Article 4 bis
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Article 6

Article 5

Le titre II du livre V du même code est complété par un chapitre II ainsi rédigé :

« CHAPITRE II

« Contentieux des dessins ou modèles communautaires

« Art. L. 522-1. - Les dispositions du chapitre Ier du présent titre sont applicables aux atteintes portées aux droits du propriétaire d'un dessin ou modèle communautaire.

« Art. L. 522-2. - Non modifié............................................. »  - (Adopté.)

Article 5
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Article 7

Article 6

I. - L'article L. 211-10 du code de l'organisation judiciaire est ainsi rédigé :

« Art. L. 211-10. - Des tribunaux de grande instance spécialement désignés connaissent des actions en matière de propriété littéraire et artistique, de dessins et modèles, de brevets d'invention, de certificats d'utilité, de certificats complémentaires de protection, de topographie de produits semi-conducteurs, d'obtentions végétales et de marques, dans les cas et conditions prévus par le code de la propriété intellectuelle. »

II. - Après l'article L. 211-11 du même code, il est inséré un article L. 211-11-1 ainsi rédigé :

« ArtL. 211-11-1. - Des tribunaux de grande instance spécialement désignés connaissent des actions et demandes en matière de dessins ou modèles communautaires, dans les cas et conditions prévus par le code de la propriété intellectuelle. »  - (Adopté.)

Article 6
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Article 8 bis

Article 7

Après l'article L. 613-17 du code de la propriété intellectuelle, sont insérés deux articles L. 613-17-1 et L. 613-17-2 ainsi rédigés :

« Art. L. 613-17-1. - Non modifié...........................................

« Art. L. 613-17-2. - Toute violation de l'interdiction prévue à l'article 13 du règlement (CE) n° 816/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 17 mai 2006, précité et à l'article 2 du règlement (CE) n° 953/2003 du Conseil, du 26 mai 2003, visant à éviter le détournement vers des pays de l'Union européenne de certains médicaments essentiels, constitue une contrefaçon punie des peines prévues à l'article L. 615-14 du présent code. »  - (Adopté.)

Article 7
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Article 10

Article 8 bis

I. - À compter de l'entrée en vigueur de l'accord sur l'application de l'article 65 de la convention sur la délivrance de brevets européens, l'article L. 614-7 du code de la propriété intellectuelle est ainsi rédigé :

« Art. L. 614-7. - Le texte de la demande de brevet européen ou du brevet européen rédigé dans la langue de procédure devant l'Office européen des brevets créé par la convention de Munich est le texte qui fait foi.

« En cas de litige relatif à un brevet européen dont le texte n'est pas rédigé en français, le titulaire du brevet fournit, à ses frais, à la demande du présumé contrefacteur ou à la demande de la juridiction compétente, une traduction complète du brevet en français. »

II. - À compter de l'entrée en vigueur de l'accord sur l'application de l'article 65 de la convention sur la délivrance de brevets européens, l'article L. 614-10 du même code est ainsi modifié :

1° Le début du premier alinéa est ainsi rédigé :

« Hormis les cas d'action en nullité et par dérogation au premier alinéa de l'article L. 614-7, lorsqu'une traduction en langue française a été produite dans les conditions prévues au second alinéa du même article L. 614-7 ou au second alinéa de l'article L. 614-9, cette traduction... (le reste sans changement). » ;

2° La dernière phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigée :

« La traduction révisée des revendications ne prend cependant effet que lorsque les conditions prévues au second alinéa de l'article L. 614-9 ont été remplies. » ;

3° Le dernier alinéa est supprimé.  - (Adopté.)

Article 8 bis
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Article 11

Article 10

L'article L. 615-3 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 615-3. - Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon. La juridiction civile compétente peut également ordonner toutes mesures urgentes sur requête lorsque les circonstances exigent que ces mesures ne soient pas prises contradictoirement, notamment lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au demandeur. Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente. 

« La juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d'un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux. Si le demandeur justifie de circonstances de nature à compromettre le recouvrement des dommages et intérêts, la juridiction peut ordonner la saisie conservatoire des biens mobiliers et immobiliers du prétendu contrefacteur, y compris le blocage de ses comptes bancaires et autres avoirs, conformément au droit commun. Pour déterminer les biens susceptibles de faire l'objet de la saisie, elle peut ordonner la communication des documents bancaires, financiers, comptables ou commerciaux ou l'accès aux informations pertinentes.

