Article 14
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République
Article 16

Article 15

Dans le premier alinéa de l'article 41 de la Constitution, après les mots : « le Gouvernement », sont insérés les mots : « ou le président de l'assemblée saisie ».

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 113 est présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.

L'amendement n° 468 est présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 113.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Aux termes de l'article 15, les présidents des assemblées pourraient invoquer l'article 41 de la Constitution et soulever l'irrecevabilité lorsqu'une proposition de loi ou un amendement ne relève pas du domaine de la loi.

Or il nous semble qu’il appartient au Gouvernement de défendre ses prérogatives et que cette tâche n’incombe certainement pas aux présidents des assemblées. Cette disposition est donc, selon nous, inutile.

J'ajouterai que, s'agissant des conditions d’application de cette disposition, nous savons très bien qu’il existe un grand flou entre les articles 34 et 37 de la Constitution. Il n’y a qu’un domaine qui soit purement réglementaire, c’est la procédure civile.

Voilà très longtemps – c’était beaucoup plus fréquent au début de la Ve République, me semble-t-il – que l’article 41 de la Constitution n’a pas été mis en œuvre par le Gouvernement pour déclarer qu’une disposition était de nature règlementaire.

M. Michel Charasse. C’est exact !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. En outre, son application déclenche une procédure très complexe, avec consultation du Conseil constitutionnel.

Laissons donc au Gouvernement le soin d’utiliser cette prérogative, s’il le souhaite. Il n’appartient certainement pas aux présidents des assemblées de défendre le domaine de la loi par rapport à celui du règlement. Au reste, il est parfois utile d’outrepasser les dispositions strictes des articles 34 et 37, comme nous le faisons fréquemment.

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l'amendement n° 468.

M. Bernard Frimat. Mes chers collègues de la majorité, au sein du groupe socialiste, nous n’avons aucun état d’âme à nous accorder avec vous sur certains sujets ne participant pas à proprement parler de la réforme des institutions et nous apparaissant secondaires.

Toutefois, nous en arrivons là aux prémices du débat sur le droit d’amendement. Les dispositions présentées vont clairement à l’encontre de la définition de nouveaux pouvoirs pour le Parlement.

Pour en revenir à l’article 40 de la Constitution, il s’en est fallu de quinze voix – les absents étant venus au secours des présents ! – pour que celui-ci soit supprimé l’autre jour. Je rappellerai que l’article 40 place en quelque sorte une disqualification financière dans les mains du Gouvernement.

Comme si cela ne suffisait pas, l’article 15 vise à introduire une autre disqualification, aujourd’hui à la disposition du seul Gouvernement, qui peut déclarer un amendement ou une proposition irrecevable au motif que le dispositif relève du domaine règlementaire et non pas de celui de la loi.

Très honnêtement, on serait souvent tenté de penser que le Gouvernement devrait s’appliquer ce principe à lui-même, afin d’éviter d’encombrer les projets de loi de mesures réglementaires, respectant ainsi un peu mieux les dispositions de l’article 34 de la Constitution !

Quoi qu’il en soit, le Gouvernement a aujourd’hui ce pouvoir. Or ce qui nous est proposé à l’occasion de cette révision constitutionnelle consiste à l’accorder également aux présidents des deux assemblées. Je suppose d’ailleurs que ce pouvoir sera exercé par délégation par le président de la commission compétente ou par un membre du bureau qui, assistant à nos séances, se lèverait de temps en temps pour invoquer l’article 41, à l’instar de nos collègues de la commission des finances s’agissant de l’article 40. De cette façon, nous pourrions faire des paris sur le nombre de fois où l’article 40 et l’article 41 seront invoqués au cours du débat !

Je pense que cela va résolument à l’encontre de la modernisation du Parlement, que le Gouvernement ne souhaite pas, et de la dévolution de droits nouveaux à son profit, à laquelle il ne procède que de façon illusoire.

