Articles additionnels après l'article 8
Dossier législatif : projet de loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion
Article 9

Article 8 bis

I. - Le titre VI du livre II du code de l'action sociale et des familles est complété par un chapitre V ainsi rédigé :

« CHAPITRE V

« Statut des personnes accueillies dans des organismes d'accueil communautaire et d'activités solidaires

« Art. L. 265-1. - Les organismes assurant l'accueil et l'hébergement de personnes en difficultés et qui ne relèvent pas de l'article L. 312-1 peuvent faire participer ces personnes à des activités d'économie solidaire afin de favoriser leur insertion sociale et professionnelle.

« Si elles se soumettent aux règles de vie communautaire qui définissent un cadre d'accueil comprenant la participation à un travail destiné à leur insertion sociale, elles ont un statut qui est exclusif de tout lien de subordination.

« Les organismes visés au premier alinéa garantissent aux personnes accueillies :

« - un hébergement décent ;

« - un soutien personnel et un accompagnement social adapté à leurs besoins ;

« - un soutien financier leur assurant des conditions de vie dignes.

« Les organismes visés au premier alinéa sont agréés par l'État dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. L'agrément accordé au niveau national à un groupement auquel sont affiliés plusieurs organismes locaux vaut agrément de ces organismes. Une convention est conclue entre l'État et l'organisme national qui précise les modalités selon lesquelles le respect des droits des personnes accueillies est garanti au sein de ses organismes affiliés. »

II. - L'article L. 241-12 du code de la sécurité sociale est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« - organismes visés à l'article L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles qui en font la demande.

« Au cas par cas, des organismes relevant des 8° et 12° du I de l'article L. 312-1 du présent code et du III du même article peuvent demander à bénéficier, pour les personnes accueillies, des conditions d'activité prévues au présent article. »

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, sur l’article.

Mme Annie David. L’adoption de l’article 8 bis par l’Assemblée nationale est venue combler un vide juridique et, par voie de conséquence, apporter de la sérénité à un certain nombre de structures et aux personnes qu’elles accueillent, avec lesquelles elles travaillent.

À n’en pas douter, l’adoption de cet amendement à l’unanimité des membres de la commission des affaires sociales témoigne du profond respect que les parlementaires ont pour les quelque 4000 compagnons d’Emmaüs. Et je crois pouvoir dire, en mon nom comme en celui de mes collègues sénatrices et sénateurs de gauche comme de droite, que ce respect nous est commun.

Vous comprendrez donc, mes chers collègues, que le groupe CRC ne votera pas contre cet article 8 bis.

Cependant, cet article nous interpelle, car, si les compagnons d’Emmaüs cotisent effectivement pour les caisses d’assurances sociales et familiales et peuvent bénéficier des prestations correspondantes à ces cotisations, nous craignons fort qu’il n’en aille pas de même s’agissant de la branche vieillesse.

Notre interrogation est d’autant plus forte que nous redoutons, en raison de la situation d’exclusion et de dénuement qui a été celle des compagnons d’Emmaüs, que le seul salut soit, pour eux, une fois l’âge de la retraite venu, le minimum vieillesse, dont chacun, dans cet hémicycle, s’accordera à reconnaître qu’il n’est pas suffisant pour finir sa vie dans la dignité.

Enfin, si nous pouvons nous satisfaire de cette mesure, nous sommes toutefois inquiets des conséquences de la création de cette nouvelle forme de statut légal, qui vient s’ajouter au salariat, au bénévolat et au volontariat associatif.

C’est pourquoi les sénatrices et sénateurs communistes continueront de se mobiliser, avec l’ensemble des acteurs de l’insertion par l’activité, pour veiller à ce que les principes définis dans cet article 8 bis ne soient pas dévoyés à des fins beaucoup moins nobles.

Mme la présidente. L'amendement n° 310, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. - Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles par un alinéa ainsi rédigé :

« Au cas par cas, des organismes relevant des 8° et 12° du I de l'article L. 312-1 du présent code et du III du même article peuvent demander à bénéficier, pour les personnes accueillies, des conditions d'activité prévues au présent article. »

II. - En conséquence, supprimer le dernier alinéa du II.

La parole est à M. le haut-commissaire.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, dont je dirai un mot avant d’en venir, plus généralement, à l’article 8 bis, qui, vous l’imaginez, me tient à cœur.

