Article additionnel avant l'article 1er
Dossier législatif : projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion
Article 1er (interruption de la discussion)

Article 1er

I.  - Aux articles L. 441-12, L. 445-1 et L. 445-2 et L. 445-3 du code de la construction et de l'habitation ainsi qu'à l'article 1388 bis du code général des impôts, les mots : « convention globale de patrimoine » et « convention globale » sont remplacés par les mots : « convention d'utilité sociale ».

II. - L'article L. 445-1 du même code est ainsi modifié :

1° La première phrase est remplacée par la phrase suivante : « Avant le 31 décembre 2010, les organismes d'habitations à loyer modéré concluent avec l'État, sur la base de leur plan stratégique de patrimoine et en tenant compte des programmes locaux de l'habitat, une convention d'utilité sociale d'une durée de six ans renouvelable. » ;

2° Il est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :

« La convention d'utilité sociale comporte des indicateurs permettant de mesurer si les objectifs fixés pour chaque aspect de la politique de l'organisme mentionné au présent article ont été atteints. Ces indicateurs sont définis par décret en Conseil d'État.

« Si un organisme d'habitations à loyer modéré n'a pas adressé un projet de convention d'utilité sociale au représentant de l'État du département de son siège avant le 30 juin 2010, le ministre chargé du logement peut lui retirer une ou plusieurs des compétences mentionnées aux articles L. 421-1 à L. 421-4, L. 422-2 et L. 422-3, pendant une durée qui ne peut excéder cinq ans. Le ministre chargé du logement peut en outre, pour la même durée, majorer la cotisation due par cet organisme en vertu des dispositions de l'article L. 452-4, dans une proportion qui ne peut excéder le quintuple du montant initialement dû.

« Si au cours de la période conventionnelle de six ans, il apparaît que l'organisme signataire a, de son fait, manqué à ses engagements, une pénalité financière peut être prononcée à son encontre par le ministre chargé du logement. Cette pénalité, proportionnée à l'écart constaté entre les objectifs définis par la convention et le degré de leur réalisation, ne peut excéder 100 € par logement sur lequel l'organisme détient un droit réel, augmenté du montant de l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties dont il a, le cas échéant, bénéficié pour une fraction de son patrimoine au cours du dernier exercice connu. La pénalité est recouvrée au bénéfice de la Caisse de garantie du logement locatif social, dans les conditions prévues à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 452-5.

III.  - Le sixième alinéa de l'article L. 445-2 du même code est ainsi complété :

« Les dispositions du présent alinéa ne sont toutefois pas obligatoires pour les organismes qui procèdent à l'établissement de leur première convention d'utilité sociale. »

IV. - L'article L. 445-4 du même code est complété par l'alinéa suivant :

« La convention d'utilité sociale peut prévoir, à titre expérimental, pour sa durée un dispositif permettant de moduler les loyers en fonction des revenus des locataires nonobstant les plafonds de loyers fixés par la convention conclue en application de l'article L. 351-2. Ces loyers ne peuvent excéder une part des ressources de l'ensemble des personnes vivant au foyer. Le minimum et le maximum de cette part, ainsi que les conditions de détermination des ressources des personnes vivant au foyer sont déterminés par décret en Conseil d'État. Dans l'année qui suit la fin des expérimentations engagées, un rapport d'évaluation établi par le gouvernement sera remis au parlement. »

M. le président. Je rappelle que, pour la clarté de nos débats, il a été décidé, à la demande de la commission des affaires économiques, de procéder à l’examen séparé de trois amendements : les deux amendements n os160 et 236 de suppression de l’article 1er, ainsi que l’amendement n° 512 tendant à la rédaction globale de cet article.

La parole est à Mme Odette Terrade, sur l'article.

Mme Odette Terrade. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet article 1er porte sur la mobilisation des acteurs du logement. Il ouvre donc un chapitre essentiel du projet de loi, chapitre dont l’intitulé, pour le moins positif, attire immédiatement l’attention.

