M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Je suis très étonnée de la célérité avec laquelle nous avons traité cette question. En dix minutes, M. Marini a présenté son amendement, le Gouvernement lui a apporté son soutien, sous réserve d’une rectification. Nous allons maintenant passer au vote alors que, pendant près de deux heures, nous avons débattu de l’article 40 et que le Gouvernement a résisté à une pression forte d’une grande partie du Sénat, comme l’a démontré le résultat du scrutin public.

Je note, monsieur Marini, que le texte de l’amendement no 310 rectifié bis ne correspond plus à l’objet qui l’accompagne. À la demande du Gouvernement, vous avez porté la durée d’application des dispositions fiscales dérogatoires de trois à cinq ans et l’évaluation de leur coût ainsi leur portée, que vous exigiez dans l’amendement no 310 rectifié, ne figure plus dans l’amendement no 310 rectifié bis.

M. Philippe Marini. Ce sera prévu dans la loi organique !

Mme Nicole Bricq. Cela étant, il s’agit d’une pratique qui n’est pas nouvelle. Compte tenu de la célérité avec laquelle cet amendement important a été présenté, je présume que sa rédaction a donné lieu à des discussions préalables avec le Gouvernement.

Les niches fiscales, que M. Marini évoque lors de l’examen de chaque projet de loi de finances, font actuellement l’objet d’un débat. Nos collègues députés, opposition et majorité réunies, leur ont consacré un rapport. Des propositions de plafonnement les visant toutes, et pas seulement les trois qui figurent dans le rapport que nous a remis Mme Lagarde, sont en discussion. Le débat vient juste d’être ouvert. Or, en adoptant cet amendement, nous le refermerions !

Le rapporteur général de l’Assemblée nationale, M. Carrez, travaille sur l’encadrement de la dépense fiscale. Il veut, comme pour la norme de dépense budgétaire, fixer une norme de dépense fiscale. Et là, en dix minutes, nous ferions avorter ce débat qui ne fait que commencer ?

Je ne suis pas d’accord, mon groupe n’est pas d’accord pour voter cet amendement, qui nous apparaît comme un piège et qui va refermer le débat sur les niches fiscales. C’est trop facile ! Nous ne l’acceptons pas.

M. Éric Woerth, ministre. Il ne referme rien du tout !

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat.

M. Christian Cointat. La question qui est soulevée est loin d’être anodine. Néanmoins, je me prononcerai non pas sur le fond, mais sur la forme.

Une disposition pareille n’a pas sa place dans la Constitution.

M. Michel Charasse. Bien sûr que non !

M. Christian Cointat. Elle aura des conséquences que nous ne mesurons pas, et je trouve véritablement dangereux de procéder de cette manière. Je suis persuadé que, si cette disposition figure dans la Constitution, tout gouvernement, de gauche, de droite ou d’ailleurs, sera tôt ou tard placé dans une situation d’extrême difficulté.

Il faut être conscient de la portée des dérogations : pour certaines professions, je tiens à le souligner, elles sont essentielles, et la durée joue dans de nombreux cas. Le risque est que soient remis en cause, entre autres choses, des accords professionnels. Ce serait mettre le doigt dans un engrenage que nous ne maîtriserons plus.

Aussi, je vous mets en garde, mes chers collègues : attention ! Arrêtons ! Réfléchissons ! Et, comme nous y invitait tout à l’heure M. Charasse, inscrivons cette mesure dans une loi, mais certainement pas dans la Constitution ! Ce serait nous lier les mains dans une affaire dont nous ne mesurons pas aujourd’hui les dangers.

Voilà pourquoi, cher collègue Marini, si je suis d’accord avec votre approche, je suis désolé de devoir vous dire que je ne peux pas voter votre amendement dans la mesure où il ferait entrer cette disposition dans la Constitution.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je dois avouer, monsieur le président, que je suis de plus en plus inquiet.

