M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous cherchons à éviter qu'ils s'en aillent ! Nous préférons les voir ici plutôt qu'à Bruxelles !

M. François Marc. ... et la nôtre, qui consiste à faire prévaloir la logique de l'impôt progressif.

Nous demandons donc la suppression de l'article 6, en tant qu'il remet en cause le principe de la progressivité de l'impôt, auquel nous tenons et que nous voulons réaffirmer.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je souhaite revenir sur les propos d'Alain Lambert adressés à François Marc.

Souvenez-vous, mes chers collègues, de l'audition consacrée à l'Imprimerie nationale, à l'occasion de laquelle la commission des finances avait invité les dirigeants du groupe Carlyle. Le fonds luxembourgeois avait acquis l'immeuble de l'Imprimerie nationale, avait pris en charge sa rénovation et l'avait revendu, à l'État, d'ailleurs, réalisant une plus-value bénéficiant de la double exonération.

J'avais demandé au président de Carlyle pourquoi il était domicilié au Luxembourg. Pour des raisons fiscales, m'avait-il répondu ...

Vous pouvez le déplorer, monsieur Marc, mais c'est ainsi ! Et vous, que comptez-vous faire pour éviter cette évasion, qui ne peut que s'accroître si nous n'y portons remède ?

Cette situation est fort désagréable, car nous avons l'impression de perdre notre souveraineté fiscale. La matière imposable est très fugace, et des stratégies sont d'ores et déjà adoptées de manière systématique par certains contribuables, conseillés au plus haut niveau par des cabinets supranationaux. Il faut donc essayer d'appliquer le principe de réalité. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Je souhaite réagir aux propos de M. le président de la commission des finances.

J'ai entendu comme vous, monsieur Arthuis, la réponse que vous a faite le président de Carlyle. Cet argument ne saurait être utilisé dans le cadre de la discussion de l'article 6. Si Carlyle a pu bénéficier de cette situation privilégiée, c'est en raison de l'absence de transposition, dans notre droit, d'un texte européen. Si cette transposition avait été faite, Carlyle aurait été obligé de payer des impôts sur les plus-values réalisées.

Je n'accepte pas l'amalgame que vous opérez pour vous opposer à notre proposition.

Comme le disait François Marc à l'instant, notre amendement de suppression traduit un véritable choix de société : nous sommes attachés à l'impôt progressif parce nous estimons qu'un pays ne peut rien construire de solide si chacun ne contribue pas en fonction de ses capacités.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-131 et I-189.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 38 :

Nombre de votants 326
Nombre de suffrages exprimés 326
Majorité absolue des suffrages exprimés 164
Pour l'adoption 125
Contre 220

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° I-191.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-6 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° I-7 est-il maintenu ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Mme la ministre m'ayant demandé de bien vouloir retirer cet amendement, je n'aurai pas l'indélicatesse de ne pas le faire. Au demeurant, un avis favorable du Gouvernement pour trois amendements sur quatre, c'est déjà un assez beau palmarès ! (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° I-7 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° I-8.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-9.

Mme Christine Lagarde, ministre. Je lève le gage !

M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° I-9 rectifié.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié.

(L'article 6 est adopté.)

Article 6
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 6 bis (début)

Articles additionnels après l'article 6

M. le président. L'amendement n° I-11, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° Après l'article 4 B, il est inséré un article 4 C ainsi rédigé :

« Art. 4 C. - Les personnes ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 B peuvent demander à être passibles de l'impôt sur le revenu à raison de leurs seuls revenus de source française.

« Le bénéfice du premier alinéa est accordé pour une durée maximale courant jusqu'au 31 décembre de la cinquième année suivant celle de l'acquisition du domicile fiscal en France, sur agrément délivré dans les conditions prévues à l'article 1649 nonies, aux personnes remplissant les conditions suivantes :

« 1° Ne pas avoir été fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B au cours des cinq années précédant la demande ;

« 2° Avoir satisfait à l'ensemble de leurs obligations fiscales et sociales ;

« 3° a. Exercer à titre principal une activité donnant lieu au versement d'un traitement ou salaire soumis au taux maximal de la taxe prévue à l'article 231,

« b. Ou exercer à titre principal une activité figurant sur une liste fixée par décret en raison du caractère spécifique des compétences requises ou de difficultés de recrutement,

« c. Ou souscrire, à compter du 1er janvier 2008 et dans les conditions définies à l'article 885 I ter, au capital de sociétés répondant aux conditions définies audit article, pour un montant excédant la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt de solidarité sur la fortune, et prendre l'engagement de conserver les titres souscrits pendant la durée de l'agrément et, en cas de cession, de réinvestir le produit de la cession dans des titres de même nature. » ;

2° Dans le troisième alinéa (2°) de l'article 885 A, après les mots : « n'ayant pas leur domicile fiscal en France », sont insérés les mots : « ou bénéficiant du régime défini à l'article 4 C ».

