PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2007
Discussion générale (suite)

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CANDIDATUREs À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

M. le président. J'informe le Sénat que la commission des affaires sociales m'a fait connaître qu'elle a procédé à la désignation des candidats qu'elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié.

Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 9 du règlement.

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DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT

M. le président. Monsieur le président a reçu de M. le Premier ministre le rapport de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles, en application de l'article 5 de la loi du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Compte tenu de son objet, ce document sera transmis aux six commissions permanentes, qui sont toutes concernées.

Il sera disponible au bureau de la distribution.

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Loi de finances pour 2007

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2007
Question préalable (début)

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale.

J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 106 minutes ;

Groupe socialiste, 68 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 26 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 20 minutes ;

Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 15 minutes.

Mes chers collègues, je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, nous entamons donc l'examen du projet de loi de finances pour 2007. Nous serions en droit d'y voir l'occasion d'un débat passionnant pour notre Haute Assemblée.

Dernier projet de loi de finances de la législature, ce texte nous offre en effet l'opportunité d'en dresser un intéressant bilan. En outre, comme c'est le deuxième projet de loi de finances à être établi dans le cadre de la LOLF, ses effets vertueux devraient susciter chez les parlementaires que nous sommes des flots de louanges et d'admiration.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Très bien ! (Sourires.)

Mme Nicole Bricq. Attendez la suite !

M. Josselin de Rohan. Cela ne va pas durer !

M. Jean-Jacques Jégou. Nous avons entendu, plus d'ailleurs de la part de M. Breton que de la vôtre, monsieur le ministre délégué, des qualificatifs vantant la vertu et la justesse de votre projet de budget. Hélas, pour le groupe UC-UDF, c'est loin d'être mérité. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

On ne peut pas dire que ce texte suscite l'enthousiasme du microcosme politique ou économique. Les esprits sont ailleurs ... De plus, tout le monde sait que la véritable loi de finances pour 2007 sera présentée par un autre gouvernement et votée par un nouveau Parlement.

Ce n'est cependant pas une raison pour discuter ou voter ce texte à la sauvette et oublier de pointer ses faiblesses, même si certaines évolutions positives peuvent être mises à votre crédit. Je pense en particulier aux audits, que vous continuez à mener. En cette matière, vous le savez, je souscris en tout point à votre action et c'est une méthode à laquelle je suis particulièrement sensible.

Cela étant, je ne vous délivrerai pas un satisfecit sur cette dernière copie, tant sur la forme que sur le fond. Je vous dirai plutôt que le budget pour 2007 pèche, une fois encore, par son manque de sincérité, ...

M. Josselin de Rohan. Ça continue !

M. Jean-Jacques Jégou. ...même si l'on peut se poser la question du degré de l'insincérité qui l'affecte. En outre, son manque d'ambition hypothèque l'avenir de notre pays ainsi que son potentiel de croissance à moyen et long terme.

Ce qui me choque avant tout dans le projet de loi de finances, c'est son manque de sincérité, même si ce terme peut donner des boutons à certains, et sa présentation fallacieuse. M. Breton et vous-même mettez en avant la baisse des dépenses publiques et l'objectif de « zéro valeur ». Cette présentation vertueuse est cependant réduite à néant par le fait que vous avez externalisé et changé le périmètre de votre projet de loi de finances.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Pas depuis l'année dernière !

M. Jean-Jacques Jégou. C'est tout de même en augmentation !

Je commencerai mon propos en m'interrogeant sur la pertinence, voire l'optimisme, des hypothèses de croissance que vous avez retenues pour la construction de ce budget.

Vous estimez que la croissance du PIB se situera entre 2 % et 2,5 % en 2007. Pourtant - c'est inexplicable et nous en sommes tous mécontents -, le « trou d'air » du troisième trimestre de 2006 augure des prévisions de ralentissement de la croissance mondiale pour 2007, malgré ce que nous a affirmé M. Breton.

Vous l'avez dit, monsieur le ministre délégué, nous avons les yeux rivés sur le monde extérieur, et nous savons que de cette situation découlent des incertitudes en termes de ralentissement des exportations et de hausse des taux d'intérêt. Je n'irai pas jusqu'à dire que vos prévisions sont erronées ; elles me semblent plutôt imprudentes.

Je serai maintenant beaucoup plus critique en ce qui concerne vos objectifs de maîtrise de la dépense publique. Ce matin, vous avez essayé de nous démontrer que, à périmètre 2006 constant, la dépense nette augmente moins que l'inflation. D'après vous, elle ne s'accroîtrait que de 0,8 %.

Je réfute ce chiffre. J'estime que vous ne l'obtenez que par des artifices comptables, des transferts de dépenses sur les collectivités locales et la transformation de dépenses budgétaires en dépenses fiscales. M. Arthuis l'a dit également, même s'il a employé des termes différents.

Au titre de ces petits « arrangements » avec les principes de construction budgétaire, en particulier avec celui de non-contraction des dépenses et des recettes, je commencerai par vous rappeler la forte hausse - 4,2 % - des prélèvements sur recettes, il est vrai au profit des Communautés européennes ou des collectivités locales. Comme le souligne de façon éloquente la Cour des comptes, il s'agit là, purement et simplement, d'une dissimulation de dépenses, même si je sais qu'elle vous est imposée.

Il y a un autre « arrangement » au détriment du principe de non-contraction qu'il me paraît important de relever, je veux parler des minorations de recettes par des dépenses fiscales, en particulier en ce qui concerne le prêt à taux zéro ou la défiscalisation de biocarburants.

On peut aussi parler de minoration de dépenses en évoquant les débudgétisations de dépenses financées par des affectations de recettes à des organismes tiers. À cet égard, je citerai notamment le financement d'une partie du fonds de solidarité par le transfert de la créance de 1,2 milliard détenue par l'État sur l'UNEDIC et la réalisation d'une partie de cette créance ou encore le financement des 320 millions d'euros d'exonération de charges sociales sur le SMIC dans les entreprises de moins de vingt salariés par l'affectation d'une partie des recettes sur le tabac.

Parlons encore de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, l'AFITF, fonds de concours alimenté par un tour de passe-passe grâce à la cession des autoroutes ! Ce n'est d'ailleurs que l'une des multiples recettes non fiscales, dites conjoncturelles, en augmentation spectaculaire de 2,3 milliards d'euros cette année, ce qui vous permet d'afficher un déficit public moins important qu'à l'habitude.

J'évoquerai ensuite la forte progression - 4,4 % - des remboursements et dégrèvements sur impôts locaux. J'y ajouterai les dégrèvements de redevance audiovisuelle - en progression de 16 % - ou encore le versement de la prime pour l'emploi à des contribuables non imposables - 3,3 milliards d'euros -, dont certains, et j'en fais partie, peuvent contester tant la nature que l'efficacité économique. C'est d'ailleurs un sujet sur lequel il faudra revenir.

Enfin, je citerai le problème de l'endettement de l'État à l'égard de la sécurité sociale et des collectivités territoriales.

La dette de l'État envers les organismes de sécurité sociale serait en augmentation, de 5 milliards d'euros à 6 milliards d'euros. On peut donc parler d'un milliard d'euros de dissimulation budgétaire, ce qui ne manquera pas, j'en suis sûr, d'être prochainement relevé par la Cour des comptes.

Au total, la dépense véritable de l'État, corrigée de tous ces éléments visant à la minorer, s'élève à 373,5 milliards d'euros en 2007, contre 363 milliards en 2006, soit une hausse de 2,9 %. Je ne peux donc que déplorer, une nouvelle fois, le fait que, malgré tous vos efforts, et ils sont réels, la dépense publique ne diminue pas ! Au contraire, son poids par rapport au PIB a augmenté de 1,3 % depuis 2001, ce qui démontre que votre priorité ou celle de vos prédécesseurs n'a pas franchement été de la faire baisser en volume, contrairement à des engagements que vous qualifiez de vertueux.

Le coût de l'accumulation des déficits est un drame pour notre pays et pour les générations futures. Je reste persuadé que, malgré la prise de conscience, trop souvent refrénée par un certain nombre d'opérations comptables, qu'a révélée cette législature, les efforts en faveur de sa réduction n'ont pas été à la hauteur de son ampleur.

Je veux citer un exemple : sur les 68 milliards d'euros de plus-values spontanées de recettes fiscales encaissées entre 2002 et 2007, 60 % - soit 41 milliards d'euros - ont été affectés à l'augmentation des dépenses, 34 % - soit 23 milliards d'euros - ont été affectés à des réductions d'impôts et de cotisations sociales, alors que seulement 6 % - soit 4 milliards d'euros - ont été affectés à la réduction des déficits.

La charge annuelle de la dette, qui représente aujourd'hui la totalité du produit annuel de l'impôt sur le revenu, nous contraint à entretenir une pression fiscale forte sur nos entreprises, ce qui grève considérablement leur compétitivité.

D'autres personnes l'ont dit autrement, « l'attractivité fiscale de notre pays bute sur le mur de la dépense ».

Les prélèvements obligatoires se sont considérablement accrus durant cette législature, puisqu'ils sont passés de 42,8 % en 2002 à 44 % en 2005. Certes, 2006 enregistre une légère baisse, de 0,3 point. J'espère qu'il en ira de même en 2007, car cette tendance reste fragile.

Comme le rappelle souvent mon collègue Denis Badré, qui ne pouvait malheureusement pas être présent aujourd'hui, la vitalité de l'économie française dépend de la compétitivité fiscale de notre pays, qui aujourd'hui conduit toujours à l'expatriation de nos compétences et de nos capitaux. Nous ne retrouverons des marges de manoeuvre suffisantes qu'à la condition de maîtriser nos dépenses.

Alors qu'il enregistre un déficit supérieur à 40 milliards d'euros, le budget que nous examinons ne dénote aucune ambition économique.

En ce qui concerne la réforme de l'impôt sur le revenu, nous nous sommes exprimés l'an passé et nous avons dit qu'elle était injuste socialement, même si nous avons soutenu l'instauration du bouclier fiscal.

En contrepartie, puisque le coût de cette réforme nous alarmait dans un contexte de dérive croissante des déficits publics, nous avions adopté l'instauration d'un dispositif de plafonnement des niches fiscales, car ces dernières avaient fini par perdre tout leur sens à force de multiplier les niches de niches !

À la suite de la sanction du Conseil constitutionnel, monsieur le ministre délégué, - dois-je vous le rappeler ? - vous nous aviez promis une concertation afin d'aboutir à un nouveau plafonnement.

Je n'ai rien vu de cet ordre dans la loi de finances pour 2007. Qu'en est-il exactement ? Les prochaines échéances électorales expliqueraient-elles ce silence ?

En ce qui concerne les entreprises, vous pouvez bien inscrire à votre crédit la réforme de la taxe professionnelle, réforme tant décriée par les collectivités, mais qui a la vertu d'envoyer un signal fort aux entreprises grâce au plafonnement à 3,5 % d'un impôt stupide économiquement puisqu'il vise à taxer les outils de production.

Tout serait normal si l'histoire s'arrêtait là et si nous n'en venions pas, d'une façon parfaitement schizophrène, à prendre de nouveau les entreprises pour des « vaches à lait » au travers d'un nouvel aménagement injuste du régime des acomptes d'impôt sur les sociétés, qui n'est pas compris par les milieux économiques.

D'autant que cela pourrait être assimilé à une pure mesure de rendement, ce qui, au regard des plus-values fiscales engrangées cette année, semble bien ridicule !

C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité déposer un amendement visant à établir une égalité de traitement entre les pénalités de retard dues par les entreprises à l'occasion de sous-évaluations et le trop-perçu par le Trésor public, auquel nous souhaiterions voir appliquer le régime des intérêts moratoires.

Ce projet de loi de finances aurait pu être l'occasion de poursuivre nos efforts en faveur d'un allégement de la pression fiscale et des charges sociales qui pèsent sur la compétitivité des entreprises. Malheureusement, il est un peu à l'image de cette législature, une nouvelle occasion manquée !

Alors que la situation des finances publiques dans notre pays méritait une courageuse réforme, elle n'aura connu qu'une prise de conscience tardive - avec le rapport Pébereau -, le début de la montée en puissance de la LOLF, de la réforme de l'État et de la culture de performance, ainsi que des réformes marginales dans des domaines qui pénalisent fortement les finances de l'État - je pense à la baisse des impôts -, et par là même hypothèquent l'avenir et l'ampleur des investissements futurs.

Dans ces conditions, monsieur le ministre délégué, il sera très difficile pour une large majorité des membres de mon groupe de voter en faveur d'un projet de loi de finances qui, comme la législature qui s'achève, laisse un goût amer de rendez-vous manqué ! (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, s'il ne fallait sans doute retenir qu'un seul chiffre au moment de commencer cette discussion, ce serait celui de 8,6 millions.

Ce sont en effet 8,6 millions de personnes qui sont bénéficiaires de la prime pour l'emploi, prime qui consiste, dans les faits, à faire financer par le budget général ce qui devrait normalement être pris en charge par l'entreprise elle-même, au titre de la rémunération du travail.

Ce sont aujourd'hui entre 30 % et 40 % des salariés qui perçoivent, chaque année, une partie de ce crédit d'impôt. Que l'article 3 du projet de loi prévoie une majoration de 55 euros et une possibilité de mensualisation ne change pas grand-chose au problème : c'est toujours en dehors de l'entreprise, lieu de la création de richesses, que se trouve la source du financement de cette prime !

Voilà sans doute ce qui traduit avec le plus de netteté, mais les « inventeurs » de la prime pour l'emploi n'y pensaient peut-être pas, la réalité de la situation économique et sociale du pays.

Des millions de salariés dans notre pays sont aujourd'hui confrontés à la précarité de l'emploi, des conditions de travail et de la rémunération. Ils sont également confrontés à la non-reconnaissance de leur qualification et de leur expérience.

Les trois quarts des bénéficiaires de la prime pour l'emploi sont non imposables après affectation de ladite prime, mais ils le sont tout autant en raison de la modicité même de leurs ressources.

N'oublions pas que 40 % des ménages salariés ne paient pas aujourd'hui d'impôt progressif ! Cette situation touche également 50 % des retraités de notre pays, attendu que la pension moyenne est aujourd'hui inférieure au SMIC.

Comment pourrait-il en être autrement quand on rencontre, au fil de nos déplacements dans les régions et dans les entreprises, des salariés qui ont vingt ans d'ancienneté, voire plus, dans la même société et qui ne sont encore rémunérés qu'à hauteur de 1 200 à 1 300 euros par mois, dans des secteurs d'activité aussi divers que le bâtiment, la métallurgie, les emplois de services aux particuliers ?

Dans de nombreuses branches d'activité, les minima salariaux s'avèrent, encore aujourd'hui, inférieurs au niveau du SMIC. Par ailleurs, pour bon nombre de salariés, la réduction du temps de travail n'est qu'un mythe ou un espoir sans cesse repoussé !

Quand le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale tiennent compte du chantage aux 39 heures exercé par les patrons de l'hôtellerie et de la restauration, et qu'ils favorisent sans contrepartie la défiscalisation et les allégements de cotisations sociales, que faut-il en conclure ?

Tout simplement que l'on met la politique de la nation au service exclusif des revendications de l'une des branches du patronat français, sans exiger d'elle la moindre contrepartie !

Les patrons de l'hôtellerie et de la restauration dans notre pays ne sont malheureusement pas les seuls en cause !

Il ne se passe pas de jour ni de semaine, ces derniers temps, sans qu'une entreprise annonce un plan social d'envergure touchant tout ou partie de ses capacités de production et supprimant des emplois.

Quand les forces de police viennent au secours des affairistes, comme cela a été récemment le cas chez Thomé-Génot à Nouzonville, dans les Ardennes, là encore, c'est l'ensemble de la philosophie de l'action publique qui est directement en question !

Sur cette affaire, l'État serait sans doute plus inspiré de s'interroger sur les agissements de certains investisseurs nord-américains dans l'économie nationale !

Notre appareil de production industrielle ne cesse, et ce depuis 2002, de connaître une réduction constante de ses effectifs, de ses emplois, de sa capacité productive, de son potentiel de développement.

Les privatisations menées depuis le début de la législature n'ont, au demeurant, rien arrangé, et nombre de situations, qu'il s'agisse d'EADS, de SAFRAN ou du rachat de Pechiney par Alcan Toyo et d'Arcelor par Mittal Steel, témoignent à l'envi du désastre économique engendré par les choix que vous avez cru bon d'opérer.

Depuis juin 2002, ce sont ainsi 265 000 emplois industriels qui auront été perdus dans notre pays. Cette perte sèche d'emplois affecte singulièrement la production de biens de consommation - je pense notamment à la crise du secteur textile -, celle de biens d'équipement et de biens intermédiaires. Cela prouve que rien, et surtout pas la relance de l'investissement des entreprises, n'est venu contribuer au maintien et au développement de l'emploi !

Après quatre ans et demi de gestion des affaires du pays par la majorité gouvernementale, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, nous habitons aujourd'hui dans un pays affaibli sur le plan économique !

Toute la politique du gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre délégué, a pourtant tendu à satisfaire les desiderata des ménages les plus aisés et ceux des cercles d'initiés du monde patronal, ce qui s'est traduit de manière pour le moins spectaculaire sur le plan budgétaire.

Il serait sans doute trop long ici de citer l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires qui ont pu être prises depuis le printemps 2002 pour faire droit à des aspirations largement partagées par l'extrême minorité de nos compatriotes !

Tout a consisté, depuis 2002, à assujettir la politique budgétaire de la nation aux seuls impératifs de rentabilité des capitaux, aux seuls gâchis de la finance, aux seuls intérêts des détenteurs de patrimoines « confisqués » puisqu'ils se sont constitués sur le dos des salariés.

En 2002, chers collègues, vous aviez voté une loi de finances pour 2003 qui prévoyait 53 milliards d'euros de produit de l'impôt sur le revenu, 25,7 milliards d'euros de produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, et 112 milliards d'euros de TVA nette.

L'ensemble de la TVA nette et de la taxe sur les produits pétroliers représentait 44,3 % des recettes fiscales nettes, contre 17 % pour l'impôt sur le revenu.

