Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 200.

(Le sous-amendement n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 2, modifié.

(L’amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’article 1er est ainsi rédigé, et les amendements nos 140, 141, 142, 144, 143 et 145 n’ont plus d’objet.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 2.

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution
Article 3

Article 2

Le président de chaque assemblée transmet sans délai toute proposition de résolution au Premier ministre.

Mme la présidente. L'amendement n° 72, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous tenons à marquer notre désaccord avec la logique du Gouvernement et, en l’occurrence, de M. le rapporteur en demandant la suppression de l’article 2.

Cet article manifeste la soumission du pouvoir législatif au pouvoir exécutif. Il prévoit ainsi que les propositions de résolution doivent être transmises « sans délai » au Premier ministre.

Nous avons contesté et nous contestons toujours la rédaction finale de l’article 34-1 de la Constitution, qui limite considérablement, en pratique, la possibilité, pour le Parlement, d’élaborer des résolutions.

Pour que les choses soient claires, je précise que, en ce qui nous concerne, nous sommes favorables aux propositions de résolution, qui sont, traditionnellement, un moyen d’expression du Parlement.

Un usage jugé excessif des propositions de résolution sous la IVe République avait amené les constituants de 1958 à supprimer purement et simplement ce droit pourtant essentiel du Parlement à intervenir dans les choix publics. Ayant toujours été contre la Constitution de 1958, nous ne pouvons approuver cette suppression.

Actuellement, le domaine de la résolution est réduit à sa plus simple expression : modification du règlement, avis sur les actes communautaires, création de commission d’enquête.

Le projet de loi constitutionnelle débattu en juillet dernier comprenait initialement un article 12 qui n’a finalement pas été retenu et qui prévoyait que « les assemblées peuvent voter des résolutions dans les conditions fixées par leur règlement ».

Cette conception très large, intéressante, des résolutions parlementaires a sans aucun doute été utilisée par le Gouvernement pour montrer aux parlementaires, qui devaient évidemment adopter la réforme constitutionnelle, que leurs droits se trouvaient rétablis dans leur plénitude, alors que, la suite l’a montré, la majorité avait déjà décidé de tempérer largement ces belles intentions. D’ailleurs, elle a tout bonnement proposé, à l’Assemblée nationale, de supprimer l’article 12 du projet de loi constitutionnelle.

La majorité du Sénat a rétabli la disposition, mais en écartant la possibilité de mettre en cause la responsabilité du Gouvernement. C’est curieux, car il n’y a pas de motion de censure au Sénat ! Dès lors, comment la responsabilité du Gouvernement pourrait-elle être mise en cause sur le plan institutionnel ?

L’Assemblée nationale, en deuxième lecture, a fini de vider le concept même de résolution de sa substance en excluant toute « injonction » au Gouvernement. Que signifie, en l’occurrence, le mot « injonction » d’un point de vue institutionnel ? Quand l’opposition élabore une proposition de résolution, c’est pour dire quelque chose au Gouvernement. Le débat est suivi d’un vote, et si la majorité n’est pas d’accord, elle n’adopte pas la proposition de résolution. Mais pourquoi empêcher l’opposition de s’exprimer, y compris par des injonctions au Gouvernement ? C’est aussi son rôle.

Ce petit rappel des faits montre, s’il en était besoin, qu’il n’y a pas de rééquilibrage des pouvoirs entre législatif et exécutif.

M. Gélard lui-même comparait mercredi dernier la nouvelle procédure des résolutions à celle des questions orales avec débat, dont nos concitoyens ignorent jusqu’à l’existence.

Il y a eu un effet d’annonce sur les propositions de résolution, c’est un fait, et, malheureusement, le Gouvernement et la majorité se sont empressés de rectifier le tir en vidant la procédure de tout son sens.

Telle est la raison pour laquelle, avec obstination, nous demandons la suppression de l’article 2.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je ne puis qu’émettre un avis défavorable. Nous venons de voter l’article 1er : si l’on n’adoptait pas l’article 2, le texte serait complètement déséquilibré. Il faut bien déterminer les modalités du dispositif relatif aux résolutions dans la loi organique.

Je comprends très bien votre opiniâtreté, ma chère collègue, mais ma persévérance m’amène à émettre un avis défavorable. (Sourires.)

M. Jean-Pierre Michel. Perseverare diabolicum !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 72.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 73, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après les mots :

de résolution

insérer les mots :

, que la Conférence des Présidents de l'assemblée concernée estimerait, à la majorité des trois cinquièmes des membres de nature à mettre en cause la responsabilité du gouvernement ou contenir des injonctions à son égard,

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Me doutant du résultat du vote qui vient d’intervenir, j’avais déposé un amendement de repli !

