compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Désignation d'un sénateur en mission

M. le président. Par courrier en date du 24 juin 2008, le Premier ministre a fait part de sa décision de placer, en application de l’article L.O. 297 du code électoral, M. Charles Guené, sénateur de la Haute-Marne, en mission temporaire auprès de M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.

Cette mission portera sur la place du vétérinaire libéral et sur son rôle dans le système français de surveillance et de gestion des risques tout au long de la filière animale.

Acte est donné de cette communication.

3

Mises au point au sujet de votes

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot.

M. Philippe Adnot. Monsieur le président, le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République, particulièrement important et évolutif, a donné lieu, la nuit dernière, à des variations dans les prises de position sur l’ensemble, justifiées par l’adoption ou le rejet de telle ou telle mesure.

Comme je ne pouvais pas être présent la nuit dernière, on a voté pour moi, mais on m’a comptabilisé dans les votes pour, alors que je souhaitais m’abstenir, et ce à cause du maintien, tout au moins en l’état du texte, d’une disposition qui permet un traitement différencié des parlementaires, selon qu’ils appartiennent à la majorité ou non.

Je considère, pour ma part, que les parlementaires ont des droits et des devoirs identiques, quelle que soit leur appartenance politique.

Aussi, je souhaite qu’il soit acté que je m’abstiens, pour l’instant, sur ce texte.

M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue.

La parole est à M. Joël Bourdin.

M. Joël Bourdin. Monsieur le président, lors du scrutin public n° 116 sur l’ensemble du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République, M. Philippe Dominati a été déclaré comme votant pour, alors qu’il souhaitait s’abstenir.

M. le président. Acte vous est donné de cette autre mise au point, mon cher collègue.

4

 
Dossier législatif : projet de loi relatif aux droits et aux devoirs des demandeurs d'emploi
Discussion générale (suite)

Droits et devoirs des demandeurs d'emploi

Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif aux droits et aux devoirs des demandeurs d'emploi
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif aux droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi (nos 390 et 400) (urgence déclarée).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi qui vous est soumis s’inscrit dans ce qui constitue le cœur de l’engagement présidentiel, afin d’œuvrer, mois après mois, pour conduire notre pays vers le plein emploi. Toute notre politique est structurée autour de cette idée.

La France a un problème, l’emploi et la relation au travail. Aussi, le principal service à rendre à notre pays, au cours des cinq années du mandat présidentiel, consiste à veiller à rétablir cette relation et à le remettre sur le sentier du plein emploi.

Le combat pour le plein emploi est aussi le premier des combats pour le pouvoir d’achat. Un chômeur en moins, c’est un revenu supplémentaire pour le foyer et du pouvoir d’achat pour toute la famille.

Les résultats en la matière sont bons. Notre taux de chômage, de 7,2 %, est au plus bas depuis vingt-cinq ans et, indicateurs tout aussi intéressants, notre taux d’emploi remonte à 65,1 %, se rapprochant de l’objectif de 70 %, tandis que, surtout, nous avons enregistré un niveau de créations nettes d’emplois historique au cours de l’année 2007.

Ce sont de bonnes nouvelles, mais elles ne suffisent pas.

Pour atteindre le plein emploi d’ici à 2012, nous devons amplifier notre politique en la matière.

Cela passe évidemment par un effort vigoureux pour encourager la croissance et créer les emplois de demain. La loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat que vous avez votée à l’été 2007, mesdames, messieurs les sénateurs, y contribue. Le projet de loi de modernisation de l’économie, que le Sénat examinera prochainement, doit nous permettre de franchir un pas supplémentaire dans cette direction.

Reste un deuxième levier, largement aussi important, celui du fonctionnement de notre service public de l’emploi. Si créer des emplois est évidemment essentiel, encore faut-il s’assurer que ces emplois sont pourvus et que les demandeurs d’emploi sont correctement accompagnés.

Or nous vivons un paradoxe dont nous ne pouvons nous satisfaire : d’un côté, 1,9 million de personnes sont au chômage et cherchent un emploi ; de l’autre, plusieurs centaines de milliers d’offres d’emploi – vraisemblablement 500 000 –, ne trouvent pas preneur.

