PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La parole est à M. Marc Massion.

M. Marc Massion. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici conduits pour la deuxième fois à nous prononcer sur un projet de loi de règlement à la mode « lolfienne », sur le projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2007, puisque maintenant tel est son nom.

Si l’intitulé a changé, les mauvaises pratiques budgétaires et les manœuvres du Gouvernement sont toujours d’actualité, persistant à donner une image tronquée de l’exécution budgétaire.

Malgré une présentation des comptes de prime abord séduisante, il n’en reste pas moins que l’année 2007 aura vu la dégradation de nos finances publiques et que les « bons » résultats affichés par le Gouvernement apparaissent comme un trompe-l’œil, au détriment, encore une fois, du principe de sincérité budgétaire.

M. Marc Massion. Vous l’aurez compris, le groupe socialiste entend exprimer ses fortes réserves quant à la sincérité des comptes affichés.

Au préalable, je ferai plusieurs observations sur l’évolution négative de la situation économique de la France en 2007.

Les chiffres de l’année 2007 sont là pour confirmer nos craintes. Cette année aura été celle de la dégradation des finances publiques. La croissance stagne, le solde commercial se creuse, le déficit et la dette publique augmentent et, si les prélèvements obligatoires baissent, c’est le plus souvent au détriment de l’équité de notre système fiscal.

Il n’y a pas de quoi se réjouir de la croissance, car elle n’a pas évolué par rapport à l’année précédente. Elle reste pour la deuxième année consécutive à 2,2 %. Le fameux point de croissance, si cher au Président de la République, n’a donc pas été « arraché », comme il le prétendait. Et si ce chiffre est bien dans la fourchette des estimations qu’annonçait le Gouvernement lors de la discussion du projet de loi de finances de 2007, à savoir entre 2 % et 2,5 %, il se situe dans la partie basse de cette prévision. Tout triomphalisme serait par conséquent malvenu.

La France fait une nouvelle fois office de mauvais élève de l’Europe, puisque notre taux de croissance pour 2007 est nettement inférieur à l’évolution constatée sur la même période dans la zone euro – 2,6 % – et dans l’Union européenne – 2,9 %.

La France se trouve ainsi derrière l’Allemagne, 2,5 %, le Royaume-Uni, 3,1 %, et au même niveau que les États-Unis, lesquels ont pourtant dû affronter la crise des subprimes bien avant nous, puisque les répercussions devant toucher notre pays restent encore à venir.

La France n’a donc pas su, à l’image des années précédentes, profiter de la dynamique européenne et n’a fait que regarder passer le train de la croissance.

La consommation des ménages, en légère augmentation, reste, ce n’est pas nouveau, le principal moteur de l’activité économique.

Les réformes mises en place par le Gouvernement ne sauraient à elles seules, contrairement à ce que vous prétendez, expliquer cette constance, puisque la réforme du barème de l’impôt sur le revenu – 4,4 milliards d’euros – et les suppressions et allégements de droits de succession et de donation – 0,4 milliard d’euros – n’ont bénéficié qu’aux plus favorisés.

Le déficit commercial se creuse ! La croissance n’a pu compter, en 2007, sur une amélioration de nos exportations, qui ont subi un ralentissement particulièrement marqué. Le coût pour la croissance est tout de même de 0,8 point.

L’investissement stagne. Il est stable en 2007, à 4,9 % en volume, pour un montant de 406 milliards d’euros. De nouveau, les administrations publiques – les collectivités territoriales pour une large part – ont participé à hauteur de 72 milliards d’euros à la formation brute de capital fixe.

Le déficit public s’aggrave dangereusement en 2007. Si la croissance a été atone, le déficit public s’est particulièrement accentué, puisqu’il s’élève à 50,3 milliards d’euros, soit 2,7 % du PIB, contre 2,4 % en 2006.

Le déficit constaté en 2007 est par conséquent bien supérieur aux hypothèses prévues dans le projet de loi de finances pour 2007, à savoir 2,5 %, et plus encore si l’on regarde la prévision de 2,4 %, révisée à l’occasion du projet de loi de finances pour 2008.

Ce taux est reparti à la hausse pour la première fois depuis 2004. Rappelons également que le déficit public, en 2001, s’élevait à seulement 23,2 milliards d’euros, soit un montant plus de deux fois inférieur au niveau actuel.

Malgré les accusations répétées du Gouvernement désignant les collectivités territoriales comme les seules responsables de cette aggravation, l’augmentation du déficit est due à une hausse de 0,2 point respectivement à la charge de l’État et des collectivités territoriales, et à une baisse de 0,1 point du déficit de la sécurité sociale.

