compte rendu intégral

Présidence de Mme Catherine Tasca

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Monique Cerisier-ben Guiga,

Mme Sylvie Desmarescaux.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures cinquante.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Demande de renvoi à la commission (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution
Article additionnel avant le chapitre Ier

Application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution

Suite de la discussion d'un projet de loi organique

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution (nos 183 et 196).

La discussion générale a été close hier.

Nous passons à la discussion des articles.

Je rappelle, d’une part, que nous avions prévu d’examiner les articles 13, 13 bis, 13 ter et l’article additionnel après l’article 13 ter le mardi 17 février 2009 à seize heures et, d’autre part, que la conférence des présidents a décidé, sur proposition de M. le président de la commission des lois, d’examiner de façon séparée les amendements de suppression de chacun des articles de ce texte.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution
Intitulé du chapitre Ier

Article additionnel avant le chapitre Ier

Mme la présidente. L'amendement n° 70, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

I. - Avant le chapitre premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La proposition de loi, une fois déposée sur le bureau de l'assemblée concernée, est transmise sans délai au Conseil constitutionnel qui, après déclaration de sa conformité à la Constitution, organise la collecte des pétitions des électeurs et, après vérification de leur nombre et de leur validité, les remet au Parlement.

La proposition de loi est inscrite à l'ordre du jour de l'assemblée concernée conformément aux dispositions de l'article 48, alinéa 2, de la Constitution. Elle est envoyée pour examen à l'une des commissions mentionnées à l'article 43 de la Constitution.

Si la proposition n'est pas adoptée par le Parlement dans les quatre mois, le Président de la République la soumet au référendum après saisine du Conseil constitutionnel conformément à l'article 61 de la Constitution.

II. - En conséquence, faire précéder cet article d'un chapitre additionnel ainsi rédigé :

Chapitre....

Organisation du référendum partagée en application de l'article 11, alinéa 4, de la Constitution.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je ne doute pas du sort qui sera réservé à cet amendement portant article additionnel, mais je tiens tout de même à le défendre, parce que nous pouvons nous inquiéter de la suite de l’application de la révision constitutionnelle.

Auditionné par la commission des lois du Sénat, le 3 février dernier, vous avez annoncé, monsieur le secrétaire d’État, que, pour compléter la mise en œuvre de la révision constitutionnelle, trois nouveaux projets de loi organique seraient présentés, qui porteraient respectivement sur le Conseil économique, social et environnemental, sur l’exception d’inconstitutionnalité et sur le Conseil supérieur de la magistrature et le Défenseur des droits.

Nous en prenons acte, tout en regrettant que ces projets de loi organique ne soient présentés qu’après les textes qui, au fond, arrangeaient le Gouvernement !

Toutefois, monsieur le secrétaire d'État, vous oubliez, semble-t-il, que le Gouvernement a accepté de modifier l’article 11 de la Constitution. Sans doute voulait-il par là justifier les forts reculs que sa réforme entraîne en matière d’expression et de droit d’amendement des parlementaires – en un mot, montrer que cette révision constitutionnelle avait du bon pour le Parlement –, ou encore répondre à l’exigence de citoyenneté qui monte dans notre pays et que vous ne pouvez ignorer !

Quoi qu'il en soit, vous avez accepté d’introduire dans la Constitution une forme d’initiative parlementaire s’appuyant sur l’intervention citoyenne. Ce dispositif est intéressant, même s’il est soumis à bien des contraintes, comme nous l’avons souligné à l’époque, et si sa mise en œuvre sera extrêmement difficile. Toutefois, s’agissait-il seulement d’une mesure d’affichage, d’un leurre destiné à faire passer les autres mesures ?

En tout cas, vous n’avez pas envisagé, apparemment, de présenter le projet de loi organique qui est pourtant nécessaire afin de mettre en œuvre cette nouvelle disposition constitutionnelle, c'est-à-dire le semblant de référendum d’initiative citoyenne !

Je rappelle que ce référendum « nouvelle formule » peut être organisé sur l’initiative d’un cinquième des membres du Parlement, soit cent quatre-vingt députés et sénateurs, et qu’il doit être soutenu par un dixième des électeurs inscrits, c'est-à-dire par plus de quatre millions de personnes. Vous constatez, mes chers collègues, qu’il n’est pas très menaçant !