Le rapport au fond de la commission des affaires économiques ne s’y trompe d’ailleurs pas, en soulignant le caractère volontariste de cet article. Le volontarisme dont il est question est pour nous assez largement teinté d’autoritarisme. En effet, l’article 1er vise à faire de ce qui était facultatif, c’est-à-dire les conventions globales de patrimoine, une impérieuse obligation des organismes bailleurs sociaux.

Au motif que ces organismes, sous des formes diverses, disposent d’aides publiques, de manière directe ou indirecte, nous serions en droit de leur demander des comptes et de mesurer la qualité de leur intervention, dans leur champ de compétence. S’il fallait commencer par là, madame la ministre, nous n’aurions pas fini de nous interroger sur la juste allocation de la ressource publique en matière de logement.

Car enfin, faut-il rappeler que la dépense publique pour le logement a profondément évolué ces dernières années et que cette évolution – hélas ! mille fois hélas ! –, pour les gouvernements auxquels vous avez apporté votre soutien, a privilégié le soutien à l’investissement locatif privé en lieu et place d’une véritable politique de maintien et de développement du logement social ?

Faut-il rappeler combien coûte aujourd’hui, dans les faits, un logement locatif privé réalisé sous l’empire du dispositif « Robien », ou même « Borloo », abusivement appelé « populaire », au regard de ce que l’État consacre au financement des logements PLA d’intégration, des logements PLUS et a fortiori des logements PLS ?

Quels paramètres d’évaluation a-t-on prévu pour les logements ainsi réalisés, le fait qu’ils gaspillent, dans certaines zones tendues du territoire, les faibles capacités foncières existantes pour les couvrir de logements de médiocre qualité environnementale, et promis à la vacance dans de nombreux endroits ?

Si l’incitation à l’investissement locatif privé a fait le bonheur de quelques contribuables avisés, elle fait aujourd’hui le malheur de certains autres, plus naïfs, qui ont acheté sur plans des programmes immobiliers soit invendables, soit impossibles à louer ?

Quels critères d’évaluation oppose-t-on aujourd’hui aux opérateurs spécialisés dans la vente à la découpe dont les agissements, dans certaines grandes villes du pays, ont précédé puis accompagné le mouvement général de hausse des prix et des loyers, assorti d’une spéculation foncière qui rend pratiquement impossible la réalisation de logements sociaux en centre-ville ?

Nous, parlementaires du groupe CRC, sommes convaincus, de manière générale, qu’avant de demander des comptes aux organismes bailleurs, même s’ils ne sont pas toujours exempts de reproches, il conviendrait que l’État s’interroge sur les formes actuelles de l’aide publique au logement et sur l’efficacité économique et sociale de cette aide.

La transformation des conventions globales de patrimoine pose d’ailleurs une autre question, que le rapport au fond évoque à notre sens un peu trop rapidement. Cette question, évaluation pour évaluation, c’est que le dispositif des conventions globales n’a pas encore fait l’objet de la moindre évaluation. On nous demande aujourd’hui d’abandonner un dispositif facultatif – sur lequel nous avions formulé à l’époque des réserves, faut-il le rappeler ? – dont on n’a mesuré ni les incidences ni l’efficacité sociale et économique.

Sait-on si les organismes signataires ont relancé la construction de logements, s’ils ont conduit une politique de cession de logements dynamique, quelle évolution ont connu les quittances des locataires à compter du classement de ces immeubles ? Non, on ne le sait pas !

On savait que les conventions existaient, qu’elles avaient été mises en œuvre, mais on n’a pas encore cherché à savoir comment, pourquoi, et jusqu’où. Et l’on nous propose de passer aujourd’hui à autre chose, de beaucoup plus coercitif et d’arbitraire, les indicateurs étant renvoyés à un décret en Conseil d’État, tandis que certains des acteurs du logement, collectivités locales, locataires, sont soigneusement tenus à l’écart ou faiblement intéressés au déroulement des opérations !

Pour ces motifs, mes chers collègues, nous n’acceptons pas cet article 1er.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, sur l'article.

Mme Nathalie Goulet. N’étant pas une spécialiste en la matière, je ne suis pas intervenue dans la discussion générale, mais je voulais profiter de cet article 1er qui concerne la mobilisation des acteurs pour vous dire aujourd’hui l’exaspération des maires ruraux au regard des nouvelles contraintes administratives liées au logement.

