compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Léonce Dupont

vice-président

Secrétaires :

Mme Christiane Demontès,

Mme Sylvie Desmarescaux.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour un rappel au règlement.

M. Ivan Renar. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 36 du règlement.

Je souhaite profiter de la présence de M. le ministre de l’éducation nationale pour lui faire part de notre vive émotion à la suite des événements qui se sont produits hier à Marciac.

Comme vous le savez, des forces de gendarmerie ont pénétré dans un collège de la ville en compagnie de chiens policiers. Des élèves ont fait l’objet de fouilles au corps et certaines petites filles ont même été « palpées », ce qui a suscité, vous le comprendrez, l’indignation du corps enseignant et des parents d’élèves.

Ces faits sont totalement scandaleux ! Personne ne pensait que de tels actes étaient possibles, notamment dans le cadre d’une opération dite de « prévention » !

Je voudrais donc émettre une vive protestation, monsieur le ministre.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. Monsieur Renar, je me suis déjà exprimé sur le sujet hier soir.

Je partage votre sentiment. La manière dont les événements se sont déroulés – mes services n’ont même pas été véritablement prévenus – n’est pas conforme aux usages et ne répondait à aucune nécessité.

D’ailleurs, les conventions départementales qui existent entre le ministère de la justice et le ministère de l’éducation nationale, et il y en a une dans le Gers, imposent d’organiser des discussions entre les services concernés avant de décider d’une éventuelle opération. En l’occurrence, ces conventions n’ont pas été respectées.

L’émotion soulevée par cette affaire est d’autant plus justifiée que nos enseignants fournissent au quotidien un travail remarquable pour développer une pédagogie de la prévention.

Je m’en tiendrai donc là, mais je comprends votre émotion, monsieur Renar.

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour un rappel au règlement.

M. Claude Domeizel. Mon rappel au règlement n’a pratiquement plus d’objet, puisqu’il portait sur le même sujet, monsieur le ministre.

Je voulais également exprimer notre émotion à la suite de ces événements. Avec mes collègues et amis du groupe socialiste, nous souhaiterions savoir ce qui s’est réellement passé.

Certes, je n’attends pas que vous me répondiez instantanément, monsieur le ministre. Mais je pense que nous sommes en droit de demander des comptes, tant les méthodes qui ont été employées sont éloignées des pratiques éducatives normales.

Mon propos n’est pas d’accuser qui que ce soit. Je souhaite simplement que la situation soit tirée au clair.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre. Monsieur Domeizel, je pense que je serai bientôt en mesure de vous apporter des éléments de réponse, puisque j’ai ordonné une enquête.

L’inspecteur d’académie du Gers a fait l’objet d’une convocation au ministère, et il sera reçu ce matin même par des membres de mon cabinet.

Nous essayons de comprendre le déroulement exact des événements. C’est une décision de justice qui a entraîné l’intervention de la gendarmerie. Nous souhaitons obtenir toutes les précisions qui s’imposent.

Pour ce qui relève de ma responsabilité, je vous apporterai toutes les explications nécessaires.

M. Claude Domeizel. Merci, monsieur le ministre !

3

Articles additionnels après l'article 65 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Deuxième partie

Loi de finances pour 2009

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Enseignement scolaire

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale (nos 98 et 99).

Enseignement scolaire

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2009
Article 35 et état B (début)

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

La parole est à M. Gérard Longuet, rapporteur spécial.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me revient de présenter le rapport spécial de la commission des finances sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

Compte tenu du temps de parole qui m’est imparti, je centrerai mon propos sur deux aspects très différents de la politique scolaire.

Dans une première partie, je souhaite aborder la dimension strictement budgétaire de votre action, monsieur le ministre.

Sur les 60 milliards de crédits affectés à la mission « Enseignement scolaire », qui est la première mission du budget de l’État, 93 %, soit 55,7 milliards d’euros, correspondent à la rémunération des personnels, notamment des enseignants.

De ce point de vue, nous constatons une volonté d’adapter les effectifs de l’éducation nationale aux évolutions démographiques, tout en maintenant un taux d’encadrement des élèves par enseignant acceptable, supérieur aux normes constatées dans les grands pays de l’OCDE.