D'ailleurs, cette initiative aboutirait à une proposition de loi soumise au bon vouloir de la majorité, ce qui montre que le dispositif est très encadré et que nous restons bien loin de la démocratie directe et du référendum d’initiative populaire !

Toutefois, ce nouvel espace démocratique, si étroit soit-il, doit être aménagé.

Je propose donc que nous évitions une nouvelle loi organique et décidions de mettre en œuvre le dispositif de l’article 11 à travers cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. Comme l’a indiqué Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, le troisième alinéa de l’article 11 de la Constitution prévoit une initiative référendaire et fixe les conditions dans lesquelles celle-ci peut être organisée.

Pour permettre l’application de ces dispositions, une loi organique sera nécessaire, et peut-être M. le secrétaire d'État pourra-t-il nous apporter quelques indications sur la date du dépôt de ce texte.

En tout état de cause, les mesures proposées n’ont pas leur place dans le présent projet de loi organique, puisque celui-ci ne vise que les articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution. Un autre texte organique sera nécessaire, comme d'ailleurs pour bien d’autres dispositions.

Le projet de loi organique relatif au référendum devrait être déposé le plus rapidement possible, me semble-t-il, …

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n’a même pas été annoncé !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … mais, je le répète, cette disposition n’a pas sa place dans le présent texte.

La commission demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Il est vrai que, lors de mon audition devant la commission des lois, j’ai évoqué la préparation des autres projets de loi organique sans entrer dans les détails. Toutefois, un texte relatif au référendum sera bien déposé, et il est lui aussi en préparation.

Un projet de loi organique a d'ores et déjà été transmis au Conseil d'État, qui porte sur l’exception d’inconstitutionnalité. Comme l’a souligné Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, deux autres textes sont prêts, qui sont relatifs respectivement au Conseil économique, social et environnemental et au Conseil supérieur de la magistrature.

Quant au projet de loi organique sur le référendum, nous y travaillons. Bien sûr, tous les textes prévus par la révision constitutionnelle seront présentés progressivement au Parlement, au cours de l’année 2009.

Au bénéfice de cet engagement du Gouvernement, madame Borvo Cohen-Seat, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Michel. Je voterai cette disposition, comme l’ensemble des sénateurs de mon groupe.

Tout d'abord, monsieur le rapporteur, cet amendement a tout à fait sa place dans ce projet de loi organique.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non !

M. Jean-Pierre Michel. Ce n’est pas un cavalier : il suffit de modifier l’intitulé du projet loi organique et de préciser que celui-ci s’appliquera également à l’article 11 de la Constitution pour que cet amendement soit recevable !

Dans un projet de loi organique relatif à l’application de la révision constitutionnelle de juillet 2008, nous pouvons tout à fait introduire d’autres dispositions…

M. Patrice Gélard. Non ! Ce n’est pas la règle !

M. Jean-Pierre Michel. … que celles que le Gouvernement a restrictivement prévues, d'ailleurs dans son intérêt propre et non dans celui du Parlement ou de la démocratie ! (M. le secrétaire d'État se récrie.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Et pourquoi pas un projet de loi organique unique pour tous les articles de la Constitution ?

M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le secrétaire d'État, si nous pouvions organiser aujourd'hui un référendum d’initiative populaire, comme le prévoit l’article 11 de la Constitution, je suppose que l’on trouverait assez de parlementaires pour interroger les citoyens, par exemple, sur la politique économique et sociale du Gouvernement !

Il serait intéressant de consulter les Français pour savoir s’ils approuvent, ou non, les demi-mesures prises par le Gouvernement, ou encore le plan de relance de l’automobile ! Peugeot annonçait hier la suppression de dix mille postes sans licenciements, mais cela augmentera le chômage dans les régions où l’entreprise est implantée, notamment celle dont je suis l’élu !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Quel rapport avec le projet de loi organique ?