Certains élus dépensent une énergie considérable pour mettre en place des cartes communales. Ces cartes leur sont parfois refusées par l’autorité administrative sans aucune considération des conclusions des commissaires enquêteurs.

Ainsi, la commune de Saint-Evroult-de-Montfort, 310 habitants, qui a dépensé 18 000 euros pour élaborer une carte communale, souhaite bénéficier du développement économique de la commune voisine de Gacé. Or elle se trouve empêchée sans aucune raison valable : l’arrêté préfectoral refuse cette carte communale, usant et abusant des dispositions que l’on connaît tous concernant le mitage.

Madame la ministre, vous vous êtes rendue dans l’Orne, vous avez demandé aux maires d’être des maires bâtisseurs ; ils vous ont entendue, notamment à Gandelin, près d’Alençon. Chacun a retenu ces paroles, chacun a essayé, dans la limite de ses moyens, de les mettre en œuvre.

Il faudrait donc veiller à ce que l’administration, certes confortée par de nouvelles règles aberrantes de transport et de distribution d’électricité, n’ajoute pas la complication à la complication !

Comment voulez-vous apprécier le mitage, notion évidemment extrêmement relative, dans une commune comme Saint-Évroult-de-Montfort qui couvre 2 236 hectares pour 310 habitants ?

Le maire de cette commune m’a indiqué hier – c’est donc tout récent – que s’il n’obtenait pas satisfaction il démissionnerait avec l’ensemble de son conseil municipal, et je peux vous assurer qu’il n’est pas seul dans ce cas.

Je veux donc transmettre la colère, l’incompréhension et le sentiment d’injustice qui touchent les maires ruraux, dont nous savons vous et moi à quel point ils sont dévoués à leur territoire aussi bien qu’à leurs habitants.

La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains avait été qualifiée en son temps de « ruralicide ». Après quelques années d’application, le mot semble faible !

Pour être complète, j’ajoute que certaines directions départementales de l’équipement – pour peu qu’il en reste encore quelques-unes dans le département – exercent un chantage inacceptable sur les autorisations de permis de construire pour contraindre les maires à élaborer des documents d’urbanisme.

Je me garderai également d’oublier de mentionner les nouvelles contraintes en matière d’installation et d’extension des réseaux d’électricité, car les règles applicables en la matière, que je voudrais vous montrer, madame la ministre, comme vous nous avez montré hier un graphique à l’appui de vos propos, sont proprement illisibles.

M. Guy Fischer. C’est l’effet de la privatisation de GDF et d’EDF !

Mme Nathalie Goulet. Oui, mais je n’y peux rien !

M. le président. Poursuivez, madame Goulet !

Mme Nathalie Goulet. Je précise encore que nous attendons depuis des mois le décret relatif à la réfaction des tarifs.

Madame la ministre, la solution serait, à n’en pas douter, de transférer la compétence « urbanisme » aux intercommunalités, pour permettre à celles-ci d’avoir des techniciens capables de dégager les maires ruraux de ces contraintes.

M. Dominique Braye, rapporteur. Les communes peuvent déjà le faire !

Mme Nathalie Goulet. Bien sûr, mais on peut les encourager dans cette voie ! Flers et L’Aigle, notamment, l’ont fait, et Mortagne-au-Perche vient de suivre lentement.

M. le président. Le Sénat n’est pas l’Orne !

Mme Nathalie Goulet. Heureusement !

Nous aurons peut-être l’occasion, madame la ministre, de reparler, lors de l’examen de l’article 15, des zones de revitalisation rurale et donc de cette solution, mais je ne voulais pas manquer l’occasion qui m’était offerte de montrer que les maires ruraux sont des acteurs incontournables de notre société et qu’ils ne demandent qu’à suivre vos engagements. (M. Pierre-Yves Collombat applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Boutin, ministre. Madame le sénateur, j’ai bien reçu le message que vous venez de m’adresser : je vais le transmettre à mon collègue Jean-Louis Borloo, car, vous le savez, l’urbanisme ne relève pas de la compétence du ministre du logement.

