pu être transférée pour l'euro symbolique. Mais l'appartenance au domaine privé de l'État ne permettant pas un transfert à titre gratuit, on propose de nous vendre cette partie du canal pour laquelle nous avons investi afin de remettre en état ce patrimoine, ce qui pose un certain nombre de problèmes.

Une cession pour l'euro symbolique serait d'autant plus morale que nous allons remettre en état cette section du canal, à la satisfaction de tout le monde et surtout pour éviter son démantèlement, puisqu'il s'agit de patrimoine national.

Tels sont la question et l'objet de cet amendement. L'actif réalisable par le propriétaire dans trente ans se compte sur les doigts d'une main : quelques millions d'euros, alors que le passif, ce que nous investissons, est d'environ 100 millions d'euros. Faites la balance ! Bien évidemment, nous hésitons à mettre quelques millions d'euros pour racheter quelque chose qui va nous coûter cher ! C'est le premier point.

Le second point, qui est hors amendement, mérite néanmoins quelques explications : il s'agit de l'aspect hydraulique. Un canal n'a d'intérêt et nous n'investirons que si de l'eau y circule - c'est quand même le but d'un canal ! - et, si l'on « route » les quarante écluses, qu'au moins il soit possible de faire des éclusées ! Nous devons trouver avec l'État une solution pérenne, et non remise en cause perpétuellement, pour faire fonctionner ce canal.

Actuellement, nous faisons une étude hydraulique extrêmement complexe. Nous avons besoin du soutien de l'État - un soutien pas forcément financier, mais technique - pour nous aider à avancer et pour valider à la fin du processus les solutions préconisées dans cette étude que nous souhaitons mener conjointement.

Sans ces deux points, le premier qui fait l'objet de l'amendement et le second, sous-jacent, qui concerne l'hydraulique et l'eau, laquelle est bien l'objet du projet de loi que nous examinons, nous ne parviendrons pas à faire fonctionner ce canal.

Très peu de gens d'ailleurs s'intéressent à la reprise des canaux, car tout le monde sait ce que cela coûte. Mais, pour nous, il s'agit d'un investissement touristique et économique. Dans un département voisin, l'État est en train d'abandonner financièrement un canal dont il est propriétaire. Les collectivités se retirent financièrement également. Cela va être une catastrophe écologique ! Le poids de la collectivité est en effet important pour sauver le patrimoine et en matière écologique et environnementale.

Tel est l'objet de cet amendement, dont la présentation a peut-être été un peu longue, mais, encore une fois, c'est important pour le patrimoine national.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. J'ai bien écouté vos arguments, mon cher et éminent collègue. À l'évidence, vous soulevez un vrai problème, qui vous tient à coeur.

Le transfert de la partie « domaine fluvial », que vous avez évoqué, ne devrait pas poser de problème, me semble-t-il, si l'on se réfère aux récents transferts à titre gratuit aux collectivités territoriales du domaine public fluvial.

Toutefois, d'autres éléments du patrimoine, dont vous nous avez parlé, semblent présenter une valeur non négligeable. Peut-être serait-il utile que la Haute Assemblée dispose sur ce point d'informations de la part du Gouvernement, en particulier sur les maisons éclusières. Vous m'avez expliqué en privé ce qu'il en était, mais il faudrait que nos collègues, en séance, sachent de quoi il retourne.

En outre, je dois le préciser, cet amendement pourrait se heurter au développement récent de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le droit d'amender en deuxième lecture. J'appelle votre attention sur ce point. Cette évolution ne permet pas de garantir la constitutionnalité de ce dispositif s'il était adopté et si la juridiction suprême était saisie de ce texte.

Par conséquent, la commission demande l'avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ? Tout repose sur vos épaules, madame la ministre ! (Sourires.)

Mme Nelly Olin, ministre. Monsieur Doligé, avec cet amendement, vous soulevez une vraie question, qui mérite effectivement un débat approfondi.

Vous souhaitez en quelque sorte parachever le transfert du domaine fluvial aux collectivités territoriales. En effet, le domaine public a été transféré récemment, mais ce n'est pas le cas du canal d'Orléans, qui relève du domaine privé ; ce n'est pas à vous que je vais l'apprendre, car vous connaissez bien l'histoire et vous l'avez relatée. De plus, vous le savez aussi, ce canal n'était pas considéré comme navigable.

Il s'agit d'un beau projet, très ambitieux, qui ne peut être que salué. Je sais combien vous y avez travaillé et combien vous avez investi financièrement.

Grâce à votre amendement, un dialogue constructif a commencé à se nouer avec les services de l'État : écologie, agriculture... S'agissant des aspects immobiliers visés dans votre amendement, il est important de poursuivre les échanges détaillés entre France Domaine et votre administration.

Le Gouvernement a impulsé, c'est vrai, des actions de modernisation d'immobilier de l'État et, désormais, il s'agit de bien gérer et de valoriser le patrimoine, ainsi que le souhaitent les parlementaires et en particulier la mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale et des deux commissions.

Pour permettre au dialogue qui a commencé à s'instaurer de manière sereine de se poursuivre dans un futur proche, je souhaite que vous retiriez votre amendement. Les services sont attentifs à votre projet et tout le monde reconnaît que c'est un très beau projet. Je ne doute pas que nous arriverons à trouver une solution ensemble et, lorsque tout sera « calé », que nous saluerons tous les efforts que vous avez faits.

M. le président. Monsieur Doligé, l'amendement n° 168 rectifié est-il maintenu ?

M. Éric Doligé. Monsieur le président, je souffre beaucoup car je suis persuadé que, si j'insistais un peu, cet amendement serait adopté.

M. Paul Raoult. Nous sommes prêts à le voter !

M. Éric Doligé. Cela étant, j'ai bien compris la position des ministères de l'environnement, de l'agriculture et du budget. J'ai en effet rencontré beaucoup de monde grâce à cet amendement, qui a fait bouger, c'est l'avantage ! Tout le monde s'est aperçu qu'il s'agissait d'un vrai problème.

M. Paul Raoult. Il y a une majorité pour l'adopter !

M. Éric Doligé. Me demander un peu d'argent pour en dépenser beaucoup, c'est difficile !

Comme Mme le ministre l'a rappelé, une négociation est en cours, qui n'est pas mal engagée. Je suis persuadé que le passage devant cette Haute Assemblée donnera un peu plus de poids - c'est la raison pour laquelle j'ai insisté sur mon amendement - et que l'on parviendra à une solution raisonnable.

Si tel n'était pas le cas, car je n'ai pas le poids du ministre de l'écologie ni son environnement proche, je redemanderai aux assemblées de bien vouloir m'appuyer lors du vote du projet de loi de finances initial ou du projet de loi de finances rectificative pour faire comprendre au Gouvernement qu'il faut de temps en temps aller au bout de la négociation.

Par conséquent, je remercie Mme le ministre de ses propos et je retire mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 168 rectifié est retiré.

Article additionnel avant l'article 2
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Article 3

Article 2

I. - Après le II de l'article L. 214-4 du code de l'environnement, il est inséré un II bis ainsi rédigé :

« II bis. - À compter du 1er janvier 2014, en application des objectifs et des orientations du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux, sur les cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux classés au titre du I de l'article L. 214-17, l'autorisation peut être modifiée, sans indemnité de la part de l'État exerçant ses pouvoirs de police, dès lors que le fonctionnement des ouvrages ou des installations ne permet pas la préservation des espèces migratrices vivant alternativement en eau douce et en eau salée. »

II. - L'article L. 215-10 du même code est ainsi modifié :

1° Le 5° du I est abrogé ;

2° Après le I, il est inséré un I bis ainsi rédigé :

« I bis. - À compter du 1er janvier 2014, en application des objectifs et des orientations du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux, sur les cours d'eau classés au titre du I de l'article L. 214-17, les autorisations ou permissions accordées pour l'établissement d'ouvrages ou d'usines peuvent être modifiées, sans indemnité de la part de l'État exerçant ses pouvoirs de police, dès lors que leur fonctionnement ne permet pas la préservation des espèces migratrices vivant alternativement en eau douce et en eau salée. » ;

3° Dans le II, après les mots : « Les dispositions du I », sont insérés les mots : « et du I bis », et les mots : « aux entreprises autorisées en application du titre III » sont remplacés par les mots : « aux entreprises concédées ou autorisées en application » ;

4° Le II est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Les modifications apportées en application du I bis du présent article aux concessions visés par la loi du 16 octobre 1919 précitée n'ouvrent droit à indemnité que si elles entraînent un bouleversement de l'équilibre économique du contrat. »

M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 246, présenté par Mme Didier, MM. Billout et  Coquelle, Mme Demessine, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. - Le II de l'article L. 214-4 du code de l'environnement est ainsi modifié :

1° Le 4° devient le 5° ;

2° Le nouveau 4° est ainsi rédigé :

« 4° À compter du 22 décembre 2013, en application des orientations fondamentales du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux, sur les cours d'eau classés au titre du II de l'article L. 214-17, dès lors que le fonctionnement des installations ou ouvrages autorisés ne permet pas la préservation des poissons migrateurs. »

II. - L'article L. 215-10 du même code est ainsi modifié :

1° Le 5° du I est ainsi rédigé :

« 5° A compter du 22 décembre 2013, en application des orientations fondamentales du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux, sur les cours d'eau classés au titre du II de l'article L. 214-17, dès lors que le fonctionnement des installations ou ouvrages autorisés ne permet pas la préservation des poissons migrateurs » ;

2° Au II, les mots « aux entreprises autorisées en application du titre III de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique » sont remplacés par les mots : « aux entreprises concédées ou autorisées en application de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique. »

La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Avec les articles 2, 3 et 4, nous allons aborder la question de l'exploitation hydroélectrique un peu plus poussée de nos rivières.

Il est clair que nous sommes là dans un conflit d'usage entre, d'une part, les hydroélectriciens, qui veulent avoir plus d'énergie, en particulier au moment des pointes de consommation, et souhaitent utiliser davantage l'hydroélectricité pour développer les énergies renouvelables et, d'autre part, les défenseurs des rivières, lesquels considèrent que celles-ci sont non seulement un moyen de transport, mais aussi un biotope et qu'il faut par conséquent faire attention à ce que nous faisons.

L'exploitation hydroélectrique, qui peut tendre à se développer dans les années à venir, notamment compte tenu des enjeux énergétiques auxquels nous sommes confrontés, ne peut se faire sans quelques précautions utiles.

Si l'on peut comprendre la nécessité de produire une énergie peu coûteuse et susceptible de constituer une alternative à la production thermique d'électricité, cela doit se faire en prenant les précautions nécessaires au regard de la situation des écosystèmes.

Dans le projet de loi initial, l'intention du Gouvernement était d'ajouter à la liste des cas pour lesquels les articles précités offrent à l'autorité administrative la faculté de retrait ou de modification l'hypothèse selon laquelle « le fonctionnement des installations ou ouvrages autorisés ne permet pas la préservation des espèces migratrices vivant alternativement en eau douce et en eau salée. » On ne parlait même pas des migrateurs qui existent simplement en eau douce.