Il s’agit d’une diminution significative. Pour la première fois, le nombre d’enseignants passe sous la barre du million. Cette année, il sera très exactement de 977 863, soit une réduction de 22 891 postes en équivalent temps plein.

Dans le même temps, les crédits de personnel augmentent de 1,5 %, en raison de la hausse des pensions liée aux nombreux départs en retraite. D’ailleurs, nous souhaitons de longues et heureuses retraites aux personnes concernées. (Sourires.) Mais il faut retenir que la diminution des effectifs ne se traduira pas par une baisse des dépenses de personnel, bien au contraire.

Pour autant, monsieur le ministre, vous vous êtes efforcé de maintenir des capacités d’enseignement adaptées aux élèves. La commission des finances y est sensible.

Ainsi, vous avez décidé de sédentariser 3 000 des 11 376,5 équivalents temps plein consacrés aux réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED. Cette mesure, qui pose problème à certains de nos collègues, est intéressante. Elle mériterait d’être mieux expliquée et détaillée. Je rappelle qu’elle permet de récupérer 3 000 postes.

En outre, vous avez annoncé la création d’une « agence du remplacement » pour améliorer la gestion des 24 000 professeurs remplaçants. Cela permettra d’assurer une meilleure présence des enseignants face aux élèves. Nous y sommes sensibles.

De même, vous souhaitez limiter les mises à disposition dont bénéficie le corps enseignant. Certes, cela peut poser des problèmes au monde associatif. Mais, et chacun peut le comprendre, le rôle d’un professeur est d’abord d’enseigner, surtout dans une période de pénurie budgétaire.

Vous vous attaquez également au problème récurrent des enseignants sans élève dans des disciplines où la demande a fortement diminué. Là encore, nous attendons des précisions de votre part, monsieur le ministre. Nous savons que l’évolution est favorable, mais nous ne l’avons pas quantifiée cette année.

Je voudrais insister sur la solution que vous avez privilégiée pour maintenir une présence d’enseignants devant les élèves tout en diminuant globalement les effectifs : le recours aux heures supplémentaires. Désormais, celles-ci représentent près de 3,3 % de la masse salariale, soit 1,2 milliard d’euros, qu’il s’agisse des heures supplémentaires annuelles, les HSA, ou des heures supplémentaires effectives, les HSE. Les heures supplémentaires représentent à la fois une augmentation du pouvoir d'achat pour les enseignants qui travaillent plus et une charge significative pour le budget du ministère de l’éducation nationale.

Par ailleurs, toute une série de postes, près de 100 000, concourent directement ou indirectement à l’enseignement. Cela va de l’accueil aux enfants handicapés jusqu’aux fonctions de soutien. Cela représente un coût de 1,2 milliard d’euros, hors masse salariale dans les budgets d’intervention du ministère de l’éducation nationale. Il s’agit d’une somme significative qui représente, elle aussi, environ un peu plus de 3 % de la masse salariale. Pour la commission des finances, il s’agit d’une formule adaptée à la fois aux besoins des établissements scolaires et des élèves et à un moment de la carrière d’un certain nombre d’étudiants ou de futurs enseignants.

Je voudrais évoquer plusieurs autres aspects quantitatifs.

Vous avez retenu le principe de parité entre l’enseignement privé et l’enseignement public. C’est un principe de paix et de sérénité. Correspond-il – nous aurons l’occasion d’en discuter de nouveau lorsque nous aborderons la carte scolaire – à la réalité de la demande des enseignants ? Assurément non ! Mais, dans la période actuelle de contraintes des moyens, nous ne pouvons pas raisonnablement l’écarter, même s’il crée un certain nombre de frustrations et de déceptions.

De même, en matière de mobilisation des moyens dont vous disposez, vous avez cherché à insister sur l’aspect qualitatif.

Pour ma part, je suis extrêmement sensible à la création des 300 postes annuels d’infirmières ou d’infirmiers. Ces personnels assurent une présence de nature différente dans les établissements scolaires. Leur rôle ne se limite pas à prodiguer des soins.

