compte rendu intégral

Présidence de M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Articles additionnels avant l'article 2 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif aux contrats de partenariat
Article 2

Contrats de partenariat

Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif aux contrats de partenariat (nos 211, 239, 240 et 243).

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 2.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif aux contrats de partenariat
Article additionnel après l'article 2

Article 2

L'article 2 de la même ordonnance est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. 2. - I. - Les contrats de partenariat donnent lieu à une évaluation préalable faisant apparaître les motifs de caractère économique, financier, juridique et administratif qui conduisent la personne publique à engager la procédure de passation d'un tel contrat. Cette évaluation comporte une analyse comparative de différentes options, notamment en termes de coût global, de partage des risques et de performance, ainsi qu'au regard des préoccupations de développement durable. Lorsqu'il s'agit de faire face à une situation imprévue, cette évaluation peut être succincte.

« II. - Les contrats de partenariat ne peuvent être conclus que si, au regard de l'évaluation, il apparaît :

« 1°Que, compte tenu de la complexité du projet, la personne publique n'est pas objectivement en mesure de définir seule et à l'avance les moyens techniques répondant à ses besoins ou d'établir le montage financier ou juridique du projet ;

« 2°Ou bien que le projet présente un caractère d'urgence, lorsqu'il s'agit de rattraper un retard préjudiciable affectant la réalisation d'équipements collectifs ou de faire face à une situation imprévue ;

« 3°Ou bien encore que, compte tenu soit des caractéristiques du projet, soit des exigences du service public dont la personne publique est chargée et des contraintes qui pèsent sur celle-ci, soit des insuffisances et difficultés observées dans la réalisation de projets comparables, le recours à un tel contrat présente un bilan entre les avantages et les inconvénients plus favorable que ceux d'autres contrats de la commande publique.

« III. - Jusqu'au 31 décembre 2012, sont réputés présenter le caractère d'urgence mentionné au 2° du II, sous réserve que les résultats de l'évaluation prévue au I ne soient pas manifestement défavorables, les projets répondant :

« 1°Aux besoins de l'enseignement supérieur et de la recherche et qui conduisent à l'amélioration des conditions d'étude et de vie étudiante, et à celle de la qualité de la recherche ;

« 2°Aux besoins précisés à l'article 3 de la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et de programmation de la sécurité intérieure et à l'article 3 de la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation de la justice ;

« 3°Aux nécessités de la mise en place des nouvelles technologies répondant aux besoins de la police et de la gendarmerie nationale ;

« 4°Aux nécessités de la réorganisation des implantations du ministère de la défense ;

« 5°aux opérations nécessaires aux besoins de la santé précisés à l'article L. 6148-2 du code de la santé publique ;

« 6°aux besoins relatifs aux infrastructures de transport s'inscrivant dans un projet de développement durable, à la rénovation urbaine, à l'amélioration de l'accessibilité des personnes handicapées ou à mobilité réduite et à l'amélioration de l'efficacité énergétique des bâtiments publics.

« IV. - Les dispositions du III sont applicables aux projets de contrats de partenariat dont l'avis d'appel public à la concurrence a été envoyé à la publication avant le 31 décembre 2012. »

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, sur l'article.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, innovation, pertinence économique, développement durable : ces mots ne cessent d'apparaître au cours de ce débat.

Selon Mme la ministre, les contrats de partenariat constitueraient une solution moderne aux exigences de développement local et national qu'il conviendrait de mettre en oeuvre de manière de plus en plus fréquente et massive pour répondre aux attentes des populations.

Cependant, la réalité est beaucoup plus prosaïque, et il convient de s'interroger, à la lumière, notamment, de certaines considérations juridiques que nous avons déjà soulevées, sur la conversion subite du Gouvernement à l'usage extensif des partenariats public - privé, les PPP, qui s'inscrit dans le droit-fil de l'ordonnance du 17 juin 2004 prise par le précédent gouvernement, dont certains membres sont, faut-il le rappeler, toujours en fonction.

