compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Candidatures à des commissions mixtes paritaires

M. le président. J’informe le Sénat que la commission des affaires sociales m’a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion.

Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.

J’ai reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi en faveur des revenus du travail.

J’informe le Sénat que la commission des affaires sociales m’a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à cette commission mixte paritaire.

Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.

3

 
Dossier législatif : proposition de résolution tendant à modifier l'article 3 du Règlement du Sénat afin de renforcer le pluralisme dans l'organe dirigeant du Sénat
Discussion générale (suite)

Modification de l'article 3 du règlement du Sénat

Adoption des conclusions du rapport d’une commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution, présentée par M. Gérard Larcher, tendant à modifier l’article 3 du règlement du Sénat afin de renforcer le pluralisme dans l’organe dirigeant du Sénat (nos 3, 44).

Dans la discussion générale, la parole est M. le rapporteur.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de résolution tendant à modifier l'article 3 du Règlement du Sénat afin de renforcer le pluralisme dans l'organe dirigeant du Sénat
Article unique

M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, mes chers collègues, mon intervention sera brève, car la proposition de résolution déposée par M. le président du Sénat n’appelle pas de longues digressions. Il s’agit de faire passer de six à huit le nombre des vice-présidents, et de douze à quatorze celui des secrétaires.

Je rappelle que nous avons déjà connu un précédent historique en 1991, lorsque le nombre des vice-présidents du Sénat a été porté de quatre à six.

Quelles raisons ont-elles incité le président du Sénat à déposer cette proposition de résolution ? Elles sont à mon avis nombreuses, et je vais m’efforcer de les résumer.

Il s’agit, en premier lieu, d’assurer une meilleure répartition de nos travaux.

Chacun a pu s’apercevoir, au cours des derniers mois, que la surcharge de travail a été considérable. Nous avons souvent dû siéger du lundi au samedi, jour et nuit, pour examiner une multiplicité de textes, dont beaucoup après déclaration d’urgence : les vice-présidents ont donc dû se succéder au « plateau » afin d’assurer le bon déroulement de nos travaux. On peut légitimement se demander, dans ces conditions, si le nombre de six vice-présidents est suffisant pour faire face à la tâche.

De même, monsieur le président, vous avez souhaité à bon escient faire passer le nombre des secrétaires de douze à quatorze. Il est en effet arrivé à plusieurs reprises qu’aucun des douze secrétaires, tous pris par de nombreuses obligations, ne soit présent en séance. Avec l’augmentation de l’effectif, la présence de certains secrétaires en séance sera donc garantie de façon plus satisfaisante.

Cette meilleure répartition du travail va de pair avec le souci d’assurer une meilleure représentation des groupes parlementaires au sein du bureau du Sénat.

Si nous appliquions un système strictement proportionnel, il est à craindre, du fait de l’importance numérique du groupe de l’UMP et du groupe socialiste, que les petits groupes comptant une quinzaine de membres ne disposent pas du nombre de représentants qu’ils souhaitent au sein d’un bureau comprenant seulement six vice-présidents et douze secrétaires.

Il faut noter que la préoccupation exprimée par le président du Sénat au travers de cette proposition de résolution correspond parfaitement à l’article 4 de la Constitution, ainsi qu’à l’article 51-1 qui vise à assurer une meilleure représentation des groupes politiques au sein des différentes instances des assemblées parlementaires.

Il s’agit là, plus globalement, des prémices des révisions constitutionnelle et parlementaire qui doivent intervenir jusqu’au mois de juin prochain.

La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République nous impose d’adopter sept lois organiques, une révision de notre règlement, ainsi qu’un certain nombre de lois ordinaires. Ce travail considérable doit aboutir à la modification finale du règlement du Sénat sans doute en deux temps, en mars, puis en juin. Il ne serait donc pas opportun d’adopter d’ores et déjà des dispositions tendant à modifier trop en profondeur notre règlement.

C’est la raison pour laquelle j’émettrai un avis défavorable sur les amendements déposés sur cette proposition de résolution, car ils tendent à transformer profondément l’organisation du bureau et de la conférence des présidents, ainsi que le mode de désignation des dignitaires du Sénat. Je propose donc que ces amendements, qui soulèvent des questions aussi importantes que la parité et la représentation des groupes au sein du bureau ou des commissions, soient renvoyés à plus tard, en même temps que l’examen en profondeur de la révision du règlement du Sénat.

