Sommaire

Présidence de M. Jean-Claude Gaudin

Secrétaires :

Mmes Michelle Demessine, Christiane Demontès.

1. Procès-verbal

2. Déclaration de l'urgence d'un projet de loi

3. Dépôt d'un rapport du Gouvernement

4. Questions orales

Impact du prix du gaz trop élevé sur les activités des serristes

Question de M. Gérard Longuet. – MM. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services ; Gérard Longuet.

avenir du site de meymac appartenant au groupe pharmaceutique bristol-myers squibb

Question de Mme Bernadette Bourzai. – M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services ; Mme Bernadette Bourzai.

Délocalisations et crise des équipementiers automobiles en Haute-Garonne

Question de Mme Françoise Laborde. – M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services ; Mme Françoise Laborde.

Taux de taxe sur la valeur ajoutée minorée dans la restauration

Question de M. Jean Boyer. – MM. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services ; Jean Boyer.

réaménagement de la rn 2

Question de M. Antoine Lefèvre. – MM. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports ; Antoine Lefèvre.

projet de délocalisation du service d'études sur les transports, les routes et leurs aménagements

Question de Mme Brigitte Gonthier-Maurin. – M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports ; Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

groupe de travail concernant la ligne sncf paris-granville

Question de Mme Nathalie Goulet. – M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports ; Mme Nathalie Goulet.

amélioration des infrastructures routières dans le gers

Question de M. Aymeri de Montesquiou. – MM. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports ; Aymeri de Montesquiou.

nouvelle carte militaire et avenir de la base d'aéronautique navale de nîmes-garons

Question de M. Jean-Paul Fournier. – MM. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants ; Jean-Paul Fournier.

avenir de la société nationale des poudres et des explosifs de bergerac

Question de M. Bernard Cazeau. – MM. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants ; Bernard Cazeau.

conditions de la fermeture de quatre brigades de gendarmerie en meurthe-et-moselle

Question de M. Daniel Reiner. – MM. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants ; Daniel Reiner.

problèmes des droits de douane américains sur les produits agricoles français

Question de M. Alain Fauconnier. – MM. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Alain Fauconnier.

modification du code de la propriété intellectuelle et protection des obtentions végétales

Question de M. Daniel Laurent. – MM. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Daniel Laurent.

répartition des crédits supplémentaires votés par le sénat destinés à l'enseignement agricole

Question de Mme Françoise Férat. – M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Mme Françoise Férat.

délimitation de l’aire géographique des aoc « champagne »

Question de M. Yves Daudigny. – MM. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Yves Daudigny.

prise en charge en france des réfugiés et demandeurs d’asile victimes de la torture dans leur pays d’origine

Question de Mme Éliane Assassi. – M. Éric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ; Mme Éliane Assassi.

cession du pôle logement d'immobilière caisse des dépôts

Question de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mmes Christine Boutin, ministre du logement ; Nicole Borvo Cohen-Seat.

mesures prises récemment au niveau national concernant la requalification des copropriétés dégradées

Question de Mme Christiane Demontès. – Mmes Christine Boutin, ministre du logement ; Christiane Demontès.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

5. Souhaits de bienvenue à une délégation de parlementaires suisses

6. Rappel au règlement

Mme Marie-France Beaufils, M. le président.

7. Application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution. – Suite de la discussion d'un projet de loi organique

M. le président.

Article 13 (priorité)

M. Jean-Pierre Bel, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Roger Madec, Bernard Frimat, Louis Mermaz, Yves Daudigny, Mmes Éliane Assassi, Josiane Mathon-Poinat, MM. Pierre-Yves Collombat, Michel Mercier, François Marc, Jean-Patrick Courtois.

MM. le président, Jean-Pierre Bel.

MM. Jean-Pierre Sueur, Yannick Bodin.

PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani

M. Claude Jeannerot, Mme Raymonde Le Texier, MM. Jean-Pierre Michel, Martial Bourquin, Mmes Alima Boumediene-Thiery, Bariza Khiari, M. Pierre Fauchon, Mmes Catherine Tasca, Odette Herviaux, MM. Jean-Louis Carrère, Charles Gautier, François Rebsamen, Bernard Piras, Claude Domeizel, Hugues Portelli, Mme Bernadette Bourzai, M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.

Amendements identiques nos 53 de Mme Alima Boumediene-Thiery, 121 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et 181 de M. Bernard Frimat. – Mmes Alima Boumediene-Thiery, Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Bernard Frimat, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, rapporteur ; le secrétaire d'État, Jean-Pierre Sueur, Michel Charasse, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Christian Cointat, Mmes Josiane Mathon-Poinat, Bariza Khiari, M. Michel Mercier. – Rejet, par scrutin public, des trois amendements.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont

8. Communication relative à une commission mixte paritaire

9. Application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution. – Suite de la discussion d'un projet de loi organique

Article 13 (priorité) (suite)

Amendements nos 182 à 189 de M. Bernard Frimat, 42 rectifié de M. Michel Charasse et 122 à 128 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – MM. Bernard Frimat, Louis Mermaz, Yannick Botrel, Pierre-Yves Collombat, Claude Domeizel, Michel Charasse, Mmes Josiane Mathon-Poinat, Éliane Assassi, Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, rapporteur ; Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement ; Jean-Pierre Sueur, Nicolas Alfonsi, Yves Détraigne. – Retrait de l’amendement n° 42 rectifié ; rejet des amendements nos 182 à 185 ; rejet par scrutin public de l’amendement n° 186 rectifié ; rejet des amendements nos 187 à 189 et 122 à 128.

Adoption de l'article.

Article 13 bis (priorité)

Amendement no 190 de M. Bernard Frimat. – MM. Bernard Frimat, le rapporteur, le secrétaire d'État, Jean-Pierre Sueur, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Rejet.

Amendements nos 191 de M. Bernard Frimat, 52 de Mme Alima Boumediene-Thiery, 139 rectifié bis de M. Yvon Collin et 129 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – M. Louis Mermaz, Mme Alima Boumediene-Thiery, M. Nicolas Alfonsi, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Claude Domeizel. – Retrait de l’amendement 139 rectifié bis ; rejet des amendements nos 191, 52, et 129.

Adoption de l'article.

Article 13 ter (priorité)

Amendements identiques nos 130 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et 192 de M. Bernard Frimat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet des deux amendements.

Amendement no 131 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.

Amendement no 54 de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.

Amendement no 55 de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article additionnel après l'article 13 ter (priorité)

Amendement n° 56 de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.

Renvoi de la suite de la discussion.

10. Dépôt d'une proposition de loi

11. Transmission d'une proposition de loi

12. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

13. Dépôt d'un rapport

14. Dépôt d'un avis

15. Addendum aux dépôts rattachés à la séance du jeudi 12 février 2009

16. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

Secrétaires :

Mme Michelle Demessine,

Mme Christiane Demontès.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Déclaration de l'urgence d'un projet de loi

M. le président. Par lettre en date du 16 février 2009, M. le Premier ministre a fait connaître à M. le président du Sénat, qu’en application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement déclare l’urgence du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer (n° 496, 2007-2008).

3

Dépôt d'un rapport du Gouvernement

M. le président. M. le Premier ministre a transmis au Sénat le rapport relatif au bilan et aux orientations de la politique du handicap, établi en application de l’article L. 114-2-1 du code de l’action sociale et des familles.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il sera transmis à la commission des affaires sociales et sera disponible au bureau de la distribution.

4

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

Impact du prix du gaz trop élevé sur les activités des serristes

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, auteur de la question n° 419, adressée à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

M. Gérard Longuet. Ma question s’adressait initialement à M. le ministre d’État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, qui a la responsabilité de la politique de l’énergie dans votre gouvernement, monsieur le secrétaire d’État, mais je me réjouis que vous puissiez me répondre, car votre connaissance de la vie des entreprises et des questions de l’énergie me rassure sur l’attention que vous porterez à la démarche d’une filière nationale.

La production agricole sous serre, dont le secteur compte près de 10 000 actifs et 7 000 salariés, est présente sur l’ensemble du territoire aussi bien dans des régions de tradition – vous le savez bien, monsieur le président – que dans des régions moins bien servies par la nature, par le soleil notamment, mais qui ont développé des activités de production de qualité à l’image des pays du nord de l’Europe et de notre principal concurrent, les Pays-Bas.

Ces activités sous serre nécessitent évidemment un soutien en matière de combustible et près de 80 % des serristes français ont choisi le gaz naturel. Ils y ont d’ailleurs été fortement incités et aidés depuis près de vingt-cinq ans par les pouvoirs publics, considérant que le gaz naturel est l’une des formes les moins agressives, les plus raisonnables et les plus maîtrisées de combustible pour ce type d’activité.

En France, pour le gaz naturel, il n’y a pas de libre confrontation de l’offre et de la demande, il y a une régulation des tarifs. C’est un choix des gouvernements successifs, qui n’a pas été remis en cause par le vôtre, monsieur le secrétaire d’État.

Le Gouvernement a été amené à fixer les règles d’évolution de cette régulation des tarifs en tenant compte du prix du baril de pétrole, qui est l’indicateur dominant en matière d’énergies fossiles, auxquelles le gaz naturel est nécessairement lié.

C’est la raison pour laquelle, en 2008, année d’explosion du prix du baril – au moins au premier semestre – le Gouvernement a été amené à augmenter d’une façon significative le prix du gaz, dont ont besoin les serristes, avec une hausse de 20 % entre le 1er janvier 2008 et le 15 août 2008.

Or, le 15 août 2008 a eu lieu la dernière augmentation du prix du gaz, qui est en décalage par rapport à l’évolution du prix du baril. Depuis cette date, le prix du baril n’a cessé – heureusement pour l’économie mondiale – de décroître fortement. Après avoir, au mois de juillet 2008, atteint des sommets à plus de 140 dollars le baril, il est redescendu à environ 40 dollars.

Or, depuis huit mois, le Gouvernement n’a pris aucune décision en matière de régulation du tarif du gaz naturel, de telle sorte que ce qui valait à la hausse ne vaut pas, semble-t-il, à la baisse.

La régulation n’a pas été affectée par la diminution spectaculaire du prix du baril et le prix du gaz naturel est toujours déterminé aujourd’hui, en février 2009, en fonction de considérations qui valaient en août 2008, au moment où le baril était à 140 dollars. Or, il n’est plus qu’à 40 dollars.

La filière est aujourd’hui gravement menacée par des coûts de production reposant principalement sur le prix du combustible, en l’occurrence le gaz naturel, qui sont tout à fait préjudiciables pour l’équilibre économique de cette branche et menacent gravement la poursuite de cette activité, dont je rappelais à l’instant qu’elle emploie des salariés sur l’ensemble du territoire français, dans le Midi notamment, monsieur le président, mais également en Lorraine, y compris dans le département de la Meuse.

Je souhaiterais donc savoir, monsieur le secrétaire d’État, si le Gouvernement va tirer les leçons d’une régulation qui fonctionne à la hausse et qui manifestement ne fonctionne pas à la baisse.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Monsieur le sénateur, votre question démontre d’abord votre parfaite connaissance du secteur de l’énergie et des défis auxquels sont confrontés les producteurs sous serre, qui subissent de plein fouet les variations du coût de l’énergie.

Je vais m’attacher à répondre à votre question très claire. Si, toutes choses égales par ailleurs, le prix du baril n’évolue pas, nous devrions, dans les prochaines semaines, avoir à donner une bonne nouvelle aux producteurs qui vous ont mobilisé.

S’agissant du gaz naturel, qui est importé à plus de 98 %, comme vous l’avez dit, les hausses effectuées en France ces dernières années n’ont fait que refléter l’évolution des coûts d’approvisionnement des fournisseurs sur les marchés internationaux. Ainsi, Gaz de France-Suez se fournit dans le cadre de contrats à long terme géographiquement diversifiés, notamment auprès des grands pays producteurs : la Norvège, les Pays-Bas, la Russie, l’Algérie. Ces contrats prévoient que les coûts d’achat du gaz sont indexés, vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, sur les cours des produits pétroliers. Le principe d’indexation, mis en place de longue date, permet de garantir la compétitivité du gaz vendu, dans la mesure où celui-ci est substituable aux produits pétroliers avec lesquels il entre en concurrence.

L’évolution des coûts d’approvisionnement de Gaz de France-Suez se répercute dans ses tarifs réglementés de vente, conformément aux dispositions de l’article 7 de la loi du 3 janvier 2003, selon une formule de lissage convenue avec les pouvoirs publics, indépendante des contraintes éventuelles de rentabilité retenues par les acteurs des marchés financiers.

Le principe du lissage se veut protecteur du consommateur final, atténuant la variabilité des prix et induisant, de ce fait, un effet retard.

Ainsi, le calcul des coûts d’approvisionnement est réalisé, préalablement à chaque date d’évolution tarifaire, à partir de la moyenne des cours des produits pétroliers de référence et du taux de change entre l’euro et le dollar sur une période de six mois se terminant un mois avant la date du mouvement tarifaire, selon la formule de lissage dite « 6-1-3 ».

À titre d’exemple, un mouvement au 1er janvier répercute le cours moyen des produits pétroliers de référence des mois de juin à novembre de l’année précédente. Les trois mouvements tarifaires de 2008 ont répercuté un baril de pétrole d’une valeur moyenne de 56 euros au 1er janvier 2008, 61 euros au 1er avril 2008 – le mouvement a été décalé fin avril – et 67 euros au 1er juillet 2008, le mouvement ayant également été décalé au 15 août 2008.

Comme vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, le prix du pétrole ayant atteint des records aux mois de juin, juillet et août 2008, toute évolution tarifaire à court terme conduirait à une nouvelle augmentation des tarifs. C’est pour cette raison qu’elle n’a pas été décidée.

En ce qui concerne les exploitants du secteur de la production légumière et horticole sous serre, je souhaite rappeler que, à l’occasion du mouvement d’avril 2008, la hausse moyenne effectuée n’a pas été totalement répercutée sur le tarif Telnuit dont ils bénéficient. II s’agissait alors d’une mesure de soutien à la profession des serristes.

Toutefois, dans son avis consultatif sur ce mouvement tarifaire, la Commission de régulation de l’énergie a indiqué que cette décision risquait de créer des distorsions de concurrence.

Par ailleurs, pour respecter la hausse moyenne décidée par le Gouvernement, Gaz de France-Suez a dû appliquer une hausse sensiblement plus forte sur les autres tarifs, en particulier ceux des immeubles d’habitation chauffés collectivement au gaz naturel, parmi lesquels figurent de nombreux logements sociaux. Dans ces conditions, il n’est pas envisagé d’accorder un traitement tarifaire préférentiel au bénéfice des serristes.

En revanche, le tarif Telnuit évoluera comme l’ensemble des tarifs réglementés du gaz naturel à l’occasion du prochain mouvement tarifaire à la baisse prévu au printemps, si toutefois les prix pétroliers se maintiennent durablement à leur niveau actuel. Une baisse des tarifs interviendra donc dans les semaines qui viennent.

Dans l’immédiat, d’autres pistes, non tarifaires, d’aide à la profession des serristes pourraient être explorées. J’observe notamment que Gaz de France-Suez a pris plusieurs initiatives à l’égard de la clientèle concernée depuis plusieurs années, en particulier sur le plan de l’amélioration de leur performance énergétique.

En outre, Gaz de France-Suez a développé un service de lissage trimestriel des paiements, répondant ainsi au besoin spécifique de trésorerie de la profession. La convention de partenariat signée en octobre 2008 avec la Fédération nationale des producteurs de légumes a reconduit ces mesures pour 2009.

Comme vous pouvez le constater, monsieur le sénateur, des mesures seront prises dans les prochaines semaines dans une perspective plus favorable.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet.

M. Gérard Longuet. Monsieur le secrétaire d’État, je note que les pouvoirs publics attachent une attention particulière à cette profession. Le grand rendez-vous de l’agriculture qu’est le salon international de l’agriculture, qui ouvrira ses portes le 21 février prochain, sera, je l’espère, l’occasion pour les serristes d’avoir une explication franche et loyale avec le ministre de l’agriculture et de la pêche, chargé de la profession, et le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, qui en est sans doute plus éloigné, mais qui, dans ce cas particulier, tient la clé de leurs revenus et de leur capacité à survivre.

Compte tenu des mouvements erratiques violents constatés sur le marché des matières premières, notamment sur celui de l’énergie, il serait sans doute raisonnable d’imaginer un système plus réactif – sinon à la hausse ! – du moins à la baisse, car les serristes ont vraiment le sentiment de payer les conséquences d’une rigidité au détriment de leur activité et de leur capacité à maintenir l’emploi.

avenir du site de meymac appartenant au groupe pharmaceutique bristol-myers squibb

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai, auteur de la question n° 407, adressée à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Mme Bernadette Bourzai. Ma question s’adressait à Mme Christine Lagarde, mais je remercie M. Hervé Novelli de bien vouloir me répondre.

Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la situation du laboratoire pharmaceutique américain Bristol-Myers Squibb, BMS, qui se place au neuvième rang des groupes pharmaceutiques mondiaux avec un chiffre d’affaires de 18 milliards de dollars, 44 000 salariés dans le monde entier et 50 filiales.

En France, le groupe BMS emploie 3 280 salariés et détient quatre sites de production et de conditionnement à vocation européenne, deux à Agen, en Lot-et-Garonne, un à Meymac, en Corrèze, et un à Épernon, en Eure-et-Loir.

Le groupe BMS a annoncé, à la fin de 2007, un large plan de restructuration qui passera par la suppression de 4 300 emplois, soit 10 % de ses effectifs actuels, et la réduction de ses coûts à hauteur de 1,5 milliard de dollars, dont 50 % d’économies sur ses sites de fabrication.

La fermeture du site de Meymac, en Corrèze, département rural bien connu des Français, à l’horizon de juin 2010, a été annoncée par le comité central d’entreprise en septembre dernier, ainsi que celle d’Épernon, dont la fermeture est programmée pour la fin de l’année 2009.

Le site de Meymac, construit en 1990, se caractérise par son implication dans la lutte contre le VIH et le sida, notamment au travers de son programme ACCESS, qui permet d’exporter des médicaments à prix fortement réduits vers des pays en voie de développement : 60 % de ses fabrications sont exportés. Ce site emploie 163 salariés, mais on peut estimer les emplois induits dans le bassin d’emploi d’Ussel-Meymac à 200.

C’est donc une filière d’activités très importante pour l’économie de la zone rurale du plateau de Millevaches qui va disparaître, alors que ce bassin d’emploi a déjà subi récemment d’importantes mutations économiques et s’est déjà engagé dans un « contrat de site ».

Je rappelle que l’industrie ne représente plus que 15 % de la population active en France, au lieu de 24 % dans les années quatre-vingt. Ce déclin régulier de l’appareil productif engendre, depuis plusieurs années, des crises sectorielles, régionales et locales, et la fermeture du site de Meymac en est une étape supplémentaire.

Monsieur le secrétaire d'État, quelles mesures entendez-vous mettre en œuvre pour pallier les conséquences du désengagement programmé de BMS ? Comment le Gouvernement peut-il agir pour que l’industrie pharmaceutique de production se maintienne en France ? Enfin, comment comptez-vous aider ce bassin d’emploi corrézien en difficulté ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Madame la sénatrice, comme vous l’avez souligné, le laboratoire américain Bristol-Myers Squibb, présent dans des domaines thérapeutiques majeurs tels que les maladies cardiovasculaires, la virologie ou encore l’oncologie, a annoncé, le 25 septembre dernier, son intention de se désengager d’ici à 2010 des sites français d’Épernon et de Meymac, qui compte 172 salariés et produit des traitements contre le sida.

Je connais particulièrement bien le site de Meymac, car j’ai eu l’occasion d’y piloter l’implantation de ce groupe dans les années 1986-1988, alors que j’avais l’honneur d’appartenir au cabinet du ministre de l’industrie de l’époque. Je déplore donc cette annonce, car je m’étais justement mobilisé il y a maintenant près de vingt ans en faveur de l’installation de cette usine.

BMS se place aujourd'hui en quatorzième position sur le plan mondial, alors qu’il était en quatrième position il y a dix ans. À l’évidence, la situation concurrentielle de BMS s’est détériorée dans un contexte global de généralisation de l’utilisation des génériques et du déremboursement des médicaments.

Le groupe, propriété d’UPSA, souhaite se réorienter vers des produits à plus haute valeur ajoutée et la « biopharma » tout en se réorganisant, ce qui passe par la réduction de ses coûts annuels à hauteur de 1,5 milliard de dollars  et la suppression de 10 % de ses effectifs, soit 4 300 postes, ainsi que la réduction de moitié de ses usines dans le monde, dont le nombre s’élève aujourd’hui à 36.

Dans ce contexte, le groupe souhaite ne conserver qu’un seul site en France, celui d’Agen, qui emploie actuellement un millier de personnes et fabrique l’Efferalgan, médicament bien connu, et les produits effervescents. L’activité du site de Meymac produisant 95 % des produits matures, concurrencés par les génériques, serait transférée à Agen.

Le souhait de BMS est de pouvoir anticiper la fermeture de ce site en cherchant des solutions de réutilisation par un acteur industriel. Ainsi a-t-il mandaté le cabinet BPI à cet effet. Le groupe s’engagera donc dans une démarche de revitalisation du site, notamment pour s’acquitter de son obligation légale, définie par l’article L. 1233-84 du code du travail.

