Article 2
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Article additionnel après l'article 2 bis

Article 2 bis

Dans le deuxième alinéa de l'article 26 de la même ordonnance, après les mots : « rang de classement », sont insérés les mots : «, à l'exclusion des fonctions visées par les réserves du jury prévues à l'article 21 ».  - (Adopté.)

Article 2 bis
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Article 3

Article additionnel après l'article 2 bis

M. le président. L'amendement n° 10, présenté par M. Hyest, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l'article 2 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. Le 4° de l'article 35 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature est ainsi rédigé :

« 4°. Dix magistrats des cours et tribunaux, sept du premier grade et trois du second grade, élus par le collège des magistrats dans les conditions prévues au chapitre Ier bis ».

II. Au premier alinéa de l'article 13-3 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, les mots : « autres que ceux classés hors hiérarchie, » sont supprimés.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il s'agit de modifier la composition de la commission d'avancement et celle du collège électoral des magistrats membres de cette commission afin de tenir compte de l'évolution de la structure du corps judiciaire intervenue depuis la réforme statutaire de 2001.

L'intérêt de la modification de la composition de la commission d'avancement est double.

D'une part, la composition de la commission d'avancement ne reflète plus la structure du corps judiciaire.

D'autre part, en s'ouvrant davantage à des magistrats plus expérimentés et moins imprégnés par la scolarité à l'ENM, la commission d'avancement devrait se montrer plus favorable à la diversification du recrutement.

De la même façon, il paraît aujourd'hui nécessaire d'ouvrir aux magistrats placés hors hiérarchie le collège appelé à élire les dix magistrats du corps judiciaire membres de la commission d'avancement.

En effet, l'article 13-3 de l'ordonnance organique exclut les magistrats hors hiérarchie de la composition du collège, ce qui est paradoxal. Or la loi organique de 2001 a eu pour effet d'augmenter significativement le nombre d'emplois hors hiérarchie, puisqu'ils représentent désormais 10 % du corps, contre 5 % en 2001. Il me paraît plus logique de les écarter.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. C'est un amendement important, monsieur le président, qui requiert l'avis favorable du Gouvernement.

Le corps judiciaire compte désormais 54 % de magistrats du premier grade, 36 % du second grade et 10 % hors hiérarchie ; en 2001, ces chiffres étaient respectivement de 28 %, 65 % et 5 %.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l'article 2 bis.

Article additionnel après l'article 2 bis
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Article 4

Article 3

L'article 41-12 de la même ordonnance est ainsi rédigé :

« Art. 41-12. - La commission prévue à l'article 34 arrête la liste des candidats admis parmi ceux proposés par les assemblées générales des magistrats du siège des cours d'appel.

« Les magistrats recrutés au titre de l'article 41-10 sont nommés pour une durée de sept ans non renouvelable dans les formes prévues pour les magistrats du siège après avoir suivi la formation probatoire prévue à l'article 21-1.

« Les deuxième et troisième alinéas de l'article 25-3 sont applicables aux magistrats mentionnés au deuxième alinéa du présent article.

« Le directeur de l'École nationale de la magistrature établit, sous la forme d'un rapport, le bilan de la formation probatoire de chaque candidat, qu'il adresse à la commission prévue à l'article 34.

« Les nominations interviennent après avis conforme de la commission prévue à l'article 34. L'article 27-1 ne leur est pas applicable.

« Lors de leur installation, les magistrats prêtent serment dans les conditions prévues à l'article 6.

« Un décret en Conseil d'État détermine les conditions de dépôt et d'instruction des dossiers de candidature, les modalités d'organisation et la durée de la formation, ainsi que les conditions dans lesquelles sont assurées l'indemnisation et la protection sociale des candidats mentionnés au présent article. »

M. le président. L'amendement n° 11, présenté par M. Hyest, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après les mots :

admis

supprimer la fin du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 41-12 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le présent amendement prévoit de simplifier la procédure de sélection des magistrats exerçant à titre temporaire.