En réalité, cet article, tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale, ne concerne pas seulement Emmaüs, mais aussi d’autres associations qui partagent la même philosophie. Je pense notamment à l’association Espoir, très active dans l’est de la France, à Colmar, qui fonctionne en lien avec une entreprise d’insertion et dont le système de compagnonnage diffère légèrement de celui d’Emmaüs.

Nous avons voulu intégrer dans le dispositif prévu à l’article 8 bis les différentes associations qui travaillent dans cet esprit, tout en veillant à éviter d’éventuelles dérives, en prévoyant un conventionnement de ces associations avec l’État, dont l’objet sera de s’assurer du respect d’un certain nombre de principes.

L’amendement n° 310 a simplement pour objet de rectifier l’insertion erronée de cet alinéa, qui a sa place non pas dans le code de la sécurité sociale, mais dans celui de l’action sociale et des familles.

Je voudrais préciser à Mme David qu’on ne crée pas un nouveau statut légal, mais qu’on met fin à une situation de « non-statut » qui durait depuis soixante ans. Quand l’abbé Pierre a créé la première communauté, à Neuilly-Plaisance, en 1949, l’idée était d’accueillir tous ceux qui étaient exclus des entreprises, de l’administration, qui étaient souvent d’anciens détenus. Par la suite, cette population a été élargie à d’autres populations, jeunes et moins jeunes, le but étant de les faire travailler tous ensemble, de manière qu’ils puissent vivre de leurs revenus.

Au terme de débats passionnés, Emmaüs a refusé que ses compagnons perçoivent le RMI, et ce pour différentes raisons. Les compagnons vivent de leurs revenus sans pour autant être les salariés du bénévole ou du responsable de la structure dans laquelle ils travaillent. Il n’existe entre les uns et les autres aucun lien de subordination. Pour autant, s’ils rejettent la solution du salariat, ils n’en veulent pas moins bénéficier d’un certain nombre de garanties pour éviter toute exploitation.

Les compagnons d’Emmaüs tenaient aussi, comme à la prunelle de leurs yeux, à l’accueil inconditionnel de tout un chacun. Dans cet esprit, il n’était pas question de demander à un nouvel arrivant ses papiers, son curriculum vitae ou de décliner son état-civil. La seule exigence était qu’il acceptât de travailler et de partager. Du coup, cette liberté était incompatible avec toute mesure tant soit peu contraignante.

Tous les dix ans, il m’arrive d’intégrer les sphères gouvernementales. (Sourires.) En 1998, alors que j’étais aux cabinets de Martine Aubry et de Bernard Kouchner, j’ai veillé à ce que les compagnons puissent cotiser au régime vieillesse, comme s’ils étaient salariés. Dans ce cadre, il a été considéré que leur pécule équivalait à 40 % du SMIC. Parallèlement, et par voie de conséquence, d’autres droits leur ont été ouverts, comme la prime pour l’emploi. À cet égard, je ne doute pas que la mise en place du RSA donnera lieu à des débats très intéressants au sein d’Emmaüs.

Les compagnons cotisent donc au régime vieillesse. Lorsqu’ils sont depuis longtemps dans les communautés, ils perçoivent, la plupart du temps, le minimum vieillesse, ce qui soulève la question du complément de retraite. À la tête d’Emmaüs, j’avais entamé des réflexions sur ce sujet. La convention qui sera passée entre l’État et Emmaüs permettra peut-être de l’aborder sous un nouvel angle, y compris à la lumière du RSA. De fait, cotisant sur la base de 40 % du SMIC, ils sont dans le même cas que les salariés qui perçoivent 40 % du SMIC, auxquels s’applique le RSA. Vous voyez les effets positifs que cela peut avoir !

Ainsi, en 2009, soixante ans après la création d’Emmaüs, la représentation nationale s’apprête enfin à reconnaître les spécificités d’un système fondé sur l’autonomie, l’indépendance, la liberté de pensée, qui a permis à des dizaines de milliers de personnes de se remettre debout. Ce qui n’était jusqu’à présent que toléré par un arrêt de la Cour de Cassation sera désormais consacré par la loi.

J’ai entendu à ce propos la réaction de satisfaction des compagnons d’Emmaüs qui étaient présents dans les tribunes de l’Assemblée nationale lors de l’examen de ce texte.