Pour 2007, le projet de loi de finances qui nous est proposé prévoit un montant de recettes lié à l'impôt sur le revenu d'un peu plus de 57 milliards d'euros - vous repasserez, monsieur le ministre délégué, pour la baisse ! -, mais un montant de recettes lié à la TVA de 133,5 milliards d'euros nets et un montant de recettes lié à la TIPP de 18,8 milliards d'euros, somme qu'il convient de majorer des 6,4 milliards d'euros de TIPP dédiées à la compensation des charges transférées aux collectivités locales.

Rapporté au volume des recettes fiscales nettes à périmètre constant, l'impôt sur le revenu ne représente plus que 16,3 % du total, contre 45,3 % pour l'ensemble constitué par la TVA nette et la TIPP.

L'examen du projet de loi de finances pour 2007 vient donc clore une législature marquée par le décalage entre les capacités contributives et les impositions réelles.

Les dispositions fiscales que vous avez votées, chers collègues, depuis le printemps 2002, n'ont fait qu'accroître plus encore les inégalités sociales puisque, comme je viens de le démontrer, rapportés à l'ensemble des recettes de l'État, les droits indirects liés à l'acte de consommer sont chaque année plus forts et plus présents.

Une impression d'étrange peut d'ailleurs habiter le contribuable à la lecture de ce projet de loi de finances pour 2007.

En effet, malgré vos efforts de communication, qui se résument à la formule « baisse des impôts, baisse des dépenses, baisse des déficits » - pourquoi ne pas ajouter « je lave plus blanc que blanc » ! - la situation paraît assez inédite.

Si l'on se fie à vos hypothèses économiques, l'État percevra en 2007 près de 9 milliards d'euros de recettes fiscales nouvelles.

Cependant, il ne consacrera finalement que moins de 2 milliards d'euros au financement des dépenses nouvelles, qui sont d'ailleurs pour l'essentiel centrées sur les priorités affichées de l'action gouvernementale - notamment la justice et sécurité.

Les Françaises et Français payeront donc en 2007 plus d'impôts, et singulièrement plus d'impôts indirects prétendument invisibles, ...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pas pour ceux qui les paient !

M. Thierry Foucaud. ... et ils auront en retour moins de service public, moins d'enseignants, moins d'action sociale, moins de solidarité, moins d'efforts pour le logement, moins pour la recherche.

À l'orée d'une année au cours de laquelle de grands rendez-vous avec l'opinion nous attendent, concevez qu'un tel choix semble pour le moins surprenant !

Trop d'argent public est aujourd'hui dépensé sans véritable efficacité ; je pense aux 26 milliards d'euros d'exonérations de cotisations sociales sans contrepartie réelle.

Cette incitation aux bas salaires a de multiples coûts induits, depuis la faiblesse de la consommation des ménages jusqu'à la prise en charge d'allocations diverses, en passant, bien évidemment, par le plafonnement des impôts locaux ou par la prime pour l'emploi. Ces coûts induits sont meurtriers pour les comptes publics et sociaux !

Si l'on ajoute à cela le coût persistant de la fraude fiscale et sociale - estimé par certains entre 40 milliards et 50 milliards d'euros -, on mesure combien il importe de changer clairement de politique.

Votre projet de loi de finances pour 2007, monsieur le ministre délégué, ne répond manifestement pas à ces nécessités.

Fondé sur une prévision de croissance résolument optimiste - récusée d'ailleurs ces derniers jours par la plupart des économistes et des conjoncturistes -, il présente la double caractéristique d'être un texte de faible portée et d'être un véritable catalogue de dispositions à caractère électoraliste.

L'essentiel de loi de finances pour 2007 était déjà dans la loi de finances pour 2006, notamment le nouveau barème de l'impôt sur le revenu.

La mensualisation de la prime pour l'emploi ou la baisse du premier acompte de l'impôt sur le revenu n'y changeront rien : ce budget apparaît comme un texte d'affichage, point d'orgue d'une législature marquée par le choix de la défense des inégalités de revenu et de patrimoine !

Monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, nous ne pouvons qu'indiquer, au début de cette discussion, notre opposition au contenu de ce projet de loi de finances. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Angels.

M. Bernard Angels. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, ce projet de budget pour 2007 étant le dernier de la législature, nous pouvons légitimement nous demander s'il a vocation à être appliqué.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Il est difficile de ne pas faire de budget !

M. Bernard Angels. Dans ce contexte, vous comprendrez que je ne m'attacherai pas seulement à commenter les dispositions qui y figurent. Cette discussion me paraît en effet propice à l'établissement d'un premier bilan de la politique économique et budgétaire menée depuis quatre ans.

M. François Marc. Sans succès !

M. Bernard Angels. Non seulement celle-ci est injuste et inefficace en termes de création d'emplois, mais en plus elle ne prépare pas l'avenir.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il n'y a pas chez vous de place pour la nuance !

M. Bernard Angels. En premier lieu, une telle politique est injuste.

Le présent texte suscite en effet des interrogations, des inquiétudes, parfois même des indignations. Loin de réduire les inégalités entre nos concitoyens, il contribue, au contraire, à les renforcer.

Monsieur le ministre délégué, la politique fiscale que vous soutenez participe fortement depuis quatre ans à l'érosion de la cohésion sociale de notre pays. Le ressort sur lequel vous jouez est le même depuis le début de la mandature : vous justifiez les subventions accordées aux plus favorisés et aux entreprises en arguant du nécessaire soutien à la compétitivité ; à titre de compensation, vous mettez en avant une hausse de la prime pour l'emploi, hausse dérisoire au regard de l'ampleur du transfert de richesses vers les contribuables les plus aisés.

Les conséquences de cette politique fiscale sont simples : explosion des inégalités, stagnation du pouvoir d'achat des plus modestes, accroissement des plus gros patrimoines.

Pour 2007, vous arbitrez très clairement en faveur des allégements fiscaux, qui s'élèveront à près de 6,5 milliards d'euros, au détriment de nos finances publiques. Ainsi, la diminution de la fiscalité sur les plus-values et la baisse des droits de succession amputeront cette année de 1,3 milliard d'euros le budget de la nation. Avec l'adoption de ce projet de loi de finances, on aboutira donc à une hausse de 20 % du nombre de niches fiscales et, partant, de leur coût.

Au total, ce sont environ 9,5 milliards d'euros qui ont disparu des caisses de l'État depuis 2002, sans que notre pays en ressente le moindre bénéfice, à l'exception, bien entendu, de la partie la plus privilégiée de la population.

De surcroît, alors que les couches sociales les plus favorisées cumulent les avantages, les salariés les plus modestes doivent, eux, se contenter d'un ridicule coup de pouce à la prime pour l'emploi. Celle-ci représente par ailleurs une importante incitation aux emplois « paupérisants » depuis que vous en avez massivement étendu le bénéfice aux emplois à temps partiel. La revalorisation proposée cette année représentera 500 millions d'euros, soit à peine plus que le coût du bouclier fiscal. En moyenne, chaque bénéficiaire ne recevra qu'un versement supplémentaire de 9,25 euros par mois.

Le projet de loi de finances pour 2007 confirme la logique injuste et non redistributive de la réforme de l'impôt sur le revenu que mon groupe avait déjà dénoncée l'année dernière. Pour l'illustrer, je prendrai deux exemples significatifs. D'une part, selon le nouveau barème retenu, la baisse de l'impôt sur le revenu profitera pour 63 % aux 10 % des contribuables les plus favorisés. D'autre part, le bouclier fiscal que votre majorité a mis en place concernera surtout les foyers assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune ; ce mécanisme coûtera au budget de l'État 360 millions d'euros, mais 10 000 foyers fiscaux se partageront une réduction d'impôt de 250 millions d'euros !

Par ailleurs, depuis 2002, le produit de l'impôt sur le revenu, impôt pourtant le plus juste, a diminué de 8,5 milliards d'euros. Dans le même temps, le taux des prélèvements obligatoires est passé de 43,1 % à 44 % du PIB, soit une augmentation en valeur de 17 milliards d'euros.

M. François Marc. Ce n'est pas terrible !

M. Bernard Angels. Ainsi, vous avez allégé les contributions de nos concitoyens les plus fortunés et alourdi celles du plus grand nombre.

En deuxième lieu, la politique budgétaire menée depuis 2002 ne répond pas aux attentes des Français en ce qui concerne l'emploi et la politique commerciale de notre pays. En effet, en plus de creuser encore le fossé qui sépare les plus modestes des plus aisés, elle ne propose aucune perspective économique cohérente.

Entre mai 2002 et septembre dernier, le chômage n'a diminué que de 0,1 point. Il paraît difficile de considérer cette diminution « quasi optique » comme une réussite de votre politique. Pour s'en rendre compte, il n'est qu'à prendre comme base de comparaison le bilan du gouvernement de Lionel Jospin, fortement cité ce matin par les ministres : entre juin 1997 et avril 2002, le taux de chômage a diminué de 3,3 points, soit trente-trois fois mieux que le résultat obtenu par les gouvernements de droite qui lui ont succédé.

M. François Marc. Absolument !

M. Bernard Angels. Le nombre des créations d'emplois annoncé par le Gouvernement depuis le début de sa mandature me laisse également perplexe : entre 2002 et 2006, 200 000 emplois auraient été créés. Pour sa part, entre 1997 et 2002, le gouvernement de Lionel Jospin a contribué à créer dix fois plus d'emplois.

Et si d'aucuns sont tentés d'attribuer ce bon résultat à la seule conjoncture économique de l'époque, je les invite à s'intéresser aux résultats obtenus par les autres pays de la zone euro entre 2002 et cette année : sur cette période, nos partenaires ont enregistré en moyenne un nombre de créations d'emploi deux fois supérieur à celui de la France.

De toute évidence, mes chers collègues, il paraît difficile d'attribuer le piètre score de notre pays à un climat international défavorable. C'est donc bien une politique économique et budgétaire inefficace qui est à l'origine de l'atonie de la croissance dans notre pays.

L'efficacité et la pertinence d'une telle politique économique et budgétaire s'analysent aussi à l'aune de son influence sur la balance commerciale. Or, depuis janvier 2003, son solde n'a jamais été positif ; en juin dernier, elle subissait même un déficit de 2,52 milliards d'euros.

Et les statistiques en la matière n'iront pas en s'améliorant, car la fragilité de nos exportations sera aggravée par la politique allemande, qui s'apparente à une dévaluation compétitive et qui s'illustre, entre autres, par une forte diminution de la TVA.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Dans ces conditions, il faut instaurer la TVA sociale ! Vous en êtes d'accord, monsieur Angels ?

M. Bernard Angels. En troisième et dernier lieu, la politique économique et budgétaire menée depuis quatre ans ne prépare pas l'avenir. Nous le savons tous, compte tenu des échéances électorales majeures du premier semestre 2007, ce budget a vocation à être modifié. D'ailleurs, à l'image de ceux qui l'ont précédé depuis 2002, il sacrifie l'avenir à l'immédiat.

Un tel constat est particulièrement frappant au vu de l'efficacité de l'État : la gestion pluriannuelle prévue par la LOLF est en effet mise sous le boisseau. Ainsi, pour pallier votre impéritie et l'inadéquation des budgets que vous avez fait voter, vous n'avez eu de cesse de vendre des participations de l'État. La cession des sociétés d'autoroutes pour 17 milliards d'euros cette année répond à cette logique à courte vue et s'avère d'autant plus dommageable que ces groupes allaient devenir excédentaires et auraient pu reverser des dividendes non négligeables.

Venons-en maintenant aux comptes de l'État et des administrations publiques. Certes, le déficit public diminue cette année d'un peu moins d'un milliard d'euros, pour s'établir à 2,5 points de PIB. Toutefois, il reste légèrement supérieur à celui de 2002. La conclusion est simple : nous voilà revenus à la case départ ! Il n'en demeure pas moins que, du point de vue économique, ce déficit n'est d'aucune utilité, dans la mesure où la structure des dépenses du budget 2007 ne permettra pas de relancer l'activité.

En outre, mes chers collègues, le montant retenu, à savoir 41,6 milliards d'euros, est supérieur au solde primaire stabilisant, ce qui signifie que, malgré vos effets d'annonce sur la norme « zéro volume », la dette publique, elle, continue de grimper : elle aura augmenté de plus de 4,5 points depuis le début de cette législature, passant de 59 % à 63,6 % du PIB.

M. François Marc. Catastrophique !

M. Bernard Angels. Toutefois, afin de rassurer nos concitoyens, M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie nous annonce que la dette publique va baisser de 2 points de PIB en 2007.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. En 2006 !

M. Bernard Angels. Mieux vaut tard que jamais !

Pour autant, cette annonce, loin d'être rassurante, me semble pour le moins inquiétante, car une telle diminution n'a pu être obtenue que grâce à une baisse brutale de la trésorerie de précaution et aux 17 milliards d'euros provenant cette année des cessions d'actifs. Mais ces artifices comptables ne suffisent pas à masquer la réalité : depuis 2002, chaque Français a vu sa dette augmenter de 2 700 euros.

Même les prévisions les plus optimistes du Gouvernement l'attestent : selon Bercy, la dette ne retrouverait son niveau de 2001 qu'au cours de l'année 2009, au mieux. C'est dire si la rigueur dont la majorité affirme faire preuve est toute relative !

Pour expliquer les mauvais chiffres du déficit, le Gouvernement invoque plusieurs causes, mais s'en prend principalement aux collectivités territoriales.

M. Bernard Angels. Mes collègues François Marc, Michel Moreigne et Gérard Miquel auront l'occasion d'y revenir plus longuement. Je souhaite néanmoins en dire quelques mots, car ces collectivités sont prises pour cible et se voient accusées de favoriser les dérapages budgétaires que je viens d'évoquer.

Or, lorsque certains pointent du doigt l'augmentation cette année de 0,7 point de PIB du niveau des prélèvements au titre de ces collectivités, ils omettent de mentionner que plus de la moitié de cette hausse est liée aux transferts décidés par le Gouvernement dans le cadre de l'Acte II de la décentralisation.

Encore une fois, la question de la compensation des transferts de compétences se pose de manière aiguë. Il est quelque peu facile de reprocher à nos régions et à nos départements une gestion dispendieuse des deniers publics, alors que ces mêmes régions et ces mêmes départements sont contraints d'arbitrer entre deux maux : ou bien ne pas accroître les impôts locaux et, partant, porter atteinte à la qualité des services publics fournis aux habitants ; ou bien procéder à des augmentations, au risque de se voir taxés d'irresponsabilité.

Une fois de plus, la politique budgétaire de courte vue que la droite mène depuis bientôt cinq ans se ressent à l'échelon local : les collectivités ne peuvent inscrire leur action dans la durée, du fait de l'insuffisance des transferts de recettes opérés vers elles et de l'incertitude qui pèse sur la pérennité de ces recettes.

Pour conclure, mes chers collègues, gageons que le projet de loi de finances pour 2007 ne redonnera pas aux Français cette confiance en l'avenir qu'ils ont perdue. Les choix du Gouvernement ne sont pas seulement inefficaces, ils pénalisent également la majorité de nos concitoyens, et tout particulièrement les plus faibles, les ménages modestes. Aussi, notre groupe proposera un certain nombre d'amendements destinés à ramener ce budget dans la voie de l'efficacité économique et de la justice sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - M. Yvon Collin applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, depuis 1982, tous les budgets sont votés et exécutés en déficit. Ce projet de loi de finances pour 2007 ne fait malheureusement pas exception, avec près de 42 milliards de déficit et vraisemblablement, en conséquence, une croissance somme toute moyenne de notre pays, car nous consacrons les emprunts au fonctionnement et non à l'investissement.

Ayons à l'esprit la « règle d'or » britannique.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Aymeri de Montesquiou. Le paiement des intérêts de notre dette représente environ 15 % du budget de l'État, contre moins de 5 % en 1980. Le pacte de stabilité et de croissance, adopté il y a près de dix ans, impose pourtant aux États de la zone euro d'avoir à terme des budgets proches de l'équilibre. D'ailleurs, certains pays ont même un budget excédentaire.

Comment parvenir à l'équilibre ? Monsieur le ministre délégué, pour vous, c'est affaire de méthode. Vous avez déclaré : « Au coeur de cette méthode, il y a pour moi un impératif : c'est d'avoir les yeux rivés sur ce qui se passe à l'étranger ».

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Absolument !

M. Aymeri de Montesquiou. Et vous avez ajouté : « C'est le meilleur moyen d'aller chercher ailleurs les bonnes idées qui ont fait leurs preuves et de connaître nos forces et nos faiblesses. Car c'est en comparant que l'on se rassure ! ».

Que l'on se rassure, ou que l'on s'inquiète, monsieur le ministre délégué !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Cela dépend de quel point de vue on se place : c'est le verre à moitié plein ou à moitié vide !

M. Aymeri de Montesquiou. Pourquoi ne pouvons-nous parvenir aux mêmes résultats que d'autres pays ? Les comparaisons internationales entre les économies respectives des pays du G5 démontrent que, moins on travaille dans l'année et au long de la vie, plus la réglementation du travail est rigide, plus les dépenses collectives pèsent sur la richesse nationale, plus les prélèvements obligatoires sont lourds et plus le chômage est élevé !

Le taux moyen de chômage dans l'Union européenne à Quinze s'élevait à 7,4 % ; celui de l'Union à Vingt-Cinq est de 8 %. Notre taux national de chômage leur est encore supérieur, de même que le niveau de nos prélèvements obligatoires.

Néanmoins, saluons les efforts récents en faveur de l'emploi et les premiers résultats obtenus, largement dus à la transformation du système administratif de l'emploi ainsi qu'à la dynamisation du secteur de la construction et des services à la personne. Nous sommes encore loin de l'Espagne qui, alors qu'elle détenait le taux de chômage le plus élevé jusqu'au premier trimestre 2005, après une pointe à près de 16 % dans les années quatre-vingt-dix, a fait passer ce taux de 10,1 % en juin 2004 à 7,8 % aujourd'hui. S'agissant du chômage, l'Espagne occupe désormais la sixième position dans le classement européen.

Ces résultats ont pour origine une fiscalité incitative. Mais, contrairement à nos voisins, nous ne bénéficions d'aucune des spécialités fiscales reconnues qui contribuent à la prospérité de ces pays : ni faible taux d'impôt sur les sociétés, comme en Irlande, ni absence d'impôt sur les transmissions d'entreprise, comme en Angleterre, ni absence d'impôt de solidarité sur la fortune, comme en Belgique, ni faible niveau de cotisations sociales, comme en Allemagne.