Enfin, nous l’espérons, le contrat de site qui a été engagé sur le bassin d’emploi d’Ussel devrait pouvoir être valablement mis à profit pour atténuer les effets négatifs de cette restructuration sur le territoire.

Face au mouvement global de réorganisation de l’ensemble de l’industrie pharmaceutique et de restructuration de ce groupe, dont la situation est plus difficile en cette période de crise, le Gouvernement est totalement mobilisé pour trouver une issue avec les salariés et les élus locaux de Meymac et fera tout pour gérer au mieux ce dossier.

Tels sont les éléments que je puis vous apporter, madame la sénatrice.

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai.

Mme Bernadette Bourzai. Je tiens à vous remercier, monsieur le secrétaire d’État, de votre réponse, même si vous ne me laissez pas beaucoup d’espoir.

Puisque vous vous êtes impliqué dans l’implantation du laboratoire Bristol-Myers Squibb à Meymac, vous devez savoir qu’il s’agit d’une usine récente extrêmement performante, dont on nous disait qu’elle présentait toutes les caractéristiques d’une usine environnementale et citoyenne. Or je regrette beaucoup que, vingt ans à peine après son installation, on en soit réduit à sa fermeture dans l’immédiat. Avec mes collègues du conseil général et du conseil régional et en coordination avec l’État, nous nous employons d’ailleurs à trouver une solution de reprise du site.

Cela dit, cette stratégie d’entreprise, qui correspond à une adaptation de l’industrie pharmaceutique, n’est pas justifiée par des raisons économiques. Je tiens à souligner que le groupe Bristol-Myers Squibb a réalisé un bénéfice de 1,6 milliard de dollars en 2006 et de 5,2 milliards de dollars en 2008 ! Cela signifie qu’il ne fait pas le choix de favoriser l’emploi, ce que je déplore vivement, tout comme les employés de ce groupe, en grève, que j’ai rencontrés hier après-midi. Je puis vous dire que cette situation est vraiment désastreuse pour eux, car ils n’ont pratiquement aucune chance de retrouver un emploi dans ce secteur.

Pour conclure, je vous invite, monsieur le secrétaire d'État, à consulter le site internet de BMS. Vous y verrez une gracieuse silhouette qui semble attraper la lune, accompagnée du slogan suivant : « Pour BMS, rien n’est impossible ». Malheureusement, pour les employés de Meymac, le pire est possible !

Délocalisations et crise des équipementiers automobiles en Haute-Garonne

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, auteur de la question n° 410, transmise à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Mme Françoise Laborde. Monsieur le secrétaire d’État, la crise aiguë que traverse depuis plusieurs mois le secteur des équipementiers automobiles français me conduit à vous faire partager ma profonde inquiétude sur la pérennité des emplois des milliers de salariés concernés.

Les constructeurs recourent quasi systématiquement au chômage technique, afin de préserver les effectifs sur leurs chaînes de production. Depuis septembre dernier, plus de 12 500 suppressions d’emplois ont déjà été annoncées. La chute des ventes et les délocalisations sont pointées du doigt.

Le Président de la République a pris des engagements précis à Douai et à Rethel, pour interdire les délocalisations dans l’industrie automobile.

Le Gouvernement a d’ailleurs octroyé un plan de relance exceptionnelle aux grands constructeurs automobiles nationaux. Pour sa part, M. le secrétaire d’État chargé de l’industrie, Luc Chatel, a organisé des états généraux de l’automobile le 20 janvier dernier.

Aujourd’hui, l’heure est non plus aux engagements, mais aux actes.

C’est la situation de milliers d’hommes et de femmes sur le terrain qui me préoccupe, et tout particulièrement celle des entreprises de sous-traitance en équipements automobiles, notamment électroniques et plastiques. Les salariés et leurs familles vivent cette chronique d’une mort annoncée sur l’ensemble du territoire français, et le département de la Haute-Garonne ne fait malheureusement pas exception.

Je voudrais illustrer mes propos en évoquant le regrettable exemple du site Molex, à Villemur, qui concentre tous les paradoxes.

Ce groupe, détenu à 70 % par des fonds de pension américains, a fait 1,2 million d’euros de bénéfices en France en 2008, mais il n’a pas réinvesti depuis plusieurs années. Il a même procédé à la délocalisation de ses usines du Portugal et d’Inde vers la Slovaquie et la Chine.

Son usine de Villemur emploie aujourd’hui 300 salariés. La fermeture de ce site devrait intervenir en juin prochain, au profit d’une délocalisation vers la Slovaquie. Pourtant, voilà quelques jours, un dernier rebondissement est intervenu, le groupe ayant annoncé la fermeture de ses usines allemandes et slovaques.

Cette annonce, loin de nous rassurer sur la pérennité du site de Villemur, rappelle l’urgence de trouver une sortie de crise. Je voudrais ici rendre hommage à la mobilisation sans pareille de l’ensemble des salariés, de la population et des élus de la commune, du département et de la région. Cette mobilisation a permis d’empêcher jusque-là un déménagement brutal et prématuré des chaînes de montage.

Monsieur le secrétaire d’État, ma question est simple. Conformément aux engagements pris par le Président de la République pour la relance du secteur automobile français et la lutte contre les délocalisations, quelles mesures exceptionnelles comptez-vous prendre pour pérenniser le site Molex à Villemur ou, le cas échéant, quelle aide l’État compte-t-il apporter pour permettre un plan de reclassement des 300 salariés et de réindustrialisation du site ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Madame la sénatrice Françoise Laborde, vous me posez deux questions : la première concerne l’avenir du site de Molex de Villemur-sur-Tarn et la seconde est relative à la teneur du plan automobile annoncé par le Président de la République le 9 février dernier.

Permettez-moi tout d’abord, madame la sénatrice, de rectifier quelques-unes des informations que vous venez de nous donner.

Contrairement à ce que vous indiquez, le groupe Molex a annoncé des pertes le 23 janvier, pour la première fois de son histoire, et son chiffre d’affaires continue de se dégrader. Molex, dont les pertes devraient atteindre 67 millions de dollars sur l’exercice 2009, va engager le licenciement de 8 200 personnes dans le monde, sur un effectif de 33 000, et réduire ses divisions industrielles de cinq à trois, en supprimant la division Transport et en ne conservant que trois usines de sous-traitance automobile en Chine, aux USA et en Italie. Les sites de Slovaquie et d’Allemagne, où devait prétendument être délocalisée la production de Villemur-sur-Tarn, seront aussi fermés. Cette annonce est très récente.

Le dossier de Molex a défrayé la chronique depuis le mois d’octobre dernier. Il a fait pourtant l’objet d’une attention particulière de mon collègue Luc Chatel, qui a reçu personnellement tour à tour les élus du comité d’entreprise, la direction de l’entreprise et les élus locaux pour trouver des solutions à la restructuration annoncée.

Ces solutions passent inévitablement par la restauration de la confiance entre direction et syndicats qui n’ont eu de cesse, les uns et les autres, de jouer la carte du contentieux, ce qui n’est pas la meilleure chose ! La reprise du dialogue devrait permettre de construire un plan de sauvegarde de l’emploi de qualité et des pistes de réindustrialisation et de revitalisation du bassin d’emplois avec pour objectif le maintien d’un maximum d’emplois.

Vous avez par ailleurs évoqué le pacte automobile annoncé lundi 9 février par le Président de la République.

Ce pacte automobile marque vraiment une rupture par rapport à la situation antérieure. En effet, il redéfinit complètement les rapports entre donneurs d’ordre et sous-traitants au sein de la filière. Concrètement, les constructeurs se sont engagés sur trois points essentiels.

Premièrement, conformément à la loi de modernisation de l’économie, qui vise à ramener les délais de paiement à quarante-cinq jours fin de mois à compter du premier janvier de cette année, ils s’engagent à raccourcir les délais de paiement, ce qui est fondamental pour la trésorerie et donc la survie des sous-traitants.

Deuxièmement, les constructeurs ont signé un code de bonnes pratiques. Ils s’engagent notamment à ne pas imposer aux sous-traitants une part minimale d’achat effectué à l’étranger, dans des pays dits « low cost ». C’est un point fondamental pour le Gouvernement et essentiel pour pérenniser la filière automobile sur notre territoire.

Troisièmement, les constructeurs se sont engagés à hauteur de 400 millions d’euros, qui s’ajoutent aux 200 millions d’euros de la Caisse des dépôts et consignations, pour abonder un fonds d’investissement pour la modernisation des équipementiers.

L’enjeu est simple : il s’agit de faire émerger des sous-traitants plus forts, plus performants, plus à même de faire des investissements et d’établir des rapports de force équilibrés avec les constructeurs.

Toutes ces mesures sont très importantes. Pour autant, il ne faut pas se voiler la face. La crise sera longue, dure, et les restructurations ne vont pas s’arrêter du jour au lendemain. Il est de ma responsabilité de tenir un langage de vérité.

Dès lors, l’enjeu fondamental pour le Gouvernement est de préserver les compétences. Nous activons, pour se faire, deux leviers.

D’abord, l’État augmente sa contribution au financement du chômage partiel des entreprises du secteur automobile.

Ensuite, nous accompagnons les entreprises dans la mise en place de formations durant ces périodes de chômage partiel, afin de sortir de la crise avec des salariés plus compétents et mieux formés. C’est en particulier l’objet de la charte automobile.

Nous sommes engagés dans un effort collectif sans précédent à l’égard du secteur automobile, si important pour l’économie française. Cet effort repose sur une approche volontariste et nouvelle de limiter les effets des restructurations pour les salariés les plus fragiles.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Je remercie M. le secrétaire d’État de sa réponse.

Nous espérons que le pacte automobile portera ses fruits à court et à long termes. Nous resterons d’autant plus vigilants que les délocalisations et les fermetures des petites entreprises auxquelles nous assistons un peu partout en France sont en contradiction avec la création des bassins de vie que nous essayons de prôner, surtout en zone rurale dans les petites communes.

Taux de taxe sur la valeur ajoutée minorée dans la restauration

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, auteur de la question n° 405, adressée à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

M. Jean Boyer. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite, avec une certaine insistance, attirer votre attention sur les perspectives de l’évolution du taux de la taxe sur la valeur ajoutée dans la restauration en raison non seulement du soutien indispensable à apporter à la profession, mais aussi de la nécessaire relance de la consommation. Longtemps promise, cette réforme demeure un élément essentiel très attendu.

Cette profession, soumise à une multitude de contraintes liées à la réglementation du travail, aux directives de la formation, aux normes sanitaires, aux exigences de sécurité et aux impératifs d’accessibilité, donne souvent un exemple fort d’une volonté à s’adapter dans ce contexte.

Depuis plusieurs années, les professionnels de ce secteur d’activités réclament avec insistance, et selon moi à juste titre, une amélioration de cette imposition au regard, notamment, des différents taux de la TVA appliqués dans d’autres pays de l’Union européenne.

J’ai bien conscience que, dans le contexte actuel difficile, cette recette est importante. Mais, monsieur le secrétaire d’État, cette baisse ne serait-elle pas compensée par une relance de la consommation ?

Nos restaurateurs investissent sur nos territoires. Ils ont su faire face, avec un grand courage et une grande volonté, aux évolutions en matière de santé publique, notamment pour la lutte contre le tabagisme, mais aussi pour la lutte contre l’alcoolisme. Aujourd’hui, la diminution de la consommation d’alcool, y compris dans les lieux publics, en particulier dans les restaurants, est de nature à fragiliser leurs résultats comptables.

Compte tenu de ces efforts, comment le Gouvernement entend-t-il accompagner les professionnels de la restauration ? La réduction de la TVA à 5,5 % serait un facteur déterminant. Monsieur le secrétaire d’État, qu’en est-il exactement ? Je vous remercie par avance de votre réponse.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Monsieur le sénateur Jean Boyer, le Président de la République et le Gouvernement ont toujours eu, comme vous, la volonté de baisser le taux de TVA dans la restauration. C’est un combat ancien et difficile.

Je vais profiter de votre question tout à fait pertinente pour faire le point et vous donner les dernières informations dans ce domaine.

La négociation communautaire sur le champ des taux réduits de taxe sur la valeur ajoutée dans l’Union européenne, engagée sur la base de la proposition de directive présentée en juillet 2003 par la Commission européenne, a abouti à l’adoption de la directive du 14 février 2006, prorogeant jusqu’au 31 décembre 2010 la possibilité pour les États membres concernés d’appliquer, à titre expérimental, un taux réduit de TVA à certains services à forte intensité de main-d’œuvre. Cette phase de négociation n’avait pas permis d’aboutir à un accord général sur le champ des taux réduits de TVA.

Cela étant, à la suite d’une étude réalisée au premier semestre 2007 par un organisme indépendant, la Commission s’est déclarée favorable, lors d’une communication du 5 juillet 2007, à l’application de taux réduits de TVA dans des secteurs pour lesquels cela ne perturbe pas le bon fonctionnement du marché intérieur et emporte un effet positif sur la croissance du fait des caractéristiques économiques de ces secteurs, notamment en termes d’intensité de main-d’œuvre ou encore de degré de concurrence.

C’est ainsi que la Commission a présenté le 7 juillet 2008 une nouvelle proposition de directive relative à l’application des taux réduits de TVA aux services à forte intensité de main-d’œuvre, couvrant notamment le secteur de la restauration.

Sous la présidence française de l’Union européenne au second semestre 2008, les négociations ont été conduites avec les États membres en vue d’appliquer un taux réduit, notamment à la restauration.

J’ai eu l’honneur de présider le conseil européen des ministres en charge de la compétitivité, dit « conseil compétitivité ». Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, a présidé le conseil ECOFIN. Nous nous sommes mobilisés pour faire avancer ce dossier difficile.

Je rappelle que toute extension du champ du taux réduit de TVA relève d’une décision prise à l’unanimité des États membres.

La discussion avec nos partenaires européens a eu lieu lors des conseils ECOFIN de septembre, octobre et novembre 2008, au cours desquels la Commission a rappelé, face aux réserves exprimées par certains pays, que la proposition de directive ne contenait pas d’obligation pour les États membres – c’est important ! –, mais qu’elle leur laissait la possibilité d’appliquer des taux réduits de TVA.

Le Conseil européen des 11 et 12 décembre 2008 a soutenu la possibilité, pour les États membres qui le désirent, d’appliquer le taux réduit de TVA à certains secteurs et a demandé au conseil ECOFIN de régler cette question avant le mois de mars 2009.

Les Conseils ECOFIN des mois de janvier et de février 2009 ont mis en évidence des difficultés déjà connues, liées à l’exigence de certains États membres d’aboutir à un accord global, définitif et limité aux seuls services à forte intensité de main-d’œuvre et de voir pérenniser les dérogations dont ils bénéficient.

La France a soutenu la proposition de la Présidence tchèque en faveur d’un compromis limité à certaines catégories de services à forte intensité de main-d’œuvre, y compris la restauration, sans attendre la proposition de directive relative aux produits et services environnementaux de la Commission européenne.

L’affaire doit être réglée avant le mois de mars 2009. Nous en approchons ! Le compromis proposé par la Présidence tchèque et soutenu par la France permettrait d’aboutir rapidement, sans attendre la directive, tout en respectant le calendrier fixé par les chefs d’État et de gouvernement en décembre dernier.

J’ajoute que ce compromis s’inscrit en outre pleinement dans l’objectif de relance économique qui a été affirmé à cette occasion.

Monsieur le sénateur, nous approchons du terme de cette négociation, qui s’est étalée sur de longues années. Nous devrions, au cours des semaines qui viennent, soit avant la fin du mois de mars 2009, avoir une réponse à cette question, pendante depuis de trop nombreuses années.

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez parlé d’un « combat ancien et difficile ». Vous le savez mieux que personne, la vie est un combat permanent, toujours inachevé.

Néanmoins, par votre réponse, vous démontrez que le Gouvernement s’est investi en permanence dans ce dossier, avec la volonté d’aboutir. Dans notre société, il y a le vouloir et le pouvoir. Or les directives européennes nous freinent parfois. J’apprécie beaucoup l’action du Gouvernement français en la matière et je souhaite qu’une décision positive intervienne bientôt.

réaménagement de la rn 2

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, auteur de la question n° 426, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.

M. Antoine Lefèvre. Monsieur le secrétaire d’État, les habitants du département de l’Aisne n’en peuvent plus d’attendre ! Qu’ils soient domiciliés au nord, en Thiérache, sur les communes de Vervins ou de La Capelle, ou qu’ils habitent au sud-ouest, dans les bassins d’emploi de Soissons ou de Villers-Cotterêts, les Axonais n’en peuvent plus d’attendre que l’axe stratégique de la RN 2 soit mis à deux fois deux voies.

Cela fait plus de trente ans que nous parlons de ce problème crucial. Dès mon arrivée au Sénat cet automne, j’ai eu l’occasion d’évoquer ce dossier avec votre cabinet, monsieur le secrétaire d’État. Deux générations – je dis bien deux générations – ont vu le jour dans l’Aisne sans que cette route obtienne enfin la dimension qu’elle mérite en fonction de son trafic.

La sous-capacité chronique de certaines portions de la RN 2 a des répercussions dramatiques. Je pense d’abord au bassin soissonnais, dont le développement économique s’en trouve handicapé au plus haut point. Et je ne parle pas de la liaison Soissons-Compiègne par la RN 31, qui ne joue pas non plus correctement son rôle de lien entre les deux grandes collectivités picardes.

La RN 2, ce n’est pas rien ! Liaison historique de 225 kilomètres entre Paris et Bruxelles, elle reliait jadis exclusivement ces deux capitales. Je souhaite que l’État ne l’oublie pas.

Depuis 1970, date de la construction de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, l’Aisne attend avec amertume et impatience que cet axe prenne son envol. Aujourd’hui, nous n’acceptons plus d’être coupés de la dynamique de la zone aéroportuaire.

Monsieur le secrétaire d’État, l’aménagement de la RN 2 à deux fois deux voies, non seulement sur sa partie Oise-Aisne, mais aussi depuis la frontière belge jusqu’à Laon, point de jonction avec l’autoroute A 26, qui fait l’objet d’une demande unanime, n’est plus une urgence, c’est une obligation vitale. Ce n’est pas mon collègue Yves Daudigny ni les élus du conseil général de l’Aisne présents dans les tribunes qui me contrediront.

Le rôle structurant de cette liaison, à la fois entre la région parisienne et l’axe Mons-Laon, milite pour son inscription prioritaire aux différents comités interministériels d’aménagement et de développement du territoire. Cependant, nous n’avons rien vu de probant lors des comités qui se sont réunis en 2003, en 2005 et en 2006.

Bien évidemment, son inscription au titre du PDMI –programme de développement et de modernisation des itinéraires – 2009-2013 est prioritaire.

Dans le plan de relance, nous aurions d’ailleurs souhaité que cette liaison soit traitée de manière beaucoup plus ambitieuse et qu’elle aille très au-delà du simple aménagement des tronçons Plessis -Nanteuil ou Hautmont-Beaufort, dans le département du Nord.

Certes, depuis le contrat de plan 2000-2006, des aménagements ont vu le jour, notamment entre Laon et Soissons, mais ces améliorations ne sont pas le cœur du problème.

La plus grande difficulté, pour l’Aisne, est le retard parfaitement inadmissible pris pour la modernisation de cet axe sur sa partie « Oise ». L’Aisne doit être, elle aussi, en lien direct avec l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle.

L’État a donc l’obligation de prendre dans les plus brefs délais une initiative pour que le « robinet » de la RN 2 ne soit plus coupé au-delà des limites territoriales de l’Oise.

Voilà dix ans, mon prédécesseur, le sénateur Paul Girod, rappelait dans cette même enceinte que le principe du doublement de la RN 2 était acté depuis 1991. Acté, oui, mais réalisé, non !

Aussi, ne souhaitant pas que l’Aisne et les Axonais attendent dix années de plus, je vous demande de bien vouloir m’indiquer comment l’État traduira dans les faits la priorité qu’il attache à ce dossier, notamment lors de l’élaboration prochaine du PDMI 2009-2013.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Monsieur Lefèvre, je sais que ce dossier, que nous avons souvent évoqué ensemble, vous tient à cœur. À la suite de votre invitation, j’ai l’intention de me rendre bientôt dans votre ville de Laon, ce qui sera l’occasion d’y travailler de nouveau.

Il s’agit, c’est vrai, d’un axe important qui relie l’Île-de-France à la frontière belge et auquel la priorité n’a sans doute pas toujours été donnée.

Vous connaissez bien notre méthode de travail. À la suite du contrat de projets État-région, l’État présentera dans quelques semaines son programme de développement et de modernisation des itinéraires, le PDMI.

Les préfets des régions Picardie et Nord-Pas-de-Calais ont établi une liste d’opérations susceptibles de faire l’objet d’un engagement réel des travaux durant la période 2009-2013. Les opérations de modernisation de la RN 2 ont bien été identifiées par les hauts fonctionnaires.

Après réception et examen de l’ensemble des propositions au plan national par M. Jean-Louis Borloo et moi-même, la liste des opérations prioritaires retenues sera prochainement notifiée aux préfets, ainsi que l’enveloppe budgétaire pluriannuelle correspondante. Les préfets seront alors mandatés pour engager les négociations avec les collectivités territoriales, afin de mettre en place des cofinancements, comme cela a toujours été le cas en ce qui concerne les routes nationales.

