M. le président. L'amendement n° 119, présenté par M. Pozzo di Borgo et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Compléter le second alinéa du 2° de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Les dispositions du présent alinéa ne sont pas applicables aux produits surgelés.

La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.

M. Yves Pozzo di Borgo. Les députés ont autorisé les grossistes qui distribuent des produits ou des services exclusivement à des professionnels qui leur sont indépendants et qui exercent une activité de revendeur au détail à affecter d'un coefficient de 0,9 le prix d'achat effectif. Cela revient à légaliser la vente en deçà du seuil de revente à perte, dans l'objectif de permettre aux petits commerçants indépendants de baisser leurs prix.

Or, si je peux comprendre cet objectif, il ne faut pas pour autant mettre la santé de nos concitoyens en danger. En effet, cette possibilité pose, pour une catégorie particulière de produits, un problème de santé publique. Les produits surgelés nécessitent le respect de la chaîne du froid, ce que ne peuvent pas toujours assurer les clients des grossistes cash and carry. Ceux-ci ont en effet rarement les moyens de transport adéquats pour maîtriser la chaîne du froid, comme le démontrent les résultats d'une enquête de la DGCCRF, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

Les magasins cash and carry, souvent à capitaux étrangers, sont en définitive les principaux bénéficiaires de cette réforme, parce qu'ils peuvent pratiquer des péréquations de marge entre les différents types de produits qu'ils vendent. Ce n'est pas le cas des grossistes mono-produits, qui assurent la livraison sous chaîne du froid.

Pour voter cette disposition, les députés ont souligné que la mesure prévue dans la loi en faveur des petites et moyennes entreprises de 2005 n'avait pas perturbé le marché. Or, si cette disposition est restée sans effet, c'est parce que, avec l'appui de la DGCCRF, les sociétés cash and carry ont été empêchées d'y avoir recours.

Afin de préserver les intérêts et, surtout, la santé du consommateur à l'heure où les crises sanitaires de grande ampleur se succèdent, il paraît donc nécessaire de ne pas inclure les produits surgelés dans le champ du dispositif envisagé. D'où l'amendement que je présente.

M. Bernard Dussaut. Ça jette un froid ! (Sourires.)

M. Yves Pozzo di Borgo. Effectivement !

Je vous signale d'ailleurs que, selon les spécialistes, le risque sanitaire est encore plus grave pour les produits soumis à une chaîne de froid à température positive, c'est-à-dire la charcuterie, les produits traiteur, les produits laitiers et les viandes. J'aurais d'ailleurs dû viser dans mon amendement les « produits soumis à une chaîne de froid à température positive ».

Mme Catherine Procaccia. Vous pouvez rectifier votre amendement.

M. Yves Pozzo di Borgo. Je le ferai éventuellement, en fonction de la position de la commission et du Gouvernement.

Je ne suis pas un grand spécialiste de la consommation, mais j'ai parlé avec suffisamment d'interlocuteurs dans ce domaine pour me rendre compte que le problème est important.

Monsieur le secrétaire d'État, vous avez peut-être plus de facilités que moi pour analyser ces risques. En tout cas, je ne crois pas que l'on puisse évacuer rapidement ce problème.

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Cornu, au nom de la commission, est ainsi libellé :

A - Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

II. - Le II de l'article 47 de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises est abrogé.

B - En conséquence, faire précéder le premier alinéa de cet article de la mention : I. -

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les trois autres amendements en discussion.

M. Gérard Cornu, rapporteur. L'amendement n° 2 est un amendement de coordination.

Je voudrais maintenant répondre très clairement à MM. Daniel Raoul et Bernard Dussaut ainsi qu'à M. Michel Houel, car leurs amendements traitent finalement du même sujet.

Le coefficient de 0,9 a été instauré non pas par le projet de loi Chatel, mais par la loi Dutreil de 2005. Je n'ai pas les mêmes sources que vous, monsieur Raoul, mais je peux vous assurer qu'il a été introduit en raison des craintes que faisaient peser les seuils de 20 % et de 15 %. Il fallait protéger les petits détaillants et leur permettre de contrer la baisse des prix qui devait se produire, comme cela a effectivement été le cas, dans la grande distribution. Ce coefficient, qui devait leur permettre d'avoir des prix compétitifs, a été efficace ; tous les petits détaillants le disent d'ailleurs très clairement. Pour le Parlement, l'objectif n'était donc pas d'entrer dans les divergences entre les grossistes spécialisés et les grossistes généralistes.