Vous avez toutefois amorcé une réforme fiscale. Ainsi, la réforme de l'impôt sur le revenu et la création d'un bouclier fiscal à 60 % sont des mesures qui vont dans le bon sens. Nous sommes cependant loin de réaliser la promesse électorale d'une baisse de 33 % de l'impôt sur le revenu.

L'ISF reste un impôt politiquement marqué, alors qu'il faudrait le traiter uniquement de manière technique. Pourquoi n'a-t-on pas fait un geste, dans ce dernier budget de la mandature, pour exonérer d'ISF la résidence principale ? C'était pourtant une mesure juste et de bon sens.

Il faut gommer au maximum toute connotation politique attachée à l'impôt et ne rechercher que l'efficacité. Seule l'affectation du produit de l'impôt doit être politique.

En matière de recettes, je propose à mon tour que l'on mène à son terme la réflexion sur l'instauration d'une TVA sociale. Il est sans doute difficile de transposer en France un modèle valable pour le Danemark, par exemple, alors que nos structures sont très différentes. Ainsi, dans ce pays, l'âge de la retraite est fixé depuis longtemps à soixante-sept ans et, corrélativement, le taux de chômage est de 3,5 %.

Notre partenaire allemand prend lui aussi ce chemin, avec une hausse de trois points de la TVA, qui passera de 16 % à 19 % au 1er janvier 2007, accompagnée d'un allégement des cotisations sociales des entreprises. Ce relèvement de trois points de la TVA sera affecté pour un tiers aux allégements de charges et pour deux tiers à la réduction du déficit public. C'est aussi notre objectif.

Monsieur le ministre délégué, à chacun de vos exposés devant la commission des finances, vous ensevelissez sous les compliments la piste de la TVA sociale et soulignez combien cette idée est intéressante. Alors, comptez-vous la mettre en pratique ?

Notre calendrier doit s'inspirer des réformes mises en place avec succès par nos principaux partenaires et concurrents. Vous avez dit, monsieur le ministre délégué, que vous souhaitiez « pour la France ce qui se fait de mieux à l'étranger ». Dans cet esprit, il faut saluer la création, au sein du ministère des finances, d'un pôle de référence en matière d'études comparatives internationales dans le domaine de la gestion publique. À cet égard, je rappelle que, si le poids des dépenses publiques françaises était ramené à la moyenne européenne, nous réaliserions une économie de 100 milliards d'euros.

Cet objectif apparaît irréaliste ? Regardons plutôt ce qui a été fait ailleurs.

Au Canada, en dix ans, de 1993 à 2003, les dépenses des ministères - transferts aux provinces exclus - sont passées de 16,8 % à 11,5 % du PIB. Le nombre des fonctionnaires fédéraux payés par le Trésor a diminué de 30 % et le déficit public, qui représentait 5,6 % du PIB, est devenu un excédent de 0,6 % ! Avoir moins de fonctionnaires, cela veut dire accroître leur efficacité en les payant mieux.

Au sein de l'Union européenne, l'Allemagne ne remplace que deux départs à la retraite sur trois.

Quant à la Suède, considérée à juste titre comme un État protecteur où le social demeure une priorité, son exemple est instructif. La méthode était claire : toutes les administrations publiques devaient réduire leurs dépenses de 11 % en trois ans. Que n'avons-nous fixé un tel objectif ! Dans ce pays, en effet, les fonctionnaires sont moins nombreux mais bien mieux rémunérés. En dix ans, la fonction publique d'État est passée de 400 000 postes à 230 000 et les salaires ont augmenté de 60 %. La fonction publique de carrière est devenue une fonction publique dynamique.

Tout a été dit sur l'occasion manquée de réduire de manière drastique le nombre des fonctionnaires de l'État. Le projet initial était de ne renouveler qu'un poste sur deux. Nous en sommes loin ! Ce budget prévoit 15 002 postes de fonctionnaires d'État non renouvelés sur plus de 2,2 millions, soit un taux de 0,7 %. Monsieur le ministre délégué, est-ce satisfaisant ? Est-ce performant ? Est-ce incitatif ?

L'État demande aux entreprises de faire des efforts considérables. Mais montre-t-il l'exemple ?

Réduire les dépenses publiques, ce n'est pas un dogme, c'est une nécessité. Michel Camdessus rappelait dans un récent article : « Nous ne pouvons échapper à un changement radical de cap dans la conduite des finances publiques. Trop longtemps jusqu'ici, action politique et dépenses publiques ont été synonymes ».

L'objectif est de faire la meilleure dépense publique, pour le meilleur service public, au meilleur coût.

Avec les audits de modernisation, ce gouvernement a opté pour le principe canadien d'optimisation des dépenses afin de rendre celles-ci plus performantes, et a choisi d'autres idées à l'étranger : les achats au Royaume-Uni et en Italie, l'immobilier en Allemagne, la paye en Italie, la visioconférence à Singapour, les amendes à Hongkong, et j'en passe.

C'est le résultat des audits, et tout cela est positif.

Quant aux contrats pluriannuels de performance, ils sont un outil utile permettant de moderniser les ministères, avec leur accord.

Mais il subsiste trop d'exemples incompréhensibles, donc injustifiables. Ainsi, comment expliquer que les effectifs du ministère de l'agriculture aient augmenté de 8 % depuis 1982 alors que, dans le même temps, le nombre d'exploitations agricoles baissait d'un tiers ?

Nous devons enfin développer l'offre pour relancer la croissance et ne plus tabler seulement sur la demande, car cette dernière option conduit, étant donné le profil manufacturier de notre pays, à un déséquilibre de notre balance commerciale.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Aymeri de Montesquiou. Sur une base de 100, les investissements en faveur de l'offre sont de 83 en France, de 86 en moyenne dans l'Union européenne et de 95 en Allemagne. Notre devenir se joue là aussi et c'est une preuve de confiance en l'avenir.

Mes chers collègues, nous pouvons supprimer le déficit de l'État en une législature. Il suffit pour cela de voter une loi pluriannuelle de maîtrise des dépenses publiques avec l'objectif d'équilibre à la fin de la prochaine mandature. Le modèle des dépenses communautaires peut nous y aider : on adopte des perspectives financières pour sept ans, avec un plafond de dépenses fixé une fois pour toutes, et ces perspectives sont complétées par le vote annuel du budget.

Pour que tous les Français soient davantage soucieux de l'utilisation des deniers publics, il faut parler, dialoguer et expliquer. Il s'agit non pas de montrer du doigt les fonctionnaires, mais de les mettre en position de devenir plus performants et de les rémunérer en conséquence.

L'effort et les réformes ne rebutent pas les Français si ce qui leur est demandé est juste. Optimiser le produit de leur impôt et donc de leur travail, c'est aussi faire preuve de considération à leur égard. La route est encore longue, mais ce budget traduit d'ores et déjà cet état d'esprit. Par conséquent, la majorité de mon groupe le votera. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Henri de Raincourt.

M. Henri de Raincourt. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, la séance est commencée depuis trois quarts d'heure et je n'ai entendu, durant trente-cinq minutes au moins, que critiques vives et acerbes contre le Gouvernement. Je suis donc soulagé de pouvoir enfin accéder à cette tribune pour dire ce que nous pensons de ce budget et, malgré tout, lui trouver quelques vertus, comme l'ont fait ce matin, avec beaucoup de talent, M. le rapporteur général et M. le président de la commission des finances.

Car pour nous, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2007 est vertueux et responsable. C'est d'autant plus remarquable que nous sommes à quelques mois d'échéances électorales majeures et qu'il aurait été facile de succomber à la tentation de laisser filer les dépenses et les déficits. Nous n'avons pas oublié que tel fut le choix des gouvernements sortants en 1993 et 2002. C'est ce que nous refusons de faire aujourd'hui, au nom de la responsabilité politique à l'égard des contribuables et des générations futures.

De la même manière, le Gouvernement retient des hypothèses prudentes en matière de croissance et de recettes fiscales. Ce n'était pas le cas dans les lois de finances initiales pour 1993 et 2002, qui reposaient sur des hypothèses irréalistes et inaccessibles. Le projet de loi de finances pour 2007 apparaît ainsi comme un budget crédible au regard du contexte économique.

Avec courage, le Gouvernement suit une ligne de conduite gagnante pour l'assainissement de nos finances publiques, pour la modernisation de l'État, pour les contribuables et pour l'avenir de notre pays. Il s'applique à lui-même une logique de résultats et de performance. À cet égard, la loi organique relative aux lois de finances a représenté un changement tout à fait salutaire.

Les Français ont pris conscience qu'il était urgent de prendre à bras-le-corps le problème de la dette publique de notre pays. Je voudrais à ce propos souligner la pertinence du travail de pédagogie engagé par le Gouvernement, et en particulier par vous-même, monsieur le ministre délégué, sans oublier l'utilité de la publication du rapport Pébereau, commandé par Thierry Breton.

Notre groupe tient à exprimer sa satisfaction à l'égard du projet de loi de finances pour 2007 qui, pour reprendre les termes ciselés de notre rapporteur général, Philippe Marini, « ménage l'avenir ».

C'est un budget courageux, qui parvient à conjuguer quatre baisses : baisse du déficit public, baisse de la dette par rapport au PIB, baisse des dépenses en volume et diminution du nombre de fonctionnaires, sans qu'il en résulte la moindre difficulté pour l'accomplissement des missions de service public.

Les dépenses de l'État baisseront d'un point en volume en 2007, après quatre années successives de stabilisation. A-t-on déjà connu, dans l'histoire de notre République, un tel effort, accompli sur une seule législature ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Jamais !

M. Henri de Raincourt. Si je pose ainsi la question, c'est que la réponse est négative ! Oui, mes chers collègues, c'est la première fois que cela se passe ainsi, alors, il faut le reconnaître !

La réduction des dépenses et des effectifs résulte directement des audits de modernisation qui ont été lancés par le ministère des finances et auxquels l'ensemble des ministères ont été associés ; elle constitue la traduction concrète de l'action du Gouvernement en faveur de la réforme de l'État, action qui devra être poursuivie et amplifiée dans les années à venir.

Ce budget est aussi juste, car il récompense les Français de leurs efforts sous forme de gains de pouvoir d'achat ; je pense notamment à la réforme de l'impôt sur le revenu. À ce propos, je veux redire que 80 % des bénéficiaires de cette réforme de l'impôt sur le revenu gagnent moins de 3 000 euros par mois. Doit-on, comme j'ai cru le comprendre voilà un instant, les considérer comme des privilégiés ?

À ceux qui jugent dérisoire la revalorisation de la prime pour l'emploi, je veux quand même rappeler les chiffres : cette prime passera à 942 euros en 2007, contre 708 euros l'année dernière. Je ne crois pas que cela soit dérisoire, ni pour les bénéficiaires, ni pour le budget de l'État, qui dépense ainsi un milliard d'euros ! Cette façon de présenter la revalorisation de la PPE est vraiment désobligeante pour ses bénéficiaires, car cette augmentation représente pour eux rien de moins qu'un treizième mois !

Nous trouvons aussi que ce budget est en cohérence avec les engagements pris depuis 2002 par les gouvernements de Jean-Pierre Raffarin et de Dominique de Villepin.

Les grandes priorités politiques que sont l'emploi, la restauration de l'autorité de l'État et la recherche sont financées. Les lois de programmation sont honorées. Quoi que j'aie entendu, les engagements pris envers les entreprises et les collectivités territoriales sont tenus.

À cet égard, le groupe UMP du Sénat se félicite de la reconduction du contrat de croissance et de solidarité, conformément à l'engagement pris par le Gouvernement devant notre assemblée. Elle assure une augmentation des dotations de l'État aux collectivités territoriales de près d'un milliard d'euros.

Malgré tous les efforts de nos contradicteurs, je ne suis toujours pas convaincu par leurs arguments pour essayer de nous faire croire que les transferts de compétences ont entraîné des transferts de charges. La source du problème, il faut plutôt la chercher, comme le rappelait M. le président de la commission des finances, dans la multiplication de mesures catégorielles qui alourdissent la facture pour les collectivités locales.

Remettons franchement et honnêtement les choses à leur place !

Surtout, en matière économique et sociale, les résultats sont éloquents : malgré l'accident de parcours du troisième trimestre, la croissance est là, et l'économie s'est remise à créer des emplois. C'est très facile d'essayer de manipuler les chiffres, mais les résultats sont incontestables : ce sont tout de même 200 000 emplois qui ont été créés. Quand le gouvernement de M. Jospin bénéficiait d'une conjoncture favorable, c'était à sa politique qu'il fallait en attribuer les résultats. Que l'actuel gouvernement en bénéficie à son tour, eh bien, non contents de minimiser les résultats, on s'efforce de les imputer à d'autres ! Essayons au moins de traiter tout le monde de la même manière !

Cette dernière discussion budgétaire de la législature doit également être l'occasion de clarifier les responsabilités des différents acteurs de la dépense publique. Les liens financiers entre l'État, la sécurité sociale et les collectivités locales sont de plus en plus complexes, comme l'ont montré récemment le débat organisé au Sénat sur les prélèvements obligatoires et la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Notre groupe suit de très près les modalités de mise en oeuvre de la décentralisation et de la réforme de la taxe professionnelle. Nous veillerons à ce que cette dernière atteigne son objectif : améliorer la compétitivité des entreprises et l'attractivité de notre pays sans placer les finances locales sous des contraintes excessives, au moins pour les plus raisonnables d'entre elles.

Dans son rapport, notre collègue Philippe Marini évoque un autre facteur de complexité, cette « agencisation de l'État » qui peut, selon lui, être un vecteur intéressant de modernisation de l'État, mais rend peu lisible la norme de dépense.

Il est vrai qu'aujourd'hui une clarification des responsabilités respectives des différents acteurs de la dépense publique s'impose.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Ah oui !

M. Henri de Raincourt. Ce débat nécessaire ne doit cependant pas occulter le débat politique. La complexité des flux de financement sert en effet trop souvent de paravent à l'irresponsabilité politique.

En matière de dépense publique, on ne doit pas oublier que ce sont les gouvernements de la précédente législature qui ont multiplié les dépenses pérennes et les emplois publics.

Ce sont eux qui ont imposé les 35 heures, une réforme si peu « participative », mais si coûteuse pour les finances publiques, les entreprises et la croissance !

M. Josselin de Rohan. Quelle belle réforme !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Dramatique, hélas !

M. Henri de Raincourt. Les 35 heures coûtent 11 milliards d'euros au budget de l'État, alors que les allégements de charges sur les bas salaires pèsent 8 milliards d'euros.

M. Henri de Raincourt. Quel paradoxe ! On peut en conclure que l'État est contraint de dépenser plus pour encourager l'inactivité que pour encourager le travail. On devrait quand même s'interroger ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Bonne remarque !

M. Henri de Raincourt. En matière de décentralisation, le débat sur les modalités d'application de l'Acte II ne doit pas dissimuler ce qui nous est arrivé entre 1987 et 2002, singulièrement avec l'APA, l'allocation personnalisée d'autonomie.

Je ne crois pas que l'on puisse mettre sur le même plan le transfert du RMI et celui de l'APA, car le premier est compensé à plus de 90 %, alors que le second ne l'est qu'à moins d'un tiers.

Il ne faut pas oublier non plus que les sommes en jeu sont incomparables : l'évolution des dépenses d'insertion est largement liée à la conjoncture, alors que celle des dépenses en faveur des personnes âgées est structurelle, massive et inéluctable, compte tenu du vieillissement de la population.

M. Charles Gautier. C'est vrai !

M. Henri de Raincourt. Les contribuables locaux ne doivent pas oublier que les conseils régionaux élus en 2004 ont utilisé le prétexte de la décentralisation pour augmenter les impôts dans des proportions considérables, alors même qu'aucune compétence majeure n'avait encore été transférée.

C'est ce qu'a démontré la commission d'enquête de l'Assemblée nationale de l'année dernière. Elle se prépare à renouveler l'exercice en 2007 en se penchant sur la hausse injustifiée de la TIPP.

M. Josselin de Rohan. Très juste !

M. Henri de Raincourt. Mme Ségolène Royal propose aujourd'hui de renforcer les compétences des régions. Compte tenu de ce qui vient de se passer précisément dans les régions, il n'est pas certain que cela contribue à une fiscalité juste pour les contribuables !

De même, lorsqu'on lui demande ce qu'elle compte faire concrètement pour soutenir la croissance, sa seule réponse est le retour de la confiance qui surgira, comme par magie, à l'issue de l'élection présidentielle, sous-entendu, la sienne ! (M. Josselin de Rohan s'esclaffe.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est un peu court !

M. Henri de Raincourt. Le projet du parti socialiste pour les élections présidentielles de 2007 est très éclairant.

Il y est, en effet, très peu question de compétitivité des entreprises et d'assainissement des finances publiques, mais beaucoup de nouvelles dépenses pérennes, de remise en cause de la réforme des retraites et, même, de renationalisation, d'EDF, en l'occurrence.

Cette propension à l'aggravation des comptes publics et à l'augmentation des impôts est chronique. Regardez donc l'augmentation de la fiscalité dans les régions depuis 2004 et vous aurez une idée de ce qui nous attendrait après 2007 si, par malheur, l'alternance démocratique devait intervenir !

Voilà, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles notre groupe soutient la politique courageuse menée par le Gouvernement tout au long de ces années. Nous avons le sentiment d'avoir fait le choix de la responsabilité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, dans une économie mondialisée, les capacités d'impulsion économique des États sont de plus en plus réduites.

Pour autant, notre stratégie budgétaire demeure fondamentale puisque ses orientations peuvent amplifier la croissance ou, au contraire, la ralentir. On peut d'ailleurs le constater en observant les rythmes de croissance aux États-Unis et dans la zone euro entre 2000 et 2005. À la suite de l'éclatement de la « bulle Internet », les États-Unis ont connu un net ralentissement en 2001 et en 2002 pour, ensuite, retrouver une croissance soutenue de 3 % durant ces dernières années.

Au même moment, la zone euro, qui avait une croissance supérieure à celle des États-Unis en 2000, a peiné jusqu'en 2005, avec une croissance faible, située autour de 1,3 %.