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Tout à fait !

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Les infirmières et les infirmiers ont une fonction d’accueil spécifique, d’accompagnement, voire de soutien psychologique, ce qui peut aider à la résolution d’un certain nombre de problèmes. Comme nous le savons en tant que parents ou grands-parents, l’adolescence est une période sensible de l’existence.

Vous avez également choisi de créer des postes dans les zones les plus difficiles économiquement et socialement, ce qui constitue une réponse intéressante et courageuse au problème de la carte scolaire.

Ainsi que nous le demandions dans la majorité, vous avez accepté d’assouplir la carte scolaire. Il y a, nous le constatons, des déplacements. Cependant, nous observons que la plupart des demandes peuvent être satisfaites. Vous souhaitez non pas affaiblir les établissements les moins demandés, mais leur permettre, par un meilleur encadrement, de retrouver un niveau d’attractivité susceptible d’inciter les familles à y inscrire de nouveau leurs enfants.

En tant qu’élu régional, j’évoquerai le succès de la décentralisation de la gestion des personnels administratifs, techniques, ouvriers, sociaux et de santé, les personnels ATOSS, vers les départements ou les régions.

Monsieur le ministre, peut-être pourriez-vous nous préciser le pourcentage significatif de personnels ayant choisi le statut départemental ou régional, afin de répondre aux inquiétudes soulevées par certains lors de l’adoption de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. Monsieur le ministre, un employeur public près des réalités est parfois plus apprécié que la rue de Grenelle, employeur public de grande qualité, mais parfois trop éloigné du terrain pour gérer des effectifs d’exécution ou d’application.

Comme je le soulignais à l’instant, une telle évolution des effectifs a permis de traiter l’assouplissement de la carte scolaire sans conflit majeur.

Monsieur le ministre, des progrès ont également pu être accomplis en matière d’accueil des élèves handicapés. Je vous en remercie au nom des familles concernées, même s’il s’agit d’une situation extrêmement tendue, qui demande une attention de tous les instants, notamment compte tenu de la carte des établissements pouvant ou non accueillir ce type d’élèves.

Je terminerai cette première partie sur l’adaptation des effectifs aux besoins exprimés par les établissements en évoquant le problème des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, ou RASED.

Nous observons une réaffectation significative des maîtres spécialisés, 3 000 sédentarisations sur 11 000, c’est-à-dire environ un quart des effectifs. Nous souhaiterions, monsieur le ministre, que vous nous apportiez des précisions sur cette évolution, qui est pertinente, mais qui mérite d’être expliquée.

Le soutien nomade aboutit à un effort éducatif de grande qualité. Dans un groupe scolaire moyen, de cent vingt-cinq élèves, répartis en cinq classes, les trois titulaires de postes à temps plein mobilisés dans un RASED n’arrivent à suivre que sept élèves sur cent vingt-cinq.

La formule que vous proposez permet toujours de traiter les cas difficiles, mais elle permet également de suivre trente-six élèves sur cent vingt-cinq, c’est-à-dire près de cinq fois plus qu’auparavant.

Les cas lourds restent suivis par le psychologue, plus orienté par sa formation et par sa compétence vers des cas, certes marginaux, mais qui méritent d’être pris en considération.

En revanche, plus d’élèves en difficulté peuvent bénéficier d’un soutien personnalisé après l’école grâce à la suppression du samedi matin.

Nous avons besoin dans cette adaptation quantitative, de ne pas négliger les efforts qualitatifs qui ont été faits avec beaucoup de bonne volonté par les enseignants et dont les résultats sont souvent appréciés par les parents d’élèves.

Je voudrais dans une deuxième partie, et très brièvement, monsieur le président, évoquer des problèmes ponctuels.

Tout d’abord, la commission des finances insiste sur la difficulté de suivre des réformes qui sont pertinentes, mais annoncées parfois en cours d’année, et dont les incidences en termes de projets annuels de performances, pour reprendre la terminologie de la LOLF, ne sont pas connues, parce que les coûts ne sont pas indiqués.