Si les besoins de financement des administrations publiques ont largement augmenté, leur évolution diffère selon l’administration concernée. Ainsi, le déficit de l’État a augmenté de 4,9 milliards d’euros, celui des collectivités locales de 4 milliards d’euros, et le déficit de la sécurité sociale a diminué de 1,7 milliard d’euros, notamment grâce à l’excédent dégagé par l’assurance chômage, soit 3,5 milliards d’euros.

L’État et les administrations centrales ont donc vu leur besoin de financement atteindre 41,8 milliards d’euros en 2007, en raison notamment des trop nombreuses, et souvent injustifiées, mesures d’allégements des impôts, qui ont coûté 0,8 point du PIB, et du dynamisme de la charge de la dette.

Les coupes sévères effectuées dans la fonction publique et les transferts de compétences aux collectivités territoriales n’ont pas suffi à sortir l’État de cette mauvaise passe.

Cette aggravation a été limitée par l’effet de mesures exceptionnelles, telles que l’acompte versé à l’État sur les dividendes d’EDF, à hauteur de 0,9 milliard d’euros, qui a permis de réduire le besoin de financement de 0,1 point du PIB.

Pour toutes ces raisons, la Cour des comptes estime à nouveau, en 2007, que les causes de l’augmentation du déficit public sont essentiellement structurelles. Selon son rapport, le déficit structurel s’élèverait à 2,9 % du PIB en 2007, soit un niveau particulièrement proche du seuil fixé par l’Union européenne. Si la conjoncture devait encore se dégrader, ce taux pourrait être rapidement franchi.

Encore une fois, cette dégradation du déficit fait de la France le mauvais élève de l’Union européenne. En effet, comment la France peut-elle assurer sa crédibilité devant ses partenaires européens, lorsque son déficit public dépasse de très loin celui de la zone euro, qui est de 0,6 %, celui de l’Union européenne, qui est de 0,9 %, et celui de son principal partenaire, l’Allemagne, dont le niveau de déficit public a été ramené à 0 % ?

La dette publique est toujours en hausse !

La part de la dette publique s’établit en 2007 à 63,9 % du PIB, soit environ 1 210 milliards d’euros, en augmentation par rapport à la fin de 2006, où elle s’élevait déjà à 63,6 % du PIB. C’est ainsi la cinquième année, depuis 2002, que ce taux est supérieur au taux requis de 60 % permettant de respecter les contraintes européennes.

La dette a donc atteint le montant exorbitant de 1 210 milliards d’euros, en hausse de 5,2 % par rapport à 2006. Chaque habitant supporte dorénavant une dette de 19 000 euros – n’est-ce pas, monsieur le rapporteur général ? –…

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous avons les mêmes chiffres !

M. Marc Massion. … ou de 47 000 euros par personne au travail.

La part de l’État atteint 930 milliards d’euros, en hausse de 37,5 milliards d’euros.

Au total, la dette publique a progressé en 2007 de 59,6 milliards d’euros, soit un montant supérieur au déficit public, qui est de 50,3 milliards d’euros.

Et ce montant aurait pu être plus important s’il n’avait pas bénéficié de cessions d’actifs, notamment de cessions de titres de France Télécom et EDF, pour un montant de 7,5 milliards d’euros.

Néanmoins, ces opérations ne peuvent être qu’un « fusil à un coup » et ne permettent en rien une amélioration structurelle du niveau de la dette. L’État vend les bijoux de famille et se prive ainsi de recettes pérennes et de leviers d’action dans des secteurs stratégiques.

Face à cela, la politique de rachat de dette menée en 2007 a été, d’une part, en net repli par rapport à 2006 et, d’autre part, exclusivement financée par des ressources de trésorerie et non pas par les crédits budgétaires prévus pour la Caisse de la dette publique, la CDP.

Enfin, la dette de la France amorce un mouvement contraire à celle de ses partenaires européens, pour qui elle tend à diminuer.

Il n’y a pas d’amélioration en vue. L’année 2008 ne s’annonce guère meilleure, puisque les prévisions provenant de l’INSEE sont pessimistes quant à une possible amélioration du niveau de la dette publique. Ces prévisions font en effet état d’une forte augmentation du niveau de la dette au premier trimestre 2008, qui passe en trois mois de 1 209,05 milliards à 1 250,6 milliards d’euros, soit une augmentation de 41,1 milliards d’euros, uniquement due à l’explosion de la dette de l’État, en hausse de 35,8 milliards d’euros, et des organismes de sécurité sociale, en hausse de 11 milliards d’euros.