« Elle peut également accorder au demandeur  une provision lorsque l'existence de son préjudice n'est pas sérieusement contestable.

« Saisie en référé ou sur requête, la juridiction peut subordonner l'exécution des mesures qu'elle ordonne à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du défendeur si l'action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée ou les mesures annulées.

« Lorsque les mesures prises pour faire cesser une atteinte aux droits sont ordonnées avant l'engagement d'une action au fond, le demandeur doit se pourvoir, par la voie civile ou pénale, dans un délai fixé par voie réglementaire. À défaut, sur demande du défendeur et sans que celui-ci ait à motiver sa demande, les mesures ordonnées sont annulées, sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés. »

Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par MM. Bizet et Dulait, est ainsi libellé :

Compléter le deuxième alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :

« En matière de médicament, sera considérée au sens de la loi comme une atteinte imminente, toute demande de prix d'une spécialité générique déposée auprès du Comité économique des produits de santé avant que le brevet protégeant le médicament de référence n'ait expiré ».

La parole est à M. André Dulait.

M. André Dulait. Cet amendement vise à régulariser la situation des médicaments génériques.

Les fabricants des médicaments génériques, après avoir obtenu une autorisation de mise sur le marché et procédé à une demande de prix de vente au public, lancent quelquefois leurs produits sur le marché avant que les droits de propriété industrielle du médicament princeps aient expiré.

Il conviendrait de compléter le texte du projet de loi afin d'éviter une concurrence détournée entre un générique et un princeps durant la période où le brevet protégeant la spécialité d'origine n'est pas encore expiré.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Béteille, rapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement, qui lui pose un problème.

L'amendement n° 2 vise en effet à créer une présomption de contrefaçon pour les médicaments génériques. À l'heure actuelle, un médicament générique peut disposer, avant même l'expiration des droits de propriété industrielle des médicaments princeps, d'une autorisation de mise sur le marché et être inscrit sur la liste des médicaments remboursables ainsi que sur le répertoire des génériques.

Ce cadre permet effectivement aux génériqueurs de lancer prématurément, c'est-à-dire avant que le brevet ne tombe dans le domaine public, la commercialisation de leurs produits.

L'amendement met en avant le fait qu'il peut être tentant de mettre en vente un générique avant même l'expiration des droits du médicament princeps. En conséquence, l'atteinte imminente serait caractérisée dès la demande de prix, ce qui nous paraît tout de même excessif.

L'argument avancé ne nous semble pas recevable, car la plupart des génériqueurs respectent les droits de propriété industrielle qui s'attachent aux médicaments princeps. Dans le cas contraire, si l'atteinte imminente est réellement démontrée, les titulaires des droits ont la possibilité de demander au juge des mesures provisoires et conservatoires.

La précision apportée par l'amendement n'apparaît donc pas nécessaire, sous réserve de ce que nous dira le Gouvernement à ce sujet.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Monsieur Dulait, je suis bien évidemment sensible au sujet qui vous préoccupe. Vous souhaitez éviter que les mesures prises pour encourager la commercialisation rapide des génériques après l'expiration du brevet des princeps ne soient détournées de leur but et ne conduisent en fin de compte à une commercialisation des génériques pendant la période même de validité du brevet.

Comme vous le souligniez, la demande de prix présentée au Comité économique des produits de santé avant l'expiration du brevet n'est pas nécessairement effectuée -  et c'est heureux ! - dans une intention contrefaisante. Elle a simplement pour objet de permettre aux génériqueurs d'être prêts le jour J, c'est-à-dire le jour d'expiration du brevet, afin de débuter rapidement, une fois qu'ils en ont le droit, la commercialisation de leurs produits.

Il me semble donc que cette seule demande de prix ne peut pas, par elle-même, constituer une atteinte imminente, telle qu'elle est prévue par l'article 10 du projet de loi, aux droits qui s'attachent aux médicaments brevetés. En effet, pour être considérée comme une atteinte imminente, cette demande devrait s'accompagner d'autres circonstances révélant une volonté de commercialiser le médicament générique avant l'expiration du brevet.