Monsieur Houel, vous êtes un grand défenseur des petits commerçants et artisans, et vous l'avez démontré à maintes reprises. Vous savez que le coefficient de 0,9 permet aux petits détaillants d'avoir des prix compétitifs. Selon certains d'entre eux, maintenant que la grande distribution va appliquer le triple net, il faudrait même baisser ce coefficient.

M. Gérard Cornu, rapporteur. Nous ne le souhaitons pas. Sur ce point, nous voulons maintenir le dispositif prévu par la loi Dutreil. Le présent projet de loi ne change rien à cet égard.

Monsieur Pozzo di Borgo, j'ai cru comprendre que vous étiez un spécialiste des produits surgelés ! (Sourires.)

M. Gérard Cornu, rapporteur. Je n'ai pas bien compris pourquoi vous souhaitez différencier ce type de produits.

Quoi qu'il en soit, j'émets un avis défavorable sur ces trois amendements.

Monsieur Houel, puisque, je le répète, vous êtes un grand défenseur des artisans et des petits commerçants, je vous demande de retirer votre amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Comme l'a très bien indiqué M. le rapporteur, cette disposition du coefficient minorant pour le mode de calcul du seuil de revente à perte à destination des grossistes a été adoptée en 2005. Elle avait pour objet de raccourcir les écarts de prix qui pouvaient exister entre la grande distribution et les petites surfaces, notamment alimentaires, de nos centres villes qui - vous le savez bien - s'approvisionnent souvent auprès de grossistes. Les commerçants totalement indépendants qui vendaient des produits alimentaires ont quasiment disparu ; même les petites surfaces alimentaires de proximité s'approvisionnent par l'intermédiaire de grossistes.

Nous avions à l'époque trouvé cette disposition intéressante, d'autant qu'elle était défendue par la Fédération nationale de l'épicerie. J'ai entendu la remarque de M. Raoul sur cette confédération de petits artisans qui défendraient la suppression de cette disposition. Je rappelle que ceux à qui elle est destinée, à savoir les épiciers, restent très favorables à son maintien.

C'est pourquoi le Gouvernement n'a pas prévu la suppression de cette disposition, même si ce projet de loi traduit notre volonté de faire évoluer la législation.

M. Houel propose de séparer les grossistes en différentes catégories. Le Gouvernement n'y est pas favorable, car un tel dispositif serait très complexe à mettre en oeuvre. Faut-il entrer dans la logique sectorielle proposée par M. Pozzo di Borgo ? Là encore, je ne suis pas certain que cela simplifie la mise en oeuvre de la loi. C'est pourquoi le Gouvernement sollicite le retrait de ces deux amendements.

Monsieur Raoul, je ne suis pas favorable à la suppression de cette disposition, compte tenu du fait qu'elle a été introduite en 2005, et qu'elle est aujourd'hui encore défendue par la Fédération nationale de l'épicerie.

Monsieur le rapporteur, le Gouvernement est bien entendu favorable à votre amendement de coordination et de simplification.

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote sur l'amendement n° 87.

M. Daniel Raoul. Je voudrais connaître l'attitude que va adopter mon collègue Michel Houel, car son amendement, qui permet de distinguer les grossistes traditionnels sur la base de six critères, me semble meilleur sur le plan rédactionnel.

Cet amendement me paraît clair, il ne pose pas de difficultés. Si M. Houel le maintien, je retirerai le mien. Est-il possible de savoir si tel est le cas, monsieur le président ?

M. le président. C'est un peu délicat, car nous sommes en train de nous prononcer sur votre amendement, monsieur Raoul.

M. Daniel Raoul. Dans ce cas, je maintiens mon amendement !

M. le président. Le Sénat va donc se prononcer sur votre amendement et, le cas échéant, vous pourrez toujours vous rallier à l'amendement de M. Houel, s'il le maintient. Quoi qu'il arrive, vous ne serez pas perdant.

