bilan des six mois de la présidence française de l’union européenne

M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Monsieur le Premier ministre, dans quelques jours prendra fin la présidence française de l’Union européenne, laquelle a été marquée par l’autorité du Président de la République.

Au fil des événements de ces six derniers mois, l’Europe s’est exprimée avec force et unité sur la scène internationale. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. René-Pierre Signé. Pas pour la relance !

M. Philippe Dominati. Cela tient au style personnel du Président de la République (Mêmes mouvements),…

Mme Catherine Tasca. Ah ! Tout est dans le style !

M. Philippe Dominati. … comme l’ont unanimement reconnu, à Strasbourg, les groupes parlementaires et les présidents des assemblées.

M. Jacques Mahéas. Il cache derrière son dos sa brosse à reluire !

M. Philippe Dominati. Le bilan est le suivant : six mois de présidence, six crises majeures, et autant de succès majeurs pour la diplomatie française !

En premier lieu, cette présidence a vu la résolution de trois crises de grande amplitude.

Tout d’abord, la crise institutionnelle consécutive au « non » irlandais trouvera peut-être une solution avec l’annonce d’un second référendum.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le peuple s’est exprimé, mais on le fait revoter : c’est extraordinaire !

M. Philippe Dominati. Ensuite, la crise militaire russo-géorgienne, survenue aux frontières de l’Europe, semble aujourd’hui presque oubliée.

Enfin, bien évidemment, la crise économique et financière mobilise toute l’attention des gouvernements et des institutions financières internationales.

M. Jean-Luc Mélenchon. La question !

M. René-Pierre Signé. C’est laborieux !

M. Alain Gournac. Il ne lit pas de papier, lui !

M. Jean-Luc Mélenchon. Il s’agit d’une séance de questions d’actualité, pas d’explications de vote !

M. Philippe Dominati. En second lieu, trois dossiers considérés comme sensibles et d’une importance majeure pour l’Europe ont été traités.

En ce qui concerne l’Union pour la Méditerranée, sa création a été notamment marquée par un accord entre les pays arabes et l’État d’Israël.

Par ailleurs, un accord européen sur l’immigration a été obtenu, alors que l’on promettait à notre ministre chargé de l’immigration un parcours particulièrement difficile.

Enfin, voilà quelques jours, le paquet « énergie-climat » a également fait l’objet d’un accord, ce qui semblait pourtant improbable eu égard à la conjoncture économique. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jacques Mahéas. La question !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous en faites trop ! Vous distribuez des bons points à tout le monde ! À force, vous allez en oublier !

M. Philippe Dominati. Monsieur le Premier ministre, le bilan est donc flatteur.

Nous voudrions savoir quelles sont les perspectives ouvertes à la diplomatie française pour prolonger les impulsions données sur des dossiers majeurs. Je pense notamment à la gouvernance économique (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG),…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n’avez oublié personne !

M. Jean-Luc Mélenchon. C’est une machine à cirer les pompes !

M. Philippe Dominati. … notion qui était largement méconnue en Europe voilà six mois, à la gestion de la « zone euro » et à ses spécificités,…

M. le président. Posez votre question, mon cher collègue !

M. Philippe Dominati. … et enfin à la défense commune. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez félicité tout le monde !

M. René-Pierre Signé. Qui n’a pas eu cet honneur ?

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. François Fillon, Premier ministre. Voilà neuf jours s’est tenu ici au Sénat un débat préalable au dernier Conseil européen de la présidence française de l’Union, qui avait permis de mettre l’accent sur le caractère extrêmement délicat des dossiers inscrits à l’ordre du jour. Chacun avait reconnu, en particulier, que les chances de trouver un accord sur la question de la lutte contre le réchauffement climatique étaient très minces, tant les positions des différents États européens semblaient éloignées les unes des autres.

Je crois que nous pouvons tous nous réjouir que, après un travail remarquable conduit en particulier par Jean-Louis Borloo et nos équipes, la présidence française, soutenue par une très large majorité du Parlement européen, ait pu obtenir cet accord. Il marquera, plus que tout le reste, la présidence française.

Il s’agit en effet d’un accord non seulement historique, mais aussi et surtout vital.