M. Thierry Repentin. Nous le regrettons tous, madame la ministre !

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 160 est présenté par Mme Terrade, MM. Billout et Danglot, Mme Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen et rattaché.

L'amendement n° 236 est présenté par MM. Repentin et Raoul, Mme Herviaux, MM. Ries et Patient, Mme Khiari, MM. Caffet et Courteau, Mmes San Vicente-Baudrin et Voynet, MM. Lagauche et Godefroy, Mmes M. André et Ghali, MM. Collombat et Jeannerot, Mme Alquier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l’amendement n° 160.

M. Guy Fischer. Cet amendement est la suite logique de l’intervention de Mme Terrade sur cet article 1er qui, par certains aspects, constitue en quelque sorte la clé de voûte de l’ensemble du projet de loi du fait des objectifs qu’il fixe.

Il s’agit, nous l’avons vu à la lecture du texte, de mobiliser les acteurs du logement et on commence, madame la ministre, par une mobilisation qui s’apparente de plus en plus à une forme de réquisition, voire d’intimidation. Ce n’est pas une réquisition de logements vides laissés au gré de la spéculation immobilière ; c’est la réquisition des organismes bailleurs sociaux pour devenir les partenaires obligés de la régulation budgétaire.

Nous aurons l’occasion de reparler du problème des injonctions faites aux organismes d’HLM de récupérer le patrimoine vide pour le soustraire à la spéculation immobilière. Ainsi, le groupe Kaufman & Broad va abandonner de 120 à 130 programmes, Nexity en abandonnera 129…

M. Michel Mercier. Vous connaissez tous les programmes !

M. Guy Fischer. C’est que nous travaillons, monsieur Mercier !

Cet article 1er appelle encore quelques explications.

Nous l’avons vu, la convention d’utilité sociale prolonge les conventions globales de patrimoine dont le caractère facultatif, au-delà des incitations existantes – je pense notamment à la prolongation des périodes d’exonération de taxe foncière –, est établi.

Les conventions d’utilité sociale se substituent donc, sans que l’on en ait tiré tous les enseignements, à ces conventions facultatives, car avec la convention d’utilité sociale, nous sommes dans le champ de l’obligation légale.

Quelle conception avez-vous donc du mouvement HLM, madame la ministre, pour croire que les organismes bailleurs sociaux n’accomplissent pas suffisamment bien la mission que la loi leur assigne ?

Pénaliser ceux qui oublieraient de signer une convention d’utilité sociale ou d’en respecter les indicateurs, c’est pratiquer la double peine !

À cet égard, le fait que vous imposiez la signature au 1er janvier 2010 nous vexe. Nous sommes très mécontents !

Je vous ai entendue, et j’ai bu vos paroles, lors du congrès de Lyon. Vous annonciez alors la couleur : il s’agissait de faire partir du parc actuel plusieurs dizaines de milliers de locataires qui contribuent à l’équilibre social et d’obliger les offices d’HLM à vendre une partie de leur patrimoine pour reconstituer leurs fonds propres et pour pouvoir construire.

Tenons-nous en simplement à la question des ressources des ménages pour déterminer si les organismes d’HLM logent ou non des personnes ou des ménages qui seraient « trop » aisés et devraient quitter les lieux si l’on suivait la logique interne de votre texte.

Dans la synthèse du rapport sur l’occupation du parc social – document que vous connaissez, madame la ministre, puisque ce sont les services du ministère qui le produisent –, on apprend notamment que 93,2 % des ménages logés en HLM disposent de ressources inférieures au plafond PLUS en 2006, la proportion des ménages dont les ressources dépasseraient 140 % dudit plafond se situant aux alentours de 1 %.

Parmi les locataires de logements sociaux, 66,2 % ont des ressources inférieures à 60 % du plafond PLUS, équivalant dans les faits au plafond des programmes PLAI, prêts locatifs aidés d’intégration.