Les circonstances qui pourraient être prises en compte devront être appréciées au cas par cas par le juge, qui doit disposer d'un large pouvoir d'appréciation dans ce domaine, comme le soulignait M. le rapporteur.

Or les dispositions prévues dans le projet de loi offrent justement au juge cette possibilité, en le laissant libre d'interpréter la notion d'atteinte imminente au regard des circonstances propres à chaque affaire. En cas d'atteinte imminente, le texte lui fournit en outre une palette complète de mesures provisoires et conservatoires lui permettant de protéger efficacement les droits des brevets.

Je souhaite, monsieur le sénateur, que, sous le bénéfice de ces précisions, qui font suite à celles qui ont été apportées par la commission, vous puissiez retirer votre amendement. Je pense réellement que la procédure prévue par le projet de loi apporte une réponse efficace aux préoccupations, au demeurant légitimes, que vous évoquez.

Mme la présidente. L'amendement n° 2 est-il maintenu, monsieur Dulait ?

M. André Dulait. Sous le bénéfice des explications de M. le rapporteur et de M. le ministre, je le retire.

Mme la présidente. L'amendement n° 2 est retiré.

Je mets aux voix l'article 10.

(L'article 10 est adopté.)

Article 10
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Article 12

Article 11

L'article L. 615-5 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 615-5. - La contrefaçon peut être prouvée par tous moyens.

« À cet effet, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon est en droit de faire procéder en tout lieu et par tous huissiers, assistés d'experts désignés par le demandeur, en vertu d'une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d'échantillons, soit à la saisie réelle des produits ou procédés prétendus contrefaisants ainsi que de tout document s'y rapportant.

« La juridiction peut ordonner, aux mêmes fins probatoires, la saisie réelle des matériels et instruments utilisés pour fabriquer ou distribuer les produits ou pour mettre en oeuvre les procédés prétendus contrefaisants.

« Elle peut subordonner l'exécution des mesures qu'elle ordonne à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du défendeur si l'action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée ou la saisie annulée.

« À défaut pour le demandeur de s'être pourvu au fond, par la voie civile ou pénale, dans un délai fixé par voie réglementaire, l'intégralité de la saisie, y compris la description, est annulée à la demande du saisi, sans que celui-ci ait à motiver sa demande et sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés. » - (Adopté.)

Article 11
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Article 13

Article 12

Après l'article L. 615-5-1 du même code, il est inséré un article L. 615-5-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 615-5-2. - Si la demande lui en est faite, la juridiction saisie d'une procédure civile prévue au présent titre peut ordonner, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des produits ou procédés contrefaisants qui portent atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits contrefaisants ou mettant en oeuvre des procédés contrefaisants ou qui fournit des services utilisés dans des activités de contrefaçon ou a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces produits, la mise en oeuvre de ces procédés ou la fourniture de ces services.

« La production de documents ou d'informations peut être ordonnée s'il n'existe pas d'empêchement légitime.

« Les documents ou informations recherchés portent sur :

« a) Les nom et adresse des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs et autres détenteurs antérieurs des produits, procédés ou services, ainsi que des grossistes destinataires et des détaillants ;

« b) Les quantités produites, commercialisées, livrées, reçues ou commandées, ainsi que sur le prix obtenu pour les produits, procédés ou services en cause. » - (Adopté.)

Article 12
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Article 15

Article 13

I. - L'article L. 615-7 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 615-7. - Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par le contrefacteur et le préjudice moral causé au titulaire des droits du fait de l'atteinte.

« Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire qui ne peut être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. »

II. - À la fin de la seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 615-10 du même code, la référence : « à l'article L. 615-7 » est remplacée par les références : « aux articles L. 615-3 et L. 615-7-1 ». - (Adopté.)

Article 13
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Article additionnel avant l'article 20

Article 15

I. - Dans la seconde phrase du 1 de l'article L. 615-14 du même code, après les mots : « en bande organisée », sont insérés les mots : « ou lorsque les faits portent sur des marchandises dangereuses pour la santé, la sécurité de l'homme ou l'animal ».

II. - Après l'article L. 615-14-1 du même code, sont insérés deux articles L. 615-14-2 et L. 615-14-3 ainsi rédigés :

« Art. L. 615-14-2. - Les personnes physiques coupables du délit prévu à l'article L. 615-14 peuvent en outre être condamnées, à leurs frais, à retirer des circuits commerciaux les objets jugés contrefaisants et toute chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction.