M. Jean-Pierre Michel. Il serait intéressant de savoir ce que pensent les Français de la situation aux Antilles, en Martinique et en Guadeloupe, ou ailleurs outre-mer !

Toutefois le Gouvernement se garde bien de demander l’avis des Français sur ces questions, tandis que le Président de la République continue à pérorer, de saut de puce en saut de puce, en France ou à l’étranger ! (Exclamations sur les travées de lUMP, ainsi qu’au banc des commissions.)

Mme Christiane Hummel. C’est inacceptable !

M. Jean-Pierre Michel. Cet amendement me semble donc tout à fait intéressant.

Mme la présidente. Madame Nicole Borvo Cohen-Seat, l'amendement n° 70 est-il maintenu ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le secrétaire d'État, votre réponse est très floue. Bien sûr, vous ne pouvez affirmer qu’il n’y aura pas de loi organique pour appliquer cette disposition, dès lors que la révision constitutionnelle l’exige. Toutefois, dans la liste des textes qui sont envisagés, ou déjà en cours d’examen, vous avez omis, sans doute à dessein, celui qui porte sur le référendum !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Pas du tout !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Certes, vous avez évoqué ce projet de loi organique dans votre réponse, mais sans fixer de date précise !

De toute façon, nous pouvons en décider nous-mêmes. Le Parlement a la faculté d’appliquer des dispositions constitutionnelles, sans d'ailleurs que de longues discussions soient nécessaires. Ce vote aurait le mérite de montrer que les sénateurs, ou du moins une partie d’entre eux – les autres se détermineront comme ils l’entendent – sont soucieux d’appliquer la Constitution…

Je maintiens donc cet amendement, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Je suis perplexe dans cette démarche, mais j’estime que l’amendement de Mme Borvo Cohen-Seat a le grand mérite de nous permettre de demander au Gouvernement à quel moment viendront les autres projets de loi organique, puisque toute une série de textes de cette nature a été prévue par la révision constitutionnelle de juillet dernier, dans plusieurs domaines, notamment dans ceux où, monsieur le secrétaire d’État, les dispositions sont attendues avec beaucoup d’impatience.

Mme Borvo Cohen-Seat et ses amis, soutenus par le groupe socialiste, parlent de la procédure de référendum d’initiative populaire ou je ne sais quoi. (Sourires.)

Nombreux sont ceux qui attendent de pouvoir mettre en œuvre d’autres dispositions, par exemple celle qui permet de saisir le Conseil constitutionnel d’une exception d’inconstitutionnalité. Beaucoup d’autres – et moi le premier – attendent la possibilité de saisir le Conseil supérieur de la magistrature sur le comportement d’un magistrat. J’en passe et des meilleures, sans compter toutes les lois organiques prévues par le texte constitutionnel et concernant le fonctionnement des institutions.

Dès lors, monsieur le secrétaire d’État, il serait très utile et intéressant, aussi bien pour l’organisation de notre travail que pour l’information de la commission des lois, que nous ayons le calendrier de présentation de tous ces textes.

Si l’on doit se retrouver à la fin de l’année avec un certain nombre de textes qui n’auront pas encore été votés parce qu’ils ne font pas partie des dispositions qui entrent en vigueur le 1er mars, beaucoup finiront par s’interroger sur la véritable portée de la révision constitutionnelle et la volonté réelle qui l’a animée.

Par conséquent, l’amendement de Mme Borvo Cohen-Seat a au moins l’avantage de nous conduire à vous poser cette question, en espérant que nous obtenions rapidement une réponse.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Je répondrai à M. Charasse que le texte sur l’exception d’inconstitutionnalité a déjà été transmis au Conseil d’État et que le texte relatif au Conseil économique, social et environnemental sera envoyé incessamment.

Devrait suivre, dans les jours à venir, le texte sur le Conseil supérieur de la magistrature, tandis que celui qui est consacré au référendum est en cours d’élaboration, ce qui veut dire qu’il sera transmis un peu plus tard au Conseil d’État.

En tout état de cause, le projet de loi organique sur l’exception d’inconstitutionnalité pourrait être examiné avant l’été, en séance publique, ainsi que peut-être le texte relatif à l’exception d’inconstitutionnalité et celui qui est consacré au Conseil économique, social et environnemental.

