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Fait personnel

M. le président. En application de l’article 36, alinéa 3, du règlement, bien que ce ne soit pas la fin de la séance, et donc à titre exceptionnel, je donne la parole à M. Jean Arthuis, pour un fait personnel.

M. Jean Arthuis. Je voudrais réagir à l’intervention de Mme Terrade qui a tenté, il y a quelques minutes, d’accréditer l’idée selon laquelle nous aurions, lundi après-midi, lors du débat sur le projet de loi de finances pour 2009, sur les articles non rattachés de la seconde partie, voulu supprimer l’ISF.

Je souhaiterais que, lorsque vous évoquez ce sujet, madame Terrade, vous n’omettiez jamais de préciser que notre première préoccupation était d’abroger le bouclier fiscal, car nous considérons que son application est injuste, et que, corrélativement, nous proposions en effet de supprimer l’ISF,…

M. Dominique Braye. Eh oui ! Il faut être objectif !

M. Jean Arthuis. … mais aussi, afin de compenser la perte de ressources résultant de cette suppression, d’instituer une cinquième tranche dans le barème de l’impôt sur le revenu. Il s’agissait d’un triptyque dont chacun des volets était indissociable des deux autres. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. Guy Fischer. Mais votre premier amendement portait sur l’ISF !

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Catherine Tasca.)

PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Tasca

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

11

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Terrade, pour un rappel au règlement.

Mme Odette Terrade. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 36, alinéa 3, de celui-ci.

Tout à l’heure, à l’issue des questions d’actualité au Gouvernement, M. le président du Sénat, qui dirigeait nos travaux, a autorisé M. Jean Arthuis à intervenir au sujet d’une question que j’avais posée au Gouvernement.

C’est là une première dans cet hémicycle : pour autant que je me souvienne, jamais, depuis que je suis sénatrice, je n’ai vu un sénateur intervenir ainsi alors que la séance de questions d’actualité est achevée et que l’orateur mis en cause ne peut plus répondre.

J’ai en main l’amendement n° II-309, visant à insérer un article additionnel avant l’article 42 du projet de loi de finances pour 2009, présenté par M. Arthuis et les membres du groupe Union centriste, dont l’objet débute ainsi : « Le présent amendement prévoit l’abrogation de l’impôt de solidarité sur la fortune à compter de la campagne 2010. En conséquence, le bouclier fiscal serait supprimé. »

M. Arthuis avait également présenté un amendement n° II-387, de « même inspiration » que celui que je viens d’évoquer.

Selon le compte rendu intégral de la séance du lundi 8 décembre dernier, il expliquait : « Par ces deux amendements, nous vous proposons un dispositif en trois volets, dont le premier est l’abrogation du bouclier fiscal. Puisque celui-ci constitue la tentative de rectification des excès de l’ISF, nous proposons également – c’est le deuxième volet – d’abroger l’impôt de solidarité sur la fortune. »

M. Jean-Jacques Hyest. C’est exactement ce que M. Arthuis a expliqué tout à l'heure !

Mme Odette Terrade. Je tenais donc à rectifier les propos de M. Jean Arthuis et à faire figurer dans le procès-verbal que, tout à l’heure, notre groupe, en posant sa question, n’a pas manqué à la vérité.

M. Guy Fischer. Absolument !

M. Jean-Pierre Fourcade. Vous occultez le troisième volet du dispositif, celui qui porte augmentation de l’impôt pour les revenus les plus élevés ! Lisez jusqu’au bout !

Mme Odette Terrade. Je peux encore le faire !

Mme la présidente. Madame Terrade, je vous donne acte de votre rappel au règlement, que vous aviez parfaitement le droit de faire.

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Application de l’article 25 de la Constitution et élections des députés

Suite de la discussion d'un projet de loi organique et d’un projet de loi déclarés d'urgence

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi organique portant application de l’article 25 de la Constitution et du projet de loi relatif à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés, adoptés par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence.

La discussion générale commune de ces deux projets de loi a été close.

Conformément aux indications de M. le secrétaire d’État à l’intérieur et aux collectivités territoriales, nous allons examiner d’abord le projet de loi organique, puis le projet de loi ordinaire.