Le projet initial du Gouvernement prévoyait donc la possibilité de prendre des décisions de retrait ou de modification en cas d'atteintes portées aux espèces migratrices.

Le rapport de l'Assemblée nationale, sur ce point, nous précise en outre que « cette faculté devait s'appliquer à compter du 22 décembre 2013, soit deux ans avant la date limite fixée par la directive cadre sur l'eau », ce qui ouvre un délai pour parvenir à la mise en conformité des installations concernées. Et 2013, ce n'est pas tout de suite !

Le texte que nous avons voté au Sénat l'an dernier, même quelque peu modifié à l'Assemblée nationale, ne nous apparaît pas avoir finalement la portée et la pertinence nécessaires pour faire face aux questions posées. C'est pourquoi nous proposons tout simplement de revenir à la rédaction initiale du projet de loi.

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. - Dans le texte proposé par le I de cet article pour insérer un II bis dans l'article L. 214-4 du code de l'environnement, remplacer les mots :

le fonctionnement

par les mots :

la variation du débit dans le cours d'eau liée au fonctionnement

II. - Dans le texte proposé par le 2° du II de cet article pour insérer un I bis dans l'article L. 215-10 du code de l'environnement, remplacer les mots :

leur fonctionnement

par les mots :

la variation du débit dans le cours d'eau liée au fonctionnement des ouvrages ou usines

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bruno Sido, rapporteur. L'article 2 vise à prévenir les effets sur la vie aquatique des éclusées, c'est-à-dire les fortes variations de débit liées au fonctionnement des ouvrages hydrauliques. Il permet ainsi à l'État de modifier sans indemnisation les autorisations et concessions si leur fonctionnement ne permet pas la préservation des espèces migratrices.

Il s'agit d'un pouvoir considérable. Aussi la commission a-t-elle jugé plus sage que cette disposition soit encadrée. À cet effet, le présent amendement vise à préciser que c'est la variation du débit dans le cours d'eau liée au fonctionnement de l'ouvrage qui constitue la cause permettant à l'État de modifier l'autorisation.

M. le président. L'amendement n° 315, présenté par M. Raoult, Mme Bricq, M. Collombat, Mme Alquier, MM. Pastor,  Piras et  Lejeune, Mme Herviaux, MM. Cazeau,  Dauge et  Peyronnet, Mme Y. Boyer, MM. Repentin,  Lise,  Marc,  Le Pensec,  Domeizel et  Roujas, Mme M. André, MM. S. Larcher,  Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

À la fin du texte proposé par le I de cet article pour le II bis de l'article L. 214-4 du code de l'environnement remplacer les mots :

espèces migratrices vivant alternativement en eau douce et en eau salée.

par les mots :

poissons migrateurs.

La parole est à M. Paul Raoult.

M. Paul Raoult. Cet article institue une protection des poissons migrateurs vivant alternativement en eau douce et en eau salée contre de brusques lâchers d'eau générés par les installations fonctionnant par éclusées.

La protection instituée ne doit pas souffrir la discrimination que cet article instaure en posant que seules les atteintes subies par les poissons migrateurs vivant alternativement en eau douce et en eau salée méritent une modification de l'autorisation. Le code de l'environnement, dans sa partie relative à l'eau et à la pêche, assure une égale protection du patrimoine piscicole et du milieu aquatique qu'il déclare d'intérêt général aux termes de l'article L. 430-1 du code de l'environnement.

Cet amendement vise à élargir le champ des atteintes au patrimoine piscicole susceptibles de permettre à l'autorité administrative de modifier le contenu de l'autorisation en considération de l'impact de ces installations.

La modification du titre d'autorisation demeure une faculté pour l'autorité administrative.

M. le président. L'amendement n° 313, présenté par M. Raoult, Mme Bricq, M. Collombat, Mme Alquier, MM. Pastor,  Piras et  Lejeune, Mme Herviaux, MM. Cazeau,  Dauge et  Peyronnet, Mme Y. Boyer, MM. Repentin,  Lise,  Marc,  Le Pensec,  Domeizel et  Roujas, Mme M. André, MM. S. Larcher,  Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le IV de l'article L. 214-4 du code de l'environnement est abrogé. 

La parole est à M. Paul Raoult.

M. Paul Raoult. La loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005, loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique, dite « loi Energie », a complété l'article L. 214-4 du code de l'environnement par un paragraphe IV aux termes duquel les autorisations peuvent être accordées aux entreprises hydroélectriques sans enquête publique préalable. Cet ajout est contraire à la démarche de simplification du droit entreprise par le Gouvernement.

Cette disposition est en effet inutile sur le fond, puisque les travaux ou activités relevant du régime de l'autorisation, présentant un caractère temporaire, périodique et dépourvu d'effet important et durable sur le milieu naturel, sont d'ores et déjà accordés sans enquête préalable, aux termes du décret 93-742 en vigueur.

Par ailleurs, il n'y a pas lieu d'établir un cas particulier pour les autorisations d'ouvrages hydroélectriques dont la gestion globale doit avoir été appréhendée dans le cadre de l'autorisation initiale et qui peuvent, le cas échéant, bénéficier, selon le régime général de droit commun, d'une autorisation complémentaire, délivrée là encore sans enquête publique, en l'absence de modification substantielle du projet initial.

M. le président. L'amendement n° 316, présenté par M. Raoult, Mme Bricq, M. Collombat, Mme Alquier, MM. Pastor,  Piras et  Lejeune, Mme Herviaux, MM. Cazeau,  Dauge et  Peyronnet, Mme Y. Boyer, MM. Repentin,  Lise,  Marc,  Le Pensec,  Domeizel et  Roujas, Mme M. André, MM. S. Larcher,  Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

À la fin du texte proposé par le 2° du II de cet article pour le I bis de l'article L. 215-10 du code de l'environnement, remplacer les mots :

espèces migratrices vivant alternativement en eau douce et en eau salée.

par les mots :

poissons migrateurs.

Monsieur Raoult, vous avez de la suite dans les idées, puisque cet amendement est identique à l'amendement n° 315, mais il est situé à un autre endroit du texte !

Vous avez la parole.

M. Paul Raoult. Il s'agit effectivement du même amendement !

M. le président. L'amendement n° 164 rectifié, présenté par MM. Revol et Pointereau, est ainsi libellé :

Avant le 4° du II de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

... °Le II est complété par les mots : « dans le respect du 4° du II de l'article L. 211-1 ».

La parole est à M. Henri Revol.

M. Henri Revol. Cet amendement vise à replacer l'article L. 215-10 du code de l'environnement, relatif aux pouvoirs de police de l'eau du préfet, dans le cadre juridique général relatif à l'eau et aux milieux aquatiques tel qu'il est fixé par ce même code de l'environnement à son article L. 211-1 issu de la loi du 3 janvier 1992 sur l'eau.

Si les pouvoirs de police du préfet ont été considérablement élargis lors du vote en première lecture par l'Assemblée nationale, celui-ci doit néanmoins disposer d'un cadre légal et réglementaire pour arbitrer entre les différents usages de l'eau et les différents intérêts. Il convient donc de rappeler les bases légales qui lui permettent de remettre en cause le fonctionnement d'aménagements hydroélectriques tout en préservant la capacité de production de ces aménagements et le service public qu'ils peuvent remplir au titre de la sécurité du système électrique, en particulier en période de pointe.

M. le président. L'amendement n° 165 rectifié, présenté par MM. Revol et Pointereau, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par le 4° du II de cet article pour compléter le II de l'article L. 215-10 du code de l'environnement, remplacer les mots :

un bouleversement

par les mots :

une modification significative

La parole est à M. Henri Revol.

M. Henri Revol. Cet amendement vise à conserver les équilibres recherchés dans la loi du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique et dans le projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques entre la lutte contre l'effet de serre - que j'avais évoquée tout à l'heure - et l'atteinte du bon état écologique des cours d'eau.

En effet, le mot « bouleversement » employé dans le présent texte n'étant défini ni sur le plan juridique ni sur le plan économique, il nous paraît préférable de lui substituer les mots « modification significative », qui sont conformes aux termes employés dans la jurisprudence.

Une telle substitution permettrait en outre d'assurer la cohérence des termes de la loi avec le cahier des charges type des entreprises hydrauliques concédées annexé au décret du 11 octobre 1999.

M. le président. L'amendement n° 314, présenté par M. Raoult, Mme Bricq, M. Collombat, Mme Alquier, MM. Pastor, Piras et Lejeune, Mme Herviaux, MM. Cazeau, Dauge et Peyronnet, Mme Y. Boyer, MM. Repentin, Lise, Marc, Le Pensec, Domeizel et Roujas, Mme M. André, MM. S. Larcher, Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Toutefois, lorsque en application des orientations fondamentales du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux, un bassin est identifié comme nécessitant une gestion coordonnée des ouvrages au regard des intérêts mentionnés à l'article L. 211-1 du code de l'environnement, il est créé un règlement commun aux concessions du bassin versant, après avis des services de l'État, des établissements publics, des collectivités territoriales et de leurs groupements présents sur le bassin versant. Ce règlement prévoit la participation des concessionnaires à la mutualisation de la réduction des impacts des ouvrages du bassin versant.

Le règlement de chaque concession de ce bassin ou sous-bassin, lorsqu'elle arrive à échéance, doit reprendre les termes du règlement commun.

La parole est à M. Paul Raoult.

M. Paul Raoult. Cet amendement vise à établir un règlement commun aux concessions du bassin versant après la consultation des services de l'État, des établissements publics, des collectivités territoriales et de leurs groupements.

En effet, sur certains bassins versants, les ouvrages hydroélectriques fonctionnent en chaîne. Pour que les conditions en aval des chaînes soient compatibles avec le respect des milieux aquatiques et des usages, des contraintes particulières peuvent être assignées aux ouvrages les plus en aval. Celles-ci peuvent rapidement se révéler très lourdes si elles ne portent que sur un ouvrage. Le principe d'équité voudrait que la charge liée à ces contraintes soit mutualisée sur l'ensemble des ouvrages de la chaîne.

Les articles 13 et 29 du présent projet de loi répondent partiellement à cette préoccupation en visant à intégrer aux contrats de service public d'EDF « les modalités de mise en oeuvre d'une gestion coordonnée des ouvrages hydroélectriques sur les sous-bassins identifiés par les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux ».

Cette disposition concerne a priori seulement EDF, et pas les autres producteurs d'hydroélectricité. Par ailleurs, elle ne permet pas d'intégrer les acteurs du bassin versant à la concertation qu'il serait nécessaire de mener pour définir une gestion coordonnée des ouvrages à l'échelle des bassins versants.

