Mme la présidente. La parole est à M. André Ferrand.

M. André Ferrand. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse.

J’aimerais apporter une précision, car je n’ai probablement pas été assez clair quant à mon deuxième point. Il ne s’agit pas précisément de l’AEFE, monsieur le ministre. Notre réseau d’écoles à l’étranger est géré en partie par l’AEFE, mais un certain nombre d’écoles sont simplement homologuées par le ministère de l’éducation nationale et n’appartiennent pas au réseau de l’AEFE.

Compte tenu du budget que nous allons voter vendredi pour l’AEFE, ou du moins pour son ministère de tutelle, il est à craindre que cette structure ait de moins en moins les moyens de tout contrôler. En conséquence, nous devons faire confiance aux initiatives locales. Ce sont ces dernières qui ont besoin d’une réserve de titulaires de l’éducation nationale mis à sa disposition.

Mme la présidente. La parole est à M. René-Pierre Signé.

M. René-Pierre Signé. Je suis désolé, monsieur le ministre, mais je crains de vous poser de nouveau les mêmes questions !

La loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles primaires et élémentaires publiques pendant le temps scolaire obligatoire met en jeu deux droits fondamentaux à valeur constitutionnelle : le droit de grève, remontant à 1864, et la continuité du service public.

Ce texte prévoit plus un service d’accueil qu’un droit réel. Il pourra être mis en place dans deux cas de figure : par les communes en cas de grève, mais également par l’État en cas d’impossibilité matérielle de remplacer un enseignant absent.

Il s’agit donc ici d’une remise en cause du principe de continuité du service public de l’école puisque est instauré, à côté de l’obligation et de la gratuité scolaires, un prétendu droit d’accueil, mettant sur le même plan la continuité de l’enseignement et ce qui ne sera finalement qu’une garderie.

Ce texte porte atteinte à la fois au droit de grève et au principe de libre administration des collectivités territoriales.

Une majorité de parents soutiennent ce projet, dites-vous, monsieur le ministre. Il est en effet possible de susciter la compassion à propos des enfants laissés seuls les jours de grève ou sur les difficultés de garde que rencontrent les familles ce jour-là.

M. Jean-Claude Carle. Ce n’est pas de la compassion, c’est la réalité !

M. René-Pierre Signé. Présenté ainsi, ce projet ne peut qu’attirer la sympathie, à l’aune de la commisération qui, prétend-on, l’inspire. Ainsi, on fait vibrer la corde émotive, mais c’est pour amputer un droit de grève qui n’est pourtant exercé qu’à juste titre.

« On s’insurge toujours sur les conséquences des grèves, on ne s’interroge jamais sur leurs causes », disait François Mitterrand.

Ce dispositif s’ajoute, en outre, à une trop longue liste de réformes néfastes, évoquées par mes camarades et amis, décidées sans réelle concertation.

En transférant cette charge aux communes, la loi oublie les réalités locales d’ordres pratique, juridique et financier : la difficulté de trouver du personnel, le problème de la responsabilité des maires et le financement de cet accueil. Vous avez affirmé, monsieur le ministre, que les municipalités disposeraient « de la plus grande souplesse » pour organiser cet accueil ; c’est bien la moindre des choses !

Malgré tout, cette loi, d’inspiration assez démagogique, est inapplicable aux communes rurales qui ne disposent pas du personnel nécessaire, et difficilement applicable aux communes urbaines qui devront mobiliser en grand nombre du personnel d’encadrement. Quant au financement, même revu et majoré, il reste insuffisant, en particulier pour ce qui est du transport au sein des regroupements pédagogiques, souvent assuré par le conseil général ; dans cette situation, celui-ci se désengagera.

Ce texte, fortement critiqué, montre que le Gouvernement conçoit l’institution scolaire comme un service qui veut satisfaire, sur le court terme, ses usagers, au détriment de sa mission d’éducation. Ce n’est pas notre conception du service public de l’éducation nationale !

Je tiens à vous interroger, monsieur le ministre, sur l’impossible organisation de ce service dans les communes rurales et sur le flou qui entoure toutes les mesures exigées. Je vous demande donc qu’il y ait une véritable concertation avant de poursuivre l’application de cette loi.

Enfin, quel bilan tirez-vous de cette loi, dont l’application a connu une réussite assez modérée ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre. Je vais donc reprendre, une nouvelle fois, cette question du service minimum d’accueil !