M. Daniel Raoul. De toute façon, je ne me fais aucune illusion ! (Sourires.)

M. le président. Je ne me permets pas de juger sur le fond !

Je mets aux voix l'amendement n° 87.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Houel, l'amendement n° 79 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Michel Houel. Avant toute chose, je vous prie de bien vouloir m'excuser de susciter autant d'embarras pour un simple amendement.

Je remercie M. le rapporteur, qui, comme d'habitude et comme je l'ai dit ce matin, a donné des explications avec brio. Je remercie également M. le secrétaire d'État.

Je vais toutefois faire un peu de peine à l'un et l'autre, car je maintiens cet amendement, auquel, malgré tout, je crois très fermement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 79 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. Daniel Raoul. Très bien !

M. le président. Monsieur Pozzo di Borgo, l'amendement n° 119 est-il maintenu ?

M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le rapporteur, excusez-moi de vous le dire, mais on ne répond pas par une pirouette, comme vous l'avez fait, à un problème de santé publique ! Ce n'est pas sérieux ! Vous savez très bien que si le prix baisse les gens feront des économies sur la chaîne du froid.

Si vous aviez émis un avis un peu plus solide et travaillé, j'aurais retiré mon amendement, mais j'ai trouvé que votre réponse n'était pas correcte. Donc je le maintiens.

Ne plaisantez pas sur des sujets si importants !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 119.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 55 rectifié bis, présenté par MM. Houel, J. Gautier et Fouché et Mme Mélot, est ainsi libellé :

I. - Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés:

...° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les offres de prix ou pratiques de prix de vente aux consommateurs abusivement bas par rapport aux coûts de production, de transformation ou de commercialisation, dès lors que ces offres ou pratiques ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'éliminer d'un marché ou d'empêcher d'accéder à un marché une entreprise ou l'un de ses produits sont prohibés. »

II - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - L'article L. 420-5 du code de commerce est abrogé.

III. - En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention :

I. -

La parole est à M. Michel Houel.

M. Michel Houel. Si vous me le permettez, je présenterai en même temps l'amendement n° 56 rectifié bis, monsieur le président, car ces deux amendements sont complémentaires. En outre, cela fera avancer le débat.

M. le président. J'appelle donc en discussion l'amendement n° 56 rectifié bis, présenté par MM. Houel, J. Gautier et Fouché et Mme Mélot, et ainsi libellé :

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

...° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Tout manquement aux dispositions du présent article engage la responsabilité civile de son auteur qui devra s'acquitter d'une amende civile dont le montant est proportionnel aux avantages procurés par la pratique illégale. »

Veuillez poursuivre, monsieur Houel.

M. Michel Houel. Je commencerai par l'amendement n° 55 rectifié bis.

Dans le code de commerce, les règles relatives à la revente à perte figurent dans les chapitres portant sur la transparence et les pratiques restrictives de concurrence, dont la sanction relève des juridictions commerciales de droit commun. Les règles concernant les prix anormalement bas font partie du chapitre visant les pratiques anticoncurrentielles.

Or ces deux dispositifs sont complémentaires, l'interdiction de pratiquer des prix anormalement bas s'inscrivant dans la même logique que celle de la revente à perte.

Dans ces conditions, il conviendrait de transférer les dispositions relatives aux prix anormalement bas dans le chapitre traitant de la revente à perte.

L'amendement n° 56 bis s'inscrit dans la même logique, même s'il est un peu différent.

Dans une logique de dépénalisation, il conviendrait de réserver les sanctions pénales aux infractions les plus graves et aux cas de récidive.

S'agissant de la revente à perte et de la revente à des prix anormalement bas, il est absolument indispensable d'instaurer un système d' « amendes civiles », dont les montants seraient proportionnels aux avantages de la pratique illégale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Cornu, rapporteur. D'un point de vue intellectuel, on peut comprendre la logique suivie par notre collègue Michel Houel avec l'amendement n° 55 rectifié bis. Malheureusement, sa démarche d'apparente cohérence comporte une très grave difficulté : elle conduit à la pénalisation des pratiques frauduleuses visées alors qu'elles sont actuellement passibles du tribunal de grande instance ou du tribunal de commerce.