Ensuite, elle attend, presque désespérément, le décret créant les établissements publics d’enseignement primaire.

Je crains, monsieur le ministre, que vous ne soyez rattrapé par une proposition de loi présentée par nos collègues députés MM. Apparu, Reiss et Geoffroy. Sur ce point, nous attendons une réponse.

Pour ce qui est des problèmes spécifiques à l’enseignement du second degré, j’éprouve de l’incompréhension devant l’évolution de certains crédits.

Les crédits de remplacement augmentent de 35 %, tant mieux, mais ils s’accompagnent d’une diminution de 27 % des crédits de formation des enseignants.

Ces évolutions sont spectaculaires, elles expriment sans doute une politique volontariste. On comprend en général assez facilement les augmentations, mais plus difficilement les diminutions. Vous nous les expliquerez, monsieur le ministre, je vous en remercie d’avance.

En outre, je voudrais signaler la difficulté de rendre compatibles les heures de soutien dans l’enseignement primaire et secondaire et l’obligation de transports scolaires dans de nombreux départements.

Ces nouveaux horaires modifient les circuits de ramassage et rendent dans certains cas le soutien scolaire irréalisable dans les écoles et les collèges en milieu rural.

J’évoquerai enfin la proposition de loi tendant à garantir la parité de financement entre les écoles primaires publiques et privées de notre collègue Jean-Claude Carle, qui sera examinée le 10 décembre prochain et qui mettra fin à un débat complexe, sur lequel je ne reviendrai pas. Je me réjouis simplement qu’un texte qui semble faire l’objet d’un consensus puisse être adopté par le Parlement.

En terminant, je dirai que nous examinerons avec attention le budget du ministère de l’agriculture, qui participe à cette mission de l’enseignement scolaire, mais dans des conditions budgétaires légèrement équivoques.

Je veux dire par là que le ministère de l’agriculture n’a manifestement pas les moyens budgétaires de rattraper le retard qu’il a pris au sujet des accords qu’il a conclus avec l’enseignement technique agricole sous toutes ces formes, qu’il s’agisse de temps plein ou de temps adapté, et qu’il compte sur l’enthousiasme des parlementaires pour obtenir en séance ce qu’il n’a pas obtenu en arbitrage intergouvernemental.

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, cela veut dire en fait qu’il va vous faire payer ce qu’il ne veut pas prendre sur les crédits de son ministère. Tels sont les faits ; nous ne sommes pas dupes !

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. Mme Férat, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, a présenté un amendement qui aura l’immense mérite de traiter ce problème.

Ou bien le ministère de l’agriculture assume sa mission, qui sans doute est quantitativement marginale, mais qui est belle et appréciée et qui répond à un véritable besoin, ou bien il ne l’accepte pas, mais alors, qu’il ne transfère pas sa responsabilité sur le seul Parlement !

Si, dans notre majorité, nous sommes attentifs à cette forme d’enseignement, nous souhaiterions néanmoins que les problèmes gouvernementaux soient réglés en interne plutôt que par un prélèvement sur votre budget, qui, monsieur le ministre, n’est pas extensible indéfiniment ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Très bien ! Quelle perspicacité, monsieur le rapporteur !

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial.

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon collègue Gérard Longuet vous a présenté les principales observations que la commission a portées sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire ». Je n’y reviendrai donc pas

Le présent rapport est fait au nom de votre commission des finances. Je voudrais donc redire ici que je ne partage pas les objectifs du Gouvernement, ni les conclusions de votre commission tendant à l’adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

Le budget de l’enseignement scolaire nous est présenté, monsieur le ministre, alors que le malaise est profond dans la communauté éducative.

Une nouvelle fois, monsieur le ministre, vous l’avez préparé dans une logique comptable, une logique de réduction des dépenses publiques. La suppression de postes, massive, continue.

Après les 11 200 postes en moins cette année, 13 500 seront supprimés l’année prochaine, et 40 000 le seront dans les trois années à venir.