Les motifs de cette publicité des PPP viennent en grande partie de l'état désastreux des comptes publics, tels qu'ils étaient au sortir de la législature 2002 - 2007 et tels qu'ils sont toujours aujourd'hui.

Certes, premier constat objectif, pour pouvoir se développer, la France a besoin de consentir un effort d'investissement en infrastructures et en équipements publics très important, sans compter que, dans bien des cas, avant de concevoir de nouveaux équipements, il faut maintenir en état de fonctionnement l'existant, ou même le rénover.

Devant ces besoins, la politique menée par le Gouvernement heurte de plein fouet, entre autres choses, les contraintes européennes que nous nous sommes imposées en ratifiant des textes profondément libéraux.

Comme la France dépasse, et de loin, les niveaux de déficit public et de dette publique autorisés par les engagements européens, l'État n'est pas en situation de contribuer plus qu'il ne le fait déjà au financement des équipements et des infrastructures collectifs.

Par conséquent, on décide de recourir aux contrats de partenariat, on ajoute des critères facilitateurs pour ce faire et on organise en fait la privatisation de la réalisation des équipements publics, moyennant, bien entendu, des dépenses qui seront - on aura tôt fait de le constater - plus importantes que prévu, leur seule « qualité » étant de ne pas alourdir la dette publique et de ne figurer que dans les dépenses de fonctionnement de l'État.

Le rapport de la Cour des comptes de 2008 a beau expliquer, preuves à l'appui, sur la foi de l'expertise de situations concrètes, notamment pour ce qui concerne le service des archives diplomatiques et la direction centrale du renseignement intérieur, que les contrats de partenariat sont porteurs de dépenses futures plus importantes que les prétendues « économies » réalisées au départ, vous passez outre !

Il s'agit en effet de respecter la norme européenne, d'« accrocher » la France au train de la parité de l'euro et de privatiser de plus en plus l'investissement public, pour le plus grand bonheur de l'oligopole des majors du bâtiment et des services, qui demeure la seule structure à même de répondre aux offres présentées, quitte à priver les PME de marchés publics, sauf à accepter une « vassalisation » à l'égard des grands groupes et à transformer, pour quelques années, les parlementaires en simples comptables constatant la croissance continue des redevances acquittées par l'État aux opérateurs privés.

Une véritable politique d'investissement public nécessite le recours aux fonds publics ainsi qu'à l'expertise des agents et techniciens du service public, et participe par essence de la mise en oeuvre d'une politique nationale, donc égalitaire, de développement économique et social.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous n'adopterons pas l'article 2 du présent projet de loi.

M. le président. Je suis saisi de trente amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 101, présenté par Mme Mathon-Poinat, M. Billout, Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. En cohérence avec l'intervention de Josiane Mathon-Poinat, je vous présente, mes chers collègues, un amendement de suppression de l'article 2.

Cet article, qui crée une nouvelle catégorie de contrat de partenariat, dont la justification ne porte que sur un comparatif « performanciel » en termes de procédure, revient à banaliser le recours à cet outil, en le transformant en procédure de droit commun.

Or faut-il rappeler une nouvelle fois - nous avons largement évoqué cette question hier soir - que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 26 juin 2003, a délimité très strictement le recours à la procédure de contrat de partenariat, en affirmant que celle-ci doit rester exceptionnelle au risque de « priver de garanties légales les exigences constitutionnelles inhérentes à l'égalité devant la commande publique, à la protection des propriétés publiques et au bon usage des deniers publics ».

Dans la grande majorité des projets présentés à la MAPP, la mission d'appui à la réalisation des contrats de partenariat, qu'ils émanent de l'État ou des collectivités territoriales, vous l'observez comme moi, c'est la voie de la procédure dite « complexe » qui est choisie, même pour les cas où l'urgence semblerait avérée.