L’abbé Pierre est moi-même avions demandé à plusieurs Premiers ministres un statut pour les compagnons d’Emmaüs. En dépit d’une réponse chaque fois positive, cette demande n’a jamais abouti : on nous expliquait qu’il fallait prendre un décret, que les anciens détenus étaient un cas à part, etc. C’est donc quelque chose d’extraordinaire pour Emmaüs. Si c’est nécessaire, je reviendrai dans dix ans, en 2018… (Sourires.)

Madame la sénatrice, j’espère avoir levé vos appréhensions relatives à cette question de la couverture vieillesse et, au nom d’Emmaüs, de l’association Espoir de Colmar et de bien d’autres associations qui travaillent dans le même esprit, je remercie par avance le Sénat de bien vouloir voter cet article qui consacre leur statut.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Bernadette Dupont, rapporteur. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 310.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je constate que cet amendement est adopté à l’unanimité.

Je mets aux voix l'article 8 bis, modifié.

(L'article 8 bis est adopté.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Roger Romani.)

PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 9.

Article 8 bis
Dossier législatif : projet de loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion
Articles additionnels après l'article 9

Article 9

Le code du travail est ainsi modifié :

1° Les 3° et 5° de l'article L. 1111-3 sont abrogés ;

2° Le 3° de l'article L. 1251-33, le 5° de l'article L. 1251-37 et les 2° et 4° de l'article L. 2313-5 sont abrogés ;

3° Dans le premier alinéa des articles L. 2323-48 et L. 2323-54, les mots : «, à des contrats d'accompagnement dans l'emploi, à des contrats insertion-revenu minimum d'activité et à des contrats d'avenir » sont remplacés par les mots : « et à des contrats d'accompagnement dans l'emploi » ;

4° Dans le deuxième alinéa de l'article L. 3252-3, les mots : « d'insertion » sont remplacés par les mots : « garanti mentionné à l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles » ;

5° Le 2°de l'article L. 5132-3 est ainsi rédigé :

« 2° Aux aides financières aux entreprises d'insertion, aux entreprises de travail temporaire d'insertion et aux ateliers et chantiers d'insertion mentionnées au premier alinéa de l'article L. 5132-2. » ;

6° L'article L. 5132-5 est ainsi rédigé :

« Art. L. 5132-5. - Les entreprises d'insertion concluent avec des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières des contrats à durée déterminée en application de l'article L. 1242-3.

« Ces contrats peuvent, aux fins de développer l'expérience et les compétences du salarié, prévoir, par avenant, une période d'immersion auprès d'un autre employeur dans les conditions prévues à l'article L. 8241-2. Un décret détermine la durée, les conditions d'agrément et d'exécution de cette période d'immersion. 

«  La durée de ces contrats ne peut être inférieure à quatre mois. 

« Ces contrats peuvent être renouvelés dans la limite d'une durée totale de vingt-quatre mois.

« À titre dérogatoire, ces contrats peuvent être renouvelés au-delà de la durée maximale prévue en vue de permettre d'achever une action de formation professionnelle en cours de réalisation à l'échéance du contrat. La durée de ce renouvellement ne peut excéder le terme de l'action concernée.

« La durée hebdomadaire de travail du salarié embauché dans ce cadre ne peut être inférieure à vingt heures. Elle peut varier sur tout ou partie de la période couverte par le contrat sans dépasser la durée légale hebdomadaire. Les périodes travaillées permettent de valider un trimestre de cotisations d'assurance vieillesse dans les conditions de l'article L. 351-2 du code de la sécurité sociale.

« Ce contrat peut être suspendu, à la demande du salarié, afin de lui permettre :

« 1° En accord avec son employeur, d'effectuer une évaluation en milieu de travail prescrite par l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 ou une action concourant à son insertion professionnelle ; 

« 2° D'accomplir une période d'essai afférente à une offre d'emploi visant une embauche en contrat de travail à durée indéterminée ou à durée déterminée au moins égale à six mois.

« En cas d'embauche à l'issue de cette évaluation en milieu de travail ou de cette période d'essai, le contrat est rompu sans préavis. » ;

7° Après l'article L. 5132-11, il est inséré un article L. 5132-11-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 5132-11-1. - Les associations intermédiaires peuvent conclure avec des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières des contrats à durée déterminée en application de l'article L. 1242-3.