M. Henri de Raincourt. Il ne faut pas être pessimiste !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’amendement n° 73 ne vise pas à contredire l’article 34-1 de la Constitution qui instaure la nouvelle procédure des résolutions. Aux termes de cet article, « sont irrecevables et ne peuvent être inscrites à l’ordre du jour les propositions de résolution dont le Gouvernement estime que leur adoption ou leur rejet serait de nature à mettre en cause sa responsabilité ou qu’elles contiennent des injonctions à son égard ».

Il faut bien qu’une instance puisse juger si cette « estimation » du Gouvernement est correcte et respecte les droits du Parlement, d’autant que le conditionnel est employé dans la rédaction de cet article.

Nous pensons qu’il revient à la conférence des présidents d’analyser la réponse du Premier ministre et de décider finalement de la recevabilité d’une proposition de résolution.

C’est bien cela, garantir et revaloriser les droits du Parlement, et non pas accorder au Premier ministre un droit de censure de l’initiative parlementaire, un droit de veto a priori, quand il « estimera », en fonction d’on ne sait quels critères, qu’une proposition de résolution serait de nature à mettre en cause la responsabilité du Gouvernement ou contient des injonctions à son égard.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il n’appartient ni à l’assemblée ni à une commission permanente de se substituer au Gouvernement dans l’appréciation de l’irrecevabilité d’une proposition de résolution.

De surcroît, prévoir que la conférence des présidents se prononce à la majorité des trois cinquièmes revient à accorder à la minorité le pouvoir de décider, ce qui me semble quelque peu curieux.

La commission émet un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Madame Borvo Cohen-Seat, en la matière, les choses sont relativement simples : votre amendement ne correspond pas à la révision constitutionnelle, parce que l’article 34-1, alinéa 2, de la Constitution donne un pouvoir propre au Gouvernement.

Le plein exercice de ce pouvoir implique que le Gouvernement soit destinataire de toutes les propositions, sans filtre ni habilitation par une quelconque instance.

Dans ces conditions, ce pouvoir relevant du seul Gouvernement du fait même de la Constitution, l’amendement n’est pas recevable et le Gouvernement émet un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote.

M. Pierre Fauchon. Je regrette beaucoup de ne pouvoir voter cet amendement, que j’aurais alors sous-amendé afin de proposer que la conférence des présidents se prononce par une majorité simple, ce qui me semble suffisant.

Il est exclu que je vote un amendement qui ne correspond pas aux dispositions que nous avons adoptées l’année dernière à l’occasion de la révision constitutionnelle, mais j’aurais préféré, je l’avoue, que ce soit au sein des assemblées que l’on apprécie si une proposition de résolution est de nature à mettre en cause la responsabilité du Gouvernement.

Cela étant, nous n’en avons pas décidé ainsi l’été dernier, et nous ne pouvons donc que nous conformer à notre vote d’alors.

Je tenais toutefois à exprimer mon regret et une certaine solidarité – relative – avec Mme Borvo Cohen-Seat. (Sourires.)

M. Henri de Raincourt. Des convergences ?

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 73.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 147, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

À la fin de cet article, remplacer les mots :

Premier ministre

par les mots :

Gouvernement qui se prononce dans un délai de trois jours francs après réception du texte de la proposition

La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

M. Jean-Pierre Michel. Loin de moi l’idée d’adresser quelque critique que ce soit au service de la séance, mais il me semble que cet amendement aurait dû, en toute logique, venir en discussion après les amendements identiques nos 48 et 146, dont la portée rédactionnelle est moindre.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. On commence par examiner l’amendement dont la rédaction est la plus éloignée du texte !

M. Jean-Pierre Michel. L’article 2 du projet de loi organique ne fixe aucun délai au Gouvernement pour se prononcer sur les propositions de résolution qui lui sont transmises.

Il existe donc une inégalité manifeste de traitement entre le Gouvernement et le Parlement, le Gouvernement n’étant soumis à aucun délai, contrairement à l’assemblée saisie de la proposition de résolution.

Ainsi, aux termes de l’article 3 bis du projet de loi organique, « lorsque le président d’un groupe envisage de demander l’inscription d’une proposition de résolution à l’ordre du jour d’une assemblée, il en informe le président de cette assemblée au plus tard quarante-huit heures avant que l’inscription à l’ordre du jour ne soit décidée ».

Par ailleurs, conformément à l’article 4, une proposition de résolution ne peut être inscrite à l’ordre du jour d’une assemblée moins de huit jours francs après son dépôt. Ce même article précise qu’« une proposition de résolution ayant le même objet et le même objectif – quelle est d’ailleurs la différence entre ces deux termes ? –…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Demandez aux socialistes de l'Assemblée nationale !