Le vote sur l’ensemble du projet de loi organique sera toutefois réservé afin que le vote sur l’ensemble du projet de loi ordinaire intervienne en premier.

projet de loi organique

Exception d’irrecevabilité

 
Dossier législatif : projet de loi organique portant application de l'article 25 de la Constitution
Question préalable

Mme la présidente. Je suis saisie, par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, d'une motion n° 12.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant application de l'article 25 de la Constitution (n° 105, 2008-2009).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, auteur de la motion.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’heure où s’instaure une réflexion en profondeur sur la réforme du règlement du Sénat et sur les moyens de valoriser les droits de l’opposition, nous voici donc réunis pour débattre d’un projet de loi organique tendant à transposer les règles issues de la révision constitutionnelle du 23 juillet dernier, dont nous savons tous, néanmoins, qu’il sera adopté conforme.

En effet, ce texte ne sera pas modifié. Il nous arrive verrouillé, prêt à être voté sans modification, afin de servir la volonté du Président de la République d’opérer au plus vite un remaniement ministériel.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Non ! C’est la Constitution !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Voici donc le premier geste issu de cette révision constitutionnelle : réduire le Sénat à n’être qu’une chambre d’enregistrement de la volonté gouvernementale.

Nous aurions souhaité discuter d’abord de ce qui nous anime tous, et non pas adopter, dans l’urgence, une disposition circonstancielle, propre à contenter quelques ministres en place.

Soyons honnêtes : l’objet de ce projet de loi organique est bien, en effet, d’organiser le retour automatique au Parlement des ministres actuellement en place.

Permettez-moi de revenir un instant sur les circonstances qui ont amené le Sénat à adopter cette disposition et, surtout, sur son caractère rétroactif.

Vous me direz que cette dernière question est aujourd’hui réglée par le paragraphe III de l’article 46 de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008.

D’ailleurs, toute tentative de limiter l’application de cette loi dans le temps serait vaine puisque le Gouvernement a fait en sorte que l’injustice engendrée par cette réforme soit gravée dans le marbre de la Constitution.

Nous avions farouchement combattu l’application rétroactive de cette disposition, et il me semble que nous avions acquis à notre cause la commission des lois du Sénat : ses membres étaient, dans leur grande majorité, favorables à notre amendement qui tendait à limiter l’application du dispositif aux ministres acceptant des fonctions gouvernementales après l’entrée en vigueur de la présente loi organique.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai, mais ce n’est pas la Constitution !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cette proposition, conforme au principe de non-rétroactivité, a tout simplement été rejetée en séance plénière par la majorité sénatoriale, sous la pression du Gouvernement, qui voulait assurer un « parachute doré » aux ministres en place.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il n’est pas doré du tout !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Vous condamnez les parachutes, mesdames, messieurs de la majorité, sauf quand ils sont offerts à un membre du Gouvernement !

Aujourd’hui, siègent dans l’une ou l’autre chambre des personnes qui ont accepté de remplacer un parlementaire entré au Gouvernement en ayant, à ce moment-là, la certitude de siéger jusqu’au renouvellement suivant. Ces personnes ont fait ce choix en ayant à l’esprit ce paramètre important : le caractère définitif du remplacement.

Comme d’autres collègues, siégeant sur nos travées ou sur d’autres, l’ont déjà dit, ces « remplaçants » ont quelquefois abandonné des mandats locaux, pour se conformer à la loi, ou démissionné de leur poste ou de leur emploi. Ils ont embauché des salariés pour remplir la mission qui leur a été confiée. Ils ont pris cette décision dans un cadre juridique connu.

Que doit-on leur dire aujourd’hui ? Que les conditions qui ont prévalu à cette époque ne sont plus les mêmes ? Que le droit a changé, pour l’avenir comme pour le passé ?

Permettez-moi de vous faire remarquer qu’il s’agit non pas d’une application immédiate, mais bien d’une application rétroactive.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Appelons un chat, un chat !

