Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. La commission des finances n’est pas favorable à cet amendement. Je tiens toutefois à vous rassurer, monsieur Muller, car elle a débattu de ce sujet en dehors de toute considération politique et les échanges de cet après-midi ont permis d’approfondir ce débat légitime.

La position défavorable de la commission s’explique par trois raisons simples.

Tout d’abord, s’agissant des cas difficiles relevant, dans les trois catégories de personnels que vous avez citées, des psychologues, il n’y aura aucun transfert de psychologues des RASED vers des postes d’enseignant, pour la bonne raison que ce ne sont pas des enseignants. Les psychologues des RASED garderont donc la possibilité de suivre les cas difficiles, dont certains ont été évoqués au cours du débat et méritent, en effet, un partenariat avec un psychologue qui les suit.

Ensuite, la commission des finances préfère élargir les capacités de soutien éducatif. La démonstration a été faite par M. le ministre que, dans le cas d’un RASED type et d’une école type de cent vingt-cinq élèves, nous pouvions passer de sept élèves soutenus à trente-six.

Enfin, la troisième raison est plus personnelle, mais elle est assez largement partagée au sein de la commission des finances.

Nous n’avons pas de vision globale du nombre de dossiers suivis par les RASED. Nous savons qu’il existe 11 000 postes équivalents temps plein dans ces réseaux, mais nous ignorons combien de dossiers sont effectivement traités.

En effet, si l’on multiplie les annonces de dossiers présentés par l’ensemble des cellules sur l’ensemble du territoire, on arrive à des chiffres sans comparaison possible avec le total obtenu en multipliant les 11 000 postes par la probabilité d’intervention de chacun d’eux.

Je me tourne donc vers vous, monsieur le ministre, pour vous demander, au nom de la commission des finances, un résultat quantitatif global de l’intervention des RASED sur l’ensemble du territoire national, ce qui permettra peut-être également d’apaiser ce débat qui reviendra nécessairement l’année prochaine. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Darcos, ministre. Le Gouvernement est évidemment défavorable à cet amendement.

Monsieur le rapporteur spécial, je suis d’accord pour procéder à un examen attentif des choses afin de communiquer à la commission des finances, lors d’une audition, la situation telle qu’elle se présente sur le terrain.

Mme la présidente. Monsieur Muller, l’amendement n° II-182 est-il maintenu ?

M. Jacques Muller. Oui, bien entendu, madame la présidente, je le maintiens.

Pardonnez-moi, monsieur le ministre, mais je crois que mon amendement se heurte à une attitude que je qualifierai d’autiste. (Protestations sur les travées de lUMP.)

Lorsqu’un conseil général unanime toutes tendances confondues, cent cinquante maires, trois sénateurs sur quatre expriment une position, il faut les entendre, entendre tout simplement ce que dit le peuple ! (Exclamations sur les mêmes travées.)

M. Josselin de Rohan. C’est nous qui décidons !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-182.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Enseignement scolaire » figurant à l’état B.

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de la mission, modifiés.

(Ces crédits sont adoptés.)

Mme la présidente. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

Article 35 et état B (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Discussion générale

4

Saisine du Conseil constitutionnel

Mme la présidente. M. le Président du Sénat a été informé, par lettre en date du 3 décembre 2008, par M. le Président du Conseil constitutionnel que celui-ci a été saisi d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution, par plus de soixante sénateurs, de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

5

Article 35 et état B (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Deuxième partie

Loi de finances pour 2009

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Aide publique au développement - Compte spécial : Accords monétaires internationaux - Compte spécial : Prêts à des Etats étrangers

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2009.

Aide publique au développement

Compte spécial : Accords monétaires internationaux

Compte spécial : Prêts à des États étrangers

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Article 35 et état B

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Aide publique au développement » (et articles 59 quinquies et 59 sexies) ainsi que des comptes spéciaux « Accords monétaires internationaux » et « Prêts à des États étrangers ».