« La juridiction peut ordonner la destruction aux frais du condamné ou la remise à la partie lésée des objets et choses retirés des circuits commerciaux ou confisqués, sans préjudice de tous dommages et intérêts.

« Elle peut également ordonner, aux frais du condamné, l'affichage du jugement ou la diffusion du jugement prononçant la condamnation, dans les conditions prévues à l'article 131-35 du code pénal.

« Art. L. 615-14-3. - Les personnes morales déclarées pénalement responsables, dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal, du délit prévu à l'article L. 615-14 du présent code encourent :

« 1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal ;

« 2° Les peines mentionnées à l'article 131-39 du même code.

« L'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131-39 du même code porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise.

« Les personnes morales déclarées pénalement responsables peuvent en outre être condamnées, à leurs frais, à retirer des circuits commerciaux les objets jugés contrefaisants et toute chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction.

« La juridiction peut ordonner la destruction aux frais du condamné ou la remise à la partie lésée des objets et choses retirés des circuits commerciaux ou confisqués, sans préjudice de tous dommages et intérêts. » - (Adopté.)

Article 15
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Article 20

Article additionnel avant l'article 20

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 1 rectifié septies est présenté par MM. Seillier, Adnot, P. André, Bailly, Barraux et A. Boyer, Mme Desmarescaux, M. Dériot, Mme B. Dupont, M. Fournier, Mme N. Goulet, MM. Milon, de Montesquiou, Mortemousque et Mouly, Mme Henneron et MM. Pointereau, Cornu, A. Dupont, du Luart et Hérisson.

L'amendement n° 3 est présenté par MM. Muller, Raoul, Yung, Marc, Pastor et Bel, Mmes Herviaux et Alquier, MM. Domeizel, Frécon et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Avant l'article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article L. 623-25 du code de la propriété intellectuelle est complété par une phrase ainsi rédigé :

« Ne constitue pas une contrefaçon la reproduction par un agriculteur de semences de ferme pour les besoins de son exploitation agricole, et ce quelle que soit l'origine de ces semences ».

La parole est à M. Bernard Seillier, pour défendre l'amendement n° 1 rectifié septies.

M. Bernard Seillier. En première lecture, le Sénat a supprimé l'article 19 du projet de loi initial, lequel excluait du champ d'application de la loi la reproduction de semences de ferme, et l'Assemblée nationale a confirmé cette suppression.

Or l'article L. 623-25 du code de la propriété intellectuelle définit la contrefaçon de façon très large et, pour tout dire, extrêmement floue. Qu'on en juge : « Toute atteinte portée aux droits du titulaire d'un certificat d'obtention végétale tels qu'ils sont définis à l'article L. 623-4 constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. »

L'article 19 du projet de loi initial laissait espérer que la notion de « contrefaçon à l'échelle commerciale » protégerait les exploitants agricoles qui ont recours aux semences de ferme pour leur exploitation. Cependant, pour éviter toute impasse en matière de contentieux, étant entendu que la disposition n'était peut-être pas suffisamment encadrée, les deux assemblées ont jugé préférable de supprimer purement et simplement l'article 19.

Dès lors, les intéressés se demandent si l'on ne va pas ainsi revenir indirectement sur le droit ancestral des agriculteurs de ressemer une part de leur propre récolte et de décider librement de la gestion rationnelle de leur exploitation, parfois pour en assurer la survie.

Aux États-Unis, la semence de ferme est reconnue comme étant un droit élémentaire se situant hors de toute contrainte, relevant quasiment des droits de l'homme.

C'est, à mes yeux, l'enjeu de ce débat, et c'est l'objet de mon intervention. En effet, le droit à l'autosuffisance alimentaire des peuples me semble supérieur au droit commercial.

Mon amendement vise donc à reconnaître le recours aux semences de ferme pour les besoins de l'exploitation comme une pratique de droit commun.

À l'heure du Grenelle de l'environnement, il serait surprenant qu'un projet de loi vienne soumettre les agriculteurs et leurs pratiques à des intérêts qui ne sont pas les leurs. Il y va de la survie du monde rural tant en France que dans tous les pays où l'agriculture reste fondamentale, car les législations française et européenne peuvent constituer une référence pour orienter la philosophie de la production agricole dans le monde et les efforts des pays sous-développés.