Avoir ou non un service de l’emploi efficace, avoir ou non un marché du travail susceptible de répondre aux situations personnelles, voilà qui peut faire la différence dans notre capacité à avancer vers le plein emploi.

De ce point de vue, c’est tout le fonctionnement du marché du travail qu’il faut revoir, car il est trop administratif, trop lourd, trop anonyme, incapable de faire du sur-mesure.

Nous devons donc de plus en plus nous efforcer de faire du « personnalisé », avec le développement de formations adaptées, l’accompagnement efficace de chaque demandeur d’emploi en fonction de sa réalité et de son parcours personnels, la détection très précoce des personnes les plus en difficulté et, tout simplement, la modernisation de notre service public de l’emploi.

Pour cela, – vous le savez, parce que vous y avez contribué de façon déterminante –, de nombreux chantiers ont déjà été lancés.

Je les rappellerai avant que nous n’abordions plus précisément l’examen du projet de loi relatif aux droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi, car il s’agit non pas de se concentrer sur une tête d’épingle, mais bien de resituer le texte dans la politique d’ensemble que nous essayons de mener.

Tout d’abord, l’accord national interprofessionnel, intervenu le 11 janvier 2008, a permis à notre pays, grâce aux partenaires sociaux, de franchir un pas important en termes de sécurisation des parcours professionnels.

Ensuite, la loi du 13 février 2008, dont Mme Catherine Procaccia fut le rapporteur brillant que vous savez, a lancé le processus de fusion de l’Agence nationale pour l’emploi, l’ANPE, et du réseau des Associations pour l'emploi dans l'industrie et le commerce, les ASSEDIC. Avec Christine Lagarde, nous nous attachons maintenant à faire avancer ce chantier de façon concrète ; j’ai été amené à en rendre compte au Sénat.

À cet égard, notre obsession est non pas de mener une réforme administrative, mais bien de placer au cœur de notre action l’amélioration du service rendu aux usagers de ce nouveau service public de l’emploi.

Pour cela, nous avons besoin de changements concrets, dont certains sont déjà intervenus.

Je pense, par exemple, à l’accompagnement des seniors de plus de cinquante-cinq ans. Alors qu’ils ne bénéficiaient auparavant d’aucune attention particulière de la part du service public de l’emploi, ils font l’objet à l’heure actuelle d’un suivi personnalisé par un conseiller tout au long de leur recherche, et ce dès le premier jour. Car, on le sait bien, un demandeur qui coche en haut à droite du formulaire la case « plus de cinquante-cinq ans », n’a rien à voir avec un demandeur de quarante ans. Il faut que nous prenions en compte cette logique pour être plus réactifs.

Enfin, la réforme de la formation professionnelle est également en marche et les négociations sont en cours. Nous nous appuierons d’ailleurs largement sur le travail et les suggestions du Sénat à cet égard.

Si l’on prend un peu de champ pour définir le point commun entre ces chantiers, il importe d’analyser ce que sont les colonnes vertébrales de notre service public de l’emploi.

Mises en place entre la fin des années cinquante et la fin des années soixante, elles ont contribué à gérer la montée progressive du chômage de masse, devenue particulièrement éprouvante à la fin des années soixante-dix dans notre pays.

Parallèlement, le système a conduit à des choix, que nous payons aujourd'hui. On a ainsi choisi de traiter de façon massive les demandeurs d’emploi, mais la machine n’est plus adaptée à un marché du travail nécessitant beaucoup plus des actions sur mesure.

Voilà ce à quoi nous essayons de remédier aujourd'hui avec le projet de loi qui vous est présenté. Il s’agit pour nous de mieux définir les droits mais aussi, j’y insiste, les devoirs des demandeurs d’emploi, de construire les contours d’un service public de l’emploi moderne, chemin que tous les pays européens ont emprunté, quelle que soit l’orientation politique des gouvernements en place. Notre pays, parfois faute de courage politique, ne s’était pas encore lancé sur ce même chemin.

Je souligne également que nombre des dispositions qui vous sont ici soumises découlent des idées et des réflexions formulées par les partenaires sociaux depuis plusieurs années.