Signe des temps, la proportion de ces ménages à ressources extrêmement modestes s’est fortement accrue, gagnant pratiquement deux points par an depuis 2003, c’est-à-dire en particulier depuis que le dispositif « Robien » a été mis en œuvre. Il apparaît donc clairement que la flambée des loyers du secteur privé a contraint les organismes bailleurs sociaux à faire face à la situation de plus en plus dramatique d’une population exclue d’un marché du logement perturbé par ce dispositif.

On notera d’ailleurs que la proportion de locataires disposant de faibles ressources est singulièrement élevée dans certaines régions, notamment là où les dispositifs incitatifs de type « Robien » ont trouvé à s’appliquer pleinement.

Ainsi, plus de 70 % des ménages disposent de ressources inférieures à 60 % du plafond PLUS dans des régions comme la Corse, le Languedoc-Roussillon ou encore Midi-Pyrénées et Provence-Alpes-Côte d’Azur.

C’est pourquoi nous entendons approfondir tout au long du débat nos arguments. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 236.

M. Roland Courteau. Cet amendement vise à supprimer la généralisation de la convention d’utilité sociale.

Globalement, nous pensons que le système actuel ne doit pas évoluer. La convention d’utilité sociale que vous nous proposez, madame la ministre, n’est pas autre chose que l’extension et la généralisation du conventionnement global de patrimoine adopté dans la loi relative aux responsabilités locales en 2004.

Ce conventionnement est actuellement volontaire. Il permet aux organismes de travailler autrement et de définir de nouveaux objectifs de gestion du parc et d’accueil social, mais il n’a pas eu beaucoup de succès puisque, si la quasi-totalité des organismes a mis en place un plan stratégique de patrimoine, pratiquement aucun n’a signé de convention globale de patrimoine.

À l’origine, le conventionnement avait été présenté comme le cadre modernisé de définition et de mise en œuvre du service public du logement locatif social, sur la base d’un dialogue renouvelé avec l’État, les collectivités territoriales et les habitants. Malheureusement, le décret d’application de la loi de 2004 n’a été publié que le 8 mars 2007.

Ce n’est qu’au mois de mai suivant que l’USH, l’Union sociale pour l’habitat, a été en mesure de diffuser un document de référence à l’usage des organismes éventuellement candidats.

Dans un courrier en date du 4 mai 2007, un certain Alain Lecomte, aujourd’hui votre directeur de cabinet, madame la ministre, indiquait à l’USH qu’il s’apprêtait à suivre, avec elle, la mise en œuvre de cette « réforme importante » pour « repérer et traiter les difficultés qui ne seraient pas encore apparues ».

C’était voilà un tout petit plus d’un an. Est-ce suffisant pour évaluer l’impact d’une réforme ? Certainement pas ! Vous ne pouvez en effet pas nous affirmer aujourd’hui, dix-huit mois à peine après la publication du décret, que vous avez pu évaluer sereinement les effets du conventionnement global.

Nous pensons qu’il est trop tôt pour généraliser une réforme dont les incidences pourraient être considérables sur la politique patrimoniale des organismes et sur leur peuplement.

Nous ne sommes pas opposés, dans l’absolu, à ces contrats d’objectifs, mais, jusqu’à maintenant, le principe du volontariat était assorti d’avantages, sur la taxe foncière ou sur l’autonomie de gestion du patrimoine. Il y avait donc bien une carotte. En rendant la démarche obligatoire, vous supprimez la carotte pour ne garder que le bâton…

M. Guy Fischer. Très bien !

M. Thierry Repentin. Tout à fait !

M. Roland Courteau. …et vous prenez le risque que certaines conventions soient réalisées sur le même modèle à la va-vite, sans appropriation par l’organisme des enjeux qu’elles représentent en matière à la fois de gestion, de performance et de transparence, mais aussi de qualité du service rendu aux locataires.

Le rapporteur l’admet lui aussi, les pénalités sont tellement importantes qu’elles risquent de conduire certains organismes à limiter leurs ambitions pour éviter d’être sanctionnés.

Sous prétexte d’uniformiser le service d’intérêt général du logement social, vous précipitez une réforme sans avoir le recul nécessaire, vous assortissez ce qui devient une obligation de menaces et vous retirez l’initiative aux organismes pour la donner à un État qui, je vous le rappelle, a mis quatre ans à publier le décret d’application de la réforme précédente !