La décision de créer une troisième voie, hors situation de complexité ou d'urgence, pour banaliser le recours à cette procédure, a toutes les chances d'être annulée par le Conseil Constitutionnel pour les motifs que je viens de rappeler.

Bien sûr, les majors des secteurs économiques en cause attendent avec impatience que les vannes d'une utilisation effrénée du contrat de partenariat soient ouvertes, sans entrave réglementaire inutile et sans réel contrôle par le pouvoir adjudicateur.

En effet, le contrat de partenariat, présenté par ses promoteurs comme la panacée de la gestion publique, est actuellement un peu à l'étroit en ce qu'il reste une procédure dérogatoire des cadres juridiques classiques que sont les marchés publics et les délégations de service public.

C'est la raison pour laquelle je vous propose, mes chers collègues, d'adopter cet amendement de suppression de l'article 2, lequel engage une troisième voie bien hasardeuse.

M. le président. L'amendement n° 129 rectifié, présenté par MM. Sueur, Collombat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit les I et II du texte proposé par cet article pour l'article 2 de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat :

« I. - Les contrats de partenariat donnent lieu à une évaluation préalable menée par la personne publique.

« Les contrats de partenariat ne peuvent être conclus que si, au regard de l'évaluation, il apparaît :

« 1° Que, compte tenu de la complexité du projet, la personne publique n'est pas objectivement en mesure de définir seule et à l'avance les moyens techniques répondant à ses besoins ou d'établir le montage financier ou juridique du projet ;

« 2° Ou bien que le projet présente un caractère d'urgence, dès lors qu'elle résulte objectivement, dans un secteur ou une zone géographique déterminés, de la nécessité de rattraper un retard particulièrement grave affectant la réalisation d'équipements collectifs. »

« II. - Les contrats de partenariat donnent lieu à une évaluation préalable faisant apparaître les motifs de caractère économique, financier, juridique et administratif qui conduisent la personne publique à engager la procédure de passation d'un tel contrat. Cette évaluation comporte une analyse comparative de différentes options, notamment en termes de coût global, de partage des risques et de performance, ainsi qu'au regard des préoccupations de développement durable. Lorsqu'il s'agit de faire face à une situation imprévue, cette évaluation peut être succincte.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous ne proposons pas, pour notre part, la suppression de l'article 2, mais le strict respect de la décision du Conseil constitutionnel du 26 juin 2003.

D'ailleurs, hier, je n'ai entendu aucun orateur exprimer son opposition à ce strict respect. Au demeurant, vous me l'accorderez, madame la ministre, mes chers collègues, un certain nombre d'intervenants ont défendu ce que j'appellerai un véritable « collage » de deux réalités.

Tout d'abord, on nous a dit que la décision du Conseil constitutionnel était strictement respectée. Ensuite, souvent même au cours de la même intervention, on a fait valoir qu'il fallait néanmoins élargir les cas de recours aux PPP. Cet élargissement devait être tel qu'il revenait, de fait, à nier totalement la réalité de la décision du Conseil constitutionnel.

Nous sommes donc confrontés à une contradiction dans vos propres propos, chers collègues de la majorité, sauf si vous réussissez à démontrer par la suite - cette démonstration n'a pas été faite jusqu'à présent - que le projet de loi est compatible avec la décision du Conseil constitutionnel.

Pour ce qui est de l'amendement n° 129 rectifié, il vise tout d'abord à remettre les choses dans l'ordre.

À notre sens, il est nécessaire d'intervertir les deux parties de l'article. Tout d'abord, il faut définir les cas dans lesquels il sera possible d'avoir recours aux contrats de partenariat. Ensuite, il convient d'instaurer une procédure d'évaluation visant à démontrer ou plutôt - soyons précis - à tenter de démontrer que le PPP est plus intéressant que les formes classiques de marché public ou de délégation de service public.