La question de l’équilibre entre les droits et les devoirs ne doit pas constituer un tabou, et c’est là l’une des idées-force de ce texte. Nous devons avoir le courage de dire qu’un demandeur d’emploi a droit à un service public de l’emploi efficace, que le Gouvernement a le devoir de mobiliser des fonds et de prévoir un budget permettant d’accompagner correctement chaque demandeur d’emploi, mais que, en contrepartie, le demandeur d’emploi a aussi des devoirs.

Nous devons être capables d’aborder ce sujet équilibré des droits et des devoirs sans céder à la caricature. Or cette question, tout comme celle de la fusion ANPE-ASSEDIC, a été ignorée pendant de trop nombreuses années : personne ne s’en était saisi !

Les partenaires sociaux avaient déjà été sollicités sur ce thème, notamment en 2000, lors des précédentes négociations sur les conventions d’assurance chômage, mais aussi en juin dernier, par un courrier du Premier ministre leur proposant de négocier sur le sujet.

Visiblement, et je le comprends très bien, il est difficile de demander aux partenaires sociaux de s’investir dans un dispositif qui aboutira à définir aussi les devoirs des demandeurs d’emploi.

C’est pour cette raison que le Gouvernement a décidé de prendre ses responsabilités en vous soumettant le présent projet de loi, qui vise notamment à apporter une meilleure définition de ce qu’est une offre raisonnable d’emploi.

Pour autant, le projet de loi qui vous est soumis a fait l’objet d’une concertation approfondie avec les partenaires sociaux, laquelle nous a permis de l’adapter sur certains points pour mieux prendre en compte les réalités du terrain.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nos concitoyens ont parfaitement compris l’ampleur de l’enjeu qui se dessine et sont favorables à plus de 60 % à l’établissement d’une définition objective et précise des contours d’une offre raisonnable d’emploi en fonction de chaque demandeur d’emploi.

Avant de décliner les trois principes généraux sur lesquels est fondée cette réforme, permettez-moi quelques considérations de bon sens sur la situation actuelle.

La première idée – c’est sans doute celle à laquelle je tiens le plus – est celle de l’approche personnalisée, pour laquelle Christine Lagarde et moi-même nous sommes beaucoup investis.

Aujourd’hui, quand un demandeur d’emploi se présente devant le service public de l’emploi, la procédure qui lui est proposée est purement administrative.

Ses différents droits à indemnisation vont être définis par les ASSEDIC et un petit film va lui être projeté, qui définira très brièvement ce qu’on attend de lui.

Ensuite, il se rendra à l’ANPE pour un premier entretien plus ou moins formel. Mais à aucun moment, alors que chaque jour compte dans la recherche d’emploi, ne sont définis à ce stade les engagements que prendra le service public de l’emploi et le champ dans lequel le demandeur d’emploi effectuera sa recherche d’emploi.

Or je suis profondément convaincu que cette approche personnalisée est indispensable. Et ce n’est pas à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, que je l’apprendrai, on ne traite pas de la même façon un cadre célibataire de trente ans habitant en région parisienne et une mère de famille de cinquante ans qui est propriétaire de sa maison rurale où elle vit avec ses deux enfants : la mobilité n’est évidemment pas la même.

Ce qu’est une offre raisonnable d’emploi dépend donc de chacun et la situation de chacun suppose, de la part du service public de l’emploi, que l’on prenne le temps, dès le début, de définir concrètement le champ de la recherche d’emploi en fonction de la qualification de la personne, de son âge, de sa situation familiale et du territoire sur lequel elle vit.

Le premier principe sur lequel est fondé ce projet de loi consiste donc à définir, autant que possible et de façon personnalisée, les droits et les devoirs du demandeur d’emploi pour préciser ce que sera l’offre raisonnable d’emploi pour cette personne-là.

Le deuxième principe est celui d’un bon équilibre entre ces droits et ces devoirs. J’insiste sur ce point, il s’agit d’un engagement réciproque de part et d’autre, qui pèse non pas seulement sur le demandeur d’emploi, mais aussi sur le service public de l’emploi.

Nous sommes en effet en droit d’attendre que notre service public évolue dans le sens d’une plus grande efficacité, d’une plus grande attention portée au retour à l’emploi.

En disant cela, je ne veux pas caricaturer les agents de l’ANPE et des ASSEDIC, qui ont réalisé au cours des années qui se sont écoulées un énorme travail pour progresser au quotidien dans leur mission.