À l’inverse, nous souhaitons que le Gouvernement, l’Union des HLM et les collectivités prennent le temps de rechercher les conditions dans lesquelles ce conventionnement pourrait être généralisé sans contrainte et de la manière la plus efficace possible.

Cela pourrait être obtenu par l’augmentation des avantages à la signature d’une convention globale de patrimoine, solution à laquelle vous auriez pu penser, madame la ministre, et qui vous aurait évité de prendre, une fois encore, le mouvement HLM à rebrousse-poil.

Voilà autant de raisons qui nous incitent, mes chers collègues, à vous demander d’adopter notre amendement de suppression. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Dominique Braye, rapporteur. La commission, on le sait, soutient le dispositif de l’article 1er et ne peut donc être favorable à sa suppression.

Il me semble important de rappeler à nos collègues socialistes, en particulier à M. Repentin, que l’USH est d’accord pour les conventions d’utilité sociale…

M. Guy Fischer. Avec le couteau sous la gorge !

M. Dominique Braye, rapporteur. Non, nous ne mettons pas un couteau sous la gorge de l’USH,…

M. Guy Fischer. À peine !

M. Dominique Braye, rapporteur. …organisme que vous connaissez manifestement mal, monsieur Fischer, et, si je me suis adressé à M. Repentin, c’est parce que je sais que lui le connaît bien ! (M. Guy Fischer s’exclame.)

M. Roland Courteau. C’est sympathique !

M. Dominique Braye, rapporteur. Je suis obligé de constater que l’USH est tout à fait favorable aux conventions d’utilité sociale ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Guy Fischer. Sous conditions !

M. le président. Monsieur Fischer, laissez parler M. le rapporteur !

M. Roland Courteau. Le rapporteur nous agresse, monsieur le président !

M. Dominique Braye, rapporteur. Est-ce une agression de souligner que Thierry Repentin connaît bien l’USH ? Au contraire, je lui rends hommage !

M. Roland Courteau. C’est très « sport » de votre part !

M. Dominique Braye, rapporteur. Si les autres se sentent visés, je n’y peux rien ! Que j’adresse un compliment à l’un de vos collègues devrait pourtant vous satisfaire !

M. Pierre-Yves Collombat. Vous donnez des leçons en permanence !

M. Guy Fischer. Nous n’avons pas fini de discuter !

M. Pierre-Yves Collombat. On n’est pas à l’école !

M. Dominique Braye, rapporteur. La stimulation du processus conventionnel est indispensable pour mettre fin à la sédimentation des différentes conventions APL, laquelle aboutit, vous le savez, à des incohérences totales dans la gestion du patrimoine d’un bailleur, notamment en matière de montant de loyer.

Il s’agit donc d’un processus de modernisation de la gestion patrimoniale du parc social, engagée, je vous le rappelle, à la suite de la décision du Conseil de modernisation des politiques publiques du 4 avril dernier. Il permet ainsi de repositionner les relations entre l’État et les différents organismes dans un cadre contractuel, qui aborde l’ensemble de la politique du bailleur : loyers, occupations sociales, investissements. Il nous semble vraiment très opportun d’en prévoir la généralisation le plus rapidement possible, en tout cas d’ici à la fin de l’année 2010.

Nos collègues du groupe CRC nous reprochent de ne pas avoir évalué les conventions globales de patrimoine. Et pour cause : aucune n’a été signée ! Vous demandez le maintien d’un système qui ne donne pas satisfaction.

M. Guy Fischer. À cause de qui ?

M. Dominique Braye, rapporteur. Pour notre part, nous souhaitons faire évoluer la situation.

En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 160 et 236.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Boutin, ministre. Monsieur Fischer, il ne s’agit en aucune manière de pénaliser le monde HLM. Vous avez employé des mots très durs : « intimidation », « réquisition », « pénaliser ». Ce n’est absolument pas dans cet esprit qu’a été obtenu l’accord – car il s’agit bien d’un accord ! – entre l’État et le monde HLM sur les conventions d’utilité sociale.