« Une loi est immédiatement applicable si elle s’applique pour les situations juridiques qui naîtront dans l’avenir immédiat. »

M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Ce n’est pas la loi, c’est la Constitution !

Mme Alima Boumediene-Thiery. « Elle est rétroactive si elle revient sur les effets passés d’une situation juridiquement constituée, notamment sur des droits acquis. »

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il n’y a pas de droits acquis dans ce domaine !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Ce n’est pas la même chose ! Il ne faudrait pas oublier certains des principes qui régissent notre droit !

II en est ainsi pour les ministres déjà entrés au Gouvernement, qui ne disposaient pas, dans le droit en vigueur à l’époque, de leur parachute et qui vont, grâce au présent texte, en bénéficier.

En effet, il s’appliquera non pas seulement pour une future entrée dans un gouvernement, mais bien pour une entrée qui a déjà eu lieu : il y a donc bien rétroactivité !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela a été tranché !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Ainsi, après l’adoption de ce projet de loi organique, les parlementaires qui accepteront un poste au Gouvernement pourront retrouver leur siège mais, dès à présent, ceux qui ont accepté une telle mission avant l’entrée en vigueur de cette loi pourront également retrouver leur siège, de manière rétroactive.

J’ai tendance à penser que cette confusion, qui me semble entretenue volontairement, entre application immédiate et application rétroactive permet au Gouvernement de masquer la réalité de l’injustice qu’il nous demande aujourd’hui d’avaliser.

Il s’agit là d’une démarche qui n’est pas nouvelle de sa part : Mme la garde des sceaux avait déjà utilisé, lors de l’examen du projet de loi sur la rétention de sûreté, le même stratagème pour nous faire avaler ce qui n’était rien d’autre qu’une rétroactivité du dispositif. Le Conseil constitutionnel n’avait d’ailleurs pas manqué de sanctionner cette interprétation.

J’en reviens aux parlementaires victimes de ce retour automatique.

Ces personnes, qui jouissent aujourd'hui d’un droit acquis, en seront désormais dépossédées, non pas pour une raison d’intérêt général, mais simplement pour contenter ceux qu’ils ont remplacés.

Je le répète : il s’agit là d’une disposition injuste, et cette injustice est institutionnalisée.

Concernant le principe même du retour automatique des ministres, plusieurs commentaires s’imposent.

Il est censé éviter le recours à une élection partielle pour le remplacement définitif d’un parlementaire ayant accepté des fonctions ministérielles. En d’autres termes, ce dispositif prive les citoyens du choix de leurs représentants, en organisant un jeu de chaises musicales.

De plus, la possibilité offerte à un ministre de retrouver son siège sans repasser devant les électeurs est en complète contradiction avec le principe de solidarité gouvernementale. En effet, les ministres disposant d’un parachute permanent, impossible à remettre en cause, les mettant totalement à l’abri des aléas de la vie politique, il leur sera à tout moment loisible de se désolidariser de l’action gouvernementale.

Autrement dit, cette assurance de trouver une porte de sortie nuit à la cohésion gouvernementale. Mais elle constitue également un handicap sérieux à l’exercice du mandat parlementaire.

En effet, le parlementaire amené à remplacer temporairement un ministre ne peut s’engager dans son mandat avec la sérénité nécessaire. À tout moment, il peut perdre son siège : son sort est à la merci du bon vouloir du ministre – sinon de celui du Président de la République –, le ministre pouvant choisir ou non de reprendre son siège. À y réfléchir de plus près, il s’agit d’un cumul masqué de fonctions, l’une exécutive, l’autre législative, en violation du principe de séparation des pouvoirs.

Le deuxième motif d’irrecevabilité concerne le sort réservé aux parlementaires remplaçants.

M. Fauchon a d’ailleurs lui-même évoqué lors de la discussion générale les inquiétudes que cette question inspirait au groupe Union centriste.

Le dispositif ne prévoit rien pour le parlementaire sortant : aucun délai raisonnable pour se retourner ; aucune indemnité compensatoire spécifique ; aucun moyen d’action ; aucune porte de sortie pour ses salariés.

