M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia.

M. Robert del Picchia. Monsieur le secrétaire d'État, au-delà des questions financières, je souhaite d'abord réaffirmer que l'examen des crédits alloués à la participation française au budget de l'Union européenne est toujours l'occasion, pour moi, de rappeler mon attachement à la construction européenne ; je ne dérogerai pas à la règle cette année.

Alors que cette construction est désormais relancée avec l'accord que l'on appelle, aujourd'hui, le « traité de Lisbonne », et dans la perspective de la prochaine présidence française, il me semble important de vous marquer mon appui et, à travers vous, mon soutien au chef de l'État.

Vos propositions budgétaires pour la contribution de la France me conviennent. Je dois dire que j'étais très inquiet sur l'avenir de Galileo, mais, malgré les propos que nous venons d'entendre, je suis aujourd'hui quelque peu rassuré par les derniers développements concernant son financement.

Mes chers collègues, au sein de cette assemblée, vous ne partagez pas tous mon enthousiasme européen, je le sais. C'est votre droit, et je le respecte. J'ai appris qu'une pétition avait été lancée récemment sur le site Internet « Nous-voulons-un-referendum.eu » : étant convaincu de la nécessité du débat, je respecte également cette initiative.

M. Jacques Blanc. Surtout pas de referendum !

M. Robert del Picchia. Toutefois, je reste également convaincu de l'impératif qui s'attache à l'édification d'une Europe politique. Vous connaissez, mieux que moi, monsieur le secrétaire d'État, les raisons de cette conviction. J'en ajouterai une autre, chère aux Français de l'étranger.

La moitié des Français établis hors de France, soit un million de personnes, ont choisi de tenter leur chance en Europe. L'intégration européenne, c'est aussi eux ! C'est pourquoi je souhaite relayer ici une initiative qui, venant de l'Assemblée des Français de l'étranger, me tient particulièrement à coeur.

Le président de la commission de l'Union européenne de cette assemblée, Jean-Pierre Villaescusa, et son rapporteur, Anne Monseu Ducarne, ont formé le projet d'organiser, pendant la présidence française de l'Union européenne, une rencontre qui doit rassembler, à Paris, des élus et les différents représentants des citoyens européens établis hors de leur pays.

La présidence française est, en effet, une opportunité pour que puissent se rencontrer, dans la capitale, des représentants de ce que j'appellerai la « diaspora européenne », afin de porter ensemble des projets communs.

Mes chers collègues, permettez-moi d'attirer votre attention sur un fait un peu ancien, certes, mais qui devrait être source d'inspiration pour nous.

Lors de l'unification -  je ne dis pas réunification - de l'Allemagne,  3,5 millions d'Allemands étaient expatriés. Vous comprenez le poids qu'ils ont eu dans l'unification de leur pays. En effet, loin des divisions internes qui les opposaient en Allemagne, ces expatriés, notamment Prussiens, Bavarois ou Rhénans, étaient perçus et se percevaient comme des Allemands venus d'un même pays. Ils représentaient, aux yeux de leurs compatriotes, l'unité d'un pays neuf qui, comme l'Italie, a fait de ses émigrés un symbole unificateur.

Il serait intéressant de comparer aujourd'hui la proportion des Français qui se sentent européens, selon qu'ils résident en France ou à l'étranger.

Force est de constater que les Français de l'étranger, et plus particulièrement le million d'entre eux qui réside dans l'un des vingt-six pays européens, se sentent beaucoup plus européens que leurs compatriotes restés en France. C'est ce que confirment les résultats des consultations référendaires sur l'Europe, qu'il s'agisse du traité de Maastricht ou de la Constitution européenne : à chaque scrutin, les Français de l'étranger ont voté à 82% pour la poursuite de la construction européenne.

Cet état de fait me conduit à soulever deux points.

Premièrement, organiser une journée des Européens de l'étranger à l'occasion de la présidence française de l'Union européenne, en partenariat avec l'Assemblée des Français de l'étranger, nécessite un financement adéquat pris sur le budget prévu pour cette présidence française. Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous me confirmer votre soutien à cet événement et, bien sûr, à son financement ?

