M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, sur l'article.

M. Thierry Foucaud. Cet article 6 est l'un des pivots du présent projet de loi de finances.

En effet, alors même que la plupart de nos compatriotes sont inquiets pour leur emploi, leur pouvoir d'achat, et craignent l'exclusion sociale, l'une des mesures essentielles de ce texte vise à alléger la fiscalité des dividendes.

C'est bien de cela qu'il s'agit, à terme, au-delà de l'opération de trésorerie qui consiste à mettre en oeuvre un prélèvement libératoire, fût-il de 18 %.

L'opération de trésorerie, selon les documents officiels, ce sont 600 millions d'euros de recettes fiscales pour l'État et quelques centaines de millions de plus pour la sécurité sociale au titre de la contribution sociale généralisée qui serait perçue par anticipation en 2008.

Cependant, dès 2009, les comptes publics, tant de l'État que de la sécurité sociale, seront ponctionnés d'autant, diminuées des recettes perdues au titre du prélèvement libératoire qui apparaîtra dès lors comme ce qu'il est, c'est-à-dire une niche fiscale en devenir.

Qui va profiter de ce dispositif ? Évidemment ceux qui y ont intérêt, c'est-à-dire ceux pour qui le prélèvement de 18 % sous forme de retenue à la source est supportable.

Pour que cela soit intéressant, il faut donc que le niveau de prélèvement normalement subi soit plus important, c'est-à-dire que nous soyons en présence d'un contribuable dont les revenus subissent un taux de prélèvement supérieur à ce taux de 18 %. En fait, ne tournons pas autour du pot, la mesure proposée aux termes de l'article 6 est destinée à répondre aux attentes des plus hauts revenus, là encore, c'est-à-dire ceux qui sont taxés au moins à 30 % et, surtout, ceux qui sont taxés à 40 %, car c'est là que l'affaire commence à être vraiment rentable !

Tout cela aura donc de réelles conséquences sur le pouvoir d'achat des ménages, en 2009, mais pas de n'importe quels ménages, puisqu'il ne s'agira que du demi-million de familles concernées par la stricte application du taux de 40 %.

Comment, par ailleurs, ne pas noter que l'essentiel des détenteurs d'actions dans notre pays - ils seraient un peu moins de cinq millions - n'ont, pour leur part, aucun intérêt à faire jouer le dispositif de l'article 6 ? En effet, leurs revenus de capitaux sont réduits, et ne constituent le plus souvent que l'accessoire d'autres revenus plus importants.

Je ne citerai pour exemple que les salariés du groupe Auchan, qui, en moyenne, disposent en propre de vingt à trente actions de leur entreprise et qui en tirent 200 euros de dividendes annuels, crédit d'impôt compris ! Rien à voir, bien entendu, avec les stock-options de quelques dirigeants ou héritiers d'un fameux groupe aéronautique de notre pays.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Cette intervention se situe dans la droite ligne de celle que j'ai faite tout à l'heure au sujet de l'impôt sur le revenu.

Avec l'option du prélèvement libératoire pour les dividendes, la boucle est, en quelque sorte, bouclée : je fais allusion à la boucle qui part de la création de l'avoir fiscal, en 1965, et s'achève avec la création du prélèvement libératoire pour les intérêts, lequel consiste à faire échapper au barème progressif de l'impôt sur le revenu un certain nombre de revenus du capital.

Le prélèvement libératoire sur les dividendes constitue, pour le groupe socialiste, un point de non-retour, le taux de 18 % étant désormais commun à tous les revenus mobiliers.

Quelle sera la prochaine étape ? La concurrence fiscale plaide en faveur de l'instauration d'un taux zéro.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout compris, nous en sommes à 29 %. Nous sommes donc loin du taux zéro !

Mme Nicole Bricq. En ce qui concerne la concurrence fiscale, la France n'est pas la dernière, contrairement à ce qui est colporté.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Mieux vaut ne pas être les derniers ! Nous ne sommes pas les premiers non plus, il est vrai.