Ce n’est pas la teneur de nos débats qui est en cause, car je suis tout à fait d’accord avec la proposition de M. Marini, rectifiée selon le vœu du Gouvernement.

Néanmoins, si la Constitution devient…

M. Michel Charasse. Un arrêté municipal ! (Rires.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non, je n’irai pas jusque-là ! Pour autant, il faut respecter une certaine hiérarchie des normes. Puisqu’il existe une loi organique relative aux lois de finances,…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … pourquoi ne pas y inscrire une disposition telle que celle-là ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Notre Constitution court le risque de devenir un écheveau incompréhensible.

M. Christian Cointat. Tout à fait !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Qu’y figure un principe tel celui que pose l’article 40, oui, bien sûr !

M. René Garrec. C’est clair !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Les principes sont ensuite déclinés dans les lois organiques, la jurisprudence, etc.

Pour ma part, je m’étonne un peu de cet amendement et de ceux qui suivent : certes, la question est intéressante, mais elle n’est pas à sa place quand c’est de la Constitution qu’il s’agit. Nous aurons bien d’autres occasions de discuter de ces sujets puisqu’il nous faudra revisiter bien des lois organiques, en particulier la loi organique relative aux lois de finances. Alors, gardons le débat pour ces moments-là ! (Très bien ! et applaudissements sur quelques travées de l’UMP et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis moins fin juriste que vous, mais je ne suis pas certain que la durée de vie des niches fiscales puisse être fixée dans la loi organique.

M. René Garrec. Les délais ne relèvent jamais de la Constitution !

M. Éric Woerth, ministre. Il me semble au contraire qu’il s’agit d’un principe plus élevé, dont les modalités, assurément, restent à définir, mais qui ne peut pas être inscrit dans la loi organique.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La durée est fixée par la loi !

M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi, pour explication de vote.

M. Nicolas Alfonsi. Mon propos rejoindra ceux qui viennent d’être tenus : malgré l’intérêt et l’amitié que je porte à M. Marini, je ne peux pas voter cet amendement.

Si, demain, des constitutionnalistes allaient s’interroger sur ce qui, à un moment donné, a conduit à introduire cette disposition dans la Constitution, ils pourraient être atterrés ! Il y a toujours des causes à tout, certes, mais on peut imaginer que le Gouvernement dispose de quelques moyens pour s’attaquer aux niches fiscales sans que nous soyons obligés d’emprunter la voie constitutionnelle pour régler ces questions !

La loi fondamentale pose des principes généraux ; elle ne traite pas des dispositions dérogatoires, elle ne traite pas de problèmes de délais de quatre ans, de cinq ans… On a ici l’impression de légiférer dans un domaine qui relève d’une loi de finances !

Je voterai contre cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement est trop beau pour être honnête ! On inscrirait en vitesse dans la Constitution une telle disposition, qui, tout à coup, serait très générale ?

Vous voulez afficher votre volonté de réduire les niches fiscales. Mais ce terme général de « dérogations » touche aussi bien d’autres choses que les niches fiscales ! En revanche, il ne concerne certainement pas l’efficacité des politiques fiscales en général !

Tel qu’il est formulé, l’amendement permettrait de s’en prendre, par exemple, à l’exonération de la redevance télé pour les vieux !

M. Michel Charasse. Aux allocations familiales…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Franchement, non !

Si la Constitution doit servir à prendre au moment opportun des petites mesures d’affichage sur les niches fiscales, autant s’en dispenser tout de suite ! Le Gouvernement a refusé bien d’autres dispositions au motif qu’elles n’étaient pas d’ordre constitutionnel : refusons donc cet amendement et ayons un véritable débat sur l’efficacité des politiques fiscales qui sont mises en œuvre depuis un certain temps !

M. le président. La parole est à M. Philippe Marini.

M. Philippe Marini. J’ai l’impression que les choses ne sont pas mûres et que nous aimons notre clientélisme. (Protestations.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce n’est pas du tout ça !