En effet, il ne nous paraît pas indispensable que l'assemblée générale des magistrats du siège de la cour d'appel soit consultée ; la commission d'avancement nous paraît largement suffisante.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Le Gouvernement y est favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 12, présenté par M. Hyest, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après les mots :

applicables

rédiger comme suit la fin du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 41-12 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature :

aux candidats visés au premier alinéa.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le cas se présente rarement, mais il s'agit de corriger une erreur du projet de loi. (Sourires.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 13 rectifié, présenté par M. Hyest, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 41-12 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature par une phrase ainsi rédigée :

Toute décision de cette commission défavorable à l'intégration d'un candidat admis à la formation probatoire visée au deuxième alinéa est motivée.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L'amendement tend à rendre obligatoire la motivation des avis défavorables rendus par la commission d'avancement sur l'intégration d'un candidat aux fonctions de magistrat exerçant à titre temporaire lorsque la formation probatoire n'a pas été accomplie de manière satisfaisante.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Article 3
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Article additionnel après l'article 4

Article 4

L'article 41-19 de la même ordonnance est ainsi modifié :

1° Dans la première phrase du troisième alinéa, les mots : « peut décider de soumettre » sont remplacés par le mot : « soumet » et, dans la seconde phrase du même alinéa, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « troisième » ;

2° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature peut, à titre exceptionnel et au vu de l'expérience professionnelle du candidat, le dispenser de la formation probatoire prévue au troisième alinéa. » - (Adopté.)

Article 4
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Article 5 A

Article additionnel après l'article 4

M. le président. L'amendement n° 32, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat,  Assassi,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les trois concours d'accès à l'École nationale de la magistrature doivent comprendre une épreuve d'admissibilité portant sur la criminologie.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Dans le prolongement des dispositions qui ont déjà été adoptées par l'Assemblée nationale concernant notamment la diversification du recrutement des magistrats, nous souhaitons poursuivre dans cette voie et tenter d'améliorer le contenu de la formation des futurs auditeurs de justice.

L'objectif en l'espèce est de dépasser le caractère purement technique et juridique de cette formation et des enseignements pédagogiques auxquels sont soumis les étudiants préparant les concours d'accès à la magistrature.

C'est pourquoi nous proposons de modifier l'épreuve du concours d'entrée à l'ENM : une épreuve de criminologie serait introduite, avec le même coefficient que les matières considérées comme les plus importantes, afin que les étudiants puissent mieux appréhender les causes et les manifestations du phénomène criminel.

Si une telle disposition était adoptée, ce que nous espérons, les facultés de droit et les Instituts d'études judiciaires préparant les étudiants aux concours seraient tenus d'introduire cet enseignement relevant des sciences sociales et humaines dans leurs programmes pédagogiques.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement soulève une question intéressante, celle de la place des sciences humaines et sociales dans les facultés de droit, dans les Instituts d'études judiciaires et même à l'ENM.

Dans les facultés de droit, il existe des instituts de criminologie qui dispensent, notamment, un cursus de troisième cycle. Beaucoup de candidats à l'ENM ont d'ailleurs suivi cette formation.

On ne peut sans doute qu'inviter le ministère de la justice, en lien avec le ministère de l'éducation nationale, à réfléchir à une solution pour remédier à cette situation. Mais le programme des épreuves, de nature réglementaire, relève d'un simple arrêté du ministère de la justice et n'a pas à figurer dans une loi organique.

Pour ce seul motif, je ne peux émettre qu'un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Il y a déjà une épreuve écrite de droit pénal, tout le monde le sait. En outre, comme vient de le rappeler le président de la commission des lois, cette disposition relève du règlement. Le Gouvernement y est donc défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 32.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Monsieur le président, je rappelle aux membres de la commission des lois et de la commission des affaires sociales qu'à l'issue de la séance nous auditionnons M. le garde des sceaux et M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille sur le projet de loi portant réforme de la protection juridique des majeurs.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Guy Fischer.)