C'est pourquoi je vous propose, par cet amendement, d'insérer la disposition suivante : « Ne constitue pas une contrefaçon la reproduction par un agriculteur de semences de ferme pour les besoins de son exploitation.. ». C'est un amendement de précaution, mais il affirme également un droit important.

Je n'ignore pas l'existence du projet de loi relatif aux obtentions végétales et modifiant le code de la propriété intellectuelle et le code rural, que le Sénat a voté, mais qui est resté en suspens à l'Assemblée nationale du fait des élections législatives.

Il conviendra, le moment venu, d'en préciser le contenu, car, en l'état, il ne permet la reproduction à la ferme que de vingt et une espèces, si l'on s'en tient au catalogue officiel.

En outre, le projet de loi en question prévoit des contraintes franchement léonines pour les nombreux agriculteurs qui pratiquent des mélanges de variétés en associant leur propre production à des semences achetées, puisqu'il oblige les trieurs professionnels, souvent prestataires de services auprès de l'exploitant agricole, à garantir l'identité des produits triés alors qu'ils n'en sont pas les producteurs. C'est donc tout à fait surréaliste !

Je n'affirme pas la supériorité d'une modalité d'exploitation agricole par rapport une autre, mais je tiens que le recours aux semences de ferme ne doit être ni une tolérance ni une dérogation : elle doit être une forme de droit commun reconnu.

Permettez-moi d'établir une analogie, peut-être audacieuse, mais tout de même significative à mes yeux, avec le rapport entre la procréation naturelle et la procréation médicalement assistée.

Nous sommes, en l'occurrence, dans un domaine méta-juridique : le droit d'un agriculteur à réensemencer ses champs avec une part de sa récolte, dès lors qu'il n'utilise pas ces semences à des fins commerciales, me semble fondamentalement attaché aux droits de l'homme.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Muller, pour présenter l'amendement n° 3.

M. Jacques Muller. La suppression de l'article 19 du projet de loi initial, qui tendait à limiter le champ de la contrefaçon en mettant en avant la notion d'échelle commerciale, pose un grave problème puisqu'elle transforme l'agriculteur qui ressème ses graines en contrefacteur, en délinquant.

Il nous faut garantir le droit des producteurs à utiliser leurs propres semences, et ce pour deux raisons.

La première raison est d'ordre éthique. Il s'agit d'une pratique ancestrale, plurimillénaire, qui caractérise le métier même de paysan. Pays, paysage, paysan : ce sont là des notions fondamentales, essentielles, et nous sentons bien qu'on ne saurait y toucher sans heurter la conscience de nos concitoyens.

La deuxième raison a déjà été évoquée : nous sommes dans la dynamique du Grenelle de l'environnement, et je m'en réjouis. Le groupe n° 4 a proposé de fixer l'objectif d'amener 50 % de nos exploitations agricoles au niveau de certification HVE, ou haute valorisation environnementale, celui de l'agriculture durable.

Ce label implique le respect de trois impératifs.

Le premier est écologique. Aujourd'hui, il est prouvé que les semences de ferme permettent de réduire significativement la présence des intrants, notamment les pesticides, lesquels font l'objet d'une des principales préoccupations évoquées à l'occasion du Grenelle de l'environnement. Ainsi, quelque 400 tonnes de pesticides sont économisées chaque année grâce aux exploitants qui réutilisent leurs propres graines. Du reste, ce type de pratique est préconisé par l'Institut national de la recherche agronomique, l'INRA.

Le deuxième impératif est socio-territorial. L'agriculture durable privilégie l'autonomie des exploitations agricoles. Or le recours aux semences de ferme limite évidemment les transports par camion ou par rail de semences fournies par les semenciers.

Le troisième impératif est tout simplement d'ordre économique. À l'heure actuelle, ces pratiques touchent environ 3 millions d'hectares en France et près de 300 000 agriculteurs. Les surfaces plantées avec des semences de ferme représentent 46 % pour le blé, 30 % pour le colza, 51 % pour le pois, 65 % pour la fève. Les exploitants concernés enregistrent une baisse de leurs charges de l'ordre de 50 %. À l'échelle de la France, c'est une économie de 60 millions d'euros !