« Ces contrats peuvent, aux fins de développer l'expérience et les compétences du salarié, prévoir, par avenant, une période d'immersion auprès d'un autre employeur dans les conditions prévues à l'article L. 8241-2. Un décret détermine la durée, les conditions d'agrément et d'exécution de cette période d'immersion. 

« La durée de ces contrats ne peut être inférieure à quatre mois. 

« Ces contrats peuvent être renouvelés dans la limite d'une durée totale de vingt-quatre mois.

« À titre dérogatoire, ces contrats peuvent être renouvelés au-delà de la durée maximale prévue en vue de permettre d'achever une action de formation professionnelle en cours de réalisation à l'échéance du contrat. La durée de ce renouvellement ne peut excéder le terme de l'action concernée.

« La durée hebdomadaire de travail du salarié embauché dans ce cadre ne peut être inférieure à vingt heures. Elle peut varier sur tout ou partie de la période couverte par le contrat sans dépasser la durée légale hebdomadaire. Les périodes travaillées permettent de valider un trimestre de cotisations d'assurance vieillesse dans les conditions de l'article L. 351-2 du code de la sécurité sociale.

« Ce contrat peut être suspendu, à la demande du salarié, afin de lui permettre :

« 1° En accord avec son employeur, d'effectuer une évaluation en milieu de travail prescrite par l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 ou une action concourant à son insertion professionnelle ;

« 2° D'accomplir une période d'essai afférente à une offre d'emploi visant une embauche en contrat de travail à durée indéterminée ou à durée déterminée au moins égale à six mois.

« En cas d'embauche à l'issue de cette évaluation en milieu de travail ou de cette période d'essai, le contrat est rompu sans préavis. » ;

8° Après l'article L. 5132-15, il est inséré un article L. 5132-15-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 5132-15-1. - Les ateliers et chantiers d'insertion peuvent conclure avec des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières des contrats à durée déterminée en application de l'article L. 1242-3.

« Ces contrats peuvent, aux fins de développer l'expérience et les compétences du salarié, prévoir, par avenant, une période d'immersion auprès d'un autre employeur dans les conditions prévues à l'article L. 8241-2. Un décret détermine la durée, les conditions d'agrément et d'exécution de cette période d'immersion.

« La durée de ces contrats ne peut être inférieure à quatre mois. 

« Ces contrats peuvent être renouvelés dans la limite d'une durée totale de vingt-quatre mois.

« À titre dérogatoire, ces contrats peuvent être renouvelés au-delà de la durée maximale prévue en vue de permettre d'achever une action de formation professionnelle en cours de réalisation à l'échéance du contrat. La durée de ce renouvellement ne peut excéder le terme de l'action concernée.

« La durée hebdomadaire de travail du salarié embauché dans ce cadre ne peut être inférieure à vingt heures. Elle peut varier sur tout ou partie de la période couverte par le contrat sans dépasser la durée légale hebdomadaire. Les périodes travaillées permettent de valider un trimestre de cotisations d'assurance vieillesse dans les conditions de l'article L. 351-2 du code de la sécurité sociale.

« Ce contrat peut être suspendu, à la demande du salarié, afin de lui permettre :

« 1° En accord avec son employeur, d'effectuer une évaluation en milieu de travail prescrite par l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 ou une action concourant à son insertion professionnelle ;

« 2° D'accomplir une période d'essai afférente à une offre d'emploi visant une embauche en contrat de travail à durée indéterminée ou à durée déterminée au moins égale à six mois.

« En cas d'embauche à l'issue de cette évaluation en milieu de travail ou de cette période d'essai, le contrat est rompu sans préavis. » ;

9° À l'article L. 5133-1 et au dernier alinéa de l'article L. 5133-2, les mots : «, du revenu minimum d'insertion ou de l'allocation de parent isolé » sont supprimés, ainsi que le deuxième alinéa de l'article L. 5133-2.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.

Mme Annie David. Contrairement au financement du RSA, l’article 9 n’a pas fait l’objet d’une grande couverture médiatique. Pourtant, les différents acteurs de l’insertion par l’activité économique, qu’il s’agisse des entreprises d’insertion, des ateliers et chantiers d’insertion ou des associations intermédiaires, jouent un rôle important dans nos départements, lesquels assument seuls, ou presque, les missions de solidarité.