Monsieur Lefèvre, je vous demande donc encore un peu de patience pour annoncer la mise en œuvre de ce projet.

Toutefois, dans le plan de relance, le Gouvernement a mobilisé, à votre demande, 5 millions d’euros pour engager les travaux sur la RN 2 entre Le Plessis-Belleville et Nanteuil-le-Haudouin, dans l’Oise. Les conditions de poursuite de ces travaux devront être précisées.

Je suis désolé de vous proposer d’attendre encore. C’est une question de calendrier, les PDMI devant être bientôt présentés. Toutefois, j’espère que, à l’occasion de ma visite à Laon pour découvrir un nouveau transport très performant, je serai en mesure de vous apporter une réponse plus précise.

Au demeurant, sachez que le Gouvernement a véritablement l’intention de mobiliser des moyens pour moderniser cet axe, qui rejoint également l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle. Il comprend et soutient votre engagement.

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.

M. Antoine Lefèvre. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de votre réponse. Nous serons patients encore quelque temps ! Les deux sénateurs de l’Aisne présents dans l’hémicycle seront bien sûrs attentifs au suivi de ce dossier.

Je souhaite également rappeler qu’il est urgent de lancer des études concernant la déviation de Vauciennes, compte tenu de la dangerosité de sa traversée. J’espère que nous aurons très prochainement l’occasion d’évoquer ensemble, avec les autres collectivités picardes, ce dossier.

M. Yves Daudigny. Excellent !

projet de délocalisation du service d'études sur les transports, les routes et leurs aménagements

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, auteur de la question n° 415, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. « J’écoute, mais je ne tiens pas compte ». Voilà comment, le 20 janvier dernier, le chef de l’État, en déplacement à Provins, a répondu aux agents du SETRA, le service d’études sur les transports, les routes et leurs aménagements, mobilisés contre leur délocalisation à Sourdun. Ce service est actuellement installé à Bagneux.

J’évoquerai brièvement cette visite. Un car à destination de Provins, transportant 55 agents du SETRA, a été contrôlé et fouillé en chemin par les forces de l’ordre. Il a ensuite été immobilisé à l’entrée de la ville, cerné par des gendarmes mobiles. Les agents se sont alors vu signifier l’interdiction de descendre.

Je tenais à vous faire part de ma profonde indignation devant cette grave atteinte aux libertés. Quel mépris envers ces agents, qui avaient d’ailleurs appris leur délocalisation à Sourdun par voie de presse ! Il s’agit d’une décision brutale, venue d’en haut, prise avant même que ne soit lancée ou réalisée une étude d’impact. Comme pour l’INSEE, l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’objectif est de pallier, le plus rapidement possible, les conséquences de la réforme de la carte militaire. Sourdun va perdre son 2e régiment de hussards, qui compte 895 personnels. Dans une ville de 1 487 habitants, on comprend l’émoi des élus, des commerçants et de la population.

Le choix de Sourdun semble injustifié aux yeux du personnel du SETRA et apparaît comme une aberration, et ce à plus d’un titre. Depuis 2006, ces agents se sont largement impliqués dans le projet de pôle scientifique et technique dédié aux transports qui doit voir le jour à Marne-la-Vallée d’ici à 2011. Or isoler ainsi géographiquement le SETRA, c’est remettre en cause les synergies qui sous-tendent ce projet. Je dis bien « isoler », car cette délocalisation va poser de lourds problèmes de déplacement, l’offre de transport en commun étant quasi nulle vers Sourdun et très limitée vers Provins. Le temps de trajet entre le domicile et le travail, qui sera doublé, atteindra quatre heures par jour en transports en commun et deux heures en voiture Tout cela n’est pas très « grenello-compatible » !

Cette délocalisation entraînera donc une perte de temps et un surcoût financier, puisque le coût moyen du trajet sera multiplié par sept. C’est un non-sens quand on sait que les agents du SETRA effectuent environ 12 000 déplacements chaque année, que le service organise 1 200 réunions par an impliquant 8 000 à 9 000 intervenants extérieurs, dont la moitié vient de province. Or Sourdun est à 100 kilomètres des aéroports franciliens.

Quid également de la pérennité du service et de ses compétences ? Selon une première estimation, moins de 10 % des agents sont prêts à partir. Cette opération va donc se solder par une perte de compétences et de savoir-faire dans le domaine des routes, des ouvrages d’art et des transports. Il faudra au moins quinze ans pour remonter un service comparable à Sourdun. À quel prix ? L’État prend là un bien gros risque. Qu’allez-vous faire, monsieur le secrétaire d’État ? Bloquer les mutations ? Transformer le SETRA en agence pour redistribuer au privé une partie de ses missions ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Madame le sénateur, je faisais partie des membres du Gouvernement qui ont accompagné M. le Président de la République et M. le Premier ministre à Sourdun. La description que vous faites des événements est très partielle et partiale, personne n’ayant voulu empêcher le dialogue avec les agents du SETRA.

J’ajoute que nous ne sommes plus à l’époque où Mme Cresson, Premier ministre, sous la présidence de François Mitterrand, annonçait le départ de l’École nationale d’administration à Strasbourg, sans même que le ministre de la fonction publique de l’époque, que M. Gaudin et moi-même connaissons bien, en ait été averti.

Les délocalisations sont toujours très compliquées. J’ai en mémoire les difficultés rencontrées pour faire venir sur le site du futuroscope les agents du Centre national d’enseignement à distance, qui y sont aujourd’hui très heureux.

J’ai eu la surprise, récemment, d’entendre des agents de l’ENIM, l’Établissement national des invalides de la marine, le plus vieux système de sécurité sociale français, affirmer qu’ils préféraient rester dans le viie arrondissement de Paris, plutôt qu’aller à La Rochelle. Il me paraît cependant plus utile que ceux qui s’occupent des marins soient dans un port plutôt que dans un arrondissement de Paris, en face de l’École militaire. Les idées font leur chemin. Vous avez eu raison de le dire, madame le sénateur, la concertation est toujours nécessaire pour les faire aboutir.

Le SETRA est un service important. L’opération d’implantation à Sourdun que vous avez évoquée devrait être achevée le 31 décembre 2010.

Cette décision s’inscrit dans le cadre du soutien effectif que le Gouvernement s’est engagé à apporter aux territoires affectés par le redéploiement des implantations territoriales des armées lié à la nouvelle carte militaire de notre pays.

Le plan d’accompagnement qui a fait l’objet de la circulaire du Premier ministre du 25 juillet dernier comporte des mesures de redynamisation et un programme de relocalisations.

Le SETRA, organisme central du Réseau scientifique et technique, assure une fonction importante au regard des objectifs stratégiques du MEEDAT, le ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, notamment pour ce qui relève des enjeux du Grenelle de l’environnement. Il entretient des relations très denses avec les autres services de ce ministère, pour lesquelles il produit des référentiels techniques. Il est un partenaire privilégié des autres organismes scientifiques et techniques, des acteurs économiques et des collectivités locales. Enfin, il développe une activité importante au plan international. Le site de Sourdun, que je ne connaissais pas, mais que j’ai découvert aux côtés du Président de la République, doit permettre au SETRA de rester un service d’études d’excellence.

De mieux en mieux reliée à la région parisienne par le train, la ville de Provins est également assez proche des aéroports de Paris.

Le pôle de Marne-la-Vallée, que vous avez également évoqué, madame la sénatrice, demeure un projet important pour le Gouvernement. Nullement remis en cause par la décision d’implanter le SETRA à Sourdun, ni dans son volet immobilier, ni dans son projet scientifique, il a vocation à constituer un cluster d’innovation dans le domaine de la ville durable, au sein duquel le SETRA devra prendre toute sa place, tant dans la dimension ingénierie du projet que dans la fonction de transfert entre la recherche et la mise en œuvre des techniques correspondantes.

Le SETRA est donc un acteur clef, un maillon indispensable de la chaîne de valeur qui relie l’enseignement supérieur, la recherche, l’innovation et l’ingénierie.

Le Gouvernement souhaite que des liens forts se nouent entre le SETRA et le pôle scientifique de Marne-la-Vallée. C’est pourquoi des facilités d’échanges fiables entre ces deux implantations seine-et-marnaises seront étudiées. L’équipement fonctionnel des sites de Marne-la-Vallée et de Sourdun sera mis au premier plan des priorités pour permettre le bon fonctionnement de l’ensemble.

Le rôle d’excellence, au niveau international, du pôle scientifique et technique de Marne-la-Vallée a été confirmé lors du conseil des ministres du 22 octobre dernier. Le SETRA a vocation à prendre toute sa part dans ce projet aux côtés des autres composantes du réseau. Nous veillerons à ce que les deux sites constituent un ensemble cohérent.

Sachez également, madame la sénatrice, que nous sommes conscients des difficultés que cette décision peut générer pour les personnels, notamment en termes d’organisation de leur vie familiale. Une déconcentration suscite toujours des changements. Nous devons donc veiller à ce que ce transfert se fasse dans les meilleures conditions pour le personnel, en fournissant aux agents les équipements nécessaires, en les accompagnant dans la gestion de leurs compétences, mais aussi en nous préoccupant de l’emploi de leurs conjoints.

Enfin, je vous indique que la délocalisation du SETRA à Sourdun sera notamment financée par la vente des locaux de Bagneux, site actuel du SETRA.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Bien que cette délocalisation soit motivée par des considérations liées à l’aménagement du territoire et au développement économique, on peut vraiment se poser la question de savoir quelle activité économique l’installation du SETRA au milieu des champs de betteraves – cette expression n’a rien de péjoratif – apportera à Sourdun.

Même si les 280 agents acceptaient de suivre, ce qui n’est pas certain, ils ne compenseront jamais le départ d’un régiment de 895 personnels, avec des familles entières qui consomment, habitent et scolarisent leurs enfants sur place. On ne saurait, en particulier, ignorer la pyramide des âges au SETRA, où 40 % des agents ont plus de 50 ans.

De nouveau, je me permettrai de souligner les contraintes de déplacement vers Sourdun. Il me semble d’ailleurs que les réunions avec les intervenants extérieurs se feront d’abord à Marne-la-Vallée, où des installations ont été prévues à cet effet. Je pense donc que le « rayonnement international » évoqué pour Sourdun sera inexistant.

Pour ce qui est des transports, des navettes seront probablement créées, mais elles seront réservées aux personnels du SETRA. Là encore, il n’y aura aucune retombée pour les populations.

L’autre objectif assigné est la réduction des coûts de gestion des administrations. Dans le cas du SETRA, ces coûts risquent surtout d’exploser, je le crains. Ils comprennent, en premier lieu, le réaménagement de la caserne et l’installation du réseau internet, pour 10 millions d’euros. Qui paiera et avec quel argent ? Et comment conciliez-vous cette mesure, qui se traduira par un surcoût incompressible en termes de transports, avec la mobilisation de ce service dans le cadre du Grenelle de l’environnement ? Nous attendons votre réponse, monsieur le secrétaire d’État.

Enfin et surtout, mon inquiétude porte sur la perte de compétences et de synergie liée à cette délocalisation. Je redoute que l’on n’aboutisse à l’inverse du but recherché.

groupe de travail concernant la ligne sncf paris-granville

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, auteur de la question n° 416, transmise à M. le secrétaire d'État chargé des transports.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est la quatrième fois en un mois que j’interviens sur ce dossier, extrêmement délicat, de la voie Paris-Granville.

J’ai écouté avec intérêt notre collègue de l’Aisne, qui attend un bout de route depuis dix ans. Chez nous, dans l’Orne, c’est le contournement de Saint-Denis-sur-Sarthon que nous attendons depuis près de trente ans. Plusieurs mandats peuvent encore s’écouler avant qu’il ne soit réalisé !

Vous connaissez bien le sujet, monsieur le secrétaire d’État, et votre bonne volonté n’est pas en cause. De leur côté, les élus se mobilisent également. Reste que les usagers sont excédés.

Cette ligne Paris-Granville a fait l’objet de nombreuses études depuis 2001, qui ont décelé moult dysfonctionnements : une voie unique d’Argentan à Folligny ; l’absence d’installations permanentes de contresens entre Saint-Cyr et Dreux qui fait que, en cas d’incident sur une voie, il est impossible d’effectuer des manœuvres sur la voie restée libre ; des problèmes de passages à niveau et de locomotives qui patinent… J’interromps ici cet inventaire à la Prévert fort désagréable.

Toujours est-il que, au premier semestre 2008, 538 trains ont été retardés, plus de 33 % des incidents étant liés à des problèmes de fermeture de portes ou de vétusté du matériel.

Je suis donc intervenue, dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2009, pour demander que la modernisation de ce matériel figure parmi les actions prioritaires. Mais, naturellement, l’amendement que j’ai présenté a été frappé par le vigoureux article 40 de la Constitution…

Je suis intervenue une nouvelle fois dans le cadre de l’examen du plan de relance présenté par votre collègue M. Devedjian. Ce dernier m’a indiqué qu’il étudierait dans quelle mesure la modernisation du matériel pourrait s’intégrer au plan présenté. Il se peut toutefois que certains projets ne puissent pas aboutir et qu’il faille élaborer un « plan B ».

Malgré des améliorations, la régularité de la ligne reste très aléatoire, les problèmes des moteurs de traction représentant encore 35 % des incidents et le mauvais fonctionnement des portes, 30 %. Nous comptons encore 781 trains retardés, avec un retard cumulé de 14 608 minutes !

Monsieur le secrétaire d’État, en dépit des rendez-vous que vous avez pris avec les élus et quelle que soit votre bonne volonté, si l’on se contente de recourir aux vieilles recettes, si l’on fait ce que l’on a toujours fait, on va avoir ce que l’on a toujours eu ! Ne pourrait-on pas changer de méthode, en essayant de constituer un groupe de travail doté d’un agenda précis et, surtout, d’intégrer cette modernisation du matériel dans le plan de relance ou le plan bis qui ne manquera pas d’être élaboré ?

En réalisant cette modernisation, chiffrée à environ 150 millions d’euros, on obtiendrait 33 % d’amélioration. Pensez-vous, monsieur le secrétaire d’État, que la modernisation de ce matériel pourra être achevée dans un délai assez bref ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Il s’agit d’une question importante, qui a été très souvent posée. Il m’est même arrivé d’être apostrophé, amicalement, dans une émission de télévision par un célèbre présentateur qui utilise cette ligne le week-end. (Sourires.)

Je procéderai tout d’abord à un rapide état des lieux. Lorsque votre collègue René Garrec était président du conseil régional de Basse-Normandie, il a, à juste titre, réalisé toute une série d’investissements pour moderniser cette ligne – amélioration de la signalisation, rénovation des gares, mise à voie unique de certains tronçons pour accélérer la vitesse, maintien à double voie d’autres portions pour permettre les croisements, etc. Tout cela a été conduit intelligemment.

C’est également sur cette ligne que les nouveaux automoteurs, ou autorails, construits en France dans les années quatre-vingt-dix, les fameux X 72 500, ont été mis pour la première fois en service. Mais, à l’époque, Alsthom, qui fabriquait ces machines dans l’usine d’Aytré, à côté de La Rochelle, ne maîtrisait pas encore parfaitement la fabrication d’engins diesel. Ces matériels ont donc connu, et connaissent encore un fort taux de dysfonctionnement, tant sur la ligne Paris-Granville que sur la ligne Paris-Vendôme, où ils ont été mis en service à la même époque. Ces problèmes portent notamment sur les portes, la climatisation, les toilettes et j’en passe.

De surcroît, les trains Paris-Granville arrivent à la gare Vaugirard, et la liaison avec le reste de la gare Montparnasse pose problème. Le niveau d’insatisfaction est donc très important sur cette ligne.

Nous recherchons actuellement des solutions. Dans le contrat de projets actuel entre l’État et la région Basse-Normandie, plusieurs opérations à court terme sont à l’étude.

Un groupe de travail associant tous les élus a également été mis en place. Il devra trouver de nouvelles idées, notamment pour améliorer la maintenance du matériel, l’accueil et l’information des voyageurs.

Cela étant, il faudra aller plus loin, comme vous l’avez souligné à juste titre, madame la sénatrice.

J’ai donc convié le président du conseil régional ainsi que tous vos collègues sénateurs et députés de Basse-Normandie à une réunion qui se tiendra début mars à Caen pour examiner l’ensemble des dessertes de cette région. Car, comme vous le savez, en dépit de tous les efforts accomplis, notamment par la région, la ligne Paris-Caen-Cherbourg laisse également à désirer.

À cette occasion, je proposerai donc un plan d’ensemble pour la Basse-Normandie, qui comportera un plan d’action sur la ligne Paris-Caen-Cherbourg et un autre sur la ligne Paris-Granville.

Je vous remercie, madame la sénatrice, d’avoir souligné l’urgence qu’il y a à agir, le service rendu ne satisfaisant actuellement ni les habitants, ni les touristes usagers de cette ligne, qui est aussi celle du Mont-Saint-Michel, ne l’oublions pas.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Mon mari étant à l’époque le premier vice-président de René Garrec, je connais un peu ces dossiers, notamment le coût de l’électrification, et je sais que cette ligne Paris-Granville a toujours posé problème. Nous attendrons donc le 6 mars et, d’ici là, les motrices continueront de patiner…

En revanche, vous ne m’avez pas répondu, monsieur le secrétaire d’État, sur l’implication du plan de relance. Comme mars en Carême, je reviendrai donc sur ce sujet demain, à l’occasion du débat sur le projet de loi relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés et portant diverses dispositions relatives aux transports.

Je vous remercie néanmoins de l’intérêt que vous portez à la Basse-Normandie et j’associe mes collègues de Haute-Normandie à ce dossier important, qui intéresse la Normandie bientôt réunifiée !

amélioration des infrastructures routières dans le gers

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, auteur de la question n° 408, adressée à M. le secrétaire d'État chargé des transports.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte sur l’amélioration des routes nationales 124 et 21 dans le Gers.

Ce département enclavé attendait beaucoup du plan de relance annoncé par le Président de la République mais, encore une fois, il est resté le grand oublié du développement économique. Le fait qu’il ne dénombre que vingt kilomètres de deux fois deux voies vous semble-t-il normal, équitable, et respectueux de l’égalité des chances ?

M. le ministre d’État m’avait confirmé par lettre le financement des travaux de mise à deux fois deux voies du tronçon Auch-Aubiet de la RN 124 reliant Auch à Toulouse qui, selon lui, figurent parmi les travaux à mener absolument au regard des conclusions du Grenelle de l’environnement.

De même, en ce qui concerne le contournement de Gimont, parachevant le tronçon Auch-Toulouse, je vous demande aujourd’hui de me donner un calendrier définitif et précis de réalisation de ces travaux.

Si la RN 21 reliant Limoges à Saragosse constitue un axe prioritaire pour l’Europe, il ne semble pas en aller de même pour la France. Une plate-forme routière géante a été réalisée à Saragosse et le projet EURO 21/A 21 de mise en concession a le soutien de l’Espagne, de nombreuses collectivités locales et des chambres consulaires des départements concernés.

Je vous demande donc de saisir la commission nationale du débat public sur ce projet de concession, une telle saisine ayant déjà été décidée dans la région pour l’autoroute concédée Castres-Toulouse.

L’A 21 apporterait une dimension multimodale, route-fer, au tunnel en ferroutage – TCP – acté à deux reprises en 2008 par les chefs d’État et de gouvernement français et espagnol, le tracé probable du tunnel Hèches-Bielsa débouchant en effet face à l’EURO 21. Il est évident que cette autoroute favoriserait un développement économique sur l’ensemble de son tracé. En particulier, le Gers bénéficierait enfin d’un meilleur accès à son territoire. Je précise que les sociétés ASF, A’LIENOR et SANEF ont manifesté leur intérêt pour ce projet de mise en concession.

Oublié par le comité interministériel d’aménagement et de compétitivité des territoires, discriminé par le plan de relance, le département du Gers reste enclavé, monsieur le secrétaire d’État. Je vous demande donc des engagements précis et des réponses sans équivoque sur les deux volets de ma question.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Monsieur le sénateur, vous qui connaissez bien les règles de la gestion publique, vous savez que le plan de relance porte, par nature, sur des travaux qui seront engagés à très court terme, dès cette année, et non à plus long terme. Un investissement routier très important n’y trouverait pas sa place.

C’est pourquoi nous avons inscrit dans ce plan des petites opérations, par exemple des opérations de rénovation de la chaussée, immédiatement réalisables, ce qui n’est pas le cas d’investissements routiers aussi importants que ceux que vous évoquez.

Vous avez cité les liaisons avec l’Espagne. Avec le Premier ministre, j’ai participé à la réunion de haut niveau hispano-française de Saragosse, qui s’est tenue en juin 2008.

La semaine dernière, à Bruxelles, j’ai de nouveau rencontré mon collègue espagnol pour faire l’état des lieux de l’ensemble des points de passage franco-espagnols, entre Perpignan et Figueras, entre Irun et Hendaye et au centre des Pyrénées.