Je tiens enfin à souligner, afin de rassurer les uns et les autres, que le passage de six à huit vice-présidents et de douze à quatorze secrétaires se fera à dépenses constantes : pas un centime supplémentaire ne sera déboursé et nul nouveau crédit ne sera imputé au budget du Sénat. Ces modifications interviendront grâce à une meilleure répartition entre les dignitaires des indemnités et du pool automobile. La création de ces nouveaux postes ne coûtera donc pas un sou au budget sénatorial.

Mes chers collègues, je vous demande donc d’adopter sans modification cette proposition de résolution déposée par le président du Sénat. (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le président, mes chers collègues, compte tenu de la conjoncture actuelle, dans notre pays et ailleurs, on peut s’étonner de la rapidité avec laquelle nous est soumise cette proposition de résolution, dont la discussion va nous prendre un certain temps, et ce alors même que le président du Sénat nous avait annoncé le lancement d’une réflexion générale sur le règlement.

Pourquoi anticiper cette réflexion en créant, comme par un coup de baguette magique, deux postes supplémentaires de vice-président et deux postes supplémentaires de secrétaire ?

La modification de notre règlement devrait avoir pour but – mais ici, rien n’est jamais gagné d’avance ! – de faire une plus juste place à l’opposition et d’assurer à cette dernière l’exercice de ses droits, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

En réalité, monsieur le président, vous avez choisi la voie de la facilité, faute de pouvoir arbitrer entre les deux groupes de votre majorité, celui de l’UMP et celui de l’Union centriste. En récupérant quatre vice-présidences, le groupe de l’UMP a privé l’Union centriste du poste qui aurait dû lui revenir dans le cadre de la représentation proportionnelle.

Voilà pourquoi on nous soumet cette proposition, résultat de petits arrangements entre amis,…

M. Jean-Pierre Demerliat. Plutôt des meurtres !

M. Jean-Pierre Michel. ... afin qu’il n’y ait pas trop de déçus.

En 1991, déjà, le Sénat avait modifié son règlement en faisant passer de quatre à six le nombre des vice-présidents et de huit à quatorze, puis à douze, celui des secrétaires. Cette discussion avait d’ailleurs retenu le Sénat durant une longue séance de nuit, tant les oppositions à cette proposition étaient nombreuses.

Notre collègue Jean Arthuis, qui se tait bien entendu aujourd’hui car il préside une commission, avait alors fustigé les arrangements et les compromissions qui avaient présidé à cette modification du règlement.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Autre époque !

M. Jean-Pierre Michel. Par ailleurs, cette proposition introduit une dissymétrie choquante entre le bureau de l’Assemblée nationale et celui du Sénat.

L’Assemblée nationale, avec 577 députés, ne compte que six vice-présidents et douze secrétaires quand le Sénat, avec 343 sénateurs pour l’instant, comptera huit vice-présidents et quatorze secrétaires car, paraît-il, la surcharge de travail serait trop lourde ! Le doyen Patrice Gélard arguerait-il de la moyenne d’âge des sénateurs pour tenir de tels propos ? 

En réalité, il ne s’agit pas du tout de cela !

Le Sénat ressemblera donc à une armée mexicaine composée surtout de dignitaires, avec nombre de vice-présidents, de présidents de commission et de secrétaires. Quant aux soutiers, ils assureront la présence en séance et feront le travail !

Le groupe socialiste est fidèle à la position qu’il a toujours défendue et qu’il a soutenue en 1991, par la voix de notre collègue Guy Allouche, en faveur de la représentation proportionnelle des groupes dans toutes les instances, c’est-à-dire au sein tant du bureau du Sénat que des bureaux des commissions. S’agissant de ce dernier point, monsieur le président de la commission des lois, l’adjonction de vice-présidents supplémentaires ne résout pas la question.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Si !

M. Jean-Pierre Michel. La représentation proportionnelle est un système objectif. Elle n’est pas dirigée contre un groupe : il s’agit non pas de déplaire ou de plaire à tel ou tel, mais de répartir les postes conformément à la représentation des groupes politiques au sein de cette assemblée. Si un groupe est trop peu important en nombre pour bénéficier d’un poste de vice-président, un poste de secrétaire doit alors lui revenir afin de lui permettre d’être représenté au bureau. Il en est d’ailleurs ainsi à l’Assemblée nationale, où les postes sont affectés d’un coefficient permettant la représentation de tous les groupes au sein du bureau.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !

M. Jean-Pierre Michel. Le groupe socialiste représente aujourd'hui un tiers environ de la Haute Assemblée, proportion qui devrait se retrouver au sein du bureau. Or, aujourd’hui, alors que le groupe UMP, qui compte cent cinquante et un membres, dispose de quatre vice-présidents, le groupe socialiste, avec cent seize membres, n’en a que deux. C’est caricatural ! Et je ne parle même pas des présidences de commission, toutes dévolues à la majorité, alors que, à l’Assemblée nationale, depuis le dernier renouvellement, la commission des finances est présidée par un socialiste.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, l’application de la représentation proportionnelle donnerait trois vice-présidents pour l’UMP et trois vice-présidents pour le groupe socialiste.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Parce que cent cinquante et un et cent seize, c’est la même chose ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Drôle de calcul !

M. Jean-Pierre Michel. Si le nombre de vice-présidents était augmenté, ce calcul devrait naturellement être revu en conséquence.

La proposition de résolution soulève plusieurs questions. Comment sera mise en œuvre la réforme du règlement du Sénat ? Allons-nous seulement élire les candidats aux postes nouvellement créés ou devrons-nous réélire l’ensemble des membres du bureau, hormis le président du Sénat ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Mais non !

M. Jean-Pierre Michel. Si le règlement était appliqué à la lettre, c’est selon moi cette dernière formule qui devrait prévaloir. Bien entendu, il n’en sera rien ! Il ne faut surtout pas prendre le risque de revenir sur les petits arrangements conclus entre les uns et les autres à l’occasion d’une nouvelle élection à bulletins secrets. Les coups de poignard dans le dos pourraient évidemment se multiplier ! (Sourires.)

M. Michel Charasse. Cela ne se fait pas ici ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean-Pierre Michel. Si seuls devaient être pourvus les nouveaux postes, alors les deux postes de secrétaires devraient impérativement revenir au groupe socialiste, en vertu de l’article 3, alinéa 9, de notre règlement. Le groupe socialiste serait ainsi normalement représenté au sein du bureau. Il compte pour cela sur le président du Sénat, qui a déclaré lors de son allocution du 14 octobre dernier qu’il comptait réformer un certain nombre des pratiques de la Haute Assemblée, ce en quoi il a vraisemblablement raison.

Toutefois, même si ces postes revenaient au groupe socialiste, les droits de ce dernier seraient encore insuffisamment pris en compte. Si la quantité importe, la qualité également !

M. Jean-Pierre Michel. Nous avons d’ailleurs déposé un amendement n° 3 visant à modifier l’élection des vice-présidents et celle des questeurs. Nous pensons en effet que les responsabilités de vice-président et celles de secrétaire ne sont pas les mêmes. Les postes de vice-président et ceux de secrétaire doivent donc tous deux être attribués en fonction de la représentativité des groupes politiques.

Enfin, la modification de l’article 3 du règlement soulève une dernière question, brièvement abordée par M. le rapporteur, à savoir celle du financement des postes de vice-président et de secrétaire nouvellement créés. Le président du Sénat a indiqué que cette modification se ferait par redéploiement des crédits et à niveau financier constant.

Pour l’instant, nous n’avons eu aucune information supplémentaire à cet égard, ni en commission ni en séance. À partir de quels postes ce redéploiement de crédits se fera-t-il ? Va-t-on diminuer les indemnités des vice-présidents et des secrétaires aujourd'hui élus ? J’en doute, évidemment !

M. Michel Charasse. Ce serait une grande première !

M. Jean-Pierre Michel. Va-t-on rogner sur les crédits du pool automobile, du matériel, sur lesquels je ne dirai rien afin de ne pas dégrader davantage la mauvaise image du Sénat auprès de nos concitoyens ?

Toutefois, la modification de l’article 3 du règlement ne réglera absolument pas la question essentielle, à savoir le respect de la règle de la représentation proportionnelle, qui prévaut dans la grande majorité des assemblées parlementaires des pays démocratiques, sauf au Sénat !