Cet article vise donc à permettre aux ateliers et chantiers d’insertion de bénéficier des aides de l’État selon le même mécanisme que celui dont bénéficient les entreprises d’insertion.

Si cette mesure va dans le bon sens, autant vous dire qu’elle demeure insuffisante, et ce à plus d’un titre.

Vous avez refusé, monsieur le haut-commissaire, malgré les propositions formulées par les députés de gauche, d’étendre le financement de l’État aux associations intermédiaires, dont on sait pourtant qu’elles jouent un rôle important dans l’insertion par l’économie, particulièrement en regard des publics qu’elles accueillent. Ce refus ne peut s’expliquer sur le fond ; la vague expérimentation que vous proposez ne peut suffire.

Comment pourriez-vous expliquer que ces structures ne bénéficient pas durablement des financements dont nous discutons aujourd’hui ? Est-ce à dire que vous considérez que les associations intermédiaires ne jouent pas pleinement leur rôle ? Je n’ose le croire.

C’est donc du côté de l’Élysée que je me tourne pour y trouver une réponse devenue habituelle depuis un certain temps : les caisses de l’État seraient vides. Elles le seraient d’autant plus que, pour le Président de la République, l’insertion par l’économie est non un investissement, mais d’abord et avant tout un coût. Il a ainsi précisé à l’occasion du Grenelle de l’insertion que « les politiques sociales ne devaient pas aggraver le déficit de l’État ».

Si vous doutez de mes dires, monsieur le haut-commissaire, je vous invite à lire le numéro 43, de juin-septembre 2008, d’Info-Réseau, le journal d’information du Comité national de liaison des régies de quartier, qui se fait l’écho de ces propos.

La mesure que vous proposez est également insuffisante, parce que les subventions de l’État deviennent de plus en plus difficiles à obtenir et, pardonnez-moi cette formule, de plus en plus difficiles à « toucher ». Ce que les acteurs de l’insertion que nous avons pu rencontrer nous racontent, c’est la raréfaction des aides de l’État. À cet égard, je vous renvoie à l’éditorial de La Lettre des Acteurs de juin 2008, dans lequel Jean-Pierre Caillon, président de Chantier école, annonce : « Chaque jour nous apprenons qu’un chantier a déposé le bilan ».

Vous comprendrez donc que nous ne puissions nous satisfaire de cet article, qui, mis en corrélation avec les récentes annonces budgétaires du Gouvernement, donne plus que jamais l’impression que ce projet de loi, particulièrement son volet « insertion », est un texte d’affichage, bien nécessaire, je l’admets, dans une situation de crise comme celle que nous rencontrons aujourd’hui.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 208, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Dans le 1° de cet article, remplacer la référence :

par les références :

2°, 3°,4°

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Par cet amendement, nous entendons dénoncer une pratique gouvernementale devenue habituelle : exclure du calcul des effectifs des entreprises les salariés titulaires d’un CAE, contrat d’accompagnement dans l’emploi, ou d’un CIE, contrat initiative-emploi. Pourtant, rien ne justifie cette exclusion, si ce n’est la volonté exprimée par le MEDEF et le patronat d’éviter certains franchissements de seuil, déclencheurs de nouveaux droits sociaux pour les salariés et, par voie de conséquence, d’obligations à la charge de l’employeur.

Décidément, ce projet de loi ne se distingue pas de ceux que notre commission a l’habitude d’examiner. C’est toujours la même ritournelle : des devoirs pour les salariés et des mesures de contournement pour le patronat ! Je vous prie de croire que cela me désole encore plus que ce soit vous qui le présentiez, monsieur Hirsch.

En intégrant un tel dispositif, vous faites vôtre tout le discours des plus libéraux de l’UMP, qui ne cessent de dénoncer un coût du travail trop élevé, en raison de quoi il faudrait prendre toutes les mesures pour le réduire. Mais le message envoyé aux salariés ainsi exclus du calcul du nombre de salariés de l’entreprise est catastrophique : on les déconsidère et on les méprise. Cela va à l’opposé de ce que vous annonciez vouloir faire.