M. Philippe Marini. Nous sommes tous des conservateurs ! Nous adorons les dégrèvements ! Nous adorons les cas particuliers ! Nous adorons les dérogations !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. D’ailleurs, le rapporteur général n’en a jamais proposé, bien entendu !

M. Philippe Marini. Et tant pis si cela peut creuser des trous dans les assiettes fiscales ! Cela n’a aucune importance ! (Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Continuons de faire des cadeaux, sans limites, sans ordre, sans méthode, et refusons un minimum de discipline et de méthode !

Mme Josiane Mathon-Poinat. C’est l’arroseur arrosé !

M. Philippe Marini. C’est Alain Lambert qui a, fort opportunément, rédigé cet amendement.

M. Philippe Marini. Je me suis associé à son initiative parce que j’estime qu’elle est utile et vertueuse.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce n’est plus le même amendement !

M. Philippe Marini. Vous pouvez rire, mes chers collègues ! Vous pouvez trouver drôle que, de temps en temps, une initiative parlementaire « passe ».

Mme Nicole Bricq. Celle-ci arrange bien le Gouvernement !

M. Philippe Marini. Peut-être est-ce risible !

Mme Josiane Mathon-Poinat. C’est grotesque !

M. Philippe Marini. Mais ne venez pas, dans des débats ultérieurs, vous targuer d’avoir des finances publiques une vision responsable ! (Nouvelles protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

On se bornait ici à prévoir une règle de péremption en cinq ans – et cinq ans, c’est long ! – de tous les régimes dérogatoires, une règle obligeant à les réexaminer : c’est bien un principe général, et c’est un principe d’égalité devant l’impôt !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. On n’a pas besoin de nouveaux textes pour le faire !

M. Philippe Marini. Je pense qu’Alain Lambert avait profondément raison de prendre cette initiative. Mais, naturellement, le jeu conjugué de tous les conservatismes, de tous les clientélismes, de toutes les provinces, de toutes les professions, est tel que l’on ne peut même pas faire voter un tel amendement !

Il est donc retiré ! (M. Laurent Béteille applaudit. – Rires sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. L’amendement no 310 rectifié bis est retiré.

Articles additionnels après l’article 14 (priorité)
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République
Article 11 (priorité) (interruption de la discussion)

Article 11 (priorité)

L’article 34 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est supprimé ;

2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Sauf motif déterminant d’intérêt général, la loi ne dispose que pour l’avenir. » ;

3° Dans le cinquième alinéa, après les mots : « l’amnistie ; », sont insérés les mots : « la répartition des contentieux entre les ordres juridictionnels, sous réserve de l’article 66 ; »

4° Après le onzième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales. » ;

5° L’avant-dernier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Des lois de programmation déterminent les objectifs de l’action de l’État.

« Des lois de programmation définissent les orientations pluriannuelles des finances publiques. Elles s’inscrivent dans l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement no 302 rectifié, présenté par MM. Arthuis, Marini, Badré, de Montesquiou, Gaillard et Bourdin, Mme Keller et MM. Charasse, Dallier, Dassault, Doligé, Ferrand, Fréville, Girod, C. Gaudin, Gouteyron, Jégou, Longuet et Guené, est ainsi libellé :

Après le 4° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Avant l’antépénultième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions relatives aux recettes des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale font l’objet d’un projet de loi de finances publiques. Une loi organique précise l’allocation de ces ressources. » ;

La parole est à M. Jean Arthuis.

M. Jean Arthuis. Cet amendement a pour objet d’éclairer le Parlement en allant jusqu’au bout d’une recommandation qui a été souvent formulée, notamment par nos collègues Didier Migaud, président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, et Alain Lambert.

Convenons qu’il devient difficile d’appréhender les prélèvements obligatoires dans leur globalité. Aussi notre initiative vise-t-elle à les regrouper tous dans un texte unique, qu’il s’agisse des ressources contribuant à financer le budget de l’État, des ressources affectées à la sécurité sociale ou de celles qui seront dirigées pour partie vers les Communautés européennes et pour partie vers les collectivités territoriales.