Il est historique car, pour la première fois, de grands pays développés se dotent d’un dispositif contraignant, les engageant à réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2020 et à augmenter, dans la même proportion, la part des énergies renouvelables.

Il est vital car il permettra peut-être de parvenir à la conclusion d’un grand accord mondial l’an prochain, à Copenhague. Nous ne savons pas si cette négociation à l’échelon mondial aboutira, mais il est en tout cas certain que, si un accord n’était pas intervenu à Bruxelles la semaine dernière, les chances de réussite auraient été nulles.

Cet accord a été soutenu par plus de 600 députés européens sur 785, notamment par les membres du parti populaire européen, par ceux du groupe socialiste et par une large majorité des Verts. C’est dire si l’on s’est accordé à reconnaître que le compromis était satisfaisant.

M. François Fillon, Premier ministre. En outre, nous nous étions fixé l’objectif de rouvrir, même si cela s’annonçait très difficile, la voie de la ratification, en particulier par l’Irlande, du traité de Lisbonne.

C’est désormais chose faite. Il appartient maintenant au peuple irlandais, bien entendu, de prendre ses responsabilités, mais nous avons réussi à convaincre l’ensemble des États européens de faire un certain nombre de concessions qui permettent aujourd’hui la réouverture du débat.

Nous nous étions également fixé des objectifs ambitieux en matière de politique de défense. Il s’agit de l’un des sujets les plus difficiles, car il n’existe pas, dans ce domaine, de large identité de vues en Europe, ni surtout, chez certains de nos partenaires, de grande volonté d’aller de l’avant.

Nous avons néanmoins obtenu deux avancées importantes.

En premier lieu, les États membres se sont engagés unanimement à augmenter les capacités globales de défense de l’Union européenne.

M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le président, le temps de parole est dépassé ! Nous allons être en retard pour le réveillon ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. François Fillon, Premier ministre. En second lieu, les principales puissances militaires de l’Union se sont engagées à mettre en œuvre une force d’intervention européenne de 60 000 hommes. Cela reste évidemment loin des objectifs visés par les pays européens les plus ambitieux, mais nous allons déjà essayer de constituer cette force.

Par ailleurs, le pacte européen sur l’immigration et l’asile a fait l’objet d’un accord unanime. Aujourd’hui, l’ensemble des pays européens, sans exception, ont donc reconnu le bien-fondé de la conception française d’une immigration choisie pour une intégration réussie.

M. Jean-Louis Carrère. Cela devient de la propagande ! Ce n’est plus une séance de questions d’actualité au Gouvernement ! M. le Premier ministre parle depuis quatre minutes !

M. François Fillon, Premier ministre. Enfin, un plan de relance de 200 milliards d’euros a été adopté. Il valide celui du Gouvernement français, puisqu’il est entièrement orienté vers l’investissement et la nécessité de procéder à des réformes de structures.

M. René-Pierre Signé. C’est trop long !

M. Jean-Louis Carrère. Monsieur le président, cela suffit ! Si M. le Premier ministre ne respecte pas les règles, comment voulez-vous que nous les respections nous-mêmes ?

M. François Fillon, Premier ministre. Tel est, mesdames, messieurs les sénateurs, le bilan de la présidence française de l'Union européenne.

Je souhaite, à cet instant, rendre hommage à Hubert Haenel, qui a joué, en tant que président de la commission des affaires européennes du Sénat, un rôle considérable.

Nous avons fait la démonstration que les problèmes de l’Europe n’étaient pas seulement de nature institutionnelle, mais tiennent surtout à un manque de volonté politique. (M. Jean-Louis Carrère proteste.)

Monsieur Carrère, le Gouvernement s’exprime comme il l’entend !

M. Jean-Louis Carrère. Pas pendant les séances de questions d’actualité !

M. le président. C’est le président qui préside, monsieur Carrère !

M. François Fillon, Premier ministre. Vous pourriez faire preuve de politesse, de respect des autres,…

M. Jean-Louis Carrère. Vous ne respectez pas les règles !

M. Alain Gournac. Pas vous, monsieur Carrère !

M. François Fillon, Premier ministre. … de sens de l’écoute et d’esprit démocratique ! (Vifs applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

État de la médecine

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.