L'Observatoire français des conjonctures économiques, l'OFCE, considère que l'orientation des politiques budgétaires explique plus de la moitié de l'écart de croissance annuel moyen entre les deux continents.

Fort de ce constat, qui est d'ailleurs mis en évidence dans le dernier rapport du président de la délégation pour la planification, notre excellent collègue Joël Bourdin, il est utile de s'interroger sur la pertinence de la politique budgétaire française actuelle, ainsi que sur le problème de l'absence de politiques coopératives au sein de la zone euro.

S'agissant, tout d'abord, de notre pays puisqu'il est avant tout question de cela, je considère, monsieur le ministre délégué, que vos choix ne sont pas suffisamment volontaristes pour permettre d'obtenir un décollement de la croissance française qui ne soit pas seulement la résultante de la croissance des autres pays.

Conformément à la ligne tracée depuis quatre ans, vous avez fait le choix de l'orthodoxie budgétaire, celle qui est prônée par Bruxelles et la Banque centrale européenne : une stratégie monétariste, fondée sur des objectifs comptables, qui n'a rien d'une politique ambitieuse et créatrice de richesses.

L'objectif de maîtrise de la dette publique est, certes, louable. Mais il est important d'en déterminer le bon niveau afin de ne pas oblitérer notre potentiel de croissance. Le voeu de zéro déficit en 2040 peut être exaucé, sous réserve que la croissance atteigne 3 %.

Or, la politique que vous avez décidée coûte 0,7 point de croissance annuel. En effet, vous réduisez des dépenses publiques, qui sont pourtant un levier de la croissance par leurs effets sur le pouvoir d'achat, sans que soient créées, parallèlement, les conditions d'une « désépargne » privée.

La rigueur budgétaire impose de comprimer les dépenses publiques, alors que l'augmentation des taux d'intérêt programmée par la BCE risque aussi de tasser les dépenses des ménages et des entreprises. Alors, c'est vrai, on peut toujours bâtir un budget en dehors des problématiques macro-économiques : on débudgétise, on crée des agences, on institue de nouvelles mesures fiscales, on en supprime d'autres. On agite des chiffons rouges, tel le rapport Pébereau, pour justifier la sacro-sainte orthodoxie budgétaire, mais cela a surtout pour effet de plomber le moral des ménages et des entreprises.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut faire du déficit pour leur faire plaisir !

M. Yvon Collin. On fixe une norme comptable, un taux d'endettement inférieur à 60 % du PIB. On ne peut, certes, pas être contre cet objectif, mais il faut être certain de notre capacité de pouvoir le traduire sans effet boomerang sur la croissance.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Alors, que faut-il faire ?

M. Yvon Collin. Dans le contexte actuel, celui de politiques divergentes au sein de la zone euro, il y a fort à parier que chacun des États membres ne retire pas les bénéfices de sa stratégie individuelle et qu'en outre l'absence de coordination conduise à la déflation.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela, c'est très juste !

M. Yvon Collin. Comme je l'ai déjà dit ici l'an dernier, au risque de me répéter, il est essentiel de sortir d'une approche exclusivement franco-française de la politique économique.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Très bien !

M. Yvon Collin. Tous les pays européens ont à régler la même équation : stopper la dérive des finances publiques sans casser la croissance. Il est tout à fait illusoire d'espérer atteindre cet objectif tant qu'une impulsion ne sera pas donnée au niveau européen. Aujourd'hui, en effet, quand, l'Allemagne, par exemple, pratique une politique de désinflation compétitive, elle s'emploie finalement à prendre une part de croissance à ses partenaires. Or, ces derniers ne pourront pas accepter une dégradation continue de leur solde commercial, et on les comprend ! Et, si chacun réagit isolément, c'est l'ensemble de la zone euro qui, manifestement, en souffre.

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est l'euro qui en souffre !

M. Yvon Collin. L'euro aussi, en effet !

Compte tenu du degré d'interdépendance des économies européennes, il est nécessaire, monsieur le ministre délégué, d'harmoniser les politiques budgétaires.

Il est temps de dépasser les stratégies individuelles et de parvenir à une véritable coordination des politiques économiques en Europe afin de donner à celle-ci les moyens d'atteindre son véritable potentiel de croissance.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !

M. Yvon Collin. En attendant, puisque nous ne sommes pas dans cette logique, je m'attarderai sur le résultat de la stratégie individuelle menée par la France.

Puisque vous avez choisi l'orthodoxie budgétaire à tout prix, permettez-moi de dire, monsieur le ministre, que je ne partage pas les options que vous avez retenues dans ce cadre.

Au regard des indicateurs économiques, vous affichez un bel optimiste que, très sincèrement, j'aimerais partager. Mais, des chiffres à la réalité, qu'en est-il vraiment ? Quelle est, au quotidien, la traduction de votre politique ?

Nos concitoyens connaissent toujours autant de problèmes d'emploi et de logement. Les ménages les plus modestes subissent de fortes hausses des prélèvements, tandis que 1 % des foyers les plus aisés vont profiter d'un cadeau fiscal de 4 milliards d'euros lié à la refonte du barème de l'impôt. En 2005, on a compté 10 000 Rmistes de plus.

La liste est longue des maux dont souffre notre société. La précarité gagne du terrain et, il faut bien le dire, ce sont encore une fois les mêmes qui vont faire les frais d'une politique qui, sous le masque de la vertu budgétaire, ne prend pas, hélas ! le chemin d'une richesse partagée.

Telles sont les raisons pour lesquelles, monsieur le ministre, je ne voterai pas le projet de loi de finances qui nous est soumis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. Peut-être le voterez-vous avec les amendements de la commission des finances...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je ne puis vous applaudir que d'une main ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion du projet de loi de finances pour 2007 pourrait être l'occasion, pour une fois, de mettre en avant une conception renouvelée et moderne de l'impôt.

Comme nous avons déjà eu l'occasion de le souligner, notre pays est confronté à des enjeux décisifs en matière d'emploi, de développement de ses capacités de production, de recherche et d'innovation, de réponse aux urgences sociales les plus fortes en matière d'éducation, de santé, de lutte contre l'exclusion sociale, de solidarité intergénérationnelle, mais aussi de protection et de mise en valeur de l'environnement, de résolution des inégalités de développement des territoires, ainsi que de ségrégations et discriminations les plus diverses.

Face à ces enjeux, il y a deux possibilités d'action : soit l'on opte pour une politique publique faisant naturellement confiance aux acteurs de la vie économique et sociale, et le plus souvent au « marché », considéré comme « régulateur » ; soit l'on opte pour une intervention publique multiforme, susceptible de corriger les distorsions existantes au principe fondamental d'égalité entre les citoyens et entre les territoires où ils vivent.

Nous sommes parvenus, au terme de cette législature, à une situation où les politiques publiques sont devenues, pour l'essentiel, de simples politiques d'accompagnement des choix de gestion des entreprises et, plus précisément, des plus grandes d'entre elles, parfois, et même assez souvent, en concurrence directe avec les choix opérés par les plus petites.

Ces politiques d'accompagnement ont des traductions diverses, privilégiant en de nombreux domaines l'incitation fiscale, qui est moins transparente, à la dépense publique directe - à cet égard, les choix opérés depuis 2002 sont significatifs - ou, plus prosaïquement, la suppression de la dépense publique elle-même en décidant, d'une certaine manière, que ce n'est pas ou plus à l'État de prendre en charge tel ou tel champ de l'action publique.

S'il fallait d'ailleurs retenir de la législature écoulée quelques décisions marquantes, nul doute que ressortirait ce que certains ont voulu appeler l'« acte II » de la décentralisation, qui, de fait, n'est que l'abandon de missions d'État et leur transfert vers les collectivités territoriales.

De même, nous retiendrions probablement l'ensemble des mesures qui, au motif de réduire les impôts, n'ont fait que conforter le poids de la fiscalité indirecte au détriment de l'impôt progressif.

Tout a consisté, depuis 2002, à assujettir la politique budgétaire de la nation aux seuls impératifs de rentabilité des capitaux, aux seuls intérêts des détenteurs de patrimoines constitués sur le dos des salariés.

Quand vous accordez la priorité au remboursement de la dette publique et de ses intérêts, vous assurez, s'il en était encore besoin, les « fins de mois » de tous ceux - ils ne sont pas nombreux - qui en vivent grassement et tirent des placements en bons du Trésor et en obligations d'État une part significative de leurs revenus.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut diminuer la dette !

Mme Marie-France Beaufils. Ce sont tout de même plus ou moins 40 milliards d'euros que nous devons verser chaque année à ces créanciers, et il suffit d'un nouveau relèvement des taux par la Banque centrale européenne pour ajouter encore à la facture.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très juste !

Mme Marie-France Beaufils. Cela se fait toujours au détriment de la dépense publique et des services publics, traduction concrète de la présence de l'État dans la vie quotidienne de nos concitoyens, qu'il s'agisse de l'enseignant de leurs enfants, de l'îlotier de la police nationale ou du cantonnier de l'équipement, dont les postes sont peu à peu supprimés au nom de cette priorité que vous avez érigée en dogme.

Les dispositions fiscales que vous avez votées depuis le printemps 2002 n'ont fait qu'accroître les inégalités sociales puisque les impôts indirects liés à la consommation sont chaque année plus forts et plus présents dans l'ensemble des recettes de l'État, comme le rappelait Thierry Foucaud tout à l'heure.

Ce choix de la primauté accordée au remboursement de la dette publique sur toute autre dépense montre le degré d'instrumentalisation de la politique budgétaire de l'État au regard de la pression des marchés financiers.

Un budget de rupture avec cette politique est plus que jamais nécessaire, non pas une rupture vers un libéralisme encore plus dévastateur pour les populations les plus modestes, comme semble le préconiser l'un des ministres de ce gouvernement, mais la rupture avec une conception de l'action publique qui laisse de fait les habitants de notre pays à la seule merci des choix de la libre concurrence, choix qui sont en réalité des décisions de gestion des groupes prises sous l'emprise des actionnaires lors d'assemblées générales ou de comités stratégiques éloignés du terrain.

La rupture avec cette action publique, qui se contente de panser les plaies les plus apparentes et les blessures les plus vives en y apportant bien souvent des remèdes inefficaces, est indispensable pour redresser enfin la situation pour les millions de personnes - 7 millions si l'on en croit l'INSEE - vivant sous le seuil de pauvreté.

Quand on parle difficultés d'insertion dans l'emploi pour les jeunes, les chômeurs de longue durée ou les plus de cinquante ans, que fait-on ? On promeut des dispositifs de précarisation des emplois, comme le contrat nouvelle embauche, le CNE, dispositifs qui tirent l'ensemble des salaires et des qualifications vers le bas.

Quand on parle difficultés de logement des familles, que fait-on ? On offre une défiscalisation renforcée aux investisseurs privés, on transforme l'aide directe aux ménages pour l'accession à la propriété en crédit d'impôt pour leurs créanciers !

Quand on parle de retard ou d'échec scolaire, que fait-on ? On supprime plusieurs milliers de postes d'enseignants, en sortant la bonne vieille règle à calcul de la démographie scolaire, et l'on définit un socle de connaissances amoindri, assorti d'une orientation renforcée vers l'apprentissage précoce, vécue comme un échec personnel par les jeunes et leurs familles.

Une véritable réforme fiscale, complément nécessaire d'une refonte de l'action et de la dépense publiques, doit voir le jour. Nous ne comptons pas sur la majorité actuelle de cette assemblée pour la promouvoir et nous la verserons donc au débat devant les Françaises et les Français, appelés au printemps prochain à faire valoir leur choix par la voie du suffrage universel.

L'impôt sur le revenu doit être réformé, mais pour être plus efficace et éviter notamment, comme c'est aujourd'hui le cas, que le traitement de faveur accordé aux revenus du capital et du patrimoine devienne un obstacle à l'égalité de tous devant l'impôt.

L'impôt sur les sociétés doit être réformé pour que les plus petites entreprises soient enfin traitées à l'égal des plus grandes, passées maîtresses dans l'art de tirer parti de l'ensemble des dispositifs d'incitation et d'optimisation dont est truffée notre législation, sans que ces dispositifs ne fassent l'objet d'une véritable évaluation.

L'impôt sur le patrimoine, quelle que soit sa forme, ISF, droits de mutation et de succession, plus-values de cession, doit être réformé pour devenir plus juste et plus respectueux de la réalité de la fortune accumulée par quelques-uns au détriment du plus grand nombre. La valeur d'un patrimoine mobilier, ne l'oublions jamais, est toujours la résultante de l'accumulation du travail salarié dans les mains du détenteur de ce patrimoine. Que, d'une manière ou d'une autre, ce patrimoine revienne à la collectivité n'est finalement que l'expression de la plus élémentaire justice.

La fiscalité indirecte doit être réformée, qu'il s'agisse de la TVA comme de la TIPP, parce qu'elle pèse lourdement sur les foyers les plus modestes, d'autant que votre politique fiscale directe ne leur apporte pas la moindre amélioration du pouvoir d'achat.

La fiscalité locale doit être réformée, et cela passe notamment par une taxe professionnelle rénovée prenant en compte l'évolution de la situation économique depuis la création de cette taxe, ce qui offrirait de nouveaux moyens d'intervention pour les collectivités territoriales.

Cette indispensable réforme fiscale, fondée sur des principes de justice sociale et d'efficacité économique du prélèvement, nous ne pouvons bien entendu pas la mener dans le cadre du projet de loi de finances pour 2007, pure loi d'opportunité.

Cette réforme fiscale prendrait en fait le contre-pied de vos choix, qui consistent à réduire la participation des plus hauts revenus et des entreprises au budget de la nation, quitte à ce que vous nous expliquiez ensuite que l'État n'a plus de ressources suffisantes pour son action publique, qu'il transfère de plus en plus sur les collectivités territoriales ; mais nous aurons l'occasion mardi de revenir plus en détail sur ce sujet.

Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, le projet de budget que vous nous proposez n'est vraiment pas de nature à obtenir notre agrément, même avec les amendements de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé.

M. Éric Doligé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'exercice budgétaire revient chaque année en cette même période. Plus de 36 000 exécutifs s'y adonnent avec plus ou moins d'envie, et parfois avec inquiétude face aux incertitudes.

Vous pouvez vous satisfaire, monsieur le ministre, de ne pas être isolé dans cette situation budgétaire. Nous savons tous que la construction d'un budget est un art délicat, voire difficile, et qui influence la vie de notre société, de ses citoyens, de ses entreprises et de ses territoires.

Chaque élu est également soumis à de légitimes pressions.

Le monde de l'économie demande, avec raison, des allégements de charge et une simplification administrative afin de lui permettre d'évoluer à armes égales dans un monde de plus en plus réduit.

Les citoyens demandent moins d'impôts et plus de prestations.

Le monde associatif sollicite des augmentations de subventions toujours supérieures à la progression du produit intérieur brut.

Quant au corporatisme, il se réveille à nouveau à l'aube des discussions budgétaires, comme les débordements des pompiers, mardi, le démontrent.

À tout cela, nous sommes habitués, et nous connaissons les règles du jeu.

Dans toute assemblée, le budget est soumis à la discussion et au vote. C'est l'exercice que nous débutons aujourd'hui. À cette occasion, chacun peut librement exprimer satisfaction et critiques, poser des questions aux ministres et faire des propositions.

Pour ma part, j'aurais pu reprendre tous les termes du propos d'Henri de Raincourt, mais je formulerai simplement quelques remarques, quelques réflexions, quelques questions et propositions.

Je vous ai écouté avec attention, monsieur le ministre. Ne comptez pas sur moi pour vous critiquer. Je sais d'expérience que l'exercice budgétaire est difficile et, pour critiquer, il faut être en mesure de proposer mieux. De plus, ce projet de loi de finances, dont vous avez clairement dit qu'il était ambitieux, vertueux et juste, prévoit pour la première fois une diminution des dépenses de l'État, des impôts, des dettes et du déficit. Vous ne recevrez donc pas, je le répète, de critiques de ma part.

Au titre des remarques, le budget de l'État et ceux des collectivités sont désormais si étroitement imbriqués, monsieur le ministre, que vous pourriez parler de relations partenariales entre État et collectivités.

L'État, par ses multiples dotations, son pacte de stabilité, son fonds de compensation pour la TVA, sa contribution au RMI, participe de plus en plus à l'équilibre - voire aux risques de déséquilibre - des budgets locaux. Cela mérite donc d'être évoqué.

L'État a pris, au fil des années, une part de plus en plus prépondérante et significative dans les équilibres locaux, ce qui peut conduire à terme à une tentation de transférer des charges sans compensation intégrale.

M. François Marc. C'est une réalité !

M. Éric Doligé. Je sais fort bien que telle n'est pas l'intention du Gouvernement, et je connais cette bonne formule qui consiste en une compensation à l'euro près. La Constitution, de plus, est garante des bonnes pratiques.

Pour la plupart des départements, la recette des impôts locaux directs ne représente plus qu'un quart des ressources. Si l'on y ajoute les droits de mutation à titre onéreux, ou DMTO, on approche les 33 %. Toutes recettes locales confondues, nous sommes proches de la barre des 50 %.

Il me semble nécessaire d'étudier sérieusement l'autonomie financière des collectivités et l'impact des décisions budgétaires de l'État sur les budgets locaux.

J'émettrai une autre réflexion à ce sujet : le poids de l'État est renforcé par le choix qui a été fait, au fil des années, de transformer les budgets départementaux en guichets de distribution de prestations fixées par l'État - l'allocation personnalisée d'autonomie en est un exemple criant -, qui décide également des conditions d'attribution, donc du nombre d'attributaires.

Permettez-moi d'aborder le thème de la décentralisation, sincèrement, honnêtement, à l'instar d'Henri de Raincourt.

Dans le cadre d'un rapport d'étape commandé par l'Observatoire de la décentralisation, mis en place par le président Christian Poncelet et présidé par Jean Puech, je me suis contenté de décrire avec application la situation que connaissent au quotidien les départements et les régions, dans le cadre du transfert des personnels TOS de l'éducation nationale et de la direction départementale de l'équipement.

Je ne puis rien retirer de ce que j'ai écrit, sauf à trahir la réalité des auditions et des témoignages unanimes, ce qui n'est pas le rôle d'un rapporteur.