Mais je suis aussi lucide sur le fait que la structure administrative et la façon dont fonctionnait jusqu’à présent notre service public de l’emploi étaient une source d’inertie et de pesanteur auxquelles nous nous heurtions comme à un plafond de verre.

Le fait d’avoir eu le courage d’enclencher l’opération de fusion de l’ANPE et des ASSEDIC change complètement la donne et nous permettra d’être beaucoup plus efficaces en la matière. Pour y parvenir, nous serons vigilants et demanderons au nouveau service public de l’emploi de rendre chaque année des comptes ; nous pourrons à notre tour vous les présenter si vous le souhaitez, monsieur About, devant la commission des affaires sociales, afin de vous faire part très concrètement de l’amélioration, année après année, du fonctionnement du service public de l’emploi.

Dans le cadre de la définition de l’offre raisonnable d’emploi, il faut donc que les agents du nouvel opérateur prennent des engagements concernant les types de formations qui seront proposées, la régularité des entretiens, les moyens informatiques qui seront mis à disposition du demandeur d’emploi pour l’accompagner dans sa recherche, enfin, le champ géographique dans lequel la recherche s’effectuera. Tous ces engagements doivent être pris par le service public de l’emploi.

De l’autre côté, on attend que le demandeur d’emploi prenne lui aussi un engagement, celui d’accepter une offre d’emploi quand elle est raisonnable. Cet engagement me semble parfaitement légitime et de bon sens dans la mesure où le demandeur d’emploi a plus de droits mais doit en contrepartie accepter l’offre d’emploi quand elle est raisonnable.

Tout cela doit être formalisé dans un projet professionnel, qui permette de responsabiliser à la fois le conseiller du service public de l’emploi et le demandeur d’emploi. Il convient de sortir d’une logique purement administrative pour basculer vers une logique personnalisée.

Le troisième principe, qui est au moins aussi important, est celui du respect de l’équité.

Aujourd’hui, la définition de l’offre raisonnable d’emploi est livrée totalement à l’arbitraire, sans que le moindre critère objectif soit précisé. À l’inverse des autres motifs de radiation qui sont prévus dans le code du travail, le refus d’emploi ne fait aujourd’hui l’objet d’aucune définition objective qui puisse servir de base de travail saine.

Les critères ne sont pas définis objectivement et ne sont pas adaptables à la situation de chaque personne. Cela laisse la place à des interprétations variables et à l’arbitraire. C’est pour cette raison qu’il était indispensable que la France prenne la peine, comme la plupart des pays européens, de définir un certain nombre de critères objectifs.

J’en viens, après la définition de ces principes, à leur traduction claire dans la loi.

Vous n’aimez pas les lois qui « bavardent », nous non plus ! L’objectif a été de vous présenter un texte simple, clair, qui repose uniquement sur deux articles et qui soit la traduction efficace de ces principes.

Le premier article, tout d’abord, prend acte de la définition d’un projet professionnel, à formaliser entre le service public de l’emploi et le demandeur d’emploi, après son inscription.

Les actions que le service public de l’emploi va mettre en œuvre pour le candidat retenu doivent être déterminées. De son côté, le demandeur d’emploi va définir, en fonction de ses qualifications, de son expérience, de sa situation personnelle et de la situation du marché du travail local, les offres d’emploi qu’il s’engage à accepter. Ce projet sera actualisé régulièrement, en fonction de l’avancement de la recherche.

Dans ce cadre, le candidat à l’emploi s’engage à ne pas refuser plus de deux offres raisonnables d’emploi, c’est-à-dire des offres qui répondent à un certain nombre de conditions.

Je voudrais préciser au préalable que ces conditions sont évolutives dans le temps, pour la simple raison que la recherche d’emploi s’inscrit dans une dynamique. Chaque jour qui passe est un mauvais jour qui rendra d’autant plus difficile l’accès à l’emploi.

Il est un seuil qu’il faut tout faire pour ne pas franchir : au-delà d’un an, le demandeur d’emploi bascule dans un chômage de longue durée dont il est beaucoup plus difficile de le sortir.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. C’est pour cette raison qu’il est nécessaire de réintroduire cette idée d’une dynamique du temps de la recherche d’emploi.