Je rassure tout de suite le président de la commission des finances : il s'agit non pas de milliards, ni même de centaines ou de dizaines de millions d'euros, mais seulement de 5 à 6 dizaines de milliers d'euros ! C'est donc un montant très modeste, vous en conviendrez, mais ce petit rien dans le budget représente un soutien symbolique très fort, monsieur le secrétaire d'État.

Deuxièmement, il me semble important de poser la question de la représentation de nos compatriotes expatriés au Parlement européen.

La faculté de voter dans les centres de vote ouverts à l'étranger pour les élections des représentants français au Parlement européen a disparu avec la réforme de ce scrutin. En l'absence d'une circonscription et de représentants propres, les Français établis hors de France ont été rattachés à leur commune d'origine, en France. Ils doivent donc être inscrits dans une commune française, où ils sont soumis à l'obligation de voter en personne. S'ils ne peuvent faire le déplacement, qui les oblige parfois à venir de très loin, ils peuvent voter par procuration.

Parlons des procurations ! Le 13 juin 2004, lors des dernières élections européennes, sur 385 000 Français inscrits dans les centres de vote à l'étranger, moins de 14 000 procurations ont été transmises par les autorités consulaires. En clair, 4 % des Français établis hors de France ont participé au scrutin. Pourtant, on ne peut pas douter de leur intérêt pour cette élection !

Selon les récentes négociations et le nouveau mode de pondération des voix, la France devrait pouvoir détenir deux sièges supplémentaires, soit au total soixante-seize sièges, au lieu des soixante-quatorze sièges prévus par le traité de Nice.

Une redistribution des sièges français devant être opérée au sein de huit super-régions, je souhaite que les 2 millions de Français établis hors de France - plus de la moitié d'entre eux, je le répète, le sont en Europe - ne soient pas oubliés dans cette redistribution, qui sera le fruit d'une consultation nationale.

Pourquoi ne pas donner ces deux sièges, « sauvés » pour la France, aux meilleurs ambassadeurs de la construction et de l'intégration européenne, qui, eux, votent à 82 % pour l'Europe ? Pourquoi ne pas permettre aux Français établis hors de France, premiers concernés par la réglementation européenne, de participer à l'élaboration de cette dernière ?

Telle est ma proposition, monsieur le secrétaire d'État. Je reste à votre disposition pour l'expliciter à vos services et, le cas échéant, en définir les modalités techniques de mise en oeuvre. Je dirais, à l'instar de M. le rapporteur général, qu'il s'agit du développement durable du soutien des Français de l'étranger à l'Europe ! (Sourires.)

Je voterai avec confiance les crédits qui nous sont demandés, monsieur le secrétaire d'État, et je vous remercie à l'avance de votre soutien. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les enjeux budgétaires pour l'Union européenne ne sont pas minces. Nous souhaitons tous, au sein de cette assemblée, assurer aux États membres un fort levier de croissance, tout en contribuant à stabiliser, voire à réduire leurs dettes respectives, car si la France est championne en ce domaine, elle n'est pas toute seule !

Eu égard à ces enjeux, la mécanique budgétaire n'a plus beaucoup de sens. S'agissant des recettes, chaque État vote sa contribution, mais c'est la Commission qui propose les modalités de perception des ressources. Cette situation est très frustrante pour les parlementaires, tant nationaux qu'européens. Quant au Sénat, il est conduit par le calendrier à intervenir très tardivement dans la procédure, après l'adoption du projet de budget en seconde lecture par le Conseil.

Or la question des recettes est cruciale si l'on souhaite une Europe lisible pour les citoyens européens, juste et solidaire pour les États membres.

Le budget est intéressant dans la mesure où il est le résultat d'un compromis, à mes yeux mauvais, entre des conceptions différentes de l'Europe qui s'y croisent et sont source de tensions et de blocages.

Tout d'abord, les partisans d'une Europe du libre-échange préconisent un budget a minima. C'est la vision britannique, nous le savons tous.