Centrer cette politique scolaire exclusivement sur la diminution du nombre de fonctionnaires, en taillant grossièrement dans les effectifs est une orientation catastrophique, qui se traduit, sur le terrain, par la fragilisation systématique des académies les plus en difficulté.

Les classes se retrouvent souvent surchargées. Il existe des menaces de fermeture pour la scolarisation en petite section à l’école maternelle, dont la mission est d’ailleurs remise en cause.

Les enseignants, vous le savez, ne sont pas remplacés, et ce sur des périodes de plus en plus longues. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, la mission « Enseignement scolaire » en est l’inscription budgétaire.

On a choisi l’éducation comme variable d’ajustement d’une politique qui n’est pas bonne. Alors, bien entendu, le Gouvernement prétend que le soutien scolaire permettra d’aider les élèves en difficulté.

On veut faire croire que les deux heures de soutien hebdomadaires compenseront la suppression de l’école le samedi matin, et que cela remplacera l’aide personnalisée des enfants en grande difficulté.

En réalité, il n’en est rien. Le démantèlement des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, ou RASED, aura des conséquences désastreuses sur la résorption de l’échec scolaire.

Les professionnels des RASED travaillent en équipe et abordent des problèmes sociaux et relationnels qu’on ne peut pas traiter en classe.

M. Guy Fischer. Très bien !

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial. Monsieur le rapporteur spécial, il ne s’agit pas d’heures de soutien scolaire Ces enseignants spécialisés s’occupent de ces enfants en dehors de la classe.

En substance, on dit aux enseignants de faire du soutien, mais sans l’appui des personnels compétents et spécialisés ! En réalité, ils se retrouvent face à l’échec.

On le voit bien, réaffecter 3 000 maîtres spécialisés, sur les 9000 ou 10 000 existants, dans des classes entières n’est pas conciliable avec l’objectif affiché de division par trois de l’échec scolaire, qui est particulièrement lourd en primaire.

Laisser tomber ces enfants jugés irrécupérables est un véritable abandon. D’ailleurs, la réunion du 16 octobre dernier au ministère a bien scellé la mort en trois ans des RASED.

Cette décision est dramatique pour les enfants, pour les parents et également pour les enseignants, qui n’en peuvent plus et qui le disent ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Ce matin, ils manifestent d’ailleurs devant le Sénat. Mais cette décision est dramatique aussi pour les maires, qui n’en peuvent plus de supporter tout cela ! Tout à l’heure, l’une de mes collègues m’en a apporté la confirmation.

Voilà ce que je voulais dire dans cette première partie, en rappelant que le Président de la République a récemment déclaré que les fonctionnaires qui manifestent ne se rendaient pas compte de la gravité de la crise.

Non, monsieur le ministre, au contraire, je pense qu’ils ont trop bien compris dans quel monde nous vivons.

M. Pierre Martin. Ils vivent dans le leur !

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial. Et d’ailleurs, ils ne sont pas seuls ! Ainsi 70 % des Françaises et de Français soutiennent leur mouvement !

M. Pierre Martin. Ils peuvent se tromper !

M. Thierry Foucaud, rapporteur spécial. C’est écrit dans la presse, des sondages ont été faits. Si vous les utilisez, pourquoi n’en ferais-je pas état ? C’est une réalité nationale.

Il faut rappeler, monsieur le ministre, que ce projet de budget de l’éducation nationale est une vitrine, excusez-moi le mot, de l’ingratitude et du dédain du Gouvernement.

Il est le reflet de dogmes financiers, qui conduisent à vouloir faire de l’école une machine à sélectionner, un système à la carte renforçant les inégalités, un prétexte au commerce périscolaire et un dispositif de formation précoce des travailleurs.

En même temps, vous le savez, notre pays a la chance de disposer d’un grand service public, le service public de l’éducation.

Alors qu’il devrait être une priorité nationale, pour les familles et le développement, il pâtit, et on le voit à travers ce budget, d’arbitrages qui, bien sûr, ne sont pas bons.

L’école doit avoir pour objectif la réussite de chacun, tout le monde le dit.