II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Madame la ministre, il s'agit d'un sujet que vous connaissez bien, car nous l'avons évoqué à plusieurs reprises, et notamment dans la foulée du rapport fait au nom de la mission commune d'information sur la notion de centre de décision économique, rapport dont Christian Gaudin est l'un des principaux auteurs.

L'amendement vise à introduire un nouveau régime de « résident fiscal temporaire » ou de « résident fiscal non domicilié » inspiré du régime britannique de la résidence fiscale et de la remittance basis, le dispositif proposé ayant vocation à compléter le régime existant des impatriés, qui présente de réels atouts mais demeure trop peu utilisé.

Cet amendement a déjà été présenté lors de l'examen du projet de loi TEPA et a fait l'objet depuis lors de quelques améliorations.

Le nouveau régime permettrait aux bénéficiaires de n'être imposés que sur leurs seuls revenus de source française et biens établis en France. Il serait accordé sur agrément et sous certaines conditions, afin de faciliter l'installation en France de cadres hautement qualifiés, en particulier du secteur financier, et d'entrepreneurs ayant constitué un patrimoine important à l'étranger, ainsi que de chercheurs ou de scientifiques de haut niveau.

Il s'agit là d'une importante mesure d'attractivité qui me semble s'inscrire dans la continuité de l'installation du Haut Comité de place - par vous-même, madame la ministre - le 5 octobre 2007.

Le moment paraît d'autant plus propice que le régime britannique de la remittance basis devrait se révéler nettement moins attractif à compter d'avril 2008, avec l'introduction d'un droit annuel de 30 000 livres : si les Britanniques dégradent leur régime, à nous de mettre en place un dispositif réellement attractif et qui reflète un équilibre raisonnable !

Madame la ministre, vous avez rappelé, lors de votre intervention dans la discussion générale, les enjeux qui s'attachent au développement d'une industrie financière sur la place de Paris et la part déjà non négligeable de l'activité de l'Île-de-France, et au-delà, qui est liée aux marchés financiers.

La commission des finances vous soumet donc une nouvelle fois cet amendement, en espérant qu'il puisse s'inscrire dans vos réflexions, en particulier dans le cadre de la préparation d'un texte, que nous attendons, sur l'attractivité, et elle sera très attentive, madame la ministre, à la réponse que vous apporterez à cette sollicitation.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Nous partageons, monsieur le rapporteur général, la même ambition, celle de faire de Paris une place financière susceptible de rivaliser avec Londres ou New York - à terme, car, si Rome ne s'est pas construite en un jour, Paris place financière se fera graduellement. (Sourires.)

Vous avez eu l'amabilité de rappeler qu'en octobre avait eu lieu l'installation du Haut Comité de place. Je crois que c'est un premier pas en vue d'une action concertée avec les acteurs de place de nature à permettre, premièrement, de définir une stratégie, deuxièmement, d'identifier les obstacles et, troisièmement, de proposer des solutions pour surmonter ces obstacles et faire de Paris une place financière de choix.

Les activités financières correspondant dès aujourd'hui à 5 % du produit intérieur brut, il me paraît indispensable, d'une part, d'y accorder de l'attention et, d'autre part, de mettre en place des mesures particulières.

À cet égard, votre proposition, qui vise à instituer en droit fiscal français l'équivalent de la remittance tax applicable en Angleterre mais à ce jour en cours de modification, va tout à fait dans ce sens.

Vous suggérez que nous étudiions cette proposition soit dans le cadre d'un texte consacré à l'attractivité, soit dans le cadre de la revue générale des prélèvements obligatoires, laquelle comportera un volet relatif à l'attractivité.

Dans l'un ou l'autre de ces deux cas, je souhaiterais bénéficier, évidemment, de vos propositions, mais aussi, puisque, vous l'avez dit, ce type de texte s'adresse en particulier à des cadres financiers et aux cadres de ces sociétés transnationales qu'évoquait M. le président de la commission des finances, solliciter l'avis du Haut Comité de place pour avoir la certitude que le mécanisme pour lequel nous opterons nous mettra véritablement en position de concurrencer Londres.