Ensuite, vient la position de ceux qui acceptent un budget plus important, à condition d'obtenir le juste retour de leur contribution. C'est celle de la majorité des États membres et, particulièrement, celle de l'Allemagne, comme l'illustre son vote, lors des dernières discussions, contre le compromis obtenu au Conseil vendredi dernier sur le financement du programme Galileo.

Enfin, certains, comme les membres du groupe socialiste, croient que l'Europe ne peut être une simple juxtaposition d'États et qu'elle doit assurer un certain nombre de sécurités pour ses populations, notamment en matière d'emploi, d'énergie, de sécurité et d'indépendance alimentaire.

Il convient de les inciter à imaginer une stratégie partagée aux termes de laquelle les politiques économiques tendent vers le même objectif et les mêmes principes de solidarité.

C'est évidemment très difficile dans la mesure où, actuellement, les politiques économiques et budgétaires de l'Allemagne et de la France divergent tant.

S'agissant de la participation française au budget des Communautés européennes, le projet de budget pour 2008 n'est pas à la hauteur des ambitions proclamées.

Philippe Marini, que je lis toujours attentivement, écrit dans son rapport général sur le budget pour 2008 que « près de la moitié du supplément de recettes de l'État en 2007 viendrait du fait que le prélèvement sur les recettes de l'État au profit des Communautés européennes serait inférieur de 1,9 milliard d'euros aux prévisions ». Cette contribution serait ainsi, semble-t-il avouer, une variable d'ajustement du budget national pour maintenir notre déficit dans l'épure annoncée.

M. Denis Badré, rapporteur spécial. Elle n'est en aucun cas une variable d'ajustement !

Mme Nicole Bricq. Le projet de budget européen n'est pas conforme aux objectifs de la stratégie de Lisbonne, qui demeure de construire, d'ici à 2010, la société du savoir la plus compétitive du monde, capable de créer une croissance économique durable et des emplois de qualité, avec l'objectif d'une plus grande cohésion sociale et d'un meilleur respect de l'environnement.

Le budget pour 2008 se situe en dessous de l'enveloppe initialement prévue dans le cadre financier 2007-2013, qui était déjà bien insuffisante pour permettre à l'Union de remplir ses missions. Les crédits consacrés aux secteurs clés que sont la recherche et le développement non seulement ne répondent pas aux enjeux, mais encore souffrent d'une absence de cohérence. Les dossiers de Galileo et de l'Institut européen pour l'innovation et la technologie ont été dénoués laborieusement. Leur traitement est symptomatique de l'absence de tout consensus sur la politique européenne de recherche.

Du reste, notre rapporteur spécial, M. Badré, relève dans son rapport que « l'intensité de recherche et de développement de l'Union européenne à 25 a diminué de 0,04 % entre 2002 et 2005 pour se chiffrer à 1,85 % du PIB, de même que la part de l'Union à 27 dans l'ensemble des dépenses de recherche et de développement mondiales a chuté de 29 % à 25 % en dix ans ». C'est très grave, compte tenu de ce qu'est la compétition internationale.

La proposition visant à mettre en place une coopération européenne de la recherche et de l'innovation avec un budget commun - proposition faite en son temps par Dominique Strauss-Kahn et reprise par Laurent Fabius dans un article qu'il a commis dans Le Figaro de vendredi - qui aurait pour vocation de remplacer à terme les équivalents nationaux, nous semble être la voie qu'il faut suivre pour que l'Europe se redresse dans la concurrence mondiale.

M. Denis Badré, rapporteur spécial. Absolument !

Mme Nicole Bricq. La France, monsieur le secrétaire d'État, qui s'apprête à prendre la présidence de l'Union européenne, devrait être une force de proposition. Or la situation dans laquelle elle s'est mise depuis des années et, plus particulièrement, les choix hasardeux qu'elle a opérés au cours des six derniers mois ne l'autorisent guère à faire avancer les choses, notamment à réformer la mécanique budgétaire. En effet, le budget doit être la traduction politique d'une volonté.

Par toute une série d'effets pervers, les États membres enferment leurs négociations dans leur logique nationale. De fait, si l'Europe ne prévoit pas de mutualiser d'importants moyens en la matière, elle ne saura pas relever le défi de la compétitivité.