En revanche, je suis surpris de la mauvaise foi de certains exécutifs, qui prennent prétexte de la décentralisation pour opérer des hausses à répétition. Ce n'est pas donner une bonne image des collectivités.

L'État va jusqu'à dire qu'il est vertueux : c'est exact, puisqu'il diminue ses dépenses. Il peut donc à juste titre montrer du doigt les collectivités qui ne le sont pas. Si l'État veut persévérer dans cette attitude, je n'y vois pas d'inconvénient, mais il faut dans ce cas disposer d'éléments incontestables et donner les noms des « non vertueux ».

Je préciserai que la décentralisation ne peut être utilisée comme alibi pour justifier des 20 % à 50 % de hausse des budgets régionaux en 2005. Les recettes supplémentaires localement prélevées ont été employées pour assurer, par exemple, la gratuité des livres scolaires dans les lycées, l'achat d'ordinateurs pour les étudiants ou la création de chèques gratuits pour les lycéens.

Aucun de ces choix, que nous ne critiquons pas sur le fond, n'a de lien avec la décentralisation. Rien ne se rapporte à l'investissement.

La forte hausse prévue de la TIPP régionale ne peut pas non plus être portée au débit de la décentralisation. Nous ne connaissons pas encore l'effet réel des transferts, et nous devons continuer à travailler avec vous, monsieur le ministre, pour en déterminer la réalité et obtenir des compensations, si nous démontrons la nature des charges nouvelles.

Je souhaite que, dans la présentation budgétaire, nous puissions véritablement mesurer l'impact humain et financier de tous les actes de transfert. Sur le plan des effectifs, je ne suis pas parvenu à comprendre comment on mesurait l'impact du transfert des personnels. Nous savons cependant qu'en ce qui concerne les TOS toutes les estimations sont dépassées. C'est un véritable plébiscite en faveur de la fonction publique territoriale, malgré les tentatives d'entrave des syndicats, globalement très opposés à ce transfert ; ils ont heureusement échoué.

Mais le nombre des transferts est-il bien inscrit dans le budget de l'éducation nationale ? Les crédits correspondants sont-ils clairement individualisés ? Nous savons que ces crédits vont transiter par le budget du ministère des collectivités locales.

Comme l'a souligné M. le ministre, la France est classée première en matière de transparence financière. C'est très certainement vrai et extrêmement satisfaisant pour nous. L'année prochaine, cette règle de transparence dont nous sommes fiers devra s'appliquer à la compréhension des effets de la décentralisation.

En ce qui concerne l'emploi, monsieur le ministre, vous avez inscrit dans le projet de loi de finances que le nombre de fonctionnaires devrait être diminué de 15 000. M. le rapporteur général l'a dit, ce chiffre est encore proche de l'« épaisseur du trait », mais il s'agit d'une tendance positive, qui se poursuit depuis quatre ans.

Où se situent les transferts dans les documents budgétaires ?

Dans son intervention, M. le ministre a indiqué que les créations d'emploi devraient s'élever à 250 000 en 2007, dont 80 % dans le privé. Qui créera les 20 % restants ? Cela représente 50 000 emplois ! S'agira-t-il des associations, des collectivités locales ou de la fonction hospitalière ? Je souhaite que vous nous informiez à ce sujet, monsieur le ministre.

Une pratique récente peut également susciter des interrogations : la création d'emploi par des structures qui n'en sont pas les utilisateurs ; je veux parler des emplois de vie scolaire, ou EVS. Il s'agit probablement de 10 000 à 15 000 personnes, qui ont pour vocation d'intervenir dans les écoles primaires. L'éducation nationale les rémunère, mais ne veut pas les « porter » ; ils sont donc embauchés par les principaux de collège, qui veulent bien l'accepter. Ce ne sont a priori ni des fonctionnaires territoriaux ni des fonctionnaires d'État : dans quelle catégorie se situent-ils ?

Il nous faut ensuite réfléchir à notre capacité de favoriser l'entreprenariat et démontrer que l'État, au travers de son budget, perçoit l'importante contribution à l'intérêt général des entreprises, grandes ou petites.

À titre d'exemple, il serait souhaitable de ne pas laisser croire aux entreprises que leur action en matière d'insertion professionnelle des jeunes en difficulté n'est plus reconnue par l'État. Le fait de remettre en cause l'exonération des cotisations pourrait conduire à une légitime déception ; je souhaite que ce point particulier soit revu.

De même, si le durcissement de l'État quant au régime des acomptes d'impôt sur les sociétés se confirme, ce qui ne me paraît pas souhaitable, il serait de simple justice d'établir une réciprocité : si l'entreprise a trop versé, l'État doit au minimum lui verser un intérêt moratoire, calculé de la même façon que l'intérêt de retard infligé aux entreprises en cas de versement insuffisant.

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est vrai dans l'absolu !

M. Éric Doligé. Je présenterai un amendement dans ce sens.

Dans un domaine très différent, je partage l'interrogation de mon collègue François Gerbaud sur les orientations à venir en matière de transports : celles-ci me paraissent totalement déraisonnables financièrement. Depuis des années, nombre de départements, de régions ou de villes défendent l'aménagement de grandes infrastructures de transport ferroviaire, qui doivent permettre de réaliser la liaison Paris - Toulouse. Le coût de ces infrastructures est de 242 millions d'euros. Le président de RFF a annoncé par voie de presse un coût de 10 milliards d'euros, soit cinquante fois plus. Cela permet de mettre sur les rails un projet de substitution sans rapport, d'un coût de 1,3 milliard d'euros.

Un autre exemple, autoroutier celui-ci, met en présence un dossier sans intérêt d'un coût de 1,5 milliard d'euros et un projet tout à fait réaliste qui coûterait 700 millions d'euros.

On peut se poser la question de savoir si l'État centralisé n'a pas totalement oublié de se concerter en amont avec les élus locaux, qui pourraient l'aider à mieux orienter ses dépenses. La complexité administrative entraîne quelquefois des dépenses inconsidérées.

Le président Jean Arthuis l'a évoqué, l'État éprouve parfois la tentation forte de prendre des décisions dont il fait assurer le financement par des tiers ; l'exemple des pompiers est certainement le plus révélateur à cet égard. Montrer que l'État est potentiellement généreux avec les impôts des autres n'est pas acceptable. A l'avenir, les circuits de concertation et de décision devront être revus, même si le ministre délégué aux collectivités territoriales a heureusement fort bien compris l'ambiguïté de la situation que nous vivons actuellement.

Je souhaiterais également tuer le mythe de la « cagnotte des droits de mutation ». Il faut savoir que cette recette est très instable et que sa répartition territoriale est très inégale. Je ne vois pas l'intérêt de montrer du doigt les collectivités comme si elles étaient assises sur un trésor caché.

Je ne donnerai qu'un exemple, le Loiret, dont je suis élu, qui est très représentatif de la moyenne nationale. Entre 2002 et 2007, la charge nette non compensée de l'APA aura été de 126 millions d'euros. Parallèlement, la recette nette différentielle cumulée de DMTO, ou droits de mutation à titre onéreux, aura été de 50 millions d'euros, soit un écart de 76 millions d'euros. Une augmentation de 58 % en points d'impôts sur sept ans serait donc nécessaire pour compenser le seul coût de l'APA.

Telles sont, monsieur le ministre, les quelques observations dont je voulais vous faire part. Je confirme que ce projet de loi de finances, s'il est perfectible à la marge, comme le démontrent les amendements déposés par Philippe Marini, possède de grandes qualités : il tend non seulement à ménager l'avenir, mais aussi à le préparer. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.

M. Serge Dassault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de faire quelques observations sur ce projet de loi de finances.

Je commencerai par un peu d'arithmétique : vous proposez, monsieur le ministre, 267 milliards d'euros de dépenses et 225 milliards d'euros de recettes. Il manque donc 41,6 milliards d'euros, contre 42,7 milliards d'euros en 2006. Par conséquent, on assiste à une légère baisse de 1 milliard d'euros.

Le critère de Maëstricht est atteint, puisque cela correspond à 2,5 points du PIB. Tout le monde semble content. C'est un tort ! En effet, si l'on se félicite de cette situation, on oublie totalement qu'il sera nécessaire d'emprunter près de 42 milliards d'euros pour combler le déficit.

La dette de l'État augmentera, les frais financiers s'accroîtront, et 40 milliards d'euros de recettes fiscales vont ainsi partir en fumée. Il n'y a aucune raison pour que cela cesse, puisque ce déficit provient de dépenses de fonctionnement récurrentes, qui se renouvellent chaque année, et que l'on n'ose pas réduire. La question n'est pas seulement de réduire le déficit : il faut le faire disparaître !

Quelles sont ces dépenses de fonctionnement qui grèvent notre budget ? Il s'agit d'abord des dépenses entraînées par l'application des 35 heures, qui s'élèvent à 11 milliards d'euros. Ces dépenses, que nous devons à Mme Aubry, n'auraient jamais dû exister.

Qu'un gouvernement décide de réduire les horaires à 35 heures, c'est déjà une faute de gestion, dont les conséquences sont très lourdes pour notre économie. Mais qu'il accepte ensuite d'en payer les conséquences et grève le budget de 11 milliards d'euros pour que l'on travaille moins, c'est une erreur dramatique pour notre économie : non seulement on travaille moins, mais on paie pour cela !

C'est pourquoi l'on devrait sans complexe supprimer ce financement annuel, qui nécessite des emprunts que l'on ne pourra jamais rembourser et qui augmentent chaque année.

Il y a aussi le financement des charges sociales jusqu'à 1,6 fois la valeur du SMIC, soit 9 milliards d'euros, et les emplois aidés, pour 6 milliards d'euros.

Ce sont en tout 26 milliards d'euros que l'on retrouvera éternellement dans nos budgets et qui empêcheront la disparition du déficit et l'arrêt de notre endettement. Quand aura-t-on le courage d'arrêter cette hémorragie qui n'est plus supportable ? Ces dépenses sont reportées de budget en budget et rendent impossible toute réduction d'un déficit budgétaire, qui n'ira qu'en s'amplifiant.

On calcule aisément que, si l'on ne veut rien changer à ces dépenses et si l'on décide ainsi de ne pas ramener le déficit budgétaire à zéro, dans sept ans, le service de la dette représentera 60 milliards d'euros et absorbera la totalité de l'impôt sur le revenu. Si ce processus se poursuit, la dette sera de 2 500 milliards dans quatorze ans, et le service de la dette représentera 100 milliards d'euros, c'est-à-dire la moitié de nos recettes fiscales.

Autrement dit, si l'on ne veut rien changer à nos dépenses dans ce domaine, nos recettes fiscales seront peu à peu presque totalement absorbées par le service de la dette et financeront de moins en moins les dépenses budgétaires, ce qui nous obligera à emprunter de plus en plus.

On rentre dans un cercle infernal où le déficit va s'aggraver, nécessitant des emprunts de plus en plus importants, entraînant eux-mêmes une dette de plus en plus élevée, etc.

C'est d'ailleurs ce qui ressort du rapport Pébereau, dont il n'a pas été suffisamment tenu compte, et qui montre clairement que la dette ne prépare pas l'avenir et que le recours à l'endettement est le choix de la facilité.

C'est pourquoi je regrette que, dans ce projet de loi de finances, on n'ait pas commencé à prendre en considération ces problèmes. Le fera-t-on l'année prochaine ? Il faut réduire nos dépenses en supprimant les aides aux 35 heures, qui représentent, je le répète, 11 milliards d'euros.

Il y a des dépenses utiles, celles qui favorisent l'investissement et préparent l'avenir, mais il y a également des dépenses moins utiles, qui ne produisent aucune richesse, ce sont les dépenses de fonctionnement des entreprises.

Les aides rendues nécessaires par le passage obligatoire aux 35 heures avec la même rémunération qu'à 39 heures obligent l'État à emprunter 11 milliards d'euros chaque année pour ne pas compromettre l'activité des entreprises.

Mme Aubry n'avait évidemment pas calculé les conséquences coûteuses de ces 35 heures, pas plus d'ailleurs que ceux qui proposent aujourd'hui d'augmenter le SMIC à 1 500 euros, sans se préoccuper de l'impact financier de cette mesure. Qui paiera la différence aux entreprises ? Ce n'est pas l'État, qui n'est plus en mesure de le faire.

Ce sont des irresponsables, qui sacrifient la gestion de nos entreprises et de l'État à des objectifs électoraux. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) C'est la vérité, mes chers collègues ! Nous devons être très attentifs, et mesurer que nous ne devons pas augmenter les dépenses uniquement pour faire plaisir aux électeurs.

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est vrai !

Mme Marie-France Beaufils. Et comment vit-on avec 720 euros par mois ?

M. Serge Dassault. Ainsi l'État doit-il emprunter chaque année 11 milliards d'euros pour permettre aux Français de travailler moins. Ce n'est pas une bonne gestion, et il faut que cela cesse ! Songez, monsieur le ministre, à ce que serait votre budget avec 11 milliards d'euros de dépenses, et donc de déficit, en moins !

Pourquoi, par exemple, ne pas supprimer le paiement par les entreprises des heures dites supplémentaires jusqu'à 39 heures par semaine ? Les salaires seraient inchangés après le relèvement de 35 à 39 heures, comme ils sont restés les mêmes quand la durée du travail est passée de 39 à 35 heures, ce qui permettrait de réduire partiellement les aides versées par l'État.

Dans une entreprise, quand on veut réaliser des investissements, on cherche les moyens de les financer, et s'il n'y en a pas, on renonce ! Pourquoi l'État ne renoncerait-il pas à assurer des financements qu'il ne peut plus supporter, sauf à laisser croître ses charges à l'infini ?

Quand l'État ne dispose pas de l'argent nécessaire, il emprunte, même si c'est pour financer des dépenses de fonctionnement, ce qui est totalement interdit par les codes de bonne gestion financière. Avec un tel système, nous sommes sûrs de ne jamais parvenir à rembourser la dette, car de telles charges sont récurrentes et reviennent chaque année, et il devient impossible non seulement de rembourser les sommes empruntées, mais même de diminuer la charge de la dette.

Dans ces conditions, pourquoi ne pas refuser une dépense irréalisable et, de plus, dangereuse pour notre économie ?

Car il ne faut pas rêver, mes chers collègues. Certes, nous pouvons affirmer que tout le monde est content de travailler moins - ce qui, d'ailleurs, n'est pas vrai, car nombre de salariés préféreraient travailler plus pour gagner plus - et qu'il est impossible de revenir sur la décision de passer aux 35 heures.

Toutefois, nous pouvons aussi nous rendre compte des ravages provoqués par ces 35 heures dans la production des entreprises, dont le coût augmente, ce qui réduit nos ventes, favorise le chômage et les délocalisations - car ailleurs, mes chers collègues, on travaille plus et la main-d'oeuvre coûte moins cher ! - et rend plus difficile le fonctionnement des services publics.

Ainsi, nous le savons, les hôpitaux ne parviennent plus à rendre les services attendus par les malades, parce que les infirmières partent à cause des 35 heures et qu'il n'est pas possible, compte tenu de la situation du budget de la sécurité sociale, de recruter du personnel à l'infini.

Mes chers collègues, nous ne pouvons pas laisser la situation se dégrader sous prétexte qu'agir ferait de la peine à certains ! Nous ne pouvons continuer à emprunter et à accroître nos charges financières, car nous n'en avons tout simplement plus les moyens.

L'État n'a plus les moyens de financer les 35 heures. Dès lors, pourquoi ne pas y renoncer ? Disons-le clairement, expliquons à l'opinion qu'il est préférable de mettre fin à la croissance de l'endettement et de la charge de la dette de l'État, car travailler moins compromet nos emplois.

C'est ce que je ferais si j'étais ministre des finances. En effet, l'État ne peut plus supporter une augmentation permanente de sa dette. Quand on ne peut pas payer, on ne paye pas ! Il n'est qu'à dire que nous ne pouvons plus financer les 35 heures ! Sinon nous allons à la faillite.

Mais ce n'est pas tout ! Nous avons également décidé de payer aux entreprises qui utilisent du personnel payé jusqu'à 1,6 fois le SMIC l'augmentation des charges dues aux décisions politiques de hausse de ce salaire. Il s'agit d'une mesure très dangereuse pour notre économie, qui coûte quelque 9 milliards d'euros, ce qui, là encore, n'est pas supportable.

Alors, je voudrais faire une proposition, que j'ai déjà formulée dans cet hémicycle, à l'occasion d'autres débats : pourquoi faire financer par le budget de l'État les charges sociales que les entreprises ne paient pas ? Rien ne nous y oblige ! Nous pouvons supprimer ou réduire les charges des entreprises dans certains cas, mais je ne vois pas pourquoi l'État comblerait le déficit de la sécurité sociale !

Grâce à ma proposition, monsieur le ministre, vous économiseriez d'un coup 9 milliards d'euros, et le déficit de votre budget serait réduit d'autant.

Certes, les pertes de la sécurité sociale augmenteraient en proportion, mais pourquoi ne pas trouver d'autres sources de financement afin de les réduire, comme, par exemple, la création d'un coefficient d'activité ou d'une part de TVA sociale ? Cette dernière proposition, que j'ai déjà eu l'occasion de formuler, n'a pas rencontré un grand succès pour l'instant, mais je souhaiterais tout de même qu'elle soit étudiée à fond.

Je le rappelle, en 1997, voilà seulement neuf ans, toutes ces charges n'existaient pas, à l'exception d'une somme modeste de 197 millions d'euros due à l'exonération liée au dispositif de Robien. À l'époque, notre déficit budgétaire était réduit : il n'y avait ni les 35 heures, ni les charges liées au SMIC, ni ces 19 milliards d'euros d'aides qui, aujourd'hui, compromettent nos activités !

Monsieur le ministre, vous avez maintes fois annoncé, comme le Président de la République, que la lutte contre le chômage constituait votre priorité, et c'est vrai. Or, je vous le rappelle, à l'exception des emplois aidés, qui figurent dans ce budget et dont je voudrais mesurer l'efficacité et le coût, seule la flexibilité du travail, ainsi que, pour les salariés, ce que l'on peut qualifier de « flexsécurité » sont susceptibles de faciliter les embauches.