Pour notre part, nous sommes hostiles à tout enfermement du droit d’amendement, et donc à ce pouvoir d’opposition réglementaire qu’il est prévu de donner aux présidents des deux assemblées. Il s’avère que nous sommes d’accord sur ce point avec la commission des lois ; nous supportons ce voisinage sur ce sujet précis ! (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° 201, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

L'article 41 de la Constitution est abrogé.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Certes, je sais que cet amendement deviendra sans objet si celui de la commission est adopté, même s’il est plus éloigné que ce dernier du texte de l’article 15, en ce qu’il vise à supprimer purement et simplement l’article 41 de la Constitution.

En effet, cet article consacre, avec l’article 40, l’article 44-3 ou encore l’article 49-3, la prééminence de l’exécutif sur le législatif et constitue une remise en cause tout à fait frontale de ce qui représente pourtant le socle de la démocratie parlementaire, à savoir le droit d’amendement.

Cette possibilité d’invoquer l’irrecevabilité d’un amendement octroyée au Gouvernement est totalement arbitraire. L’histoire récente démontre d’ailleurs qu’il y a été recouru par simple opportunité.

Nous rejetons d’autant plus cet article 41 qu’il se fonde sur un déséquilibre instauré par la Constitution de 1958 au profit du domaine règlementaire et au détriment du domaine législatif.

Ainsi, l’irrecevabilité au titre de l’article 41 de la Constitution est invoquée au nom d’un empiètement du pouvoir législatif sur le domaine réglementaire. Avouez que c’est tout de même un comble !

Il s’agit là, en quelque sorte, d’une double peine infligée au Parlement en matière constitutionnelle. Il est, dans un premier temps, écarté du domaine qui devrait relever de sa compétence, et, ensuite, sanctionné s’il ose revendiquer un droit d’action dans ce même domaine. C’est tout à fait paradoxal !

Par conséquent, étant donné que vous êtes en faveur de la revalorisation du rôle du Parlement, je vous propose, mes chers collègues, de supprimer l’article 41 de la Constitution.

M. le président. L'amendement n° 373, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le second alinéa du même article est ainsi rédigé :

« En cas de désaccord sur la décision opposant la recevabilité, le Gouvernement, le président de l'assemblée intéressée ainsi que soixante parlementaires de cette même assemblée, peuvent saisir le Conseil constitutionnel, qui statue dans un délai de huit jours. »

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement va dans le même sens que celui qu’a défendu M. Bernard Frimat, avec cette nuance que nous essayons, pour notre part, de faire une proposition.

Si l’on considère l’article 15 du projet de loi constitutionnelle, il apparaît que la philosophie de ce dernier, si elle est tout à fait louable, est néanmoins assez illusoire, dans la mesure où le dispositif n’est au service que du Gouvernement et du président de l’assemblée saisie, autrement dit de la majorité.

Ce n’est pas ainsi que l’on pourra lutter efficacement contre les empiétements du domaine législatif sur le domaine réglementaire !

En effet, à quoi bon prévoir une procédure permettant d’opposer une irrecevabilité si l’on sait d’avance que, pour des raisons de connivence entre le Gouvernement et la majorité, cette procédure ne pourra jamais être utilisée ?

Au travers de l’amendement n° 373, je vous propose, mes chers collègues, d’étendre la possibilité de recourir à la procédure d’irrecevabilité à un groupe de soixante sénateurs ou de soixante députés, afin de véritablement contribuer à un meilleur respect du partage entre le domaine législatif et le domaine réglementaire.

En fait, la procédure qui nous est présentée à l’article 15 pourrait devenir une arme « prédissuasive » contre certains amendements relevant du domaine réglementaire, qu’ils aient été déposés par l’opposition ou par la majorité, voire par le Gouvernement.

C’est la raison pour laquelle, si l’on souhaite effectivement, par ce projet de loi, revaloriser les pouvoirs du Parlement, il me semble qu’il convient non pas de renforcer les seuls pouvoirs du président de l’Assemblée nationale ou du Sénat, mais d’ouvrir de nouvelles possibilités à l’opposition.

Le droit nouveau que nous proposons d’instituer ne concernera pas que l’opposition, puisque la procédure vaudra pour l’ensemble des membres du Parlement.