Durant les trois premiers mois de chômage, l’offre raisonnable d’emploi est définie uniquement sur le fondement du projet personnalisé d’accès à l’emploi.

Après trois mois de chômage, est considérée comme raisonnable une offre d’emploi compatible avec les qualifications du demandeur d’emploi et rémunéré à hauteur de 95 % du salaire antérieurement perçu. Il s’agit juste d’un petit signal destiné à attirer l’attention sur le « compteur qui tourne » et d’un service à rendre au demandeur d’emploi, qu’il ne faut pas laisser illusoirement s’endormir sur sa recherche d’emploi ! (M. Jean Desessard s’exclame.)

Or, et chacun d’entre nous a pu le constater localement à l’occasion de tel ou tel plan collectif de licenciement, une fois passé le choc de leur licenciement, les salariés ne se remobilisent pas tout de suite pour chercher un nouvel emploi. Le phénomène est inquiétant.

M. Guy Fischer. Et les entreprises ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. J’y viendrai.

Après six mois, est considérée comme raisonnable l’offre d’un emploi rémunéré à hauteur de 85 % du salaire antérieurement perçu et situé au plus à trente kilomètres ou à une heure en transports en commun du domicile du demandeur d’emploi.

Nous n’avons pas souhaité aller plus loin, même si d’autres pays en Europe ont des critères beaucoup plus exigeants, y compris de ceux, comme la Suède, qui sont pourtant considérés comme des modèles sur le plan social. Dans une période où le pétrole et l’essence sont chers, il nous faut rester, me semble-t-il, sur des critères de mobilité qui sont raisonnables et non excessifs : trente kilomètres ou une heure dans les transports en commun, c’est la réalité de près de 70 % de nos concitoyens qui travaillent aujourd’hui.

Après un an de chômage – c’est un critère de bon sens pour éviter que le demandeur d’emploi ne s’enferme dans un chômage de longue durée –, est considérée comme raisonnable une offre d’emploi qui permet une rémunération supérieure à l’indemnisation dont bénéficie le demandeur d’emploi. Cette idée encore une fois de bon sens doit permettre de « sortir par le haut » de cette situation de chômage.

J’entends les critiques qui peuvent être faites ici et là, surtout ici, d’ailleurs (M. le secrétaire d’État se tourne vers la gauche de l’hémicycle.) Pour y répondre, il convient d’envisager les obligations qui pèsent sur les entreprises, sans chercher à fuir la réalité. Sur ce sujet, monsieur le rapporteur, vous avez attiré notre attention sur deux domaines où nous avons des progrès à faire.

Il faut d’abord veiller à ce que les offres d’emploi soient effectives et qu’elles répondent à la réalité économique du bassin d’emploi dans lequel elles sont faites.

Autre critique, quand un demandeur d’emploi répond à une offre d’emploi, il est en droit de recevoir une réponse. Il est en effet très décourageant, pour un demandeur d’emploi, de répondre à des offres, mais de ne recevoir pour toute réponse qu’un grand silence.... Sur ce point, des améliorations peuvent être apportées.

La troisième critique est en réalité une caricature contre laquelle nous pouvons nous défendre.

Ce dispositif n’entraînera en aucun cas un effet de dumping salarial tirant les salaires vers le bas, car nous avons inscrit au cœur du dispositif législatif que, en tout état de cause, les salaires proposés correspondent à la réalité de l’emploi dans le bassin géographique duquel émanent les offres d’emploi.

La dernière critique concerne la question du temps partiel, qu’il s’agisse d’un intérim, d’un CDD ou d’un CDI. Là encore, je n’ai pas voulu que le projet de loi prévoie une obligation à l’avance. Pourquoi ? Tous ceux – vous en êtes ! – qui sont régulièrement confrontés à des demandeurs d’emploi le savent bien, la situation d’un demandeur d’emploi par rapport à son contrat de travail peut être très différente d’un individu à l’autre : une femme ou un homme qui doivent s’occuper de leurs enfants en même temps peuvent privilégier un contrat à temps partiel.

À l’inverse, certains demandeurs d’emploi peuvent accepter une proposition de mobilité, mais à condition qu’il s’agisse d’un CDI à temps plein. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas souhaité fixer à l’avance une obligation sur la nature du contrat qu’un demandeur d’emploi s’engagerait à accepter. C’est bien la démarche de personnalisation du projet qui a été retenue.