Selon moi, cette modification n’améliorera pas l’image du Sénat, déjà ternie par un certain nombre d’articles et de livres, souvent inexacts ou caricaturaux, …

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ah ! tout de même !

M. Jean-Pierre Michel. … mais qui sont tout de même publiés et lus, qui font la une des quotidiens et des hebdomadaires.

Je ne pense pas que le vote, dans la précipitation, de cette modification du règlement rendra un grand service à notre assemblée. Cela aurait pu attendre que l’ensemble du règlement soit modifié ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Monsieur le président, mes chers collègues, je serai aussi bref que les deux précédents orateurs, car nous ne faisons aujourd'hui que commencer à prendre en compte les conséquences de la réforme constitutionnelle votée cet été.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !

M. Michel Mercier. Nous aurons encore souvent l’occasion, jusqu’au mois de mars prochain, …

M. Patrice Gélard, rapporteur. Jusqu’au mois de juin !

M. Michel Mercier. … de revenir sur la mise en œuvre des nouvelles dispositions constitutionnelles.

La proposition de résolution qui nous est soumise aujourd'hui constitue pour le groupe de l’Union centriste un premier pas vers le nouveau règlement du Sénat. Elle vise, comme l’a rappelé M. le rapporteur, à renforcer le pluralisme dans la composition même du bureau du Sénat et à permettre aux groupes politiques d’être mieux représentés au sein de cette instance.

Cette proposition de résolution ne nous pose pas de problème particulier. Nous l’approuvons telle qu’elle nous est soumise. Nous avons d’ailleurs pris acte de la décision du président du Sénat, que nous soutenons, de procéder à cette modification du règlement dans le cadre du budget du Sénat tel qu’il a été arrêté. Cette modification ne nécessitera pas de crédits supplémentaires, ce qui serait d’ailleurs malvenu. Le bureau fera à n’en pas douter les propositions de redéploiement de crédits nécessaires, et il sera fait ainsi qu’il a été déclaré.

Permettez-moi de prendre quelques instants pour rappeler l’esprit de la révision constitutionnelle.

Si j’apprécie en général les propos tenus par notre collègue Jean-Pierre Michel, je dois dire que l’amendement n° 3 qu’il a évoqué me semble totalement contraire à l’esprit de la Constitution et de la révision constitutionnelle. Il est notamment contraire…

M. Patrice Gélard, rapporteur. … au pluralisme !

M. Michel Mercier. … aux dispositions de l’article 51-1 nouveau de la Constitution.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Exact !

M. Michel Mercier. Cet article, je le rappelle, dispose ceci : « Le règlement de chaque assemblée détermine les droits des groupes parlementaires constitués en son sein. Il reconnaît des droits spécifiques aux groupes d’opposition de l’assemblée intéressée ainsi qu’aux groupes minoritaires. »

M. Michel Charasse. Cet article résulte d’un amendement du Sénat !

M. Michel Mercier. D’un amendement pour lequel je me suis un peu battu, avec d’autres, notamment Mme Borvo Cohen-Seat.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Et même votre rapporteur !

M. Michel Mercier. Et M. le rapporteur, effectivement !

Tel qu’il est rédigé, l’article 51-1 constitue aujourd'hui notre loi suprême. Il est contraire à l’application de la règle proportionnelle.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !

Un sénateur socialiste. Non !

M. Michel Mercier. Mais bien sûr que si !

L’idée même de « droits spécifiques » va à l’encontre de la répartition mathématique.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, et M. Patrice Gélard, rapporteur. Eh oui !

M. Jean-Paul Emorine. Tout à fait !

M. Michel Mercier. Sinon, il serait sans intérêt que la Constitution prévoie que le règlement de chaque assemblée « reconnaît des droits spécifiques aux groupes d’opposition de l’assemblée intéressée ». C’est parce que nous avons voulu que chaque groupe parlementaire représentant une partie de l’opinion publique de notre pays puisse s’exprimer et avoir des responsabilités que cette disposition a été inscrite dans la Constitution. Il s’agit de reconnaître des droits spécifiques certes à l’opposition – nous sommes tout à fait d’accord sur ce point –, mais également aux groupes minoritaires, c'est-à-dire à ceux qui ne sont pas les groupes dominants de la majorité ou de l’opposition.