À l’inverse, la dette des administrations centrales baisse de 2 milliards d’euros et celle des collectivités territoriales de 3,7 milliards d’euros. Par conséquent, les accusations constantes de mauvaise gestion budgétaire adressées par le Gouvernement aux collectivités territoriales se révèlent, une nouvelle fois, complètement infondées.

Au regard de l’état critique des finances publiques de la France, la Commission européenne n’a pas hésité à adresser à la France, le 28 mai dernier, une recommandation politique, afin de l’inciter à mettre de l’ordre dans ses comptes publics.

Malgré le passage au rouge des voyants budgétaires, le Gouvernement n’a pas attendu avant de multiplier les baisses d’impôts accordées aux plus favorisés, comme le démontre la baisse des prélèvements obligatoires en 2007 à 43,3 % du PIB. Comment le Gouvernement pourrait-il se réjouir de cette baisse obtenue sur le dos de l’équité de notre système fiscal, par un désengagement toujours plus important des politiques publiques et un transfert conséquent de charges aux collectivités territoriales ?

J’évoquerai maintenant le solde budgétaire, qui est le cœur de ce qui nous occupe aujourd’hui.

Le déficit budgétaire pour 2007 s’établit à 34,7 milliards d’euros, soit 4,3 milliards d’euros de moins qu’en 2006. Mais ce solde budgétairen’a été obtenu qu’au prix de multiples manœuvres rendant, par conséquent, cette baisse bien superficielle.

Premièrement, des dépenses n’ont pas été comptabilisées et faussent ainsi le chiffre du déficit d’exécution. La dette acquittée par l’État à l’égard du régime général de la sécurité sociale, de manière hors budgétaire, en constitue l’exemple le plus frappant.

Cette dette d’un montant de 5,1 milliards d’euros, résultant d’impayés au titre des années antérieures du fait d’une sous-budgétisation chronique en loi de finances, a été payée par compensation, pourrions-nous dire, par la Caisse de la dette publique, sans que soient comptabilisées en dépenses les sommes versées. Par ailleurs, ce rachat s’est effectué au moyen de ressources tirées de la privatisation des autoroutes en 2006, initialement prévues pour réduire la dette de l’État et de ses établissements publics. Cette opération, comme le souligne fort justement la Cour des Comptes, pose un double problème de régularité et d’exactitude des comptes des opérations budgétaires.

Par ailleurs, cette manœuvre budgétaire n’a en rien permis de régler le problème pour l’avenir puisque la dette de l’État envers les régimes de sécurité sociale s’est déjà reconstituée à hauteur de 2,5 milliards d’euros, signe d’une budgétisation encore insuffisante en loi de finances initiale. Les crédits devront être augmentés d’autant en loi de finances rectificative pour 2008.

Deuxièmement, pour faire face aux demandes de remboursement des primes dues aux banques lors de la clôture par les ménages des dépôts des plans d’épargne logement, l’État a demandé auprès du Crédit foncier de France une autorisation de découvert d’un montant de 843 millions d’euros. Or seuls 220 millions d’euros ont été inscrits en loi de finances rectificative pour 2007. Ainsi, c’est un montant de 623 millions d’euros qu’il faut rajouter au chiffre du solde de l’exécution budgétaire.

Ces deux opérations ont permis de réduire le déficit de plus de 5,7 milliards d’euros.

N’oublions pas non plus les importants reports de charges et les restes à payer transférés sur l’année 2008.

La Cour des comptes estime que 7,3 milliards d’euros restent ainsi à payer, constatés principalement sur les missions « Défense », pour 2,67 milliards d’euros, « Régimes sociaux et de retraite », pour 240 millions d’euros, « Outre-mer », pour 720,48 millions d’euros, « Ville et logement », pour 500 millions d’euros, « Sécurité », pour 151,95 millions d’euros, « Agriculture », pour 527 millions d’euros. Ces sommes grèvent d’autant les budgets à venir, notamment celui de 2008, et empêchent ainsi toute politique volontariste de la part du Gouvernement.

En outre, le Gouvernement a perçu des recettes exceptionnelles à hauteur de 6,62 milliards d’euros, lui permettant ainsi de réduire l’ampleur de son déficit. Je peux citer à titre d’exemple – car ces recettes sont nombreuses –, les 918 millions d’euros de dividendes versés par Autoroute de France, les 922,8 millions d’euros de dividendes versés par EDF, par anticipation sur l’année 2008, ou encore la cession de 45 millions de titres EDF, pour un montant de 3,74 milliards d’euros.