D’abord, il n’est pas exact de dire que ce dispositif n’a pas fonctionné. C’est justement parce qu’il a fonctionné que des difficultés sont apparues : 10 000 communes sur 12 000 l’ont appliqué et cela a, en effet, créé des contraintes importantes, d’autant que certaines communes ont mobilisé plus de personnel qu’il n’était nécessaire eu égard au nombre moins élevé que prévu d’enfants qui se sont rendus à l’école le jour de la grève.

Le Président de la République a donné des signes d’ouverture pour que les problèmes qui se sont fait jour puissent être aplanis ou résolus et nous en avons tenu compte dans nos entretiens avec l’Association des maires de France. D’ailleurs, hier, nous avons fait un communiqué commun avec celle-ci – vous ne pouvez pas dire qu’elle ne représente pas les maires ! – sur les conclusions tirées de cette expérience.

Je l’ai indiqué tout à l’heure, le système d’évaluation va être accéléré.

Les difficultés objectives qui se sont manifestées à l’occasion de la mise ne place du SMA seront levées ; nous nous y efforcerons. Mais la loi est la loi, et elle s’appliquera !

Contrairement à ce que vous dites, monsieur Signé, elle ne contrevient pas à des principes constitutionnels puisque le Conseil constitutionnel, à la suite d’un recours déposé par le parti socialiste, a considéré que la loi était parfaitement conforme à la Constitution.

Quant au droit de grève, il n’est pas question d’y porter atteinte. Personne n’imagine une chose pareille ! Le système d’alarme sociale qui va maintenant fonctionner, puisque le décret est paru il y a quelques jours, nous permettra de tout faire pour éviter qu’on en arrive à la grève. Il faudra discuter, négocier, échanger et déterminer les raisons qui conduisent aux mouvements. Je suis confiant sur le fait que, ainsi, le droit de grève ne devrait plus être exercé qu’en dernier recours.

Enfin, le SMA ne sera pas mis en œuvre tous les jours ! On ne peut pas mettre sur le même plan l’organisation d’un service d’accueil en cas de grève et le service offert à tous les enfants de France, toute l’année et pendant toute leur scolarité, en matière d’éducation.

Ce service d’accueil ne prétend pas être en continuité avec l’acte pédagogique en tant que tel : il a pour but d’aider les familles et n’est en aucun cas comparable à l’école elle-même !

Mme la présidente. La parole est à M. René-Pierre Signé.

M. René-Pierre Signé. Monsieur le ministre, il y a bien atteinte au droit de grève dans la mesure où une grève qui est moins ressentie perd évidemment de son efficacité au regard des objectifs recherchés.

Par ailleurs, une simple garderie ne suffit pas à assurer la continuité du service public de l’enseignement.

Sans doute n’avez-vous pas cerné certaines difficultés financières : quand le regroupement pédagogique concerne cinq communes, qui paiera le transport des élèves vers l’unique commune qui assurera le service minimum d’accueil ? Vous ne le précisez pas ; or nous savons que les conseils généraux se désengageront.

Enfin, je n’omets pas les difficultés liées aux impératifs de sécurité et à l’organisation. Je reprends à mon compte ce que Claude Domeizel vient de dénoncer vigoureusement et à juste titre : les maires seront exposés à des poursuites pénales qui seraient tout à fait injustifiées.

Monsieur le ministre, il faut revoir le service minimum d’accueil et organiser une concertation.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Percheron.

M. Daniel Percheron. Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur les milliers de suppressions de postes de professeurs dans le second degré.

Les questions que je vous poserai s’appuient à la fois sur ma conviction que le système de formation de notre pays est encore l’un des plus performants au monde et sur mon engagement régional.

Premièrement, quelle est la cohérence de cette politique de suppression massive d’emplois ? Les milliers de postes d’enseignants supprimés sont autant de blessures pour l’école de Jules Ferry.

Chaque jour, le libéral José Manuel Barroso nous rappelle que, depuis 2000, l’Europe n’a d’avenir que si elle est le continent le plus intelligent du monde. Il s’agit là d’un formidable défi. C’est bien cette analyse qui sous-tend la stratégie de Lisbonne. Or, alors même que la France assure la présidence de l’Union européenne, vous nous expliquez que moins d’enseignants, c’est une chance, que c’est un élément positif dans le face-à-face entre les élèves et ceux qui sont chargés de leur transmettre le savoir.