C’est la raison pour laquelle nous vous invitons, mes chers collègues, à voter cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 44, présenté par Mme B. Dupont, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Compléter le 1° de cet article par les mots :

et le 4° du même article est complété par les mots : « pendant la durée de la convention mentionnée à l'article L. 5134-19-1 »

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Bernadette Dupont, rapporteur. Cet amendement de coordination résulte du fait que le CAE pourra désormais être conclu pour une durée déterminée ou indéterminée, et non plus seulement pour une durée déterminée, comme c'est le cas actuellement. Je rappelle que les CAE interviennent dans le secteur non marchand.

En ce qui concerne donc les futurs CAE à durée indéterminée, il faut limiter à la période couverte par la convention conclue entre l'employeur, le salarié et l'État, l'absence de prise en compte des intéressés dans le calcul des effectifs des entreprises.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Je veux tout d’abord répondre aux deux critiques que vous avez formulées, madame David : la première porte sur les crédits et la mise en danger des structures d’insertion ; la seconde a trait à l’avis défavorable qu’a émis le Gouvernement sur un amendement présenté à l’Assemblée nationale. J’aborderai ensuite l’accusation que vous avez portée sur cet article en présentant votre amendement.

Je sais très bien que certaines structures d’insertion connaissent des difficultés et se trouvent obligées de fermer – heureusement, il y en a aussi qui ouvrent ! C’est pourquoi nous voulons changer le mode de financement. Aujourd’hui, on est obligé de procéder à des répartitions : dès lors qu’une nouvelle structure arrive, on prend à l’une pour donner à l’autre. Il s’agit presque d’un fonctionnement en vase clos.

Cela dit, si vous regardez les crédits budgétaires consacrés à l’insertion par l’activité économique, vous remarquerez qu’ils n’ont pas baissé. Ils ont même augmenté ces dernières années. Ils sont ainsi passés de 100 millions d’euros en 2004 à 179 millions d’euros en 2005 et à 193 millions d’euros en 2006. En 2007, en 2008 et dans le projet de budget pour 2009, ils se stabilisent à 197 millions d’euros.

Je le répète, nous avons besoin d’apporter des transformations pour pouvoir redonner à ce secteur une dynamique. C’est ce que nous essayons de faire.

L’amendement que le Gouvernement a refusé anticipait en fait les résultats de discussions actuellement en cours avec les acteurs de l’insertion par l’activité économique dans la perspective de remplacer le financement au titre des contrats aidés, dont on connaît les effets de yoyo, par des aides au poste. Il nous était donc difficile d’accepter ledit amendement au moment où nous entamions ces discussions, d’autant plus qu’elles sont loin d’être simples, les uns étant pour, les autres, notamment les associations intermédiaires, hésitant à souscrire à ce mécanisme. Je pense que nous aurons d’autres rendez-vous sur le sujet.

J’en viens à l’amendement n° 208 et à la critique de l’article 9.

Concrètement, cet article vise à maintenir un système qui, j’en conviens avec vous, n’est pas satisfaisant. Un certain nombre de salariés en contrat d’insertion, par exemple les stagiaires, ne sont en effet pas considérés comme faisant partie des effectifs pour des raisons d’effets de seuil.

Je vais vous expliquer pourquoi nous maintenons ce système et pourquoi je vais émettre un avis défavorable sur votre amendement.

Ne soyons pas angéliques : si nous modifions ce système, nous savons très bien que des entreprises saisiront immédiatement l’occasion pour ne plus embaucher en contrat unique d’insertion. Pour autant, je ne me résigne pas face à cette situation.

Vous le savez, nous nous sommes battus comme des beaux diables pour introduire l’insertion dans le dialogue social. Ce thème n’avait jamais été pris en compte auparavant. On parlait de grands principes, on parlait des comités d’entreprise ou de ce genre de chose, mais jamais ô grand jamais de l’insertion.

Je me souviens que j’ai dû arracher cet accord à Laurence Parisot, le 27 mai, à neuf heures quinze, juste avant la conclusion du Grenelle de l’insertion. C’est précisément parce qu’un tel accord permet de discuter de ces questions qu’il a été difficile à obtenir.

Moyennant quoi, les partenaires sociaux peuvent désormais s’emparer de ce thème et susciter toutes les évolutions qu’ils souhaitent. Ils ont d’ailleurs commencé à le faire. Nous aurons ainsi réparé une anomalie.