M. Jean-Pierre Michel. … qu’une proposition de résolution antérieure ne peut être inscrite à l’ordre du jour de la même session ». Encore des restrictions !

Ces conditions illustrent le déséquilibre qui existe entre les assemblées et le Gouvernement au regard de la procédure des résolutions. Pourtant, ce projet de loi organique vise, paraît-il, à renforcer les droits du Parlement. Ses dispositions sont en fait très encadrées et vont bien entendu dans le sens de l’intérêt du Gouvernement…

Pour notre part, nous estimons qu’il faut atténuer cette disparité. Certes, le Gouvernement doit s’exprimer sur la proposition de résolution dont il est saisi, mais quelle règle appliquera-t-on en cas de silence ? Certainement pas celle qui prévaut en droit administratif : « qui ne dit mot consent » !

Il convient aussi d’éviter que le silence du Gouvernement ne se traduise par un blocage de la procédure avec, pour conséquence, l’enterrement de fait de la proposition de résolution déposée.

Pour que la proposition de résolution puisse être inscrite à l’ordre du jour de l’assemblée saisie, il faut, aux termes de l’article 3 du présent projet de loi organique, que le Premier ministre – ou le Gouvernement – s’exprime. Tant qu’il ne se sera pas exprimé, la proposition de résolution ne pourra être inscrite à l’ordre du jour de l’assemblée.

C'est la raison pour laquelle nous proposons de prévoir que le Gouvernement devra se prononcer dans un délai de trois jours francs après transmission de la proposition de résolution.

Mme la présidente. Mon cher collègue, en ce qui concerne la fixation de l’ordre de présentation des amendements, l’article 49, alinéa 2, de notre règlement intérieur prévoit que, dans une discussion commune, sont d’abord examinés les amendements de suppression, puis les autres amendements en commençant par ceux qui s’écartent le plus du texte proposé, ce qui est le cas de l’amendement n° 147 par rapport aux deux amendements identiques nos 48 et 146, que j’appelle donc maintenant en discussion.

L'amendement n° 48 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

L'amendement n° 146 est présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mme Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

À la fin de cet article, remplacer les mots :

Premier ministre 

par le mot :

Gouvernement

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l’amendement n° 48.

Mme Alima Boumediene-Thiery. La modification proposée peut sembler de détail, mais elle est en fait assez importante. J’imagine que cela n’a pas échappé à la vigilance de M. le rapporteur !

J’aimerais demander à M. le secrétaire d’État les raisons pour lesquelles il a été décidé de faire référence au Premier ministre, et non au Gouvernement.

En effet, aux termes de l’article 34-1 de la Constitution, c’est le Gouvernement, et non pas le Premier ministre, qui juge de la recevabilité d’une proposition de résolution. Il me semblerait donc cohérent de prévoir que les propositions de résolution soient transmises au Gouvernement.

Par ailleurs, cet amendement relève du même esprit qu’un sous-amendement qui viendra en discussion ultérieurement, prévoyant que la décision de déclarer irrecevable une proposition de résolution doit être prise en conseil des ministres. En effet, il n’appartient pas au Premier ministre de décider seul.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour présenter l'amendement n° 146.

M. Claude Bérit-Débat. Cet amendement procède de la même philosophie.

À l’instar de notre collègue Alima Boumediene-Thiery, nous nous étonnons que la commission des lois ait refusé cette rectification,…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je vous expliquerai pourquoi !

M. Claude Bérit-Débat. … alors que l’argumentation qu’elle développe à propos de l’article 3 du projet de loi organique s’applique également à l’article 2.

Nous estimons que, par cohérence, le président de l’assemblée saisie doit transmettre la proposition de résolution au Gouvernement, même si, en pratique, la personne physique concernée sera vraisemblablement le ministre chargé des relations avec le Parlement…

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. À la bonne heure !

M. Claude Bérit-Débat. … ou le secrétariat général du Gouvernement, instance chargée de l’organisation du travail gouvernemental et du respect des procédures.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pour ce qui concerne l’amendement n° 147, il ne semble pas nécessaire de contraindre le Gouvernement à se prononcer dans un délai aussi rapide, alors que l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de résolution n’est pas même envisagée.

C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

En ce qui concerne les deux amendements identiques, la commission proposera effectivement, à l’article 3, de mentionner le Gouvernement, au lieu du Premier ministre, mais il ne s’agit ici que de la transmission des propositions de résolution.

M. Pierre Fauchon. Mais oui !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Si l’on écrit que les propositions de résolution seront transmises au Gouvernement, où les adressera-t-on ?