En outre, le délai d’un mois prévu pour le retour du ministre à son siège est trop bref. Pensez-vous qu’un mois suffise pour congédier ses salariés et s’assurer une reconversion ? Qui, dans ces conditions, pourra remplir sa mission avec sérénité ? Quel parlementaire acceptera de s’engager sérieusement compte tenu de cette précarité ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Ceux qui sont fonctionnaires !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Nous avons eu quelques échanges en commission des lois, et il m’a semblé que des propositions allaient être faites pour limiter les effets d’une telle précarité, notamment en prévoyant dans le règlement une soupape de sécurité pour le remplaçant.

Cela nous semble néanmoins insuffisant.

Les conséquences d’une telle loi organique, dont les effets sont immédiats, n’ont pas été évaluées à leur juste mesure. Pourquoi ne pas avoir prévu, parallèlement, une proposition de résolution visant à garantir au parlementaire intérimaire un parachute – celui-ci serait plus justifié ! – qui lui garantirait que son propre départ se passera dans de bonnes conditions ?

Le dernier motif d’irrecevabilité que j’invoquerai concerne encore les conséquences pratiques de cette loi organique.

Loin de tout prévoir, celle-ci n’envisage pas le cas, très simple, d’un parlementaire remplaçant qui accepterait, lui aussi, un poste au Gouvernement. Prenons l’exemple de notre collègue député Frédéric Lefebvre, suppléant de M. Santini, actuellement secrétaire d’État : que se passerait-il s’il entrait au Gouvernement alors que M. Santini y serait maintenu ? Qui remplacerait M. Lefebvre, puisqu’il n’y a pas de suppléant de suppléant ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Il y aura une élection partielle !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Sans doute une élection partielle sera-t-elle organisée.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Bien sûr !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cela me paraît aller de soi !

Cependant, si une élection est organisée et que M. Santini décide de retrouver son siège, pourra-t-il se prévaloir de la Constitution pour estimer que son remplacement est anticonstitutionnel, dans la mesure où son mandat n’est pas arrivé à son terme normal et qu’il peut revendiquer un retour automatique au Parlement ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est peut-être pourquoi M. Lefebvre ne sera pas nommé au Gouvernement ! (Sourires.)

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cette question n’a rien d’absurde et mérite même que l’on s’y intéresse. Nulle part il n’est dit que, lorsque le suppléant accepte des fonctions gouvernementales, une élection partielle est organisée automatiquement : on se trouve donc devant un vide juridique.

Il ne sert à rien de graver dans le marbre un principe si toutes les conséquences de sa mise en œuvre ne sont pas évaluées.

Pour tous ces motifs, mes chers collègues, je vous propose d’adopter cette motion tendant à déclarer irrecevable le projet de loi organique portant application de l’article 25 de la Constitution. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je trouve toujours que, dans la défense des motions et des amendements qu’elle présente, Mme Boumediene-Thiery fait preuve d’une grande ingéniosité. (Mme Alima Boumediene-Thiery sourit.)

Cela étant dit, la commission des lois n’ayant pas eu le temps d’examiner cette motion déposée tardivement, je m’exprimerai ici à titre personnel, mais, bien entendu, tout en tenant compte de l’esprit qui s’est dégagé de ses travaux.

Une exception d’irrecevabilité se justifie pleinement lorsqu’un projet est contraire à la Constitution ou heurte des principes de valeur constitutionnelle. Or le dispositif essentiel de ce projet de loi organique, à savoir le remplacement temporaire au Parlement des députés et des sénateurs devenus membres du Gouvernement, n’est que l’application du nouvel article 25 de la Constitution.

Par conséquent, il n’y a pas d’irrecevabilité constitutionnelle à prononcer ici. Nous ne faisons effectivement qu’appliquer l’article 25 de la Constitution.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Même si l’on peut le regretter !