Il est donc proposé d'établir un règlement commun, discuté avec les acteurs du terrain, qui s'impose à toutes les concessions de la chaîne, quels que soient les opérateurs.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Concernant l'amendement n° 246, madame Didier, la Haute Assemblée avait profondément modifié le texte de l'article 2 en première lecture, jugeant excessive la possibilité donnée à l'État par ce dispositif de retirer sans indemnités les autorisations ou concessions hydroélectriques. La notion d'équilibre financier du contrat de concession est une donnée juridique importante, contrôlée par le juge. Surtout, en opportunité, nous avons estimé que la modification sans indemnisation des concessions constituait déjà une prérogative importante donnée à l'État. En conséquence, par cohérence avec les positions que nous avons défendues en première lecture, la commission ne peut qu'émettre un avis défavorable sur cet amendement.

Sur l'amendement n° 315, il me semble que nous sommes parvenus en première lecture à une rédaction équilibrée de l'article 2. Cet équilibre n'ayant pas été remis en cause par les députés, je ne veux donc pas le modifier. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

S'agissant de la question soulevée par l'amendement n° 313, le débat a été tranché en 2005. Il est vrai que, à l'époque, nous aurions pu nous passer d'une intervention législative. Celle-ci a depuis lors donné un fondement à des textes réglementaires qui pourraient être contestés si nous la supprimions. La commission ne peut donc être favorable à cet amendement.

La commission émet sur l'amendement n° 316 le même avis défavorable qu'elle a émis sur l'amendement n° 315.

En ce qui concerne votre amendement n° 164 rectifié, mon cher collègue Revol, par définition, le représentant de l'État dans le département est tenu d'appliquer l'ensemble de la législation. Cette exigence s'impose à lui dans tous les domaines, et notamment dans celui de la police de l'eau. Il n'y a donc pas lieu de préciser que le préfet doit tenir compte plus particulièrement des usages économiques de l'eau dans la mesure où la législation lui impose par ailleurs d'en concilier les différents usages. Votre amendement est donc pleinement satisfait par le droit en vigueur. Aussi, je vous demanderai de bien vouloir le retirer. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.

J'avoue que la lecture de votre amendement n° 165 rectifié me trouble quelque peu, monsieur Revol. En effet, vous indiquez dans son objet que le mot « bouleversement » n'est pas défini sur le plan juridique et que la notion de « modification significative » a reçu une consécration jurisprudentielle. Or on m'a communiqué des informations absolument contraires à celles que vous donnez. D'un côté, je comprends bien votre souci de précision juridique, laquelle est indispensable pour garantir une sécurité aux exploitants hydrauliques. D'un autre côté, il ne faudrait pas que la moindre contrainte environnementale leur ouvre un droit à réparation. Je sollicite donc l'avis du Gouvernement sur cet amendement.

Monsieur Raoult, vous précisez bien que l'article 13 du présent projet de loi rend possible, dans le cadre du contrat de service public, ce à quoi vise votre amendement n° 314. Cette disposition m'apparaît plus souple que ce que vous proposez. Par ailleurs, EDF, principal producteur d'hydroélectricité en France, est souvent propriétaire des ouvrages qui justifieraient une telle gestion coordonnée. En conséquence, votre amendement étant satisfait par d'autres dispositions, je ne peux que vous en demander le retrait. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.

Cela étant, cet amendement ouvre un vrai débat sur la gestion coordonnée des ouvrages, débat qui trouvera toute sa place lors du renouvellement des concessions. Il faudra en effet réfléchir à ce point si la mise en concurrence des opérateurs conduisait à confier à différentes entreprises la gestion de barrages sur la même chaîne. Peut-être faudrait-il, madame la ministre, envisager des appels d'offres portant sur plusieurs concessions à la fois.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre. Sur l'amendement n° 246, madame Didier, pour les motifs exposés par M. le rapporteur, je suis obligée d'émettre un avis défavorable.

Par rapport au texte adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, la rédaction de l'amendement n° 3 de la commission me semble plus restrictive dans la mesure où elle ne fait référence qu'à la seule variation de débit occasionné par le fonctionnement d'un ouvrage. Une formulation plus globale a été retenue à l'Assemblée nationale car les modalités de fonctionnement des ouvrages peuvent entraîner des modifications d'autres paramètres tout aussi préjudiciables aux poissons migrateurs - notamment l'augmentation de la vitesse des courants - sans forcément modifier le débit, par exemple. Cette formulation permettrait de faire des préconisations sur des facteurs autres que la variation des débits, dans la mesure où ils ont quand même des incidences négatives sur les espèces migratrices. J'en suis navrée, mais, pour les raisons que je viens d'énoncer, je dois émettre un avis défavorable sur cet amendement.

Votre amendement n° 315, monsieur Raoult, vise à élargir la possibilité de modifier les concessions ou les autorisations qui ont été accordées en étendant celle-ci aux cours d'eau dans lesquels vivent tous les poissons migrateurs, et pas seulement ceux qui vivent alternativement en eau douce et en eau salée. Les difficultés rencontrées concernent essentiellement les grands migrateurs dont les parcours tout au long du cours d'eau pour rejoindre leurs zones de frayère sont importants. Pour les autres migrateurs, il existe bien sûr des solutions à une plus petite échelle. Pour ces raisons, j'émets un avis défavorable sur votre amendement, monsieur le sénateur.

Votre amendement n° 313 tend à supprimer la simplification administrative instaurée par la loi du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, ainsi que l'a rappelé M. le rapporteur. Cette simplification permet notamment que, pour des entreprises hydroélectriques déjà autorisées, certains travaux ou certaines activités n'ayant pas d'impact significatif sur le milieu naturel puissent être autorisés sans enquête publique. Cette mesure permettra par exemple de faciliter l'augmentation de puissance des installations existantes plutôt que d'en réaliser de nouvelles, qui auraient, comme vous le savez, un impact bien plus important sur le milieu naturel. Pour ces raisons, j'émets un avis défavorable sur votre amendement.

J'émets également un avis défavorable sur l'amendement n° 316, identique à l'amendement n° 315.

J'en viens à l'amendement n° 164 rectifié. Dans ses décisions, le préfet doit respecter l'ensemble des objectifs visés à l'article L. 211-1 du code de l'environnement. Aussi, la mention du seul 4° n'est pas indispensable et serait même redondante, monsieur Revol. C'est pourquoi je suis contrainte, à regret, d'émettre un avis défavorable sur votre amendement.

S'agissant de l'amendement n° 165 rectifié, la notion de bouleversement de l'équilibre économique du contrat a été retenue dans le projet de loi car elle figure, comme l'a dit M. le rapporteur, dans la jurisprudence du Conseil d'État pour des cas similaires. Il importe en effet que la rédaction de cet article soit cohérente avec cette jurisprudence afin qu'il ne puisse être donné lieu à des indemnisations qui ne seraient pas justifiées. La notion de « modification significative » telle qu'elle est proposée dans l'amendement est très large et conduirait ainsi à figer pour des durées parfois extrêmement longues - plus de quarante ans - les conditions d'exploitation des ouvrages, sauf à accepter une indemnisation quasi systématique. Pour ces raisons, je suis obligée d'émettre un avis défavorable.

Enfin, pour les motifs exposés par M. le rapporteur, je suis également défavorable à l'amendement n° 314.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Bruno Sido, rapporteur. De la discussion jaillit la lumière ! J'ai bien écouté vos explications sur l'amendement n° 3 de la commission, madame la ministre, qui sont tout à fait pertinentes. Nous n'avions pas examiné le problème sous cet angle. Compte tenu de cet éclairage, je retire cet amendement, ce qui nous permettra de voter conforme l'article 2.

M. le président. L'amendement n° 3 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 246.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 315.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 313.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 316.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Revol, les amendements nos 164 rectifié et 165 rectifié sont-ils maintenus ?

M. Henri Revol. J'ai été tout à fait convaincu par les explications qui m'ont été données sur l'amendement n° 164 rectifié. Aussi, je le retire.

De même, je retire l'amendement n° 165 rectifié. Je n'avais pas les moyens de connaître toute la jurisprudence du Conseil d'État et j'en suis bouleversé ! (Sourires.)

M. le président. Cela m'étonne de vous ! (Nouveaux sourires.)

Les amendements nos 164 rectifié et 165 rectifié sont retirés.

La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote sur l'amendement n° 314.

M. Paul Raoult. J'ai bien compris que la question posée mérite une attention particulière. Je souhaiterais que les problèmes rencontrés par mes collègues et auxquels ils tentent de remédier en formulant des propositions soient analysés dans le détail afin qu'une solution puisse être trouvée dans un avenir proche.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 314.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Article 2
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Articles additionnels avant l'article 4

Article 3

L'article L. 214-9 du code de l'environnement est ainsi rédigé :

« Art. L. 214-9. - I. - Lorsqu'un aménagement hydraulique autre que ceux concédés ou autorisés en application de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique permet la régulation du débit d'un cours d'eau ou l'augmentation de son débit en période d'étiage, tout ou partie du débit artificiel peut être affecté, par déclaration d'utilité publique, sur une section de ce cours d'eau et pour une durée déterminée, à certains usages, sans préjudice de l'application de l'article L. 211-8.

« Les dispositions de l'alinéa précédent sont applicables aux aménagements hydrauliques concédés ou autorisés en application de la loi du 16 octobre 1919 précitée à condition que l'affectation de tout ou partie du débit artificiel soit compatible avec la destination de l'aménagement, le maintien d'un approvisionnement assurant la sécurité du système électrique et l'équilibre financier du contrat de concession.

« II. - Le bénéficiaire de la déclaration d'utilité publique peut être l'État, une collectivité territoriale, un groupement de collectivités territoriales ou un établissement public.

« Le bénéficiaire de la déclaration d'utilité publique peut concéder la gestion de ce débit affecté. Le concessionnaire est fondé à percevoir les sommes mises à la charge des usagers en application des dispositions du 4° du III.

« III. - La déclaration d'utilité publique vaut autorisation au titre de la présente section et fixe, dans les conditions prévues par décret, outre les prescriptions pour son installation et son exploitation :

« 1° Un débit affecté, déterminé compte tenu des ressources disponibles aux différentes époques de l'année et attribué en priorité au bénéficiaire de la déclaration d'utilité publique ;

« 2° Les usages auxquels est destiné le débit affecté ;

« 3° Les prescriptions nécessaires pour assurer le passage de tout ou partie du débit affecté dans la section du cours d'eau considérée, dans les conditions les plus rationnelles et les moins dommageables pour les autres usagers de ce cours d'eau et dans le respect des écosystèmes aquatiques ;

« 4° Les conditions dans lesquelles le bénéficiaire de la déclaration d'utilité publique peut mettre à la charge des usagers de ce débit tout ou partie des dépenses engagées pour assurer la délivrance du débit affecté et son passage dans le cours d'eau ;

« 5° Le cas échéant, les modifications à apporter au cahier des charges de la concession ou dans l'acte d'autorisation.

« IV. - Lorsque les conditions dans lesquelles est délivré le débit affecté causent un préjudice au gestionnaire de l'ouvrage concédé ou autorisé en application de la loi du 16 octobre 1919 précitée, le bénéficiaire de la déclaration d'utilité publique lui verse une indemnité compensant la perte subie pour la durée de la concession ou de l'autorisation restant à courir.