Aurons-nous le temps, en revanche, d’ici la fin du mois de juin, de nous occuper des deux autres, c'est-à-dire des projets de loi organique sur le référendum et sur le Conseil supérieur de la magistrature ? Avec l’établissement de l’ordre du jour partagé, je ne suis pas absolument certain que ce soit possible.

Toutefois, monsieur Charasse, je peux prendre l’engagement de communiquer à la Haute Assemblée, dans les semaines à venir, le programme et le calendrier précis en la matière, de manière que chacun sache dans quels délais l’ensemble des textes pourra être adopté.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le secrétaire d’État, alors que la révision constitutionnelle était censée démocratiser nos institutions et donner plus de liberté –comme l’affirmait le comité Balladur – tout ce qui pourrait constituer des avancées démocratiques est remis à plus tard.

Au contraire, le texte que vous nous soumettez aujourd’hui est en retrait par rapport à la révision constitutionnelle. Le dispositif prévu par le projet de loi organique – nous aurons l’occasion d’en discuter mardi prochain – va au-delà des restrictions apportées à l’expression des parlementaires par l’article 44 de la Constitution tel qu’il a été réécrit.

Pour toutes ces raisons, en tant que parlementaires, nous voulons clairement dire que les dispositions permettant une certaine démocratisation doivent elles aussi être applicables, non pas aux calendes grecques, mais maintenant ! (Très bien ! sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. M. Jean-Pierre Michel applaudit)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 70.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Jean-Pierre Michel. Que le peuple s’exprime, et autrement que par des sondages ! (Sourires.)

CHAPITRE IER

Dispositions, prises en vertu de l'article 34-1 de la Constitution, relatives aux résolutions

Article additionnel avant le chapitre Ier
Dossier législatif : projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution
Article 1er

Mme la présidente. L'amendement n° 1, présenté par M. Hyest, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit l'intitulé de cette division :

Dispositions relatives aux résolutions prises en vertu de l'article 34-1 de la Constitution

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Je voudrais profiter du débat sur cet amendement, qui ouvre en fait la discussion sur le chapitre 1er du projet de loi et sur les différents articles qu’il comporte, pour énoncer quelques principes que le groupe socialiste entend défendre.

Le chapitre est consacré à cette innovation importante que sont les résolutions. Nous saluons cette innovation qui constitue un progrès dans le mode d’expression du Parlement et par conséquent une avancée pour la démocratie.

Si les propositions de la commission vont en partie dans un sens qui nous agrée, parce qu’il est aussi le nôtre, nous considérons néanmoins que le texte présente un certain nombre d’insuffisances auxquelles nous voulons remédier.

Nous considérons que les amendements de la commission tendant à simplifier le texte sur le plan rédactionnel sont, dans un grand nombre de cas, inutiles. Nous ne les voterons pas. Le texte doit, nous semble-t-il, être suffisamment précis pour permettre une bonne transcription dans le règlement de notre assemblée.

La commission a proposé de rétablir l’examen en commission des propositions de résolution. Nous saluons cette disposition, que nous préconisons nous aussi et que, par conséquent, nous soutiendrons.

Mais, pour conforter cette mesure, pour aller au bout de la logique de la commission et conduire notre réflexion sur ce sujet jusqu’à son terme, nous souhaitons également que soit prise en compte la possibilité pour les commissions concernées de se saisir pour avis des résolutions et que l’assemblée qui le souhaite puisse créer une commission spéciale.

Nous considérons que ces deux éléments sont de nature à permettre un débat de fond entre les membres de notre assemblée. Même s’ils ne présentent pas d’amendements, ils seront informés pour prendre en toute connaissance de cause la décision de voter ou non la résolution. Tout ce qui permet le débat va dans le bon sens et éclaire nos votes !

Enfin, la commission suggère que l’exception d’irrecevabilité opposée à une proposition de résolution puisse émaner du Gouvernement et non du Premier ministre. Cette rectification est faite à l’article 3 du projet de loi organique, mais nous pensons qu’elle devrait également figurer à l’article 2, qui prévoit le renvoi sans délai des propositions de résolution au Premier ministre par le président de l’assemblée saisie.