À la demande de la commission des finances, la parole est à M. le ministre.

M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Madame la présidente, messieurs les présidents de la commission des finances, de la commission des affaires étrangères et de la commission des affaires culturelles, messieurs les rapporteurs spéciaux, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames et messieurs les sénateurs, c’est donc la deuxième année consécutive que je viens vous présenter le programme de mon ministère dans le cadre de la mission interministérielle « Aide publique au développement ».

Et, pour la deuxième année consécutive, votre commission des finances, si habilement éclairée par l’expertise de Michel Charasse, rapporteur spécial de cette mission budgétaire depuis 1992, me fait l’honneur d’en adopter les crédits sans modification.

Cette continuité comporte toutefois son lot de nouveautés à l’occasion de la préparation du projet de loi de finances pour 2009. C’est notamment la première fois que les sénateurs Louis Duvernois, au nom de la commission des affaires culturelles, Christian Cambon et André Vantomme, au nom de la commission des affaires étrangères, rendent un avis sur ce budget.

Je souhaiterais, en quelques mots, vous rappeler la politique du Gouvernement en matière de développement solidaire et évoquer les résultats d’ores et déjà obtenus, ce qui permettra de tracer quelques perspectives d’avenir.

Comme en témoigne la nomenclature du budget, nous sommes passés cette année du codéveloppement au développement solidaire. Ce changement n’est pas que sémantique. Il traduit surtout une évolution politique. Le codéveloppement concernait exclusivement le soutien aux initiatives des migrants en faveur de leur pays d’origine. Le développement solidaire, lui, a pour ambition d’aller plus loin en favorisant également des projets relatifs à l’organisation des migrations légales, à la lutte contre les migrations clandestines, en passant naturellement par le développement des pays source d’immigration.

La conduite d’une politique de développement solidaire offre trois avantages. Elle permet de s’inscrire dans le cadre de « l’approche globale » adoptée par les institutions européennes, de mettre en œuvre une nouvelle politique d’immigration couvrant tous les aspects des phénomènes migratoires et, enfin, de mener de front deux objectifs, à savoir la maîtrise des flux migratoires et la réduction de la pauvreté dans les pays d’émigration.

Les résultats obtenus en 2008 reflètent, d’ores et déjà, ce changement d’échelle dans nos relations avec les pays qui sont source d’immigration.

Forts d’une équipe resserrée d’une dizaine de personnes dans une administration d’état-major, nous avons soutenu plus de 120 projets dans 23 pays source d’immigration et cet effort sera poursuivi en 2009. Nous avons surtout conclu sept accords de gestion concertée des flux migratoires et de développement solidaire. Ces accords ont été signés avec le Gabon, le Congo, le Bénin, le Sénégal, la Tunisie, l’île Maurice et, il y a quelques jours à peine, le Cap Vert.

Des discussions sont engagées avec d’autres pays. De nouveaux accords devraient donc voir le jour bientôt.

S’agissant de l’avenir justement, nous poursuivons en 2009 l’effort consenti en 2008. Sur la période allant de 2009 à 2011, le budget du développement solidaire s’élèvera à 97,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 74,5 millions d’euros en crédits de paiement. J’insiste tout de même sur un point : toute comparaison entre 2009 et 2008 est délicate car les financements mis en place en 2008, notamment en termes d’autorisations d’engagement, se poursuivront en exécution en 2009.

Je suis en mesure de vous annoncer que – je sais combien Michel Charasse est attentif à ce point – nous avons atteint, pour l’exercice 2008, un niveau d’exécution tout à fait remarquable, pour ne pas dire historique. Ainsi, 83 % des autorisations d’engagement ont été exécutées et nous devrions consommer environ 80 % des crédits de paiement ouverts.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial. Il faut inviter l’Europe à faire de même ! Il faut leur donner la combine !