Pourtant, monsieur le ministre, vous avez reconnu à Davos que les pays qui arrivent en tête – la Suède, la Finlande, le Danemark – sont ceux qui consacrent le plus d’argent à l’éducation et à la protection sociale.

Où est la cohérence ?

Deuxièmement, quelle équité entre les territoires de la République cette politique assure-t-elle ? Nous savons maintenant qu’à côté de l’implacable bataille de la production, de la mondialisation, qui ne tourne pas forcément à l’avantage des territoires et de leurs populations, il y a l’économie résidentielle, la présence de l’État, des services publics et des fonctionnaires.

Je prendrai l’exemple du Nord-Pas-de-Calais. Dans certains arrondissements de conversion industrielle, l’indice de présence de l’État et de la fonction publique est de 78, alors qu’il est en moyenne de 100 dans les arrondissements de notre pays. Au cœur de ces arrondissements, de grands lycées généraux ou de grands lycées professionnels ont déjà perdu à la rentrée et perdront encore à la rentrée prochaine 10 % de leurs enseignants.

Où est l’équité ?

Troisièmement, alors qu’il s’agit d’une compétence partagée, quid du respect et du dialogue entre l’État et les collectivités ?

Certes, monsieur le ministre, vous êtes en charge de l’essentiel – la transmission du savoir –, et c’est bien ainsi. Cependant, pour ce qui est des lycées, les régions doivent s’occuper des murs, de la restauration, des ordinateurs et des projets lycéens.

À chaque rentrée, le recteur, transformé en bûcheron, abat des centaines de postes d’enseignants : plus de 4 500 depuis cinq ans dans ma région. À cet instant, les investissements consentis par les collectivités locales deviennent obsolètes, inutiles ou inappropriés.

Où est le dialogue ? Où est l’efficacité ?

Monsieur le ministre, nous ne vous demandons pas d’être Jules Ferry, mais nous souhaitons que vous puissiez nous éclairer sur cette politique de l’éducation nationale, qui blesse nos territoires et nous inquiète pour les années à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre. Monsieur le sénateur, évitons les paralogismes : je n’ai jamais affirmé que le système serait meilleur s’il y avait moins de professeurs ; j’ai dit que ce n’était pas en maintenant des postes d’enseignants que le système serait forcément meilleur.

Vous avez cité des pays que je connais fort bien – la Suède, le Danemark –, rappelant qu’ils investissaient dans l’éducation plus que la France. C’est vrai ! Mais, dans ces pays, les méthodes de travail ont été profondément modifiées et l’innovation est permanente. Si le Gouvernement proposait aux professeurs de France le mode d’organisation de la Suède ou du Danemark, vous seriez le premier à vous y opposer !

Dans ces pays, l’enseignement scolaire est appréhendé différemment : l’organisation y est tout autre, avec des services adaptés et une présence des professeurs beaucoup plus importante. Le système britannique impose aux professeurs d’arriver le matin et de repartir le soir, et ce tous les jours. Si c’est ce que vous préférez, dites-le ! Mais tel n’est pas le choix du Gouvernement.

Ne cherchons pas à comparer ce qui n’est pas comparable. Le système est français est ce qu’il est. Pour le Gouvernement, c’est en l’organisant différemment qu’il deviendra plus efficace et plus performant. Pour autant, je vous en prie, ne prétendez pas que, à mes yeux, il faut à tout prix faire baisser le nombre d’enseignants afin que le système aille mieux. Je n’ai jamais ni dit ni même pensé cela !

Nous devons nous adapter aux besoins de l’économie d’aujourd'hui, consentir des efforts et faire en sorte que la réduction de la voilure de l’emploi public ne nuise pas aux relations entre les professeurs et les élèves. Nous devons organiser différemment nos services et travailler autrement.

Il va de soi que la stratégie de Lisbonne reste notre objectif principal : il s’agit de faire de la France et de l’Europe un territoire qui parie sur la matière grise.

Monsieur Percheron, vous avez pris l’exemple d’une académie que, bien sûr, vous connaissez bien. Or il s’agit de l’académie qui connaît depuis de nombreuses années la plus forte déperdition d’élèves. Celle-ci se compte en milliers d’élèves chaque année ; je n’ai pas les chiffres en tête, mais c’est considérable. Pour cette raison, cette académie est l’une de celles qui nous posent très régulièrement des problèmes d’ajustement. Si le nombre de professeurs de lycées professionnels baisse et que cela entraîne pour les établissements des difficultés d’organisation, ce n’est pas dû à l’action du Gouvernement.