S’agissant de ce dernier passage, les Espagnols sont favorables à une solution ferroviaire, et pas routière. Conformément aux accords que nous avons conclus lors de la réunion de Saragosse, nous avons installé un groupe de travail commun chargé de réfléchir à cette troisième voie de passage. Certes, si les voies de passage aux extrémités est et ouest de la chaîne pyrénéenne sont essentielles pour l’économie de nos voisins espagnols, pour autant, ceux-ci accordent toute son importance à la voie de passage centrale, qui dessert l’Aragon.

Je sais, monsieur le sénateur, que ce dossier est très important pour votre région.

J’en viens maintenant plus précisément à votre question.

À votre invitation, je me suis rendu récemment chez vous, dans le Gers, afin de mesurer avec vous les conséquences pour votre département de la tempête du 24 janvier, dont il a malheureusement beaucoup souffert, et de dresser l’inventaire des travaux nécessaires pour la remise en état des différentes infrastructures endommagées. À cette occasion, nous avons fait le point sur les dossiers gersois, notamment sur le cas des routes nationales 124 et 21, axes que nous avons d’ailleurs empruntés pour nous rendre dans des communes sinistrées.

Comme je le rappelais à Antoine Lefèvre voilà quelques instants, la programmation des infrastructures de transport sur l’ensemble du territoire se fait désormais sur les principes guidant la préparation du schéma national des infrastructures de transport prévu par l’article 15 du projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, adopté en première lecture par l’Assemblée nationale et le Sénat. Ce schéma portera sur le développement des réseaux, la planification d’infrastructures nouvelles et sur les conditions de report de la demande de transports vers d’autres modes.

Le Gouvernement se fixe pour objectif d’approuver le schéma à l’automne 2009, après qu’il aura recueilli tous les avis nécessaires. Ce n’est donc qu’une fois que celui-ci sera élaboré que Jean-Louis Borloo et moi-même serons en mesure de vous fournir des éléments sur les suites du projet d’aménagement de la route nationale 21. Voilà pour le moyen terme et pour le long terme.

À plus court terme, la portion de la route nationale 124 entre Auch et Toulouse doit être aménagée de façon continue à deux fois deux voies le plus rapidement possible. Le volet routier du schéma prolongera la démarche relative aux programmes de modernisation des itinéraires, les PDMI. Les préfets ont ainsi établi une liste hiérarchisée des opérations susceptibles de faire l’objet d’un engagement des travaux durant la période 2009–2013.

Après un examen de l’ensemble de ces propositions, le ministre d’État et moi-même rendrons publiques la liste des opérations prioritaires retenues et l’enveloppe budgétaire pluriannuelle correspondante. Les préfets seront alors mandatés pour engager les négociations de cofinancement conclusives avec les collectivités territoriales.

Je sais que Martin Malvy, président de la région Midi-Pyrénées, déploie des efforts considérables en faveur de la future ligne de TGV et du plan rail 2008-2013 de sa région.

M. Jean-Louis Carrère. Sous la surveillance de l’Aquitaine !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. J’avais bien remarqué votre regard aquitain, monsieur le sénateur ! (Sourires.)

Nous souhaitons qu’il puisse également s’engager dans un certain nombre de cofinancements sur le plan routier.

D’ores et déjà, un important effort financier sera fait en 2009 en faveur de la route nationale 124. Les crédits nécessaires seront mobilisés pour achever la déviation de Léguevin, à hauteur de 2 millions d’euros en autorisations de programme. En outre, bien qu’il ne s’agisse pas d’un grand projet éligible, en tant que tel, au plan de relance, l’aménagement de la section Auch-Aubiet bénéficiera, au titre de ce plan et de la programmation pour 2009 des PDMI, respectivement de 4 millions d’euros et de 8,72 millions d’euros en autorisations de programme, soit un total de 12,72 millions d’euros. Ces crédits permettront de lancer les appels d’offres concernant les marchés du terrassement et de l’assainissement.

La finalisation des PDMI tiendra compte des engagements pris à l’égard de la portion Toulouse–Auch. La finalisation de l’aménagement de la portion Auch–Aubiet et la déviation de Gimont seront inscrites parmi les priorités. En tout état de cause, Jean-Louis Borloo et moi-même vous confirmons l’engagement d’un financement complet d’ici à 2015, mais seule une vision globale des PDMI permettra de déterminer avec précision le cadencement, puisque plusieurs départements et régions sont concernés.

Monsieur le sénateur, connaissant votre engagement militant, je sais que vous êtes prêt à transpercer le Gouvernement de votre épée si celui-ci ne respecte pas ses promesses. Ne voulant pas courir ce risque, je puis vous assurer que nous ne faillirons pas à notre parole ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le secrétaire d'État, je rappelle que le Gers ne bénéficie que de 0,04 % des crédits prévus dans le cadre du plan de relance…

Je rappelle aussi que votre collègue Patrick Devedjian m’avait affirmé que des crédits pourraient être affectés aux travaux routiers dès lors que les dossiers étaient prêts. Tel est le cas pour le Gers !

Mme Nathalie Goulet. Chez nous aussi ! (Sourires.)

M. Aymeri de Montesquiou. Ces projets routiers patinent depuis de très nombreuses années.

Mme Nathalie Goulet. Chez nous aussi !

M. Aymeri de Montesquiou. La déviation de Léguevin, qui sera achevée cet été, appartient déjà au passé et l’on ne saurait la ranger dans les opérations futures. La déviation Auch–Aubiet, quant à elle, nécessite un financement de 40 millions d’euros. Or j’ai reçu en septembre dernier une lettre de M. le ministre d’État par laquelle celui-ci m’assure que ce tronçon sera achevé d’ici à deux ou trois ans. Comment s’établit au juste le calendrier ?

S’agissant du contournement de Gimont, M. le ministre d’État m’affirme que celui-ci sera achevé en 2015.

Monsieur le secrétaire d'État, le tronçon Auch–Aubiet sera-t-il achevé en 2011 ? Le contournement de Gimont sera-t-il achevé en 2015 ? Accorderez-vous une concession pour la route nationale 21 ?

nouvelle carte militaire et avenir de la base d'aéronautique navale de nîmes-garons

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Fournier, auteur de la question n° 425, adressée à M. le ministre de la défense.

M. Jean-Paul Fournier. Monsieur le secrétaire d’État, dans leur immense majorité, les élus gardois, locaux ou nationaux, ont toujours fait connaître au ministre de la défense leur attachement à la présence de la marine à Nîmes.

Au mois de juillet 2008, le Gouvernement a rendu publique la nouvelle carte militaire.

Le 5 décembre dernier encore, lors du comité de site de défense, même s’il n’a pas été question de revenir sur la nouvelle carte militaire, la question d’un détachement resserré de la marine apparaissait comme une évidence, d’abord militaire et, incidemment, économique.

La base aéronavale de Nîmes-Garons reste une place stratégique de surveillance aéronavale, de la Méditerranée au Proche-Orient. Sa justification est fortement liée aux foyers de tension très présents dans ces zones, ainsi qu’au soutien du porte-avions Charles de Gaulle et de son groupe aérien embarqué.

Aucune autre infrastructure militaire n’est aujourd’hui capable d’assurer pleinement ces activités.

Par-delà sa situation géostratégique, la piste de Nîmes-Garons, grâce à ses caractéristiques techniques, est un outil unique. Elle est adaptée à tous les types d’aéronef des forces françaises ou alliées, tant en temps de paix pour les entraînements qu’en période de crise.

Or la disparition totale de la présence de la marine, comme l’a annoncée Hervé Morin par voie de presse, le 7 février dernier, signifie jusqu’à l’abandon de la surveillance du trafic aérien de la tour de contrôle servant également à l’aviation civile.

Cela annonce donc aussi l’arrêt des activités aéroportuaires de maintenance – SABENA –, d’entraînement – AIRWAYS – et de soutien – Aviation défense service, AVDEF – de l’aéronautique civile, alors que ces activités font vivre aujourd’hui 750 familles.

Leur implantation autour de la base a été le fruit d’une politique publique de longue haleine, dans une région sous-industrialisée. Plus de 15 millions d’euros d’argent public ont ainsi été consacrés à la réfection de la piste et de la tour !

Je vous rappelle aussi que le statut mixte, civil et militaire, de l’aérodrome permet depuis des années un partage efficient des coûts d’exploitation.

Je ne souhaite pas ici revenir sur la décision touchant au redéploiement de l’Aéronavale, mais le préjudice pour la défense et pour l’économie qu’engendrerait l’abandon définitif de la tour de contrôle est réel.

Aussi je vous demande, monsieur le secrétaire d'État, si la question du maintien sur site d’un « détachement marine resserré » chargé de l’exploitation aéroportuaire au profit des activités aéronautiques de défense et civiles pourrait être reconsidérée.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants. Monsieur le sénateur, lors des analyses conduites dans le cadre de la réforme du ministère, il est apparu que les bases de patrouille maritime avaient une activité inférieure à ce que permet leur capacité et que, en conséquence, une densification de leurs moyens s’imposait.

Compte tenu du nombre de plateformes militaires dans le sud-est de la France, il a été décidé de fermer la base aéronavale de Nîmes-Garons. Cette mesure, qui consiste en un regroupement de l’essentiel des moyens de patrouille maritime sur la base de Lann-Bihoué, à Lorient, permet une économie en personnels de 500 postes ainsi que des économies de fonctionnement importantes : unicité de lieu des moyens de simulation ; concentration des moyens de soutien ; entretien des installations aéronautiques.

L’utilisation du terrain de Nîmes-Garons pour les indispensables phases d’entraînement des avions de chasse de l’aviation embarquée générant également des nuisances environnementales susceptibles de contraindre le développement économique de la région, le ministère de la défense a décidé d’y mettre un terme le plus rapidement possible.

Dorénavant, les besoins de la marine en soutien de ses activités dans le sud devraient pouvoir être satisfaits à partir d’Istres. Ce point est à l’étude.

L’état-major de la marine travaille dès à présent au transfert de ses moyens et de ses activités sur Lann-Bihoué et, en relation avec l’armée de l’air, étudie les modalités de détachements occasionnels sur Istres.

Les avions de surveillance maritime N262 ont été retirés du service actif le 20 janvier 2009. En 2011, le personnel de la base aéronavale aura été totalement remplacé en nombre par le 503e régiment du train.

Des contacts sont pris avec la Direction générale de l’aviation civile afin d’assurer une continuité avec les moyens civils pour l’exploitation de l’aérodrome, la mise en œuvre de la tour de contrôle et la surveillance du trafic aérien.

En effet, à cette même échéance, la défense se désengagera de toutes les activités aéroportuaires sur ce site.

L’objectif est clair, le calendrier est établi. Il faut tout mettre en œuvre pour que le départ de l’aéronautique navale de Nîmes-Garons se fasse dans la sérénité d’ici à 2011, en tenant compte des contraintes et en préservant les intérêts de chacun.

Mais je pense, monsieur le sénateur, que vous connaissiez l’essentiel des termes de ma réponse…

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Fournier.

M. Jean-Paul Fournier. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse, qui, pour autant ne me satisfait pas. Qu’adviendra-t-il des 750 emplois concernés ? Je rappelle que, dans le Gard, le taux de chômage atteint 13 %.

Avec mes collègues élus locaux, nous continuerons à faire pression auprès des ministères concernés.

avenir de la société nationale des poudres et des explosifs de bergerac

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, auteur de la question n° 403, adressée à M. le ministre de la défense.

M. Bernard Cazeau. Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte sur l’avenir de la Société nationale des poudres et des explosifs, la SNPE.

Dans mon département, le chômage a augmenté de 13 % en un an, soit 1 500 chômeurs de plus en 2008.

Comme partout en France, les entreprises privées confrontées à la crise ont tendance à débaucher massivement, et les inquiétudes sont vives s’agissant des entreprises publiques.

Voilà quelques mois, on nous annonçait la suppression prochaine de 120 emplois de l’armée de terre dans le cadre de la réduction des implantations militaires ; il s'agit de l’Établissement spécialisé du commissariat de l’armée de terre, sis à Bergerac.

Désormais, ce sont la Société nationale des poudres et des explosifs et ses branches, à savoir Bergerac NC, DURLIN France, EURENCO et MANUCO, qui sont au cœur des préoccupations des élus locaux, des syndicalistes et des citoyens de ce département.

En effet, l’article 11 du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 ouvre la voie à la privatisation de cette entreprise d’État. L’exposé des motifs, qui introduit le texte, est on ne peut plus explicite, puisqu’il annonce la possibilité de transfert au secteur privé de la société SNPE, de ses actifs et de sa filiale SME.

Ainsi, après trente-sept ans d’appartenance à la sphère publique, toutes les activités directes ou filialisées de la SNPE pourront être détenues par des capitaux privés.

Cette volonté affichée de privatisation est regrettable et incompréhensible. Comment admettre que la France se dessaisisse de moyens propres à la défense nationale, par exemple la balistique de la dissuasion nucléaire, au profit du secteur privé ?

Pourquoi ouvrir la voie au démembrement d’un grand groupe public industriel français et prendre le risque d’amorcer sa vente « par appartements » ?

Nous ne comprenons pas que, en cette période de crise de l’emploi, l’État prenne le risque de « fabriquer » encore plus de chômeurs.

Monsieur le secrétaire d’État, je demande donc la révision de ce projet. Je souhaite que l’on revienne sur la perspective de privatisation et que l’on définisse un véritable projet industriel public pour le site de Bergerac. Pouvez-vous m’apporter des précisions sur ces sujets ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants. Monsieur le sénateur, l’État est de longue date favorable à une consolidation des activités de la SNPE et de SAFRAN dans le domaine de la propulsion solide.

Cette consolidation a pour objectif d’améliorer l’organisation industrielle de la filière, de maintenir au meilleur niveau des technologies critiques pour la France, notamment la propulsion des missiles balistiques de la force stratégique de dissuasion, étant observé, d’ailleurs, que les deux groupes collaborent depuis longtemps dans ce domaine.

L’État, qui est également le premier actionnaire de SAFRAN, prendra toutes les dispositions nécessaires pour assurer la maîtrise des activités stratégiques de la SNPE, comme c’est d’ores et déjà le cas pour celles de SAFRAN et pour certaines filiales d’EADS.

Le président-directeur général de la SNPE, qui a été nommé récemment, a pour mission de rechercher dans les meilleurs délais les solutions industrielles les mieux à même de pérenniser et, si possible, de développer différentes activités, non seulement de la branche matériaux énergétiques portée par SME, mais aussi des deux autres branches - chimie fine et chimie de spécialité - du groupe SNPE.

Les réflexions en cours concernent en particulier deux filiales ayant des établissements implantés à Bergerac : d’une part, Bergerac NC, ou BNC, spécialisée dans la fabrication de la nitrocellulose et dans l’exploitation de ses applications, et, d’autre part, EURENCO, spécialisée dans les poudres et explosifs, dont SME est l’actionnaire majoritaire aux côtés du Suédois SAAB et du Finlandais PATRIA.

La situation économique de BNC demeure préoccupante dans un contexte de marché déprimé dont le système de gravité est désormais situé en Asie. Les efforts mis en œuvre par le groupe SNPE depuis plus de dix-huit mois pour restaurer les performances du site de Bergerac et la compétitivité de ses productions n’ont, vous le savez, jusqu’à présent pas donné les résultats escomptés.

La société EURENCO est pour sa part lourdement pénalisée depuis sa création par les pertes récurrentes de sa partie française dont le redressement est l’un des objectifs prioritaires du nouveau président de la SNPE.

En ce qui concerne l’établissement de cette société située à Bergerac, l’activité est désormais essentiellement concentrée sur les objets combustibles. Ces perspectives dépendent largement de la production des charges propulsives pour le canon Caesar, de Nexter Systems, qui entre en service dans l’armée française et fait également l’objet d’importants contrats à l’exportation.

La Direction générale de l’armement apporte un soutien actif au développement et à l’industrialisation de ces produits, qui représentent un marché important pour les prochaines années.

La stratégie du Gouvernement concernant l’évolution du groupe SNPE ne pénalise pas l’avenir d’EURENCO. Elle vise au contraire à mieux positionner cette société comme fournisseur transverse des munitionnaires européens, tout en préservant les intérêts des munitionnaires nationaux et ceux de l’État, notamment au regard des enjeux de sécurité et d’approvisionnement de nos forces armées.

Dans ce contexte, le Gouvernement portera une attention toute particulière aux propositions qui seront faites par le nouveau président de SNPE. Il est à ce stade prématuré de préciser le calendrier et les modalités pratiques de mise en œuvre de ce projet industriel. L’État veillera tout particulièrement à ce qu’il offre les meilleures perspectives à l’ensemble des activités de la SNPE et à ses salariés.

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.

M. Bernard Cazeau. Monsieur le secrétaire d’État, pour suivre avec une grande attention les activités de cette société nationale, je connais très bien les difficultés de BNC et d’EURENCO.

Je constate que l’État se préoccupe de ce dossier puisque vous avez évoqué plusieurs actions, sans d’ailleurs préciser dans quelle direction on allait s’orienter.

Pour autant, monsieur le secrétaire d’État, vous n’avez pas répondu à ma question, qui portait sur la privatisation de l’ensemble de la SNPE, envisagée dans le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2009-2014.

La Cour des comptes, dans le chapitre intitulé « Observation des juridictions financières » de son rapport public annuel, remis au début du mois de février, désavoue publiquement l’État sur le projet de privatisation de la SNPE. Permettez-moi de vous rappeler les termes de ce rapport : « Le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 prévoit, dans son article 11, d’ajouter SNPE à la liste des sociétés privatisables. » Et elle continue plus loin : « Pour les matériaux énergétiques de SNPE - aujourd’hui regroupés dans la filiale SME, dont tous les actifs sont hautement stratégiques -, la question de leur rattachement capitalistique est particulièrement complexe, dans la mesure où la restructuration du secteur peut faire intervenir un groupe français, SAFRAN, un groupe européen, EADS, et l’industrie italienne, Avio. »

C’est sur ce sujet-là que j’interrogeais le ministre de la défense. Faute d’avoir obtenu des indications plus précises, je vais être obligé de poursuivre mon questionnement…

conditions de la fermeture de quatre brigades de gendarmerie en meurthe-et-moselle

M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, auteur de la question n° 406, adressée à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

M. Daniel Reiner. Ma question était adressée à Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, mais j’écouterai avec une grande attention la réponse de M. Jean-Marie Bockel, au nom du Gouvernement.

Le 31 décembre 2008, le département de Meurthe-et-Moselle a été informé de la fermeture administrative de quatre brigades de gendarmerie avec effet au 1er janvier 2009, c’est-à-dire le lendemain. Il s’agit des brigades de Nancy, Pont-à-Mousson, Briey et Saint-Nicolas-de-Port.

Le préfet de Meurthe-et-Moselle, le colonel de gendarmerie, le procureur de la République, avaient, pour leur part, été informés de cette décision du ministère de l’intérieur le 30 décembre 2008, c'est-à-dire la veille.

Selon nos informations, l’arrêté de dissolution de ces quatre unités avait été pris par le directeur général de la gendarmerie nationale, la veille de Noël, soit quelques jours auparavant.

Les élus, en particulier les maires des quatre communes, qui, à leurs dires, n’ont jamais été consultés sur cette question, ont été informés le 31 décembre 2008.

Les personnels les plus directement concernés par cette fermeture, c’est-à-dire les gendarmes et leurs familles, ont alors appris cette décision applicable… le lendemain ! Je signale tout de même que certains gendarmes pourraient être mutés d’office dans des brigades dépourvues de logements vacants.

Or une semaine avant que cette décision soit prise, les 16 et 17 décembre, le Sénat avait examiné le projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie, qui prévoyait le rattachement de la gendarmerie au ministre de l’intérieur. Interrogée sur l’éventualité de la fermeture de brigades de gendarmerie, Mme la ministre nous avait alors assuré qu’il n’y avait aucun plan de fermeture. Et voilà ce qui se passe huit jours plus tard…

Je pense me faire l’interprète de tous mes collègues élus locaux et nationaux des territoires concernés en m’étonnant de l’absence totale de concertation dans cette affaire. Mise devant le fait accompli, la préfecture a rapidement organisé, dans les jours qui ont suivi, trois réunions d’information, si je puis dire, mais personne en fait ne disposait d’informations précises.

Je m’interroge sur les raisons qui justifient qu’une décision aussi importante pour un département ait été prise de manière aussi brutale. Je souhaite savoir si la Meurthe-et-Moselle est le seul département à avoir été touché pas ces mesures et, dans l’affirmative, pour quelles raisons.

Par ailleurs, je me demande pourquoi la réorganisation des brigades de gendarmerie a été faite en dehors de toute concertation. Cela conduit les responsables locaux à s’interroger sur le rattachement de telle commune à telle brigade plutôt qu’à telle autre. Sur le terrain, certaines décisions paraissent déraisonnables.

Je souhaite obtenir des informations claires sur la réaffectation des gendarmes, très perturbés par cette affaire, et sur les mesures que le ministère de l’intérieur met en place pour que cette décision soit appliquée dans des conditions matérielles raisonnables, songeant en particulier aux gendarmes qui pourraient être mutés d’office dans des brigades où il n’y a plus de logements.

En d’autres termes, je vous interroge, monsieur le secrétaire d’État, à la fois sur le fond et sur la forme de cette décision.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants. Monsieur le sénateur, je vais vous communiquer la réponse de Mme la ministre de l’intérieur, au nom du Gouvernement.