Il est bien évident que les ressources de la protection sociale sont de plus en plus fiscales et proviennent de moins en moins de cotisations assises sur les salaires ou sur les revenus professionnels : aujourd’hui, c’est pratiquement le tiers du budget du régime général de la sécurité sociale qui est issu de ressources fiscales, et je prédis qu’à échéance rapprochée il faudra aller bien au-delà et fiscaliser une partie plus significative encore des ressources sociales si nous voulons que le travail et les entreprises retrouvent leur compétitivité.

Telle et donc l’inspiration de cet amendement. Je ne suis pas sûr que, techniquement, il soit totalement achevé, et je ne voudrais pas, à cette heure tardive, prendre le risque de susciter un large débat. Néanmoins, je serais heureux d’entendre l’avis du rapporteur de la commission des lois et du Gouvernement sur cette proposition.

M. le président. L’amendement no 312 rectifié, présenté par MM. Lambert et Charasse, est ainsi libellé :

Avant le 5° de cet article, insérer les cinq alinéas suivants :

…° Les dix-neuvième et vingtième alinéas de l’article 34 de la Constitution sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique, les lois de finances :

« – déterminent les ressources et les charges de l’État ;

« – déterminent les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent le plafond global de ses dépenses.

« Les lois de financement de la sécurité sociale, compte tenu des conditions générales de l’équilibre financier déterminé par les lois de finances, fixent ses objectifs de dépenses dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. »

La parole est à M. Michel Charasse.

M. Michel Charasse. Alain Lambert ne pouvant être avec nous ce soir, il m’a demandé de cosigner cet amendement. Cela m’a d’autant moins gêné qu’il reprend en réalité les termes d’un amendement déposé à l’Assemblée nationale par Didier Migaud.

Mme Nicole Bricq. Pas tout à fait !

M. Michel Charasse. Sinon la lettre, du moins l’inspiration, à trois mots près.

La rédaction que propose le projet de loi pour l’article 34 de la Constitution ne tient pas totalement compte de la création, à côté des lois de finances, des lois de financement particulières pour la sécurité sociale.

Alain Lambert, après Didier Migaud – tous deux sont les pères de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances –, propose simplement de préciser dans l’article 34 que, sous réserve bien sûr d’une loi organique, les lois de finances déterminent non seulement « les ressources et les charges de l’État », mais aussi « les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent le plafond global de ses dépenses ». Ainsi, une loi de financement unique comporterait l’ensemble des ressources et des charges concernant à la fois les dépenses de l’État et les dépenses des régimes sociaux.

Je ne serai pas plus long, à cette heure tardive, monsieur le président. Je tiens cependant à souligner que l’adoption de cet amendement clarifierait grandement la rédaction proposée pour l’article 34 et que, avec les dispositions que comporte déjà celui-ci concernant les lois de financement de la sécurité sociale, il formerait un ensemble complet prenant en compte les problèmes d’objectifs de dépense, auxquels échappent les lois de finances proprement dites.

M. le président. L'amendement n° 451, présenté par M. Frimat, Mme Bricq, MM. Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Massion, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant le 5° de cet article, insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

...° - Les dix-neuvième et vingtième alinéas de l'article 34 de la Constitution sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique, les lois de finances :

« - déterminent les ressources et les charges de l'État ;

« - déterminent les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent les objectifs de dépenses.

« Les lois de financement de la sécurité sociale, compte tenu des conditions générales de l'équilibre financier déterminé par les lois de finances, fixent ses objectifs de dépenses dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. »

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Notre amendement part du constat selon lequel le fractionnement de l’examen du projet de loi de finances, d’un côté, et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, de l’autre, constitue un empêchement à l’exercice du contrôle du Parlement.

M. Michel Charasse. Il est identique à l’amendement n° 312 rectifié !

Mme Nicole Bricq. Non, ce n’est pas tout à fait le même amendement.