« L'indemnisation est subordonnée au maintien dans le cours d'eau du débit minimal résultant de l'application des dispositions de l'article L. 214-18 et n'est due que pour les volumes artificiels excédant cette valeur.

« La juridiction administrative est compétente pour statuer sur les litiges relatifs à cette indemnité.

« V. - Les dispositions du présent article sont applicables aux travaux d'aménagement hydraulique et aux ouvrages hydrauliques quelle que soit la date à laquelle ils ont été autorisés ou concédés. »

M. le président. L'amendement n° 317, présenté par M. Raoult, Mme Bricq, M. Collombat, Mme Alquier, MM. Pastor, Piras et Lejeune, Mme Herviaux, MM. Cazeau, Dauge et Peyronnet, Mme Y. Boyer, MM. Repentin, Lise, Marc, Le Pensec, Domeizel et Roujas, Mme M. André, MM. S. Larcher, Guérini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après les mots :

collectivités territoriales,

rédiger comme suit la fin du premier alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 214-9 du code de l'environnement :

un établissement public administratif, un établissement public de coopération intercommunale, un syndicat mixte, ainsi que leurs établissements publics.

La parole est à M. Paul Raoult.

M. Paul Raoult. Il s'agit de mieux définir l'ensemble des collectivités et services concernés. Une telle précision, qui peut paraître redondante, est tout à fait utile s'agissant notamment d'un certain nombre de conflits relevant de la compétence des tribunaux administratifs.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Je comprends tout à fait votre souci, cher collègue, et je le partage entièrement. Toutefois, la rédaction que vous proposez ne semble pas totalement satisfaisante. En conséquence, je souhaiterais que vous acceptiez de rectifier votre amendement en supprimant le mot « administratif » après les mots « un établissement public ».

Sous réserve de cette rectification, la commission est favorable à cet amendement.

M. le président. Monsieur Raoult, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens souhaité par M. le rapporteur ?

M. Paul Raoult. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n°  317 rectifié, présenté par M. Raoult, Mme Bricq, M. Collombat, Mme Alquier, MM. Pastor,  Piras et Lejeune, Mme Herviaux, MM. Cazeau, Dauge et Peyronnet, Mme Y. Boyer, MM. Repentin, Lise, Marc, Le Pensec, Domeizel et Roujas, Mme M. André, MM. S. Larcher, Guérini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :

Après les mots :

collectivités territoriales,

rédiger comme suit la fin du premier alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 214-9 du code de l'environnement :

un établissement public, un établissement public de coopération intercommunale, un syndicat mixte, ainsi que leurs établissements publics.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable. La rédaction actuelle couvrant l'ensemble des établissements publics, il n'y a pas lieu de détailler les différents établissements publics concernés.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 317 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 318, présenté par MM. Repentin et Raoult, Mme Bricq, M. Collombat, Mme Alquier, MM. Pastor,  Piras et Lejeune, Mme Herviaux, MM. Cazeau, Dauge et Peyronnet, Mme Y. Boyer, MM. Lise,  Marc, Le Pensec, Domeizel et Roujas, Mme M. André, MM. S. Larcher, Guérini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Au début du 3° du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 214-9 du code de l'environnement, insérer les mots :

Après consultation des fédérations départementales des associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique et des associations agréées départementales ou interdépartementales de la pêche professionnelle en eau douce intéressées,

La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. En première lecture, la Haute Assemblée avait eu le souci de s'assurer que la gestion du débit affecté des cours d'eau fasse l'objet d'une procédure de concertation garantissant la prise en compte des ressources piscicoles et la protection du milieu naturel.

Visiblement, nos collègues députés n'ont pas eu la même préoccupation puisqu'ils ont supprimé cette procédure de concertation préalable.

Avec cet amendement, nous revenons en quelque sorte à la charge, pour conforter le vote émis par le Sénat en première lecture. Nous estimons que les fédérations d'associations de pêche de loisirs, tout comme les associations agréées de la pêche professionnelle, sont des acteurs indispensables s'agissant de la préservation des milieux aquatiques.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Par cohérence avec les positions qu'elle a défendues en première lecture, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, qui tend à instaurer, au niveau législatif, une obligation de consultation des fédérations de pêche.

Ce type de précision est en effet d'ordre réglementaire, et les fédérations de pêche seront naturellement consultées, au même titre que les autres utilisateurs de la ressource en eau, dans le cadre de l'enquête publique prévue par cet article.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre. Pour les motifs que vient d'exposer M. le rapporteur, le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 318.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 247, présenté par Mme Didier, MM. Billout et Coquelle, Mme Demessine, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

 

Compléter le quatrième alinéa (3°) du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 214-9 du code de l'environnement par les mots :

après consultation des fédérations départementales de pêche

 

La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Nous avions déjà eu un long débat sur le sujet en première lecture. Nous y revenons tout simplement parce que nous voulons réaffirmer que les fédérations départementales de pêche, et plus généralement les pêcheurs, figurent parmi les rares acteurs qui sont en permanence le long des rivières.

Leur rôle tout à fait original tient à l'intérêt qu'ils manifestent pour l'environnement en général, et pour la rivière en particulier. Leur engagement bénévole est important puisque les bordures de rivières ne sont habituellement pas très fréquentées : ce sont souvent eux qui alertent les communes lorsqu'il est nécessaire de retirer un arbre gênant, par exemple. À travers cet amendement, nous souhaitons donc réaffirmer leur rôle.

L'article L. 214-9 du code de l'environnement fixe le cadre dans lequel sont déterminées les conditions de fonctionnement de ces installations, qui permettent notamment la régulation du débit des eaux.

En tout état de cause, compte tenu de la compétence spécifique des fédérations départementales de pêche en matière de connaissance des espèces vivant dans les eaux, il nous semble nécessaire que leur concours soit apporté à la définition des critères d'usage de l'eau.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. J'ai bien entendu le plaidoyer de Mme Didier, que je partage s'agissant de l'utilité des pêcheurs, qui est incontestable. Pour autant, je maintiens l'argumentation que j'ai invoquée lors de l'examen de l'amendement précédent : cette précision nous semble inutile.

C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre. Même avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 247.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3
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Article 4

Articles additionnels avant l'article 4

M. le président. L'amendement n° 216 rectifié bis, présenté par MM. Richert, Grignon et Texier, Mme Sittler, M. Pointereau et Mme Rozier, est ainsi libellé :

Avant l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 214-12 du code de l'environnement, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :

« Art. L. ...  - Après avis des conseils généraux intéressés, des comités de bassin et, en Corse, de l'Assemblée de Corse, l'autorité administrative établit, pour chaque bassin ou sous bassin une liste de cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux qui, pour des raisons de sécurité, de fréquentation ou d'intérêt nautique sportif ou touristique particulier, doivent comporter un aménagement adapté des ouvrages. Tout ouvrage doit y être signalé et équipé selon des règles définies par l'autorité administrative, afin de permettre l'utilisation d'un itinéraire de contournement et, selon le cas, en fonction de la topographie des lieux, son franchissement.

« Ces listes sont établies par l'autorité administrative compétente, après avis ou sur proposition de la fédération nautique compétente au titre de l'article L. 311-2 du code du sport et après étude de l'impact des classements sur les différents usages de l'eau visés à l'article L. 211-1 du présent code. Les obligations qui en résultent s'appliquent à la date de publication de la liste ».

La parole est à M. Rémy Pointereau.

M. Rémy Pointereau. De nombreux seuils, ouvrages ou prises d'eau interrompent la continuité des parcours nautiques et ne permettent pas aux pratiquants nautiques, notamment de canoë-kayak, d'exercer leurs activités dans des conditions satisfaisantes, notamment au regard de la sécurité.

Bien que le code de l'environnement, en son article L. 211-1, reconnaisse parmi les usages légitimes dont les « intérêts doivent être satisfaits ou conciliés », « les loisirs et sports nautiques » et, en son article L. 214-12, garantisse la « libre circulation des engins nautiques non motorisés », de nombreux ouvrages ne sont pas adaptés pour permettre cette circulation.

Cette disposition permettra donc d'adapter les ouvrages aux contraintes techniques et sécuritaires de la pratique nautique : réalisation de chemins de contournement, et éventuellement de passes à bateaux et signalisation adéquate, sur les voies d'eau présentant un intérêt sportif et touristique particulier ou nécessitant une sécurisation spécifique. Ces sites aquatiques feront l'objet d'une liste arrêtée par l'autorité administrative.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Il existe déjà deux catégories de cours d'eau classés : ceux sur lesquels aucune nouvelle autorisation n'est permise et ceux sur lesquels l'installation de passes à poissons est obligatoire.

Cette législation se caractérise déjà par une certaine complexité et des incohérences auxquelles nous allons heureusement remédier grâce à l'article 4 du projet de loi.

Toutefois, je ne suis pas sûr qu'il soit souhaitable de créer une troisième catégorie de cours d'eau classés, pour des raisons de simplicité et de lisibilité.

Au surplus, à l'article 14, je propose un amendement qui donnera au Gouvernement la possibilité d'imposer aux exploitants la mise en place d'une signalisation visant à garantir la sécurité des engins nautiques non motorisés. Celui-ci répond à vos préoccupations.

Par conséquent, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre. Pour les mêmes motifs, je souhaiterais que M. le sénateur retire son amendement. À défaut, le Gouvernement sera contraint d'émettre un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Pointereau, l'amendement n° 216 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Rémy Pointereau. Non, monsieur le président, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 216 rectifié bis est retiré.

L'amendement n° 217 rectifié bis, présenté par MM. Richert, Grignon et Texier, Mme Sittler, M. Pointereau et Mme Rozier, est ainsi libellé :

Avant l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 214-14 du code de l'environnement, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :

« Art. L. ...  - Les fédérations nautiques délégataires, leurs organismes régionaux et départementaux, peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits constituant une infraction aux dispositions des articles L. 212 bis, L. 214-1 et suivants, L. 214-12 et L. 215-15 et des textes pris pour leur application et portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu'ils ont pour objet de défendre ».

La parole est à M. Rémy Pointereau.

M. Rémy Pointereau. Les fédérations nautiques s'investissent de façon importante dans des actions de développement durable relatives aux cours d'eau et aux plans d'eau. Elles sont attachées à la qualité de l'eau, de l'écosystème, à la défense du patrimoine nautique et aquatique ainsi qu'à une pratique sécurisée.

En conséquence, elles ont intérêt et vocation à exercer les droits reconnus à la partie civile, concernant les infractions portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts nautiques collectifs qu'elles représentent, ce qui est l'objet de la présente disposition.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Je me demande si ce texte est l'endroit le plus adéquat pour l'adoption de ce genre de dispositions, qui, au surplus, se heurtent à la récente jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Je vous demanderai donc, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre. Même avis.