Contrairement à ce que vous venez de déclarer, les ajustements du dispositif territorial de la gendarmerie que vous évoquez ont donné lieu à une concertation préalable.

Dès le deuxième trimestre 2008, les maires des communes concernées et le président du conseil général de Meurthe-et-Moselle ont été informés de ces projets de réorganisation par le commandant du groupement de gendarmerie départementale, qui les a personnellement rencontrés.

Également consultées sur ces mêmes projets, les autorités administratives et judiciaires du département ont émis, dès l’été 2008, un avis favorable.

Ces ajustements répondent à une nécessité. Les brigades de Briey, Pont-à-Mousson, Nancy et Saint-Nicolas-de-Port sont en effet situées en zone de police nationale, dans lesquelles elles n’exercent aucune mission de sécurité publique. Il s’agit donc de redéployer les effectifs de ces unités dans la zone de compétence de la gendarmerie nationale.

Ce redéploiement ne portera pas atteinte à la sécurité de la population des villes concernées, qui est assurée par la police nationale. En revanche, les habitants des communes périurbaines et rurales alentours bénéficieront, eux, d’une présence accrue de la gendarmerie.

Si la décision a été prise à compter du 1er janvier 2009, il n’a jamais été question de muter les gendarmes du jour au lendemain.

La mise en œuvre de cette mesure sera progressive, afin de permettre une gestion individualisée des personnels et de définir, en concertation avec les collectivités locales, les conditions de réutilisation des locaux.

C’est dans cet esprit que le préfet de Meurthe-et-Moselle a récemment réuni les élus, à la demande de Mme la ministre de l’intérieur, vous l’avez rappelé, afin d’examiner avec eux les conséquences et les modalités de cette réorganisation.

Nous avons le devoir d’assurer la protection de la population en répartissant au mieux sur le terrain les forces de sécurité. De tels ajustements sont toujours menés après concertation avec les élus, mais on peut comprendre qu’ils ne suscitent pas l’adhésion de tous.

La présente décision est conforme à l’intérêt général et à celui du département, qui n’est pas le seul à être concerné par ces évolutions.

Mon département a connu lui aussi de ces ajustements entre zones de police et zones de gendarmerie, qui sont par ailleurs fréquents et n’ont pas de conséquences négatives pour la population.

M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.

M. Daniel Reiner. Monsieur le secrétaire d’État, les élus régionaux, départementaux et locaux apprécieront sans doute beaucoup la réponse du Gouvernement dont je vais me faire l’écho auprès d’eux…

Vous avez affirmé qu’il y avait eu une concertation préalable, ce qu’ils contestent formellement, y compris les maires des communes concernées.

Monsieur le secrétaire d’État, la question se pose moins sur le fond que sur la forme. Tout le monde sait maintenant que la répartition entre les zones de gendarmerie et de police exige certains changements, mais informer des responsables locaux de la fermeture administrative d’une brigade de gendarmerie la veille pour le lendemain est la marque d’une gestion brutale qui n’ajoute pas à l’autorité que doit naturellement avoir un Gouvernement.

problèmes des droits de douane américains sur les produits agricoles français

M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier, auteur de la question n° 417, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.

M. Alain Fauconnier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’ancienne administration américaine avait décidé de surtaxer un certain nombre de produits français peu avant l’élection du nouveau président des États-Unis.

Cette décision se veut une mesure de rétorsion face au refus exprimé par l’Union européenne d’importer certains produits américains, parmi lesquels le poulet chloré et le veau aux hormones.

La liste définitive de ces produits ne sera publiée qu’à la fin du mois de mars. Nous savons d’ores et déjà que, sauf contrordre, y figure en bonne place le roquefort, produit de qualité emblématique de l’agriculture française et du département de l’Aveyron.

Le roquefort devrait désormais être taxé outre-Atlantique à 300 % ! Il sera alors à un coût si prohibitif que le consommateur nord-américain sera découragé d’en acheter.

Il est inutile de préciser combien cette mesure, si elle devait être appliquée, pénaliserait non seulement un bassin de production ne vivant pratiquement que du roquefort, mais encore un département dont l’économie repose essentiellement sur l’élevage et l’agroalimentaire.

Le roquefort constitue un produit phare puisqu’il fut, voilà plusieurs décennies, le premier fromage français au lait cru importé par les États-Unis.

Bien sûr, l’annonce de cette nouvelle a provoqué de vives réactions. Certains élus de la région Midi-Pyrénées, avec à leur tête Martin Malvy, président du conseil régional, ont été reçus, le 21 janvier dernier, à l’ambassade des États-Unis, à Paris, avec des représentants socioprofessionnels de la filière du roquefort.

Le ministre conseiller de l’ambassade, chargé des affaires économiques, M. Winnick, a, d’une manière au demeurant très courtoise, écouté avec attention les protestations émises par cette délégation.

Il nous a assuré qu’il les transmettrait à la nouvelle administration américaine, alors en constitution, sans naturellement s’engager davantage. Il ne nous a pas dissimulé que le roquefort avait été sciemment choisi, j’ajouterai de manière emblématique, pour faire plier la France et l’Europe.

Cette « prise d’otage » avait pour objectif, par ce coût prohibitif, de nous contraindre à nous retirer purement et simplement du marché américain. Il convient de savoir, en effet, que, pour se maintenir sur ce marché, où le roquefort est déjà taxé à 100 %, il en coûte 1,2 million d’euros par an aux producteurs laitiers, et autant aux entreprises agroalimentaires. Qu’en sera-t-il donc avec une taxation à 300 % ?

À ce jour, ce combat ne peut qu’être relayé au plus haut niveau de l’État, c’est-à-dire par vous-même, monsieur le ministre, et sans doute, via notre ambassade à Washington, par votre collègue ministre des affaires étrangères. Celui-ci, du reste, s’est engagé récemment, sur les radios, à combattre le protectionnisme américain, à l’heure où s’établissent les premiers échanges avec la nouvelle administration, en particulier avec la nouvelle Secretary of State chargée des affaires étrangères, Mme Clinton.

J’ai naturellement conscience, monsieur le ministre, de l’extrême difficulté que représente la tentative de fléchissement d’une administration américaine aussi pragmatique que rigide dans ses décisions, notre histoire commune l’a si souvent montré !

Je conserve l’espoir de voir ce conflit réglé, tout à la fois dans l’intérêt de la vieille amitié unissant la France et les États-Unis et dans celui des départements du « rayon » du roquefort, l’Aveyron, le Tarn, l’Hérault, l’Aude, le Gard et la Lozère.

Mes deux questions sont les suivantes.

Quelles sont les initiatives que le gouvernement français entend mettre en œuvre pour dissuader l’administration américaine de surtaxer à 300 % le roquefort ?

Si, par malheur, le roquefort demeurait taxé à 300 %, quelles mesures de soutien à la filière le Gouvernement entend-il prendre pour permettre à ce produit de se maintenir, malgré tout, sur le marché américain ?

Monsieur le ministre, je vous remercie par avance de votre réponse à laquelle, soyez-en certain, tout un territoire est attentif.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, bien plus que de protectionnisme, il s’agit d’une mesure de rétorsion, assez médiocre au demeurant et, en tous les cas, totalement injustifiée, face à l’interdiction européenne du bœuf aux hormones produit aux États-Unis. C’est de cela qu’il s’agit.

Les sanctions mises en place par les États-Unis visent, au-delà du seul roquefort, vous l’avez très bien dit, des productions emblématiques : des viandes, des fruits et légumes, des champignons, des céréales, du chocolat, des châtaignes, des jus de fruits, des eaux minérales et des graisses. Les États-Unis ont ciblé des productions phare de tous les pays européens.

Monsieur Fauconnier, je me suis rendu à Washington le lundi 9 février pour rencontrer le nouveau ministre américain et le négociateur, M. Peter Allgeier, US Trade Representative par intérim. Nous ne fermons pas la porte à un dialogue à l’amiable avec la nouvelle administration Obama pour résoudre le problème, mais nous ne transigerons pas sur notre modèle européen de qualité et de sécurité sanitaire.

Notre législation, qui interdit d’importer du bœuf aux hormones, est fondée scientifiquement sur des analyses démontrant l’existence d’un risque. Nous appliquons donc un principe que je connais assez bien, puisque j’ai été le premier, ici même, en tant que ministre de l’environnement, à l’introduire dans la loi française en février 1995 : je veux parler du principe de précaution.

L’Europe a lancé, dès le 22 décembre 2008, un nouveau recours à l’OMC, pour faire reconnaître que sa législation sur le bœuf aux hormones est légitime, et la Commission européenne pourrait aussi attaquer directement ces nouvelles sanctions à l’OMC.

En toute hypothèse, nous avons la volonté de soutenir les producteurs de roquefort concernés par ces problèmes d’exportation.

Voilà pourquoi nous avons pris des mesures visant à promouvoir les produits touchés par les sanctions sur le marché américain, par exemple des tarifs préférentiels pour leur participation à des salons ou de la promotion dans les réseaux de distribution.

Je peux également citer, plus concrètement, un accord que j’ai conclu au mois de décembre dernier avec le ministre australien compétent pour rouvrir le marché à l’exportation de roquefort. La levée de barrières sanitaires permet de dégager un nouveau marché important dans cette région lointaine en compensation, au moins partielle, du marché américain actuellement fermé.

Monsieur Fauconnier, je rappelle que, dans le cadre du bilan de santé de la politique agricole commune, vous n’aurez pas à attendre longtemps pour connaître les décisions du Gouvernement en vue de la réorientation d’un certain nombre d’aides. Nous allons faire un effort particulier en faveur du secteur ovin, qui prendra la forme d’un soutien à l’herbe auquel les éleveurs ovins seront éligibles avec d’autres, ainsi que d’une mesure spécifique dans le cadre de l’article 68.

J’ai été sensible, vous pouvez en être certain, au témoignage que vous avez apporté au nom de toutes les régions de ce territoire. Je vous assure de la solidarité des plus hautes autorités de l’État, et naturellement, du ministre de l’agriculture et de la pêche.

M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier.

M. Alain Fauconnier. Sur les 10 000 tonnes de fromages AOC qui sont importées, le roquefort compte pour 3 800 tonnes. Nous voyons bien, compte tenu de notre actuelle balance des paiements, combien ces opérations sont importantes et à quel point il est essentiel de se mobiliser. Monsieur le ministre, je compte sur votre action et, par avance, je vous remercie.

modification du code de la propriété intellectuelle et protection des obtentions végétales

M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent, auteur de la question n° 412, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

M. Daniel Laurent. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur le retard pris par la France pour introduire dans le code de la propriété intellectuelle les dispositions de la convention de l’Union pour la protection des obtentions végétales, signée en 1991.

La loi n° 2006-245 du 2 mars 2006 autorisant la ratification de la révision de la convention internationale pour la protection des obtentions végétales répondait à un triple objectif : donner un cadre juridique à l’utilisation de semences de ferme, afin de résoudre les problèmes de contrefaçon ; consolider les dispositifs mis en place dans les domaines de la production et de la commercialisation des semences et des plants ; enfin, modifier le code de la propriété intellectuelle.

Quant au projet de loi relatif aux obtentions végétales et modifiant le code de la propriété intellectuelle et le code rural, examiné par le Sénat le 2 février 2006, il n’a jamais été inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

Or il convient de saluer l’excellent travail de notre collègue Jean Bizet, rapporteur du texte, qui avait permis un large consensus sur ces textes.

Ce projet de loi est aujourd’hui considéré comme caduc.

Monsieur le ministre, je rappellerai brièvement que ce texte conforte nos entreprises publiques et privées de sélection conventionnelle, qui ont fait de notre pays le deuxième semencier mondial, avec un excédent commercial de 477 millions d’euros l’an dernier.

Ce projet de loi empêche les créateurs d’inventions biotechnologiques, essentiellement étrangers, de s’approprier l’ensemble d’une variété par la simple introduction de leur invention.

Enfin, il permet d’autoriser la pratique des semences de ferme aujourd’hui interdite en France, à l’exception du blé, où il existe un accord volontaire.

Le blocage de ce texte crée un climat de méfiance entre une partie du monde agricole et les semenciers. Il affaiblit la voix de la France dans le monde, à l’heure où le Grenelle de l’environnement nous rappelle que nous avons besoin d’une sélection forte et d’un système de protection de la propriété intellectuelle différent du brevet.

Monsieur le ministre, dans quels délais entendez-vous mettre en œuvre les dispositions nécessaires à la modification du code de la propriété intellectuelle, pour que le droit des obtentions végétales français soit enfin adapté à la convention de l’Union pour la protection des obtentions végétales ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche. Très sincèrement, monsieur Laurent, je ne suis pas en mesure, au moment où je vous réponds, de vous donner avec certitude une date pour l’inscription de ce texte, compte tenu d’un calendrier parlementaire dont vous savez, les uns et les autres, combien il est chargé.

Vous appelez mon attention sur le projet de loi relatif aux obtentions végétales et modifiant le code la propriété intellectuelle et le code rural, adopté le 2 février 2006. Je n’oublie pas, moi non plus, le travail important réalisé par votre collègue Jean Bizet.

Ce projet de loi est le dernier texte d’un dispositif global : outre donc la loi du 1er mars 2006 relative aux obtentions végétales, qui a pour effet d’offrir sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne des durées uniformes de protection des obtentions végétales, mettant le droit national des obtentions végétales en conformité avec le droit communautaire et le droit international, il faut citer la loi du 2 mars 2006 autorisant la ratification de la révision de la convention internationale pour la protection des obtentions végétales, dite « Convention UPOV 1991 », convention rédigée en très grande partie sur l’initiative de notre pays.

Ce projet de loi a fait l’objet d’un vote en première lecture par le Sénat en 2006. Ce texte, en attente depuis lors sur le bureau de l’Assemblée nationale, autorise en droit national, et sous certaines conditions, l’utilisation des semences de ferme par les agriculteurs. Il permettra de mettre en œuvre « l’exemption de l’agriculteur », telle qu’elle est définie dans la Convention « UPOV 1991 » et permettra ainsi la discussion pour des accords interprofessionnels sur la base de celui qui existe depuis 2001 dans le cas du blé tendre.

Monsieur le sénateur, le Gouvernement s’est engagé à plusieurs reprises à veiller à ce que ce projet de loi soit rapidement inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, en particulier lors des débats sur le projet de loi « OGM », en 2008, mais le calendrier parlementaire n’a pour l’instant pas permis d’en relancer l’examen. J’ai alerté par courrier, le 7 janvier 2009, mon collègue Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, pour demander une inscription de ce projet de loi à l’ordre du jour parlementaire dans les plus brefs délais. Je lui rappellerai dans les jours qui viennent cette exigence, que j’estime légitime.

M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent.

M. Daniel Laurent. Monsieur le ministre, je vous remercie de porter une grande attention à cette question et de ne pas ménager vos efforts pour que ce projet de loi aboutisse.

répartition des crédits supplémentaires votés par le sénat destinés à l'enseignement agricole

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, auteur de la question n° 413, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Mme Françoise Férat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a près de deux mois, le Sénat, sur l’initiative de sa commission des affaires culturelles, adoptait un amendement revalorisant de 51 millions d’euros les crédits de l’enseignement agricole.

Une vraie remise à niveau était en effet devenue nécessaire : les restrictions budgétaires imposées à l’enseignement agricole ne menaçaient certes pas encore son existence, mais affaiblissaient année après année ce qui fait sa singularité et sa valeur.

Les suppressions de postes comme les baisses programmées des dotations globales horaires et l’absence de revalorisation des subventions mettaient en effet en péril la culture d’accompagnement individualisé et d’innovation pédagogique qui fait la force de l’enseignement agricole.

Il fallait donc agir, et vite. Le Sénat avait proposé 51 millions d’euros de revalorisation. À l’issue de discussions longues, et parfois délicates, le Gouvernement proposa une augmentation de 38 millions d’euros, limitée à des crédits hors titre 2.

L’enseignement agricole allait donc pouvoir retrouver un peu d’air.

Mais à peine la loi de finances promulguée, voici que j’apprends, comme nombre de mes collègues, que les 38 millions d’euros que nous avions votés pour l’enseignement agricole dans son ensemble, public comme privé, pourraient être attribués aux seuls établissements privés.

Je souhaite donc savoir, monsieur le ministre, quelle sera la répartition des 38 millions d’euros supplémentaires que nous avons votés. J’aimerais en particulier savoir quelle est la part de cette somme qui ira aux établissements publics : faute d’emplois, faute de crédits supplémentaires sur le titre 2, ces établissements doivent tout de même bénéficier de ces fonds supplémentaires, car eux aussi sont confrontés à des difficultés budgétaires indiscutables et voient leur singularité pédagogique menacée.

Pouvez-vous donc, monsieur le ministre, nous préciser quelles actions bénéficieront de ces crédits supplémentaires dans les établissements publics ? Je vous en remercie.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture et de la pêche. Madame la sénatrice, je tiens tout d’abord à saluer votre engagement constant, tenace, en faveur de l’enseignement agricole. J’y suis moi aussi très attaché, et pour des raisons qui ne se limitent pas à ma qualité de ministre de l’agriculture et de la pêche : c’est depuis très longtemps une grande fierté que de constater le succès de cet enseignement, dispensé dans 950 établissements, allant des maisons familiales rurales aux collèges et lycées et jusqu’à l’enseignement supérieur, lequel compte de très grandes institutions de réputation européenne et internationale.

Vous le savez, madame la sénatrice, l’enseignement agricole est un système spécifique et, je le répète, d’une très grande qualité, implanté sur l’ensemble de nos territoires ruraux.

J’évoquais sa réussite : on la constate à ses résultats en termes de diplômes, d’insertion sociale et professionnelle ; elle est reconnue, et souvent citée en exemple de ce qu’il faudrait faire pour que les jeunes réussissent mieux, y compris dans d’autres domaines.

Au cours de la discussion du projet de loi de finances pour 2009, le Parlement a décidé, sur votre initiative et avec l’appui de nombre de vos collègues, d’abonder de 38 millions d’euros le programme 143 « Enseignement technique agricole ». Ces crédits supplémentaires ont été alloués dans le respect de la part relative des différentes composantes de l’enseignement agricole. Il m’est donc facile, madame Férat, de vous en indiquer en toute transparence la liste et la répartition précise.

L’enseignement public a bénéficié de 8,2 millions d’euros, redistribués comme suit.

Les centres de formation professionnelle et de promotion agricoles, les CFPPA, et les centres de formation d’apprentis, les CFA, ont reçu 2,9 millions d’euros destinés à financer la part employeur des frais de pension des emplois gagés des CFA et des CFPPA, afin d’aider ces derniers à accomplir une nécessaire démarche d’adaptation.

Les assistants d’éducation se sont vu attribuer 2 millions d’euros : grâce à ces subventions, les établissements pourront embaucher des agents contractuels qui assurent les missions de surveillance, principalement dans les temps hors scolaires, en particulier les internats et les études.

La formation continue des personnels et le soutien à l’innovation seront dotés de 2,2 millions d’euros. Ces crédits doivent principalement accompagner la mise en place du baccalauréat professionnel en trois ans grâce à la rénovation, au travers de la formation des équipes, de la voie professionnelle.

Une dotation de 1,1 million d’euros permettra de rembourser la Mutualité sociale agricole pour les accidents du travail des élèves et étudiants de l’enseignement public.

Pour le reste, les établissements du rythme approprié, avec 12,6 millions d’euros, pourront réduire de moitié le report de charges.

Les établissements du temps plein se verront attribuer 11,6 millions d’euros, consacrés en partie à la revalorisation de leur subvention, conformément aux dispositions du code rural, et en partie au report de charges.

Une subvention de 600 000 euros sera versée aux trois organismes de formation continue des trois fédérations de l’enseignement privé, afin, là aussi, d’accompagner la mise en place de la rénovation de la voie professionnelle à la prochaine rentrée scolaire.

Enfin, les bourses sur critères sociaux, qui concernent aussi bien les élèves de l’enseignement public que ceux de l’enseignement privé, bénéficieront de 5 millions d’euros, ce qui permettra de répondre à l’ensemble des demandes.

Telles sont, madame la sénatrice, les précisions que je pouvais, en toute transparence, vous apporter sur la répartition des crédits supplémentaires que nous devons au vote du Parlement, en particulier à votre propre ténacité.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat.

Mme Françoise Férat. Je vous remercie, monsieur le ministre, de toutes ces précisions, qui étaient absolument nécessaires. Bien évidemment, je me réjouis de constater que l’enseignement agricole public bénéficiera de ce ballon d’oxygène au même titre que son homologue privé.

Aujourd’hui, je voudrais, monsieur le ministre, formuler un vœu que, j’en suis sûre, partage l’ensemble de mes collègues. Je souhaite que, à l’issue des discussions budgétaires pour 2010, nous puissions tout particulièrement attirer l’attention sur la situation des établissements publics. Ceux-ci n’ont pas forcément besoin d’un effort budgétaire d’importance, mais ils pourraient difficilement supporter des suppressions de postes supplémentaires.