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion des articles du projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats.

Nous en sommes parvenus à l'article 5 A.

CHAPITRE II

Dispositions relatives à la discipline

Article additionnel après l'article 4
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Article additionnel avant l'article 5

Article 5 A

L'article 43 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Constitue notamment un manquement aux devoirs de son état la violation grave et intentionnelle par un magistrat d'une ou plusieurs règles de procédure constituant des garanties essentielles des droits des parties, commise dans le cadre d'une instance close par une décision de justice devenue définitive. » ;

2° Au début du dernier alinéa, le mot : « Cette » est remplacé par le mot : « La ».

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 34, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat,  Assassi,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. L'article 5 A, qui a été introduit à l'Assemblée nationale sur l'initiative du Gouvernement, tend à compléter la définition de la faute disciplinaire afin d'en clarifier la portée au regard des actes juridictionnels.

Aux termes de l'article 43 de l'ordonnance de 1958, « Tout manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l'honneur, à la délicatesse ou à la dignité, constitue une faute disciplinaire ».

La question de la responsabilité des magistrats fut soulevée lors de l'affaire dite d'Outreau, mais pas seulement à cette occasion. Nous avons tous en effet en tête les propos du ministre de l'intérieur exprimant le souhait que le juge puisse « payer pour sa faute ».

La confusion a ainsi été introduite dans les esprits : les magistrats sont-ils irresponsables, voire intouchables ? Faut-il modifier leur serment ? Faut-il permettre de les poursuivre dans le cadre de leur activité juridictionnelle ?

Toutes ces questions sont légitimes. Toutefois, elles ne trouvent pas de réponse dans le texte qui nous est présenté aujourd'hui, ni dans un sens ni dans l'autre.

La commission des lois de l'Assemblée nationale a tout d'abord essayé de modifier le serment des magistrats. Cette initiative a été fort heureusement abandonnée, mais ce fut au profit de cet article 5 A.

La « précision » apportée au premier alinéa de l'article 43 de l'ordonnance de 1958 change-t-elle réellement quelque chose ou sert-elle simplement d'affichage vis-à-vis de l'opinion ?

Si la réponse à ma première interrogation devait être positive, cela reviendrait à balayer d'un revers de main la jurisprudence fournie du Conseil supérieur de la magistrature en matière de sanction des fautes disciplinaires.

Par ailleurs, l'article 5 A soulève un autre problème. En effet, il concerne assez directement l'acte juridictionnel, puisqu'il prévoit une nouvelle forme de contrôle de l'application des règles de procédure. Or le CSM a également été très clair sur ce point. Ainsi, il rappelle que la décision juridictionnelle doit être prise en toute indépendance et à l'abri de toute pression ; elle doit donc rester exclue du champ disciplinaire.

Le Conseil supérieur de la magistrature a toujours écarté du domaine disciplinaire les décisions juridictionnelles, n'y faisant exception que dans l'hypothèse où un juge avait, de façon grossière et systématique, « outrepassé sa compétence ou méconnu le cadre de sa saisine, de sorte qu'il n'avait accompli, malgré les apparences, qu'un acte étranger à toute activité juridictionnelle ».

Il s'agit donc non pas de garantir une immunité au juge, mais bien de respecter l'égalité de tous les citoyens devant la loi.

Pour répondre à la question que je posais en introduction, je crois devoir affirmer que, si les juges ne sont ni intouchables ni irresponsables, ils doivent toutefois pouvoir exercer leur activité juridictionnelle en toute indépendance. Or ce n'est pas exactement ce que garantit l'article 5 A. Pour toutes ces raisons, nous vous invitons, mes chers collègues, à le supprimer.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 14 est présenté par M. Hyest, au nom de la commission.