M. le président. Monsieur Pointereau, l'amendement n° 217 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Rémy Pointereau. Non, monsieur le président, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 217 rectifié bis est retiré.

Articles additionnels avant l'article 4
Dossier législatif : projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques
Article additionnel après l'article 4

Article 4

I. - Le chapitre IV du titre Ier du livre II du code de l'environnement est complété par une section 5 ainsi rédigée :

« Section 5

« Obligations relatives aux ouvrages

« Art. L. 214-17. - I. - Après avis des conseils généraux intéressés, des comités de bassins et, en Corse, de l'Assemblée de Corse, l'autorité administrative établit, pour chaque bassin ou sous-bassin :

« 1° Une liste de cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux parmi ceux qui sont en très bon état écologique ou identifiés par les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux comme jouant le rôle de réservoir biologique nécessaire au maintien ou à l'atteinte du bon état écologique des cours d'eau d'un bassin versant ou dans lesquels une protection complète des poissons migrateurs vivant alternativement en eau douce et en eau salée est nécessaire, sur lesquels aucune autorisation ou concession ne peut être accordée pour la construction de nouveaux ouvrages s'ils constituent un obstacle à la continuité écologique. Celle-ci est caractérisée par le transport suffisant des sédiments et la circulation des espèces vivantes.

« Le renouvellement de la concession ou de l'autorisation des ouvrages existants, régulièrement installés sur ces cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux, est subordonné à des prescriptions permettant de maintenir le très bon état écologique des eaux, de maintenir ou d'atteindre le bon état écologique, ou d'assurer la protection des poissons migrateurs vivant alternativement en eau douce et en eau salée ;

« 2° Une liste de cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux dans lesquels il est nécessaire d'assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs. Tout ouvrage doit y être géré, entretenu et, si nécessaire, équipé selon des règles définies par l'autorité administrative, en concertation avec le propriétaire ou, à défaut, l'exploitant.

« II. - Les listes visées aux 1° et 2° du I sont établies par arrêté de l'autorité administrative compétente, après étude de l'impact des classements sur les différents usages de l'eau visés à l'article L. 211-1.

« III. - Les obligations résultant des dispositions du I s'appliquent à la date de publication des listes. Celles découlant du 2° du I s'appliquent, à l'issue d'un délai de cinq ans après la publication des listes, aux ouvrages existants régulièrement installés, et de deux ans aux ouvrages ayant méconnu l'obligation de se mettre en conformité avec les dispositions de l'article L. 432-6.

« Le cinquième alinéa de l'article 2 de la loi du 16 octobre 1919 précitée et l'article L. 432-6 précité demeurent applicables jusqu'à ce que ces obligations y soient substituées, dans les délais prévus à l'alinéa précédent. À l'expiration des délais précités, et au plus tard le 1er janvier 2014, le cinquième alinéa de l'article 2 de la loi du 16 octobre 1919 précitée est supprimé et l'article L. 432-6 précité est abrogé.

« IV. - Supprimé

« Art. L. 214-18. - I. - Tout ouvrage à construire dans le lit d'un cours d'eau doit comporter des dispositifs maintenant dans ce lit un débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces vivant dans les eaux au moment de l'installation de l'ouvrage ainsi que, le cas échéant, des dispositifs empêchant la pénétration du poisson dans les canaux d'amenée et de fuite.

« Ce débit minimal ne doit pas être inférieur au dixième du module du cours d'eau en aval immédiat ou au droit de l'ouvrage correspondant au débit moyen interannuel, évalué à partir des informations disponibles portant sur une période minimale de cinq années, ou au débit à l'amont immédiat de l'ouvrage, si celui-ci est inférieur. Pour les cours d'eau ou parties de cours d'eau dont le module est supérieur à 80 mètres cubes par seconde, ou pour les ouvrages qui contribuent, par leur capacité de modulation, à la production d'électricité en période de pointe de consommation et dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État pris après avis du Conseil supérieur de l'énergie, ce débit minimal ne doit pas être inférieur au vingtième du module du cours d'eau en aval immédiat ou au droit de l'ouvrage évalué dans les mêmes conditions ou au débit à l'amont immédiat de l'ouvrage, si celui-ci est inférieur. Toutefois, pour les cours d'eau ou sections de cours d'eau présentant un fonctionnement atypique rendant non pertinente la fixation d'un débit minimal dans les conditions prévues ci-dessus, le débit minimal peut être fixé à une valeur inférieure.

« Ces ouvrages doivent comporter une signalisation adaptée pour permettre la circulation des engins nautiques non motorisés.

« II. - Les actes d'autorisation ou de concession peuvent fixer des valeurs de débit minimal différentes selon les périodes de l'année, sous réserve que la moyenne annuelle de ces valeurs ne soit pas inférieure aux débits minimaux fixés en application du I. En outre, le débit le plus bas doit rester supérieur à la moitié des débits minimaux précités.

« Lorsqu'un cours d'eau ou une section de cours d'eau est soumis à un étiage naturel exceptionnel, l'autorité administrative peut fixer, pour cette période d'étiage, des débits minimaux temporaires inférieurs aux débits minimaux prévus au I.

« III. - L'exploitant de l'ouvrage est tenu d'assurer le fonctionnement et l'entretien des dispositifs garantissant dans le lit du cours d'eau les débits minimaux définis aux alinéas précédents.

« IV. - Pour les ouvrages existants à la date de promulgation de la loi n°          du                   sur l'eau et les milieux aquatiques, les obligations qu'elle institue sont substituées, dès le renouvellement de leur concession ou autorisation et au plus tard le 1er janvier 2014, aux obligations qui leur étaient précédemment faites. Cette substitution ne donne lieu à indemnité que dans les conditions prévues au III de l'article L. 214-17.

« V. - Les dispositions du présent article ne sont applicables ni au Rhin ni aux parties internationales des cours d'eau partagés.

« Art. L. 214-19. - Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application de la présente section. »

II. - Non modifié

M. le président. L'amendement n° 319, présenté par M. Raoult, Mme Bricq, M. Collombat, Mme Alquier, MM. Pastor, Piras et Lejeune, Mme Herviaux, MM. Cazeau, Dauge et Peyronnet, Mme Y. Boyer, MM. Repentin, Lise, Marc, Le Pensec, Domeizel et Roujas, Mme M. André, MM. S. Larcher, Guérini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 214-17 du code de l'environnement, après les mots :

des conseils généraux intéressés,

insérer les mots :

des établissements publics territoriaux de bassin concernés,

La parole est à M. Paul Raoult.

M. Paul Raoult. Cet amendement a pour objet de mieux intégrer les enjeux de bassin versant dans les avis des collectivités territoriales et de leurs groupements à l'égard des autorisations ou concessions de nouveaux ouvrages. C'est pourquoi les EPTB concernés, les établissements publics territoriaux de bassin, sont ajoutés à la liste des acteurs consultés.

Cet amendement a déjà été présenté et nous le retrouverons ultérieurement. Aujourd'hui, les EPTB, là où ils existent, sont des acteurs privilégiés de l'action sur le terrain concernant les problèmes de l'eau. Il me paraît important de les mentionner dans la liste des acteurs qui doivent être consultés.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Je ferai remarquer à mon honorable collègue que la liste des consultations obligatoires prévues pour les classements de cours d'eau est déjà longue, puisque le texte vise les conseils généraux et les comités de bassin.

Toutefois, les membres de la commission ont considéré que l'avis des EPTB était particulièrement important en la matière. Aussi, la commission a émis un avis de sagesse.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre. Compte tenu de ce que vient de dire M. le rapporteur, le Gouvernement émet lui aussi un avis de sagesse.

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.

Mme Évelyne Didier. Ce débat, qui nous a occupés en première lecture, revient de manière récurrente. On ne peut ignorer que, dans de nombreuses régions, les EPTB ont pris une importance croissante et font partie des établissements qui assurent la cohérence - je pense notamment à la Loire. Ne pas les reconnaître dans le jeu de la concertation autour de l'eau serait vraiment une erreur. D'autres acteurs présents n'ont pas une importance aussi grande. Je me réjouis que nous réalisions une avancée sur ce sujet.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 319.

M. Yann Gaillard. Je m'abstiens.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 321, présenté par MM. Repentin et  Raoult, Mme Bricq, M. Collombat, Mme Alquier, MM. Pastor,  Piras et  Lejeune, Mme Herviaux, MM. Cazeau,  Dauge et  Peyronnet, Mme Y. Boyer, MM. Lise,  Marc,  Le Pensec,  Domeizel et  Roujas, Mme M. André, MM. S. Larcher,  Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du deuxième alinéa (1°) du texte proposé pour le I de cet article pour l'article L. 214-17 du code de l'environnement, avant les mots :

, sur lesquels aucune autorisation

insérer les mots :

ou dans lesquels ces décisions seraient préjudiciables au maintien de la valeur patrimoniale du peuplement piscicole ou de la biodiversité aquatique

La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Le champ d'application du classement nous semble très restrictif. Rédigé de la sorte, l'article se traduirait par le déclassement de nombreuses rivières protégées.

Le système de classement actuel a permis de sauvegarder 10 % des cours d'eau contre toute altération induite par la multiplication des ouvrages. Ces cours d'eau sont restés dans leur état sauvage.

Avec cet article, les truites, ombres communs, brochets qui vivent dans ces rivières vont pâtir du classement. Nous souhaitons donc que le représentant de l'État ait une plus grande latitude dans ce domaine. Tel est l'objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Le critère de classement des cours d'eau que vous proposez d'ajouter, mon cher collègue, est extrêmement large. En effet, toute installation a, par définition, un impact sur la valeur patrimoniale du peuplement piscicole. Retenir votre critère contraindrait donc les préfets à classer tous les cours d'eau, ce qui serait déraisonnable.

Par conséquent, la commission ne peut qu'émettre un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre. La rédaction trop imprécise de cet amendement le rend difficilement applicable et risque d'être source de contentieux.

Par ailleurs, l'objet de cet amendement est déjà satisfait par la rédaction du 1° du I du texte proposé pour l'article L 214-17 du code de l'environnement, car les peuplements piscicoles sont inclus dans la notion de bon état ou de très bon état définie par la directive cadre européenne sur l'eau. Les poissons font partie des indicateurs biologiques qui permettront d'évaluer le bon état.

Compte tenu de ces explications, monsieur le sénateur, je vous demande de retirer votre amendement, faute de quoi j'émettrai un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Repentin, l'amendement n° 321 est-il maintenu ?

M. Thierry Repentin. Je le maintiens, monsieur le président, car il est très important de recueillir l'avis des pêcheurs à la ligne. Cela constitue d'ailleurs un leitmotiv pour les inciter à se rendre non pas uniquement aux invitations des dimanches démocratiques, auxquelles ils préfèrent d'ailleurs souvent leur passe-temps favori, mais aux réunions de concertation auxquelles nous estimons qu'il est légitime de les associer.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 321.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 166 rectifié, présenté par MM. Revol et  Pointereau, est ainsi libellé :

À la fin du deuxième alinéa (1°) du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 214-17 du code de l'environnement, remplacer les dispositions :

à la continuité écologique. Celle-ci est caractérisée par le transport suffisant des sédiments et la circulation des espèces vivantes.

par les mots :

respectivement au maintien du très bon état ou au maintien ou à l'atteinte du bon état du bassin versant ou à la circulation des poissons migrateurs vivant alternativement en eau douce et en eau salée.