M. Brice Hortefeux, ministre. Servons de référence : cela sera déjà une première étape !

Ce résultat a été atteint grâce à la mobilisation de l’ensemble des services et je rappelle qu’il a été obtenu dans un laps de temps très court, le ministère n’existant administrativement que depuis le 1er janvier de l’année dernière. Je remercie donc tous ceux qui y ont contribué.

J’ai pris connaissance, avec beaucoup d’attention, des rapports qui ont été établis et je voudrais essayer d’y répondre par quelques éléments d’information.

Dans un premier temps, je voudrais remercier Louis Duvernois d’avoir souligné, dans son rapport sur la francophonie, le lien essentiel qui existe entre la maîtrise du français et la réussite de l’intégration. La promotion de la langue française est une composante majeure de notre action. D’ailleurs, depuis le 1er décembre, les tests et formations linguistiques prévus dans le cadre du futur contrat d’accueil et d’intégration sont organisés dans les pays d’origine.

Par ailleurs, certains ont sans doute eu connaissance de la conférence ministérielle sur l’intégration que j’ai organisée à Vichy, en Auvergne. J’ai fait tester certaines des mesures relatives à la connaissance de la langue avant l’arrivée sur le territoire. Ne souhaitant pas extrapoler, je ne prétendrai pas que celles-ci sont approuvées par 80 % des Français, mais elles le sont par 80 % des personnes sondées. Il s’agit tout de même d’un signal intéressant !

J’en viens maintenant aux observations de Michel Charasse. Monsieur le sénateur, la richesse et l’exhaustivité de votre rapport font naturellement honneur à votre réputation d’expert des questions d’aide publique au développement.

Dans ce rapport, vous avez mis en exergue le caractère novateur du programme 301 et, au-delà, sa parfaite cohérence avec nos initiatives européennes. Je sais que vous êtes également attentif à cette question.

Comme vous le savez, le pacte européen sur l’immigration et l’asile, qui a été adopté à l’unanimité les 15 et 16 octobre derniers par le Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement – donc, quelles que soient la situation géographique des pays et l’orientation politique des gouvernements –, fixe, parmi ses objectifs, une ouverture de l’Europe au travers de la concertation avec les pays source d’immigration.

Vous avez également salué, avec Christian Cambon et André Vantomme, la tenue à Paris de la seconde conférence euro-africaine sur les migrations et le développement. Je rappelle que cette conférence, qui a réuni 80 délégations, a permis d’arrêter, là aussi à l’unanimité, malgré le nombre élevé de délégations, un programme de travail triennal. Ce plan d’action comporte 106 mesures concrètes en matière de migration et de développement des pays source et des pays de transit. En effet, il est aujourd’hui difficile de parler exclusivement de pays source, puisque beaucoup d’entre eux deviennent aussi des pays de transit.

Je ne m’étendrai pas sur ce que vos rapports relèvent de positif. Toutefois, je remarque que vous soulignez, à juste titre, la polyvalence des personnels de l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations, l’ANAEM, en évoquant leurs missions dans les domaines de l’accueil des étrangers primo-arrivants, de l’asile et du développement solidaire.

Je vous confirme très clairement que l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII, qui est appelé à succéder à l’ANAEM au début de l’année 2009, maintiendra cette polyvalence. Je suis même convaincu qu’il l’accroîtra. Je souhaite en effet que l’Office, placé sous la tutelle unique de mon ministère, développe ses implantations à l’étranger afin de favoriser notre politique d’immigration professionnelle et accentue son soutien aux microprojets d’entreprise dans les pays source ou dans les pays de transit.

Je voudrais aussi compléter votre information sur le montant des aides à la réinstallation.

L’année 2008 a vu le démarrage de ce dispositif, qui vient en complément des autres formes d’aides financées directement par l’ANAEM, soit essentiellement l’aide au retour volontaire et l’aide humanitaire.