J'évoquerai à présent le problème de l'harmonisation fiscale, tant de fois demandée, mais, pour des raisons bien connues, tant de fois repoussée.

Sans doute serait-il nécessaire de véritablement repenser la question de l'impôt européen. Monsieur le président de la commission, c'est dans ce cadre, bien plus approprié que le cadre national, que peut être posée la question de la TVA comme outil, puisqu'une négociation est prévue à ce sujet.

On peut aussi évoquer l'impôt sur les sociétés, dont la variation actuelle des taux et des assiettes pose un vrai problème en matière de concurrence fiscale intra-européenne.

Enfin, il importe que l'Europe se dote d'un impôt nouveau. Les engagements considérables pris par la France et l'Europe dans le cadre de « Kyoto II » doivent nous faire réfléchir sur l'opportunité de créer une taxe carbone. À défaut de l'envisager pour la France, efforçons-nous néanmoins de faire progresser le dossier au niveau européen.

Monsieur le secrétaire d'État, le Parlement n'est guère éclairé sur les voies que compte emprunter la présidence française. Évidemment, nous avons bien compris que le Président de la République faisait tout,...

M. Jacques Blanc. Et pas trop mal !

Mme Nicole Bricq. ...y compris gouverner.

Nous attendrons, mais reconnaissez que le Parlement est frustré, puisqu'il discute de recettes dont il ignore la finalité.

Conformément à notre tradition, nous voterons l'article 31, tout en regrettant fortement que nous soyons contraints de nous prononcer en aveugle, procédure fort peu démocratique. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Murat.

M. Bernard Murat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, pour commencer, je voudrais me féliciter de l'adoption du traité simplifié lors du sommet de Lisbonne, qui s'est tenu en octobre dernier. Ce texte, qui était attendu et dont la négociation a été complexe, met fin à une période de deux ans d'immobilisme institutionnel. Je souhaite, à cet égard, saluer le rôle majeur que la France a joué dans sa conclusion, notamment par la voix du Président de la République.

Européen non seulement de coeur, mais aussi de raison, je ne peux que m'en réjouir, d'autant plus que cet accord sera une base solide pour relancer les politiques européennes, dont la présidence française aura la responsabilité le 1er juillet 2008.

Celle-ci aura aussi à gérer les dossiers en cours, dont ceux, qui sont étroitement liés, de la clause de rendez-vous des perspectives financières 2008-2009, de la réforme du financement de l'Union et de la révision de la politique agricole commune, la PAC.

Sur ces sujets, les réflexions sont d'ores et déjà engagées ; il nous faut en effet, dès maintenant, réfléchir à ce que nous souhaitons. Je m'éloigne peut-être un peu du sujet, mais de la contribution de la France au budget des Communautés, il n'y a qu'un pas.

Qui dit budget des Communautés dit obligatoirement réforme de la PAC. Représentant d'un département rural, pleinement confiant dans « l'armée » de notre agriculture française, je puis vous dire, monsieur le secrétaire d'État, que tous ces jeunes paysans aiment passionnément leur métier et attendent beaucoup de vous.

La PAC s'annonce être le sujet central de la prochaine présidence française. L'occasion va nous être offerte d'ouvrir, dans la perspective de la négociation de son budget pour 2009, la discussion sur un nouveau cadre politique pour l'agriculture européenne. Quand on est un élu corrézien, on a cela dans les gènes !

Si les dépenses communautaires en faveur de l'agriculture se sont accrues à un rythme soutenu au cours des années quatre-vingt et au début des années quatre-vingt-dix- 4 % en moyenne par an -, elles se sont ensuite stabilisées grâce à la maîtrise des productions.

Aujourd'hui, la part agricole dans le budget européen diminue régulièrement, notamment en raison de la forte progression des dépenses visant à financer les actions structurelles de l'Union européenne au profit des régions en retard en matière de développement. Elle ne représente plus qu'un tiers du budget communautaire total.

Une refondation semble donc indispensable pour rendre sa véritable légitimité à la politique agricole européenne. Les agriculteurs corréziens, que j'ai encore rencontrés sur ce sujet la semaine dernière, appellent d'ailleurs à ce que soit redonné un véritable sens à cette politique, qui n'est plus en adéquation avec leurs besoins.