Mme Nicole Bricq. Si l'on ajoute au nouveau panorama créé avec cette mesure fiscale concernant les dividendes les allégements successifs, et massifs, de l'impôt sur les successions, force est de constater que le Gouvernement oeuvre non pas pour la compétitivité et le travail, mais pour la constitution d'une classe de rentiers, qui plus est vieillissants.

De surcroît, la mesure proposée aboutira à favoriser ceux qui perçoivent le plus de dividendes.

J'ai fait le calcul : le prélèvement libératoire produisant tous les effets d'optimisation pour un couple à partir d'un dividende annuel de 39 400 euros, compte tenu des abattements d'impôts sur les revenus d'actions, cette option est avantageuse pour les contribuables de la plus haute tranche. Décidément, vous ne donnez qu'aux riches !

M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune ; les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° I-131 est présenté par MM. Massion, Masseret, Angels et Auban, Mme Bricq, MM. Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° I-189 est présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. François Marc, pour présenter l'amendement n° I-131.

M. François Marc. Comme chacun sait, le dispositif prévu par cet article 6, que d'aucuns qualifient d'exit tax et qui concerne l'imposition des dividendes versés aux personnes physiques, pose plusieurs problèmes. Ma collègue les a évoqués.

Son effet, a priori positif sur les recettes de l'État, qui en attend, semble-t-il, une rentrée supérieure à 600 millions d'euros, si l'on en croit le Gouvernement, masque un coût net très important à compter de 2009, sans doute 200 millions d'euros par an.

Par ailleurs, cette mesure est une nouvelle illustration du peu de cas que font le Gouvernement et la majorité qui le soutient de la nécessaire progressivité du régime fiscal : elle tend, en effet, à permettre une imposition à un taux proportionnel avantageux de 16 %, relevé à 18 % à l'Assemblée nationale, pour des revenus qui sont aujourd'hui taxés dans la majeure partie des cas au taux marginal de l'impôt sur le revenu.

Enfin, le dispositif de l'article 6 envoie un signal en décalage complet avec la nécessité d'inciter les entreprises à des efforts massifs d'investissement en favorisant une politique de distribution de dividendes plutôt que de réinvestissement des bénéfices dans l'entreprise.

Nous proposons donc de supprimer l'article 6, c'est-à-dire une mesure qui est contre-productive d'un point de vue économique en même temps qu'elle constitue un nouveau cadeau fiscal aux plus aisés - 50 000 contribuables à gros patrimoine - puisque le dispositif n'est de fait intéressant que pour les contribuables qui touchent plus de 25 000 euros de dividendes annuels.

Ces arguments, qui viennent compléter ceux qu'a avancés Mme Bricq, sont à nos yeux largement suffisants pour justifier la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour présenter l'amendement n° I-189.

M. Thierry Foucaud. Je fais miens les arguments de mon collègue François Marc. J'apporterai quelques éléments complémentaires pour justifier l'adoption de cet amendement de suppression.

On nous a précisé que l'un des objets de l'article 6 était de favoriser la détention longue durée des titres des sociétés françaises par des contribuables français en allégeant le montant de l'imposition normalement due au titre des dividendes perçus.

Cet article 6 participe donc de l'accroissement, encore une fois, des dispositifs d'allègement de la fiscalité des revenus du capital et du patrimoine qui constituent, pour le moins, l'une des sources principales de dépense fiscale aujourd'hui.

Comment ne pas relever ici que 80 % des remboursements et dégrèvements compris dans le périmètre de la mission budgétaire dédiée concernent les entreprises, et qu'une partie très importante des 41 milliards d'euros qui sont affectés à la dépense fiscale « impôt sur le revenu » ne concerne que les revenus financiers ?

Entre les crédits d'impôt sur les dividendes, le mode spécifique de taxation des plus-values, les abattements divers et variés, les exonérations complètes, les réductions d'impôt pour investissements en capital et toute une série d'autres mesures, la liste est longue. Et l'on nous propose de l'allonger encore avec cet article 6 ? Trop, c'est trop !