Telles sont les positions que nous entendons défendre dans le débat sur ce chapitre 1er. En ce qui concerne l’amendement n° 1, qui tend à modifier l’intitulé de ce chapitre, il ne nous pose pas de problème particulier.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Michel. Je voterai cet amendement de la commission, qui montre le travail considérable accompli par le Sénat et son rapporteur sur ce projet de loi organique !

Le rapporteur et la commission n’ont rien trouvé à dire sur l’article 13 et les articles suivants, qui constituent pourtant le cœur de ce projet de loi organique et ont suscité les débats que l’on connaît à l’Assemblée nationale. De tout cela, pas un mot, évidemment !

En revanche, peut-être dans le but de faire perdre du temps au Sénat, on transforme l’intitulé de ce chapitre, déjà modifié par voie d’amendement à l’Assemblée nationale !

Admirons la profondeur du travail effectué par la commission et son rapporteur ! L’intitulé actuel est : « Dispositions, prises au nom de l’article 34-1 de la Constitution, relatives aux résolutions ». L’intitulé que la commission nous propose d’adopter est : « Dispositions relatives aux résolutions prises en vertu de l’article 34-1 de la Constitution ».

Ce serait risible si ce projet de loi organique n’était pas aussi important. Personnellement, je ne vois absolument pas la différence ! Cela nous permet simplement de bavarder agréablement cinq minutes sur ce projet de loi !

M. Henri de Raincourt. C’est toujours cela !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La grammaire n’est pas inutile.

M. Jean-Pierre Sueur. La syntaxe, en l’occurrence !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Vous avez raison. Merci, monsieur le professeur ! (Sourires.)

M. Michel Charasse. Il faut dire que le texte de l’Assemblée nationale est si mal rédigé !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Voilà qui illustre tout l’intérêt, monsieur Michel, qu’il y aura à discuter en séance publique du texte de la commission. Nous ne serons plus amenés à examiner de tels amendements. C’est le type de corrections qui ne vous donnera plus l’occasion de parler de tout autre chose que de ce dont il s’agit !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, l’intitulé du chapitre Ier est ainsi rédigé.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il y a unanimité. C’est donc que l’amendement est excellent !

Intitulé du chapitre Ier
Dossier législatif : projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution
Article 2

Article 1er

Les propositions de résolution déposées sur le bureau d'une assemblée au titre de l'article 34-1 de la Constitution sont signées par un ou plusieurs membres de cette assemblée.

Le nombre de propositions de résolution pouvant être déposées par session ne peut être limité.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je voudrais justifier, par cette intervention sur l’article, le doute qui nous saisit à la lecture de l’article 1er portant application de l’article 34-1 de la Constitution, qui crée la procédure des propositions de résolution.

Ce projet de loi organique montre bien toutes les limites d’un exercice qui ressortit de l’équilibrisme. Tout a commencé il y a un an et demi avec le Président de la République, le comité Balladur, puis le Gouvernement, qui a défendu les dispositions de la révision constitutionnelle.

Depuis, le Président de la République et ses porte-parole – dont vous faites partie, monsieur le secrétaire d’État – n’ont eu de cesse de cacher la réalité de cette révision constitutionnelle, que je considère, vous le savez, non pas comme une avancée pour les droits du Parlement, mais au contraire comme un renforcement du présidentialisme, ce que nous critiquons.

Il s’agissait d’abord d’une « révolution ». On parle maintenant, dans les communiqués officiels, d’une « petite révolution ». Et, pour cause, il était tout de même osé d’employer à ce sujet le mot « révolution » !

Le tour de passe-passe est assez simple. Le pouvoir exécutif se dessaisit d’un certain nombre de prérogatives, mais de façon tellement limitée qu’on peut se poser des questions !

En réalité, il transmet des pouvoirs à la majorité parlementaire, que l’hyper-présidence, qui a aussi réduit le Gouvernement au rang de cabinet, a placée directement sous le contrôle de l’Élysée.

Le Président de la République impose sa loi, l’annonce à la télévision, mais n’est pas responsable devant le Parlement.