Cet amendement va donc totalement à contre-courant du mouvement de dépénalisation du droit des affaires. C'est pourquoi j'invite notre collègue à bien vouloir le retirer. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.

L'amendement n° 56 rectifié bis n'encourt pas exactement le même reproche que le précédent, mais il n'est pas plus acceptable. En effet, non seulement il ne procède pas à la dépénalisation de l'incrimination de vente à perte, mais il tend même à ajouter des sanctions civiles aux peines pénales. Je suis convaincu que ce n'est pas ce que souhaite notre collègue. Je l'invite donc à retirer également cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. L'amendement n° 55 rectifié bis vise à ramener les dispositions du droit des pratiques anticoncurrentielles relatives aux prix abusivement bas au sein de la section du code de commerce relative au droit des pratiques restrictives de concurrence. Comme l'a très bien indiqué M. le rapporteur, cette disposition reviendrait à pénaliser les pratiques frauduleuses en question, alors qu'elles relèvent aujourd'hui de sanctions administratives.

Vous le savez, monsieur le sénateur, la volonté du Gouvernement, comme l'a également indiqué M. le rapporteur, n'est pas de pénaliser davantage le code de commerce. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement, dont il sollicite le retrait. À défaut, il émettra un avis défavorable.

S'agissant de l'amendement n° 56 rectifié bis, vous souhaitez dépénaliser la revente à perte. En fait, tel qu'il est rédigé, cet amendement aboutirait à superposer un régime de sanction civile à un régime de sanction pénale préexistant.

Je rappelle que le Président de la République a mis en place en octobre dernier un groupe de travail sur la dépénalisation de la vie des affaires, qui est présidé par le Premier président honoraire de la cour d'appel de Paris, M. Jean-Marie Coulon. Nous souhaitons disposer de ses conclusions pour mettre en oeuvre la réforme du régime des sanctions sur la revente à perte, notamment afin de mieux coordonner les dispositifs à la fois civils et pénaux. Je sollicite donc également le retrait de cet amendement, monsieur le sénateur.

M. le président. Monsieur Houel, les amendements nos 55 rectifié bis et 56 rectifié bis sont-ils maintenus ?

M. Michel Houel. Les arguments de M. le secrétaire d'État m'ayant convaincu, je les retire, monsieur le président.

M. le président. Les amendements nos 55 rectifié bis et 56 rectifié bis sont retirés.

La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote sur l'article 1er.

Mme Odette Terrade. Le projet de loi n'est pas encore voté que déjà, dans une dépêche AFP, des responsables de la grande distribution commencent à douter des mesures que nous sommes en train d'élaborer.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. C'est bon signe ! (Sourires.)

Mme Odette Terrade. M. Leclerc déclare ainsi : « Luc Chatel et Christine Lagarde créent une attente artificielle à laquelle on ne pourra pas répondre. Non seulement ces chiffres sont extravagants, mais en plus ils nous mettent sur la défensive ».

Vous avez vous-même déclaré, monsieur le secrétaire d'État, qu'un certain nombre d'industriels ont reçu une lettre des centres Leclerc leur indiquant qu'ils ne souhaitent pas une baisse des tarifs contre une réintégration des marges arrière !

Pour accroître le flou artistique qui entoure nos débats, il semblerait que Christine Lagarde prévoie de permettre, dans un projet de loi annoncé pour le printemps, la négociation des conditions générales de vente.

Rappelons que, aujourd'hui, les tarifs industriels, établis lors de négociations en fin d'année, sont fixés pour un an et qu'ils restent les mêmes pour tous les distributeurs. La négociabilité des conditions générales de vente ferait voler en éclat ce dispositif et donnerait plus de pouvoir aux grandes surfaces, qui y gagneraient la possibilité de remettre en cause les tarifs quand elles le souhaitent. Agriculteurs, coopératives et PMA, petites et moyennes entreprises agroalimentaires, seraient les premières victimes de la loi de la jungle commerciale qui s'annonce.