Au passage, je rappellerai que, nonobstant le principe de la progressivité de l'impôt sur le revenu, que nous revendiquons, nous avons déjà franchi plusieurs étapes dans cette direction. Je pense, en premier lieu, aux modifications intervenues depuis 2005 et qui sont maintenant applicables, en particulier au nouveau barème qui a permis d'alléger l'impôt sur le revenu, en deuxième lieu, à l'excellent bouclier fiscal à 50 % et, en troisième lieu, au régime des impatriés qui autorise ceux-ci à bénéficier d'une exonération sur le bonus ou, en tout cas, sur les primes liées à leur impatriation.

Ce sont autant d'étapes dans la direction de l'objectif que nous souhaitons atteindre, qui est de faire de la France, et de Paris en particulier comme place financière, un véritable pôle d'attraction pour les talents internationaux, qui sont, par hypothèse, extraordinairement volatiles et mobiles, et que nous pourrions attirer en cantonnant leur imposition.

Comme vous m'avez invitée à le faire, je propose donc, monsieur le rapporteur général, que nous retrouvions cette mesure dans un texte sur l'attractivité et, en toute hypothèse, dans le cadre de la revue générale des prélèvements obligatoires, et, bien sûr, que nous l'examinions munis de l'avis du Haut Comité de place.

M. le président. Monsieur le rapporteur général, l'amendement est-il maintenu ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Madame la ministre, j'ai l'impression que nous avançons, mais je me permettrai de dire que, dans ces domaines,...

Mme Christine Lagarde, ministre. Il ne faut pas traîner !

M. Philippe Marini, rapporteur général. ...le rythme est en effet important. Or, actuellement, la conjonction des astres est sans doute assez favorable. (Sourires.)

Dans ces circonstances, la commission souhaiterait que les travaux préparatoires et autres consultations préalables ne durent qu'un temps raisonnable, de telle sorte que la mesure soit vraiment incitative.

Je suis tout à fait prêt à admettre que notre dispositif n'est pas achevé techniquement - il est d'ailleurs assez complexe - et je puis donc, si vous le souhaitez, à ce stade retirer l'amendement, mais je ne voudrais pas, en le retirant prématurément, priver de parole ceux de nos collègues qui voudraient éventuellement s'exprimer à ce sujet. Mais peut-être n'est-ce pas le cas...

Nicole Bricq nous avait accompagnés dans les réflexions de la mission commune d'information...

Mme Nicole Bricq. Pas sur ce point !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ah, nous n'avons pas toujours une convergence complète sur ces sujets ! Le contraire serait d'ailleurs suspect. (Nouveaux sourires.)

En tout état de cause, puisque le souhait de la commission des finances semble, sur le fond des choses, être relayé par Mme la ministre, je suis prêt à retirer l'amendement, sachant que l'idée va cheminer. Mais, madame la ministre, il pourrait ne s'agir que d'un retrait temporaire : vous le savez, nous sommes persévérants et assez tenaces ; si le droit positif ne suit pas dans un délai raisonnable les intentions, nous reviendrons à la charge !

Pour l'heure, je vous remercie de l'accueil que vous avez bien voulu réserver à cet amendement, que je retire.

M. le président. L'amendement n° I-11 est retiré.

L'amendement n° I-10, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Les articles 978 et 980 à 985 du code général des impôts sont abrogés.

II. - Dans l'article L. 182 du livre des procédures fiscales, les mots : « le droit de timbre sur les opérations de bourses de valeurs prévu à l'article 978 du code général des impôts et »  sont supprimés et les mots : « du même code » sont remplacés par les mots : « du code général des impôts ».

III. - La perte de recettes résultant pour l'État des I et II est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cette fois, nous sommes dans le court terme : au 1er janvier 2008, suppression de l'impôt sur opérations de bourse, impôt que je considère d'ailleurs, on le sait, comme dépourvu de tout fondement.

Cela va naturellement réjouir un des côtés de l'hémicycle, mais je veux rappeler que le Haut Comité de place, installé le 5 octobre dernier, a pu constater que cet impôt était un frein au développement de la place de Paris.