Le ministère de l’éducation nationale est contraint de s’adapter et d’opérer des regroupements.

Vous ne pouvez pas non plus soutenir que nous abandonnons notre vocation de service public. Certes, je ne suis pas Jules Ferry, je vous le concède bien volontiers, mais là où il est nécessaire, le service public est maintenu. Quel ministère créera 500 points de service public supplémentaires ? Or c’est ce que nous ferons, puisque 500 postes de professeurs seront créés dans le premier degré, là où les besoins ont été définis.

Bien sûr, là où les élèves partent, nous fermons des classes ; mais nous en ouvrons quand des besoins nouveaux se font sentir. Nous dégageons des moyens supplémentaires quand nous le jugeons nécessaire ; je pense aux 200 lycées qui sont en grande difficulté. Qui dit mieux ?

Nous n’augmentons pas de manière systématique et aveugle le nombre de postes d’enseignants. Cette logique n’a pas prouvé son efficacité. Nous préférons augmenter la qualité et non la quantité. C’est ainsi que nous procédons.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Percheron.

M. Daniel Percheron. En évoquant le Nord-Pas-de-Calais, nous sommes au cœur du sujet, monsieur le ministre. Régionaliser ou localiser, ce n’est pas forcément réduire le problème ou le banaliser.

Dans ma région, le décrochage scolaire concerne 8 000 jeunes dans le second degré. Le taux de réussite au baccalauréat est inférieur à la moyenne nationale. Enfin, et c’est une exception, nous avons une part majoritaire d’enfants qui sont issus de la classe ouvrière et qui rejoignent presque mécaniquement l’enseignement professionnel. C'est la raison pour laquelle nous considérons que la présence d’enseignants et un haut niveau d’encadrement des élèves représentent des chances fondamentales pour l’avenir.

Dans les arrondissements qui perdent aujourd'hui un grand nombre d’élèves, le revenu par habitant est de 10 000 euros par an, alors qu’il est de 73 000 euros dans les Hauts-de-Seine ! On peut attendre de la République qu’elle compare les territoires et que, s’appuyant sur une politique éventuellement ratifiée par le peuple, elle adapte son action.

Nous savons que, à la rentrée prochaine, c’est par centaines que les postes seront supprimés ; des filières seront abandonnées, notamment dans l’enseignement professionnel. Je vous invite à nous rendre visite, monsieur le ministre ! Nous n’acceptons pas cette situation et nous espérons que votre attitude évoluera dans les mois qui viennent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec l’échange de questions et de réponses.

Nous allons maintenant procéder à l’examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire », figurant à l’état B.

Enseignement scolaire
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Article 35 et état B (interruption de la discussion)

M. Henri de Raincourt. Enfin !

État B

(En euros)

Enseignement scolaire

59 982 651 011

59 965 036 228

Enseignement scolaire public du premier degré

17 262 876 669

17 262 876 669

Dont titre 2

17 199 260 512

17 199 260 512

Enseignement scolaire public du second degré

28 674 577 553

28 674 577 553

Dont titre 2

28 498 276 059

28 498 276 059

Vie de l’élève

3 768 991 594

3 768 991 594

Dont titre 2

1 696 011 352

1 696 011 352

Enseignement privé du premier et du second degrés

6 942 087 199

6 942 087 199

Dont titre 2

6 206 297 629

6 206 297 629

Soutien de la politique de l’éducation nationale

2 067 345 561

2 063 130 778

Dont titre 2

1 317 289 657

1 317 289 657

Enseignement technique agricole

1 266 772 435

1 253 372 435

Dont titre 2

815 987 293

815 987 293

Mme la présidente. L'amendement n° II-195, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Enseignement scolaire public du premier degréDont Titre 2

 

 

 

 

Enseignement scolaire public du second degréDont Titre 2

 

 

 

 

Vie de l'élèveDont Titre 2

 

 

 

 

Enseignement privé du premier et du second degrésDont Titre 2

 

 

 

 

Soutien de la politique de l'éducation nationaleDont Titre 2

 

 

 

 

Enseignement technique agricoleDont Titre 2

 

5 604 362

 

5 604 362

 

5 604 362

 

5 604 362

TOTAL

 

5 604 362

 

5 604 362

SOLDE

-5 604 362

-5 604 362

La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre. Cet amendement est retiré, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° II-195 est retiré.