À cet égard, mes chers collègues, vous aurez remarqué que notre amendement, outre cette interversion qui ne devrait pas, me semble-t-il, poser de problèmes majeurs, reprend, s'agissant du critère d'urgence, non seulement la définition du Conseil constitutionnel, mais aussi celle du Conseil d'État.

En effet, vous le savez, le Conseil d'État a considéré, dans son arrêt du 29 octobre 2004, que le critère de l'urgence est rempli lorsque celle-ci « résulte objectivement, dans un secteur ou une zone géographique déterminé, de la nécessité de rattraper un retard particulièrement grave affectant la réalisation d'équipements collectifs ».

Je pense qu'il pourrait y avoir dans certains départements des contentieux liés à l'appréciation de l'urgence. C'est pourquoi il est important de préciser dans la loi ce qu'est l'urgence. Et comment le faire mieux qu'en reprenant, d'une part, la définition qui a été donnée par le Conseil constitutionnel et, d'autre part, celle qui a été fixée par le Conseil d'État ?

Je constate d'ailleurs que, dans cette enceinte, personne n'a contesté ni la décision du Conseil constitutionnel ni celle du Conseil d'État. Je remercie l'ancien président de la commission des lois de m'écouter attentivement (M. René Garrec sourit.), car je sais tout le respect qu'il porte aux décisions du Conseil d'État qu'il connaît bien, ainsi qu'à celles du Conseil constitutionnel. Et je suis sûr que vous serez nombreux, mes chers collègues, du moins j'en accepte l'augure, à convenir du fait qu'il n'y a que des avantages à inscrire dans la loi une définition du Conseil constitutionnel ou du Conseil d'État, que personne ne conteste.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 2 est présenté par M. Béteille, au nom de la commission des lois.

L'amendement n° 49 est présenté par M. Houel, au nom de la commission des affaires économiques.

L'amendement n° 128 est présenté par MM. Sueur, Collombat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Dans la première phrase du I du texte proposé par cet article pour l'article 2 de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, après les mots :

évaluation préalable

insérer les mots :

, réalisée avec le concours d'un organisme expert choisi parmi ceux créés par décret,

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 2.

M. Laurent Béteille, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. L'amendement n° 2 tend à réintégrer dans l'article la référence à l'organisme expert chargé de concourir à la réalisation des contrats de partenariat de l'État. Personne ne remet en cause d'ailleurs ce concours. Néanmoins, il nous a semblé qu'il était préférable de faire référence explicite à cet organisme, dont le rôle est sans doute appelé à s'accroître avec le développement des contrats de partenariat, y compris ceux des collectivités territoriales.

M. le président. La parole est à M. Michel Houel, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 49.

M. Michel Houel, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Cet amendement est identique à celui qui vient d'être défendu par M. Béteille. Je tiens à souligner simplement l'importance du rôle joué par la mission d'appui à la réalisation des contrats de partenariat, les MAPPP.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 128.

M. Jean-Pierre Sueur. Je considère que cet amendement a été excellemment défendu par M. Béteille.

M. le président. Mais M. Houel n'a pas démérité non plus ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. En effet, monsieur le président ! (Nouveaux sourires.)

M. le président. L'amendement n° 131, présenté par MM. Sueur, Collombat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du I du texte proposé par cet article pour l'article 2 de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, après le mot :

apparaître

insérer les mots :

avec précision

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. La rédaction proposée par le projet de loi est moins précise que celle qui figure aujourd'hui dans l'ordonnance.

Or qui pourrait refuser que la loi soit plus précise ? Et qui pourrait souhaiter que la loi soit désormais moins précise que l'ordonnance ? Cette dernière résulte, je le rappelle, d'une loi d'habilitation que vous avez votée, mes chers collègues. À l'évidence, tout conduit donc à un accord, qui n'arrive malheureusement pas, monsieur le président, pour des raisons que je ne comprends pas toujours.