L'impôt sur les opérations de bourse pèse en effet sur les frais de transaction et incite les investisseurs à réaliser depuis l'étranger leurs transactions sur des valeurs cotées sur Euronext via des intermédiaires financiers non établis en France, ce qui est très aisé.

Le volume d'ordres transitant par ces intermédiaires non établis en France, dits remote members, non assujettis à l'impôt sur les opérations de bourse, est ainsi croissant et contribue à plafonner le produit de cet impôt.

L'évaluation pour 2008 du produit de cet impôt qui figure dans les documents du ministère des finances me paraît à cet égard correspondre à une vision très décalée : dès lors que l'on peut faire passer ses ordres comme on veut, il n'y a guère de chance, même à droit constant, que l'on constate un produit de 260 millions d'euros !

Il eût mieux valu, par souci de sincérité ou de plus grand ajustement à la réalité économique, retenir un montant plus modeste. Mais passons...

Comme je le disais, le volume d'ordres passés par les membres non assujettis à l'impôt de bourse est croissant et contribue à plafonner le produit de cet impôt. Le rendement de l'impôt de bourse est donc en trompe-l'oeil. Les délocalisations induisent une perte de recettes fiscales et sociales. La suppression de cet impôt est aujourd'hui d'autant plus nécessaire que la directive sur les marchés d'instruments financiers est entrée en vigueur le 1er novembre 2007. Cet élément aurait dû être pris en compte dans les estimations budgétaires, ce qui n'a manifestement pas été fait.

De plus, la mise en oeuvre de la directive accroît de manière substantielle la concurrence entre les places européennes dans ce secteur.

Madame le ministre, les sénateurs réclament la suppression de l'impôt de bourse depuis quinze ans, le fruit a donc mûri. Nous avions recalibré le barème pour en exclure les petits ordres. J'espère que nous allons pouvoir régler définitivement cette question dans l'intérêt de la compétitivité de la place de Paris.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le rapporteur général, si le fruit a mûri, c'est sans doute grâce au soleil du Sénat et de sa commission des finances ! (Sourires.)

Je ne peux que me réjouir avec vous de la proposition de suppression de cet impôt à effet au 1er janvier 2008, car c'est une mesure qui va dans le sens de la modernisation de la fiscalité française et qui concourra à renforcer l'attractivité de Paris comme place financière. Si en effet un certain nombre d'ordres étaient encore passés depuis la France, c'est sans doute plus par attachement à notre pays que pour souci de rentabilité fiscale !

À défaut d'une telle suppression aujourd'hui, le principe de la meilleure exécution des ordres contenu dans la directive sur les marchés d'instruments financiers, applicable depuis le 1er novembre, entraînerait inéluctablement l'exécution d'un certain nombre d'ordres à partir de places étrangères ayant aboli depuis longtemps des impôts équivalents.

Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement et lève le gage.

M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n°I-10 rectifié.

La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l'amendement n° I-10 rectifié.

Mme Nicole Bricq. Cet impôt a été supprimé par les députés en deuxième partie du projet de loi de finances.

Mme Nicole Bricq. M. le rapporteur général, approuvé par le Gouvernement, souhaite que cette suppression soit applicable dès le 1er janvier 2008 ; il propose donc de l'inscrire en première partie du projet de loi de finances.

Le Président de la République avait fait son cheval de bataille de la réduction des déficits et de l'amélioration du pouvoir d'achat. Or, à l'heure où nous avons besoin de recettes fiscales pour y parvenir, nous constatons avec surprise que le Gouvernement accepte cette suppression, qu'il avait toujours refusée à la majorité sénatoriale.

Le produit de cet impôt était évalué par le ministre à 260 millions d'euros.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cette évaluation est erronée !

Mme Nicole Bricq. Au risque de passer pour archaïque, je constate que l'État se prive d'une recette !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Pas à ce niveau-là !

Mme Nicole Bricq. Les rapporteurs généraux de l'Assemblée nationale et du Sénat militent pour la suppression de cet impôt au motif que les recettes fiscales et sociales qui ne seraient plus délocalisées représenteraient environ un milliard d'euros.

Le Haut Comité de place, qui a été instauré le 5 octobre dernier pour renforcer l'attractivité financière de la place de Paris, avait été poussé à retirer cette proposition de ses travaux.

Pour motiver votre réticence, madame la ministre, vous aviez demandé que le Haut Comité de place vous démontre que l'on trouve « une contrepartie dans un surcroît d'activité et donc de recettes publiques ».