M. René-Pierre Signé. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

L’association des médecins urgentistes de France, l’AMUF, a appelé, le 17 novembre dernier, les praticiens hospitaliers à arrêter le travail à partir du 1er décembre. Il s’agit d’une grève symbolique, sans conséquence sur la prise en charge des malades, les médecins assurant un service minimum en cas de besoin.

Les urgentistes protestent contre une forte augmentation de leurs horaires de travail, contre les restrictions budgétaires, contre les suppressions de postes – l’annonce de la suppression de 20 000 emplois dans les hôpitaux les inquiète – et contre les fermetures de services, notamment de SAMU et de SMUR. Ils demandent la reconnaissance du temps de travail effectué et sa valorisation à partir de la trente-neuvième heure. Il faut relever qu’ils travaillent souvent plus de 70 heures consécutives…

M. François Autain. C’est vrai !

M. René-Pierre Signé. … et qu’il s’agit non pas d’un travail de routine ou simplement technique, mais d’une tâche épuisante, à hautes responsabilités, et surtout humaine.

Or les liens entre médecin et malade, qu’il est pourtant si nécessaire de tisser, sont négligés, gommés par la rigueur de la tarification à l’activité. C’est la déshumanisation progressive d’un métier qui se vit pourtant, pour partie, sur le mode affectif.

Le ministère de la santé affirme que, au sein de l’hôpital, ce sont les services des urgences qui ont bénéficié depuis dix ans des moyens les plus importants, ce que conteste l’AMUF. D’ailleurs, les services des urgences n’ont connu qu’une faible progression du nombre des intervenants, alors qu’ils sont de jour en jour plus encombrés, puisque se présente aux urgences toute personne qui ne peut se tourner vers la médecine libérale, trop onéreuse et d’accès difficile.

Cela met en évidence la myopie de la politique du Gouvernement, qui ne voit pas ou ne veut pas voir la dégradation inquiétante de notre système de santé.

La France, qui s’enorgueillissait de l’exemplarité de son système de protection sociale et des performances de sa médecine, doit réviser ce jugement, qu’il s’agisse de la célérité du traitement de l’urgence, de la qualité de la couverture sociale, amputée d’année en année, ou de la sécurité sanitaire, qui n’est plus assurée dans les zones rurales, sinon par les sapeurs-pompiers ! (Mme la ministre s’exclame.)

La grève dans les services, largement suivie, est approuvée par une forte majorité de l’opinion. Elle reçoit aussi le soutien d’une large intersyndicale et sera suivie d’une grande journée de mobilisation pour la défense de l’hôpital public.

Ce sera le résultat de l’exaspération,…

M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Signé !

M. René-Pierre Signé. … de la colère des médecins et, plus largement, de l’ensemble du personnel hospitalier, qui ne veut plus travailler dans des conditions qui se dégradent de jour en jour et ne permettent plus d’assurer la sécurité des patients.

Ce sera aussi la sourde expression des craintes de tous.

M. Alain Gournac. La question !

M. René-Pierre Signé. L’étranglement financier des hôpitaux, d’ores et déjà accablés par un déficit très lourd, va bientôt atteindre les limites du supportable. Si la désorganisation des services des urgences s’ajoute à cet inquiétant tableau (Exclamations sur les travées de lUMP),…

M. le président. Vous parlez depuis plus de trois minutes et demie, monsieur Signé !

M. René-Pierre Signé. … ce sera un mauvais coup supplémentaire porté au service public hospitalier.

Ma question sera donc simple (« Ah ! » sur les travées de lUMP) : la dégradation des services de soins hospitaliers, en particulier des services des urgences, est-elle vraiment perçue ? Les malades et les médecins urgentistes peuvent-ils attendre une amélioration du fonctionnement de ces services ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Monsieur le sénateur, vous avez tort de répercuter les slogans d’une organisation qui non seulement n’est pas représentative mais est de surcroît désavouée par les quatre organisations intersyndicales représentatives des praticiens hospitaliers. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. Alain Gournac. Très bien !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Quelle est la situation des services des urgences dans notre pays ?

Nous avons consenti des efforts intenses en leur faveur ces trois dernières années, ce qui nous a permis de créer 5 200 postes et 7 500 lits.