Pour avoir pu travailler auprès de vous, je connais, monsieur le ministre, la sincérité de votre attachement à l’enseignement agricole, et je ne doute pas de votre volonté de défendre cette cause auprès du ministère du budget. Je vous confirme que le Sénat, dans son ensemble, est prêt à vous y aider.

délimitation de l’aire géographique des aoc « champagne »

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, auteur de la question no 384, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche.

M. Yves Daudigny. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une procédure de révision des aires géographiques des appellations d’origine contrôlées « Champagne » et « Coteaux champenois » est engagée par l’Institut national de l’origine et de la qualité, l’INAO.

Dans l’Aisne, le champagne est la troisième production végétale, avec 635 exploitations viticoles réparties dans trente-neuf communes pour un chiffre d’affaires de près de 250 millions d’euros.

En 2007, un premier rapport d’experts a été remis à l’INAO ; il a été adopté par le comité national le 13 mars 2008. Il y est proposé d’intégrer 40 nouvelles communes dans la zone de production, dont une seule commune de l’Aisne. Ainsi, 35 communes axonaises se trouveront définitivement exclues de l’aire géographique, alors qu’elles ont été déclarées dès 1908 comme appartenant à la Champagne viticole.

C’est que la délimitation proposée suit parfaitement la limite administrative entre les départements de l’Aisne et de la Marne, alors que les rapports de la chambre d’agriculture de l’Aisne soulignent la présence d’un sous-sol, d’un sol et d’un climat présentant les mêmes caractéristiques.

Dans le cadre de la procédure nationale d’opposition, la chambre d’agriculture et de nombreuses communes ont émis une opposition motivée. Pour sa part, le conseil général a adopté en juin 2008, à l’unanimité, une délibération s’opposant au projet de délimitation et demandant un réexamen objectif, équitable et non discriminant de la situation des communes des cantons de Braine, Vailly-sur-Aisne et Condé-en-Brie. Celles-ci peuvent en effet légitimement prétendre à ce nouveau classement puisqu’elles appartiennent à l’aire délimitée en 1908, puis en 1927, et s’inscrivent bien dans la Champagne historique et viticole. Le sort des communes des cantons de Château-Thierry et de Charly-sur-Marne, qui peuvent, elles aussi, prétendre être en zone de production, doit également être revu.

Les procédures définies pour la révision d’une aire AOC garantissent l’indépendance de l’INAO. Cependant, aujourd’hui, ces procédures restent opaques. Dans la réponse à une question du sénateur Paul Girod, le ministre Gilles de Robien indiquait en décembre 2006 :

« La commission d’experts présentera au comité national de l’INAO le projet d’aire géographique […]. Ensuite, le projet de la nouvelle aire, qui aura été approuvé par l’INAO, sera soumis à enquête […]. Les experts examineront [les éventuelles réclamations] et proposeront pour approbation l’aire géographique définitive au comité national de l’INAO qui, en application des dispositions législatives et réglementaires, demandera son homologation par décret. »

Or, lors des dernières auditions par l’INAO, il a été indiqué aux représentants de l’Aisne que le décret soumis à votre signature, monsieur le ministre, n’interviendra qu’après l’enquête parcellaire qui fixera la zone de production, soit en 2015.

Le champagne est un produit de l’excellence française. Les producteurs de l’Aisne y contribuent pour 10 %. Ma demande est donc précise, monsieur le ministre : pouvez-vous garantir à l’Aisne et aux producteurs axonais une procédure claire, fondée sur des critères objectifs, qui assurera un traitement équitable et non discriminatoire de notre territoire ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre de l’agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, vous me donnez l’occasion de rappeler clairement et objectivement la procédure rigoureuse qui est suivie en cette matière si sensible.

La procédure de révision de la délimitation de l’AOC « Champagne » a été engagée en 2003, vous l’avez rappelé, à la demande du syndicat des vignerons de Champagne. Elle est gérée par l’Institut national de l’origine et de la qualité et obéit à des règles qui garantissent la qualité des travaux, l’écoute et, je me permets d’insister, l’indépendance.

Dans une première étape, le comité national des vins de l’INAO a désigné des experts et des consultants indépendants réunissant des compétences très variées. Leurs travaux ont conduit à la définition de critères de délimitation qui ont permis d’établir un projet d’aire géographique, validé par le comité national en mars 2008.

Pour l’Aisne, 93 communes ont été retenues dans l’aire d’élaboration, dont 42 nouvelles communes, et 39 communes dans l’aire de production du raisin, dont une nouvelle commune. Comme vous le constatez, ce projet d’aire géographique de l’AOC « Champagne » ne se contente nullement de suivre la limite administrative entre l’Aisne et la Marne.

Le projet de délimitation a été soumis à des procédures de consultation publique permettant à toute personne concernée de faire valoir ses réclamations ou oppositions. De nombreuses oppositions – plus de mille – ont été enregistrées.

En janvier dernier, les experts de l’INAO ont rencontré les réclamants qui en avaient formulé la demande afin qu’ils puissent développer leur argumentation. La chambre d’agriculture de l’Aisne, à laquelle la délibération du conseil général de l’Aisne apportait son soutien, a ainsi été entendue.

Les arguments développés à l’occasion de ces échanges éclaireront la préparation du rapport définitif des experts, qui sera présenté au comité de l’INAO au second semestre de cette année.

Il convient de souligner que chaque étape de la procédure, qui s’appuie sur les rapports de consultants et d’experts indépendants, est appliquée par les services de l’INAO, constitués d’agents de l’État, puis soumise à l’approbation du comité national des vins, dont la gouvernance, régie par la loi, est par nature indépendante.

La rigueur des procédures et l’expertise mise en œuvre sont, me semble-t-il, le gage du bon déroulement de ces travaux, dont l’objectif, je le rappelle, est la garantie d’un niveau qualitatif élevé de ce fleuron de notre viticulture.

Telles sont, monsieur le sénateur, les précisions que je pouvais vous apporter, en réponse à votre question, au sujet de la procédure suivie, du calendrier, et donc de la prochaine étape importante : le dépôt, au second semestre de 2009, du rapport définitif des experts, qui sera présenté au comité de l’INAO.

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces précisions, qui soulignent l’importance de la notion d’indépendance.

Je voudrais revenir, en cet instant, sur une autre notion, celle de « Champagne historique ». Complètement absente du décret de 1908 ainsi que des textes législatifs postérieurs, elle est apparue récemment, tout particulièrement en 2008. Comme le constatent eux-mêmes les auteurs du rapport, elle n’est pas univoque puisque se sont succédé au cours de l’histoire des entités territoriales différentes difficilement réductibles à des listes précises de communes.

Il est d’ailleurs très surprenant que, dans le rapport mis à l’enquête, la circonscription de référence principalement retenue par les experts soit le gouvernement militaire, alors que celui-ci a été progressivement vidé de son importance pour n’être plus qu’un poste honorifique à partir du xviie siècle, c’est-à-dire au moment où, justement, les historiens font naître le vin de champagne tel que nous le connaissons aujourd’hui.

Monsieur le ministre – et mon collègue Antoine Lefèvre, ici présent, pourrait appuyer cette démarche –, l’Aisne ne demande aucune faveur ni aucun traitement privilégié. Nous demandons seulement une expertise objective qui ne tire pas prétexte d’une démonstration historique, si brillante soit-elle, pour écarter les bases du décret du 17 décembre 1908, qui, je le rappelle, a marqué la première délimitation de la Champagne viticole et demeure le texte fondateur de l’appellation « champagne ».

prise en charge en france des réfugiés et demandeurs d’asile victimes de la torture dans leur pays d’origine

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, auteur de la question no 424, transmise à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le ministre, je souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur les menaces qui pèsent sur les centres de soins pour les victimes de torture depuis que la Commission européenne a annoncé le retrait progressif, à partir de 2010, de son soutien financier.

Vous le savez, les personnes concernées sont des demandeurs d’asile ou des réfugiés originaires de pays d’Afrique, d’Asie ou d’Europe de l’Est.

Selon des estimations concordantes, 20 % des demandeurs d’asile et des réfugiés présents sur le territoire de l’Union européenne souffrent de graves traumatismes liés à la torture, aux mauvais traitements, à la guerre et à la violence subis dans leur pays d’origine.

Alors que plusieurs textes européens reconnaissent la nécessité d’une prise en charge spécifique et inconditionnelle des victimes de la torture, qui sont particulièrement vulnérables, lourdement traumatisées et en grande détresse psychologique, très peu de gouvernements nationaux assument pleinement leurs responsabilités en la matière. Les centres de soins dépendent donc fortement des financements de l’Union européenne et du fonds de contributions volontaires des Nations unies pour les victimes de torture.

Si l’Union européenne soutenait jusqu’à présent la prise en charge des victimes de torture indépendamment de leur situation géographique, via le financement de centres de soins, elle a estimé, dans son document de stratégie 2007-2010, que les États membres devaient dorénavant s’engager financièrement et prendre le relais de l’Europe en la matière. Les résultats de cette annonce ne se sont pas fait attendre : en 2008, une vingtaine de centres, en Europe, se sont vu refuser par la Commission des subventions pourtant nécessaires au maintien ou à l’extension de leurs activités, ce qui met en question la poursuite des soins qu’ils dispensent aux victimes de torture et les conduit à réduire drastiquement leurs activités.

Onze de ces centres se trouvent donc dans une situation financière désormais très critique : il s’agit de ceux qui sont situés en Albanie, en Bosnie, en Bulgarie, en Irlande, au Kosovo, en Macédoine, en Moldavie, en Roumanie, en Belgique, en Allemagne et en Italie. Le centre d’Athènes, quant à lui – l’un des plus anciens en Europe et le plus sollicité en raison de sa situation géographique –, a fermé à la fin de l’année 2008.

L’offre de soins aux victimes de torture, qui était déjà en deçà des besoins, est donc aujourd’hui réellement menacée dans plusieurs pays européens.

Les centres de soins situés en France connaissent eux aussi de grandes difficultés ; celles-ci ne manqueront pas de s’aggraver en 2010, lorsque prendront fin les financements européens. On sait pourtant que, sans compensation financière nationale, chaque fermeture de centre a pour conséquence l’abandon de l’aide apportée à des centaines de personnes.

Parce que la décision de l’Union européenne de supprimer à compter de 2010 son soutien financier ne doit pas porter préjudice aux victimes de la torture, je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir me préciser les mesures concrètes que vous envisagez afin de prendre dans les meilleures conditions le relais de l’Europe et de garantir ainsi non seulement le financement durable des centres de soins pour les victimes de torture situés en France, mais aussi l’augmentation de leur capacité d’accueil, actuellement encore trop faible par rapport aux besoins.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Besson, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire. Je vous prie tout d’abord, madame la sénatrice, de bien vouloir excuser l’absence de Bernard Kouchner, qui m’a demandé de vous répondre en son nom. Il vous remercie d’avoir soulevé cette question importante concernant les centres de soins pour les victimes de la torture, qui sont, dans leur grande majorité, demandeurs d’asile et réfugiés.

Les dispositifs de « soins gratuits » sont en effet essentiels pour ces personnes en perte de repère après un exil souvent difficile. Ils permettent aussi de pallier les périodes d’exclusion de droits pour les personnes démunies. Ces centres sont gérés par des organisations non gouvernementales, qui effectuent un travail remarquable, mais dont les moyens, notamment en personnel qualifié, manquent.

La France est très sensible à la question de la prise en charge, sur son territoire, des personnes victimes de la torture, car elle mène une action résolue contre la torture sur la scène internationale.

Notre pays apporte son soutien aux organismes internationaux de prévention de la torture, tels que le Comité contre la torture ou le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants du Conseil de l’Europe. Nous soutenons également l’action du rapporteur spécial du Conseil des droits de l’homme des Nations unies sur la torture, dont le mandat a été renouvelé pour trois ans, avec notre coparrainage, lors de la 7ème session du Conseil des droits de l’homme, en mars 2008.

De plus, la France contribue chaque année, à hauteur de 200 000 euros, au financement du Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture, qui permet à des organisations non gouvernementales d’apporter une assistance humanitaire, psychologique, médicale, sociale, juridique et économique aux victimes de la torture ainsi qu’aux membres de leurs familles.

Les personnes soumises à la torture et, plus généralement, les personnes persécutées trouvent en la France une terre d’asile, ce qui en fait le deuxième pays d’asile au monde. À cet égard, nous avons le devoir d’accueillir dignement en France les victimes de la torture.

Conformément à la directive européenne « Accueil » de janvier 2003, relative aux normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres, nous nous engageons à faire en sorte que « les personnes ayant subi des tortures, des viols ou d’autres violences graves, reçoivent le traitement que nécessitent les dommages causés par les actes en question ».

Même si les centres de soins ne sont pas gérés par l’État, ils participent de cet accueil digne des personnes victimes de la torture. L’État n’est cependant pas inactif : nous apportons en effet des subventions aux associations qui gèrent les centres de soins, telles que le Comité médical pour les exilés, le COMEDE, et l’association Primo Levi, qui sont par ailleurs financées sur fonds européens au titre du Fonds européen pour les réfugiés.

La France ne manque pas de préconiser, auprès de la Commission, le maintien de l’aide apportée aux centres de soins pour les victimes de la torture, et continuera de le faire.

Madame la sénatrice, l’action de l’État en faveur des centres de soins pour les victimes de la torture sera poursuivie. Nous resterons mobilisés sur cette question très importante.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse. Vous avez rappelé, avec une certaine solennité, que tous les dispositifs existants étaient essentiels, même si les moyens manquent cruellement, que la France était sensible au problème de la prise en charge des victimes, qu’elle ne baisserait pas les bras et continuerait d’agir en faveur des centres de soins.

Pour notre part, nous nous en tenons aux actes. Nous verrons donc si les propos que vous avez tenus, au nom de M. Bernard Kouchner, se vérifient sur la durée.

cession du pôle logement d'immobilière caisse des dépôts

M. le président. La parole est Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la question n° 409, adressée à Mme la ministre du logement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame la ministre, l’annonce de la cession du pôle logement d’Immobilière Caisse des dépôts, ou ICADE, filiale de la Caisse des dépôts et consignations, et auparavant Société centrale immobilière de la Caisse des dépôts, ou SCIC, suscite un grand émoi chez les personnes concernées et de nombreux élus. Cet émoi est d’autant plus important que l’État est directement responsable de cette cession, ce dernier ayant enjoint à la Caisse des dépôts de trouver les moyens de financer votre fonds d’investissement pour le logement. On prend d’un côté pour donner de l’autre !

À la fin des années quatre-vingt, la SCIC comptait plus de 200 000 logements locatifs, dont l’écrasante majorité en secteur HLM. La SCIC connaît de nombreuses réorganisations, puis se transforme en ICADE en 2003. Le capital de la société est alors ouvert à d’autres actionnaires que la Caisse des dépôts et consignations, qui détient aujourd’hui encore 61 % de son capital. Elle est introduite en bourse en 2006. En vue de préparer cette introduction, ICADE n’a pas hésité à soumettre de nombreux locataires, souvent modestes, à des hausses inadmissibles de loyer, alors qu’ils occupent des logements dont la vocation sociale ne peut être contestée. À compter de 2006, ICADE cède en bloc des logements à des bailleurs sociaux : 500 en 2006, 3 000 en 2007, environ 4 800 en 2008.

Le 12 décembre dernier, la société ICADE annonçait qu’elle pourrait céder l’ensemble de son pôle logement, composé de 34 000 unités, à un ou plusieurs investisseurs, « notamment » sociaux. Sont concernés 500 logements à Paris, situés dans les XIIe et XXe arrondissements, et des milliers de logements en Île-de-France. Cette décision est proprement inadmissible, de même que l’emploi du mot « notamment » !

Les élus, qui sont largement mobilisés dans les départements du Val-de-Marne, des Hauts-de-Seine et à Paris, rappellent que ces logements sont pour la plupart largement amortis et qu’ils ont été réalisés à l’aide de financements adossés à des dispositifs publics garantissant un coût de construction modéré ; ils ne sauraient donc être cédés au prix du marché, comme le laisse entendre la société ICADE.

Je demande instamment, madame la ministre, que l’État s’engage à ce que ce parc locatif conserve sa vocation sociale, à ce que ces logements ne puissent être cédés qu’à un bailleur public, à ce que les conditions qui lient actuellement par contrat les locataires à leurs bailleurs soient maintenues et à ce que les loyers demeurent encadrés.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Madame le sénateur, comme vous le rappelez, ICADE est une société d’investissement immobilier cotée, ou SIIC, détenue à 61 % par la Caisse des dépôts et consignations. ICADE constitue aujourd’hui un actif du fonds souverain qui est un élément de la stratégie de relance économique de la France.

ICADE a été créée en 1954 sous le nom de Société centrale immobilière de la Caisse des dépôts et consignations, SCIC. Tout le parc social a été vendu, en 2006, à la Société nationale immobilière, la SNI.

ICADE dispose aujourd’hui d’un patrimoine immobilier résidentiel intermédiaire qui a été construit par des sociétés civiles immobilières réunissant différents acteurs – la Caisse des dépôts et consignations, des entreprises et des collecteurs du 1 % logement –, sans bénéficier de financements dédiés au logement locatif social.

Dans les années 1975-1980, une partie du parc d’ICADE, parfois dégradé, a été réhabilitée grâce à des financements PALULOS, c’est-à-dire liés à la prime à l’amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale. En contrepartie de ces aides, les logements ont été conventionnés pour une durée de huit à dix ans. Le conventionnement a été reconduit systématiquement, et la dernière fois au milieu des années quatre-vingt-dix.

En 2006, ICADE a décidé de vendre son patrimoine de logements pour adopter une stratégie plus proche de celle des grandes foncières cotées. Des ventes portant sur environ 10 000 logements ont déjà été réalisées au cours des dernières années. Tous les logements ont été acquis par des bailleurs sociaux.

Dans le patrimoine d’ICADE, il reste maintenant un peu plus de 35 000 logements, avec près de 2 000 logements encore conventionnés, 15 000 logements qui sont sortis du conventionnement et près de 20 000 logements qui n’ont jamais été conventionnés.

ICADE a récemment confirmé sa stratégie de vente de l’ensemble de son parc immobilier résidentiel. Société cotée en bourse, elle doit obéir à des règles très strictes sur la communication de sa stratégie.

Dès l’information rendue publique, les différents maires des communes où ICADE dispose de patrimoine ont été contactés. Les associations de locataires sont aussi consultées. Le Comité national consultatif sur les rapports locatifs d’ICADE s’est réuni le 28 janvier 2009.

L’objectif d’ICADE est de vendre l’ensemble du patrimoine à un seul groupe ou à une seule association de bailleurs sociaux et de transférer l’ensemble du personnel dédié à la gestion du parc immobilier, soit environ 500 personnes.

Il reste à définir l’ensemble du montage financier de l’opération, en particulier en ce qui concerne la mobilisation des capacités d’investissement des bailleurs sociaux de la région parisienne, qui sont déjà sollicités prioritairement pour la construction d’une offre nouvelle dans le cadre du plan de relance.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, mais celle-ci ne me rassure pas.

Nous assistons à une privatisation de fait de cette structure et à sa banalisation au fil du temps – le processus n’est en effet pas tout à fait nouveau ! –, avec toutes les conséquences qui en découlent : hausse des loyers, vente du patrimoine à la découpe ou en bloc, dérive spéculative, financiarisation, tout cela contribuant à l’aggravation de la crise du logement.

Je ne suis d’ailleurs pas seule à le dire. Ainsi, on peut lire dans un article de L’Expansion du mois de février, intitulé « Sarkozy fait de la Caisse des dépôts la caisse des débits » : « Nicolas Sarkozy n’hésite pas à mettre le directeur de la Caisse au pied du mur pour obtenir l’argent dont il a besoin pour financer sa politique. Et cela en contradiction avec les missions originelles de la Caisse des dépôts que sont la protection de l’épargne des Français et le financement de missions d’intérêt général comme le logement social ou l’aménagement du territoire ».

Comme de nombreux élus qui se démènent comme ils le peuvent pour tenter de conserver son caractère social à ce parc locatif, je considère que l’ensemble des moyens, propriétés et structures du groupe public Caisse des dépôts et consignations devraient échapper à toute logique de marché et servir exclusivement au soutien des politiques publiques nationale et locale du logement au service des populations, en particulier celles dont les revenus sont les plus modestes.

Les personnes concernées ont bien raison de s’inquiéter. J’espère que leur mobilisation permettra de porter un coup d’arrêt au processus engagé.

mesures prises récemment au niveau national concernant la requalification des copropriétés dégradées

M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, auteur de la question n° 423, adressée à Mme la ministre du logement.

Mme Christiane Demontès. À plusieurs reprises, le candidat Sarkozy, puis le Président de la République, a fait part de sa détermination à faire de la France « un pays de propriétaires ». Si telle est bien votre ambition, madame la ministre, il est alors préalablement impératif de prendre au sérieux les lourds problèmes que connaissent aujourd’hui nombre de copropriétés dans notre pays.

Aujourd’hui, 7 millions de logements font partie d’une copropriété et 20 % d’entre eux sont situés dans des copropriétés fragiles, soit 1,4 million de logements. Tous les acteurs du secteur observent des tendances lourdes et parfois alarmantes : un tassement, voire une contraction du montant des travaux effectués, une dégradation patrimoniale accélérée, et donc une augmentation du nombre de copropriétés dites en difficulté.