Ce fractionnement permet au Gouvernement, quel qu’il soit, de faire montre d’une inventivité qui nuit à la lisibilité de son action.

En effet, on l’a observé régulièrement, à la faveur des changements de périmètre, des substitutions de recettes fiscales affectées à des cotisations sociales, des créations de niches sociales non compensées, le Gouvernement peut jouer dans son jardin !

Nous proposons donc que les prélèvements soient examinés conjointement et votés au même moment. Si notre amendement modifie l’organisation de l’examen de ces deux projets de loi, il ne touche pas aux compétences respectives du Gouvernement et du Parlement.

De la même manière, la compétence de la commission des affaires sociales reste entière. Il faut sortir du débat habituel entre la commission des finances et la commission des affaires sociales, car il stérilise notre fonction commune qui est de faire la loi et de contrôler son exécution par le Gouvernement.

Reste la question de la dépense – c’est en cela que notre amendement est légèrement différent de ceux qui viennent d’être présentés, y compris celui qui a été défendu par Michel Charasse, mais il s’agit d’une différence de nature politique – et de son adéquation avec les recettes. Nous faisons, nous, mention d’« objectifs de dépenses » et non, comme Alain Lambert et Michel Charasse, d’« un plafond global » de dépenses. Je veux m’en expliquer.

On peut considérer que les dépenses d’assurance maladie représentent une pure consommation médicale. Dès lors, il n’y a pas de raison de les reporter sur les générations futures. Pour autant, interdire le déficit de l’assurance maladie revient à bloquer les dépenses, et il est très difficile de définir le niveau optimal des dépenses de santé. Du reste, aucun pays n’a réussi à les freiner.

C’est pourquoi, tant que la question n’a pas été posée clairement aux Français, nous préférons considérer que l’augmentation des dépenses de santé relève d’un choix collectif de leur part.

C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité faire mention d’objectifs de dépenses, sans vouloir à toute force contraindre la dépense.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La fusion des premières parties de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale peut, a priori, apparaître comme un élément de clarification en matière de prélèvements obligatoires.

Toutefois, cette globalisation se heurterait à la différence de logique entre les finances de l’État et les finances sociales : logique de non-affectation des recettes pour le projet de loi de finances ; logique d’affectation pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale, cette affectation permettant, par exemple, de mesurer les équilibres entre les cotisations et les retraites versées pour la branche vieillesse.

S’agissant d’une question très importante pour nos finances publiques, la commission n’a pas donné d’avis sur ces amendements et souhaite connaître l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale sont, dans leur format actuel, des textes relativement récents puisqu’ils résultent des lois organiques de 2001 et de 2005.

Je partage votre opinion : il faut essayer de coordonner tous ces dispositifs qui « miroitent » les uns par rapport aux autres. Il me semble néanmoins important de conserver des textes séparés pour un certain nombre de raisons.

Ces textes sont aujourd'hui élaborés en pleine cohérence. Ils sont d’abord défendus par le même ministre. Les équipes travaillent en coordination, ce qui n’était pas nécessairement le cas auparavant. Les deux projets sont bâtis sur des hypothèses macroéconomiques identiques. Le débat d’orientation budgétaire porte à la fois sur le projet de loi de finances et sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

En ce qui concerne les dépenses, la cohérence des dispositions est assurée par des annexes. Je pense tout particulièrement aux mécanismes de compensation des exonérations de charges sociales.

Je souhaite insister sur un point qui me semble assez important en faveur du maintien de deux textes plutôt que de fusionner au moins une partie d’entre eux : ils appellent une approche sensiblement différente.

Par ailleurs, la loi de financement de la sécurité sociale est obligatoirement soumise à l’avis des conseils d’administration des caisses de sécurité sociale, comme tous les textes les concernant : l’amputer de la partie « recettes » peut remettre en cause la portée de cette saisine et le vote qui s’ensuit.