L'un des autres aspects discutables de cet article 6 est le fait qu'il prolonge en quelque sorte le mouvement en direction de l'instauration de la retenue à la source comme mode de règlement des impositions dues.

Pour peu qu'il soit mis en oeuvre, cet article constituera un pas supplémentaire vers l'instauration d'une retenue à la source, en lieu et place de l'actuel système déclaratif. En effet, on pourrait être tenté de traiter tous les revenus de la même manière, une fois que les détenteurs de revenus de capitaux auront quasiment cessé d'être imposés par les modes habituels.

Posons donc la question : quel type de revenu financier ne sera pas concerné par un prélèvement libératoire, dès lors que le présent article entrera en application ?

Sans doute s'agit-il seulement des revenus financiers d'importance marginale perçus par de modestes contribuables, qui ne font pas jouer l'option pour le prélèvement libératoire.

À l'évidence, la généralisation à venir du traitement de l'impôt sur le revenu par retenue à la source est l'un des objectifs sous-tendus par cet article. Elle est, faut-il le souligner, rendue possible par la fusion de la Direction générale des impôts et de la Direction générale de la comptabilité publique, qui nous est présentée comme la plus parfaite illustration de la réforme de l'État.

En ce qui nous concerne, nous ne sommes pas convaincus que la justice fiscale y trouvera son compte.

C'est aussi pour ces motifs, mes chers collègues, que nous vous invitons à adopter cet amendement de suppression de l'article 6, et ce par scrutin public.

M. le président. L'amendement n° I-191, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Vera et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer les I et II à XIV de cet article.

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Cet amendement de repli vise, dans les faits, à ne retenir de l'article 6 que le seul paragraphe I bis, c'est-à-dire le relèvement du taux de taxation des plus-values, lequel peut, à la rigueur, trouver grâce à nos yeux.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ah bon ?

M. Thierry Foucaud. Dans l'hypothèse de l'adoption de cet amendement de repli, l'article 6 pourrait consacrer le redressement des finances publiques par l'accroissement du prélèvement fiscal sur les plus-values.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous ne proposez pas un relèvement plus important ? (Mme la ministre sourit.)

M. le président. Les quatre amendements suivants sont présentés par M. Marini, au nom de la commission des finances.

L'amendement n° I-6 est ainsi libellé :

I. - Dans le troisième alinéa (b) du 2 du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article 117 quater du code général des impôts :

1° Après les mots :

payés à des personnes

insérer les mots :

exerçant, au sein de la société distributrice ou d'une de ses filiales détenues à plus de 50 %, une fonction de direction rémunérée ou une activité salariée et

2° Supprimer les mots :

, à un moment quelconque au cours de cinq années précédant le paiement des revenus

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes pour l'État résultant de l'extension du dispositif aux actionnaires non salariés détenant plus de 25 % des parts d'une entreprise est compensée par une majoration à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

L'amendement n° I-7 est ainsi libellé :

I.- À la fin du second alinéa du II et dans le dernier alinéa du 1 du III du texte proposé par le I de cet article pour l'article 117 quater du code général des impôts, remplacer (deux fois) les mots : 

; elle est irrévocable pour cet encaissement

par trois phrases ainsi rédigées :

Toutefois, lors de la déclaration des revenus prévue à l'article 170, le contribuable peut renoncer à son option pour l'ensemble des dividendes perçus au cours de l'année. Les revenus mentionnés au premier alinéa du I sont alors assujettis à l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues au 2° du 3 de l'article 158. L'impôt retenu à la source est imputé sur l'impôt sur le revenu et le cas échéant restitué.

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes pour l'État résultant de la faculté offerte au redevable de renoncer à son option en faveur du prélèvement libératoire sur les dividendes est compensée par une majoration à due concurrence des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

L'amendement n° I-8 est ainsi libellé :

Après le XIV de cet article, insérer deux paragraphes ainsi rédigés :

... - Dans le premier alinéa de l'article 150-0 A du code général des impôts, le montant : « 20 000 euros » est remplacé par le montant : « 25 000 euros ».

... - Dans le premier alinéa de l'article 200 A du même code, le taux : « 16 % » est remplacé par le taux « 18 % ».