Le Gouvernement a choisi de faire figurer dans le projet de loi de règlement le chiffre du déficit d’exécution, en l’absence de cette recette exceptionnelle. Ainsi, le solde s’élèverait à 38,4 milliards d’euros.

J’en viens à la norme de dépense.

Le projet de loi de finances prévoyait une évolution des dépenses « à un rythme inférieur de un point à l’inflation », soit de 0,8 % ; je rappelle que le chiffre officiel de l’inflation, en 2007, était de 1,8 %.

Les dépenses soumises à cette norme, qui s’élèvent à 271,1 milliards d’euros, ont diminué de 1,7 milliard d’euros par rapport à 2006, soit une baisse de 0,6 % en euro constant.

La norme d’évolution pour 2007 a donc été formellement respectée, ce dont vous ne manquez pas de vous féliciter, monsieur le ministre du budget. Néanmoins, cette évolution ne reflète que partiellement l’évolution des dépenses de l’État, puisqu’elle ne concerne qu’un périmètre étroit.

Par ailleurs, certaines opérations relevant de son champ d’application ont été effectuées en dehors du budget – prime d’épargne logement et remboursement de la dette à la sécurité sociale –, permettant un respect plus aisé de la norme d’évolution. C’est ainsi un montant de 5,72 milliards d’euros qui a été extrait de l’application de la norme d’évolution.

L’affectation des recettes à d’autres opérateurs, tels que, par exemple, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, pour un montant de 2,2 milliards d’euros en 2007, permet également un respect plus facile de la règle.

La Cour des comptes exprime dans son rapport, comme en 2006, des réserves quant au champ couvert par la norme. Celle-ci a porté sur 270 milliards d’euros de dépenses nettes du budget général, alors que les dépenses brutes de l’État, hors budgets annexes, se sont élevées à plus de 530 milliards d’euros. La norme n’a porté, par conséquent, que sur 50 % des dépenses de l’État.

Quid alors de l’efficacité et de la sincérité d’une telle norme ?

Bien que la norme de dépense ait été élargie dans la loi de finances pour 2008 en y intégrant les prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales, de l’Union européenne, ainsi qu’une partie des affectations de ressources à des opérateurs, elle ne porte que sur 335,5 milliards d’euros, autrement dit seulement 60 % environ des dépenses brutes de l’État.

Par conséquent, même élargie, la norme d’évolution des dépenses n’a qu’une portée limitée et insuffisante pour assurer une réelle maîtrise des dépenses publiques. Il est donc nécessaire d’envisager son élargissement.

Vous avez également eu recours aux pratiques de sous-évaluations des crédits en loi de finances initiale, sans justification apparente. Par exemple, dans la mission « Défense », les OPEX étaient dotées de 375 millions d’euros, alors que les dépenses réelles ont été de 685 millions d’euros. Pour l’aide médicale d’État, les dépenses prévues étaient de 233 millions d’euros et les dépenses exécutées de 475 millions d’euros. La sous-budgétisation peut être estimée à un montant de 3,3 milliards d’euros.

La situation perdure pour le budget de 2008, puisqu’un rapport de M. le rapporteur général, Philippe Marini, estime les sous-budgétisations en 2008 à un montant d’au moins 1,3 milliard d’euros.

Cette situation remet en cause le principe même de la LOLF puisqu’elle rend en partie inopérante la démarche de performance que celle-ci souhaitait instaurer. Elle atténue également la portée des autorisations d’engagement, principal apport de la LOLF. Enfin, elle contrevient fortement aux principes d’universalité et de sincérité budgétaires.

Cette sous-évaluation manifeste des crédits budgétaires entraîne, par conséquent, un recours injustifié aux décrets d’avances, pour lesquels le critère d’urgence n’est pas reconnu.

Par ailleurs, certaines des annulations effectuées dans les décrets d’avance n’ont pas porté sur des crédits devenus sans objet, comme l’exige en principe la LOLF, et ont par conséquent créé, voire aggravé, une insuffisance de crédits.

Comme en 2006, la Cour des comptes mentionne, dans ses réserves, l’absence de règles comptables unifiées et le manque de contrôle effectué par les responsables des crédits.