Qu’il s’agisse de l’ordre du jour dit « partagé », des procédures de nomination, de l’opposition, de la procédure accélérée ou d’autres modifications, le pouvoir exécutif maintient son contrôle par le biais d’une majorité parlementaire qui est présidentielle, tout à fait dévouée au Président de la République.

Je fais d’ailleurs observer que le Président de la République en personne a énoncé il y a quelques jours une contre-vérité ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)

Il a dit que la nomination du P-DG de France Télévisions serait très démocratique puisque, même si c’est lui qui le nommerait, il faudrait l’accord des trois cinquièmes des membres du Parlement.

Or, nous savons tous que tel n’est pas le cas, puisque le P-DG sera nommé sauf si les trois cinquièmes du Parlement s’y opposent, ce qui est exactement l’inverse ! (Protestations sur les travées de lUMP.)

Le journaliste qui a interrogé le Président de la République sur ce sujet, et qui était donc censé connaître son dossier, n’a pas émis la moindre observation. Il aurait pu dire au moins que ce n’était pas tout à fait le texte de la Constitution. Nous avons assisté à ce que j’appellerais du « service après-vente » !

Je rappelle que le pouvoir de dissolution existe toujours, de même que la procédure dite du « 49-3 », même si son utilisation est réduite, ainsi que le vote bloqué.

Comment ne pas se souvenir du texte relatif au découpage électoral, qui donne tout pouvoir au Gouvernement pour faire pression sur les députés en fragilisant leur avenir ?

Il faut garder en mémoire les pressions exercées à ce sujet, en juin dernier, sur un certain nombre de députés de l’opposition pour obtenir un vote favorable à Versailles.

Le « crédit-temps », instauré par l’article 13 du projet de loi organique, est symptomatique de ces orientations. En réalité, la majorité bénéficiera d’un véritable « 49-3 parlementaire », plus dangereux pour l’opposition que le « 49-3 » de l’exécutif, puisque l’ordre d’intervention des débats sera laissé à l’initiative du Parlement.

En compensation, le Parlement se voit octroyer un nouveau droit : voter des résolutions. Mais à ce droit est posée une limite absolue et ô combien significative : l’autorisation du Gouvernement à en débattre. L’opposition devra donc s’autocensurer pour obtenir un débat en application de l’article 34-1 de la Constitution.

Quelle drôle de conception de l’initiative parlementaire et de la revalorisation des droits du Parlement !

Nous refusons totalement qu’un progrès, si minime soit-il, soit d’emblée placé dans les mains du Gouvernement. Nous proposons donc de supprimer cet article 1er, qui ne doit pas faire écran à la disposition essentielle du texte.

Mme la présidente. La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce débat sur l'article 1er illustre bien la façon dont le Gouvernement se comporte depuis 2007.

Chaque fois qu’il nous annonce des réformes censées accroître les libertés, chaque fois qu’il affirme agir pour le bien du peuple et de la démocratie, il faut faire très attention, car un examen attentif des dispositions proposées nous montre que c’est exactement le contraire qui se produit. Et c’est vrai de tous les textes de loi, qu’il s’agisse de la réforme de l’audiovisuel, de celle des universités, de la prochaine loi électorale ou de la présente loi organique. Le Gouvernement fait de la communication, mais sa politique est rétrograde.

L’article 34-1 issu de la révision constitutionnelle de juillet dernier prévoit que les « assemblées peuvent voter des résolutions » – c’est très bien ! –, mais « dans les conditions fixées par la loi organique », ce qui est déjà mauvais signe ! Il précise : « Sont irrecevables » – cela commence bien ! – « et ne peuvent être inscrites à l’ordre du jour les propositions de résolution dont le Gouvernement estime que leur adoption ou leur rejet serait de nature à mettre en cause sa responsabilité ou qu’elles contiennent des injonctions à son égard. » Voilà une possibilité aussitôt encadrée !

Avec le Gouvernement, d’un côté, et sa majorité, de l’autre, il ne reste plus beaucoup de libertés aux parlementaires, et pas seulement à ceux de l’opposition, encore que certains, dans la majorité, aient conservé leur libre expression, et c’est une bonne chose.