Aux termes de l'ordonnance qui a été prise par le gouvernement de l'époque - mais dont vous n'étiez pas trop éloignés, mes chers collègues -, les personnes publiques doivent « exposer avec précision les motifs » qui les ont conduites à retenir le projet et à choisir la procédure du contrat de partenariat. Selon la rédaction du projet de loi, l'évaluation doit faire « apparaître les motifs », mais les mots « avec précision » ne figurent pas.

Cela peut paraître un détail, mais, dans le contexte général de ce projet de loi, où, par exemple, l'urgence prime sur les résultats de l'évaluation pour les contrats de partenariat sectoriels, il nous paraît très important que l'évaluation soit menée avec le plus de minutie possible, même si l'on connaît les limites de l'exercice, que j'ai amplement exposées hier.

En tout état de cause, il est important que la personne publique puisse motiver sa décision avec précision. C'est la condition indispensable pour assurer la transparence au regard des administrés, mais aussi des candidats, qui doivent pouvoir apprécier le bien-fondé de la décision finale et, le cas échéant, décider de saisir le juge administratif.

Il est, par ailleurs, d'autant plus important de s'assurer de la qualité du projet que l'on est dans le cadre d'un contrat de longue durée.

M. le président. L'amendement n° 50, présenté par M. Houel, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Après la première phrase du I du texte proposé par cet article pour l'article 2 de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, insérer une phrase ainsi rédigée :

Chaque organisme expert élabore, dans son domaine de compétences, une méthodologie déterminant les critères d'élaboration de cette évaluation.

La parole est à M. Michel Houel, rapporteur pour avis.

M. Michel Houel, rapporteur pour avis. Il s'agit là de l'un des amendements les plus importants que votre commission pour avis ait à vous présenter.

Nous souhaitons, en effet, que chaque organisme élabore, dans son domaine de compétences, une méthodologie déterminant les critères d'élaboration de l'évaluation préalable, et ce pour trois raisons.

Tout d'abord, la dernière méthodologie, préconisée par la MAPPP, remonte à 2005, et il convient de prendre en compte les expériences des quatre dernières années et les apports du projet de loi.

Ensuite, le débat qui a opposé la Cour des comptes et certains ministères quant au périmètre pertinent pour comparer les coûts d'un projet réalisé au moyen de marchés publics ou d'un partenariat public-privé, n'aurait sûrement pas eu lieu si les protagonistes avaient bien circonscrit en amont les termes de la comparaison.

Enfin, les évaluations préalables risquent de pénaliser le recours aux contrats de partenariat, contraints d'afficher des « coûts complets », contrairement aux marchés publics. Il existe, en effet, une asymétrie entre l'obligation de transparence des coûts d'un contrat de partenariat et l'opacité relative des coûts d'un projet réalisé en maîtrise d'ouvrage publique. Cette méthodologie évoquera notamment la question des « coûts cachés » des autres contrats de la commande publique : coûts à long terme, coûts indirects, coûts d'opportunité, notamment.

Cette nouvelle méthodologie serait réalisée sous la houlette de la MAPPP, conjointement avec la Cour des comptes, les ministères concernés, ainsi que des professionnels privés du secteur. Elle permettra de gagner en transparence et d'éviter certaines polémiques inutiles.

M. le président. L'amendement n° 76, présenté par M. Guené, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Dans la deuxième phrase du I du texte proposé par cet article pour l'article 2 de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004, après les mots :

coût global

insérer les mots :

hors taxe

La parole est à M. Charles Guené, rapporteur pour avis.

M. Charles Guené, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. C'est un amendement de précision qui vise à neutraliser la fiscalité pour juger de l'opportunité du recours à un contrat de partenariat. Il s'agit d'éviter que la décision d'investissement, dans l'arbitrage entre maîtrise d'ouvrage publique et contrat de partenariat, ne souffre d'un biais fiscal.

Ainsi, par exemple, pour l'application des règles de la taxe sur la valeur ajoutée et des dispositions de l'article 256 du code général des impôts, les cocontractants de partenariat public-privé sont considérés comme des prestataires de services de la personne morale de droit public et sont soumis de plein droit à la TVA.