L'amendement n° 53 est présenté par MM. Badinter,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  Sueur et  Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rédiger comme suit le texte proposé par le 1° de cet article pour insérer un alinéa après le premier alinéa de l'article 43 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature :

« Constitue un des manquements aux devoirs de son état la violation grave et délibérée par un magistrat d'une ou plusieurs règles de procédure constituant des garanties essentielles des droits des parties constatée par une décision de justice devenue définitive. »

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 14.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La clarification des contours de la faute disciplinaire, qui a été introduite à l'Assemblée nationale par un amendement gouvernemental, mérite d'être approuvée. Néanmoins, elle appelle des améliorations. Tel est l'objet du présent amendement.

D'une part, le texte voté par l'Assemblée nationale apparaît excessif. Il confère en effet au CSM un pouvoir d'appréciation entier sur l'acte juridictionnel. Or une telle évolution est susceptible d'introduire une réelle confusion entre l'office des juges d'appel et de cassation et celui de l'instance disciplinaire. Le CSM pourrait ainsi s'arroger le droit d'examiner une affaire postérieurement à l'exercice des voies de recours et, le cas échéant, aller à l'encontre de décisions devenues définitives. Ce dispositif risque donc de remettre en cause l'autorité des décisions de justice en les fragilisant et de porter ainsi atteinte à l'indépendance de la justice.

D'autre part, ce texte est trop étroit, car il ne permet pas de sanctionner efficacement les carences d'un magistrat. La poursuite ne pourrait en effet être engagée que tardivement, c'est-à-dire une fois l'instance close par une décision de justice définitive. Or, avant que l'instance ne soit close, plusieurs autres décisions de justice définitives peuvent intervenir.

Lors de son audition devant la commission, le garde des sceaux a justifié cette précision par le souci d'éviter des saisines disciplinaires dilatoires dont le seul but serait de déstabiliser un magistrat intervenant dans une affaire en cours. Une telle rédaction présente néanmoins l'inconvénient de restreindre les effets de la sanction. Celle-ci, en cas de procédures d'instruction très longues, ne pourrait intervenir qu'après de nombreuses années, alors même que le manquement aurait été constaté par une décision devenue définitive, qui n'est pas remise en cause, et appellerait une réponse rapide pour mettre fin aux agissements du magistrat défaillant.

Afin de garantir la constitutionnalité de la réforme proposée par l'article 5 A et d'en assurer la réelle effectivité, l'amendement de la commission vise à réécrire cet article.

Tout d'abord, la violation des règles de procédure devra être constatée par une décision de justice devenue définitive. Cette précision est essentielle si l'on veut éviter que le CSM n'apparaisse comme une instance concurrente des voies de recours de droit commun.

Ensuite, la commission propose de remplacer l'adjectif « intentionnelle », qui emprunte davantage aux règles de droit pénal qu'au droit disciplinaire, par l'adjectif « délibéré », qui est plus précis. Je pense que cette précision correspond à l'intention initiale des auteurs du projet de loi, qui a sans doute été corrigé par des non spécialistes du droit. (Sourires.)

Enfin, cet amendement tend à supprimer toute référence au délai dans lequel la poursuite disciplinaire peut intervenir, afin de permettre au CSM de se prononcer éventuellement avant que l'instance en cours ne soit close. Il paraît en effet opportun, dans un souci d'exemplarité de la sanction et afin de remédier au plus vite aux insuffisances professionnelles constatées, d'éviter que la sanction disciplinaire ne soit prononcée trop longtemps après que les dysfonctionnements ont été constatés.

Dès lors qu'une décision de justice doit préalablement avoir démontré les défaillances de l'acte juridictionnel, les risques de pression sur les juges paraissent réduits, voire inexistants, les conditions de leur mise en cause demeurant enserrées dans d'étroites limites.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 53.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, je m'apprête à retirer cet amendement. C'est en effet par erreur que nous l'avons déposé. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Pierre Fauchon. Errare humanum est...