Mais je pense que cet objectif devrait passer par l’arrêt des suppressions de poste, le remplacement des enseignants, le recrutement et la formation des personnels accompagnants nécessaires. Il faut remplacer les personnels qui manquent, notamment les surveillants, les médecins et infirmières scolaires, mais aussi les agents pour la scolarisation des enfants handicapés.

Cet objectif devrait également passer par la mise en place d’une programmation pluriannuelle des postes et l’arrêt du développement de la précarité, par l’élargissement de la scolarité obligatoire de 3 à 18 ans et non de 6 à 16 ans aujourd’hui, et par le développement de disciplines comme les sciences sociales, qui sont remises en cause dans le cadre de la réforme des lycées.

Cet objectif devrait enfin passer par la mise en place d’un plan ambitieux de développement de la formation des maîtres, d’un plan de recherche en éducation et aussi par la création d’un fonds national de lutte contre les inégalités scolaires, permettant d’aller vers la gratuité effective de la scolarité.

Tout cela, je ne le retrouve ni dans le rapport, ni dans le projet de budget. C’est pourquoi ma position est contraire à l’avis de la commission des finances, rapporté par notre collègue il y a quelques instants.

Bien sûr, toutes ces mesures que je viens d’évoquer, monsieur le ministre, demandent un engagement financier important, mais tout est question de priorités.

Le budget de l’éducation nationale pourrait être porté à 7 % du PIB, par exemple. Je crois savoir que son montant par rapport au PIB est le même qu’il y a vingt-cinq ou trente ans.

Je pense que la France en a les moyens. Cette année, le bénéfice des entreprises du CAC 40 représente ainsi le double du budget de l’éducation nationale.

On nous parle de la crise. Mais, en temps de crise, monsieur le ministre, les Françaises et les Français recherchent de la cohésion sociale dans les valeurs sûres. Le service public de l’éducation est l’une d’elles.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, telles sont les observations que je souhaitais formuler ce matin à l’occasion de l’examen de ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le ministre, en consultant mon éphéméride, j’ai vu que c’était aujourd'hui la Saint-Xavier. À cette occasion, permettez-moi de vous souhaiter, en mon nom et en celui de mes collègues, s’ils m’y autorisent, une bonne fête ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. Merci !

M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis. Mes chers collègues, une fois de plus, le projet de loi de finances pour 2009 fait de l’école la première des priorités nationales, envoyant ainsi à l’ensemble de la communauté un signal très clair : demain, comme aujourd’hui, la nation sera rassemblée derrière son école et est prête à lui donner les moyens dont elle a besoin pour préparer notre avenir collectif, et à affecter ces moyens prioritairement envers celles ou ceux qui en ont le plus besoin.

En 2009, le budget de la mission « Enseignement scolaire » franchira ainsi, en autorisations d’engagement, la barre symbolique des 60 milliards d’euros. Même additionnés, ces trois autres poids lourds de notre budget que sont les missions « Sécurité », « Défense » et « Écologie » ne suffisent pas à égaler l’effort de la nation pour son école.

C’est donc un honneur pour moi que de rapporter les crédits de cette mission, prioritaire entre toutes. C’est aussi une lourde tâche, d’autant plus qu’elle était exercée avec brio, encore récemment, par notre collègue Philippe Richert.

Pour accomplir au mieux cette tâche, j’ai souhaité associer l’ensemble de la communauté éducative à la préparation de ce rapport.

À mes yeux, notre réflexion repose sur quatre piliers, tous consacrés par la loi « Fillon » sur l’école : les personnels de l’éducation nationale, les familles, les collectivités territoriales et, enfin, le monde socio-économique.

J’ai rencontré tous ces partenaires et je souhaite aujourd’hui me faire aussi leur porte-parole, leurs réflexions ayant éclairé mes travaux et ceux de la commission.

Ces réflexions, je pourrais les résumer en trois mots : investissement, évaluation et partenariat. Ces trois mots sont aussi les trois clefs de l’avenir de notre école. Permettez-moi, mes chers collègues, de m’y arrêter un instant.