Nous regrettons par ailleurs, comme elle, que le périmètre des comptes de l’État soit constamment remis en cause et ne permette pas, par conséquent, une lecture sincère de la situation financière. Enfin, un effort important doit être fait quant à l’inventaire, l’exhaustivité et la valorisation des biens et actifs de l’État. En effet, une sous-évaluation chronique est défavorable à la présentation de comptes assainis.

La France reste donc dans une situation d’endettement et de déficit élevés et non maîtrisés par le Gouvernement. Cette situation budgétaire limite très fortement les capacités de l’État à intervenir dans des dépenses d’avenir, permettant une réelle amélioration de la croissance. La dette publique court et pèsera sur les générations futures.

Cela rend notre pays sensible à la moindre modification néfaste de la conjoncture. Or la crise des subprimes n’a pas fini de peser sur notre économie. La hausse des taux d’intérêt n’améliore en rien cet état de fait.

Je dirai, en conclusion, que les mesures prises par votre gouvernement depuis maintenant plus d’un an n’ont, pour l’heure, aucunement amélioré la situation de la France telle que vous l’ont laissée en héritage vos prédécesseurs et amis, dont les plus illustres furent MM. Sarkozy et Fillon.

La rupture tant promise a laissé la place à une continuité bien insatisfaisante tant pour les comptes publics que pour l’ensemble de nos concitoyens. En réalité, la rupture annoncée se traduit concrètement par une aggravation de la situation de notre pays.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard.

M. Yann Gaillard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans l’esprit de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, qui est notre bible, le Parlement a souhaité faire de l’examen du projet de loi de règlement le moment privilégié du contrôle de l’exécution budgétaire et de l’évaluation des résultats des politiques publiques, juste avant le débat d’orientation budgétaire et en amont de la discussion budgétaire de l’automne.

Dans cet esprit, la commission des finances a procédé, la semaine dernière, à l’audition de treize ministres sur les missions relevant de leurs compétences. Au nom du groupe UMP, je tiens à remercier le président de la commission des finances ainsi que les ministres, les rapporteurs spéciaux, les rapporteurs pour avis et l’ensemble des membres des différentes commissions qui ont participé à ces auditions ouvertes au public et à la presse.

Sur la forme, nous avons contribué tous ensemble à la transparence du débat public et à la modernisation du travail parlementaire en privilégiant le travail en « petit hémicycle », plus interactif que la séance publique, grâce à des échanges sous forme de questions et de réponses qui se sont souvent révélés très constructifs. J’admire, d’ailleurs, la patience des ministres qui se sont prêtés à ces échanges.

Sur le fond, nous avons pris le temps de contrôler les résultats des politiques publiques conduites en 2007 et des moyens mis en œuvre pour les atteindre, pour chaque programme, sur la base des indicateurs et des rapports annuels de performances annexés au projet de loi de règlement.

Par exemple, pour ce qui concerne la mission « Culture », dont je suis le rapporteur spécial, j’ai regretté que l’INRAP, l’Institut national de recherches archéologiques préventives, ne fasse toujours l’objet d’aucune présentation détaillée dans le rapport annuel de performances de 2007.

Je réitère devant vous, monsieur le ministre, ma demande que des objectifs de performance soient fixés à l’INRAP, par le biais d’un contrat de performance. La question des moyens financiers de cet établissement public, en particulier du rendement de la redevance d’archéologie préventive, ne doit pas occulter l’impératif de performance et de résultats.

J’estime également nécessaire d’encadrer les recrutements, en fixant un délai de traitement moyen des fouilles archéologiques qui convienne tant aux entreprises qu’aux collectivités territoriales concernées.

Il me paraît enfin nécessaire de « rationner les diagnostics », car l’INRAP n’a pas les moyens de faire face à l’augmentation du nombre de fouilles à effectuer. À cet égard, je me félicite de la volonté de Mme la ministre de la culture de favoriser la concurrence entre opérateurs publics et privés ainsi que le dialogue entre l’INRAP et les aménageurs, sous l’égide des préfets.

J’aborde cette question particulière aujourd’hui, au cours d’un débat général, car je sais qu’elle intéresse, voire préoccupe, de nombreux élus locaux, notamment dans le département de l’Aube, auquel je suis particulièrement attaché, mais aussi sur l’ensemble du territoire national.

J’ai aussi choisi cet exemple parce qu’il illustre bien le chemin qui reste à parcourir en matière de transparence des comptes publics et d’évaluation de la performance.

Dans son rapport, excellent comme le sont tous ceux qu’il rédige, M. le rapporteur général souligne la pertinence variable des indicateurs figurant dans les rapports annuels de performance. Les rapporteurs spéciaux ont, pour leur part, relevé une gestion et un pilotage plus ou moins satisfaisants selon les missions.