L'amendement n° I-9 est ainsi libellé :

A. - Avant le XV de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

...- Par exception au premier alinéa de l'article 1671 C du code général des impôts, les sociétés dont les titres ou droits ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé pourront effectuer, au plus tard le 15 septembre 2008, le versement du prélèvement prévu à l'article 117 quater du même code et des prélèvements sociaux dus sur les revenus distribués payés entre le 1er janvier et le 31 juillet 2008, si elles répondent aux conditions suivantes au 1er janvier 2008 :

a) Elles emploient moins de deux cent cinquante salariés ;

b) Elles ont réalisé un chiffre d'affaires annuel inférieur à 50 millions d'euros au cours du dernier exercice clos ou ont un total de bilan inférieur à 43 millions d'euros à la clôture du dernier exercice ;

c) Leur capital ou leurs droits de vote ne sont pas détenus à hauteur de 25 % ou plus par une entreprise ou par plusieurs entreprises ne répondant pas aux conditions des a et b, de manière continue au cours du dernier exercice clos.

B. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du A, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - 1. Les pertes de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du report au 15 septembre 2008 du versement des prélèvements sociaux dus sur les revenus distribués payés entre le 1er janvier et le 31 juillet 2008 sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

2. Les pertes de recettes résultant pour l'État du report au 15 septembre 2008 du versement du prélèvement prévu à l'article 117 quater du code général des impôts dû sur les revenus distribués payés entre le 1er janvier et le 31 juillet 2008 sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter ces amendements et pour donner l'avis de la commission sur les amendements identiques nos I-131 et I-189, ainsi que sur l'amendement n° I-191.

M. Philippe Marini, rapporteur général. L'amendement n° I-6, qui résulte d'un certain nombre d'échanges avec le Gouvernement, vise à ajuster quelque peu le mécanisme du prélèvement libératoire.

Il convient de le rappeler, le présent article prévoit notamment d'instituer un prélèvement forfaitaire, optionnel et libératoire de l'impôt sur le revenu pour les dividendes perçus par les particuliers. L'option pour une imposition forfaitaire ne serait toutefois pas autorisée pour les actionnaires détenant une participation substantielle, avec les membres de leur famille, dans la société distributrice des dividendes, et ce afin de limiter les possibilités d'arbitrage entre une rémunération par salaires et une rémunération par dividendes.

Nous proposons de limiter cette exclusion aux seuls actionnaires détenant une participation substantielle dans la société distributrice et exerçant une activité ou une fonction rémunérée dans cette société ou dans l'une de ses filiales détenues majoritairement.

L'adoption de l'amendement permettrait ainsi aux autres membres du groupe familial qui ont investi dans la société sans y exercer d'activité rémunérée de bénéficier de l'option pour une imposition au prélèvement forfaitaire libératoire.

À mon sens, cette mesure complémentaire devrait avoir un effet budgétaire favorable en 2008.

L'amendement n° I-7 vise à prendre en compte la difficulté, pour les épargnants, de prévoir par avance le niveau de leurs dividendes et, le cas échéant, celui de leur taux marginal d'imposition, ce qui pourrait les conduire à opter pour le prélèvement libératoire au détriment de leur intérêt fiscal.

À cet égard, Mme Bricq a avancé un argument très juste.

M. François Marc. Comme toujours !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Selon les calculs qu'elle nous a présentés, il n'est en effet pas si simple pour un contribuable de savoir, ex ante, s'il sera gagnant en choisissant le prélèvement libératoire plutôt que l'imposition au barème de l'impôt sur le revenu.

En fait, madame le ministre, cette mesure qui nous est présentée comme généreuse ne l'est pas particulièrement ou, plutôt, elle ne l'est qu'à partir d'un volume véritablement substantiel de dividendes, et à condition d'être tout en haut du barème !

M. François Marc. C'est pour les riches !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Par conséquent, les personnes qui ne se situent pas à ce niveau peuvent hésiter, dans la mesure où il leur est très difficile de savoir a priori si le prélèvement libératoire entraînera un gain ou une perte.