Contrairement à ce que vous avez dit, le nombre des services des urgences n’a cessé d’augmenter dans notre pays et s’établit désormais à 647. Ainsi, dans votre département, monsieur Signé, j’ai créé cette année une antenne de SMUR héliporté à Clamecy. (Exclamations amusées sur les travées de lUMP.)

M. Christian Cambon. Il n’y va plus !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Le nombre de services des urgences ne cesse donc de progresser.

Il en va de même du nombre des admissions dans ces services, qui a doublé en quinze ans. Cependant, nous savons très bien que 80 % des personnes accueillies dans les services des urgences pourraient être traitées d’une autre façon. Dans cette perspective, nous allons jouer sur plusieurs leviers.

D’une part, nous allons agir en amont, afin de résoudre les problèmes de démographie médicale…

M. François Autain. Rien n’a été fait !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. … et de permettre une meilleure permanence des soins. Nous aurons l’occasion d’en débattre ici même, dans quelques semaines, lors de l’examen du projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires ».

D’autre part, nous allons agir en aval, afin d’améliorer les relations entre les établissements hébergeant des personnes âgées ou handicapées et l’hôpital.

Nous allons également poursuivre les opérations de rénovation des services des urgences au travers de la mise en œuvre du plan Hôpital 2012.

Nous menons, par ailleurs, des missions d’appui à l’organisation. Savez-vous, par exemple, qu’à l’hôpital Ambroise-Paré de Boulogne-Billancourt, grâce à la réorganisation qui a été conduite, nous avons pu réduire de 25 % le temps d’accueil des personnes âgées, diminuer de 50 % les hospitalisations de courte durée consécutives à une admission en urgence et supprimer tout temps d’attente pour les urgences véritablement constatées ?

M. François Autain. Il faut aller à Boulogne pour se faire soigner !

M. François Marc. À Boulogne-Billancourt, il y a beaucoup de médecins !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Nous avons donc la possibilité d’intervenir sur plusieurs plans.

Je recevrai, la semaine prochaine, un certain nombre d’urgentistes et j’installerai, au début du mois de janvier 2009, le conseil national de l’urgence. Nous écoutons les urgentistes et nous voulons que notre pays bénéficie de services d’urgence performants. Nous agissons en ce sens ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur certaines travées de lUnion centriste.)

M. Alain Gournac. Très bien !

M. René-Pierre Signé. Ce n’est pas vrai sur le terrain !

Promotion des femmes et politique de développement

M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé de la coopération et de la francophonie.

Monsieur le secrétaire d’État, voilà déjà une trentaine d’années que la communauté internationale a fait le constat de l’inégalité croissante entre hommes et femmes. Ce constat est plus particulièrement pertinent et alarmant dans les pays du Sud, notamment en Afrique.

Je citerai seulement quelques chiffres : les femmes africaines ne bénéficient que de 10 % des richesses, de 2 % des crédits et de 5 % des terres, alors qu’elles effectuent plus de 66 % du travail et produisent plus de la moitié des richesses nationales.

De nombreux travaux universitaires et rapports d’instances internationales l’ont démontré : la réduction des inégalités entre hommes et femmes est un vecteur incontournable de développement et de croissance.

La coopération française, au travers de son action sectorielle et géographique, a les moyens d’agir dans ce domaine, sur le terrain. Nombre de nos compatriotes se sont engagés aux quatre coins du monde, avec talent et détermination, dans des actions de coopération.

Grâce à son expertise projet, la France doit promouvoir les femmes en tant qu’actrices du développement, notamment par l’octroi de microcrédits, mais aussi et surtout par l’éducation des enfants et des jeunes filles.

Cela est d’autant plus important que la France est porteuse de valeurs et a signé des engagements internationaux très importants en ce sens, tels que les huit objectifs du millénaire pour le développement.

Monsieur le secrétaire d’État, dès votre prise de fonctions, vous avez souhaité placer l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes au cœur de votre action.

Aussi souhaiterais-je connaître les mesures que vous avez prises et celles que vous comptez prendre en ce sens. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Joyandet, secrétaire d’État chargé de la coopération et de la francophonie. Madame la sénatrice, permettez-moi tout d’abord de vous remercier de votre implication personnelle dans la cause que vous défendez.