Concrètement, plus de 350 projets ont été soutenus pour une dépense en autorisation d’engagement de 2,5 millions d’euros. Le montant moyen de l’aide au projet est donc légèrement supérieur à 7 100 euros. Évidemment, comme vous avez pu l’observer, certains projets dépassent 10 000 euros, ce qui, dans des pays tels que le Mali ou la République démocratique du Congo, constitue un véritable capital de départ pour la création d’une entreprise individuelle.

J’en viens aux produits d’épargne codéveloppement dont, à l’évidence, la montée en puissance est encore lente et dépend largement du degré de mobilisation des établissements bancaires.

Avec Bercy, nous poursuivons, au-delà de l’accord signé en 2007 avec le réseau des Caisses d’épargne et de celui qui a été finalisé en  2008 avec l’Union tunisienne de banques sur le compte épargne codéveloppement, les contacts avec le secteur bancaire. Ceux-ci sont indispensables pour mieux faire connaître ces produits financiers.

Je ne vous dirai pas que je suis totalement satisfait du déroulement de cette démarche. Certes, elle progresse lentement, mais cela ne signifie pas qu’il faille y renoncer. Au contraire, il faut lancer des initiatives, les tester, les observer et, compte tenu de la situation actuelle des banques, produire un effort incontestable de pédagogie et de stimulation.

Par ailleurs, les transferts de fonds de migrants, qui représenteraient pour la France environ 8 milliards d’euros, soit l’équivalent de notre aide au développement, sont un phénomène majeur qui implique que nous nous y intéressions.

Nous le faisons avec la Banque mondiale et la Banque africaine de développement en finançant une étude sur le montant et l’utilisation de ces transferts de fonds entre la France et l’Afrique, initiative que vous avez bien voulu saluer dans votre rapport.

Sur la base des résultats de cette étude, la France soutiendra, au travers d’un fonds fiduciaire placé auprès de la Banque africaine de développement, des projets concrets permettant de mieux valoriser ces transferts. D’autres pays, comme l’Espagne notamment, ont lancé des démarches identiques. Il s’agira, par exemple, de soutenir la microfinance, de développer de nouveaux produits d’assurance ou encore de favoriser l’utilisation des nouvelles technologies dans les transferts.

MM. Cambon et Vantomme ont rappelé, dans leur rapport, que nous avons l’intention de doter ce fonds fiduciaire de 9 millions d’euros sur trois ans. D’ores et déjà, 6 millions d’euros ont été engagés au travers du cadre d’entente que nous avons signé avec la Banque africaine de développement la semaine dernière, en marge de la conférence euro-africaine.

Par ailleurs, je vous confirme qu’aucune dépense fiscale ou budgétaire ne sera associée, en 2009, au lancement du compte épargne ou du livret d’épargne codéveloppement, eu égard aux effets à moyen terme de ces dispositifs.

Monsieur le rapporteur spécial, vous avez proposé de fusionner les deux premiers indicateurs du programme 301 pour en créer un nouveau qui permettrait de suivre l’impact de l’épargne codéveloppement.

Je n’ai pas d’objection à ce que ces indicateurs, qui portent sur le taux de conclusion des accords de gestion concertée et des accords de développement solidaire, soient fusionnés. Nous étudierons cette évolution, avec le ministère du budget, lors de la préparation du projet de loi de finances pour 2010.

S’agissant de la création d’un indicateur dédié à l’épargne codéveloppement, tout dépendra de la montée en puissance du dispositif. Pour ma part, je crois à son avenir, même s’il faut sans doute s’y investir davantage. Nous travaillerons également sur ce point dans la perspective du prochain projet de loi de finances.

Enfin, je vous rejoins sur le cinquième point de vos conclusions. Nous devons articuler les actions conduites en faveur du développement solidaire et les documents-cadre de partenariat. C’est un sujet que j’évoque assez régulièrement avec mon collègue Alain Joyandet.

Dans le cadre du cosecrétariat du CICID, le comité interministériel de la coopération internationale et du développement, j’ai proposé que, à l’occasion de la révision des documents-cadre de partenariat, la dimension migratoire et le contenu des accords de gestion concertée des flux migratoires déjà signés – ils sont sept à ce jour – soient mieux pris en considération.