À mon avis, madame le ministre, c'est vraiment à ce niveau que le bât blesse, et il y a, en quelque sorte, un défaut de conception.

Plus exactement, la mesure était bien meilleure avec un taux de 16 %. Le relèvement à 18 % pose un problème pour les contribuables se situant dans la moyenne ou la moyenne élevée du barème et qui, en cours d'année, vont voir certains de leurs revenus fluctuer. Ils ne peuvent donc pas anticiper avec certitude la tranche dans laquelle ils se trouveront.

Dans ce contexte, nous proposons donc de permettre au contribuable de révoquer, au moment de sa déclaration d'impôt sur le revenu, l'option prise en faveur du prélèvement libératoire et d'imputer le prélèvement à la source sur le montant de l'impôt sur le revenu.

Naturellement, l'État n'y perdrait rien, mais le contribuable n'aurait pas à subir les conséquences d'un choix qu'on l'aurait incité à faire et qui se révélerait mauvais.

Permettez-moi d'insister sur l'importance de cet amendement, madame le ministre, car il n'aurait pas été nécessaire si le taux de 16 % avait été conservé. Dans la mesure où l'Assemblée nationale a fait évoluer le dispositif, dans des conditions à mon avis quelque peu irrationnelles, vers le taux de 18 %, le contribuable aura désormais certaines difficultés pour se définir a priori comme gagnant ou comme perdant.

L'amendement n° I-8 a pour objet de prévoir que la taxation des plus-values au-delà du seuil d'imposition s'effectue également à 18 %. Cela permettrait un gain budgétaire de l'ordre de 200 millions d'euros pour 2008.

Je dois l'avouer, madame le ministre, j'éprouve quelques scrupules à défendre cet amendement. Il s'agit certes d'un amendement d'harmonisation et de mise en cohérence, mais son adoption serait lourde de conséquences, et entraînerait une hausse de la fiscalité. Si nos collègues qui ont critiqué l'article 6 ont bien analysé la situation, ils y trouveront donc peut-être des motifs de satisfaction.

En contrepartie, nous proposons de relever le seuil de cession en deçà duquel le contribuable peut se prévaloir d'une exonération de la taxation des plus-values. (M. François Marc s'esclaffe.) Nous souhaiterions faire passer ce seuil de 20 000 euros à 25 000 euros.

Il convient de rappeler que nous avons déjà revalorisé ce seuil à plusieurs reprises. En réalité, avec 25 000 euros, nous sommes très proches du seuil fixé en 1978, à savoir 150 000 francs.

Par conséquent, madame le ministre, il n'y a pas de quoi pavoiser. La fiscalité des plus-values sur valeurs mobilières présente une configuration singulière, en connaissant, par certains côtés, une amélioration, et, par d'autres, une détérioration.

Toutefois, par rapport à la situation qui prévalait à la fin des années soixante-dix, la fiscalité actuelle est très sensiblement moins favorable. À l'époque, la franchise était, en termes réels, beaucoup plus élevée ; de surcroît, à l'époque, il n'y avait pas de CSG ! Au final, le taux de taxation des plus-values était beaucoup moins élevé.

L'amendement n° I-9 concerne les PME qui deviendront un établissement payeur du prélèvement libératoire sur les dividendes au bénéfice de l'administration fiscale. Les nouvelles modalités de recouvrement de l'impôt et des prélèvements sociaux induiront de nouvelles charges de gestion pour ces PME, qui, à la différence des établissements financiers ou des très grandes entreprises, ne sont pas aujourd'hui familiarisées avec les mécanismes de retenue à la source et subiront des coûts administratifs supplémentaires.

L'amendement vise donc à autoriser ces entreprises à reporter, pour la première année d'application, le paiement du prélèvement libératoire et des contributions sociales jusqu'au 15 septembre 2008, ce qui leur permettra de faire évoluer leur système informatique et comptable.

Par ailleurs, la commission émet un avis tout à fait défavorable aux amendements identiques de suppression nos I-131 et I-189, dans la mesure où la première conséquence de leur adoption serait de faire disparaître 600 millions d'euros de recettes du budget de l'État en 2008.