M. Patrice Gélard, rapporteur. On peut en effet le regretter. Il ne faut pas oublier que, lors de la révision constitutionnelle, nous avons débattu de cette question et que nous nous sommes interrogés. En première lecture, nous vous avions suivi, madame Boumediene-Thiery, mais, en seconde lecture, il a fallu faire des concessions à l’Assemblée nationale, et nous n’avons pas obtenu gain de cause à ce propos. Par conséquent, le texte qui a été adopté sur ce point n’était pas celui que nous avions initialement voulu : le principe majoritaire et la volonté de parvenir à un consensus l’ont emporté.

Quoi qu'il en soit, parlementaires et suppléants sauront très bien, à l’avenir, à quoi s’en tenir.

S’agissant de ceux de nos collègues qui remplacent actuellement des ministres au Parlement, nous en avons longuement parlé ce matin. M. Leleux a fait des propositions intéressantes, et il conviendra peut-être de les examiner en profondeur, mais la question du régime futur des suppléants qui perdront leur siège n’a pas sa place dans la loi. C’est à la conférence des présidents et aux questeurs qu’il appartient de régler un problème que l’on pourrait presque assimiler à un conflit de droit du travail, même si, en l’espèce, celui-ci n’est pas en cause.

En revanche, la situation des assistants parlementaires pose, elle, un problème de droit du travail. Vous avez soulevé là une très bonne question. Les assistants parlementaires peuvent être licenciés à tout moment, mais cette situation leur échappe un peu et on ne sait jamais ce qu’il peut se passer avec les assistants parlementaires, par ailleurs beaucoup plus organisés à l’Assemblée nationale qu’au Sénat.

Cela dit, encore une fois, il appartient selon moi à la conférence des présidents et aux questeurs de résoudre ces problèmes, si toutefois ils se posent, car nous ne connaissons pas les intentions des quatre ministres qui étaient sénateurs. Désirent-ils rester ministres ? Souhaitent-ils quitter leurs fonctions ? Veulent-ils retrouver leur siège ? Nous ne le savons pas !

Par conséquent, je suis obligé d’émettre un avis défavorable sur cette motion, quelle qu’en soit l’ingéniosité.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le Gouvernement suit l’avis de M. le rapporteur.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. Il me paraît intéressant que notre collègue Alima Boumediene-Thiery ait déposé cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

J’ai dit ce matin que, connaissant à la fois le nom de l’assassin et le dénouement du film, nous allions parler pour le Conseil constitutionnel, qui ne s’exprimera pas ici mais sera sans doute attentif à nos travaux.

Mme Boumediene-Thiery soulève de vrais problèmes. Ce qui ressort de la révision constitutionnelle est déjà tranché. Demeure quand même une interrogation forte sur la question de la rétroactivité ainsi que sur cette autre, que notre collègue a également évoquée, relative à l’ambiguïté des statuts : je suis député, je suis nommé ministre, je ne suis plus député, mais je le reste quand même un peu ; je suis suppléant, je deviens député, mais je ne le suis pas vraiment, etc. Tout cela sent l’impréparation et ne vise qu’à accorder le maximum de confort aux ministres en place, avec un effet d’aubaine tout à fait fantastique.

Je trouve un peu facile d’affirmer que les problèmes soulevés par notre collègue Boumediene-Thiery, notamment à propos des parlementaires qui seraient en quelque sorte chassés, licenciés ou démis d’office, doivent être réglés par les questeurs.

Cher collègue Gélard, selon une vieille maxime de droit civil, attribuée, me semble-t-il, au juriste Loisel, « qui fait l’enfant doit le nourrir ». En l’occurrence, je ne sais pas très bien qui est la mère, mais le père de ce projet de loi organique est assurément le Gouvernement ! (Sourires.) C’est donc à lui qu’il revient de prévoir les conséquences de ce qui est tout de même une vilénie à l’égard de nos collègues actuellement en place.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Je ne peux, madame la présidente, laisser dire de telles choses.

Comme le relève la motion, c’est la même révision constitutionnelle qui a prévu, dans son article 46,…

M. Bernard Frimat. Au III de l’article 46 !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. … que le caractère temporaire du remplacement des parlementaires devenus ministres s’appliquait « aux députés et sénateurs ayant accepté de telles fonctions antérieurement à la date d’entrée en vigueur de la loi organique […] si, à cette même date, ils exercent encore ces fonctions et que le mandat parlementaire pour lequel ils avaient été élus n’est pas encore expiré ». Les choses ne peuvent pas être plus claires !