Notre assemblée compte trois groupes minoritaires, tout à fait légitimes.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Tous les groupes sont minoritaires ! (Sourires.)

M. Michel Mercier. C’est très bien, monsieur le rapporteur, que vous vous rendiez compte que vous êtes minoritaires ! (Nouveaux sourires.) C’est un premier pas vers la sagesse ! Si vous pouviez vous en souvenir tous les jours de la semaine, ce serait parfait. Cela m’éviterait d’être présent au Sénat dès le lundi !

Le Sénat compte deux grands groupes dominants, et c’est tout à fait normal.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est la démocratie !

M. Michel Mercier. Ces groupes sont le reflet de l’état de l’opinion publique dans notre pays ; mais des groupes plus petits concourent eux aussi à l’expression du suffrage universel. Ils ont par conséquent le droit d’être représentés dans les instances dirigeantes du Sénat.

L’article 51-1 me paraît donc constituer un véritable progrès pour la démocratie. Si la représentation proportionnelle peut parfois sembler être le meilleur mode de représentation en termes de démocratie, elle peut également empêcher parfois la représentation de ceux qui, légitimement, ont à faire valoir telle ou telle position.

Je suis très heureux que, grâce à la proposition de résolution présentée par M. le président du Sénat, proposition que nous allons voter dans quelques instants, nous puissions faire un premier pas vers l’application de la disposition nouvelle que constitue l’article 51-1 de la Constitution. Nous aurons de nombreuses autres occasions d’y revenir.

Le groupe de l’Union centriste votera donc cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, mes chers collègues, ici même, au moment de la révision constitutionnelle, nous avons eu de longs débats sur les pouvoirs du Parlement, sur le pluralisme, sur les droits de l’opposition, ainsi que sur la nature et le fonctionnement de nos institutions. Nous ne sommes pas d’accord sur ces questions, comme l’ont montré nos discussions et le vote qui a suivi.

Votre réforme, chers collègues de la majorité, est tout sauf consensuelle, et vous le savez.

Pour ma part, je continue de penser et de constater que la pratique constitutionnalisée par la révision récente renforce considérablement le caractère présidentiel – pour ne pas dire monarchique – de nos institutions : le Président de la République, chef de l’exécutif, chef de la majorité et chef du parti majoritaire, dispose de pouvoirs très étendus.

Ce que l’on appelle désormais le « fait majoritaire » est donc particulièrement pesant, comme nous le constatons d’ailleurs dans le fonctionnement du couple exécutif – le Président de la République et la majorité –, que ce soit en matière d’ordre du jour du Parlement, de fabrication de la loi, de débats ou de décisions finales.

Néanmoins, la question de savoir si la réforme des règlements des assemblées à la suite de la révision constitutionnelle permettra un tant soit peu de corriger le fait majoritaire ou si, au contraire, elle le confortera, voire l’aggravera, n’est pas négligeable, tout particulièrement au Sénat.

En effet, chers collègues de la majorité, vous êtes arc-boutés contre toute modification du mode de scrutin, au mépris du plus élémentaire souci de démocratie. Au Sénat, assemblée représentant les collectivités locales, la majorité est toujours la même, quand bien même celle des collectivités locales est inverse !

Alors que l’UMP, parti du Président de la République, ne dispose plus au Sénat de la majorité absolue depuis quatre ans et qu’elle s’en est encore éloignée lors du dernier renouvellement, elle règne sans partage, ou presque – elle a le soutien de l’Union centriste –, sur la Haute Assemblée. Aujourd'hui, la majorité détient, outre la présidence du Sénat, quatre postes de vice-présidents sur six, deux postes de questeurs sur trois, six postes de présidents de commission sur six, …

M. Patrice Gélard, rapporteur. L’UMP ne préside pas six commissions !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … la présidence de la nouvelle commission des affaires européennes, celle de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, ainsi que celle de myriades d’officines diverses.

Quant à l’opposition, elle a un poste de questeur et deux postes de vice-président, tous trois attribués au groupe socialiste.