M. Yannick Bodin. À l’Élysée !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Monsieur Bodin, vous souhaitez une nouvelle révision constitutionnelle ?

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Pourquoi pas ?

M. Yannick Bodin. Je lis trop les journaux !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Après tout, certains sont pour le régime présidentiel !

Il faut donc bien prévoir, à notre sens, que les propositions de résolution soient transmises au Premier ministre, et c’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 48 et 146.

Tout à l’heure, nous proposerons de faire référence, à l’article 3, au Gouvernement, et non au Premier ministre comme le prévoit la rédaction actuelle. Nous respectons ainsi parfaitement les termes de l’article 34-1 de la Constitution, car il appartient au Gouvernement, et non à une personne particulière, de juger de la recevabilité d’une proposition de résolution.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Ces trois amendements en discussion commune visent à ce qu’il soit fait mention du Gouvernement, et non du Premier ministre.

Toutefois, le lien ordinaire, classique et constitutionnel entre le Parlement et le Gouvernement est naturellement le Premier ministre. Certes, j’ai entendu avec gratitude citer le ministre chargé des relations avec le Parlement, seul membre du Gouvernement en liaison directe avec ce dernier, mais il n’a pas de pouvoir propre, n’agissant que par délégation du Premier ministre. En réalité, c’est donc le Premier ministre qui constitue le lien normal avec le Parlement.

En ce qui concerne l’amendement n° 147, la loi organique ne saurait ajouter expressément une condition de délai s’imposant au Gouvernement, une telle disposition n’étant pas prévue dans la Constitution.

En conséquence, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 147, ainsi qu’aux amendements identiques nos 48 et 146.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote sur l'amendement n° 147.

M. Jean-Pierre Michel. Madame la présidente, j’ai pris acte de vos explications concernant l’ordre d’appel des amendements. Toutefois, ces amendements n’auraient pas dû faire l’objet d’une discussion commune. Il aurait fallu d’abord examiner l’amendement n° 147, puis le mettre aux voix.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Vous n’allez pas recommencer !

Mme la présidente. Il a été décidé qu’il devait y avoir discussion commune.

M. Jean-Pierre Michel. Pourquoi ? Pour que l’on s’exprime moins !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais non, monsieur Michel !

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. Monsieur le secrétaire d'État, permettez-moi d’émettre quelques doutes sur votre argumentation concernant le délai prévu par l’amendement n° 147.

Vous vous retranchez derrière la Constitution, arguant que celle-ci ne prévoyant pas de délai, la loi organique ne saurait en comporter. Mais, dans ce cas, à quoi servent les lois organiques ?

M. Bernard Frimat. Si, lors de la révision constitutionnelle, nous avions proposé d’inscrire des délais dans la Constitution, vous nous auriez répondu qu’il ne fallait pas surcharger cette dernière de précisions inutiles, relevant de la loi organique !

Si je peux admettre vos arguments lorsque vous affirmez que les propositions de résolution doivent être transmises au Premier ministre, et non au Gouvernement, en revanche, je le répète, il appartient bien à la loi organique de prévoir des délais. (M. le secrétaire d’État fait un signe de dénégation.)

M. le rapporteur, quant à lui, a fondé son argumentation sur le fait qu’il ne faut pas fixer de délai parce que le Gouvernement ne devra se prononcer sur la recevabilité d’une proposition de résolution que si celle-ci est inscrite à l’ordre du jour d’une assemblée. Or il faut qu’elle ait été déclarée recevable pour qu’elle soit inscrite à l’ordre du jour ! Cela signifie-t-il que l’on va devoir procéder à une inscription fictive ou conditionnelle ? Cela risque de déstabiliser l’ordre du jour ! À moins que l’on ne transmettre la proposition de résolution au Premier ministre dès lors qu’il est envisagé de l’inscrire à l’ordre du jour ? Mais qu’est-ce que cela signifie pour la conférence des présidents ? Soit l’ordre du jour est établi, soit il ne l’est pas !

Comme nous ne craignons pas une inflation du nombre des propositions de résolution, étant donné leur modeste portée, il nous semble plus sain de fixer un délai au Gouvernement pour se prononcer, afin que puisse ensuite éventuellement s’engager un débat public sur sa décision.

En conséquence, nous maintenons l’amendement n° 147, en espérant avoir convaincu nos collègues de l’adopter.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Autant je suis d’accord avec l’idée d’introduire un délai, autant je suis réservé en ce qui concerne la substitution du mot « Gouvernement » aux mots « Premier ministre ».