La parole est à M. Rémy Pointereau.

M. Rémy Pointereau. L'Assemblée nationale ayant supprimé la notion de continuité écologique du 2° du I de l'article L. 214-17 du code de l'environnement, cet amendement est rédactionnel.

Il vise à préserver la logique d'ensemble au 1° de l'article L. 214-17 qui concerne les poissons migrateurs vivant alternativement en eau douce et en eau salée.

Il permet ainsi d'assurer la cohérence des objectifs recherchés par le concept de réservoir biologique entre, d'une part, les ouvrages à construire et, d'autre part, le renouvellement de l'autorisation ou la concession des ouvrages existants, en se référant aux objectifs qui ont motivé la décision de classement du cours d'eau en réservoir biologique.

Il tend également à établir la cohérence avec la définition de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau, qui réserve la continuité écologique, définie comme la circulation des espèces vivantes, aux cours d'eau en très bon état. Or, le réservoir biologique ne s'applique pas à des cours d'eau en très bon état, puisqu'il vient au contraire compléter la faculté de classement cité par ailleurs dans ce même paragraphe 1° au titre du très bon état.

Enfin, une interprétation trop restrictive de la rédaction actuelle pourrait conduire à la stérilisation du potentiel hydroélectrique et entraîner des recours devant la Cour de justice des Communautés européennes au titre de l'article 6 de la directive 2001/77/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2001 relative à la promotion de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables sur le marché intérieur de l'électricité, qui dispose que les États membres ne doivent pas élever de barrières au développement des énergies renouvelables.

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :

À la fin de la dernière phrase du premier alinéa du 1° du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 214-17 du code de l'environnement, remplacer les mots :

espèces vivantes

par le mot :

poissons

La parole est à M. le rapporteur pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 166 rectifié.

M. Bruno Sido, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 4, j'indique que le Sénat avait retenu, en première lecture, une définition très restrictive de la continuité écologique, qui se caractérisait par le transport suffisant de sédiments et la libre circulation des espèces aquatiques amphihalines.

Les députés ont adopté, quant à eux, une définition très large, puisque le texte évoque désormais la libre circulation des espèces vivantes, même unicellulaires.

Pour sa part, la commission propose une définition médiane, qui viserait la libre circulation des poissons.

Quant à l'amendement n° 166 rectifié, il est contraire à la position de la commission, qui a adopté un amendement tendant à redéfinir la continuité écologique. Dans ces conditions, je serais très heureux, mon cher collègue, que vous puissiez retirer votre amendement au profit de celui de la commission, faute de quoi je serais obligé d'émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre. En ce qui concerne l'amendement n° 166 rectifié, pour les raisons évoquées par la commission, s'il n'est pas retiré, le Gouvernement sera contraint d'émettre un avis défavorable.

Quant à l'amendement n° 4, j'indique que la définition de la continuité écologique mentionnée dans la dernière phrase du paragraphe 1° du I du texte proposé pour l'article L. 214-17 du code de l'environnement est celle qui figure dans la directive cadre européenne sur l'eau.

La restreindre seulement aux poissons fait courir le risque d'un contentieux lié à une application erronée de cette directive cadre.

En effet, d'autres organismes vivants sont concernés, tels que les crustacés ou les insectes aquatiques, dans la mesure où ils servent à l'évaluation du bon état demandé par la directive cadre. Leurs habitats doivent être maintenus ou rendus fonctionnels et, pour ce faire, il faut, par exemple, que la gestion des ouvrages soit assurée de façon à éviter l'envasement et le colmatage du fond de la rivière qui constitue les habitats à préserver.

En conséquence, monsieur le rapporteur, il me semblerait plus judicieux de renvoyer cette définition au décret. Je vous propose donc de rectifier votre amendement en ce sens. Si tel était le cas, j'émettrais bien sûr un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Bruno Sido, rapporteur. Madame la ministre, j'ai bien entendu vos arguments et j'avoue y être très sensible.

Au fond, compte tenu de nos débats, je me demande s'il revient vraiment à la loi de définir la continuité écologique. Une telle précision pourrait être opportunément apportée par le décret d'application de ces dispositions.

Pour concilier les propositions de la commission et du Gouvernement, je rectifie l'amendement n° 4 afin de supprimer la dernière phrase du texte proposé pour le 1°°du I de l'article L. 214-17 du code de l'environnement. De la sorte, il appartiendra au pouvoir réglementaire d'apporter une définition à cette notion de continuité écologique.

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 4 rectifié, présenté par M. Sido, au nom de la commission, et ainsi libellé :

Supprimer la dernière phrase du premier alinéa du 1° du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 214-17 du code de l'environnement.

Monsieur Pointereau, l'amendement n° 166 rectifié est-il maintenu ?

M. Rémy Pointereau. Mon amendement va plus loin que celui de la commission, mais par souci de conciliation, je le retire, étant rappelé que l'hydroélectricité est une énergie renouvelable très importante dont il faut continuer à encourager la production.

M. le président. L'amendement n° 166 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 4 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 248, présenté par Mme Didier, MM. Billout et  Coquelle, Mme Demessine, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

 

Dans le troisième alinéa du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 214-17 du code de l'environnement remplacer les mots :

de maintenir le très bon état écologique des eaux,...

par les mots :

d'assurer le très bon état écologique des eaux, ou ».

La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Je propose, dans le texte présenté pour le I de l'article L. 214-17, de remplacer : les mots « maintenir le très bon état écologique » par les mots « assurer le très bon état écologique », là encore conformément à la formulation du texte initial.

Le renouvellement de la concession ou de l'autorisation des ouvrages existants, régulièrement installés sur ces cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux, est subordonné à des prescriptions permettant de maintenir le très bon état écologique des eaux, de maintenir ou d'atteindre le bon état écologique, ou d'assurer la protection des poissons migrateurs vivant alternativement en eau douce et en eau salée.

Il s'agit, de manière un tant soit peu volontariste, de donner aux concessionnaires d'installations des obligations plus précises en matière de préservation des milieux.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Ma chère collègue, dans la pratique, l'atteinte du bon état écologique des eaux est déjà un objectif très ambitieux.

Votre texte est beaucoup plus contraignant à cet égard, et je crains qu'il ne reste qu'un voeu pieu.

Pour ces raisons, je préférerais que nous en restions à la rédaction actuelle du projet de loi. Aussi, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre. Même avis, pour les mêmes raisons.

M. le président. Madame Didier, l'amendement n° 248 est-il maintenu ?

Mme Évelyne Didier. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je le mets aux voix.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 167 rectifié, présenté par MM. Revol et  Pointereau, est ainsi libellé :

Dans le troisième alinéa du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 214-17 du code de l'environnement, après les mots :

atteindre le bon état écologique

insérer les mots :

des cours d'eau d'un bassin versant

La parole est à M. Rémy Pointereau.

M. Rémy Pointereau. Il s'agit d'un amendement purement rédactionnel, qui vise à unifier la rédaction du 1° du I du texte proposé pour l'article L. 214-17 du code de l'environnement, en précisant que l'objectif recherché par le concept de réservoir biologique est le bon état écologique des cours d'eau du bassin versant.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. La commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre. Avis favorable.

M. Serge Vinçon. Bravo ! monsieur Pointereau.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 167 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 322, présenté par MM. Repentin et  Raoult, Mme Bricq, M. Collombat, Mme Alquier, MM. Pastor,  Piras et  Lejeune, Mme Herviaux, MM. Cazeau,  Dauge et  Peyronnet, Mme Y. Boyer, MM. Lise,  Marc,  Le Pensec,  Domeizel et  Roujas, Mme M. André, MM. S. Larcher,  Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le second alinéa du 1° du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 214-17 du code de l'environnement, par les mots :

, ou la biodiversité aquatique ;

La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. Cet amendement est suffisamment clair et court pour me dispenser d'un long développement. Je souligne simplement qu'il est très important quant au fond.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Le critère que vous proposez d'inscrire dans la loi est très strict et conduirait, une fois de plus, à geler toute possibilité d'installation sur les cours d'eau concernés.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre. À ce jour, la notion de biodiversité aquatique n'est pas bien définie, ce qui pourrait rendre difficile l'application concrète de cet article.

Toutefois, cette notion inciterait à une réflexion plus globale et, en conséquence, le Gouvernement émet un avis de sagesse réservée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 322.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)

M. le président. L'amendement n° 320, présenté par MM. Roujas et  Raoult, Mme Bricq, M. Collombat, Mme Alquier, MM. Pastor,  Piras et  Lejeune, Mme Herviaux, MM. Cazeau,  Dauge et  Peyronnet, Mme Y. Boyer, MM. Repentin,  Lise,  Marc,  Le Pensec et  Domeizel, Mme M. André, MM. S. Larcher,  Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le 1° du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 214-17 du code de l'environnement par un alinéa ainsi rédigé :

« De façon tout à fait dérogatoire, dans les parties des cours d'eau où subsiste une menace sur les zones habitées en raison de l'érosion des berges et afin de contribuer au maintien de ces cours d'eau dans leur lit, peuvent être autorisés le maintien ou le rétablissement des seuils fondés en titre, ainsi que leurs ouvrages hydrauliques, dont la hauteur de chute n'excède pas 5 mètres ;

La parole est à M. Gérard Roujas.

M. Gérard Roujas. La loi sur l'eau et les milieux aquatiques ne saurait ignorer la question fondamentale pour certaines communes et leurs habitants de la protection des lieux habités menacés par l'érosion des berges des fleuves.

Il s'agit en l'occurrence de protéger les lieux habités depuis des siècles.

L'exemple de la Garonne en amont de Toulouse est significatif à ce titre, mais il ne s'agit certainement pas d'un cas isolé.

La moyenne Ariège, juste avant sa confluence avec la Garonne, est également concernée, comme de nombreux autres cours d'eau en France.

Le long des parties de ces cours d'eau qui restent encore torrentueuses, de nombreux villages et habitations sont menacés sans qu'il soit possible aujourd'hui de trouver des solutions pérennes, compte tenu du classement des fleuves ou rivières et des contraintes qu'il entraîne.

Par ailleurs, les petites communes, et même les moyennes, comptant de 1 000 à 5 000 habitants, ne peuvent supporter le coût exorbitant des travaux de protection des berges, qui s'élève à plusieurs millions d'euros.

Il est nécessaire de préciser que, depuis de nombreuses années, un fleuve comme la Garonne, dont les berges sont très encaissées dans sa partie pyrénéenne, est livré à lui-même.