Chers collègues de l'opposition, où allez-vous retrouver une telle somme ? Certes, vous souhaitez notamment taxer les flux financiers, mais ce n'est assurément pas ce qui est envisagé !

De plus, ne l'oublions pas, la mesure proposée permettra au budget de la sécurité sociale de bénéficier d'une recette de 1,3 milliard d'euros, recette qui ne serait plus au rendez-vous si votre amendement était adopté.

Enfin, la commission est également défavorable à l'amendement de repli n° I-191.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Sur les amendements identiques de suppression nos I-131 et I-189, je partage évidemment le souci de M. le rapporteur général par rapport à l'impact budgétaire de leur éventuelle adoption.

Le montant en jeu est tout de même important, puisqu'il s'agit, au total, de 1,9 milliard d'euros. Une part, au titre de l'impôt sur le revenu, revient au budget de l'État ; l'autre part, au titre des prélèvements sociaux, revient au budget de la sécurité sociale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l'article 6 vise à moderniser notre régime fiscal, en le simplifiant. Je le rappelle, il comprend deux volets.

Le premier consiste, par le prélèvement libératoire mis en place, à harmoniser la taxation sur les revenus des instruments financiers à taux fixe et celle sur les revenus résultant du dividende, c'est-à-dire du placement de l'épargne en actions. Il paraît bien légitime que, dans les deux cas, la taxation soit au moins équivalente, dans la mesure où le risque pris en matière de placement sur actions est plus important.

De plus, une telle fiscalité nous rapproche de celle qui est appliquée dans un certain nombre d'autres pays modernes. Ainsi, l'Espagne a adopté un mécanisme similaire depuis le 1er janvier dernier. L'Allemagne, à compter du 1er janvier 2009, adoptera elle aussi des systèmes de retenue à la source libératoire exactement du même ordre. Dans ce domaine, la France montre donc qu'elle est également capable de se moderniser.

Le second volet de l'article a pour objet d'étendre le paiement à la source des prélèvements sociaux sur les dividendes. Cela permet, là aussi, d'améliorer l'effort d'uniformisation et de simplification du mode de recouvrement des contributions sociales dues sur les placements financiers des particuliers.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement n'est évidemment pas favorable aux deux amendements de suppression.

Par ailleurs, je ne peux qu'émettre un avis défavorable sur l'amendement de repli n° I-191, qui consiste en fait à ne retenir que le relèvement de 16 % à 18 % du taux de prélèvement libératoire sur les dividendes perçus par les particuliers.

L'adoption de cet amendement reviendrait, en fait, à supprimer l'ensemble des dispositions de l'article 6 du projet de loi de finances pour 2008 !

Or, je viens de l'indiquer, le Gouvernement souhaite à la fois moderniser et simplifier la fiscalité sur les dividendes, en mettant en place un mécanisme qui s'appliquera tant aux prélèvements de nature fiscale qu'aux prélèvements de nature sociale.

Je suis favorable, en revanche, à l'amendement n° I-6, qui correspond à l'objectif gouvernemental de limitation, par le biais d'une clause d'exclusion, des abus consistant à optimiser fiscalement la rémunération perçue par un dirigeant qui exerce une activité au sein de la société dont il est également actionnaire.

Le cantonnement que vous proposez me paraît parfaitement légitime, dans la mesure où il concerne des actionnaires qui n'exercent pas d'activité rémunérée au sein de la société et qui n'ont donc pas la tentation d'opter pour l'un ou l'autre des deux systèmes.

Dans ces conditions, le Gouvernement lève le gage.

M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° I-6 rectifié.

Veuillez poursuivre, madame la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre. S'agissant de l'amendement n° I-7, qui vise à supprimer le caractère libératoire du prélèvement forfaitaire, je vais tenter de vous convaincre de le retirer, monsieur le rapporteur général, en essayant d'apaiser les scrupules que vous avez exprimés tout à l'heure.