Investissement, tout d’abord : trop longtemps, nous sommes restés prisonniers du combat sans fin qui opposait deux logiques également néfastes, l’une prônant l’augmentation des moyens à tout prix et refusant toute réforme, l’autre ne voyant dans l’école qu’un coût à maîtriser au prix d’économies parfois excessives.

Grâce à vous, monsieur le ministre, ainsi qu’à certains de vos prédécesseurs, nous avons su trouver une troisième voie, respectueuse des besoins du système éducatif et consciente de la nécessité de faire le meilleur usage des moyens offerts par la nation. Cette troisième voie, c’est celle que dessine la promotion d’une logique d’investissement.

Investir, c’est préparer l’avenir en acceptant de faire un effort aujourd’hui pour en tirer les fruits demain ; c’est miser sur le savoir faisant partie de ces biens qui ne s’épuisent pas en se partageant, mais que le partage même fait grandir. Car je crois, comme l’a dit le député Henri Nayrou, président de l’Association nationale des élus de montagne, l’ANEM, que « l’école est un acte de foi, d’espérance et d’engagement ».

Investir, c’est tirer le meilleur parti des moyens disponibles pour pouvoir, comme vous le faites cette année, enrichir l’offre éducative à moyens quasi constants.

Investir, c’est accepter de consacrer près de 60 milliards d’euros aux seules politiques éducatives, parce qu’elles constituent le vecteur à la fois de l’intégration républicaine, de la promotion sociale et de l’épanouissement de chacun.

Investir, c’est accepter de consentir cet effort, presque inouï, de 60 milliards d’euros par an, en sachant qu’il nous oblige par son ampleur même.

Car la communauté nationale ne peut dépenser de telles sommes sans exiger d’en connaître les résultats, non pas pour incriminer ni punir, mais tout simplement pour savoir ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas et envisager les réformes pour améliorer l’efficacité de nos politiques éducatives.

Sans évaluation, il n’y a pas d’investissement possible et pérenne. Sur ce point, le consensus règne et tous nos interlocuteurs, sans exception monsieur le ministre, ont souligné la nécessité d’accentuer encore l’effort d’évaluation au sein de votre ministère.

D’ores et déjà, des progrès remarquables ont été accomplis. Dès votre arrivée, vous avez tenu à associer des objectifs chiffrés à chacune de vos réformes et vous le pouviez d’autant plus efficacement que ces réformes elles-mêmes étaient fondées sur des constats objectifs et précis.

La refondation de l’école primaire en témoigne, puisqu’elle est tout entière assise sur les résultats des enquêtes internationales PIRLS – Progress in international reading literacy study – et PISA – Programme international pour le suivi des acquis des élèves – et sur le rapport particulièrement clair et fouillé du Haut conseil de l’éducation.

Cet effort d’évaluation, que je tiens à saluer, pourrait encore être poursuivi et accentué. En effet, les documents budgétaires témoignent encore du flou qui entoure certaines questions. Pourtant, il n’est de bonne évaluation qui ne s’appuie sur des données précises et stables, portant à la fois sur le passé et sur le présent et fixant des objectifs pour l’avenir.

Il en va de même pour les prévisions qui déterminent le calibrage définitif du budget. C’est un exercice difficile, voire hasardeux, que de prévoir. Pourtant, il est important et même décisif que ces estimations soient aussi précises et solides que possible.

Sans évaluation, il ne peut y avoir de certitudes partagées avec l’ensemble des partenaires de l’école. L’évaluation claire, transparente et effectuée par une autorité qui ne soit ni juge ni partie est donc l’une de clefs du partenariat que, tout comme vous, j’appelle de mes vœux.

Vous l’avez démontré à de multiples reprises ces derniers mois, monsieur le ministre, en signant un nombre important de protocoles d’accord et de discussion.

Cet effort de concertation doit être salué, car il est unique dans l’histoire récente de ce ministère : jamais autant de chantiers n’avaient été ouverts en même temps, jamais ils n’avaient été conduits avec autant de volonté et, en même temps, d’ouverture. Cela mérite d’être souligné : il n’est pas une seule de vos actions dans laquelle un syndicat de personnels au moins ne vous accompagne.