Cette domination, qui est sans commune mesure avec la réalité politique du Sénat, s’exerce notamment au sein de la conférence des présidents. Cette instance, dont la valeur constitutionnelle est incertaine – rappelons qu’aucune référence à la conférence des présidents ne figurait dans le règlement intérieur avant 1986 ! – est le symbole de l’hyperdomination majoritaire. Vice-présidents, présidents de commission et présidents de groupe y entourent le président du Sénat et décident de tout dans des proportions n’ayant rien à voir avec les rapports de force politique au sein de notre assemblée.

Pour notre part, nous estimons que seuls les présidents de groupe devraient participer à la conférence des présidents, comme c’est le cas à l’Assemblée nationale. Comme vous le constatez, les différences avec l’Assemblée nationale portent donc sur plusieurs points.

Monsieur le président, lors de votre allocution du 14 octobre dernier, vous vous êtes engagé à respecter les droits de l’opposition et à accorder toute sa place à cette dernière. Nous en prenons acte et serons vigilants quant à la concrétisation de cet engagement. Il est important de prendre en compte l’ensemble des groupes politiques et non pas les seuls groupes majoritaires, qu’ils soient dans la majorité ou dans l’opposition.

Vous avez décidé de créer un groupe de travail sur l’élaboration de la réforme du règlement qui doit faire suite à la révision constitutionnelle. Je tiens à cette occasion à insister sur deux points essentiels que le groupe CRC défend depuis de nombreuses années et pour lesquels j’ai plaidé lors de la révision constitutionnelle.

Le premier point tient à la reconnaissance des groupes politiques, outils incontournables d’une revalorisation de la politique que vous avez souhaitée. Cette revalorisation prend, vous en conviendrez, un relief tout particulier avec la crise financière, économique et sociale extrêmement grave que nous connaissons. La confrontation des idées est plus que jamais nécessaire au Parlement.

Le second point est le respect du débat public, garantie de la transparence du travail parlementaire pour notre peuple, dont nous ne sommes que les représentants.

La présente proposition de résolution vise à créer deux postes de vice-président supplémentaires afin de maintenir la représentation du groupe communiste républicain et citoyen et celle du groupe de l’Union centriste.

Cette proposition de résolution appelle deux commentaires.

Tout d’abord, ces postes doivent être financés à budget constant, comme cela a d’ailleurs été indiqué. Tout le monde a conscience qu’il s’agit d’assurer une représentation politique et non pas de courir après un quelconque avantage. Cet aspect est important à l’heure où l’on reproche régulièrement au Sénat le manque de transparence de sa gestion.

Ensuite, si nous en sommes là, c’est parce que l’UMP dispose de quatre vice-présidents sur six et se refuse à toute idée de proportionnalité.

Monsieur le président, vous avez souhaité assurer une représentation la plus large possible des groupes politiques. Il ne s’agit pas d’un rééquilibrage politique, contrairement à ce que laisse entendre le titre de la proposition de résolution, puisque, sur huit vice-présidents, sans compter le président, six seront issus de la majorité, soit à peu près 75 %.

Il s’agit néanmoins d’un pas modeste, mais que nous approuvons, vers une prise en compte de la diversité des groupes.

J’adhère à la philosophie de l’amendement du groupe socialiste, qui porte sur la proportionnalité. Nul ne peut reprocher à mon groupe ne pas être favorable à la représentation proportionnelle en toutes circonstances, y compris pour l’élection des assemblées, mes chers collègues du groupe socialiste !

J’ai eu l’occasion de défendre la représentation automatique de chaque groupe pour la désignation des vice-présidents, assortie d’une pondération à la représentation proportionnelle. Je considère d’ailleurs que la proportionnalité devrait concerner l’ensemble des fonctions exécutives.

La réflexion que nous allons entamer devrait nous permettre de trouver un dispositif plus respectueux des groupes et de la proportionnalité que celui qui prévaut aujourd’hui, mais aussi que celui qui nous est proposé par le groupe socialiste. L’amendement n° 1, déposé par le groupe du RDSE, peut également être pris en compte dans cette optique élargie.

Pour toutes ces raisons, ces amendements et les propositions qui seront faites sur ce sujet devront à mon avis être réexaminés à l’occasion de la discussion de la révision d’ensemble du règlement du Sénat. La question de la conférence des présidents constituera un point majeur de cette discussion.

Le groupe CRC votera, avec les réserves que j’ai exprimées, la modification de l’article 3. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)