Cet exemple illustre parfaitement la manière de donner des droits aux parlementaires sans qu’il s’agisse de droits spécifiques à l’opposition.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Étant donné que la commission souhaite conserver l’article 41 de la Constitution, elle est évidemment défavorable à l’amendement n° 201.

Par ailleurs, je vous rappellerai, madame Boumediene-Thiery, que la commission propose la suppression de l’article 15. Or cette suppression est, me semble-t-il, de nature à rassurer les auteurs de l’amendement n° 373 quant à l’utilisation de l’article 41. Je vous demande donc, ma chère collègue, de bien vouloir retirer cet amendement, faute de quoi la commission émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Il est vrai que l’article 15, qui met en application une des recommandations du comité présidé M. Édouard Balladur, donne lieu à un vrai débat.

L’irrecevabilité au titre de l’article 41, en cas d’empiètement de la loi sur le domaine du règlement, est rarement mise en œuvre, ainsi que l’a d’ailleurs dit tout à l’heure M. le rapporteur.

Toutefois, elle peut, dans certaines circonstances, se révéler très utile, comme ce fut le cas en 2005, où elle a permis de faire obstacle au dépôt de 15 000 amendements sur le projet de loi relatif à la régulation des activités postales. En effet, ces amendements étaient manifestement d’ordre réglementaire et, dès lors, leur dépôt constituait un abus flagrant du droit d’amendement.

La faculté donnée au président de chaque assemblée d’opposer cette irrecevabilité faciliterait son utilisation. Elle rétablirait également l’égalité des armes, puisque les présidents des deux assemblées pourraient l’utiliser à l’encontre du Gouvernement, alors que, à l’heure actuelle, elle ne joue quasiment jamais à son égard.

Toutefois, monsieur le rapporteur, vous estimez qu’il appartient au Gouvernement et à lui seul de faire usage de cette possibilité, étant donné qu’il est chargé de réguler les empiètements de la loi sur le champ réglementaire. Votre position peut se comprendre, même si la possibilité qui est donnée par l’article 15 du projet de loi n’est qu’une faculté mise à la disposition des présidents des assemblées, et ne constitue en aucun cas une obligation.

Il ne s’agit nullement, pour le Gouvernement, d’organiser un contrôle systématique de la recevabilité, à l’instar de ce qui existe pour l’article 40.

Pour autant, compte tenu de ces éléments, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur les amendements nos 113 et 468.

M. Bernard Frimat. Nous allons sans doute retirer l’amendement n° 468 !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Chaque fois que l’on fait un pas dans sa direction, M. Frimat retire son amendement pour pouvoir ensuite affirmer qu’on ne lui a rien concédé ! Franchement, monsieur Frimat, nous faisons des efforts désespérés pour aller vers vous, ne nous fermez pas la porte ! (Sourires.)

Cela étant dit, notre vision rejoint naturellement celle de M. le rapporteur, et le Gouvernement est donc défavorable, j’en suis désolé pour Mme Borvo Cohen-Seat, à l’amendement n° 201, ainsi qu’à l’amendement n° 373.

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 113 et 468.

M. Michel Charasse. Je voudrais faire deux observations.

Tout d’abord, alors que j’étais jeune secrétaire du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, j’avais interrogé M. Michel Debré sur l’article 41 de la Constitution, et il m’avait écrit un petit mot, que j’ai gardé dans mes archives, selon lequel « l’empiètement sur le domaine réglementaire est toujours possible si le Gouvernement renonce à défendre son domaine ». Étant donné que c’est Michel Debré qui avait rédigé l’article 41, j’ai pensé qu’il n’y avait pas de meilleure source que l’auteur lui-même !

J’ajoute que le Conseil constitutionnel déclasse maintenant automatiquement certaines dispositions, sans attendre d’être saisi par le Premier ministre.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Absolument !