Quelles sont donc les raisons qui vous poussent à accepter aujourd'hui ce que vous refusiez depuis toujours, et tout dernièrement encore ?

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. La suppression de l'impôt de bourse, actée par l'Assemblée nationale en seconde partie du projet de loi de finances, est réintroduite en première partie.

À en croire les auteurs de cet amendement, ce malheureux impôt de bourse, dont le produit est relativement modique mais pas tout à fait inintéressant dans le contexte qui est le nôtre, aurait tous les défauts. Il constituerait même une entrave au développement de l'activité de la place financière de Paris, activité dont on sait qu'elle a été porteuse, ces dernières années, de millions de créations d'emplois dans l'ensemble des secteurs d'activité économique....

Mais, ironie mise à part, l'activité financière n'a pas connu de progression spectaculaire de ses effectifs depuis l'adoption des lois transposant en droit français les directives européennes relatives aux marchés financiers.

En effet, l'ensemble des entreprises du secteur des services financiers a créé moins de 30 000 emplois depuis juin 2002.

Je ne suis pas certaine que les entreprises de marché aient forcément participé à la création d'emplois.

Dans le même temps, l'évolution globale de l'activité de la place de Paris et l'accroissement de la rentabilité des titres ont souvent eu pour origine la destruction massive d'emplois qualifiés dans de nombreux secteurs.

Bref, la bourse ne se porte pas si mal que cela. Elle ne crée pas elle-même nécessairement beaucoup d'emplois, mais elle se nourrit bien des suppressions intervenues dans d'autres secteurs d'activité, notamment dans l'industrie, où 420 000 emplois ont disparu en cinq ans.

L'impôt de bourse n'est à proprement parler que parfaitement secondaire, voire marginal, dans ce paysage financier.

Il est d'ailleurs significatif qu'il soit d'un faible coût unitaire pour chaque opération, étant d'ailleurs fortement dégressif en raison de son plafonnement.

Il a cependant au moins un mérite, et nous risquons de le perdre en même temps que l'impôt lui-même, celui de permettre de retracer avec relativement de précision les mouvements affectant certains titres et de pouvoir déterminer éventuellement, sur la foi de la déclaration, l'origine des opérateurs intervenants.

L'impôt de bourse est peut-être anecdotique, mais il est aussi utilisé pour la prévention des comportements prédateurs sur les marchés financiers.

On nous dit aussi que sa disparition est en quelque sorte gagée sur l'augmentation de la taxation des plus-values de cession d'actifs, qui viendrait le remplacer avantageusement. En disant cela, on passe sous silence le fait que l'on renonce à la prévention des délits sur les marchés financiers au profit du simple constat de plus-values pouvant présenter un caractère anormal. C'est pourquoi nous ne pouvons pas accepter cette proposition.

Il était initialement prévu de prévoir en parallèle la taxation du livret A, et il me semblait assez particulier de réunir ces deux propositions dans le même article additionnel. La commission des finances ou le Gouvernement, considérant sans doute que le rapprochement des deux était par trop symbolique, les ont dissociées.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. La première fois que le Sénat est intervenu, tout au moins dans la période récente, afin d'écrêter l'impôt de bourse, c'était en juin 1993.

En séance publique, j'avais cité notre collègue Michel Charasse, qui avait déclaré ici lorsqu'il était ministre du budget, deux ans auparavant : « J'ai dit à plusieurs reprises, et je le confirme, que, dès que nous le pourrons, nous supprimerons cet impôt ».

Mme Nicole Bricq. Il n'est pas là pour répondre !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je m'étais également référé à une déclaration très intéressante, parue dans Le Journal des finances du 15 décembre 1991, dans laquelle on pouvait lire : « Oui, il est souhaitable de supprimer l'impôt de bourse qui est contraire à la mobilité du capital. Il rapporte de l'argent à l'État, mais il est préférable de frapper ceux qui gagnent plutôt que ceux qui placent. Il ne faut pas freiner les entrées sur le marché boursier ».

Je me suis fait un plaisir de faire figurer cette dernière déclaration dans mon rapport ; son auteur n'est autre que François Hollande, alors secrétaire de la commission des finances de l'Assemblée nationale, et responsable en 1991 d'un rapport sur la fiscalité du patrimoine.

En d'autres termes, mes chers collègues, nous réalisons aujourd'hui ce que souhaitaient alors MM. Charasse et Hollande ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Que de convergences aujourd'hui !