J’en viens à l’article 2 du projet de loi, qui prévoit les conséquences du refus successif de deux offres d’emploi raisonnables. Cela se traduira par une radiation de deux mois prononcée par le nouvel opérateur issu de la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC et par une suspension provisoire de l’allocation perçue par le demandeur d’emploi.

Il faut accepter ce débat, sans le fuir, car nous devons assumer notre position sur le service public de l’emploi et ce qu’il est dans la réalité. Bien sûr, les demandeurs d’emploi sont d’abord des victimes et il est hors de question de stigmatiser ceux qui connaissent une situation difficile et qui recherchent un emploi.

Cela dit, nous le savons tous, il existe une petite minorité – elle est petite, mais il faut en tenir compte ! – qui profite d’un système relativement généreux dans lequel la question du contrôle et du bon équilibre entre les droits et les devoirs n’a jamais été posée.

M. Jean Desessard. Cela vaut pour les patrons !

Mme Annie David. Il faut sanctionner ceux qui trichent, pas les autres !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Ce n’est pas parce que c’est une petite minorité qu’il ne faut pas s’en occuper ; c’est une question d’équité à l’égard de ceux qui travaillent tous les jours et qui acceptent un emploi parfois loin de chez eux et peu rémunéré.

C’est également une question d’équité à l’égard des demandeurs d’emploi qui mettent tout en œuvre pour trouver un travail : ils peuvent être découragés de voir que, dans le même temps, d’autres demandeurs refusent des offres qu’ils aimeraient bien se voir proposer.

C’est donc bien à un dispositif équilibré que tend ce projet de loi, grâce à la confrontation des différentes conceptions que nous nous faisons de ce qu’est une politique sociale moderne, alors que tous les pays européens, toutes tendances politiques confondues, se sont engagés dans la même voie : l’amélioration tant du service public de l’emploi que de l’accompagnement individuel.

Nous avons commencé à le faire, en établissant une définition plus précise des équilibres entre les droits et les devoirs de chacun, du service public de l’emploi comme du demandeur d’emploi.

En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaiterais vous remercier très vivement, sur quelque travée que vous siégiez, du travail très approfondi que vous avez accompli.

M.  Dominique Leclerc, prolongeant en cela la tradition du Sénat et de la commission des affaires sociales et s’appuyant sur la très grande expertise qu’il a acquise en la matière, nous a permis d’améliorer considérablement notre réflexion, notamment sur un certain nombre de points importants du projet de loi. Au fur et à mesure de l’avancement de nos débats, vous verrez à quel point ses éclaircissements ont été pour nous précieux.

Par ailleurs, je me félicite des échanges constructifs qui ont eu lieu au sein de la commission, y compris sur les amendements. Personne, ni du côté du Gouvernement ni du côté des différents groupes, ne s’est enfermé dans une position caricaturale sur un sujet qui, d’ailleurs, ne le mérite vraiment pas.

En conclusion, je voudrais attirer votre attention sur les évolutions que consacre le présent texte et sur la manière dont doit évoluer notre politique sociale au xxie siècle.

Nous avons trop souvent laissé se développer des politiques sociales, certes très généreuses en apparence, mais qui ne prenaient pas en compte les réalités personnelles de chacun. Elles étaient administratives, anonymes, reposaient sur une pure logique d’indemnisation et non sur un véritable accompagnement. Au total, elles étaient inefficaces. Or je crois profondément à la nécessité de revenir sur cette approche et de repenser ce que doit être une politique sociale.

Si nous voulons qu’elles restent généreuses et qu’elles continuent d’être acceptées par l’ensemble de nos citoyens, il est nécessaire que nos politiques sociales modernes clarifient mieux les droits et les devoirs de chacun. Surtout, elles doivent pouvoir faire du sur-mesure, prendre en compte une approche personnalisée, s’adapter au parcours personnel et aux réalités différentes de chacun plutôt que de demander à nos concitoyens de s’adapter à des logiques administratives trop complexes.

Cette évolution de nos politiques sociales, c’est à nous de l’écrire. Ce projet de loi y participe et je remercie par avance le Sénat de sa contribution. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif aux droits et aux devoirs des demandeurs d'emploi
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