Cela n'a a priori pas d'incidence pour l'État, qui perçoit la TVA, ni même pour les collectivités territoriales au regard du fonctionnement du Fonds de la compensation de la TVA, le FCTVA, mais certains ministères ont pu considérer que la prise en compte de la fiscalité faussait les arbitrages éventuels en défaveur d'une externalisation de leurs activités. Il paraît donc souhaitable de préciser que les arbitrages sur le mode de gestion de l'investissement public ont, en principe, vocation à être effectués hors taxe.

M. le président. L'amendement n° 75, présenté par M. Guené, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Supprimer la dernière phrase du I du texte proposé par cet article pour l'article 2 de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004.

La parole est à M. Charles Guené, rapporteur pour avis.

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. L'amendement n° 75 vise à prévoir une évaluation préalable rigoureuse, en toutes circonstances, avant le lancement d'un contrat de partenariat. Un choix de gestion soucieux des finances publiques, qui figure d'ailleurs à l'appui de la décision du Conseil constitutionnel du 26 juin 2003, ne peut reposer que sur une évaluation sérieuse et systématique : il ne saurait être question dans ce domaine d'évaluation succincte. Elle pourrait donner aux gestionnaires le sentiment qu'ils pourraient, dans certains cas, même restreints, bâcler leur évaluation. Ce n'est pas ce que nous souhaitons.

En conséquence, cet amendement tend à supprimer la disposition selon laquelle l'évaluation préalable peut être succincte lorsqu'il s'agit de faire face à une situation imprévue.

D'une part, l'on peine à entrevoir une situation dans laquelle une telle disposition trouverait à s'appliquer. Ainsi, en cas de catastrophe naturelle, le fonctionnement normal de la puissance publique lui permet de mener des évaluations dans des conditions de droit commun.

D'autre part, ce n'est pas au moment de l'évaluation préalable que du temps doit être gagné pour la réalisation d'un investissement : le sérieux des analyses en amont conditionne la réussite en aval des contrats de partenariat.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 3 est présenté par M. Béteille, au nom de la commission des lois.

L'amendement n° 51 est présenté par M. Houel, au nom de la commission des affaires économiques.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans la dernière phrase du I du texte proposé par cet article pour l'article 2 de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, remplacer le mot :

imprévue

par le mot :

imprévisible

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 3.

M. Laurent Béteille, rapporteur. Tout en se posant les mêmes questions que la commission des finances au sujet de l'évaluation préalable succincte, la commission des lois a souhaité non pas en supprimer la possibilité, mais la restreindre.

Le projet de loi prévoit que ces évaluations succinctes ont lieu lorsqu'il s'agit de faire face à une situation imprévue. La commission des lois vous propose d'utiliser plutôt le terme « imprévisible », afin que la puissance publique intéressée ne puisse pas se prévaloir de son imprévoyance pour utiliser cette procédure d'évaluation succincte.

Pour autant, dans l'hypothèse d'une catastrophe naturelle ou d'un accident grave ayant entraîné la destruction d'un bâtiment public indispensable, il peut être souhaitable, pour aller vite, de procéder à une évaluation succincte.

C'est donc un amendement de compromis.

M. le président. La parole est à M. Michel Houel, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 51.

M. Michel Houel, rapporteur pour avis. Mon amendement étant identique au précédent, je souscris aux arguments présentés par M. le rapporteur.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 4 est présenté par M. Béteille, au nom de la commission des lois.

L'amendement n° 52 est présenté par M. Houel, au nom de la commission des affaires économiques.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après les mots :

rattraper un retard préjudiciable

rédiger ainsi la fin du troisième alinéa (2°) du II du texte proposé par cet article pour l'article 2 de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat :

à l'intérêt général, affectant la réalisation d'équipements collectifs ou l'exercice d'une mission de service public, ou de faire face à une situation imprévisible ;

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 4.