Ainsi, comme le soulignait le Président de la République en septembre dernier à Rennes, « pourquoi attendre la négociation sur l'avenir de la PAC en 2013 pour poser les principes d'une PAC renouvelée ? »

À cette occasion, il a esquissé ce que pourrait être la PAC de demain. Établie selon un principe indiscutable de préférence communautaire, elle devra répondre à quatre objectifs : assurer l'indépendance et la sécurité alimentaire ; contribuer aux équilibres alimentaires mondiaux ; préserver les équilibres de nos territoires ruraux ; enfin, participer à la lutte contre les changements climatiques et à l'amélioration de l'environnement.

Les outils, ainsi qu'un budget ambitieux pour répondre à ces objectifs, devront être mis en place. Cette vision de la PAC, qui devra être plaidée lors des prochaines discussions sur le budget communautaire, bénéficie de notre total appui.

La perspective d'une agriculture qui vive du fruit de son travail, d'une politique agricole fondée sur la défense d'une agriculture européenne et assise sur la réciprocité et l'équilibre avec nos partenaires mondiaux, ne peut que recueillir notre assentiment. Les objectifs d'indépendance et de sécurité alimentaire de l'Europe, de contribution aux équilibres alimentaires mondiaux et à la lutte contre le réchauffement climatique ne peuvent qu'être partagés.

À cette fin, nous devons anticiper les échéances et ne rester ni inertes ni, moins encore, passifs, d'autant que la Commission a présenté voilà quelques jours ses propositions sur le bilan de santé de la PAC.

Monsieur le secrétaire d'État, votre collègue Michel Barnier inaugurera, dans quelques jours, l'unité d'abattage du Pays de Brive-la-Gaillarde, berceau du veau sous la mère. (Sourires.)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ah !

M. Bernard Murat. Je souhaite vivement que, lors de cette visite au cours de laquelle il rencontrera de nombreux agriculteurs, de nombreux syndicats et de nombreuses associations, M. Barnier se souvienne que le monde agricole, en particulier en Corrèze, a voté massivement « non » lors du référendum, non par défiance envers l'Europe, non par peur de « trop d'Europe », mais simplement parce qu'il considère que les garanties apportées aujourd'hui par Bruxelles - à tout le moins, selon les informations ou les désinformations qui lui parviennent - sont telles qu'elles rendent son avenir quelque peu brumeux. J'attends que le ministre profite de sa venue en Corrèze pour lui délivrer un message fort.

La France doit aborder de façon ouverte les négociations. Certaines exigences de fermeté ne sont pas négociables, qu'il s'agisse de la préservation du budget de la PAC jusqu'en 2013 ou de la préférence communautaire. Or, certains pays du nord de l'Europe, tels le Royaume-Uni, le Danemark et la Suède, aux conceptions très libérales - trop libérales, à mon goût -, ont soutenu la réduction des aides directes et de toute forme de régulation publique des marchés agricoles.

J'espère donc que la présidence française agira de tout son poids pour que soit adoptée une nouvelle PAC, conforme à notre vision et à l'intérêt des paysans français. En leur délivrant ce message d'espoir, nous défendons une agriculture qui n'a pas pour unique rôle de nourrir les populations, mais qui est le seul levier de l'aménagement du territoire. N'oublions pas ce lien direct qui existe entre la défense de notre agriculture et l'aménagement de nos territoires ruraux.

Le Gouvernement ne peut pas tenir deux langages : il ne peut à la fois inciter les élus à se battre pour l'aménagement des territoires ruraux, pour encourager les jeunes à y vivre et à y fonder leur famille, pour la défense du service public, et, dans le même temps, retirer à ces territoires ce qui constitue leur ressource première, à savoir l'agriculture.

Produire et nourrir, voilà le but de ce métier merveilleux qu'on aime bien appeler, en Corrèze, le métier de paysan. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca.