Nous savons, monsieur le ministre, que ce projet de loi de règlement n’est que le deuxième à être présenté selon les nouvelles règles fixées par la LOLF et nous apprécions, comme la Cour des comptes, les progrès réalisés en matière de présentation des comptes et des résultats. Cependant, nous comptons aussi sur vous pour renforcer la cohérence et la transparence dans ce domaine.

Il est en effet essentiel que le débat parlementaire repose sur des informations fiables, cohérentes et pertinentes. Pour faire le bon diagnostic budgétaire, nous devons disposer du bon thermomètre comptable.

Cette transparence et ce diagnostic partagé doivent également prévaloir en matière de déficit.

Nous avons, à cet égard, noté avec satisfaction, monsieur le ministre, votre souci de communiquer sur la base d’un déficit budgétaire de 38,4 milliards d’euros, sans prendre en compte les 3,7 milliards d’euros de produit de cession de titres EDF affectés au financement du plan en faveur des universités.

Nous saluons cette démarche de transparence budgétaire et de bonne foi politique et vous encourageons à persévérer dans ce domaine, comme l’ont fait la Cour des comptes et la commission des finances, afin, notamment, de respecter strictement la norme de dépense fixée par le Parlement.

Il existe un autre domaine dans lequel une clarification apparaît nécessaire : celui des collectivités locales et de leur responsabilité, réelle ou supposée, dans la dégradation de la situation des finances publiques en 2007.

Dans sa communication du 8 avril dernier sur la situation financière des administrations publiques en 2007, M. le rapporteur général a souligné, chiffres à l’appui, que les collectivités territoriales ne sont pas les seules ni même les principales responsables de cette révision à la hausse du déficit public en 2007, comme cela a pu parfois être dit.

Les élus locaux ne cherchent pas à fuir leurs responsabilités et il est clair que certaines collectivités territoriales sont mieux gérées que d’autres. Nous ne reviendrons pas sur la critique que nous avons à juste titre faite de la gestion des conseils régionaux après 2004.

Il n’en reste pas moins que les élus locaux vivent mal les accusations dont ils font parfois l’objet, alors même que l’État n’a cessé, depuis des années, de leur imposer de nouvelles contraintes financières et réglementaires. Ils les vivent d’autant plus mal qu’ils considèrent avoir l’obligation de présenter des budgets en équilibre et ne comprennent donc pas comment ils pourraient être à l’origine d’une hausse du déficit public.

Dans son rapport du mois dernier sur la situation et les perspectives des finances publiques, la Cour des comptes revient sur cette question complexe liée aux différences entre comptabilité budgétaire et comptabilité nationale. Elle souligne, en particulier, que la comptabilité nationale, qui sert à calculer le déficit public notifié à la Commission européenne, ne prend pas en compte des facteurs comme les emprunts qui servent à équilibrer les recettes et les dépenses dans les comptes des collectivités locales. Ces derniers peuvent donc être « équilibrés » conformément à leur référentiel comptable spécifique, et « déficitaires » en comptabilité nationale.

Monsieur le ministre, nous souhaiterions que vous nous aidiez à clarifier cette question apparemment technique mais pourtant essentielle à une bonne compréhension de l’évolution de la situation des comptes publics et à un dialogue réellement sincère et clair entre l’État et les collectivités locales.

Comme le groupe UMP l’a affirmé à plusieurs reprises, associer les collectivités territoriales à l’effort de redressement des finances publiques n’est acceptable que s’il existe un partenariat véritablement équilibré avec l’État.

Ce partenariat peut être l’occasion d’une clarification et d’un nouveau départ, à condition de reposer sur un diagnostic partagé et une prise en compte de l’ensemble des contraintes, notamment financières et réglementaires, qui pèsent sur les collectivités territoriales.

Cette clarification nous apparaît d’autant plus nécessaire que doit se tenir, la semaine prochaine, le débat d’orientation budgétaire pour 2009.

C’est dans cet esprit de transparence et de dialogue équilibré que le groupe UMP aborde l’examen de ce projet de loi de règlement des comptes pour l’année 2007.

Enfin, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous poser une dernière question : que pensez-vous du rapport que la Cour des comptes a remis au Parlement ? Est-il apocalyptique ? Est-il réellement fondé ? Je suis sorti d’une audition de M. Philippe Seguin véritablement terrorisé. (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées de l’UC-UDF.)