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Pour une fois que l'amendement était bon !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je m'explique.

Cet amendement est ainsi libellé : « Constitue un des manquements aux devoirs de son état » - cela veut donc dire qu'il y en a d'autres - « la violation grave et délibérée par un magistrat d'une ou plusieurs règles de procédure constituant des garanties essentielles des droits des parties constatées par une décision de justice devenue définitive ».

Cette rédaction a-t-elle un rapport quelconque avec ce qui s'est passé dans l'affaire d'Outreau ? Sûrement pas ! Dans cette affaire, il y avait un juge d'instruction qui avait à sa disposition des cassettes, dont il n'a visiblement pas pris connaissance, et un procureur de la République qui le soutenait, comme c'est malheureusement trop souvent le cas.

Encore une fois, comme je l'ai dit au cours de la discussion générale, je ne vois pas quel magistrat pourrait se livrer à des excentricités de la nature de celles qui sont visées ici.

Dans ces conditions, je retire l'amendement n° 53 et j'indique que nous voterons contre l'amendement de la commission.

M. le président. L'amendement n° 53 est retiré.

L'amendement n° 35, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat,  Assassi,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le second alinéa du 1° de cet article par les mots :

et n'ayant pas fait l'objet de voies de recours

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement de repli est très semblable à celui de la commission, qui, de toute évidence, sera adopté. Celui de notre groupe deviendra probablement sans objet.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 34 et 35 ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission a adopté une rédaction satisfaisante pour clarifier les contours de la faute disciplinaire au regard des actes juridictionnels. Il n'y a pas lieu de revenir sur cette proposition équilibrée, qui répond aux objections formulées par Mme Mathon-Poinat.

Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 34.

Quant à l'amendement n° 35, dans la mesure où l'amendement n° 14 semble répondre aux objectifs qu'il vise, la commission a émis également un avis défavorable.

Mais je me tourne vers M. Michel Dreyfus-Schmidt.

Ne m'en voulez pas, mon cher collègue, mais j'aimerais revenir sur l'amendement n° 53, même s'il a été retiré.

En commission, tous les membres de votre groupe étaient d'accord avec la rédaction que j'avais proposée. C'est sans doute la raison pour laquelle le groupe socialiste a déposé un amendement identique. Certes, on peut toujours se tromper et revenir sur ce que l'on a décidé. Cela étant, nous avions eu un long débat. Je ne comprends donc pas très bien votre décision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 34, 14 et 35 ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux. L'amendement n° 34 visant à supprimer l'article, le Gouvernement émet un avis défavorable, ainsi que sur l'amendement n° 35.

En revanche, l'amendement n° 14 est extrêmement intéressant. Le fait de prévoir une violation grave et délibérée constatée par une décision de justice devenue définitive permettra d'engager la responsabilité d'un magistrat plus rapidement. Ainsi, il ne sera pas nécessaire d'attendre la fin complète de la procédure, y compris le pourvoi en cassation.

En outre, cette rédaction est incontestablement plus proche de l'avis donné par le Conseil d'État sur le texte.

Cet amendement ne présente que des avantages, et j'en remercie le rapporteur de la commission des lois du Sénat.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 14.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 34.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 35 n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 5 A, modifié.

(L'article 5A est adopté.)

Article 5 A
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Article 5

Article additionnel avant l'article 5

M. le président. L'amendement n° 33, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat,  Assassi,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article 11-1 de la même ordonnance est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le montant des sommes recouvrées est soumis à un plafond dont le montant est déterminé par décret en Conseil d'État ».

II. - La perte de recettes pour l'État est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Par le présent amendement, nous souhaitons modifier l'article 11-1 de l'ordonnance de 1958 relatif à l'action récursoire.