Mme Catherine Tasca. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous voilà à quinze jours de la signature du traité de Lisbonne, qui doit tourner la page des discussions institutionnelles, et à sept mois de la présidence française de l'Union européenne, qui doit entamer une nouvelle phase de la construction européenne.

Nous sommes dans le deuxième budget du cadre pluriannuel de la période 2007-2013 pour laquelle l'Union travaille depuis plusieurs années à tracer des perspectives financières. Et pourtant, nous sommes confrontés à ce paradoxe : l'Union européenne hésite. Elle hésite entre audace et retour en arrière ; elle hésite entre les nécessaires mutations qui lui permettraient d'avancer et de redonner espoir en elle à nos concitoyens, et ses habituels réflexes de conservatisme et d'égoïsme.

Mme Nicole Bricq. Exactement !

Mme Catherine Tasca. Le budget pour 2008 de l'Union et la contribution française que le Gouvernement nous propose, monsieur le secrétaire d'État, illustrent bien ces contradictions, et nous attendons des éclaircissements sur plusieurs questions. En effet, si les parlementaires que nous sommes n'ont aucune marge d'action sur ce budget, comme l'ont rappelé mes collègues, au moins voudraient-ils comprendre.

Nous nous demandons, tout d'abord, où va le budget européen.

Premier constat : nous estimons que son évolution est insuffisante. Cela a été rappelé, le budget global de l'Union européenne pour 2008 est estimé à ce stade à un peu plus de 129 milliards d'euros, en hausse de 2 % par rapport à l'année dernière. Cette augmentation ne présente aucun caractère d'effort exceptionnel, qui serait pourtant, me semble-il, nécessaire à une véritable impulsion nouvelle des politiques européennes pour dépasser les intérêts strictement nationaux et faire face aux défis qui se présentent à nous à l'échelle du continent.

Pour la première fois, le budget européen, en crédits d'engagement et de paiement, passe au-dessous du seuil de 1 % du revenu national brut des pays membres. Cela me semble être un bien mauvais signe.

Que compte donc faire le Gouvernement pendant la présidence française pour redonner une perspective de progression réelle au budget européen et contribuer ainsi à redimensionner l'ambition européenne ?

Il faut saluer une évolution importante, historique même : les dépenses pour la croissance, en hausse de 4,2 %, qui s'élèvent à un peu plus de 57 milliards d'euros, dépassent pour la première fois celles de la PAC et des ressources naturelles, stables à 56 milliards d'euros.

Ce tournant marque la volonté des États membres de se recentrer sur les enjeux globaux qui pèsent sur l'avenir de l'Union et sur les priorités définies dans le cadre de la stratégie de Lisbonne. Ainsi, la rubrique « Compétitivité pour la croissance et l'emploi » voit ses crédits d'engagement augmenter de près de 10 %.

Contrecarrant cette évolution structurelle positive, le Conseil européen avait opéré des coupes inacceptables dans des rubriques essentielles pour le développement économique et social : réduction de plus de un milliard d'euros des crédits de paiement destinés à la cohésion sociale, forte réduction des crédits alloués à la rubrique « Citoyenneté » et à des programmes tels que « Culture 2007 », « Jeunesse en action », ou « Média 2007 ».

Le Gouvernement de la France approuvait-t-il ces choix, monsieur le secrétaire d'État ? Heureusement, le Parlement européen a rétabli certains de ces crédits et proposé, de surcroît, des augmentations dans le cadre pluriannuel. Même si un accord est intervenu in extremis entre le Conseil et le Parlement, comment le Gouvernement apprécie-t-il ces divergences ?

Une interrogation a également porté, dans ce budget pour 2008 de l'Union européenne, sur l'avenir de deux projets pourtant essentiels : le système européen de navigation par satellite Galileo et le nouvel Institut européen pour l'innovation et la technologie.

Le Parlement européen a proposé un financement de Galileo sur fonds européens exclusivement, à hauteur de 890 millions d'euros. Il a aussi suggéré d'augmenter les fonds alloués à l'Institut et, pour ces deux postes de dépenses, de sortir du plafond pluriannuel pour soumettre ces crédits à un accord sur la révision des perspectives financières de 2008.