Ce point a fait l’objet d’un accord de principe du CICID.

Voilà très brièvement résumés, mesdames, messieurs les sénateurs, les différents éléments de ce budget.

Pour la première fois, la France se donne les moyens d’une véritable politique de développement solidaire. Tout le mérite de l’avoir souligné, authentifié, présenté est que cela confère un impact plus fort.

De plus, la politique d’immigration que le Président de la République et le Premier ministre m’ont chargé de mettre en mesure ainsi l’enjeu fondamental du développement économique des pays source d’immigration.

Ne nous y trompons pas, – il y a une majorité très large dans l’opinion publique pour le comprendre – le défi de la maîtrise des flux migratoires que nous avons à relever est immense. Pour le mener à bien, nous n’avons qu’une seule méthode : celle du dialogue, de la concertation et du partage. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Charasse, rapporteur spécial.

M. Michel Charasse, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame le président, monsieur le ministre, madame le secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’aide publique au développement baisse sensiblement en part du revenu national brut, le RNB, depuis deux ans et les perspectives pour 2009 demeurent incertaines.

Malheureusement, la France ne fait pas exception à cette tendance internationale, avec une aide de 0,38 % du RNB en 2007 et 0,37 % prévus en 2008, soit 7,3 milliards d’euros, hors taxe sur les billets d’avion.

Comme chaque année, il est annoncé une forte augmentation de l’effort d’aide publique au développement, l’APD, pour l’année suivante – près de 2,3 milliards d’euros de plus pour la France en 2009 –, mais je doute que nous y arrivions, car les aléas pesant sur les annulations de dettes sont élevés.

Même si la réalité est plus complexe, les pays pauvres ont le sentiment de « faire les frais » de la crise économique et financière, quand les nations développées sont si promptes à recapitaliser leurs banques et à garantir le crédit interbancaire.

Certes, le Président de la République a assuré samedi dernier encore, le 29 novembre, à Doha que l’Union européenne respecterait sa promesse de consacrer 0,7 % de son RNB à l’aide en 2015. Mais nous devrons fournir un effort énorme à partir de 2010 pour « tenir le rythme », alors que la programmation triennale des finances publiques françaises jusqu’en 2011 ne prévoit que la stabilité de l’aide en euros constants, du moins sur le plan budgétaire.

Nous savons, d’ores et déjà, que tous les objectifs du Millénaire ne pourront malheureusement pas être réalisés partout, en dépit de réels progrès accomplis dans plusieurs domaines : réduction de la mortalité infantile, traitement des pandémies ou éducation primaire.

Les chiffres sont importants, car ils ont notamment trait à la dimension d’engagement politique de l’aide publique au développement, à laquelle le Sénat a toujours été très attaché, mais ils ne peuvent résumer à eux seuls la finalité de l’aide. Dans la période de fortes tensions budgétaires que nous connaissons, il n’y a plus vraiment de domaine sanctuarisé. L’essentiel est donc d’assurer avant tout la lisibilité et l’efficacité de notre aide, et de mobiliser de nombreux acteurs sur des projets précis et aux effets mesurables.

De ce point de vue, la récente évaluation par les pairs conduite sous l’égide de l’OCDE a montré que notre système était encore trop complexe et compartimenté – nous le disons depuis des années, mais ça bouge peu – bien que je relève cependant une vraie prise de conscience, qui se traduit par des réformes structurantes, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, la RGPP.

Sans revenir sur les détails, certaines orientations sont particulièrement bienvenues : redéfinition de la zone de solidarité prioritaire, la ZSP, recentrage de la Direction générale de la coopération internationale et du développement, la DGCID, pilotage plus « pointu » et vigilant des opérateurs, fusion des services de coopération et d’action culturelle, les SCAC, et des instituts culturels, volonté de mobiliser de nouvelles ressources et de nouveaux acteurs.