Nous tenons à avoir des éclaircissements sur cette question dès aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'État. Même si vous nous avez déjà pour une part répondu lors de vos précédentes interventions, pourriez-vous nous dire si vous avez, oui ou non, l'intention de proposer une telle mesure ?

Pour toutes les raisons que nous avons déjà avancées et parce que la grande distribution annonce dès à présent que les dispositions du projet de loi seront inefficaces pour faire baisser les prix, nous voterons contre cet article.

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er (début)
Dossier législatif : projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs
Discussion générale

9

Nomination d'un membre d'un organisme extraparlementaire

M. le président. Je rappelle que la commission des affaires culturelles a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.

La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.

En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Louis de Broissia membre de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

10

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2008 est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

11

Mise au point au sujet d'un vote

M. le président. La parole est à M. Bernard Dussaut.

M. Bernard Dussaut. Monsieur le président, lors du scrutin public n° 53, à la suite d'un problème technique, le bulletin de vote de M. Richard Yung n'a pas pu être pris en compte.

M. Daniel Raoul. Je plaide coupable ! (Sourires.)

M. Bernard Dussaut. Je souhaiterais donc qu'il soit comptabilisé. Notre collègue voulait bien sûr voter en faveur de la motion.

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue.

12

Article 1er (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs
Articles additionnels après l'article 1er

Développement de la concurrence au service des consommateurs

Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, pour le développement de la concurrence au service des consommateurs.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'examen d'amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 1er.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs
Article 2

Articles additionnels après l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 83, présenté par MM. Dussaut, Raoul, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Chaque année, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes remet au ministre chargé des finances un rapport public relatif à l'évolution des pratiques de marges dans la distribution.

La parole est à M. Bernard Dussaut.

M. Bernard Dussaut. Cet amendement vise à la présentation, chaque année,  par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, d'un rapport public au ministre chargé des finances sur les pratiques de marges dans la distribution.

Les services de cette structure ont notamment pour mission de vérifier la loyauté des pratiques commerciales à l'égard des consommateurs. À ce titre, ils contrôlent les professionnels et sont en possession de tous les éléments pour dresser un bilan.

Au demeurant, une telle démarche leur est familière, puisque cette administration publie fréquemment les résultats de son action. Je pense notamment au bilan final de l'opération « Vacances confiance », qui a été présenté le 2 octobre dernier.

Depuis l'adoption de la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, les gouvernements successifs ont tenté de clarifier l'opacité qui règne en matière de pratiques commerciales dans le secteur de la distribution.

On constate fréquemment un climat de défiance entre distributeurs et fournisseurs. Aussi semble-t-il pertinent que l'on soit en mesure de savoir précisément la manière dont se constituent les marges.

Par ailleurs, le pouvoir d'achat fait l'objet de légitimes inquiétudes de la part des consommateurs. Il est essentiel qu'un bilan puisse éclairer les consommateurs et, au-delà, l'ensemble des acteurs économiques sur les marges qui sont pratiquées par les distributeurs.

De tels rapports nous permettront d'appréhender correctement la réalité, en vue d'une réelle moralisation des pratiques.

Et il est vrai que la DGCCRF aurait besoin de moyens supplémentaires afin de pouvoir mener à bien la totalité des missions qui lui reviennent.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Cornu, rapporteur de la commission des affaires économiques. D'une manière générale, je ne suis pas très favorable à une production systématique de rapports annuels, car l'accumulation de tels documents finit par réduire, voire par annihiler, leur intérêt.

À mon sens, il est bien plus efficace de travailler à partir de rapports portant sur un point précis et réalisés pendant une période moyenne ou longue.

C'est la raison pour laquelle, à l'occasion de l'examen du projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises, qui est devenu la loi du 2 août 2005, nous avions demandé - vous vous en souvenez sans doute, monsieur le secrétaire d'État - la remise au Parlement d'un rapport d'étape sur l'application du mode de calcul du seuil de revente à perte, le SRP.

Le rapport a été publié et il est très intéressant. En effet, à l'époque, nous avions des doutes. Le taux des marges arrière avait été limité à 20 % du prix net facturé en 2006, puis à 15 % en 2007, et nous ne savions pas si nous pouvions poursuivre la démarche engagée et atteindre 10 %, 5 %, voire 0 %. Sur le moment, nous n'avions pas osé aller aussi loin et nous avions souhaité disposer d'un rapport pour analyser les possibilités.