Monsieur le secrétaire d'État, le Gouvernement français a-t-il soutenu cette solution ?

Second constat, seconde inquiétude : la participation française est fragilisée et il est urgent de dégager des ressources propres pour l'Union.

Certes, le montant de la participation de la France - 18,4 milliards d'euros - la place au second rang des contributeurs nets derrière l'Allemagne. Certes, elle est aussi celle qui contribue le plus au financement du rabais britannique, cette part étant d'ailleurs en hausse depuis vingt ans. Mais elle est aussi le pays qui bénéficie le plus du budget de l'Union, en raison notamment des aides agricoles qu'elle reçoit.

Cependant, la position de la France se trouve gravement fragilisée par les récentes déclarations du Gouvernement sur le possible non-respect de la limite des 3 % du déficit, engendrant des jugements sévères de la Commission européenne, du conseil des ministres des finances et de nombre de nos voisins européens, encore illustrés par l'accueil mitigé réservé au Président Sarkozy lors de son discours devant le Parlement européen et lors de sa récente visite en Allemagne.

Monsieur le secrétaire d'État, ne pensez-vous pas que ce mauvais exemple français concernant nos engagements européens augure mal des initiatives fortes que la France devrait pourtant prendre, à partir de juillet prochain, pour redonner du contenu et des perspectives à la construction européenne ?

Mme Nicole Bricq. C'est certain !

Mme Catherine Tasca. Ne devrait-elle pas remettre de la cohérence dans son engagement européen ?

Parmi les initiatives fortes que la France pourrait prendre, figure notamment la nécessaire évolution des ressources de l'Union. Rappelons que, voilà près de quarante ans, le Conseil européen avait prévu de remplacer les contributions des États membres par des ressources propres pour assurer une certaine autonomie financière de la Communauté.

Aujourd'hui, on constate que la part de ces ressources propres diminue, alors que celle du PNB, donc des contributions nationales, est dominante. La tendance est, par conséquent, à une « renationalisation » des politiques européennes, à l'opposé du nécessaire approfondissement de l'Europe.

La mise en place d'un nouveau système de ressources propres, prémices d'un futur impôt européen, établirait enfin un lien politique et démocratique entre les discussions budgétaires et les citoyens européens.

Monsieur le secrétaire d'État, la France saisira-t-elle l'occasion de la présidence qui s'ouvrira en juillet 2008 pour ouvrir ce dossier ? Je vous remercie par avance de vos réponses. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc. (M. Gérard Longuet applaudit.)

M. Jacques Blanc. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme c'est le cas régulièrement, le débat que nous avons est d'une grande qualité, grâce aux travaux à la fois de la commission des finances et de son rapporteur spécial, et de la délégation pour l'Union européenne et de son président.

Rappelons-nous dans quel contexte nous nous trouvions l'année dernière. Quel changement, quelle espérance nouvelle peuvent apparaître pour l'Europe, monsieur le secrétaire d'État, grâce à l'action du Gouvernement et du Président de la République !

Ce qui s'est passé sous la présidence allemande, puis sous la présidence portugaise, à Lisbonne en particulier, est de nature à donner ce nouvel élan à l'ambition européenne. D'ailleurs, la France a pu retrouver la place et le rôle qu'elle mérite. Nous ne pouvons que nous en féliciter et saisir l'occasion de ce débat pour faire passer un certain nombre de messages et soulever plusieurs interrogations.

Je m'en tiendrai à quelques points, pour ne pas être redondant par rapport à ce qui a déjà été dit.

Je voudrais d'abord soutenir M. le rapporteur spécial lorsqu'il nous incite à ne pas faire de comptes d'apothicaire. Il ne s'agit pas de mesurer en chiffres ce que nous apportons et ce que nous recevons, parce que nos bénéfices sont plus importants que ne le laissent supposer les pourcentages. Que serait notre pays sans l'euro, sans la réalité de cette politique européenne qui, même si elle est insuffisante, est une chance pour nous ? Il ne faut quand même pas l'oublier.

Évidemment, certains points suscitent des interrogations, comme cela a été dit.