Comme M. le rapporteur l’a fait observer, et contrairement à ce qui vient d’être soutenu, il n’y a là aucune rétroactivité. Ce n’est qu’une simple application aux situations en cours, décidée par le Constituant en juillet dernier.

Le projet de loi organique n’a même pas besoin d’un article pour le préciser : cette disposition se suffit à elle-même. Il ne pourrait d’ailleurs en être question qu’en répétant les termes de la révision constitutionnelle.

Les auteurs de la motion affirment que le projet de loi organique ne présente pas de garanties suffisantes, telles des mesures de reconversion ou un dispositif spécifique pour les parlementaires qui ont été appelés à remplacer les membres actuels du Gouvernement. Il n’y a là aucun motif d’inconstitutionnalité, qui justifierait le vote de l’exception d’irrecevabilité, dès lors que la date d’entrée en vigueur du nouveau système a été fixée au niveau constitutionnel lui-même. C’est bien entendu au bureau de chaque assemblée qu’il appartiendra, le cas échéant, de prendre les mesures nécessaires pour tenir compte de la situation particulière dans laquelle pourront se trouver ces parlementaires s’ils devaient céder leur siège à celui ou celle qui leur a permis de l’obtenir. De telles mesures ont d’ailleurs déjà été décidées dans chaque assemblée pour les parlementaires non renouvelés dans leur mandat.

Vous me permettrez tout de même de m’étonner, madame Boumediene-Thiery, monsieur Frimat, sachant quelle est actuellement la situation de beaucoup de nos concitoyens, que l’on puisse parler, à propos de parlementaires, de victimes qui auraient besoin de mesures de reconversion. Ce n’est pas sérieux !

Qu’auriez-vous dit pour les députés siégeant au moment des dissolutions de l’Assemblée nationale, dissolutions qu’ils n’avaient évidemment pas prévues, notamment en 1981 ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Vous l’avez bien voulue, cette dissolution !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. En 1997, vous n’y étiez pour rien, mais, en 1981, vous y étiez quand même pour quelque chose !

M. Guy Fischer. Vous avez la mémoire sélective !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Sur tous les points évoqués par la motion, nous ne faisons que mettre en œuvre la loi fondamentale telle qu’elle a été modifiée par la révision constitutionnelle. Le débat a eu lieu lors de l’examen de cette révision et les questions soulevées ont alors été tranchées au niveau constitutionnel.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je voudrais ajouter deux précisions.

Tout d’abord, le principe de non-rétroactivité ne peut être invoqué à l’encontre d’une disposition de valeur constitutionnelle : la Constitution s’impose à nous tous et, lorsqu’elle change, la règle du jeu est modifiée pour tout le monde.

Ensuite, je constate que le débat que M. Frimat appelait de ses vœux au cours de son intervention de ce matin a bien lieu. Nous discutons bien de tous les problèmes soulevés lors du vote de la révision constitutionnelle, mais aussi des questions des députés représentant les Français de l’étranger, des députés représentant l’outre-mer et des différents problèmes liés à ces questions. Je suis heureux que ce débat ait lieu maintenant. Ainsi, le Conseil constitutionnel et, le cas échéant, le Conseil d’État pourront s’appuyer sur nos travaux.

Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour explication de vote.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Je soutiendrai la motion de ma collègue Mme Boumediene-Thiery, car elle soulève deux problèmes que j’ai évoqués lors de la discussion générale et qui me semblent effectivement faire obstacle à l’adoption de ce texte : la rétroactivité – quoi qu’en dise la droite ! – et le statut de l’élu.

Depuis très longtemps, au sein de tous les groupes politiques, y compris à droite, le statut de l’élu fait l’objet d’un débat. En effet, nous étions tous convaincus qu’il était nécessaire de mettre en place un véritable statut de l’élu. Il s’agit d’une demande forte, qu’il conviendrait enfin de satisfaire, par exemple au cours de l’année à venir.