Or le document qui nous a été remis indique que nous pouvons aller jusqu'au SRP. Ainsi, ce rapport s'est révélé très intéressant.

De même, dans deux ou trois ans, peut-être pourrons-nous demander, à titre d'information, la publication d'un rapport du même type sur la réforme que nous sommes en train d'adopter et sur celle qui pourrait suivre dans les mois à venir. Cela formerait ainsi un ensemble cohérent et pourrait être très utile.

Mais, dans l'immédiat, votre proposition me semble peu opportune, monsieur le sénateur. C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme. La réponse de M. le rapporteur a été très complète et détaillée, et je ne peux que m'y associer.

Cet amendement vise à confier à la DGCCRF le soin de remettre chaque année un rapport relatif à l'évolution des pratiques et des marges dans la distribution.

M. Alain Gournac. Les tiroirs sont déjà pleins ! (Sourires.)

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, la DGCCRF contrôle les pratiques et les abus dans les relations entre fournisseurs et distributeurs, et non les marges des distributeurs stricto sensu. D'ailleurs, ces informations sont de nature privée et figurent dans les rapports annuels des entreprises concernées.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 83.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 84, présenté par MM. Dussaut, Raoul, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le troisième alinéa de l'article L. 440-1 du code de commerce est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Elle remet chaque année au Premier ministre un rapport public relatif à l'évolution des marges pratiquées par les distributeurs.»

La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Je suis navré de revenir sur le sujet des rapports annuels, qui plaisent tant à M. le rapporteur. (Sourires.)

Demander à la Commission d'examen des pratiques commerciales de remettre au Premier ministre un rapport public sur les marges de la distribution revient, en quelque sorte, à lui permettre de s'autosaisir.

En effet, cette commission est saisie seulement lorsqu'une plainte a été déposée par une personne qui s'estime lésée. Or, vous le savez comme moi, peu de plaintes sont déposées, car les fournisseurs ou les producteurs redoutent des mesures de rétorsion et ne peuvent pas prendre le risque d'être écartés.

Le 5 novembre dernier, Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi a annoncé la création d'un observatoire des prix et des coûts. Mais pourquoi ne pas envisager d'utiliser à plein la Commission d'examen des pratiques commerciales, dont le champ d'investigation est justement la grande distribution et ses relations avec les fournisseurs ?

Et cela n'est pas hors sujet, contrairement à ce que vous avez l'habitude de dire, monsieur le rapporteur. C'est bien le problème de la concurrence qui est posé et ce sont là que les marges se décident !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Cornu, rapporteur. Soyons clairs, mon cher collègue. Vous n'êtes pas du tout hors sujet. Nous sommes dans l'examen des différents articles du projet de loi.

C'est seulement à propos de certains amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l'article 1er que j'avais évoqué des « hors sujet ». Mais, en l'occurrence, nous prenons le temps de débattre des dispositions du texte législatif, ce qui s'inscrit dans la perspective que nous souhaitons.

Pour ma part, j'ai simplement précisé que j'étais contre la multiplication des rapports. Même si cela part d'un bon sentiment - d'ailleurs, certains rapports sont très intéressants -, je ne crois pas qu'il faille les accumuler.

C'est pourquoi, tout comme pour l'amendement précédent, la commission émet un avis défavorable.

M. Daniel Raoul. Cela s'appelle un TOC ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Comme son nom l'indique, la Commission d'examen des pratiques commerciales a pour mission de contrôler les pratiques commerciales. Dans cette perspective, elle émet des recommandations et des avis qui sont utiles aux professionnels et aux tribunaux de commerce.

En revanche, il n'entre pas dans ses attributions d'analyser les marges de la distribution, auxquelles elle n'a d'ailleurs pas accès.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 84.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 149, présenté par Mme Terrade, MM. Billout et Danglot, Mme Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le dernier alinéa de l'article L. 611-4 du code rural, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Il est établi chaque année par décret la liste des prix dits « minimum » de l'ensemble des productions animales et végétales, effectivement créées sur le territoire national, y compris celles définies à l'article L. 611-4-2. Ce prix dit « minimum » couvre le prix de revient moyen des produits.