Vous souhaitez permettre aux contribuables qui ont opté, au cours d'une année, pour le prélèvement forfaitaire libératoire pour l'imposition de leurs dividendes, de renoncer a posteriori à cette option lors de l'établissement de leur déclaration d'impôt sur le revenu et de préférer l'imposition selon le barème progressif habituel, avec application de l'abattement de 40 % et de l'abattement forfaitaire selon leur situation de famille.

Cette proposition ne me paraît pas acceptable, car cela reviendrait, en réalité, à instaurer un prélèvement qui ne serait pas libératoire.

Le premier argument que j'invoquerai est d'ordre budgétaire.

Si cet amendement était adopté, le montant de la recette de l'État perçue par le Trésor au cours d'une année au titre du prélèvement forfaitaire ne serait pas certain, cette recette étant susceptible d'être réduite, l'année suivante, par l'effet de l'imputation sur l'impôt sur le revenu dû par le contribuable ou, selon les cas, de sa restitution.

Une telle mesure n'est pas en parfaite adéquation avec la politique budgétaire du Gouvernement.

Le deuxième argument est non moins important, car il est lié à l'objectif gouvernemental de simplification et de modernisation du droit.

La mesure que vous préconisez serait complexe à mettre en oeuvre et ne bénéficierait, au final, qu'à un nombre très restreint de contribuables. Elle entraînerait inéluctablement des demandes reconventionnelles tendant à l'instauration d'un mécanisme identique, non plus pour les produits à dividendes mais cette fois pour les placements à revenu fixe, demandes qu'il serait difficile de rejeter, dans la mesure où nous tentons précisément d'instaurer un mécanisme d'harmonisation entre les placements à revenu fixe et les placements à revenu variable donnant lieu au paiement de dividendes.

Pour ces raisons, je vous demande, monsieur le rapporteur général, de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, j'en demanderai le rejet.

L'amendement n° I-8 tend à relever, d'une part, le seuil annuel de cession, en le faisant passer, pour les cessions réalisées en 2007, de 20 000 à 25 000 euros et, d'autre part, le taux d'imposition des plus-values mobilières de 16 % à 18 %. Ces mesures se compensent et, il est vrai, nous rapprochent du seuil annuel de cession précédemment applicable de 150 000 francs, auquel vous avez fait référence.

Cette mesure, que l'Assemblée nationale a votée, me paraît tout à fait acceptable dans son principe. Je préfère néanmoins qu'elle soit examinée à l'occasion de la discussion de la deuxième partie du projet de loi de finances et qu'elle entre en application en 2009, pour les cessions intervenant en 2008, et non pas en 2008, pour les cessions intervenues en 2007.

L'amendement n° I-9 consiste à reporter au 15 septembre, pour les petites et moyennes entreprises, la date de paiement du prélèvement forfaitaire libératoire, afin de leur permettre de s'adapter et de mettre en place les logiciels nécessaires à cet effet. Le Gouvernement y est favorable.

M. le président. La parole est à M. Alain Lambert, pour explication de vote sur les amendements identiques nos I -131 et I-189.

M. Alain Lambert. Lorsque j'écoute Mme Bricq, dont j'apprécie la compétence, je considère qu'elle parle au nom de toute la gauche française. Or les doutes qu'elle a exprimés tout à l'heure ne laissent pas de m'inquiéter !

J'ai cru comprendre que le Gouvernement cherchait à obtenir un point de croissance supplémentaire, et je suis certain que nos collègues socialistes et communistes partagent cette ambition. Or comment y parvenir sans s'intéresser aux entreprises et sans inciter les actionnaires à s'installer en France, en les faisant bénéficier d'un régime fiscal qui soit sinon favorable, tout au moins pas plus pénalisant que ceux des pays voisins ?

Chers collègues, ne le prenez pas en mauvaise part, mais je suis effaré par ce que je viens d'entendre. Je croyais, en effet, que la démocratie française s'était modernisée et que la dernière élection présidentielle avait permis l'émergence d'une gauche moderne, social-démocrate, comme il en existe chez nos voisins, une gauche qui reconnaît, une fois pour toutes, l'économie de marché et qui accepte que les entreprises françaises, dans un contexte concurrentiel, puissent se battre à égalité de chances avec leurs concurrents.