Dans un contexte de crise économique et sociale majeure, les aides financières apportées aux opérations de requalification des copropriétés dégradées constituent un élément d’autant plus indispensable à leur réalisation. Or la Caisse des dépôts et consignations vient d’annoncer la fin définitive du préfinancement des aides publiques pour les copropriétaires connaissant des difficultés. Conjointement, les collecteurs du 1 % logement stoppent le prêt Pass-travaux, dispositif qui permettait aux copropriétaires concernés par des projets de réhabilitation de ne pas se retrouver en situation d’impayés ou dans l’obligation incongrue de vendre leur bien immobilier pour financer les travaux. Or ces décisions ont été prises sans concertation. Les collectivités territoriales, pourtant directement concernées en leur qualité de maîtres d’ouvrage, n’ont même pas été consultées !

Si, au niveau national, ces deux dispositifs sont d’un poids budgétaire assez faible, car il n’excède pas 20 millions d’euros par an, en revanche, au niveau local, leur disparition aura très clairement des conséquences désastreuses. Ainsi, certains de nos concitoyens parmi les plus fragiles verront leur patrimoine immobilier se dégrader sans pouvoir faire face aux mesures de restauration découlant de lois récentes, comme celles concernant la sécurité des ascenseurs, ou de directives européennes, par exemple sur l’éradication du plomb dans l’eau, ou aux travaux jugés pourtant nécessaires et urgents.

Aujourd’hui, madame la ministre, le fait d’être propriétaire ne préserve pas de la pauvreté.

Je citerai, à titre d’exemple, deux situations particulièrement préoccupantes dans mon département.

À Saint-Fons, ma commune, un plan de sauvegarde, élaboré et négocié avec le syndic depuis 2004 – c’est que tout cela prend du temps ! -, est désormais en péril. Il concerne 1 300 habitants, dont les trois quarts ont des revenus inférieurs à 60 % des plafonds pour les prêts locatifs aidés d’intégration, ou PLAI. Or d’importantes dépenses en ingénierie ont déjà été engagées et une réelle et légitime attente sociale existe au sein de la population directement concernée.

Dans la commune voisine de Bron, c’est le principe d’égalité qui est remis en cause. Alors que certains copropriétaires ont déjà bénéficié du Pass-travaux, d’autres en seront privés.

Ainsi, madame la ministre, dans ces deux cas, et, plus globalement, dans tout le pays, l’annulation de ces financements risque fort de se solder par l’accentuation d’une spirale de précarisation qui n’est pas acceptable.

Ma question sera donc simple : quelles dispositions le Gouvernement entend-il très rapidement prendre pour que ces cofinancements soient reconduits en 2009, puis pérennisés les années à venir ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Boutin, ministre du logement. Madame le sénateur, vous avez parfaitement raison, la propriété ne protège pas de la pauvreté, j’en veux pour preuve un chiffre que l’on oublie parfois : en France, 56 % des propriétaires occupants vivent en dessous du seuil de pauvreté. Il ne suffit pas en effet d’être propriétaire pour être riche, et je ne sais si je dois me réjouir ou m’attrister de voir que nous avons la même analyse !

Le traitement des copropriétés en difficulté, qui n’est pas une mince affaire, constitue une priorité pour le Gouvernement. À cet effet, plusieurs mesures concourant à l’amélioration des dispositifs existant en la matière ont été prises.

D’un point de vue financier, le dispositif de préfinancement des subventions par la Caisse des dépôts et consignations conduisait à coupler une multitude d’intervenants et introduisait de la complexité. Il a été supprimé.

Il est remplacé par une amélioration des modalités d’intervention de l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH. Cette dernière pourra accorder des avances représentant jusqu’à 40 % de la subvention attribuée au syndicat de copropriétaires. Les propriétaires occupants que la faiblesse de leurs revenus rend éligibles aux aides de l’ANAH bénéficieront aussi d’une avance de 70 % de l’aide sur leurs propres travaux.

Afin d’intensifier l’effort en faveur des copropriétés dégradées, le plan de relance prévoit par ailleurs une enveloppe spécifique de 50 millions d’euros permettant de traiter, en copropriété dégradée, 25 000 logements supplémentaires par rapport aux 17 500 aidés en 2008.

Au total, pour 2009, les moyens financiers de l’ANAH, majorés de 200 millions d’euros de crédits mis en place dans le cadre du plan de relance de l’économie, s’élèvent à 628 millions d’euros.

Par ailleurs, si les collecteurs du 1 % logement ont décidé de supprimer les Pass-travaux, des discussions vont être engagées avec les partenaires sociaux sur le décret d’application de la loi de mobilisation pour le logement pour fixer les emplois du 1 % logement. Dans ce cadre, un dispositif de prêt à taux réduit pourrait être envisagé en vue de compléter le financement des travaux qui bénéficient d’aides de l’ANAH.

Enfin, l’éco-prêt à 0 %, cumulable avec les aides de l’ANAH et, pour les ménages sous plafond de ressources, avec le crédit d’impôt de l’article 200 quater du code général des impôts, permettra aux copropriétaires de réaliser des travaux d’économie d’énergie, gages de moindres charges à venir.

En plus de ces dispositions financières, le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion crée une procédure d’alerte pour traiter le plus en amont possible les difficultés qu’une copropriété fragile est susceptible de rencontrer.

Par ailleurs, sur l’initiative du député Jean-Christophe Lagarde, la procédure d’état de carence destinée aux copropriétés les plus en difficulté a été modifiée pour être plus opérationnelle et permettre aux autorités publiques d’intervenir plus facilement par la voie d’une acquisition publique.

L’ensemble de ces dispositifs financiers et juridiques, plus cohérent et efficace que ce qui existait jusqu’à présent, permettra de façon évidente d’accélérer le redressement des copropriétés en difficulté, tout en menant la politique forte de prévention à laquelle je suis particulièrement attachée.

M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès.

Mme Christiane Demontès. Madame la ministre, nous connaissions l’existence d’un certain nombre de nouveaux dispositifs et savions que le plan de relance intégrait cette question de la réhabilitation des copropriétés. La question qui se pose aujourd’hui est plutôt celle du « tuilage » du dispositif.

Vous le savez bien, madame la ministre, il faut du temps pour conduire ces plans de réhabilitation et ces plans de sauvegarde.

Or les propriétaires résidents les plus pauvres, et nous les connaissons l’une comme l’autre, qui ont accepté ces plans de réhabilitation et s’attendaient à une aide très importante, se trouvent aujourd’hui confrontés à la question du financement.

Je souhaite que les informations redescendent très rapidement pour que les organismes puissent rassurer les copropriétaires concernés sur le tuilage en leur annonçant que les dispositifs financiers prévus pour les aider à faire ces travaux de réhabilitation seront efficaces et rapidement mis en place.

M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

5

Souhaits de bienvenue à une délégation de parlementaires suisses

M. le président. Mes chers collègues, j’ai le très grand plaisir, au nom du Sénat tout entier, de saluer la présence dans notre tribune officielle de Mme Simoneschi-Cortesi, présidente du Conseil national de la Confédération suisse. (M. le secrétaire d’État, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)

Notre collègue Pierre Hérisson, qui préside le groupe interparlementaire d’amitié France Suisse, et des membres de ce groupe ont accueilli la délégation conduite par Mme la présidente.

Nous sommes particulièrement sensibles à cette visite, qui illustre la qualité des relations que le Sénat entretient avec le Parlement fédéral ainsi qu’avec la chambre haute de la Confédération, le Conseil des États.

Une délégation du groupe d’amitié sénatorial devrait se rendre à Berne en avril prochain, à l’invitation du Parlement fédéral.

Je me félicite que le peuple suisse, consulté par référendum, ait répondu favorablement, le 8 février dernier, à la reconduction de l’accord sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l’Union européenne, montrant ainsi son attachement à la qualité des relations avec l’Union.

Je suis certain que le conseiller fédéral Pascal Couchepin, qui présidait la Confédération en 2008 et qui a rencontré hier le Premier ministre, M. François Fillon, a pu constater une nouvelle fois la qualité de notre relation bilatérale.

Samedi 14 février, il assistait au Centre culturel suisse de Paris au vernissage d’une exposition, première manifestation de la nouvelle programmation qui permettra à notre capitale d’être encore un peu plus à l’heure suisse !

Madame la présidente, au nom du Sénat tout entier, je vous souhaite la bienvenue et un excellent séjour en France, qui contribuera, je n’en doute pas, à renforcer les liens d’amitié existant entre nos deux pays. (Applaudissements.)

6

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour un rappel au règlement.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 36 de notre règlement.

Le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer, M. Yves Jégo, a été auditionné ce matin sur le projet de loi n° 496 pour le développement économique de l’outre-mer.

Il a indiqué à cette occasion que le projet de loi n’était pas encore complètement au point. Or, compte tenu de la nouvelle procédure d’examen des textes, il nous est demandé de déposer nos amendements dès aujourd’hui, avant seize heures, avant l’examen de ce texte par la commission.

Il me semble quand même difficile de déposer des amendements sur un projet de loi qui n’est pas encore complètement formalisé ! Des règles doivent être mises en œuvre pour nous permettre de jouer véritablement notre rôle de parlementaire ; je regrette que tel n’ait pas été le cas sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. Madame, je vous donne acte de votre rappel au règlement ; dans cette période de transition, ce problème n’a pas échappé à la conférence des présidents.

7

Article additionnel avant l'article 7 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution
Article 13 (priorité) (début)

Application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution

Suite de la discussion d'un projet de loi organique

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution (nos 183 et 196).

Conformément à la décision de la conférence des présidents, le Sénat va examiner par priorité les articles 13, 13 bis et 13 ter du projet de loi organique, ainsi que l’amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 13 ter, avant d’en revenir à l’article 7.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution
Article 13 (priorité) (interruption de la discussion)

Article 13 (priorité)

Les règlements des assemblées peuvent, s'ils instituent une procédure impartissant des délais pour l'examen d'un texte en séance, déterminer les conditions dans lesquelles les amendements déposés par les membres du Parlement peuvent être mis aux voix sans discussion.

Lorsqu'un amendement est déposé par le Gouvernement ou par la commission après la forclusion du délai de dépôt des amendements des membres du Parlement, les règlements des assemblées, s'ils instituent une procédure impartissant des délais pour l'examen d'un texte, doivent prévoir d'accorder un temps supplémentaire de discussion, à la demande d'un président de groupe, aux membres du Parlement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel, sur l’article.

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’article 13 constitue la clé de voûte de ce projet de loi.

Nous avons tous bien compris la consigne qui s’applique à cet article : il faut un vote conforme. Mais, ajoute-t-on, que personne ne s’inquiète, cet article ne s’appliquera pas, en tout cas pas au Sénat.

Décidément, depuis le souhait du Président Jacques Chirac de voir voter la disposition relative au contrat première embauche, ou CPE, tout en proposant de ne pas la mettre en œuvre, il semblerait que cette étrange vision de l’élaboration de la loi soit devenue une référence.

Mes chers collègues, cela fait maintenant des semaines, voire des mois, que chacun a fait valoir ses arguments. Nous avons vu comment les échanges se sont passés à l’Assemblée nationale…Depuis, nous faisons tous des efforts pour nous écouter, pour entendre les différents points de vue.

Je crois avoir compris moi aussi : tout vient de l’obstruction qui serait pratiquée et qui bloquerait donc notre mode de fonctionnement. Ce serait là le fléau qui autoriserait à réduire le temps d’expression des parlementaires quitte, même, à les empêcher de défendre leurs amendements.

Je crois, monsieur le secrétaire d’État, que vous vous trompez de cible et, mes chers collègues, vous le savez bien : ce n’est pas le Parlement qui retarde les réformes ; le Gouvernement s’en charge très bien tout seul ! À qui sont imputables la boulimie de réformes, l’inflation législative, l’empilement d’ordonnances qui désorganisent le travail ? Au Gouvernement, quelle que soit d'ailleurs sa couleur politique, et non aux parlementaires ! La véritable obstruction vient de là, et non d’une opposition sur laquelle on cherche trop souvent à se défausser.

Nous ne reconnaissons pas ce mode de gouvernance, cette « omniprésidence », qui considère que le temps du Parlement est du temps perdu. Pour nous, le temps du Parlement est le temps de la démocratie.

D’ailleurs, les expériences dans d’autres parlements le montrent : plus l’opposition dispose de moyens pour intervenir dans le processus législatif, moins elle se trouve contrainte de recourir à l’obstruction.

Et même quand la loi est plus rapidement votée, elle n’est pas mieux ni plus rapidement appliquée.

Le contrôle d’application des lois, que le Sénat a mis en place depuis 1972 et dont certains s’aperçoivent enfin de l’utilité, montre sans contestation que trop de lois, parfois bâclées, ne sont pas appliquées faute de décrets, souvent difficiles à rédiger du fait des termes trop imprécis de la loi.

Le droit d’amendement est constitutionnellement attribué et reconnu aux parlementaires. Il existe donc une contradiction fondamentale entre la globalisation du temps de parole et le droit d’amendement qui est garanti à tout parlementaire, individuellement, et qui est protégé par la Constitution.

Limiter la durée du débat parlementaire a une conséquence directe : cela revient à interdire la défense des amendements dès lors que la discussion aura dépassé le temps imparti.

Pour nous, il est clair que cette limitation des débats en séance publique conduirait à remettre en cause le droit individuel de chaque parlementaire à amender un texte en séance publique.

On aurait pu imaginer que la dureté de ce dispositif serait contrebalancée par la possibilité de le décider par consensus. C’était là, au fond, le véritable sens des propositions que j’avais pu faire dans un rapport élaboré lors de la dernière campagne des élections présidentielles et dont il a été souvent question ; nous aurons certainement l’occasion d’y revenir.

Les belles promesses de la révision, qui devait « renforcer les droits du Parlement et ceux de l’opposition », sont aujourd’hui bien loin !

S’exprimant devant le Congrès le 21 juillet 2008, le Premier ministre évoquait, s’agissant de la révision constitutionnelle, une « réforme qui tempère les pouvoirs de l’exécutif en renforçant ceux du législatif » et défiait « quiconque de trouver dans un seul de ces articles un recul pour les libertés ! » « Tous convergent pour élargir les champs de notre démocratie et mieux équilibrer les pouvoirs », affirmait-il.

La révision du 23 juillet 2008 va donc, sous couvert d’une prétendue rationalisation du droit d’amendement, aboutir à un recul de la démocratie parlementaire, alors que tout devrait être fait, au contraire, pour s’efforcer de parvenir à des consensus afin d’améliorer l’efficacité des débats en séance publique.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, on aurait évité la dramatisation des débats autour de cet article 13 si vous aviez retenu cette idée de consensus, si vous aviez cherché à renforcer les droits de l’opposition, en reprenant par exemple l’idée de « charte des droits de l’opposition », qui était proposée dans le rapport Balladur et qui devait « garantir les bonnes pratiques d’une démocratie respectueuse des opinions et des personnes », ou si les mesures d’application de l’article 51-1 de la Constitution, qui évoque des « droits particuliers » en faveur de l’opposition et des groupes minoritaires, avaient été adoptées avant la discussion de ce texte.

Parce qu’elle élude la vraie question des droits de l’opposition, parce qu’elle constitue une atteinte au droit constitutionnel d’amendement, cette nouvelle procédure, que le groupe socialiste récuse de la façon la plus nette, contribue à abaisser encore davantage les droits du Parlement.

Mes chers collègues, ce que nous défendons dans ce débat, ce sont non pas nos seuls droits, mais ceux de l’ensemble des parlementaires, de la représentation nationale, le droit du peuple souverain à s’exprimer par l’intermédiaire de ses représentants.

Encore une fois, ce que nous défendons, ce sont les grands principes qui fondent notre République. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mes chers collègues, nous participons cet après-midi non à une simple bataille sur un article obscur que nos concitoyens ne pourraient comprendre, mais à un débat important pour la défense des libertés parlementaires et, partant, des libertés publiques.

Je vais me référer aux propos tenus par le Président de la République, puisque c’est lui, avec, semble-t-il, un certain nombre de parlementaires de son entourage, qui inspire la conception de cet article 13, que la majorité s’obstine à maintenir. Le Président de la République a précisé le 7 février dernier, en présentant ses vœux aux parlementaires, le sens de la révision constitutionnelle et les conséquences qu’il entendait en tirer : « c’est un grand pouvoir qui vous a été confié par cette révision constitutionnelle. Mais qui dit grand pouvoir, dit grande responsabilité. »

Le Président de la République s’arroge donc le droit de dire aux parlementaires, qui pourraient être des irresponsables, qu’il faut exercer ce pouvoir avec « responsabilité » ! Qu’entend-il par là ?

Je ne peux m’empêcher de rapprocher ces propos de ceux que Mme Rachida Dati avait tenus aux élèves de l’École nationale de la magistrature : l’indépendance des magistrats se mérite. Cela signifie que l’indépendance n’a pas une valeur absolue.

Le Président de la République a donc indiqué aux parlementaires que si de nouveaux droits leur étaient octroyés, ils ne devaient pas en abuser, et ne pas gêner son action ! Il a poursuivi ainsi : « cela implique que le Parlement se donne les moyens d’améliorer ses méthodes de travail », tout en affirmant s’y connaître sur le sujet, puisqu’il a été parlementaire. Et il a terminé ainsi : « qui peut dire que le problème de l’amélioration du travail du Parlement en France ne se pose pas, qui peut le dire, qui sérieusement peut dire cela ? » À cette question, on ne peut bien évidemment répondre que positivement.

Mais le véritable problème est ailleurs : quels sont les causes, les modalités et les responsables des dysfonctionnements éventuels du fonctionnement du Parlement ?

Pour le Président de la République, « il n’y a pas un Gouvernement qui gouverne de son côté et un Parlement qui parlemente du sien ». Les parlementaires sont ainsi ramenés à des gens qui « parlementent », terme quelque peu péjoratif ! « Il y a deux pouvoirs imbriqués, deux acteurs de la réforme ».

Pour ma part, je continue à penser qu’il y a séparation des pouvoirs, avec, d’une part, un gouvernement et, d’autre part, un parlement.

Au fond, tout cela résume bien le problème auquel nous sommes confrontés aujourd’hui.

Le chef de l’État a imprimé la marque de sa pensée institutionnelle sur la révision constitutionnelle : la séparation des pouvoirs était peut-être un bon principe au XVIIIe siècle et pour nos anciens parlementaires illustres, mais nous sommes aujourd’hui à l’ère de l’efficacité. Il faut donc permettre au pouvoir exécutif d’agir plus vite, de s’adapter à l’opinion qu’il fabrique, en s’en tenant à des échanges télévisuels entre le pouvoir exécutif et le peuple. Parallèlement, il faut soumettre le Parlement et brider son autonomie, bien qu’elle soit constitutionnelle.

On comprend alors mieux le sens de la révision constitutionnelle que mon groupe n’a eu de cesse de dénoncer. Derrière l’annonce des nouveaux pouvoirs supposés du Parlement, notamment le partage de l’ordre du jour, on voit bien que s’organise un présidentialisme sur mesure, à la française, avec une confusion extrême des pouvoirs. Comment ne pas être inquiet ?

On a aussi vu le Président de la République, lors de son entretien télévisé du 5 février dernier, annoncer aux Français que la nomination du président de France Télévisions serait beaucoup plus démocratique dans la mesure où l’accord des trois cinquièmes des parlementaires serait dorénavant nécessaire.

M. Jean-Pierre Sueur. C’était un mensonge !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’était effectivement un pur mensonge, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire. Et ceux qui ont voté le texte savent très bien que, en réalité, une majorité des trois cinquièmes des parlementaires est requise pour s’opposer à la nomination du président de France Télévisions, ce qui suppose un accord entre l’opposition et la majorité. C’est donc exactement l’inverse !

Ce débat sur le droit d’amendement, que tout le monde se plaît à sanctifier en le qualifiant d’« imprescriptible », d’« inaliénable », voire de « sacré » – voilà le sacré qui entre au Parlement ! –, c’est véritablement le triomphe des faux-semblants !

Le Gouvernement, et la majorité avec, est assez mal à l’aise, car, plus il répète que le droit d’amendement doit être respecté, plus on s’aperçoit qu’il ne veut pas le respecter tout à fait.

La Constitution, même après la révision de juillet dernier, prévoit que le droit d’amendement est un droit inaliénable. Selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, il faut, pour que ce droit soit respecté, que l’amendement soit discuté. Une limitation éventuelle du temps de parole serait donc en contradiction avec cette appréciation : les amendements seraient en quelque sorte « mort-nés », inexistants, puisqu’ils pourraient être déposés mais ne seraient pas défendus. Avec ces propositions sans vie, la démocratie serait atone : l’indépendance et la liberté des parlementaires ne seraient qu’un faux-semblant.

La majorité sénatoriale annonce qu’elle n’usera pas de cette possibilité offerte par la loi organique. Elle veut bien voter la disposition, mais elle ne veut pas l’appliquer. Elle considère donc, de fait, que l’article 13 ne respecte pas le droit d’amendement !

L’article 13, qui vise à instaurer le fameux crédit-temps qu’on peut qualifier de « 49-3 » parlementaire, viole à mon avis la Constitution. C’est une injure à l’histoire démocratique française et à ceux qui se sont battus pour que le pluralisme vive et que le pays échappe à toute dérive autocratique, dérive connue par le passé, mais aussi plus récemment, hélas !