Pour toutes ces raisons, il me paraîtrait incompréhensible que nous ne prenions pas le soin de garantir le droit fondamental pour les producteurs de réutiliser les graines issues des récoltes.

Ne pas le faire serait plus qu'une une erreur : une faute !

Mme la présidente. L'amendement n° 4 rectifié, présenté par Mme Gourault, MM. Mercier, Vanlerenberghe, Arnaud et J. Boyer, Mme Payet, MM. C. Gaudin, Zocchetto, A. Giraud et Soulage et Mme Morin-Desailly est ainsi libellé :

Avant l'article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article L. 623-25 du code de la propriété intellectuelle est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ne constitue pas une contrefaçon la reproduction par un agriculteur de semences pour les besoins de son exploitation agricole et ce quelle que soit l'origine de ces semences. »

La parole est à M. Philippe Arnaud.

M. Philippe Arnaud. Sans reprendre les arguments développés par les orateurs précédents, je veux réaffirmer la nécessité impérative de réintroduire des dispositions qui empêchent d'assimiler la reproduction des semences fermières au débat qui nous occupe aujourd'hui et qui concerne la lutte contre la contrefaçon.

À propos de la contrefaçon, des mots forts ont été employés, notamment par M. le secrétaire d'État et par M. le rapporteur : on a parlé de « fléau », mais aussi de « trafic », de « mafia », des vocables qui évoquent plutôt le grand banditisme. S'agissant de la contrefaçon, l'emploi de tels termes me paraît d'ailleurs justifié et c'est pourquoi, avec mes collègues du groupe de l'Union centriste-UDF, j'approuve toutes les mesures, même si certaines sont imparfaites, visant à lutter contre cette pratique.

Cependant, par on ne sait quel tour de passe-passe, sont venus s'ajouter aux copies frauduleuses et autres contrefaçons, des éléments touchant au vivant. Il s'agit, en l'occurrence, de végétaux, mais on pourrait, par extension, évoquer des animaux. Lorsqu'un taureau présentant certaines qualités a été sélectionné pour une reproduction, il a bien servi à produire des veaux, lesquels ont vocation à fournir ensuite de la viande ou du lait destinés à la commercialisation.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il ne peut pas y avoir de contrefaçon !

M. Philippe Arnaud. Certes, monsieur le président, mais ces animaux ont aussi une fonction naturelle, comme chacun d'entre nous : celle de se reproduire.

M. Laurent Béteille, rapporteur. Ce ne sont pas des clones !

M. Philippe Arnaud. J'y viendrai, monsieur le rapporteur.

La reproduction de ces animaux issus d'une sélection rigoureuse est-elle une contrefaçon ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !

M. Philippe Arnaud. Non, bien sûr ! On peut avoir dans son élevage plusieurs générations d'animaux sélectionnés pour telle ou telle qualité. Et vous avez raison, monsieur le président, on ne peut les qualifier de contrefaçons, tout simplement parce qu'il s'agit du domaine du vivant !

Mme Marie-Thérèse Hermange. Oui, mais où veut-il en venir ?

M. Philippe Arnaud. De génération en génération, la qualité génétique se perd par rapport à l'animal d'origine.

Il en est de même pour les semences végétales. Fruit de recherches coûteuses, elles sont mises sur le marché pour leurs qualités spécifiques. Si elles sont replantées après la première récolte, elles perdent chaque année de réutilisation une partie de leur qualité génétique initiale. Au fur et à mesure des années, on les appelle des semences R1, R2, et ainsi de suite. En outre, vous n'ignorez pas que des mélanges se font par la pollinisation et qu'une dégénérescence assez rapide se produit.

La fonction première de l'agriculteur consiste à produire et à reproduire les végétaux ou les animaux. La reproduction est en outre la fonction naturelle de tout organisme vivant, végétal ou animal ; par voie de conséquence, les semences ont vocation à être reproduites.

Je vous le dis très simplement, monsieur le secrétaire d'État : il serait extrêmement grave d'assimiler la reproduction à la ferme de semences pour l'usage exclusif de l'exploitation au grand banditisme, à des trafics organisés par des mafias.