Il est bon que nous posions la question de la solidarité envers les pays du Sud dans le contexte de crise internationale que nous connaissons. En cette période où nous parlons beaucoup de politique intérieure, le Président de la République a réaffirmé à Doha que les pays du Sud ne devaient pas subir plus encore que d’autres les conséquences de la crise financière.

En réponse à la question précise que vous avez posée, je vous indique que M. le Premier ministre a souhaité, afin que nous puissions respecter nos engagements, que la question du genre fasse l’objet d’un traitement adéquat au sein de notre politique de coopération. Nous allons donc consacrer spécifiquement 20 millions d’euros à cette fin, s’agissant en particulier de la place des femmes dans la société africaine.

Comment ne pas penser, à cet instant, à ces femmes africaines remarquables que j’ai pu rencontrer, notamment dans l’immense bidonville de Kibera, près de Nairobi, où vivent 800 000 personnes ? Elles tiennent la société à bout de bras, en particulier en œuvrant dans le domaine de l’agriculture urbaine.

Ce sont de telles opérations spécifiques que nous allons financer, madame la sénatrice. Toute politique de coopération comportera une dimension relative à la question du genre, à la place de la femme.

Je citerai, à titre d’exemple, deux projets majeurs que nous allons soutenir : celui de la maternité de Kaboul et les opérations d’assainissement prises en charge par des femmes, comme au Burkina Faso. Trente de nos ambassades au minimum, notamment en Afrique, disposeront d’une enveloppe spécifique leur permettant de lancer des appels à projets mettant en valeur le rôle des femmes.

Les femmes, en particulier en Afrique subsaharienne, sont le support de la société. Elles sont victimes, mais très valeureuses. Ainsi, 90 % des microcrédits sont souscrits par des femmes, 95 % des mensualités de remboursement étant honorées tout à fait normalement.

Vous avez donc raison, madame la sénatrice, d’affirmer que nous devons prêter une attention toute particulière aux femmes au travers de nos politiques de développement. C’est la volonté du Gouvernement, et c’est ce que nous faisons. J’ai ainsi annoncé, ce matin, la mise en œuvre d’actions très concrètes en ce sens. Il ne faut jamais oublier que l’avenir du continent africain passe par les femmes. (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur certaines travées de l’Union centriste.)

Travailleurs sans papiers

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire. Elle concerne la régularisation des travailleurs sans papiers, et plus particulièrement la situation des 88 travailleurs intérimaires sans papiers qui sont en grève active, depuis le 3 juillet dernier, devant les locaux de l’agence d’intérim qui les emploie, Man BTP, située dans le Xe arrondissement de Paris.

Tout d’abord, monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse rapide à ma lettre du 11 décembre dernier, par laquelle je demandais qu’une solution soit trouvée avant la fin de l’année. Malgré tout, le contenu de votre réponse reste insuffisant eu égard à l’urgence de la situation de ces travailleurs.

Notre regard sur les travailleurs migrants doit changer.

En effet, où est le scandale, où est l’inacceptable, monsieur le ministre ? Réside-t-il dans le fait que ces personnes soient venues en France pour travailler et nourrir leurs familles ? Ou bien dans l’existence de réseaux clandestins, organisés au sein d’un marché du travail underground et qui profitent de la situation de ces travailleurs sans papiers ?

Où est le scandale, où est l’inacceptable, monsieur le ministre ? Est-il le fait de ces travailleurs sans frontières qui abandonnent leur pays pour venir construire nos routes, nos écoles et nos hôpitaux, ou bien celui des boursicoteurs sans frontières qui spéculent et s’enrichissent sans rien produire d’utile pour la société ? (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Pierre Sueur. C’est la vérité !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est la réalité !

M. Jean Desessard. Cessez de considérer ces travailleurs sans papiers comme des délinquants, et regardez leur mouvement de grève comme celui de salariés pareils aux autres, qui se battent pour la reconnaissance et le respect de leurs droits. Ce combat nous concerne tous, car il s’agit de lutter contre le travail au noir et l’exploitation de la clandestinité, à laquelle donne lieu par exemple la réalisation de travaux illégaux, tels que le désamiantage sans protection.