En effet, quels que soient les adversaires de la flexibilité, qui pointent toujours le risque de la précarité - alors que celle-ci existe de toute façon -, aucune entreprise n'embauchera un salarié si elle ne peut pas le licencier dans le cas où sa charge de travail diminuerait, ce qui, malheureusement, arrive souvent. Les entreprises qui ne peuvent pas licencier n'embauchent pas, et, par conséquent, le chômage augmente.

C'est pourquoi les CNE constituent d'excellentes formules, qui se révèlent très efficaces et créent de vrais emplois ; leur seul inconvénient est d'être limités aux entreprises de moins de vingt salariés. Pourquoi ne pas les étendre aux entreprises qui comptent entre vingt et cinquante salariés, ou même davantage ? Une telle mesure réduirait le chômage, car les entreprises pourraient embaucher.

D'ailleurs, cela ne signifie pas que ces entreprises licencieront au bout de deux ans : une société ne se sépare pas d'un salarié si elle a du travail à lui proposer et s'il fait bien son travail !

M. Marc Massion. Tout cela n'a rien à voir avec le budget !

M. Serge Dassault. Mes chers collègues, je reviens de Chine et je suis inquiet, car à chaque voyage dans ce pays je constate l'extraordinaire croissance, le travail accompli, la multiplication des immeubles modernes, la grande qualité des produits qui sont fabriqués, dans tous les domaines, à un coût réduit, et qui sont prêts à inonder nos marchés.

En Chine, on se sent dans un autre monde. L'activité est tout autre, l'ambiance différente, et j'avoue avoir froid dans le dos quand j'observe notre immobilisme, le retard de nos productions, nos coûts trop élevés, notre peur du changement, la lutte des classes paralysante, qui n'existe pas en Chine (Sourires.),...

M. Philippe Marini, rapporteur général. Le parti communiste chinois a beaucoup changé !

M. Serge Dassault.... et ne subsiste plus qu'en France, nos avantages acquis dont nous n'osons pas nous défaire.

Mes chers collègues, notre situation financière est critique. Il faut arrêter d'accroître nos emprunts et notre déficit, et chacun doit comprendre que ce ne sera pas en voulant conserver ces prétendus avantages acquis que nous résoudrons nos problèmes, loin de là !

Voilà, monsieur le ministre, ce que je voulais vous indiquer. Je vous l'ai déjà dit à plusieurs reprises, mais le temps presse, et il faut agir vite, quels qu'en soient les inconvénients immédiats.

L'année dernière, j'avais tenu à peu près les mêmes propos, sous une forme différente. Vous m'aviez proposé de faire réaliser une étude plus approfondie de mes propositions. Je me tiens toujours à votre disposition (Sourires.), afin d'aller plus loin dans ces domaines fondamentaux pour l'avenir économique et financier de notre pays. Il vaut mieux prendre des décisions qui ne plaisent pas à tout le monde que ne rien faire du tout et aller à la catastrophe !

Monsieur le ministre, je compte sur vous pour poursuivre ce débat. Naturellement, ce n'étaient là que des observations, et je voterai ce budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, à l'issue de cette discussion générale, permettez-moi de souligner le plaisir que j'ai eu à écouter chacune de vos interventions, qu'elles émanent de la majorité ou de l'opposition d'ailleurs, même si, pour tout vous dire, mes oreilles ont parfois sifflé !

Tout cela m'incite à vous communiquer, sans plus attendre, un certain nombre d'éléments de réponse.

Tout d'abord, monsieur le rapporteur général, je vous remercie de votre présentation lumineuse de ce projet de loi. Je dois dire que la Haute Assemblée a véritablement innové en utilisant dans son hémicycle des écrans, qui permettent de mettre en perspective de manière très didactique l'évolution de nos finances publiques.

D'ailleurs, j'ai trouvé qu'un certain nombre des tableaux que vous avez présentés étaient très élogieux pour la gestion des gouvernements qui se sont succédé depuis le début de cette législature. Certes, d'autres tableaux nous ont montré les progrès qu'il reste à accomplir, mais l'ensemble était plutôt encourageant.

J'ose espérer qu'au vu de ces chiffres, qui reflètent des faits non contestables, l'opposition a éprouvé quelques remords pour ce qui n'avait pas été fait auparavant, et en tout cas qu'elle a trouvé quelques raisons de se laisser convaincre qu'il n'est d'autre solution que la poursuite de la baisse de la dépense publique, la modernisation de la gestion de l'État et la réduction des déficits.

Sans vouloir sortir de mon rôle, je ne saurais trop recommander que ces écrans soient utilisés en d'autres occasions. Je crois que le Gouvernement trouverait quelque utilité à pouvoir s'appuyer sur ces supports, afin d'apporter, lui aussi, un éclairage sur ces sujets.

Dans l'utilisation de ces écrans, il y a un message qui mérite d'être particulièrement relevé : c'est celui de la nécessaire pédagogie.

En effet, nous avons besoin d'évoquer avec nos compatriotes des faits objectifs. C'est sans doute la meilleure manière de faire en sorte que l'économie et l'idéologie divorcent une fois pour toutes, et qu'ainsi, sur la base de faits objectifs, progresse un débat qui nous engage tous et sur lequel se sont largement orientés de très nombreux pays étrangers.

Monsieur de Montesquiou, j'ai été sensible aux propos que vous avez tenus sur la nécessité de procéder à des comparaisons internationales ; j'en suis un fervent militant.

D'ailleurs, j'ai souhaité que ces comparaisons soient l'une des marques de fabrique du club de réflexion que j'ai créé voilà quelques semaines, et qui s'appelle « GenerationFrance.fr », afin de situer dans une perspective internationale les politiques conduites en France.

Monsieur le rapporteur général, vous avez évoqué, à juste titre, « un budget qui ménage l'avenir ». Au travers de cette formule, vous indiquiez que nous nous apprêtions à mettre à la disposition des gouvernements de la prochaine législature des finances publiques saines, conformément à l'esprit de responsabilité qui nous a guidés. Notre objectif est en effet de mettre en oeuvre et de financer les politiques publiques sur lesquelles nous nous sommes engagés, tout en ayant à coeur de ne pas obérer les marges de manoeuvres budgétaires pour l'avenir.

En ce qui concerne les opérateurs, je partage entièrement votre souci de faire du développement des agences de l'État un vecteur de modernisation et de transparence. Je comprends tout à fait votre inquiétude sur ce sujet. D'ailleurs, je vous le confirme, nous veillons à ce que ces opérateurs, qui ont reçu le statut d'agences pour que leurs missions soient mieux identifiées, soient gérés de façon parfaitement transparente. Ils ne participent en aucun cas d'une logique de débudgétisation, qui viserait à faciliter je ne sais quelles dérives des dépenses publiques.

L'objectif est de concentrer l'effort sur des missions prioritaires spécifiques, ce qui est particulièrement important, notamment dans le domaine de la recherche.

D'ailleurs, le nouveau « jaune » budgétaire, qui présente le budget des agences de l'État, permet de disposer enfin d'une vision globale sur ces opérateurs, leurs ressources et leurs emplois, ce qui constitue, me semble-t-il, un progrès important en matière de pédagogie budgétaire.

Enfin, l'un des audits que j'ai lancés porte spécifiquement sur le pilotage et la tutelle des opérateurs, en commençant par la culture,...

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est un bon début !

M. Jean-François Copé, ministre délégué.... ce qui, là encore, devrait fournir un éclairage intéressant.

Monsieur le président de la commission, j'ai apprécié à leur juste valeur les propos que vous avez tenus sur ce budget, car je connais l'exigence qui est la vôtre en la matière, ainsi que celle de M. le rapporteur général, d'ailleurs. D'autant que vous avez eu l'amabilité de reconnaître que ce projet de loi de finances permettait des avancées significatives, même si, chacun le comprend, des progrès restent à accomplir.

Vous avez souligné les enjeux fondamentaux de ce budget : il redonne espoir, il démontre qu'il est possible de faire bouger les lignes, de maîtriser les dépenses, de baisser les impôts, de réduire les déficits.

Si nous obtenons des résultats, c'est parce que nous nous sommes fixé des exigences ambitieuses, par exemple affecter les plus-values de recettes au désendettement, être prudents sur nos prévisions de recettes et, surtout, être transparents. C'est d'ailleurs l'un des apports les plus fondamentaux de la LOLF que d'avoir transformé le budget de l'État en une maison de verre. Le temps où l'on pouvait dissimuler telle ou telle dépense dans des masses illisibles est révolu ! Et, s'il ne l'est pas encore complètement cette année, il le sera très bientôt.

De la même manière, il faudra que le bilan d'ouverture, auquel nous travaillons activement avec la commission des finances, soit le reflet le plus exact et le plus sincère de la situation des comptes, en intégrant fidèlement les créances et les dettes.

Le débat sur les provisions est ouvert ; nous en avons parlé hier en commission. Je considère qu'il nous faut être très vigilants sur nos choix en la matière. Certains nous demandent d'intégrer les provisions sur les risques naturels : cela me paraît difficile, ne serait-ce que parce qu'il n'est pas possible d'anticiper tous les risques naturels. S'agissant de l'intégration des provisions sur les régimes spéciaux de retraite, nous voyons bien les limites de l'exercice : les normes internationales prévoient que les retraites des fonctionnaires de l'État sont hors bilan.

Par ailleurs, je ne voudrais pas que l'on puisse y voir un message de déresponsabilisation. Si l'État affiche qu'il a provisionné tous les risques, d'aucuns se diront : « L'État payera ! », et ils empêcheront ceux qui voudraient engager des réformes de structure d'agir.

Il faudra trancher à cet égard ! Personne ne peut avoir de certitudes, mais je voulais verser cette interprétation au débat.

S'agissant de la certification des comptes, en tout état de cause, il faut que les règles du jeu soient claires ; rien ne serait pire que l'ambiguïté. Je sais que les comptes certifiés le seront avec réserve, ne serait-ce que parce que le certificateur ne pourra pas finir la totalité du travail, compte tenu du délai qui est imparti sur tous les sujets. Nous devons donc avancer progressivement. Il faut le dire, pour ne pas susciter d'inquiétude inutile.

L'autre enjeu, c'est la réforme de l'État : grâce aux audits, elle est en marche. Monsieur le président de la commission des finances, vous avez suggéré d'étendre les audits à la protection sociale. J'avoue ne pas avoir abordé ce sujet avec la commission des affaires sociales, car il m'a paru inutile d'en rajouter sur ces certitudes, qui ne sont rien d'autre que des interrogations vertueuses. Il n'en reste pas moins que, dans ce domaine également, il faudra un jour poser toutes les questions avec sincérité.

La maîtrise des dépenses concerne effectivement tous les acteurs : les collectivités locales, la sécurité sociale, l'État. J'attends beaucoup de la mission confiée à Pierre Richard sur le pilotage et la maîtrise de la dépense locale.

Bref, il s'agit là de sujets nombreux sur lesquels nous allons pouvoir travailler avec intérêt et enthousiasme tout au long de l'examen de ce projet de loi de finances.

M. Jégou m'a paru un peu sévère, notamment en contestant nos hypothèses de croissance

M. François Marc. Il a été réaliste !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. On ne peut pas nous reprocher d'avoir été prudents ! Nous l'avons été l'année dernière, nous le sommes encore cette année, et nous avons bien raison.

Si je n'hésite jamais à être ambitieux dans les autres domaines, je suis toujours très réservé sur les prévisions économiques : je les écoute, je les lis avec beaucoup d'intérêt et d'attention, et je retranche toujours 20 %. C'est finalement une bonne manière d'éviter les mauvaises surprises.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il vaut mieux avoir de bonnes surprises !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Le gouvernement de Lionel Jospin avait présenté des prévisions de croissance très optimistes, ce qui explique la situation tout à fait désolante dans laquelle s'est retrouvé notre pays à la fin de l'année 2002 et le déficit excessif.

M. François Marc. Il a fait mieux que vous !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Non, malheureusement, il n'a pas fait mieux que nous ! En revanche, nous avons réparé les dégâts.

M. Jégou a également émis des doutes sur la réalité de la baisse de la dépense de l'État. Sur ce point, je tiens à apporter quelques précisions.

Nous pouvons discuter du périmètre à partir duquel est mesurée l'évolution de la dépense. J'ai d'ailleurs eu ce débat à l'Assemblée nationale avec Charles de Courson, qui appartient à la même famille politique que M. Jégou ; il y a donc là une certaine cohérence ! Mais que l'on ne dise pas que la dépense de l'État ne baisse pas par rapport à l'année dernière : c'est inexact ! Nous avons travaillé sur le même périmètre de dépenses et je suis donc en mesure de confirmer que, pour la première fois depuis très longtemps, la dépense de l'État baisse d'un point par rapport à l'inflation.

Monsieur Foucaud, vous avez été, vous, très sévère !

M. Thierry Foucaud. Pas assez !

M. Aymeri de Montesquiou. Qui aime bien châtie bien ! (Sourires.)

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Vous avez absolument tout critiqué ! Pour être franc, je le regrette un peu, car, même si nous ne partageons aucune idée politique, sinon le respect de la République, j'espérais que vous trouveriez quelques aspects positifs à ce projet de loi de finances. En effet, lorsque nous baissons les impôts comme nous le faisons, c'est tout de même au bénéfice du pouvoir d'achat des Français,...

Mme Marie-France Beaufils. Qui en profite ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué.... en particulier de ceux qui paient l'impôt sur le revenu, c'est-à-dire de ceux qui travaillent.

M. François Marc. Il y a beaucoup de travailleurs pauvres !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je suis persuadé que, parmi eux, certains auraient rêvé de voter communiste, mais, en constatant que vous les critiquez, ils n'ont plus du tout envie de le faire. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

Je reconnais que ce n'est pas vous qui avez engagé la baisse de l'impôt sur le revenu. Toutefois, sur ce sujet, vous pouvez pour une fois reconnaître les résultats positifs.

Vous critiquez également l'augmentation de la prime pour l'emploi. Vous semblez oublier que, grâce à cette augmentation, la prime pour l'emploi équivaut maintenant à un treizième mois pour une personne qui gagne le SMIC. Cette mesure ne mérite pas d'être balayée d'un revers de main !

Mme Marie-France Beaufils. Ce n'est pas la bonne démarche !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Déposez un amendement de suppression !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Il est dommage que vous considériez la fiscalité comme une sanction : elle ne sert pas uniquement à « faire payer les riches », comme disait Robin des bois ! Les temps ont changé : aujourd'hui, ce qui compte, c'est que l'impôt serve à financer le service public et qu'il ne soit pas trop lourd pour ne pas casser la croissance, le pouvoir d'achat, l'investissement, et pousser ceux qui le peuvent à quitter la France.

Ne perdons pas de vue que nous avons vocation à nous moderniser en observant ce qui se passe dans les autres pays. Je suis persuadé que les autres partis socialistes et communistes européens ont fait cette analyse et se gardent bien de préconiser en permanence des hausses d'impôt : ils savent qu'ils perdraient alors la matière fiscale et n'auraient plus que leurs yeux pour pleurer, car ce serait alors les plus modestes qui devraient payer pour les autres. Je vous invite à réfléchir à ce paradoxe maintenant que, vous aussi, vous élaborez votre plateforme pour les prochaines élections présidentielles.

Monsieur Angels, je vous connaissais plus calme, plus modéré dans les jugements que vous portez.

M. François Marc. Il l'est toujours ! (Sourires.)

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Or vous avez prononcé un tel réquisitoire que je ne vous reconnaissais plus !

La réforme fiscale ne trouve pas non plus grâce à vos yeux ! Pourtant, je pourrais vous faire presque la même réponse qu'à M. Foucaud.

Ainsi, vous avez fortement critiqué la prime pour l'emploi. Pourtant, c'est le gouvernement Jospin qui l'a créée !

M. Bernard Angels. Ce n'était pas la même !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Non, vous avez raison, nous avons quadruplé son montant : maintenant, c'est une véritable prime pour l'emploi, qui représente l'équivalent d'un SMIC.

Mme Marie-France Beaufils. C'est une prime aux bas salaires !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Ce n'est pas rien pour les gens qui travaillent !

Monsieur Angels, que penseront les 9 millions de bénéficiaires de la prime pour l'emploi lorsqu'ils découvriront qu'ici même, à la tribune du Sénat, l'éminente personnalité socialiste que vous êtes a critiqué cette mesure ? Ils pourraient se demander avec inquiétude si vous supprimeriez la prime pour l'emploi, si jamais une alternance devait avoir lieu et que la gauche revenait au pouvoir, ce que je ne souhaite pas, naturellement, ne serait-ce que pour cette raison.

Cela signifierait une perte de pouvoir d'achat considérable pour les salariés modestes !

M. François Marc. On augmenterait le SMIC de 15 % !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Si vous augmentiez le SMIC,...

M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous augmentez tout le monde !

Mme Marie-France Beaufils. Augmenter les actionnaires ne vous gêne pas !

M. Jean-François Copé, ministre délégué.... vous feriez du SMIC un plafond de verre. Or l'objectif est de permettre de gagner plus que le SMIC. C'est pour nous un élément majeur !

Quant aux comparaisons entre la législature actuelle et la législature précédente, monsieur Angels, je ne sais pas si vous avez raison de vous risquer sur ce terrain glissant. La présentation que nous a faite ce matin le rapporteur général est éclairante : entre 1997 et 2002, le déficit structurel a augmenté de 1,8 point, alors qu'il aura diminué de 1,5 point entre 2002 et 2007. Pourtant, contrairement à nous, le gouvernement de Lionel Jospin a bénéficié d'une croissance exceptionnelle.

À l'heure du bilan, il nous faudra bien mettre ces chiffres en perspective, afin que chaque Française et chaque Français renoncent définitivement aux risques du jury populaire. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)

Monsieur de Montesquiou, j'ai écouté avec beaucoup d'attention votre intéressante intervention et j'ai été très heureux de voir que nous accordions la même valeur aux comparaisons internationales. Sur ce sujet, nous avons beaucoup de choses à faire ensemble.

Ainsi, pour mettre en oeuvre les audits, je me suis inspiré des techniques canadiennes. J'avoue n'avoir rien inventé : j'ai observé le travail exemplaire qu'a réalisé ce pays pour maîtriser la dépense de l'État et les résultats spectaculaires qui ont été obtenus.