M. Laurent Béteille, rapporteur. Cet amendement a pour objet de préciser et d'améliorer la rédaction du critère de l'urgence justifiant le recours aux contrats de partenariat. Comme dans l'amendement n° 3, nous proposons de faire référence à une situation imprévisible et non imprévue.

L'amendement prévoit aussi que l'urgence pourrait être invoquée en cas de rattrapage d'un retard préjudiciable à l'exercice d'une mission de service public, et non seulement pour la réalisation d'équipements publics.

L'ensemble du dispositif nous paraît offrir ainsi des possibilités suffisantes.

M. le président. La parole est à M. Michel Houel, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 52.

M. Michel Houel, rapporteur pour avis. Cet amendement a été défendu par M. le rapporteur.

M. le président. L'amendement n° 130, présenté par MM. Sueur, Collombat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le 3° du II du texte proposé par cet article pour l'article 2 de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement est très clair. Il s'agit de supprimer un alinéa qui tend à ajouter un critère additionnel à ceux qui ont été fixés par le Conseil constitutionnel et qui, de ce fait, dissout la pertinence de toute la limitation inscrite par le Conseil constitutionnel.

En effet, cet alinéa prévoit la possibilité de faire appel au contrat de partenariat dès lors que « le recours à un tel contrat présente un bilan entre les avantages et les inconvénients plus favorable que ceux d'autres contrats de la commande publique ».

À ce jour, personne n'a justifié cet ajout, mais peut-être entendrons-nous enfin un argument aujourd'hui ?

Dire que l'on peut faire appel au contrat de partenariat dès lors qu'il est plus avantageux est une banalité, car j'imagine mal le fait de recourir à toutes les autres formules de marché public ou de délégation de service public sans jamais prendre en considération ce qui est le plus avantageux. C'est donc une parole de bon sens, qui s'applique à toutes les dispositions. Je n'ai jamais vu une commission d'appel d'offres choisir la solution la moins avantageuse. Ce serait absurde !

Par conséquent, chacun le voit bien, choisir le contrat de partenariat parce qu'il est le plus avantageux ne constitue pas un critère. En paroles claires, cela signifie que vous prenez le contrat de partenariat quand vous estimez qu'il vous arrange. C'est tout !

En induisant de fait la généralisation du système, qui devient un système de droit commun, l'alinéa se trouve en contradiction avec les critères fixés par le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État. Si j'ai tort, je demande qu'on me le démontre. Sinon, je reste dans l'expectative quant au bien-fondé de cet alinéa.

D'ailleurs, l'intention est assez claire, madame la ministre, si je me réfère à deux documents.

D'une part, dans une lettre qu'il lui a adressée le 1er octobre 2007, le Président de la République, constatant que « les conditions restrictives posées aujourd'hui à l'emploi [des contrats de partenariat] en freinent le développement », demande à son Premier ministre « de mettre en place un plan de stimulation du partenariat public-privé ».

Nous n'avons rien contre la stimulation, qui est nécessaire et à laquelle, d'ailleurs, la mission d'appui, dont il a été beaucoup question, contribue fortement.

Selon le Président de la République, ce plan de stimulation « pourrait reposer sur un volet législatif qui desserrerait les contraintes et placerait cette procédure parmi les modalités de droit commun de la commande publique [...] ».

D'autre part, le compte rendu du conseil des ministres du 13 février 2008, compte rendu que, comme à mon habitude, j'ai lu avec attention, m'a quelque peu étonné, madame la ministre. Il y est en effet précisé que ce présent projet de loi vise à « faire du contrat de partenariat un instrument qui trouve sa place dans la commande publique et non plus un simple outil d'exception ». Or, la nuit dernière, vous avez déclaré à cette tribune que le contrat de partenariat garderait son caractère exceptionnel. Je partage votre sentiment, mais vos propos contredisent quelque peu le communiqué du conseil des ministres.