Le cadrage annuel des finances publiques est bien réalisé d’une manière globale. Nous débattrons prochainement sur l’institution d’un projet de loi pluriannuelle des finances publiques, qui assurera la cohérence entre le budget de l’État et les budgets sociaux.

Beaucoup d’éléments qui n’existaient pas auparavant relient maintenant les deux textes tout en conservant la nature et la spécificité de chacun d’entre eux.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement n’est pas favorable aux amendements qui viennent d’être présentés.

M. Alain Vasselle. Très bien, c’est sage !

M. le président. Monsieur Arthuis, l'amendement n° 302 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean Arthuis. Monsieur le ministre, c’est vous qui nous avez encouragés à prendre cette initiative puisque vous êtes le ministre « des comptes publics ». Nous avons pensé que, dans ces conditions, il était cohérent de suggérer qu’il y ait une loi relative aux finances publiques, c'est-à-dire aux comptes publics.

Je comprends que les dispositions pratiques ne sont pas encore tout à fait au point.

Pourriez-vous prendre un engagement, ou à tout le moins donner votre opinion sur l’idée d’une loi pluriannuelle des finances publiques qui procéderait à cette consolidation ?

Si nous adoptons la réforme constitutionnelle, il sera question de loi pluriannuelle de programmation des finances publiques.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout à fait !

M. Jean Arthuis. Dans ce cadre, nous pourrions imaginer une présentation consolidée des comptes de la sécurité sociale et des comptes de l’État. En tout cas, s’agissant des recettes, l’exercice me paraît à portée de main.

Dans ces conditions, je retire cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 302 rectifié est retiré.

La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. M. Arthuis, j’abonde dans votre sens.

Bien évidemment, si vous votez – le débat reste à tenir – l’idée d’une loi de programmation des finances publiques, s’inscrivant d’ailleurs dans la trajectoire des finances publiques telles que nous en transmettons à certains moments les données à nos partenaires européens et dont nous débattons avec eux, l’ensemble des finances publiques – dépenses sociales et dépenses de l’État – s’en trouveront consolidées.

M. le président. Monsieur Charasse, l'amendement n° 312 rectifié est-il maintenu ?

M. Michel Charasse. C’est par amitié que j’ai accepté de cosigner cet amendement avec M. Lambert, même si je ne suis pas en désaccord, et il ne m’a pas particulièrement autorisé à le retirer.

Cependant, compte tenu de ce qu’a dit le ministre et de l’existence d’un amendement très voisin, qui est celui du groupe socialiste, je n’insisterai pas.

Je signale amicalement à M. le ministre qu’il a la chance, en tant que ministre chargé de l’ensemble des comptes publics – c’est une conquête importante à l’intérieur du Gouvernement, mais elle est provisoire, car elle dépend de la composition du Gouvernement et du décret de nomination des ministres –, d’avoir, institutionnellement parlant, une vision globale de l’ensemble des sujets concernés par ces deux amendements – ainsi que par l’amendement défendu par M. Arthuis tout à l’heure –, qui découlent de ce que j’appellerai, dans un souci de simplification, « le Migaud ».

Si le ministre dispose d’une vision globale des comptes, ce n’est pas le cas des parlementaires puisque, institutionnellement, nous devons nous en tenir à un système de lois organiques séparées, au moins en ce qui concerne le montant global des recettes et le plafond global des dépenses ou les objectifs de dépenses – appelez-les comme vous voudrez !

Par conséquent, nous sommes, au Parlement, dans une situation défavorable. Ce n’est pas une question d’orgueil ni une volonté de faire comme le ministre, mais il me semble que le dialogue entre le Gouvernement et le Parlement sur ce sujet, au moment où la France est tenue de consentir des efforts particulièrement importants pour la gestion de ses finances publiques, au sens le plus large du terme, doit se faire dans la cohérence, et le Gouvernement y a également intérêt.

Cela étant, je retire mon amendement puisque Alain Lambert a au moins la satisfaction que nous en ayons discuté.

Le débat suivra son cours avec l’amendement de mes collègues du groupe socialiste.