Dans le domaine des nouvelles technologies, nous nous sommes inspirés de ce qui se fait en Asie, notamment à Singapour, avec l'utilisation d'Internet. Sur ma demande, la Direction générale de la modernisation de l'État a recruté des fonctionnaires étrangers, originaires du Canada, d'Italie, d'Espagne, d'Allemagne, afin de retenir les meilleures pratiques.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Cette démarche doit être appliquée à tous les aspects du budget, qu'il s'agisse du bouclier fiscal, expérimenté au Danemark, ou de la refonte du barème de l'impôt sur le revenu, empruntée à l'Espagne.

Faut-il aller plus loin dans ces domaines fiscaux ? Vous avez fait l'éloge de la TVA sociale, de façon plus appuyée, cette fois, que le président de la commission des finances, au point que je me suis demandé si celui-ci n'était pas tout à coup saisi par le doute.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Pas du tout ! J'entends dissiper tout malentendu !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Me voilà rassuré ! Pour MM. Arthuis et de Montesquiou, la TVA sociale est donc un combat commun !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Absolument !

M. Aymeri de Montesquiou. Quand la mettrons-nous en application ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Continuons d'en débattre !

M. François Marc. Le débat fait rage !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Il nous faut être bien conscients de toutes les conséquences d'une telle mesure ! Nous avons abordé de sujet lors du débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution, et je suis persuadé que nous aurons l'occasion d'y revenir lors de l'examen de ce projet de loi de finances.

Monsieur de Montesquiou, vous vous êtes également interrogé sur le rôle des audits dans les effectifs de l'État. Ceux-ci nous ont aidés à déterminer le nombre de fonctionnaires qui ne seraient pas remplacés après leur départ en retraite : cette année, ils seront 15 000. Je peux donc démontrer, au fonctionnaire près, comment, sur la base des audits réalisés, nous avons pris des décisions, qui ont été retenues par le Premier ministre à la suite de la concertation avec l'ensemble des ministres.

Monsieur de Raincourt, je tiens à vous remercier de vos propos, que j'ai écoutés avec beaucoup d'attention : l'éloge que vous avez bien voulu adresser au Gouvernement sur le travail qu'il a accompli m'a touché.

Je connais le rôle d'un groupe majoritaire, qui doit être aux côtés de son Gouvernement et le soutenir. Toutefois, voilà cinq ans que j'exerce des responsabilités ministérielles - certes, à des postes divers, puisque le Président de la République m'a fait l'honneur de m'en confier plusieurs, à la suite et parfois même ensemble (Sourires) -,...

M. Jean-François Copé, ministre délégué.... et j'ai pu mesurer combien la majorité avait tendance, tout en accordant son soutien au Gouvernement, à exprimer de plus en plus librement son point de vue. C'est bien légitime !

Je sais, cependant, que nous sommes en phase. À titre personnel, je veux vous exprimer, en cet instant, ma satisfaction de pouvoir être totalement en cohérence avec nos valeurs, avec les engagements pris devant la majorité sénatoriale et devant les Français. En fin de législature, il est important de pouvoir présenter un projet de budget allant dans ce sens. La baisse de la dépense de l'État, des impôts, la diminution non négligeable du déficit, à hauteur de 15 milliards d'euros depuis 2003, et la réduction de la dette correspondent à des engagements forts et importants.

Vous avez évoqué, avec raison, les relations entre l'État, les collectivités locales et la sécurité sociale, monsieur de Raincourt. Le Conseil d'orientation des finances publiques a vocation à « mettre les pieds dans le plat », à traiter ce sujet dans le détail. Comme je l'ai indiqué ce matin devant le Congrès de l'Association des maires de France, nous devons lever tous les malentendus et associer davantage les collectivités locales à toutes les décisions prises.

La rémunération de la fonction publique territoriale constitue, en la matière, le bon exemple ; M. Doligé l'a également évoquée. Chacun comprend bien que ne peuvent pas être éternellement prises depuis Paris des décisions ayant des incidences directes sur les budgets des collectivités locales, sans que ces dernières y soient pleinement associées en amont.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Dites-le à vos collègues !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. De ce point de vue, nous avons d'ailleurs beaucoup progressé - et je formule cette remarque sous le contrôle de M. Fourcade -, grâce à la commission consultative sur l'évaluation des charges.

Le Gouvernement a une position dépourvue d'ambiguïté vis-à-vis des élus locaux régionaux, départementaux ou communaux pour ce qui concerne les chèques compensatoires qu'il a signés, même au-delà de que prévoit la loi. Je pense, à cet égard, à la compensation du transfert des personnels TOS, du RMI, deux exemples très concrets.

Par ailleurs, chacun comprend que l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, soulève une difficulté majeure. Elle ne résulte pas des lois de décentralisation, puisqu'elle leur est antérieure. En effet, cette allocation est due à une bonne et belle idée de M. Jospin, mais ses modalités de mise en oeuvre présentaient quelques failles. En effet, le gouvernement de l'époque s'était approprié le résultat politique de la mesure et avait simplement demandé aux conseils généraux d'en assumer la charge financière. Je déplore qu'une partie des membres de l'Assemblée des départements de France ne le reconnaisse pas et ne le regrette pas davantage...

Certains critiquent la gestion gouvernementale et départementale du RMI. J'aimerais qu'ils consacrent au moins autant de temps à parler de l'APA, comme vous l'avez fait avec justesse, messieurs de Raincourt et Doligé.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Monsieur Collin, je vous ai écouté avec attention. Vous avez souligné, à juste titre, que la France devait inscrire sa politique économique dans le cadre européen.

En vous entendant parler de l'assainissement des finances publiques, de la mise en oeuvre de réformes de structure, de l'adaptation de notre fiscalité, j'ai presque espéré que vous nous annonciez que vous voteriez ce projet de budget. Finalement, votre conclusion fut inverse. C'est la vie ! Mais j'espère pouvoir vous convaincre d'ici à la fin de la discussion budgétaire.

Puis-je formuler le même voeu à votre égard, madame Beaufils ? Je ne sais pas. Vous avez eu des propos très durs. Lorsque vous êtes montée à la tribune, je me suis demandé si vous seriez aussi intransigeante que M. Foucaud. Et tel fut le cas !

Mme Marie-France Beaufils. Nous partageons les mêmes choix !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Certes, mais des différences de sensibilité, des tendances peuvent parfois apparaître. Or, il n'en fut rien. Vous avez été dure, sans concessions...

M. Thierry Foucaud. Vous êtes déçu ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Vous avez indiqué que, selon vous, la fiscalité n'a qu'une vocation redistributive. Mais cela ne suffit pas. Certes, je partage votre point de vue : l'impôt doit être juste et la redistribution est majeure, mais elle ne saurait à elle seule tenir lieu de politique fiscale. L'impôt doit aussi inciter à l'investissement, à la consommation, à l'exportation ; il doit être un moteur de la croissance économique, faute de quoi cette croissance n'est pas au rendez-vous.

Mme Marie-France Beaufils. Elle ne l'est pas !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Dans un tel cas de figure, la taille du « gâteau » que l'on se partage diminue, au détriment des Français les plus fragiles.

Monsieur Doligé, je vous connais bien et je vous apprécie beaucoup, mais je sais qu'il peut vous arriver d'être un peu sévère !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Or, j'ai été très heureux d'entendre vos encouragements, et je vous en remercie. Vous avez employé le mot « partenariat » pour qualifier les relations entre l'État et les collectivités locales, mot que j'approuve. Je ne peux que vous renouveler mon souhait de continuer à travailler ensemble pour améliorer lesdites relations, notamment dans le cadre du conseil d'orientation des finances publiques, qui doit être l'occasion de tout se dire.

En ce qui concerne le transfert des TOS, la commission consultative d'évaluation des charges, comme vous le savez, a fait un important travail d'évaluation. Je souhaite que ce travail soit approfondi et je pense que nous arriverons à trouver un accord, car nous avons bien avancé sur ce sujet. Chacun doit savoir que l'État honorera ses engagements en la matière.

En fait, le réel problème auquel je suis confronté est le malentendu qui existe entre l'État et les collectivités locales. En effet, l'État, de bonne foi, pense avoir honoré ses engagements, tandis que les collectivités locales estiment que le compte n'y est pas. Pour dissiper ce malentendu profond, nous devons mettre les choses à plat. Ce sera certainement l'un des chantiers importants que nous devrons mener dans les mois et les années à venir. Aujourd'hui, grâce à la décentralisation, à la LOLF et à l'évolution considérable des relations entre les uns et les autres, les conditions sont réunies pour y parvenir.

Les montants inscrits à ce titre dans le projet de loi de finances pour 2007 seront modifiés lors des débats qui vont avoir lieu au Sénat, pour tenir compte des dernières données chiffrées disponibles et du choix qu'ont effectué les personnels TOS de rejoindre ou non les conseils généraux.

En tout état de cause, la commission consultative d'évaluation des charges doit continuer à travailler pour affiner ses modes de calcul, pour ce qui concerne tant les TOS que l'ensemble des transferts de charges. Telle est sa vocation, qu'elle assume remarquablement, dans un contexte consensuel.

Il faut mettre un terme au système unilatéral par lequel l'État fait peser un certain nombre de charges sur les collectivités locales. M. le Président de la République a lui-même montré la voie dans ce domaine, lors du discours qu'il a prononcé devant les maires de France voilà quelques jours ; il a prôné l'association des élus aux négociations salariales dans la fonction publique territoriale. Par ailleurs, la mission de Pierre Richard doit nous éclairer sur ce point.

M. Henri de Raincourt. Et les sapeurs-pompiers !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Effectivement monsieur de Raincourt, les sapeurs-pompiers sont également concernés. Je souhaite, d'ailleurs, formuler une remarque à ce sujet.

Vous pouvez constater, avec la provision pour leur régime de retraite, à quel point l'idée selon laquelle l'État doit payer pose un vrai problème d'équité, de transparence, de lisibilité des politiques publiques. Le partage des charges relatives aux sapeurs-pompiers entre l'État et les collectivités départementales est un vaste sujet, qui devra être étudié avec sérieux.

Monsieur Dassault, j'ai apprécié votre intervention. Par avance, j'en avais largement deviné la teneur, car vous aviez déjà eu l'occasion d'appeler avec force et talent mon attention sur les sujets qui vous préoccupent.

D'office, vous avez pris le problème du déficit à bras-le-corps. Vous avez estimé que, s'élevant à 41 milliards d'euros, il était très important. Je veux cependant appeler votre attention sur le progrès réalisé. À certains égards, l'État est une sorte d'entreprise. Mais si l'on veut effectivement mobiliser les troupes, faire du management participatif, on ne peut pas simplement prendre en considération le verre à moitié vide ; il faut parfois regarder le verre à moitié plein, surtout lorsqu'il n'a pas été totalement bu... On s'aperçoit alors que les progrès réalisés méritent d'être soulignés, car ils permettent d'encourager les troupes.

S'il est vrai qu'actuellement le déficit s'établit à 41 milliards d'euros, il s'élevait à 56 milliards d'euros en 2002. Par conséquent, il a été réduit de 15 milliards d'euros. Cette diminution est suffisamment spectaculaire pour devoir être soulignée, alors que les quatre dernières années n'ont pas connu une forte croissance.

Vous avez également évoqué les ravages provoqués par les 35 heures dans notre économie. Nous connaissons bien ce sujet. Il a donné lieu à de nombreux débats, que ce soit au sein de la majorité ou avec la gauche, qui, comme cela a été rappelé, n'y est pas toujours aussi favorable que l'on pourrait le penser. Mais le mal est fait.

Monsieur le sénateur, votre proposition, qui consiste à revenir sur le financement des charges sociales et de sécurité sociale par l'État, doit faire l'objet d'un vaste débat, que je ne souhaite pas esquiver. Mais il s'agit d'un débat de société, qui ne doit pas simplement se dérouler dans cet hémicycle. Nous devons le mener avec les Français et - pourquoi pas ?- lors de la campagne pour l'élection présidentielle.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce serait une bonne idée !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. En effet, bien des considérations doivent être prises en compte, notamment le financement et l'avenir de notre modèle social. Il convient de déterminer qui paie quoi, qui fait quoi, qui doit bénéficier de quoi, qui doit assurer en dernier ressort. Est-ce l'assurance, l'assistance, la solidarité ? Sur ces sujets, chacun d'entre nous, dans cet hémicycle, a un point de vue différent. Il est donc essentiel, à l'évidence, de les traiter au fond.

Quand à s'attaquer aux dépenses inutiles, je partage bien volontiers votre opinion. C'est tout le sens des audits, dont il résulte que 3 milliards d'euros d'économie pourront être réalisés cette année.

Pour ce qui concerne le pouvoir d'achat, la conférence sur l'emploi et les revenus, qui aura lieu le 14 décembre prochain, doit être l'occasion d'en débattre. J'espère que l'on pourra saisir cette opportunité pour l'évoquer en détails.

Mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les réponses que je voulais vous apporter. Je veux vous renouveler mes remerciements pour la qualité des propos que vous avez tenus ; certains étaient un peu sévères, mais d'autres étaient élogieux, et j'y ai été sensible.

C'est de très bon augure pour le début de cette discussion budgétaire, qui s'annonce passionnante et qui nous permettra d'évoquer les sujets du présent et de l'avenir, ce qui est particulièrement enthousiasmant à quelques mois de l'élection présidentielle. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le ministre, je veux dissiper tout malentendu. Je suis résolument convaincu que nous devons nous préparer à étudier la TVA sociale.

Ce matin, j'ai écouté attentivement M. Thierry Breton. Il a évoqué l'augmentation, au 1er janvier 2007, de la TVA en Allemagne et le bon niveau de la consommation dans ce pays ; nos voisins auraient aujourd'hui tendance à surconsommer. J'avais l'impression que M. le ministre de l'économie exprimait un certain scepticisme.

À mon avis, ce n'est pas une bonne façon d'appréhender la réforme souhaitable. On ne peut pas continuer à vivre dans la mondialisation et à faire peser sur le travail des cotisations qui n'ont plus lieu d'être.

Si, un jour, on peut discuter des cotisations sociales en même temps que des impôts, autrement dit, de l'ensemble des prélèvements, on y gagnera en clarté. La pédagogie à l'égard de nos compatriotes s'en trouvera singulièrement améliorée.

Monsieur le président, je veux faire remarquer à la Haute Assemblée que les amendements déposés sur la première partie du projet de loi de finances sont sensiblement moins nombreux cette année que l'an passé. Dans ces conditions, nous pourrions organiser différemment nos travaux et ne pas siéger demain soir, comme cela était prévu.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Voilà une heureuse nouvelle !

M. le président. Monsieur  le président de la commission des finances, je vous donne acte de votre déclaration.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Conformément au souhait émis par M. le président de la commission des finances, nous ne siégerons ni ce soir, ni demain soir.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale.

Question préalable

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2007
Question préalable (interruption de la discussion)

M. le président. Je suis saisi, par Mmes Borvo Cohen-Seat et  Beaufils, MM. Foucaud,  Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n° I-56, tendant à opposer la question préalable.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances pour 2007 adopté par l'Assemblée nationale (n° 77, 2006-2007).

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Bernard Vera, auteur de la motion.

M. Bernard Vera. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'INSEE a confirmé mardi la panne de la croissance française au troisième trimestre, malgré une consommation des ménages encore vigoureuse, alors que le Gouvernement pronostique un « très bon quatrième trimestre » et table toujours sur 2 % à 2,5 % pour l'ensemble de l'année. La croissance est pourtant restée « clouée au sol » - 0,0 % - au troisième trimestre, selon la deuxième estimation de l'INSEE qui vient confirmer le chiffre publié le 10 novembre. Après une progression du PIB de 1,2 % au trimestre précédent, c'est une douche froide !

La consommation, principal moteur de la croissance française, n'a pas suffi cette fois à la sortir de l'ornière, malgré une hausse de 0,6 % des dépenses des ménages. Les mauvaises nouvelles sont venues du déstockage réalisé par les entreprises e,t surtout, du commerce extérieur : pour la première fois depuis le premier trimestre 2005, les exportations françaises ont en effet baissé, ce qui constitue, pour M. Alexander Law, du cabinet d'études sectorielles Xerfi, « la plus désagréable nouvelle » parmi les différentes causes avancées pour expliquer ce trou d'air de la croissance française.

De son côté, M. Nicolas Bouzou, du cabinet Asteres, estime que « c'est vraiment le déficit désormais structurel de compétitivité de l'économie française qui ressort des chiffres » publiés mardi. Il rappelle que « toutes les branches manufacturières ont vu leur activité reculer » au troisième trimestre et que « la palme du décrochage revient à l'automobile ». Il juge « difficile, dans ce contexte, d'investir », ce que confirment d'ailleurs les chiffres, la croissance des investissements des entreprises non financières ayant en effet connu une forte décélération - 0,8 % seulement ce trimestre, contre 2,2 % au trimestre précédent. Cela constitue, pour M. Bouzou, le signe d'un « comportement défensif ».

Pour sa part, M. Marc Touati, économiste chez NatIxis, loin d'opposer la bonne performance du deuxième trimestre et la mauvaise qui a suivi, relève que, hors stocks, « la croissance française a été identique au deuxième et au troisième trimestre, en l'occurrence 0,3%  ». C'est dire, selon lui, « combien la France est loin de la vigueur économique ».

Dans une analyse publiée mardi par le quotidien La Tribune, M. Patrick Artus, directeur de la recherche et des études chez Ixis-CIB, rappelle que la consommation est liée à « la progression très rapide des crédits aux ménages » et que « la croissance française n'aurait été que de 1 % en 2006 si le taux d'endettement des ménages était resté stable ».

Quant à M. Nicolas Bouzou, il avertit : « le modèle actuel de croissance français, basé sur une perte de compétitivité rampante et une consommation dynamique, n'est pas tenable à terme ».

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il a raison !

M. Bernard Vera. Cette situation ainsi décrite par une récente dépêche d'agence de presse suffit amplement à démontrer que le projet de loi de finances est, pour une bonne part, fondé sur des données parfaitement virtuelles.