L'amendement n° II-66, présenté par Mme Férat, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Enseignement scolaire public du premier degréDont Titre 2

 

 

 

 

Enseignement scolaire public du second degréDont Titre 2

 

 

24 153 333

24 153 333

 

 

51 453 333

51 453 333

Vie de l'élèveDont Titre 2

 

 

 

 

Enseignement privé du premier et du second degrésDont Titre 2

 

 

 

 

Soutien de la politique de l'éducation nationaleDont Titre 2

 

 

 

 

Enseignement technique agricoleDont Titre 2

 

24 153 333

3 453 333

 

 

51 453 333

51 453 333

 

TOTAL

24 153 333

24 153 333

51 453 333

51 453 333

SOLDE

0

0

La parole est à Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis.

Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. Je précise que l’amendement que je présente a été adopté à l’unanimité par les membres de la commission des affaires culturelles, ce dont je les remercie.

Je souhaite lever toute ambiguïté : cet amendement n’a pas pour objet de privilégier l’enseignement agricole aux dépens de l’éducation nationale. Il tend ni plus ni moins à donner aux établissements agricoles les moyens de fonctionner.

Pour cela, 51 millions d’euros sont nécessaires. Une telle somme peut, au premier abord, sembler bien importante. Mais nous avons tous eu, mes chers collègues, l’occasion d’entendre les enseignants, les familles et les élèves de ces établissements : les besoins y sont criants.

Ce n’est pas une simple vue de l’esprit et je me permettrai d’évoquer trois des six besoins auxquels permettra de répondre l’adoption de cet amendement.

Premièrement, l’enseignement public agricole supporte l’essentiel des suppressions de postes depuis maintenant trois ans. Les fermetures de classes s’y multiplient, de même que les recrutements de contractuels, et ces derniers ont parfois bien du mal à se faire payer par l’État lui-même. Ainsi, certains n’ont pas perçu de salaires depuis le mois de septembre !

En 2009, si rien n’est fait, cette logique de fermeture de classes se poursuivra, portant ainsi un nouveau coup à des territoires ruraux souvent très fragilisés. Pouvons-nous continuer ainsi ?

Mes chers collègues, prélever 51 millions d'euros sur une ligne budgétaire dédiée aux heures supplémentaires, où était inscrit l’an dernier un montant de 1,1 milliard d'euros, nous permettrait de rétablir des postes d’enseignants et de personnels administratifs. Ce sont soixante à quatre-vingt fermetures de classes prévues pour 2009 qui pourraient être ainsi évitées.

Deuxièmement, en application des dispositions du code rural, l’État doit verser à l’enseignement agricole privé du temps plein une subvention qui devrait être revalorisée depuis l’année dernière, sur la base du coût d’un élève dans l’enseignement agricole public.

Or, en 2007, l’État a demandé aux établissements agricoles privés du temps plein de patienter jusqu’en 2009 et, en 2009, il lui demande de patienter jusqu’en 2010. En 2010, si rien ne change, les établissements toucheront le premier tiers de ce qui leur est dû au titre de 2006, puis le deuxième tiers en 2011, enfin le troisième tiers en 2012. Au total, l’État aura réussi à différer de six ans le paiement de 30 millions d’euros !

Pendant ce temps, ce sont les familles qui devront combler les trous creusés dans la trésorerie des établissements par l’impéritie, pour ne pas dire l’avarice de l’État. Pouvons-nous, mes chers collègues, nous satisfaire d’une telle situation ? Est-il raisonnable d’attendre que la justice condamne l’État à payer – c’est ce qui arrivera, car le contentieux est lancé – pour que nous nous résignions enfin à tenir les engagements qui figurent dans la loi ?

Troisièmement, l’enseignement à rythme approprié doit chaque année supporter des reports de charge qui atteignent désormais 25 millions d’euros. Je le répète : ce sont bien 25 millions d’euros que, chaque année, l’État se permet de ne pas verser à ces établissements, sans justification aucune.

Quand je vois, mes chers collègues, la réaction qu’a pu provoquer dans les ministères la simple évocation d’un amendement portant sur 51 millions d’euros, alors que la mission en cause « pèse » 60 milliards d’euros, je n’arrive pas à comprendre pourquoi ces mêmes ministères envisagent avec une infinie sérénité l’idée de faire supporter des reports de charges de 25 millions d’euros à des établissements scolaires.