M. Michel Charasse. C’est d’ailleurs ce qu’il a fait dans le projet de loi « Fillon » d’orientation pour l’avenir de l’école, en énumérant toute une série d’articles qui relevaient du domaine réglementaire. Il n’a pas annulé ces articles en les déclarant non conformes, mais le Gouvernement n’a plus besoin de saisir le Conseil constitutionnel pour lui demander de déclasser une disposition, puisque celui-ci l’a dit par anticipation.

Ma seconde observation fait suite à l’intervention de M. Karoutchi selon laquelle l’article 41 s’appliquerait au Gouvernement.

Personnellement, je n’en suis pas sûr, car, pour le moment, la jurisprudence n’a pas tranché ce point. Lorsque le président Alain Poher a saisi le Conseil constitutionnel, en 1973 si ma mémoire est bonne, sur la question du principe d’égalité devant l’impôt et qu’il a fait annuler une disposition de la loi de finances en se fondant sur la violation des articles 40 de la Constitution et 42 de la loi organique, le Conseil constitutionnel a annulé la partie de l’article qui était issue du Parlement, mais pas la partie de l’article qui était issue du Gouvernement. Certes, il se trouve que l’ensemble de l’article devenait de ce fait caduc, ce qui revenait au même, mais il n’a pas expressément indiqué que cela s’appliquait au Gouvernement.

Par conséquent, ce que vient de nous dire M. Karoutchi est très important. En effet, si l’on considère que l’on se trouve maintenant dans la situation qu’il a décrite, cela signifie que, à part l’article 40, qui n’est applicable qu’aux initiatives parlementaires, tout le reste, y compris les dispositions de la loi organique sur les lois de finances et sans doute de la loi de financement de la sécurité sociale, pourrait être opposé à la fois aux membres du Parlement et au Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Fourcade. C’est avec beaucoup d’intérêt que j’ai pris note de la position nuancée de M. le secrétaire d’État sur ces deux amendements, pour lesquels il s’en est remis à la sagesse du Sénat.

En ce qui me concerne, pour avoir bien étudié le rapport du comité Balladur et pour avoir vu ce qui s’est passé à l’Assemblée nationale, il m’apparaît tout de même que la modification introduite par cette dernière à l’article 41 de la Constitution est importante.

Ayant présidé pendant quinze ans la commission des affaires sociales du Sénat, j’ai souvent vu arriver des amendements du Gouvernement à la fin d’une discussion ou en deuxième lecture, qui, manifestement, relevaient du domaine réglementaire et auxquels il était impossible de s’opposer.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il fallait les rejeter !

M. Jean-Pierre Fourcade. Pour ma part, il me semble que cet ajout apporté par l’Assemblée nationale en fonction des recommandations du comité Balladur renforce les pouvoirs des présidents des deux assemblées.

C’est la raison pour laquelle, à mon grand regret, je ne pourrai voter l’amendement n° 113 de la commission, ni l’amendement identique n° 468, présenté par M. Frimat.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je rappelle que la procédure est extrêmement lourde s’il y a désaccord entre le Gouvernement et le président de l’assemblée concernée. Le texte est alors renvoyé devant le Conseil constitutionnel. Cela n’est arrivé qu’une seule fois.

Quant aux articles 34 et 37 de la Constitution, ils ne s’appliquent plus depuis très longtemps. Tant pis !

Cela étant, toutes les préconisations du comité Balladur n’étaient pas forcément parfaites ! Ainsi, il est des propositions qui n’ont pas été reprises par le Gouvernement, et l’on peut estimer que certaines idées présentées par ce comité ne sont pas bonnes, même si elles sont a priori séduisantes.

M. Michel Charasse. Il faut dire que ce comité n’était pas écrasé par le nombre des praticiens !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 113 et 468.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l’article 15 est supprimé, et les amendements nos 201 et 373 n’ont plus d’objet.

Article 15
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République
Article 17

Article 16

L'article 42 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 42. - La discussion des projets et des propositions de loi porte, en séance, sur le texte adopté par la commission saisie en application de l'article 43 ou, à défaut, sur le texte dont l'assemblée a été saisie.

« Toutefois, la discussion en séance des projets de révision constitutionnelle, des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale porte, en première lecture devant la première assemblée saisie, sur le texte présenté par le Gouvernement et, pour les autres lectures, sur le texte transmis par l'autre assemblée.