Je mets aux voix l'amendement n° I-10 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 6.

Articles additionnels après l'article 6
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 6 bis (interruption de la discussion)

Article 6 bis

Le III bis de l'article 125 A du code général des impôts est complété par un 10° ainsi rédigé :

« 10° À 5 % pour les revenus des produits d'épargne donnés au profit d'un organisme mentionné au 1 de l'article 200 dans le cadre d'un mécanisme dit «solidaire» de versement automatique à l'organisme bénéficiaire par le gestionnaire du fonds d'épargne. »

M. le président. L'amendement n° I-12, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Le présent amendement vise à supprimer un article introduit par l'Assemblée nationale, malgré les réticences de son rapporteur général et du Gouvernement, qui réduit le taux applicable aux revenus des produits d'épargne solidaire, le faisant passer de 18 % à 5 %. L'épargne solidaire est, dans cet amendement, un livret d'épargne dont les intérêts sont affectés par prélèvement automatique à une association.

L'amendement permet ainsi de cumuler deux aides fiscales, l'une au titre du produit de l'épargne solidaire, l'autre au titre des dons aux oeuvres d'intérêt général. Aide sur aide, mes chers collègues !

Il ne nous semble pas possible de justifier, du point de vue de l'égalité devant l'impôt, un tel régime et une telle différence de traitement entre, d'une part, un contribuable qui paierait le prélèvement fiscal libératoire au taux normal sur les intérêts de son livret d'épargne, intérêts qu'il choisirait ensuite de donner à une oeuvre d'intérêt général, ce qui lui ouvrirait droit à réduction d'impôt pour dons et, d'autre part, un contribuable qui bénéficierait d'un prélèvement fiscal dérogatoire sur les intérêts d'un livret d'épargne labellisé « solidaire », virés par prélèvement automatique à une oeuvre d'intérêt général, ce qui lui ouvrirait le même droit à réduction d'impôt pour don.

Il nous semble donc nécessaire de supprimer cet article.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Lorsque cette disposition a été introduite, par voie d'amendement, dans le projet de loi de finances pour 2008, le Gouvernement s'en était remis à la sagesse de l'Assemblée nationale ; dans la même logique, il s'en remet aujourd'hui à la sagesse du Sénat.

Comme l'a souligné M. le rapporteur général, ce dispositif, s'il est tout à fait louable dans son principe, puisqu'il vise à encourager l'épargne solidaire, l'est beaucoup moins dans ses modalités, puisqu'il présente l'inconvénient de permettre le cumul de deux avantages fiscaux : d'une part, un taux réduit d'imposition sur les revenus suscités par ses placements financiers, qui serait de 5 % au lieu de 16 %, et d'autre part, une réduction d'impôt sur le revenu de 66 %, au titre du mécénat.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Cette disposition a été introduite par le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, par voie d'amendement, et le Gouvernement s'en était remis alors à la sagesse des députés.

On nous dit que ce dispositif serait condamnable parce qu'il permet le cumul de deux avantages fiscaux. Mais on pourrait en dire autant de bien d'autres mesures qui ont été soumises à notre vote. Monsieur le rapporteur général, ce n'est pas un bon argument, et vous auriez pu, au moins par courtoisie à l'égard du président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, permettre à cette disposition de vivre jusqu'à la commission mixte paritaire.

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'était un amendement déposé à titre personnel, et pas au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale !

Mme Nicole Bricq. En outre, s'agissant de l'épargne solidaire, vous utilisez des arguments que vous n'appliquez pas à d'autres types de placements. Vous n'êtes donc pas cohérent, me semble-t-il. Il serait dommage, si la majorité sénatoriale vous suivait, que cette disposition disparaisse.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-12.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 6 bis est supprimé.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne pourrai être présente parmi vous lundi et mardi prochains, et je vous prie de m'en excuser.

J'aurais beaucoup aimé défendre celles des dispositions du projet de loi de finances pour 2008 qui présentent un caractère fiscal, mais je ne serai pas en mesure de le faire : je me trouverai en Chine, afin de travailler à la finalisation de certains contrats, que nous espérons rapporter en France, conclus avec succès, afin qu'ils participent à l'attractivité de notre territoire et au développement de nos activités économiques. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Madame la ministre, de la part du Sénat tout entier : bonne chance !

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 6 bis (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Discussion générale