Il s'agit d'instaurer des garanties concernant le régime de l'action récursoire, qui peut être exercée en cas de faute lourde à l'encontre du magistrat par le fait duquel l'État s'est trouvé contraint de réparer un dommage causé aux usagers du service public.

Nous proposons ici que le montant des sommes recouvrées dans le cadre de l'action récursoire soit soumis à un plafond déterminé par décret en Conseil d'État afin d'éviter que les magistrats ne soient insolvables et donc ne puissent s'acquitter des sommes exigées. Ce plafonnement serait conforme à la Charte européenne sur le statut des juges.

J'ai bien conscience que l'action récursoire concerne non pas seulement les magistrats, mais l'ensemble des agents de la fonction publique. Loin de moi l'idée de vouloir accorder aux magistrats un régime spécial par rapport aux autres fonctionnaires.

M. Pascal Clément, garde des sceaux. Ça y ressemble !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cependant, en attendant une réforme plus globale de l'action récursoire applicable à tous les fonctionnaires, pourquoi ne pas prendre date en ce qui concerne les magistrats à l'occasion de la réforme de l'ordonnance qui les concerne plus particulièrement ?

J'ai conscience également que cette règle n'est pratiquement jamais appliquée - elle l'a été une fois, à l'encontre d'un juge administratif. Est-ce pour autant une raison pour ne rien faire ?

Au contraire, une telle situation mérite que l'on se préoccupe de cette procédure qui figure dans nos textes, mais n'est jamais appliquée.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Comme vient de le dire Mme  Borvo Cohen-Seat, il paraît difficile de prévoir une règle particulière pour les magistrats de l'ordre judiciaire dès lors que les conditions dans lesquelles l'action récursoire de l'État est applicable à l'encontre d'un agent public sont communes à tous les fonctionnaires.

La charte européenne sur le statut des juges que vous avez évoquée est un document de synthèse de l'ensemble des travaux conduits sur le sujet au sein du Conseil de l'Europe, mais elle n'a pas de valeur contraignante.

En outre, la modification proposée ne paraît pas nécessaire : en cas de condamnation d'un magistrat à la suite d'une action récursoire de l'État, on peut penser que la juridiction saisie condamnera l'intéressé à proportion de ses revenus.

Il ne paraît donc pas utile de fixer un seuil a priori qui ne pourra être qu'artificiel. Je rappelle d'ailleurs que les magistrats qui sont amenés à se prononcer en la matière siègent dans l'une des trois chambres civiles de la Cour de cassation. Ils ont donc l'habitude de prononcer des condamnations pécuniaires et il est raisonnable de leur laisser une certaine latitude.

Dans une affaire récente, il est intéressant de constater que le magistrat en cause, un président de tribunal administratif, a été condamné à s'acquitter du quart de la somme versée par l'État.

Il faut donc laisser de la souplesse au dispositif et ne pas fixer de règles absolues.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Pascal Clément, garde des sceaux Le Gouvernement partage l'avis de la commission.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat a elle-même commenté son propre amendement en reconnaissant qu'il s'agissait de plafonner le montant des sommes recouvrées pour les seuls magistrats, ce qui, à juste titre, l'inquiétait quelque peu.

Il est clair qu'il vaut mieux laisser au garde des sceaux l'appréciation du montant des sommes devant être réclamées au magistrat au titre récursoire. L'exemple que vient de donner M. le rapporteur est bon. Il appartiendra ensuite à la chambre civile de la Cour de cassation d'apprécier le montant de la condamnation dans les limites de cette demande.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ai été convaincu par M. le garde des sceaux ! Je veux dire par là que, à partir du moment où l'appréciation du montant est confiée au garde des sceaux, je ne suis plus d'accord !

Il y a des magistrats pour accomplir cette mission, monsieur le garde des sceaux, et il n'y a pas de raison que l'appréciation soit laissée au garde des sceaux.

C'est la raison pour laquelle je voterai l'amendement n° 33.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 33.

(L'amendement n'est pas adopté.)