Or, à l'occasion des amendements et des explications de vote, on entend un discours tout à fait différent, celui de l'ancienne gauche, de la gauche « historique », celle qui aime par-dessus tout l'économie administrée, qui se méfie des entreprises et qui rejette le profit comme s'il n'avait aucun rapport avec la survie de l'entreprise, avec ses investissements, avec l'emploi.

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est rassurant !

M. Alain Lambert. Chers collègues, j'espère que votre discours n'est pas entendu à l'extérieur, car il pourrait donner des frissons aux responsables d'entreprises.

L'article 6 vise tout simplement à faire en sorte que notre territoire, qui, ne l'oublions pas, est en compétition avec ses voisins pour la localisation des entreprises, ne soit pas moins attractif que les autres.

Chers collègues, dans quel sens s'opèrent actuellement les flux fiscaux migratoires ou les flux migratoires fiscaux ? Jouent-ils en faveur de la France ou la pénalisent-ils ? La France serait-elle dernièrement devenue un paradis fiscal vers lequel on observerait un afflux de contribuables étrangers préférant notre fiscalité à celle qui prévaut dans leur pays d'origine ?

Pour ma part, je l'ignorais ! Je n'ai lu cette information dans aucun journal, français ou étranger. Mais, si elle exacte, mes chers collègues, vous devez la publier. Vous ferez ainsi une réputation formidable à la France. Pensez donc : le paradis fiscal tant attendu existerait enfin, et il serait en France ! (Sourires.)

Hélas, il n'en est rien, et ce ne sont pas Mme la ministre ou M. le rapporteur général qui me convaincront du contraire.

Je demande donc à mes collègues socialistes et communistes, au nom des relations apaisées et amicales que nous entretenons dans cette assemblée, de bien vouloir retirer leurs amendements.

Je ne peux pas croire, en effet, qu'ils souhaitent garder une fiscalité confiscatoire, non compétitive, et qu'ils refusent l'instauration dans notre pays d'une fiscalité au moins équivalente à celle de ses voisins européens, et j'entends par là non ceux de l'Europe actuelle des Vingt-Sept, mais ceux de l'Europe des Quinze.

Maintenir ces amendements, chers collègues, ce serait délivrer le message selon lequel la gauche ne s'est pas modernisée et ne veut pas que l'économie française se développe. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.

M. François Marc. Les arguments qui viennent d'être développés me confortent encore davantage dans l'idée que ces amendements de suppression ont un sens.

Si j'ai bien compris notre collègue Alain Lambert, dont le propos est tout à fait conforme à celui de Mme la ministre et de M. le rapporteur général, la gauche serait contre la modernisation.

M. Alain Lambert. Je le crains !

M. François Marc. Si la modernisation consiste à remplacer l'impôt progressif par l'impôt proportionnel, ce qui est l'essence même de la démarche du Gouvernement notamment depuis le vote de la loi TEPA, alors nous sommes fondés à tenter de résister, par tous les moyens, à cette évolution.

Il est vrai que l'impôt progressif est contesté par la droite. Cela ne date pas d'aujourd'hui ! Mais les grignotages successifs opérés au fil des ans ont conduit à l'instauration d'une fiscalité fondée, à bien des égards, non plus sur la progressivité mais sur la proportionnalité. La CSG, la TVA et l'ensemble des autres prélèvements en sont la preuve.

Vous souhaitez visiblement accentuer cette évolution, l'accélérer et faire en sorte que l'impôt progressif, dont on connaît les fondements historiques, régresse dans notre pays. Nous ne pouvons pas souscrire à cette démarche.

Ne perdons pas de vue ici que les nouvelles règles fiscales vont améliorer encore la situation de 50 000 contribuables déjà très aisés, qui perçoivent entre 30 000 ou 39 000 euros de dividendes par an !

Deux conceptions s'affrontent : la vôtre, qui tend à favoriser un certain nombre de contribuables très aisés, ...