L'abandon progressif des seuils, des moulins à eau puis des petits équipements hydroélectriques qui se succédaient, dans chaque village, tous les quatre ou cinq kilomètres, n'est pas étranger à l'accélération du phénomène d'érosion.

En effet, ces seuils, avec leurs canaux de dérivation situés tantôt à gauche, tantôt à droite du fleuve, contribuaient grandement au maintien de ce dernier dans son lit.

Ouvrir la possibilité, dans les zones habitées confrontées à l'érosion des berges ou lorsqu'il existe des droits fondés en titre, de créer ou de rétablir d'anciens ouvrages contribuerait à assurer de manière durable une stabilisation du lit du fleuve, et donc de ses berges.

S'agissant de la libre circulation des poissons migrateurs, tels que le saumon, les seuils, dont la hauteur de chute n'excède pas quatre ou cinq mètres et qui existaient déjà aux XIIIe et XIVsiècles, n'y ont jamais fait obstacle.

Par ailleurs, afin de garantir la vie, la circulation et la reproduction des espèces, les ouvrages créés ou rétablis seraient soumis à l'obligation d'un débit réservé de 1/10e.

Le rétablissement des seuils, qui, je le précise, se comptent par milliers sur le territoire national, pourrait également s'inscrire dans le cadre du développement des énergies renouvelables et permettre à la France de se rapprocher de l'objectif sur lequel elle s'est engagée au titre du protocole de Kyoto, à savoir assurer, en 2010, 21 % de sa production électrique grâce aux énergies renouvelables.

La microhydraulique peut contribuer à la satisfaction de besoins croissants sans qu'il soit nécessaire de recourir à des moyens de production thermiques néfastes à l'environnement, compte tenu des émanations de CO2 qu'ils engendrent.

L'amendement présenté s'inscrit dans une démarche équilibrée qui s'appuie sur une triple exigence : la protection des lieux habités, le développement des énergies renouvelables et le respect de la biodiversité. C'est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, de le voter.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Votre proposition, monsieur Roujas, me semble partiellement satisfaite par le droit en vigueur.

En effet, sur les cours d'eau classés, le maintien des seuils est tout à fait possible, à condition qu'ils soient mis en règle avec les obligations liées au classement.

S'agissant en revanche du rétablissement de seuils disparus, prévoir une telle possibilité ne me paraît pas une bonne chose, car on multiplierait alors les obstacles à la circulation des espèces aquatiques et des sédiments, pour un bénéfice écologique limité.

Par conséquent, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre. Le Gouvernement fait siens l'argumentaire et l'avis de M. le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Gérard Roujas, pour explication de vote.

M. Gérard Roujas. Je comprends les arguments présentés, mais la France est un pays très diversifié. Le long des cours d'eau d'origine montagneuse dont les berges sont très encaissées, on rencontre de véritables problèmes pour maintenir les villages et les bourgs, qui vont petit à petit disparaître. Les sommes qu'il faudrait consacrer à leur protection sont exorbitantes : plusieurs millions d'euros pour un village de 1 000 à 2 000 habitants. Même avec de bonnes subventions, les maires de ces communes ne parviennent pas à faire face.

Par conséquent, j'estime que le rétablissement des seuils qui existaient au Moyen Âge, avec leurs canaux de dérivation qui longent souvent les berges sur plusieurs centaines de mètres de part et d'autre du fleuve, pourrait permettre de maintenir celui-ci dans son lit. Aujourd'hui, ces seuils sont à l'abandon, mais les rétablir présenterait un intérêt non seulement sur le plan écologique, mais aussi en vue du maintien de bourgs qui ont parfois plusieurs millénaires d'existence.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 320.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 323, présenté par M. Raoult, Mme Bricq, M. Collombat, Mme Alquier, MM. Pastor,  Piras et  Lejeune, Mme Herviaux, MM. Cazeau,  Dauge et  Peyronnet, Mme Y. Boyer, MM. Repentin,  Lise,  Marc,  Le Pensec,  Domeizel et  Roujas, Mme M. André, MM. S. Larcher,  Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après les mots :

et la circulation

rédiger comme suit la fin de la première phrase du 2° du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 214-17 du code de l'environnement :

libre et permanente des espèces aquatiques.

La parole est à M. Paul Raoult.

M. Paul Raoult. Les modifications suggérées visent à ne pas limiter la notion de continuité écologique aux seuls poissons migrateurs vivant en eau douce et en eau salée. De très nombreuses autres espèces doivent impérativement bénéficier de conditions de circulation suffisantes pour que des populations représentatives du bon état écologique d'un cours d'eau puissent se développer.

M. le président. L'amendement n° 249, présenté par Mme Didier, MM. Billout et  Coquelle, Mme Demessine, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

À la fin de la première phrase du 2° du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 214-17 du code de l'environnement remplacer les mots :

poissons migrateurs

par les mots :

espèces migratrices

La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements ?

M. Bruno Sido, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 323, il n'existe, à ma très modeste connaissance, qui n'est nullement encyclopédique, aucune passe à poissons, aussi bien conçue soit-elle, qui puisse garantir la circulation libre et permanente des espèces aquatiques. Dans la pratique, adopter cet amendement reviendrait donc à geler tout développement des installations sur les cours d'eau classés. Dans ces conditions, la commission ne peut qu'émettre un avis défavorable.

En ce qui concerne l'amendement n° 249, les classements visés par le 2° du II de la rédaction présentée pour l'article L. 214-17 du code de l'environnement ont avant tout pour objet d'assurer la bonne circulation des espèces piscicoles migratrices, d'où l'obligation d'équiper les ouvrages de passes à poissons. Ces dispositifs et ces obligations sont aujourd'hui bien établis, et la commission n'a pas jugé souhaitable d'étendre ces dispositions à des espèces aquatiques ne relevant pas de la classe des poissons. On ne voit d'ailleurs pas très bien de quelles espèces il pourrait s'agir. Par conséquent, la commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre. Le Gouvernement partage l'avis de la commission sur les deux amendements.

M. le président. Quelles sont les espèces visées par votre amendement, madame Didier ? (Sourires.)

Mme Évelyne Didier. Bonne question, monsieur le président ! Certains batraciens, mais aussi d'autres espèces, peuvent être concernés. Cela étant, je veux bien retirer mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 249 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 323.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 502, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :

À la fin de la seconde phrase du premier alinéa du III du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 214-17 du code de l'environnement, supprimer les mots :

, et de deux ans aux ouvrages ayant méconnu l'obligation de se mettre en conformité avec les dispositions de l'article L. 432-6.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement a pour objet d'éviter une amnistie des propriétaires d'ouvrages qui ne s'étaient pas mis en conformité avec les obligations s'imposant à eux. Il répond à la préoccupation exprimée par nos collègues du groupe socialiste au travers de l'amendement n° 324.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 502.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 250, présenté par Mme Didier, MM. Billout et  Coquelle, Mme Demessine, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa du III du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 214-17 du code de l'environnement, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les cours d'eau, parties de cours d'eau, ou canaux antérieurement classés en application de l'article 2 de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique ou au titre des articles L. 432-6 et L. 432-7 figurent de plein droit sur ces listes en l'absence de décision expresse de déclassement au vu d'une étude d'impact sur sa compatibilité avec les objectifs d'état des eaux mentionnés à l'article L. 212-1 et après enquête publique. »

La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Il s'agit là aussi d'une question déjà évoquée en première lecture : nous souhaitons tout simplement empêcher que, à l'occasion des changements de classement, un nombre important de rivières ne soient déclassées.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Si le projet de loi prévoit de revoir les actuels critères de classement, c'est bien précisément pour que cette procédure puisse être revue depuis l'origine et selon d'autres bases.

En particulier, les classements devraient désormais être effectués sur le fondement d'une procédure déconcentrée, et non plus par décret, avec consultation de tous les acteurs. Ce changement devrait permettre une prise des décisions au plus près des réalités locales.

Tout cela milite donc contre votre amendement, madame Didier. En effet, il ne semble pas opportun de prévoir un classement automatique des rivières actuellement classées.

Au fond, deux philosophies s'opposent ici. La commission émet un avis défavorable sur l'amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre. Pour les raisons clairement exposées par M. le rapporteur, je serai contrainte d'émettre un avis défavorable sur l'amendement.

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.

Mme Évelyne Didier. À l'occasion de la première lecture, M. Lepeltier, ministre de l'environnement à l'époque, avait indiqué, lorsque nous avions évoqué cette question, que l'on n'allait bien entendu pas oeuvrer dans le vide et que les anciens classements serviraient de base de travail.

Si vous me confirmez, madame la ministre, que l'on ne s'éloignera pas trop de la situation actuelle et que l'on ne profitera pas de la révision des classements pour déclasser massivement des rivières, j'accepterai de retirer mon amendement.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Nelly Olin, ministre. Je confirme très volontiers à Mme la sénatrice que la procédure sera déconcentrée, de manière à assurer une bonne concertation avec les acteurs locaux.

M. le président. Madame Didier, l'amendement n° 250 est-il maintenu ?

Mme Évelyne Didier. Oui, monsieur le président, car je n'ai pas eu la confirmation que je souhaitais.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 250.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter le III du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 214 -17 du code de l'environnement par un alinéa ainsi rédigé :

«  Les obligations résultant du I n'ouvrent droit à indemnité que si elles font peser sur le propriétaire ou l'exploitant de l'ouvrage une charge spéciale et exorbitante. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement tend à rétablir les dispositions inscrites initialement à l'article 4, en vertu desquelles les propriétaires d'ouvrages ne peuvent recevoir une indemnité du fait des nouvelles obligations liées au classement des rivières que si ces obligations créent une charge spéciale et exorbitante.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 324, présenté par MM. Repentin et  Raoult, Mme Bricq, M. Collombat, Mme Alquier, MM. Pastor,  Piras et  Lejeune, Mme Herviaux, MM. Cazeau,  Dauge et  Peyronnet, Mme Y. Boyer, MM. Lise,  Marc,  Le Pensec,  Domeizel et  Roujas, Mme M. André, MM. S. Larcher,  Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le III du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 214-17 du code de l'environnement par un alinéa ainsi rédigé :

« Les ouvrages existants ayant déjà bénéficié du délai de 5 ans après le classement au titre de l'alinéa 2 de l'ancien article L. 432-6 doivent être mis en conformité avec les dispositions du présent article sans délai supplémentaire. »

La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. J'ai le sentiment que l'amendement n° 502 présenté tout à l'heure par M. Sido répondait à notre préoccupation, qui est de ne pas accorder de délai supplémentaire pour la mise en conformité d'ouvrages ayant déjà fait l'objet auparavant d'un délai supplémentaire.

Je m'interroge donc sur le caractère superfétatoire de cet amendement. J'aimerais avoir confirmation de sa redondance, auquel cas je le retirerais.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. Sur le fond, je partage effectivement votre préoccupation, monsieur Repentin, puisque le Sénat vient d'adopter un amendement de la commission tout à fait similaire au vôtre. Il ne me paraît pas normal que les propriétaires d'ouvrages ayant déjà méconnu leurs obligations soient amnistiés par le biais du projet de loi, du fait de la mise en place des nouveaux critères de classement.