Monsieur le ministre, les critères que vous avez retenus à la suite des mouvements sociaux de travailleurs sans papiers ont permis la régularisation de plus d’un millier de ces derniers. Toutefois, ces critères ne correspondent pas à la situation spécifique des intérimaires.

Pourtant, ces hommes travaillent en France depuis plusieurs années, certains depuis plus de huit ans. Très appréciés des chefs d’équipe, qui reconnaissent la qualité de leur travail et leur savoir-faire, ils sont rappelés régulièrement, car on a besoin d’eux sur les chantiers.

D’ailleurs, les 88 salariés intérimaires que j’ai évoqués détiennent tous aujourd’hui une promesse d’embauche des entreprises Vinci, Eiffage ou Rabot-Dutilleul ou de la société d’intérim Man BTP.

Ma question est simple : monsieur le ministre, êtes-vous prêt à régulariser la situation de ces travailleurs intérimaires avant la fin de l’année ? (« Non ! » sur certaines travées de l’UMP.) Un tel geste du Gouvernement prouverait que l’urgence est bien la lutte contre le travail clandestin, et non la répression des sans-papiers, qui ont osé exposer au grand jour leur situation ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Monsieur le sénateur Jean Desessard, je vous remercie d’avoir bien voulu souligner que j’ai répondu à votre courrier non de façon purement formelle, par un simple accusé de réception, mais sur le fond, et ce en moins de six jours.

Vous le savez, sur ce sujet complexe et difficile, l’action du Gouvernement est guidée par un principe simple, lisible, clair et, me semble-t-il, compréhensible : un étranger en situation irrégulière a vocation à être reconduit dans son pays d’origine, sauf raisons liées à sa situation humanitaire, sanitaire, économique et sociale.

Très concrètement, cela signifie que, sur la base de l’article 40 de la loi de novembre 2007 – texte que vous n’avez d’ailleurs qu’assez mollement soutenu (M. Alain Gournac rit) –, il est possible de procéder à la régularisation de travailleurs en situation irrégulière, selon des critères eux aussi compréhensibles.

D’abord, ils doivent justifier d’un vrai contrat de travail ; vous y avez fait allusion. Ensuite, leur activité doit relever d’un secteur sous tension, c’est-à-dire où les employeurs sont confrontés à des difficultés de recrutement. Enfin, il faut, cela va de soi, que l’entreprise s’engage à acquitter les taxes dues en cas de recrutement d’un travailleur étranger.

Vous avez évoqué l’importance du phénomène. On nous avait annoncé que 50 000, voire 100 000 dossiers seraient déposés, or il y en a eu, en tout et pour tout, 3 500, qui ont fait l’objet d’un examen au cas par cas ayant débouché sur la régularisation d’un peu plus de 1 000 travailleurs clandestins.

Cela étant, il est vrai que la situation des intérimaires est particulière et mérite donc une attention particulière.

M. Brice Hortefeux, ministre. Monsieur le sénateur, il n’est pas question de régulariser tous les travailleurs du secteur de l’intérim. En effet, certains ne sont employés que quelques heures et n’ont pas de perspective d’intégration.

Vous avez raison, en revanche, de souligner qu’il faut se pencher sur le cas de ceux qui sont réellement en mesure de s’intégrer. Je pense notamment ici aux travailleurs qui bénéficient d’un contrat de mission d’une durée de douze mois, par exemple, ou qui sont employés par des entreprises s’engageant à leur fournir un volume de travail correspondant à un SMIC mensuel. Satisfaire à de tels critères peut permettre une régularisation.

En tout état de cause, si vous souhaitez prendre l’opinion à témoin, je vous conseille de retenir de bons critères !

À cet égard, j’évoquerai deux enquêtes d’opinion : la première, dont les résultats ont été publiés dans Le Parisien et Aujourd’hui en France, montre que 68 % des Français approuvent l’examen des situations au cas par cas ; la seconde, dont a fait état voilà quelques jours le quotidien Métro, indique que 83 % de nos compatriotes considèrent que la lutte contre l’immigration irrégulière est prioritaire ou indispensable.