« La discussion en séance, en première lecture, d'un projet ou d'une proposition de loi ne peut intervenir, devant la première assemblée saisie, qu'à l'expiration d'un délai de six semaines après son dépôt. Elle ne peut intervenir, devant la seconde assemblée saisie, qu'à l'expiration d'un délai de trois semaines à compter de sa transmission.

« Les dispositions de l'alinéa précédent ne s'appliquent pas si la procédure accélérée a été déclarée dans les conditions prévues à l'article 45. Elles ne s'appliquent pas non plus aux projets de loi de finances, aux projets de loi de financement de la sécurité sociale et aux projets relatifs aux états de crise. »

M. le président. Je suis saisi de quatorze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 202, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. L’article 16 nous est présenté comme un article phare dans le processus de revalorisation du rôle du Parlement. Or son adoption nous ferait revenir, selon moi, à une procédure similaire à celle qui se pratiquait sous les IIIe et IVe Républiques, à la différence près que, à l’époque, le Gouvernement ne disposait pas du droit d’amendement, ce qui est pour le moins paradoxal si l’on songe aux cris d’orfraie poussés par la majorité dès que nous évoquons la IVe République !

À première vue, M. Hyest décrit, dans son rapport, les avantages que les parlementaires tireraient d’une telle modification de la procédure parlementaire.

Il est vrai qu’aujourd’hui nous sommes fréquemment amenés à examiner, avant de les adopter, de nombreux amendements rédactionnels tendant à corriger des projets de loi parfois mal rédigés.

Je ferai remarquer que ce n’est pas l’examen de ces amendements rédactionnels qui nous prend le plus de temps en séance publique, le rapporteur se contentant souvent de les défendre d’un simple : « Amendement rédactionnel ! » et le Gouvernement répondant presque systématiquement : « Avis favorable ». Cet argument n’est donc pas déterminant, et je ne m’y attarderai pas.

En revanche, le deuxième argument développé tant par le Gouvernement que par le rapporteur nous interpelle davantage : la discussion du texte de la commission en séance publique permettrait de mieux valoriser le travail des commissions et de concentrer le débat sur les options de fond.

Nous ne pouvons partager un tel enthousiasme, car cette primauté donnée aux travaux des commissions remet en cause un des rares acquis démocratiques du débat parlementaire.

D’ailleurs, il ne faudrait pas dissocier l’article 16 de l’article 15, qui renforce les conditions d’irrecevabilité des amendements,…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il vient d’être supprimé !

Mme Éliane Assassi. … ni de l’article 18, qui limite considérablement le droit d’amendement des parlementaires. Ces articles forment un ensemble qui vise à une seule chose : réduire la longueur des débats en séance publique.

Pourtant, et les discussions qui nous occupent depuis la semaine dernière le montrent bien, la séance publique est primordiale, car elle est le lieu où peuvent se tenir de véritables débats démocratiques et transparents, dans lesquels tous les groupes peuvent défendre leurs propositions, quelle que soit la commission dont leurs sénateurs sont membres.

Renforcer le travail législatif en commission revient, d’une part, à priver d’une partie du débat les sénateurs n’appartenant pas à la commission saisie au fond, et, d’autre part, à faire reculer le pluralisme, car seuls les groupes importants disposent des moyens d’assurer une présence forte et régulière au sein de la commission. C’est donc un renforcement du fait majoritaire dans le débat parlementaire.

Par ailleurs, les réunions de commission ne sont pas publiques, contrairement à la séance, dont les débats sont ouverts à nos concitoyens. C’est donc l’opacité qui nous est proposée comme mode de débat parlementaire, et c’est la porte ouverte aux lobbies en tous genres.

C’est pourquoi nous refusons le simulacre de débat parlementaire que vise à instaurer l’article 16.