« En deçà de ce prix minimum, la situation de crise de la production est décrétée, ainsi que les mesures anti-crise en vigueur ».

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Au mois de juillet, à la suite de la crise de la pêche et de la nectarine, la Fédération nationale des producteurs de fruits écrivait au ministre de l'agriculture et de la pêche, à propos du coefficient multiplicateur : « Si les pouvoirs publics ne souhaitent pas appliquer cet outil, ils doivent, par respect pour les producteurs français de pêche et de nectarine, qui, sur le terrain, fondent beaucoup d'espoir sur ce dispositif, le dire clairement, au lieu d'espérer que ces producteurs, enfoncés dans la crise, n'aient pas la force de se faire entendre. »

Grâce à l'action unie des paysans lors de la crise des fruits et légumes de 2004, le coefficient multiplicateur a été réintroduit dans la législation française en 2005 dans ce secteur. Le mécanisme vise à inciter la grande distribution à payer la production à des prix rémunérateurs.

Un tel système présente l'avantage de permettre à la grande distribution de dégager des marges suffisantes tout en rémunérant mieux les producteurs, mais également de ne pas léser le consommateur, qui ressent très peu l'augmentation des prix en amont.

Mais, alors que le secteur des fruits et légumes est confronté à des crises de grande ampleur, allant jusqu'à nourrir des doutes sur son devenir, la question se pose de savoir pourquoi le coefficient multiplicateur n'est toujours pas appliqué depuis 2005.

On peut discuter à juste titre de la pertinence des critères fixant les seuils d'entrée en crise ou du fait qu'il faille une crise pour mettre en oeuvre le coefficient multiplicateur et regretter que celui-ci ne s'applique pas à toutes les productions agricoles.

Mais là n'est pas aujourd'hui l'urgence. Le problème est que, depuis la parution des arrêtés et décrets d'application, les cas de reconnaissance légale de situations de crise nécessitant la mise en route de la procédure du coefficient multiplicateur ont été innombrables, et cela pour de nombreux produits.

Or le blocage, car il y a bien blocage à l'application de la loi, se situe à deux niveaux.

D'une part, à chaque crise avérée, Interprofession de la filière des fruits et légumes frais, ou INTERFEL, structure interprofessionnelle chargée d'organiser les relations entre distributeurs et producteurs de fruits et légumes, déclare que des accords satisfaisants pour toutes les parties ont pu être trouvés.

D'autre part, le ministre de l'agriculture et de la pêche est lui-même responsable d'un blocage, dans la mesure où il n'exige pas d'aller plus loin. Face à l'évidence de l'absence de résultat en matière de prix pour les producteurs, il refuse de prendre les responsabilités que lui confie pourtant la loi en instaurant d'autorité le coefficient multiplicateur.

Nous sommes très attachés à la détermination d'un prix minimal correspondant au prix de revient des produits. En effet, les producteurs restent très vulnérables face aux crises conjoncturelles, mais également à la pression des grandes firmes agroalimentaires et de la distribution.

On entend dire, ici ou là, qu'il vaut mieux utiliser le coefficient multiplicateur comme une menace dans les négociations plutôt que comme outil effectif. Il est même parfois taxé d'inefficacité flagrante.

Mme Odette Terrade. Mais qui peut raisonnablement penser que, face à un quasi-monopole doté de la capacité de fixer lui-même les prix à sa guise, comme l'est aujourd'hui la grande distribution, de simples discussions ou mêmes injonctions suffisent ? Seules la loi et son application sans aucune faiblesse peuvent faire évoluer la situation dans le bon sens.

Les grands bénéficiaires d'une telle absence de volonté politique sont les grandes et moyennes surfaces, les GMS, dont les profits et les dividendes des actionnaires battent année après année tous les records.

Par conséquent, pour assurer une efficacité au coefficient multiplicateur, mais également, plus largement, pour éviter une chute des prix des productions animales et végétales, nous souhaitons que soit établie par décret la liste des prix minimum de tous ces produits.