L’État ne peut pas tout faire lui-même, et il doit aussi, par sa force d’entraînement et son rôle prescripteur, renforcer l’effet de levier de ses concours d’APD.

Cette recherche de l’efficacité est d’ailleurs cohérente avec les principes de la déclaration de Paris de mars 2005 et se traduit dans les nouveaux objectifs et indicateurs du programme 209 « Solidarité à l’égard des pays en développement », qui sont pertinents et qui restituent beaucoup mieux les dimensions de l’aide.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser la stratégie et les moyens de votre initiative « Cap 8 », qui a l’ambition de renouveler notre coopération avec l’Afrique, car je n’ai pas très bien compris les contours de cette affaire ?

Simplification et lisibilité de la stratégie de l’État, recours à des opérateurs, renforcement de l’AFD comme opérateur privilégié sur tous les secteurs relevant des objectifs du Millénaire, différenciation de l’aide en prenant également en compte nos intérêts politiques, économiques et migratoires : tout cela est légitime si les opérateurs n’agissent pas en « électrons libres », s’ils ne reproduisent pas à leur tour les gaspillages et les doublons, et si leurs initiatives et leurs projets sont parfaitement cohérents avec les priorités de l’action extérieure de l’État. La contractualisation des objectifs et des moyens est donc un préalable nécessaire.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous décrire rapidement les contours et les modalités de création du futur opérateur sur la mobilité, qui doit regrouper, notamment, Egide et France coopération internationale, FCI ?

La RGPP doit également aboutir à un meilleur suivi de nos contributions aux organismes et aux fonds multilatéraux, qui peuvent être appréhendés comme de quasi-opérateurs. Nous prévoyons, avec mon collègue rapporteur de la commission des affaires étrangères, Christian Cambon, et à la demande de ce dernier, d’effectuer un contrôle conjoint sur ce thème dans les prochains mois.

Ce contrôle est d’autant plus nécessaire que le canal multilatéral, mystérieux et invisible pour les populations, exerce une contrainte croissante sur notre budget d’APD, au détriment de l’aide-projet bilatérale, visible, elle, dont les crédits de paiement diminueraient de près de 22 % en 2009. Je regrette fortement cette inflexion, car cette aide est sans doute la plus perceptible pour les populations. Je vous proposerai, à cet égard, un amendement de la commission des finances visant à augmenter significativement les subventions-projets à l’AFD.

Cette emprise de l’aide multilatérale est également illustrée par le Fonds européen de développement, le FED, dont la dotation budgétaire en 2009 est probablement sous-budgétisée – c’est une habitude –, comme en 2008.

Les décaissements du Fonds progressent indéniablement. Mais quiconque se rend sur le terrain constate plusieurs choses : les progrès sont plus lents que la croissance des effectifs des délégations ; ces délégations sont parfois installées dans un luxe relatif alors que nos propres services vivent chichement et font de plus en plus attention ; les procédures sont complexes malgré la déconcentration ; les décaissements sont facilités par les dotations multilatérales et par l’aide budgétaire plutôt que par l’aide-projet.

Cela n’a pas empêché d’adopter un dixième FED de 22,7 milliards d’euros, soit près de 80 % de plus que le précédent ! Doit-on alors s’attendre à ce que les versements du dixième FED se poursuivent jusqu’en 2020 ?

La lourdeur et l’inertie de ce « paquebot » qui mobilise le quart des crédits budgétaires sont inquiétantes, et je souhaite connaître l’état d’avancement des négociations avec nos partenaires européens sur sa budgétisation.

Je relève, cependant, que l’Europe est capable d’agir rapidement, comme l’illustre le récent accord sur le financement de la facilité alimentaire, pour 1 milliard d’euros supplémentaire sur trois ans.

Il reste que nos débats et considérations budgétaires sur la mission « Aide publique au développement » ne concernent que le tiers de notre effort global d’aide prévu en 2009.