M. le président. L'amendement n° 203, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

L'article 42 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La discussion en séance, en première lecture d'un projet ou d'une proposition de loi ne peut intervenir devant la première assemblée qu'à l'expiration d'un délai de deux mois après son dépôt. Elle ne peut intervenir devant la seconde assemblée saisie qu'à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de sa transmission. »

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous considérons que l’article 16 du projet de loi amoindrit les pouvoirs du Parlement.

Nous maintenons notre opposition à la nouvelle procédure d’examen des textes telle qu’elle est prévue. Le présent amendement vise donc à récrire l’article 16 du projet de loi en l’expurgeant de cette restriction.

Par ailleurs, nous proposons de compléter l’article 42 de la Constitution afin de fixer des délais entre le dépôt et la discussion d’un projet ou d’une proposition de loi plus longs que ceux qui sont prévus dans le projet de loi.

Aujourd’hui, les délais entre le dépôt d’un projet de loi sur le bureau d’une des deux assemblées et son examen en commission, puis en séance publique, sont aberrants et démontrent à quel point le Gouvernement méprisait le travail parlementaire.

Prenons un exemple récent, celui du projet de loi relatif aux droits et devoirs des demandeurs d’emploi, qui sera examiné cette semaine par notre assemblée. Le Gouvernement l’a déposé sur le bureau du Sénat le 11 juin, le rapport a été examiné le 18 juin par la commission des affaires sociales, et nous devrions en débattre en séance publique le 24 ou le 25 juin, quand nous aurons terminé nos débats sur la modernisation des institutions.

Bien souvent, la commission n’attend pas de disposer du texte définitif du projet de loi pour commencer ses auditions, qu’il lui serait sinon matériellement impossible d’organiser avant l’examen du rapport, comme cela s’est produit, je le rappelle, pour le projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique.

Bien évidemment, c’est la qualité du travail des parlementaires qui pâtit de cette situation. Malheureusement, nos protestations sont toujours restées vaines. Ce n’est pourtant pas faute de les avoir exprimées, aussi bien en séance publique qu’en commission !

Si nous reconnaissons la légère avancée que marque le projet de loi sur ce point, nous considérons néanmoins que les dispositions du troisième alinéa du nouvel article 42 ne sont pas assez rigoureuses.

Le projet de loi initial prévoyait qu’en première lecture la discussion d’un texte en séance publique n’interviendrait qu’à l’expiration d’un délai d’un mois après son dépôt, puis, dans la seconde assemblée saisie, à l’expiration d’un délai de quinze jours après sa transmission. Certes, il a été amendé par les députés, qui ont porté le premier délai à six semaines et le second à trois semaines. Dois-je néanmoins rappeler que le comité Balladur était sur ce point beaucoup plus audacieux, puisqu’il suggérait de prévoir des délais de respectivement deux mois et un mois ?

L’article 16 ne va donc pas assez loin en ce qui concerne les délais dont disposeront les commissions pour examiner les rapports. Nous préférerions qu’elles puissent consacrer davantage de temps à l’examen des projets de loi ou à l’audition des personnes qualifiées.

Aussi proposons-nous, une fois n’est pas coutume, de reprendre les propositions du comité Balladur et de prévoir que les délais minimaux avant la discussion en séance d’un projet de loi soient de deux mois dans la première assemblée et d’un mois dans la seconde.

Cela ne signifie pas que nous voudrions profiter d’une plus longue réflexion en commission pour réduire les débats en séance publique ; bien au contraire, je crois que ces deux phases de la procédure parlementaire sont extrêmement importantes et que le fait d’allonger la première ne justifie pas de priver l’ensemble des parlementaires d’un débat, d’une confrontation des idées et de la présentation des propositions des groupes politiques ou des parlementaires.

M. le président. L'amendement n° 398 rectifié, présenté par MM. About et Détraigne, Mme Payet et M. Merceron, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 42 de la Constitution, après les mots :

article 43

insérer les mots :

siégeant à huis clos

La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Le fait de prévoir que, désormais, la discussion en séance publique s’effectuera sur le texte voté par la commission saisie au fond suppose que ce travail soit réalisé dans la plus grande rigueur et avec sérénité. Il est donc opportun que la commission siège à huis clos.