Votre amendement est donc satisfait ; je pense que vous pourriez le retirer au bénéfice de l'amendement n° 502.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre. Je partage l'analyse de la commission.

M. le président. Monsieur Repentin, l'amendement n° 324 est-il maintenu ?

M. Thierry Repentin. Peut-être notre amendement a-t-il fait l'objet d'une analyse par la commission, ce qui a donné à celle-ci l'idée de déposer ensuite l'amendement n° 502 ! (Sourires.) En tout état de cause, nous nous rallions à ce dernier.

M. le président. L'amendement n° 324 est retiré.

L'amendement n° 325, présenté par M. Raoult, Mme Bricq, M. Collombat, Mme Alquier, MM. Pastor,  Piras et  Lejeune, Mme Herviaux, MM. Cazeau,  Dauge et  Peyronnet, Mme Y. Boyer, MM. Repentin,  Lise,  Marc,  Le Pensec,  Domeizel et  Roujas, Mme M. André, MM. S. Larcher,  Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 214-18 du code de l'environnement, remplacer les mots :

vivant dans les eaux au moment de l'installation de l'ouvrage

par les mots :

représentatives des biotopes aquatiques de ce cours d'eau

La parole est à M. Paul Raoult.

M. Paul Raoult. Les barrages sont astreints à l'obligation de continuité écologique, inscrite dans la directive cadre sur l'eau.

Cela signifie qu'un débit minimal doit garantir la vie, la circulation et la reproduction de toutes les espèces colonisant les milieux concernés, notamment dans le cadre de programmes publics de restauration écologique, et non pas uniquement de celles qui vivent dans les eaux au moment de l'installation de l'ouvrage ou des espèces dites « migratrices ».

Les dispositifs de maintien du débit réservé doivent, le cas échéant, pouvoir être adaptés durant la vie de l'ouvrage si des opérations de restauration écologique de cours d'eau permettent le retour d'espèces ayant aujourd'hui disparu.

Le dispositif présenté est conforme à la directive cadre sur l'eau et au classement des masses d'eau en termes d'objectifs de qualité, notamment écologiques, la détermination des espèces présentes au moment de l'installation de l'ouvrage étant d'ailleurs impossible à réaliser pour les ouvrages existants. La sécurité juridique est ainsi renforcée.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Bruno Sido, rapporteur. La question soulevée par M. Raoult est importante. Nous avions arrêté en première lecture et après de longues discussions les grands équilibres de l'article 4, qui n'ont d'ailleurs pas été remis en cause par l'Assemblée nationale. Par conséquent, étant donné l'importance de la question sur les débits réservés, je demande au Sénat de ne pas retenir cet amendement qui conduirait à alourdir considérablement les contraintes découlant des règles liées au débit réservé. La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 325.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 212 rectifié ter est présenté par MM. Richert,  Grignon et  Texier, Mme Sittler, M. Pointereau, Mmes Rozier et  Keller.

L'amendement n° 251 est présenté par Mme Didier, MM. Billout et  Coquelle, Mme Demessine, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 326 est présenté par M. Raoult, Mme Bricq, M. Collombat, Mme Alquier, MM. Pastor,  Piras et  Lejeune, Mme Herviaux, MM. Cazeau,  Dauge et  Peyronnet, Mme Y. Boyer, MM. Repentin,  Lise,  Marc,  Le Pensec,  Domeizel et  Roujas, Mme M. André, MM. S. Larcher,  Guérini et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 214-18 du code de l'environnement, supprimer les mots :

ou pour les ouvrages qui contribuent, par leur capacité de modulation, à la production d'électricité en période de pointe de consommation et dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État après avis du Conseil supérieur de l'énergie.

La parole est à M. Rémy Pointereau, pour défendre l'amendement n° 212 rectifié ter.

M. Rémy Pointereau. Cet amendement poursuit un objectif de simplification du projet de loi, en supprimant un régime dérogatoire non justifié pour certains ouvrages hydroélectriques.

En préconisant de manière générale un régime réservé variable autour de 1/10e du module, le projet de loi adopte un système souple permettant de concilier au mieux les enjeux écologiques et énergétiques au cours de l'année.

Il est inutile de l'affaiblir par une dérogation supplémentaire, dont l'utilité n'est pas sérieusement démontrée par les électriciens.

Il est aussi inutile de cibler spécifiquement les ouvrages ayant une capacité de modulation, étant donné que tous les ouvrages hydroélectriques ont vocation à moduler leurs écluses en fonction des besoins d'alimentation du réseau électrique et de sécurisation de la production électrique.

Le dispositif proposé est susceptible de constituer une entorse à la directive cadre sur l'eau et d'engendrer un contentieux contre l'État français.

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour présenter l'amendement n° 251.

Mme Évelyne Didier. Je fais miens les propos de M. Pointereau.

M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour présenter l'amendement n° 326.

M. Paul Raoult. L'amendement a déjà été défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?

M. Bruno Sido, rapporteur. En première lecture, sur l'initiative de notre collègue Henri Revol, notre Haute Assemblée avait adopté un amendement qui permettait de fixer les débits réservés au vingtième du module pour les ouvrages contribuant à la fourniture d'électricité en période de pointe de consommation. Cette liste d'ouvrages sera arrêtée par décret pris après avis du Conseil supérieur de l'énergie. Il s'agit là, mes chers collègues, d'une mesure importante compte tenu de la contribution fondamentale du parc hydroélectrique à la sécurité du système dans les périodes de tension de la demande, c'est-à-dire dans les périodes de pointe.

Par conséquent, la commission ne peut qu'émettre un avis défavorable sur les trois amendements qui tendent à supprimer cette disposition.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre. Je voudrais simplement apporter un complément aux explications du rapporteur. Je rappelle que j'ai évoqué dans mon intervention liminaire la question du changement climatique. À cet égard, certains ouvrages ont un rôle particulièrement important en matière d'énergie de pointe. Il me semble donc correct de leur réserver un traitement particulier. Pour les raisons évoquées par le rapporteur et par moi-même, le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte, pour explication de vote.

M. Pierre Laffitte. Les positions exprimées par M. le rapporteur et par Mme la ministre me paraissent fondamentales. Quand la maison brûle, on ne s'occupe pas de la porcherie ! Nous sommes dans une situation dans laquelle il ne faut absolument pas se départir des possibilités que nous avons au point de vue hydroélectrique en France. Il est sage de ne pas toucher à la situation actuelle.

M. le président. Monsieur Pointereau, l'amendement n° 212 rectifié ter est-il maintenu ?

M. Rémy Pointereau. Non, monsieur le président, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 212 rectifié ter est retiré.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 251 et 326.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Supprimer le dernier alinéa du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 214-18 du code de l'environnement.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bruno Sido, rapporteur. Il est proposé de supprimer, dans cet article, la référence à la mise en place d'une signalisation pour permettre la circulation des engins nautiques non motorisés. Cet article ne constitue pas le bon support. En revanche, la commission vous proposera la réintroduction d'un dispositif de même nature à l'article 14.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement sous réserve de l'adoption du sous-amendement n° 500 du Gouvernement à l'amendement n° 21 de l'article 14.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les trois premiers sont identiques.

L'amendement n° 213 rectifié ter est présenté par MM. Richert,  Grignon et  Texier, Mme Sittler, M. Pointereau, Mmes Rozier et  Keller.

L'amendement n° 252 est présenté par Mme Didier, MM. Billout et  Coquelle, Mme Demessine, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 327 est présenté par M. Raoult, Mme Bricq, M. Collombat, Mme Alquier, MM. Pastor,  Piras et  Lejeune, Mme Herviaux, MM. Cazeau,  Dauge et  Peyronnet, Mme Y. Boyer, MM. Repentin,  Lise,  Marc,  Le Pensec,  Domeizel et  Roujas, Mme M. André, MM. S. Larcher,  Guérini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer le deuxième alinéa du II du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 214-18 du code de l'environnement.

La parole est à M. Rémy Pointereau, pour présenter l'amendement n° 213 rectifié ter.

M. Rémy Pointereau. Cet amendement poursuit un objectif de simplification de la loi, en supprimant une disposition superfétatoire.

La dérogation légale envisagée en période d'étiage exceptionnel n'a pas lieu d'être, dès lors que le débit réservé est limité, en toute hypothèse, au débit à l'amont immédiat de l'ouvrage hydroélectrique.

Si bien que le débit réservé en période d'étiage exceptionnel ne peut déjà jamais dépasser le débit d'étiage exceptionnel du cours d'eau à l'entrée de la retenue du barrage hydroélectrique.

Une intervention nouvelle de l'autorité administrative pour déterminer un débit réservé temporaire n'a donc pas lieu d'être.

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour présenter l'amendement n° 252.

Mme Évelyne Didier. L'amendement est défendu.

M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour présenter l'amendement n° 327.

M. Paul Raoult. Cet amendement a déjà été défendu.

M. le président. L'amendement n° 253, présenté par Mme Didier, MM. Billout et  Coquelle, Mme Demessine, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le second alinéa du II du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 214-18 du code de l'environnement :

« Lorsqu'un cours d'eau ou une section de cours d'eau est soumis à un étiage très important, l'autorité administrative peut suspendre certains usages, et ce sans indemnisation, afin de préserver le bon état écologique du cours d'eau. »

La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. La préservation du bon état écologique d'un cours d'eau est une priorité qui s'impose à tous.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Bruno Sido, rapporteur. La disposition que les auteurs des trois amendements identiques souhaitent supprimer est un élément de souplesse dans le nouveau dispositif qui nous est soumis. Il s'agit d'une disposition qui est au coeur des grands équilibres de l'article 4. Pour cette raison, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements de suppression.

J'en viens à l'amendement n° 253. La rédaction présentée ne me semble pas très précise : « étiage très important », oui mais à quel niveau ? « Certains usages » de l'eau, mais lesquels ? Compte tenu de la nature du dispositif proposé, on ne peut retenir la notion de suspension sans indemnité. Il me paraît en effet fondamental d'être très précis.

Surtout, il me semble que le Gouvernement dispose déjà de ce type de possibilité pour réagir en cas de sécheresse grave. Des exemples récents nous l'ont d'ailleurs démontré.

Par ailleurs, sur la forme, cet amendement revient à supprimer la possibilité d'alléger les contraintes en termes de débit réservé pendant les étiages, alors que cette disposition semble nécessaire.

Ces deux types d'arguments conduisent donc la commission à émettre un avis défavorable sur cet amendement, au fond en partie satisfait par le droit en vigueur.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre. Mêmes motifs, même avis !

M. le président. Monsieur Pointereau, l'amendement n° 213 rectifié ter est-il maintenu ?

M. Rémy Pointereau. Non, monsieur le président, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 213 rectifié ter est retiré.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 252 et 327.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 253.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié.

(L'article 4 est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq,

est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M Roland du Luart.)