Comme nous l'avons souligné lors de la discussion générale, la situation économique et sociale de notre pays n'est pas satisfaisante et porte en germe de nouvelles difficultés dont les victimes, en dernière instance, sont d'ores et déjà identifiées : ce sont tous ceux qui, depuis de longues années, subissent de plein fouet le développement de la précarité de l'emploi, la réduction du pouvoir d'achat en termes réels, l'aggravation des inégalités sociales et des discriminations en tout genre, ainsi que le déclin de la dépense publique.

Les victimes des choix opérés par le projet de loi de finances, je les rencontre tous les jours dans mon département : ce sont les salariés soumis aux plans sociaux dans leurs entreprises ; les jeunes exclus du monde du travail ; les travailleurs immigrés, dont les droits ne sont pas reconnus ; les familles modestes, qui sont pénalisées par les impôts et la hausse des prix ; enfin, les « mal logés », qui attendent depuis de trop longues années que le droit au logement devienne réalité.

Quel décalage entre ces urgences sociales et économiques et le contenu du projet de loi de finances que vous nous présentez, monsieur le ministre !

En guise de réponse au problème du pouvoir d'achat, vous ne proposez que l'augmentation de la prime pour l'emploi, qui représente un versement moyen de 40 euros par mois, et le développement de la participation ! Il existe pourtant un moyen très simple d'assurer la progression du pouvoir d'achat : relever le SMIC de manière significative et procéder au dégel du traitement indiciaire des fonctionnaires, à qui vous accordez généreusement, ce mois-ci, quatre euros de majoration ! Nous pourrions présenter d'autres orientations pour ce projet de loi de finances.

Permettez-moi d'ailleurs, mes chers collègues, de citer un avis autorisé sur le contexte économique dans lequel nous nous trouvons, extrait du site personnel de M. le président de la commission des finances : « Pour la quatrième année consécutive, la croissance mondiale va dépasser 4 %. Alors que les entreprises du CAC 40 affichent des résultats sans précédent - 80 milliards d'euros -, la croissance française stagne autour de 2 % et le chômage ne régresse que grâce aux emplois publics du « plan Borloo ». En fait, les sociétés du CAC 40 opèrent au plan mondial, investissent, créent des emplois et réalisent leurs bénéfices hors de France. En poussant le trait à l'extrême, elles sont sorties de l'économie nationale. Certaines disposent d'une trésorerie si pléthorique qu'elles sont tentées de racheter leurs propres actions. La finance ne finance plus l'économie nationale, elle finance la finance ! ».

Oui, les profits des entreprises du CAC 40 n'ont jamais été aussi élevés ! Ceux d'Accor ont augmenté de 54 % au premier semestre ; ceux d'Axa, de 20 % -  2,73 milliards d'euros - ; ceux de l'Oréal, de 22 % - 1,08 milliard d'euros - ; ceux de LVMH, de 46 % - 820 millions d'euros - ; ceux de Sanofi Aventis, de 33,6 % - 3,96 milliards d'euros - ; ceux de Suez, de 39,5 % - 2,2 milliards d'euros - ; ceux de Total, de 13 % - 7,12 milliards d'euros - ; et, enfin, ceux de Vivendi, de 48,1 % - 1,86 milliard d'euros.

L'ensemble des entreprises du CAC 40 ont vu leurs profits croître au premier trimestre 2006 de 49,8 milliards d'euros, soit plus que le déficit budgétaire prévisible et pratiquement autant que le produit attendu de l'impôt sur les sociétés. Cette progression s'ajoute à celle de 23 % qui avait été enregistrée pour l'année 2005, déjà considérée alors comme exceptionnelle !

Que l'on ne s'y trompe pas, la bonne santé des rentrées fiscales de l'Etat que nous attendons pour 2006 n'est donc qu'un paradoxe au regard d'une situation dont bien des éléments indiquent clairement que nous sommes près d'un retournement de conjoncture économique.

Si nous n'y prenons garde, nous allons continuer de connaître, en France, cette accumulation infinie de capitaux et de moyens destinés à être gaspillés dans des aventures financières, comme, par exemple, ces opérations de retrait-destruction d'actions - ce que Total fait avec le tiers de son résultat net annuel depuis plusieurs années -, tandis que avec les opérations de fusion-acquisition et leur cortège de plans sociaux, on continue d'externaliser les coûts, de liquider des emplois et de délocaliser tout ou partie des capacités de production.

M. Jean Arthuis. Mais pourquoi les entreprises délocalisent-elles ?

M. Bernard Vera. Ce monde de la finance et du capital n'a pas de morale. Son seul credo consiste à valoriser toujours plus, et par tous les moyens, l'investissement initial, fût-ce au prix de l'emploi, des conditions d'existence des salariés et de leurs familles, de l'équilibre et du développement des territoires et, in fine, de l'argent public, dont il s'avère grand consommateur pour la défense de ses intérêts.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Tout ça pour ça !

M. Bernard Vera. Or, le projet de loi de finances pour 2007, déjà largement obéré par les dispositions votées pour 2006 et par toutes celles qui sont contenues dans les lois de finances promulguées depuis le début de la législature, ne prévoit rien d'autre que quelques mesures d'accompagnement et l'inacceptable primauté du capital et de ses intérêts sur l'intérêt général, compris au sens de celui de la majorité des habitants de ce pays.

Le MEDEF s'insurge contre les efforts demandés aux entreprises au titre de l'impôt sur les sociétés ; la facture s'élèverait à 800 millions d'euros de charges fiscales nouvelles. Pour bien en mesurer le caractère confiscatoire, je vous invite, mes chers collègues, à rapprocher cette somme des 50 milliards d'euros de profits cumulés par les seules entreprises du CAC 40 au premier semestre 2006...

Financiarisation pour financiarisation, les dernières années ont été marquées par une progression sensible des revenus du capital et du patrimoine. Cette progression participe, d'ailleurs, de la hausse du pouvoir d'achat des ménages à laquelle on tente, depuis quelques mois, de nous faire croire. Mais les faits sont là : si l'on en croit les données fournies par l'administration fiscale elle-même, les revenus les plus dynamiques ces dernières années sont ceux qui sont tirés du capital et du patrimoine.

S'agissant de l'évolution des revenus, entre 2003 et 2004, le montant moyen du salaire annuel imposable n'a progressé que de 2,1 % en un an et cette progression est encore moindre si l'on prend en compte les contrats spécifiques et les emplois étudiants des enfants à charge.

Le montant moyen de la pension ou de la retraite imposable a augmenté de 3 % sur la même période, sans doute parce que les retraités de ces dernières années sont ceux dont la carrière professionnelle est complète.

En revanche, le revenu foncier net a progressé de 3,1 %, les revenus de capitaux mobiliers ont crû de 3,6 % et les revenus tirés de plus-values de cession d'actifs ont littéralement explosé, avec une hausse de 55 % en douze mois !

Ce sont trois milliards d'euros de plus qui ont été ainsi récupérés par tous ceux - ils ne sont pourtant pas bien nombreux, tout juste 300 000 - qui tirent du « boursicotage » et de la spéculation foncière et immobilière l'essentiel de leurs revenus quotidiens...

Toutes les études le prouvent : nous connaissons mal dans notre pays la réalité des patrimoines et des fortunes, si ce n'est par la photographie imparfaite que nous en offre l'impôt de solidarité sur la fortune, dont le nombre de redevables ne cesse de progresser !

Songez, par exemple, mes chers collègues, que le patrimoine détenu par les seuls ménages assujettis à l'ISF à Neuilly-sur-Seine représente 18,1 milliards d'euros pour l'année 2005 et que le patrimoine détenu par les assujettis domiciliés dans les VIe, VIIe, XVe et XVIe arrondissements de Paris constitue un ensemble de 81,5 milliards d'euros, soit pratiquement deux fois le montant du déficit budgétaire prévu !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous avez de bonnes informations ! Des sources internes, sans doute ?

M. Bernard Vera. Bien entendu, je ne confonds pas patrimoine et revenus, ou stock et flux, mais la réalité est claire et nette : les inégalités sociales s'accroissent dans notre pays et l'essentiel de la richesse produite par le travail du plus grand nombre est littéralement captée par une infime minorité de contribuables.

Et que nous propose-t-on de faire, avec la discussion de ce projet de loi de finances ? De procéder, encore et toujours, à des aménagements législatifs destinés à alléger l'imposition du patrimoine, du capital, de la fortune ! Comme si le sort des 400 000 personnes assujetties à l'ISF devait primer sur celui des 27 millions de personnes percevant des revenus salariaux !

Les parlementaires du groupe communiste républicain et citoyen ont, comme nous l'avons indiqué dans la discussion générale, une tout autre conception de la fiscalité et de l'action publique qui s'adosse au produit de cette fiscalité.

Les années qui viennent de s'écouler sont celles du développement des inégalités sociales, de l'allégement des obligations fiscales des plus fortunés et des plus grandes entreprises, du gaspillage des deniers publics dans de très coûteux dispositifs sans résultat avéré ni évalué sur la croissance et le développement de l'emploi.

M. André Trillard. C'est faux !

M. Bernard Vera. Ce projet de loi de finances pour 2007 ne déroge pas aux orientations imprimées par les lois équivalentes et que nous avons combattues sans la moindre ambiguïté depuis 2002.

Le Parlement n'a pas, à notre sens, à se résoudre à débattre de la loi de finances sous l'emprise étroite du simple accompagnement du jeu mené par le capital contre l'intérêt général et le bien de la nation. Nos travaux ne sauraient consister à faire droit aux seules aspirations d'une infime minorité de privilégiés.

Mes chers collègues, le projet de loi de finances qui nous est proposé pour 2007 ne fera qu'aggraver les inégalités dans notre pays et n'est nullement à la hauteur des enjeux. Non seulement il n'y a pas lieu d'en débattre, mais il est urgent de proposer un autre projet de budget fondé sur la priorité accordée aux êtres humains et non au capital, un budget de reconquête économique et sociale, un budget dans lequel l'égalité et la solidarité seront respectées.

C'est pourquoi je vous propose d'adopter cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Permettez-moi tout d'abord de souligner que, compte tenu du grand intérêt de l'exposé que nous venons d'entendre - même si, bien sûr, je n'en partage pas la finalité -, il serait dommage que des arguments de cette nature ne soient pas explicités au cours du débat. Or, si nous votions cette motion tendant à opposer la question préalable, le débat s'arrêterait là. Nous nous priverions de la convivialité de cet hémicycle et du plaisir de confronter nos arguments dans une atmosphère directe et constructive, pendant plusieurs jours, ce qui serait certainement regrettable.

Donc, pour cette raison, mais compte tenu aussi de la qualité des travaux préparatoires que nous avons réalisés, et auxquels l'ensemble des rapporteurs spéciaux et des rapporteurs pour avis ont pris part au cours de ces derniers mois, je crois que l'adoption d'une telle motion créerait une frustration bien compréhensible.

Au demeurant, chers collègues du groupe CRC, j'entendais tout à l'heure en commission Mme Marie-France Beaufils s'exprimer sur un amendement, traduisant son investissement dans sa tâche de rapporteur spécial. Si nous voulons que le Parlement soit associé réellement au consentement à l'impôt, au contrôle de la dépense publique, il faut que l'examen de ce projet de loi de finances aille jusqu'à son terme.

Vous ne serez donc pas surpris que la commission émette un avis tout à fait défavorable sur la motion que vous avez présentée.

Monsieur Vera, permettez-moi également de m'étonner de certains des propos que vous avez tenus et des chiffes que vous avez cités.

Vous avez, en ce qui concerne l'impôt sur la fortune, donné des évaluations des patrimoines de personnes résidant dans telle commune ou tel arrondissement de Paris. Je ne suis pas certain que ces données soient publiques. Les citer ainsi dans un hémicycle n'est pas conforme aux usages et je m'étonne de l'utilisation de ces données chiffrées. En effet, si, en vertu du système fiscal en vigueur et selon le principe énoncé dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, chacun doit une contribution aux charges collectives en fonction de ses capacités, pour autant, ce système doit être géré de manière que les droits individuels soient respectés et que la contribution aux charges communes ne se traduise pas par une inquisition visant à montrer du doigt telle localité ou telle catégorie de la population.

M. Éric Doligé. Voilà le jury populaire !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je suis donc surpris des indications que vous avez données. Sans doute poursuivrons-nous cet échange à l'occasion de l'examen des articles du projet de loi de finances si la présente motion n'est pas adoptée, ce que la commission, je le répète, souhaite vivement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. M. le rapporteur général a fort bien parlé.

Mesdames, messieurs les sénateurs, imaginez combien serait grande la frustration du ministre délégué au budget si, après tous ces mois de travail, de discussions avec ses collègues, de résultats obtenus à la force du poignet, arrivant à la dernière étape, après l'Assemblée nationale, au moment où l'on va débattre de questions essentielles et notamment répondre aux critiques qui viennent d'être formulées, votre assemblée décidait tout à coup qu'il ne faut pas discuter de ce projet de budget ! Ce serait insoutenable, au point même que je préfère ne pas imaginer la scène ! (Sourires.) C'est vous dire combien je souhaite que vous rejetiez cette motion.

Je souscris également aux propos de M. le rapporteur général s'agissant de la divulgation de chiffres relatifs au patrimoine des contribuables domiciliés dans plusieurs arrondissements de Paris. J'ai bien compris qu'il y avait derrière la remarque de M. Vera une volonté de les fustiger. (M. Bernard Vera et Mme Marie-France Beaufils font un signe de dénégation.)

Sur le fond, comme sur la forme, je suis très choqué.

Sur le fond, contrairement à vous, monsieur Vera, je ne crois pas qu'il y ait des bons et des mauvais Français.

M. Bernard Vera. Ce n'est pas ce que j'ai dit !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Il y a des Français qui contribuent à due concurrence de leurs capacités et cette manière de les livrer ainsi à la vindicte est tout à fait choquante !

Sur la forme, je me demande comment vous avez pu vous procurer des informations qui ne devraient pas pouvoir être divulguées comme elles l'ont été. En tout cas, cela m'a également surpris.

J'invite donc votre assemblée à repousser cette motion.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Chers collègues du groupe communiste républicain et citoyen, à quoi correspond ce rituel d'une question préalable ? Hormis le fait qu'elle est une occasion de prendre la parole, je m'interroge sur la signification que vous lui donnez.

Vous souhaitez qu'il ne soit pas discuté de la loi de finances et qu'il n'y ait pas de budget, alors que, pendant des semaines, Mme Beaufils et M. Vera ont participé à la préparation de la discussion. En outre, cette motion est systématiquement repoussée, chaque année. Je me demande donc ce qu'elle apporte à notre débat et aux procédures parlementaires au moment où nous nous interrogeons sur l'efficacité du Parlement et la lisibilité de ses travaux. Je mesure mal la portée de cet acte rituel, qui me paraît, en quelque sorte, encombrer le débat parlementaire. C'est, en tout cas, mon avis personnel.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président de la commission des finances, vous le savez bien, les modifications apportées par la LOLF à la discussion du projet de loi de finances ont eu pour conséquence de considérablement réduire les temps de parole. Nous ne pouvons donc pas approfondir, comme il serait souhaitable de le faire, certains sujets, et cette question préalable est le seul outil dont nous disposons pour développer nos arguments.

Comme Mme Hélène Luc l'a encore souligné ce matin, lors de la discussion générale, les temps de parole sont très brefs et les possibilités d'amender de plus en plus réduites. Cette question préalable est donc une façon d'exprimer que nous aimerions débattre d'un autre projet de budget, mais vous le savez bien puisque nous l'avons déjà indiqué en plusieurs autres occasions.

M. le président. La parole est à M. Marc Massion, pour explication de vote.

M. Marc Massion. Le groupe socialiste ne participera pas au vote sur cette motion.

En effet, même si nous portons, nous aussi, un jugement sévère sur le projet de budget tel qu'il nous est présenté, nous avons participé effectivement, grâce au travail de nos collègues rapporteurs spéciaux et par le dépôt d'amendements, à sa préparation. Nous souhaitons donc pouvoir l'amender et faire jouer la mécanique parlementaire, même si nous ne faisons pas trop d'illusions sur le sort qui sera réservé à nos amendements !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Cela dépend !

M. Marc Massion. La procédure de la question préalable, qui vise à arrêter le débat, ne nous semble donc pas la meilleure solution pour juger de ce budget. Nous aurons l'occasion d'y revenir.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Comme je suis un indéfectible optimiste,...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ... je voudrais tenter de convaincre Mme Beaufils, M. Vera et nos collègues membres du groupe CRC.

M. Massion vient de le rappeler, la LOLF nous offre des moyens sans précédent pour essayer de faire bouger le budget.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Elle nous permet de déposer des amendements, puis d'en débattre.

Je vous prie de m'en excuser, mes chers collègues, mais j'ai bien écouté notre collègue Bernard Vera et je n'ai pas le sentiment qu'il ait beaucoup fait évoluer la pensée collective sur le contenu du présent projet de loi de finances en exprimant ce qu'il vient d'exprimer à la tribune du Sénat !

Pardonnez-moi, mais les déclarations de ce type sont quelque peu incantatoires. Or, nous le sentons bien, les uns et les autres, pour que les choses changent, pour qu'elles bougent, nous devons coller à la réalité.

La LOLF nous permet d'examiner les crédits des programmes et des actions sur chaque mission. Là, nous sommes bien dans le concret.

En effet, avec ce dispositif, vous vous livrez à des travaux de contrôle sur pièces et sur place. Ensuite, vous pouvez venir vous exprimer à la tribune du Sénat avec vos convictions, parce que vous êtes allés observer la réalité du terrain. Vous pouvez alors exprimer et justifier votre désaccord avec le ministre et exposer les raisons pour lesquelles vous refusez de voter les crédits qui sont alloués à telle ou telle action.

À mon sens, il s'agit d'un rôle sans précédent pour le Parlement. Dans la mesure où ce dernier a été institué pour le consentement à l'impôt et le vote du budget, il serait dommage qu'il renonce à assumer ses prérogatives en adoptant la présente motion tendant à opposer la question préalable.

M. le président. Monsieur Vera, la motion n° I-56 est-elle maintenue ?

M. Bernard Vera. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° I-56, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de finances.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 57 :

Nombre de votants 224
Nombre de suffrages exprimés 224
Majorité absolue des suffrages exprimés 113
Pour l'adoption 23
Contre 201

Le Sénat n'a pas adopté.

La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance.

Question préalable (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2007
Motion d'ordre