M. Charles Revet. Nous sommes bien d'accord !

M. Philippe Arnaud. Cela se fait depuis que depuis que l'agriculture existe !

La réalité, c'est que chaque agriculteur, soucieux de l'économie de son exploitation, sait parfaitement qu'il doit réinvestir chaque année dans des semences nouvelles pour assurer une rotation et un équilibre économique.

Monsieur le secrétaire d'État, il est nécessaire de modifier le dispositif, soit par le vote, à l'occasion de l'examen du présent projet de loi, de notre amendement tendant à exclure purement et simplement du délit de contrefaçon la reproduction de semences fermières, soit par la définition d'une solution autre, dans le cadre du projet de loi relatif aux obtentions végétales. Dans cette dernière éventualité, il conviendrait alors que le Gouvernement assume ses responsabilités et prenne l'engagement que les agriculteurs ne seront pas inquiétés par les contrôleurs. Auquel cas, nous pourrions revoir notre position. Nous sommes là face à un problème grave et considérable qui ne peut être ignoré.

Mes chers collègues, comme chacun d'entre vous, je suis à l'écoute du terrain. Mes propos ne me sont dictés par aucun lobby ou groupe de pression. La puissance des lobbies est ailleurs : elle est bien davantage celle des multinationales semencières que celle des agriculteurs, qui ne font que défendre leur intérêt.

Pour avoir moi-même exercé, en d'autres temps, la profession de négociant en engrais et produits du sol, pour avoir vendu des semences, je puis dire que c'est un sujet que je connais bien. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et du groupe socialiste.)

M. Daniel Raoul. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Laurent Béteille, rapporteur. Le texte que nous examinons aujourd'hui porte sur la lutte contre la contrefaçon. Son objet n'est pas de définir le périmètre des différentes composantes du droit de la propriété intellectuelle, à savoir notamment les oeuvres littéraires et artistiques, les brevets, les marques, les dessins et modèles, mais aussi, et depuis fort longtemps, les obtentions végétales.

L'amélioration des variétés de semences et de bien d'autres espèces horticoles nécessite de longues recherches et des processus de sélection. Ainsi, on estime qu'une variété agricole nécessite au moins dix années de recherches avant d'être mise sur le marché. C'est un domaine dans lequel nous oeuvrons depuis toujours.

Mais ce texte n'a pas pour objet de définir ce qui est protégé et ce qui ne l'est pas. Si tel avait été le cas, nous aurions dû, compte tenu de l'importance du sujet, retravailler sur les différentes composantes du droit de la propriété intellectuelle ou incorporelle, et nous aurions alors été aux prises avec un monstre juridique. Aussi, tenons-nous-en à l'objet du projet de loi.

La directive européenne dispose que les actes perpétrés à l'échelle commerciale sont ceux qui ont pour objet « d'obtenir un avantage économique ou commercial direct ou indirect [...] ». Compte tenu de l'imprécision de l'adjectif « indirect », la commission, unanimement suivie par le Sénat et par l'Assemblée nationale, a, sur ma demande, supprimé en première lecture la référence à la notion d'échelle commerciale. Cette suppression n'a strictement rien à voir avec le problème qui nous occupe. (M. Daniel Raoul est dubitatif.) En revanche, chacun comprend bien ce que recouvre la notion d'avantage économique. En effet, quiconque reproduit des semences tente d'en tirer un avantage économique dès lors qu'il ne le fait pas pour sa consommation personnelle. Si tel n'était pas le cas, nous ne débattrions pas en ce moment de ce sujet. Cette notion d'échelle commerciale ne protégeait en aucune manière l'agriculteur qui produit ses propres semences. Par conséquent, la suppression de la référence à cette notion ne change rien. Notre objectif demeure de faciliter la lutte contre la contrefaçon, qui est un fléau pour tout le monde, y compris pour les agriculteurs.

Je n'ignore pas que la reproduction par un agriculteur de semences de ferme non seulement constitue une pratique très ancienne, mais encore est le fondement même de l'agriculture traditionnelle.

Pour autant, on ne peut traiter cette question, que personne ne sous-estime, sans procéder à des auditions et sans mener de réflexions, comme nous l'avions fait lors de l'examen du projet de loi relatif aux obtentions végétales, que le Sénat a adopté l'année dernière. Curieusement, nous n'avions pas alors évoqué ce problème précis,...