Nous n’en sommes qu’au début du débat, l’important reste à venir, à l’article 12 et, surtout, à l’article 13. En attendant, nous avons déjà un avant-goût de ce qui se prépare. Lors des débats sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la VRépublique, le droit pour les assemblées parlementaires de voter des résolutions a connu un examen extrêmement chaotique, de suppression en rétablissement, ce qui explique, au final, le détournement de son contenu par rapport à sa finalité initiale.

En effet, les conditions, précitées, qui ont été introduites à chaque étape de la renaissance du droit de résolution, supprimé par la Constitution en 1958, sont telles que ce droit, envisagé initialement pour restaurer la fonction tribunicienne du Parlement, est devenu un droit octroyé, sous conditions, par le Gouvernement. C’est lui qui jugera de sa recevabilité et de son inscription à l’ordre du jour. Les conditions d’application de cette procédure sont donc renvoyées à une loi organique, celle dont nous débattons depuis avant-hier.

Si l’on examine, parallèlement, l’article 50-1 de la Constitution, qui réserve au Gouvernement seul la prérogative d’accepter ou de refuser l’organisation d’un débat thématique – et dont on se souvient que la création, pour l’Assemblée nationale, ne valait qu’en contrepartie de la suppression de la procédure de résolution –, nous sommes loin d’assister au renforcement du rôle du Parlement et, surtout, de l’opposition.

Ces deux articles permettent au Gouvernement d’utiliser le Parlement, mais ne peuvent être considérés comme des moyens de renforcer véritablement les droits de ce dernier. Les conditions à remplir sont telles que l’on peut douter de l’intérêt réel de cette nouvelle procédure pour le Parlement. On ne peut pas y voir, à proprement parler, un droit nouveau, puisque celui-ci est soumis à une autorisation.

Lors de la discussion du projet de loi constitutionnelle, l’Assemblée nationale a supprimé cet article 34-1. Le groupe socialiste du Sénat, comme la commission des lois et la commission des affaires étrangères, ont alors déposé des amendements tendant à son rétablissement, avec, cependant, une différence de taille : tout d’abord, nous ne renvoyions pas les conditions de vote à une loi organique, mais nous tranchions la question ; ensuite, nous ne spécifiions pas que les propositions de résolution mettant en cause, directement ou indirectement, la responsabilité du Gouvernement pouvaient être irrecevables. À nos yeux, il ne fallait pas poser de limites au vote de résolutions par le Parlement.

Il y aura toujours beaucoup de lieux en France où l’on pourra heureusement s’exprimer librement. Mais, avec une telle rédaction de l'article 34-1, le seul endroit où il sera vraiment difficile de se faire entendre jusqu’au bout, ce sera finalement le Parlement, tant la liberté de parole y sera organisée, encadrée, réduite. On le verra de nouveau bientôt avec l’article 13.

Cet article étant ce qu’il est, nous sommes bien obligés de revenir sur ce que nous avons dénoncé dès l’origine. Nous avons eu la sagesse de prévoir, dès l’été, ce qui se préparait, et nous y sommes. Il ne nous reste plus qu’à essayer d’éviter le pire en modifiant autant que faire se peut les articles 1er à 5 du projet de loi organique.

Nous proposerons donc, par une série d’amendements et de sous-amendements, d’encadrer, dans le temps, la possibilité pour le Gouvernement de soulever l’irrecevabilité.

Dans la mesure où nous refusons que le Gouvernement décide unilatéralement, nous souhaitons que, en cas de contestation lors du dépôt d’une proposition de résolution, quand il estime que sa responsabilité est mise en cause, il puisse y avoir un débat avec lui au sein de la conférence des présidents de l’assemblée saisie de la proposition de résolution. Nous ne faisons d’ailleurs pas courir un très grand risque au Gouvernement, puisque la majorité domine actuellement au sein de la conférence des présidents.

Dès le début, nous nous sommes élevés contre les restrictions posées par l’article 34-1 de la Constitution telle qu’elle a été révisée en juillet dernier. Ce qui se passe aujourd’hui nous confirme que nous avions raison d’être doublement prudents !