Je ne reviens pas sur les raisons de cette inévitable discordance entre les crédits de la mission, les crédits budgétaires et le montant notifié à l’OCDE. Je persiste, néanmoins, à regretter la débudgétisation intégrale des contrats de désendettement-développement et la quasi-contraction de dépenses et de recettes que constitue le « recyclage » du résultat de l’AFD. Je vous présenterai un amendement de la commission des finances qui a pour objet de mettre fin à cette pratique contraire à la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, et dénoncée régulièrement par la Cour des comptes.

Je déplore, également, le maintien d’une opacité, que je finis par croire délibérée, sur la comptabilisation de l’écolage et de l’aide aux réfugiés en APD.

Le document de politique transversale, détaillé et éclairant sur bien des points, est quasiment muet sur ce sujet et les ministères ne prennent plus la peine de répondre à nos questions. Le syndrome de la « boîte noire » n’a pas disparu. Quelles initiatives, monsieur le ministre, le Gouvernement compte-t-il prendre pour améliorer l’information du Parlement en la matière ?

Cela nous conduit aussi à nous interroger sur les perspectives de renégociation des critères de notification à l’OCDE, afin d’inclure certaines dépenses, qui sont des dépenses réelles d’aide au développement, et d’en exclure d’autres, qui n’ont rien à voir avec cette dernière.

Pour terminer, je me livrerai à quelques observations sur la politique de développement solidaire. J’espère que je ne ferai pas perdre trop de temps à M. Hortefeux, qui a un conseil restreint à l’Élysée dans peu de temps.

La politique de développement solidaire est encore modeste en termes de crédits, mais elle n’en a pas moins de grandes ambitions. Le rôle de l’Agence nationale d’accueil des étrangers et des migrations, l’ANAEM, et les cofinancements de projets prennent progressivement de l’ampleur, en particulier dans des pays pilotes tels que le Sénégal ou le Mali.

Il importe donc que ces dispositifs soient intégrés dans les documents-cadres de partenariat et bien coordonnés avec les ambassades à l’échelon local.

Il me semble aussi qu’avec 7 000 euros – M. le ministre en a parlé – le plafond de l’aide au projet individuel financée par l’ANAEM est sans doute insuffisant pour amorcer la création d’entreprises dans les pays partenaires. J’ai cru comprendre qu’il s’agissait d’une moyenne. Il conviendrait, sans doute, de relever à 15 000 euros ou à 20 000 euros ce montant, en posant des conditions strictes quant au sérieux et à la pérennité du projet présenté.

Enfin, les deux instruments de mobilisation de l’épargne des migrants, le compte épargne codéveloppement et le livret d’épargne codéveloppement, démarrent très lentement. M. le ministre l’a souligné à cette tribune il y a quelques instants.

Seules deux conventions ont été signées, et la Banque Postale ne distribue pas ces produits alors qu’elle devrait manifestement figurer parmi les établissements privilégiés.

Il y a pour l’heure peu ou pas de souscripteurs. Il faudra donc s’interroger sur l’opportunité du maintien de ces dispositifs s’ils ne parviennent pas réellement à « décoller ». J’ai noté, évidemment, avec intérêt la confirmation de M. le ministre sur le taux de consommation de ces crédits. Au mois de septembre, nous étions plus près de 10 % ou de 15 % que de 80 %. Ces crédits de mission ne sont pas d’une ampleur considérable, et ce serait véritablement perdre du temps que de les traîner pendant trois ou quatre ans avant de les exécuter.

Sous le bénéfice de ces observations et sous réserve de deux amendements que je vous présenterai tout à l’heure, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, de voter les crédits de cette mission.

Cette année, sur décision de la commission des finances, le traditionnel rapport sur l’aide publique au développement a été scindé en deux parties. La deuxième partie, qui concerne les comptes spéciaux du Trésor, est hors budget général, et son examen a été confié à mon collègue et ami M. Edmond Hervé, ce dont je me réjouis. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP. – M. François Fortassin applaudit également.)