Ma priorité n’est pas de savoir sur quelle ligne prélever les 51 millions d’euros dont l’enseignement agricole a besoin. Cette question est seconde. Il est en revanche primordial de savoir si nous allons remettre définitivement à niveau l’enseignement agricole.

Nous sommes en effet arrivés à un carrefour : soit nous continuons à tenter, année après année, d’affecter quelques centaines de milliers d’euros supplémentaires, parfois quelques millions, pour un enseignement agricole structurellement sous-financé, et les années à venir verront cet enseignement s’éteindre lentement ; soit nous donnons à ce secteur les moyens de sortir enfin la tête de l’eau, garantissant ainsi son avenir.

Pour ma part, mon choix est fait. Et je ne peux, pour accomplir cette tâche, que me tourner vers le ministère de l’éducation nationale. La Constitution m’interdit en effet de faire autrement. Ainsi vont les rigueurs de l’article 40 : il nous est permis de toucher à la répartition des crédits, mais au sein d’une même mission. Or la mission « Enseignement scolaire » ne vise que l’enseignement agricole et l’éducation nationale. Pour donner à l’un, il faut donc prendre à l’autre. Les parlementaires que nous sommes ne peuvent agir autrement.

Je sais, mes chers collègues, combien il peut paraître insatisfaisant de prendre à un ministère pour donner à un autre, a fortiori lorsque le ministère auquel seront affectés les crédits supplémentaires n’a pas toujours su se défendre au cours de la négociation budgétaire. C’est pour cela que, depuis plus de deux mois, j’ai pris mon bâton de pèlerin afin de rencontrer les membres de tous les cabinets ministériels et les conseillers que compte la capitale. J’ai répété la même chose à chacun d’entre eux : « L’enseignement agricole a des besoins qu’il faut combler ; aidez-nous à le faire sans que soit obligatoirement prélevée l’intégralité des fonds nécessaires sur le budget de l’éducation nationale. »

J’ai toujours été écoutée avec intérêt, quelquefois avec sympathie, mais, au final, la même réponse a toujours prévalu : « Peut-être y a-t-il des besoins, mais nous ne pouvons rien faire. » Sans doute aurait-il été plus conforme à la réalité de me dire qu’on ne voulait rien faire.

Monsieur le président de la commission des finances, j’ai tout fait pour que l’esprit de négociation prévale, pour que la situation soit réglée sans que nous ayons aujourd’hui à nous prononcer sur cet amendement. Mais, pour régler la situation, on me demandait précisément de renoncer à présenter cet amendement et à abonder les crédits de l’enseignement agricole. Or c’est bien la seule chose à laquelle je ne pouvais me résoudre.

Je vous appelle donc, mes chers collègues, à adopter cet amendement. Ainsi, l’enseignement agricole aura les moyens de vivre et de continuer le travail exceptionnel qu’il accomplit, au service des élèves, dans des territoires qui en ont bien besoin.

Je vous appelle à le faire malgré le gage qu’il comporte ce texte. J’ai tout fait pour que le gage soit levé ; cela n’a pas été possible et je le regrette.

Une précision s’impose en cet instant : les 51 millions d’euros en cause représentent 0,08 % des crédits visés.

L’amendement n° II-66 est présenté pour solde de tout compte. Il sera alors de la responsabilité du ministre de l’agriculture d’agir et de défendre l’enseignement agricole. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE et sur quelques travées socialistes.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. La commission des finances est favorable à l’amendement n° II-66. En effet, Mme Férat défend avec compétence, ferveur et passion une juste cause.

Depuis plusieurs années, monsieur le ministre, nous revenons sur ce sujet. Votre ministère, en tant que tel, n’est d’ailleurs pas en cause. Il assume ses responsabilités.

Comme l’a rappelé Mme Férat, le Parlement ne peut que faire basculer des sommes à l’intérieur d’une même mission. En réalité, la mission « Enseignement scolaire » concerne deux ministères : à titre principal, en fait quasi exclusif, la Rue de Grenelle, mais également la Rue de Varenne. Or, le ministère de l’agriculture a manifestement du mal à obtenir les moyens nécessaires pour la part qui lui revient dans la mission que nous examinons.