Pour ma part, je souhaiterais poser une question sur la traduction de ce que je considère comme une avancée importante dans le traité de Lisbonne, en dehors de la gouvernance. Je veux parler du fait que la cohésion territoriale ait été retenue. En l'espèce, la France n'est pas des plus directement impliquée, avec une participation de l'ordre de 4 % aux crédits du fonds de cohésion. En revanche, nous sommes à la pointe pour l'objectif compétitif régional et les emplois.

Dans la préparation des budgets futurs - la France en sera l'un des moteurs - y aura-t-il une place pour traduire dans les faits ces éléments nouveaux d'une cohésion territoriale désormais reconnue dans le traité ?

Cela pose le problème de la politique régionale - M. le rapporteur général l'a évoqué tout à l'heure -, notamment des règles de minimis, et des limites qui sont parfois imposées lorsque l'on n'est pas classé au bénéfice de la prime à l'aménagement du territoire, la PAT, pour soutenir le développement de nos territoires ruraux.

De grands projets ont été lancés pour l'ensemble de l'Europe. Vous devez vous en souvenir, car vous en avez été l'un des acteurs, avec Jacques Delors et Jens Christoffersen. Je pense par exemple aux grands projets de réseau TGV, qui intéressent directement la région Languedoc-Roussillon, de Montpellier jusqu'à Barcelone. Nous venons de célébrer le percement du tunnel du Perthus ; en revanche, nous n'avons pas vu les avancées entre Nîmes, Montpellier et Perpignan, et nous nous posons quelques questions sur ce qui se passera à Barcelone.

Mais, grâce à l'Europe, une volonté de franchir des massifs comme les Pyrénées s'est exprimée. Ces grands projets structurants sont des facteurs de cohésion territoriale et de cohésion européenne sur un plan d'ensemble.

On a beaucoup parlé de la PAC. C'est désormais sous la rubrique « Conservation et gestion des ressources naturelles » que figurent la politique agricole, le développement rural, la pêche et l'environnement. Ce n'est pas neutre.

Mais, quel que soit le bilan de santé, n'abordons pas les perspectives d'avenir dans un esprit défensif. Soyons au contraire les moteurs d'une approche nouvelle, à laquelle participe la réalité de la politique agricole. C'est un atout du développement durable réclamé par tous. Nos paysages et la qualité de notre environnement ne peuvent être maintenus sans l'oeuvre de l'homme. L'« agropastoralisme » doit être une valeur culturelle nouvelle en Europe ou à l'extérieur.

Enfin, monsieur le secrétaire d'État, je voudrais aborder rapidement le dossier des actions extérieures et, plus précisément, celui de l'instrument européen de voisinage et de partenariat. Cette politique de voisinage n'est pas souvent évoquée, parce que c'est une politique bilatérale mise en place par l'Europe dans le cadre de plans d'action avec différents pays, dont de nombreux pays méditerranéens. J'espère que les engagements pris seront respectés, c'est-à-dire que les deux tiers des fonds seront consacrés au programme méditerranéen.

Mais je voudrais surtout formuler une interrogation : comment faire en sorte que cette ambition formidable pour l'union méditerranéenne, lancée par le Président de la République, permette au processus de Barcelone d'aller à son terme ? Ce processus, qui n'est pas rejeté, avait suscité beaucoup d'espérance et, il est vrai, quelques désillusions. Mais il a donné une dimension supplémentaire à la politique de voisinage pour concrétiser un certain nombre d'ambitions méditerranéennes.

Cette politique bilatérale de voisinage en faveur de pays tels que les pays méditerranéens et ceux de la mer Noire ou de la Baltique peut être conciliée avec la volonté d'une union méditerranéenne prenant corps, créant une dynamique particulière, apportant une contribution réelle, ne remettant pas en cause ce qui a été fait, mais au contraire donnant un plus au processus de Barcelone et à la politique de voisinage.

Il s'agit de chantiers essentiels, qui montrent l'ambition de l'Europe de jouer pleinement son rôle dans le monde.

M. Fauchon a évoqué la constitution d'une deuxième chambre. Je n'aurai pas la prétention de dire que le comité des régions est l'amorce de cette deuxième chambre, ...