Il revient à l’organisme d’HLM de formuler des propositions, sur le fondement desquelles s’instaurera un dialogue avec l’État. Vous le savez, l’État a une responsabilité à l’égard des organismes d’HLM en matière de contrôle et d’aides aux organismes en difficulté. Il s’agit donc d’un accord important, signé entre l’État et le monde HLM.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne doute pas que, sur l’ensemble des travées, vous y soyez sensibles : contrairement aux conventions globales de patrimoine, qui n’ont jamais vu le jour, les conventions d’utilité sociale apporteront un progrès indéniable. Au-delà de la construction et de la réhabilitation sont prévus un service rendu au locataire et un suivi du parcours résidentiel. Vous le verrez souvent au cours de la discussion de ce projet de loi, la dimension humaine est introduite dans tout ce qui touche au logement, en particulier le logement social. Avec les conventions d’utilité sociale, c’est un plus que nous apportons.

Pour ce qui est de la rétroactivité, monsieur le sénateur, l’examen de ce texte vous permettra de constater que le Gouvernement a avancé des propositions qui répondent à votre souhait et qui confirment l’engagement que j’ai pris devant le congrès de l’USH à Lyon.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 160 et 236.

Mme Annie David. Les conventions globales de patrimoine, dont le principe avait fait l’objet d’un accord entre le ministère et l’Union HLM, présentaient un caractère assez contradictoire. Il faut d’ailleurs rappeler que nous ne leur étions pas particulièrement favorables

Si l’on pouvait en effet apprécier de mesurer la participation d’un organisme d’HLM à la réponse à la demande sociale de logement ou se féliciter de voir celui-ci accomplir quelques efforts sur la qualité de service, nous pouvions aussi trouver plus discutable de faire entrer dans les pratiques de gestion la vente de logements sociaux ou l’instauration de loyers discriminants, fondés sur des considérations parfois divergentes d’un lieu à l’autre.

Il est à craindre qu’avec la nouvelle convention d’utilité sociale la vente de logements ne devienne un indicateur quasiment impératif. On pourrait presque se demander si cet impératif sera lié au plan local de l’habitat – bon nombre de ces plans ont pourtant vocation à développer la réalisation de logements sociaux – ou au plan stratégique de l’organisme lui-même : sa situation financière lui impose-elle nécessairement de s’autofinancer par la vente de logements ?

Cet impératif n’est-il pas plutôt lié aux objectifs que s’est fixés ce Gouvernement en matière de vente de logements HLM, objectifs dont nous pouvons douter de la pertinence à un moment où les tensions fortes que subissent les marchés financiers restreignent d’autant le volume des prêts susceptibles d’être accordés aux accédants modestes à la propriété ?

N’oublions jamais qu’avant d’être véritablement propriétaires la plupart des ménages qui ne sont pas locataires sont surtout redevables d’un emprunt tendant à l’accession pleine et entière à la propriété !

Comment pourrait-on aujourd’hui favoriser la dilution du patrimoine locatif social, au travers de la vente de logements HLM, au regard de la situation sociale réelle des résidents, alors même que le volume de prêts accordés aux ménages subit une contraction importante et que le secteur de la vente et de la promotion immobilières est marqué par la chute libre des opérations, du nombre des programmes engagés, des emplois ou encore du réseau d’agences ?

En pénalisant les organismes fautifs soit pour défaut de déclaration, soit pour non-atteinte des indicateurs d’évaluation, en privilégiant la vente de logements sociaux comme source de financement, ce projet de loi ajoute au respect du plan stratégique des organismes et des plans locaux de l’habitat la contribution forcée des acteurs du logement au redressement des comptes de l’État.

Plus d’autofinancement, c’est moins de subventions accordées sur la ligne budgétaire ! Les amendes et les pénalités, même versées à la Caisse de garantie du logement locatif social, deviennent autant de sommes qui n’ont pas à être engagées sur la ligne budgétaire.

Tels sont, mes chers collègues, les arguments que je voulais apporter au débat pour vous inciter à adopter ces amendements.