M. le président. Mon cher collègue, veuillez conclure, s'il vous plaît. Selon le règlement, vous ne disposez que de cinq minutes pour présenter un amendement ; or vous parlez depuis onze minutes. J'ai été très tolérant.

M. Jean-Pierre Sueur. J'en conviens, monsieur le président ! Aussi, j'en reste là. Mais, rassurez-vous, je présenterai d'autres amendements ultérieurement. (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Béteille, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Dans le dernier alinéa (3°) du II du texte proposé par cet article pour l'article 2 de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, supprimer les mots :

et des contraintes qui pèsent sur celle-ci

La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Béteille, rapporteur. Cet amendement, par souci de simplification, tend à supprimer, parmi les critères permettant de juger le contrat de partenariat, les contraintes pesant sur les personnes publiques.

En effet, il nous a paru suffisant de dresser ce bilan au regard des trois autres critères : les caractéristiques du projet ; les exigences du service public dont la personne publique est chargée ; enfin, les insuffisances et difficultés observées dans la réalisation de projets comparables.

Ces trois critères rassemblent l'ensemble des raisons qui peuvent conduire à la conclusion d'un contrat de partenariat.

M. le président. L'amendement n° 91, présenté par M. Girod, est ainsi libellé :

Dans le quatrième alinéa (3°) du II du texte proposé par cet article pour l'article 2 de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004, après les mots :

dans la réalisation de projets comparables

insérer les mots :

, soit que le caractère innovant du projet requiert des compétences existant chez le cocontractant

La parole est à M. Paul Girod.

M. Paul Girod. Je suis de ceux qui vouent un culte aux débats parlementaires. Je suis persuadé que les propos que nous échangeons ici, qui sont consignés au Journal officiel, pourront utilement éclairer tant le pouvoir réglementaire lors de la rédaction des décrets d'application que, le cas échéant, les juges qui seront saisis d'une contestation.

Je ne me fais guère illusion sur le sort que connaîtra mon amendement après que M. le rapporteur aura donné l'avis de la commission. Néanmoins, comme je l'ai fait lors de la discussion générale, je rappelle que l'une des raisons pour lesquelles une collectivité, que ce soit l'État ou, plus modestement, une collectivité territoriale, recourt aux partenariats public-privé tient aux compétences des partenaires privés, lesquelles résultent de leur confrontation permanente avec le marché, avec la concurrence et avec la nécessité de l'innovation.

Les administrations de l'État, malgré une autosatisfaction parfois un peu exagérée, les collectivités territoriales, compte tenu de leur taille, ne disposent pas nécessairement de ces compétences. Par conséquent, le partenariat public-privé peut être pour elles l'occasion de s'ouvrir à un type d'activités.

Le présent amendement vise à expliciter, par la discussion qui s'ensuivra, ce qu'on entend par le mot « complexité ». Celui-ci ne doit pas être analysé uniquement au regard du caractère inextricable du projet, mais aussi au regard des capacités intellectuelles, de réflexion, de service et d'innovation dont peut avoir besoin la collectivité qui veut s'engager dans une opération, compte tenu de ses dimensions propres et des lourdeurs - pour ne pas dire plus - inhérentes aux administrations de l'État.

Je pourrais citer plusieurs exemples de cas dans lesquels un partenariat public-privé aurait permis, pour les raisons que je viens d'évoquer, de résoudre depuis bien longtemps un certain nombre de problèmes qui se posent à des administrations de l'État ou para-étatiques. Il arrive que l'absence de recours à un partenariat public-privé conduise à ce que l'opération « plante » parfois pendant plusieurs années sans que rien ne bouge. Aussi pourrait-on envisager que l'apport positif d'un partenariat public-privé soit pris en compte quand les tribunaux ou les rédacteurs des décrets d'application auront à expliciter ou à juger la complexité de telle ou telle opération.