En effet, il existe une pratique très ancienne : toutes les fois que, en matière de procédure, la Constitution fait mention du Gouvernement, c’est le ministre présent en séance qui, par exemple, accepte ou refuse un amendement au nom du Gouvernement.

Or l’adoption de l’amendement n° 147 de M. Frimat dans sa rédaction actuelle aboutirait à obliger le Gouvernement à se réunir pour se prononcer. Ce serait d’une lourdeur intolérable ! Il faut maintenir la référence au Premier ministre, sinon on pourrait en arriver un jour à considérer que le ministre présent en séance au banc du Gouvernement n’a plus la capacité de s’exprimer seul au nom du Gouvernement. Il faudra alors réunir celui-ci en urgence pour qu’il donne son appréciation sur chaque amendement. Dans ce cas, aucun débat ne sera plus possible !

Si M. Frimat acceptait de corriger l’amendement n° 147 en ce sens, je serais prêt à le voter, car pour le reste prévoir un délai ne me gêne pas, au contraire !

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. La rectification proposée par M. Charasse me semblant de nature à convaincre un plus grand nombre d’entre nous de voter l’amendement, j’accepte très volontiers sa suggestion.

Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 147 rectifié, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :

À la fin de cet article, après les mots :

Premier ministre

insérer les mots :

qui se prononce dans un délai de trois jours francs après réception du texte de la proposition

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. J’appelle une nouvelle fois l’attention de la Haute Assemblée, et notamment de M. Charasse, sur le fait que la loi organique ne peut contraindre davantage le Gouvernement que la Constitution. Je suis au regret de dire que l’instauration d’un délai ne serait pas acceptée par le Conseil constitutionnel.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote.

M. Pierre Fauchon. Je suis confus de devoir le dire à M. le secrétaire d’État, mais il ne me paraît pas évident que le Conseil constitutionnel censure l’inscription d’un délai dans un projet de loi organique.

Cela étant, je ne voterai pas cet amendement qui me semblait pourtant judicieux, car prévoir un délai de trois jours n’est pas raisonnable ; il devrait être plus long.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Peut-être le délai devrait-il être plus long, mais pour ma part, en tout cas, je voterai cet amendement.

Je trouve en effet curieux d’entendre M. le secrétaire d’État nous dire que le Conseil constitutionnel pourrait ne pas accepter l’inscription d’un délai dans le projet de loi organique, alors qu’il nous a été rétorqué, lors du l’examen du projet de loi constitutionnelle, qu’il ne convenait pas d’alourdir le texte de la Constitution et que la fixation des délais relevait de la loi organique !

Aujourd’hui, vous nous dites le contraire, monsieur le secrétaire d’État ! Mais le Conseil constitutionnel pourrait aussi estimer qu’une mesure non assortie d’un délai est absolument inapplicable. La distinction entre ce qui relève de la Constitution et ce qui relève de la loi organique me paraît tout à fait floue.

Peut-être le Conseil constitutionnel nous contredira-t-il, mais il nous semble possible d’inscrire un délai dans la loi organique. Quoi qu’il en soit, c’est à lui qu’il revient de trancher.

En tout état de cause, les explications qui nous ont été fournies ne sont pas du tout convaincantes. C’est pourquoi je voterai l’amendement n° 147 rectifié, quitte à ce que le délai prévu soit allongé si l’on considère qu’il est insuffisant pour que le Gouvernement puisse se prononcer.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce qui me gêne dans cette affaire, c’est que l’on oublie l’article 3 du projet de loi organique !

Des propositions de résolution peuvent ne jamais être examinées, parce que leur inscription à l’ordre du jour n’aura jamais été demandée. Dès lors, je ne vois vraiment pas l’intérêt de se prononcer sur leur recevabilité. Se poserait-on la question de la recevabilité des amendements s’ils n’étaient pas ensuite soumis à l’assemblée ?

Le texte de l’article 3 précise bien que « si le Premier ministre estime qu’une proposition de résolution est irrecevable en application du deuxième alinéa de l’article 34-1 de la Constitution, il le fait savoir au président de l’assemblée intéressée avant que l’inscription à l’ordre du jour de cette proposition de résolution ne soit décidée ».

En outre, l’article 3 bis nouveau précise que « lorsque le président d’un groupe envisage de demander l’inscription d’une proposition de résolution à l’ordre du jour d’une assemblée, il en informe le président de cette assemblée au plus tard quarante-huit heures avant que l’inscription à l’ordre du jour ne soit décidée. Le président de l’assemblée en informe sans délai le Premier ministre. »

Comme vous pouvez le constater, le rôle des groupes est reconnu, en cohérence avec ce qui a été décidé ce matin.