À l’issue de ce débat sur cet article-clé pour l’avenir de nos institutions, nous appelons la majorité à aller jusqu’au bout de sa logique – l’inaliénabilité du droit d’amendement – et à avoir le courage de ne pas voter cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Roger Madec.

M. Roger Madec. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes réunis cet après-midi pour débattre de l’article 13 du projet de loi organique relatif à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, mais surtout pour défendre le Parlement.

Cet article porte atteinte de façon inacceptable à notre Constitution et à l’esprit de notre démocratie. Il bafoue notre légitimité, car le droit d’amendement est une liberté fondamentale du Parlement.

Il est grave de vouloir amoindrir le droit d’amendement dans le but de limiter les travaux de l’opposition, car cela revient à affaiblir le travail parlementaire.

La démocratie implique l’existence d’institutions représentatives, notamment d’un Parlement doté des pouvoirs et des moyens nécessaires pour exprimer la volonté du peuple, c'est-à-dire en légiférant et en contrôlant l’action du Gouvernement

Une opposition parlementaire est un rouage indispensable au bon fonctionnement de la démocratie. L’une de ses fonctions principales est de constituer une alternative politique crédible à la majorité en place en proposant d’autres options politiques au débat public. Elle participe également à la surveillance, à la vérification et au contrôle de l’action et de la politique gouvernementales, contribuant ainsi à défendre l’intérêt public et à prévenir des dysfonctionnements éventuels.

Monsieur le secrétaire d’État, il est abusif de vouloir légiférer sur un tel article qui n’a pour but que de menotter l’opposition. Vous voulez réglementer l’« obstruction », alors que l’exécutif possède un arsenal constitutionnel pour exiger la clarté et la sincérité des débats : les articles 40, 41 et 45 de la Constitution, mais surtout l’article 44, troisième alinéa – le vote bloqué constitue en effet une arme confortable puisqu’elle est à la disposition du membre du Gouvernement présent en séance –, sans oublier l’article 49, troisième alinéa, qui subsiste.

Citez-moi un seul cas où l’obstruction aurait empêché l’adoption d’un texte sous la Ve République !

M. Jean-Pierre Sueur. Il n’y en a pas !

M. Roger Madec. Mais puisque l’on évoque les souvenirs, n’oubliez pas les valeurs transmises par nos pairs dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen, notamment à l’article VI en vertu duquel « la loi est l’expression de la volonté générale ».

Vous pensez que la longueur des débats nuit aux réformes. Mais nombre de ces dernières ont été menées grâce aux débats engagés en amont. Penser le contraire est grave ! En commission ou en séance, le débat est une étude, une confrontation d’idées, que les amendements viennent enrichir.

Retournons dans le passé : je ne contredirai pas Michel Debré lorsqu’il affirmait qu’« aucun retard ne doit être toléré à l’examen d’un texte gouvernemental, si ce n’est celui qui résulte de son étude ». Mais que deviendrait cette étude si le droit d’amendement était limité ?

Nous travaillons à améliorer la loi pour qu’elle soit la plus juste pour nos concitoyens, et c’est ce droit à l’amélioration de la loi que vous souhaitez nous ôter. Pourtant, je rappelle qu’il a fallu deux ans de travail en commission et neuf mois de débats à la Chambre des députés et au Sénat pour que, en 1905, une loi fondamentale de la République soit adoptée : la loi concernant la séparation des Églises et de l’État. En aurait-il été de même si le Parlement avait été muselé par le crédit-temps ? Celui-ci n’est en effet assorti d’aucune garantie assurant à l’opposition qu’elle pourra mener des débats constructifs. Lorsqu’un groupe aura épuisé son temps de parole, il ne pourra plus défendre ses amendements, qui seront alors simplement soumis au vote sans aucune discussion.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la majorité nous dit que le temps global ne sera pas appliqué au Sénat. Je vous invite donc à rejeter l’article 13. Ne dites pas que cette disposition n’est qu’une faculté donnée aux assemblées et que son application n’est pas obligatoire, car ce serait déshonorer le Parlement : comment s’assurer que le temps programmé qui nous est proposé ne deviendra pas obligatoire si c’est le bon vouloir du prince ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Monsieur le président, je me réjouis que la conférence des présidents ait organisé le débat sur cet article à un moment opportun afin qu’il se déroule dans de bonnes conditions.

L’article 13 du projet de loi organique crée la possibilité de recourir à un crédit-temps global et de mettre aux voix un amendement sans qu’il ait été présenté, et donc discuté.

La loi organique dont nous discutons, comme toutes les lois organiques, sera transmise au Conseil constitutionnel. Je suppose que, dans ce cadre, tous nos débats feront l’objet d’une lecture attentive. Or j’ai la profonde conviction que l’exercice du droit d’amendement exige, pour qu’il soit considéré dans sa plénitude, que la présentation de l’amendement en séance publique soit effectuée. Cette présentation n’est à mon avis pas détachable du droit d’amendement.

Peut-on accepter que, lors d’un débat, les parlementaires voient leur activité limitée à la lecture d’amendements non défendus par leurs auteurs, auxquels on aurait retiré toute possibilité de convaincre leurs collègues, et au vote sans discussion ? Ce serait une atteinte profonde au droit d’amendement.

La présentation est-elle détachable du droit d’amendement ou en est-elle une partie constitutive ? Je serais heureux que le Conseil constitutionnel réponde à cette question.

Ma deuxième question a trait au crédit-temps global.

En effet, une telle disposition limitera par nature le nombre d’amendements qu’un parlementaire pourra défendre. Quelle que soit la « générosité » avec laquelle sera attribué ce crédit-temps, les groupes dont l’effectif est faible, même si on les favorise, disposeront d’un temps de parole nettement moins important que les autres groupes. Par conséquent, pour pouvoir défendre tous leurs amendements, devront-ils en déposer moins ?

Les parlementaires, pour exercer la plénitude de leur mandat, doivent avoir le temps de défendre tous leurs amendements. Or, compte tenu du crédit-temps, ils n’auront pas cette faculté. En fait, le projet de loi organique prévoit, sous une forme déguisée, une limitation du nombre d’amendements pouvant être présentés par un parlementaire ! Cela aussi est anticonstitutionnel, à mes yeux.

J’en viens à ma troisième question : le droit d’amendement étant individuel, au nom de quoi pourrait-on enfermer un parlementaire dans le temps imparti à son groupe, d’autant que personne n’est obligé d’appartenir à un groupe politique ?

Le Sénat a la sagesse d’accorder à chaque parlementaire un temps de parole de cinq minutes pour une explication de vote et de cinq minutes pour la présentation d’un amendement. Avec l’instauration d’un temps global, comment le droit individuel de chaque parlementaire sera-t-il respecté ? La loi organique va donc le bafouer. Cette disposition est également susceptible, à mon avis, d’encourir la censure du Conseil constitutionnel.

Voilà les trois points de droit sur lesquels nous aurons l’occasion de revenir dans le débat, débat dont je souhaite qu’il continue à se dérouler dans la sérénité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, quand tant de questions nous assaillent – la crise, le chômage, la situation qui se détériore aux Antilles, l’indépendance de la France à l’égard de l’OTAN, la justice, les prisons, le sort fait aux libertés publiques (M. Jean-Pierre Sueur acquiesce.) –, certains pourraient se demander ce que nous faisons là. On pourrait croire que ce débat est de pur juridisme, mais il n’en est rien !

Pour le démontrer, je remonterai non pas à la cour des pharaons, mais seulement à la Révolution française. À l’époque où celle-ci commence à s’essouffler, après Thermidor, démarrent les combats autour du droit d’amendement. C’est dire comme la défense des droits du Parlement – sujet universel – est vieille comme la République, même si elle concerne aussi parfois les régimes qui ont renversé la République.

À la fin du XVIIIe siècle, le Directoire voulut restreindre les pouvoirs très importants du Corps législatif, composé de deux assemblées, et s’introduire dans le domaine législatif. Cela a certainement préparé, après des coups d’État secondaires, le coup d’État décisif du 18 brumaire et l’instauration du Consulat.

À cette époque, le Conseil d’État, qui n’a rien à voir avec notre actuelle haute juridiction, prépare les projets de loi et les présente devant le Corps législatif. Le Tribunat, composé de cent députés, discute les projets de loi du Gouvernement, mais n’a surtout pas le droit de les amender. Le Corps législatif, composé de trois cents membres, vote les lois sans pouvoir les discuter. Le Sénat conservateur surveille de près le fonctionnement des assemblées.

La constitution de l’An X, qui instaure le Consulat à vie, abaisse un peu plus les assemblées et confirme le pouvoir de contrôle du Sénat, dont les membres sont très largement nommés par Bonaparte lui-même.

Avec la proclamation de l’Empire, en 1804, et la constitution de l’An XII, les choses deviennent encore plus simples : le Tribunat est supprimé par le Sénat, et le Corps législatif obtient un droit de parole, mais à huis clos.

Sous la Restauration, seul le roi a l’initiative des lois et peut s’opposer à leur promulgation. Il peut refuser tout amendement qui ne lui convient pas. Cependant, l’évolution du droit d’amendement commence à cette époque, où l’on a même parfois le droit de contrôler, de critiquer le gouvernement, ce que ne permettent pas les fameuses résolutions dont nous avons débattu récemment …

Sous la Monarchie de Juillet, après d’âpres batailles parlementaires, les Chambres arrachent un droit d’amendement dont elles usent à nouveau pour critiquer le Gouvernement, pour faire de la politique en somme. C’est probablement pourquoi les résolutions parlementaires inquiètent autant le Gouvernement aujourd’hui …

Après l’intermède de la IIe République, la constitution du 14 janvier 1852, au lendemain du coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte, reprend largement les termes de la constitution de l’An VIII. Le Conseil d’État examine les amendements du Corps législatif, celui-ci n’ayant guère le droit de se mêler des affaires politiques. Sa faculté d’amendement est ainsi réduite. La tribune est même supprimée, monsieur le président, afin d’éviter les « éloquences » jugées superfétatoires par le pouvoir d’alors.

Quant au Sénat, plus que jamais, il contrôle les autres chambres et la législation. D’ailleurs, tenez-vous bien, mes chers collègues, on parlait à l’époque non pas des « dignitaires » du Sénat, mais des « illustrations ». (Sourires.) Nous en connaissons une survivance : les membres du Gouvernement ne nous qualifient-ils pas régulièrement de « Haute Assemblée » ? C’est flatteur …

Le décret du 24 novembre 1860 créé les premiers ministres chargés des relations avec les Chambres. Voilà que votre ancêtre apparaît, monsieur Karoutchi. (Sourires.) Le droit d’amendement est alors élargi.

Pour conclure, je dirai qu’il faudrait expliquer aux nombreux élèves qui se pressent dans la salle des Conférences du Sénat que le trône de Napoléon, gloire française, n’est pas celui d’un fondateur de la démocratie ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Jean-Pierre Sueur. M. Mermaz est un grand historien !

Mme Éliane Assassi. C’est un grand homme !

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.

M. Yves Daudigny. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en remportant les élections sénatoriales dans l’Aisne, en septembre dernier, j’ai cru gagner le droit de participer de manière effective à l’élaboration des lois et de m’exprimer personnellement à cette fin dans cette enceinte nationale. J’imaginais bien que, à l’instar de nos assemblées locales, ma liberté d’expression s’exercerait dans le cadre des seules limites nécessaires à la tenue d’un débat démocratique.

Nouvel élu, j’ai découvert, lors des premiers textes dont notre assemblée a été saisie au début de la session, que la quantité impressionnante de projets inscrits à l’ordre du jour ainsi que l’urgence déclarée sur presque tous ces textes réduisaient nécessairement les temps de réflexion et de débat parlementaires. Les ministres agitent frénétiquement les réformes au rythme où défile l’actualité, soumettant nos assemblées à un tempo effréné et ininterrompu. Cette fébrilité, ce prurit législatif relèvent-ils d’une méthode stroboscopique destinée à aveugler et à tétaniser le législateur ?

Il serait peut-être de meilleure politique que le Gouvernement, qui maîtrise notre ordre du jour, modère ce staccato au profit de textes plus réfléchis sur le long terme, mieux préparés, mieux rédigés et, par là même, plus utiles, étant entendu en outre que le rythme de publication des décrets nécessaires à l’application de ces lois est loin de suivre celui de leur adoption. Quel baptême en tout cas !

J’ai aussi découvert que le Gouvernement disposait, dans nos enceintes parlementaires, d’un arsenal impressionnant pour contraindre le droit d’amendement et le droit d’expression en séance publique : irrecevabilité financière de l’article 40, irrecevabilité matérielle de l’article 41, vote bloqué de l’article 44, troisième alinéa, auquel s’ajoute l’article 49, troisième alinéa – il subsiste, même si c’est de manière limitée –, utilisation positive de la question préalable, demande de seconde délibération, et j’en passe.

Le Gouvernement n’est donc empêché de rien. L’exécutif dispose de tous les moyens pour passer outre l’opposition parlementaire et pour faire adopter ses projets, sans compter les propositions de loi ou les amendements téléguidés. Et il utilise effectivement ces moyens ! Preuve en est le nombre exponentiel de textes de loi publiés. Preuve en est encore, de manière caricaturale avec cet article 13 qui prétend nous faire taire, le vote bloqué imposé à l’Assemblée nationale.

La révision constitutionnelle du 21 juillet 2008 tendait à rééquilibrer les droits du Parlement. Or je découvre, abasourdi, que ce deuxième projet de loi organique autorise la présentation et le vote de résolutions qui ne sont pas normatives, qui ne peuvent être amendées, qui ne peuvent mettre en cause le Gouvernement ou lui adresser une injonction, et dont la recevabilité dépend du Premier ministre. Il prévoit également d’assortir les projets du Gouvernement d’études d’impact apparemment univoques. Il permettrait surtout de voter les projets de loi sans les discuter. Voila ce que je n’imaginais pas !

Si l’on en croit le discours officiel, cet article 13 se justifierait « parce que l’obstruction est devenue un instrument trop systématique et que cette pratique contribue à distendre le lien entre les citoyens et leurs représentants ».

Le débat d’amendement est en réalité la seule arme dont disposent les parlementaires pour alerter nos concitoyens. Le contrat première embauche, ou CPE, en est un magnifique exemple. Voilà une « obstruction » constructive, un usage du débat parlementaire qui a œuvré dans l’intérêt général et qui a prouvé la force de nos liens avec nos concitoyens face à un pouvoir qui n’a de cesse d’abolir tout ce qui pourrait constituer un contre-pouvoir. Alors, ne venez pas m’expliquer que vous voulez faire taire le législateur en séance publique pour le faire mieux entendre à l’extérieur !

Nous avons pris bonne note des engagements de M. le président du Sénat et de M. le président de la commission des lois de ne pas faire application de l’article 13 ici. Cependant, permettez-moi de ne pas être rassuré : qu’en sera-t-il demain ?

Personne ne conteste le fait que le droit d’amendement est individuel et imprescriptible, et qu’il ne faut pas y toucher. Il est donc pour le moins paradoxal d’appeler à voter conforme une disposition qui y porte atteinte et de dire dans le même temps qu’on ne l’appliquera pas. Ce principe constitutionnel ne vaudrait-il donc que pour le Sénat ? Ce qui serait contraire aux droits du Parlement le serait ici et pas là-bas ?

Cette assertion qui relève de l’oxymoron devient décidément une spécialité. C’est une autre conception du rôle des assemblées que je défends et que vous devriez également soutenir, mes chers collègues, sauf à marquer l’histoire parlementaire d’un lamentable sabordement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, soyons clairs : le projet de loi organique qui nous est soumis, en particulier son article 13, a fait couler beaucoup d’encre. C’est à juste titre, car il touche aux libertés publiques. Il serait donc souhaitable que notre discussion soit franche et fasse fi de toute hypocrisie ou tentative de dissimulation des réelles intentions des uns ou des autres.

Aux termes de l’article 13, « les règlements des assemblées peuvent, s’ils instituent une procédure impartissant des délais pour l’examen d’un texte en séance, déterminer les conditions dans lesquelles les amendements déposés par les membres du Parlement peuvent être mis aux voix sans discussion ». Le projet est donc sans équivoque : il offre la possibilité à une assemblée de n’autoriser que le dépôt des amendements et de refuser leur présentation.

Ce constat peut paraître simple, mais il mérite d’être précisé et entendu, car, du dépôt du rapport du comité présidé par M. Balladur aux débats de Versailles jusqu’à ce jour, le Gouvernement, notamment par votre entremise, monsieur le secrétaire d’État, a toujours tenté de faire croire que le simple fait de pouvoir déposer un amendement suffisait au respect de l’article 44 de la Constitution, qui, aujourd’hui encore, affirme le droit d’amendement comme un droit individuel et imprescriptible des parlementaires si, conformément à la jurisprudence du Conseil Constitutionnel, il est effectivement assuré.

Monsieur le secrétaire d’État, le 28 mai 2008, vous répondiez ainsi à l’un de nos collègues de l’Assemblée nationale : « Sincèrement, je ne sais plus dans quelle langue m’exprimer pour vous faire comprendre que vous aurez non seulement la possibilité de déposer et de discuter – puisque c’est le mot que vous vouliez entendre – des amendements […]. »

Saviez-vous alors que vous défendriez quelques mois plus tard avec passion, conviction, voire acharnement, un projet de loi organique ouvrant la voie à l’adoption d’amendements « sans discussion » ?

L’alternative est simple : soit, vous avez manipulé le Parlement à l’occasion de la révision constitutionnelle (Protestations sur les travées de lUMP), soit vous vous êtes fait manipuler au printemps dernier ! (Mêmes mouvements.)

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. C’est lamentable !

Mme Éliane Assassi. Vous n’étiez d’ailleurs pas le seul à dissimuler les véritables intentions du Gouvernement.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Restez dans votre rôle, je resterai dans le mien !

Mme Éliane Assassi. Le même jour, Mme Rachida Dati affirmait ceci : « Je tiens à vous rassurer, le Gouvernement n’a pas l’intention de remettre en cause le droit d’amendement. Non seulement les amendements pourront être librement déposés, mais ils pourront être réexaminés en séance. »

M. Warsmann lui-même, qui fait pourtant de son combat contre ce qu’il appelle « l’obstruction » une question prioritaire, indiquait : « On ne touche pas au droit de déposer des amendements et ceux-ci viendront en séance et y seront discutés ».

Ces citations ne sont pas superflues. Elles éclaircissent notre débat et doivent éclairer le Conseil constitutionnel. Si le constituant a autorisé à légiférer sur une telle base, le droit d’amendement sera intégralement respecté ; cela signifie tout simplement que l’article 13 n’est conforme ni à la lettre ni à l’esprit de la Constitution et de nos institutions.

M. Warsmann, toujours, écrivait à la page 25 de son rapport sur la révision constitutionnelle : « il faut s’interroger sur le principe constitutionnel réservant au parlementaire le droit personnel de déposer des amendements et de les défendre ». Cette interrogation du président de la commission des lois de l’Assemblée nationale est un aveu : le droit d’amendement, c’est le droit d’en débattre.

Il poursuivait d’ailleurs, à la page 26 de son rapport : « on peut légitimement se demander si la protection de l’exercice effectif du droit d’amendement ne s’étend pas également à sa présentation. »

L’article 13 est donc contraire aux principes fondamentaux de notre droit. Le droit d’amender, le droit de multiplier les amendements pour alerter l’opinion et pour résister à une mesure estimée dangereuse, le droit d’opposition puisent leur source dans l’article II de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui prône le droit à l’insurrection. (M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois, manifeste son étonnement.)

Je conclurai sur une remarque plus politique : qui peut reprocher aujourd’hui aux parlementaires communistes d’avoir mené à l’Assemblée nationale et au Sénat une bataille parlementaire pour préserver notre système de retraite par répartition ? Cette bataille, avec la mobilisation des acteurs sociaux, a permis de freiner l’ambition de M. Fillon – il ne se prévaut guère de cet épisode aujourd’hui – visant à soumettre les retraites à la loi du marché et des fonds de pension. Ce reproche, ce ne sont certainement pas les retraités ou les futurs retraités qui constatent avec inquiétude le sort de leurs homologues américains ou anglais qui le feront ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’article 13 de ce projet de loi organique constitue un pas significatif vers la présidentialisation du régime, avec cette particularité que cette dernière se fonde non pas sur le respect du principe de la séparation des pouvoirs, mais sur une soumission croissante du pouvoir législatif aux objectifs de l’exécutif.

Cela a été maintes fois rappelé, l’objectif est l’efficacité, la modernité, l’adaptation au monde qui nous entoure. Cette pensée dogmatique de l’efficacité et de la modernité devrait pourtant être maniée avec précaution, car c’est elle qui nous a menés au bord du gouffre.

M. Balladur présentait ses réflexions dans un chapitre intitulé « Moderniser le droit d’amendement ». Moderniser, c’est sans doute, pour la première fois depuis le Consulat, la Restauration, le second Empire ou Vichy, s’attaquer au fondement de la démocratie parlementaire, à savoir le droit d’expression même des parlementaires.

Selon M. Balladur, la procédure dite du « crédit temps » permettrait de limiter l’obstruction parlementaire.

Avant d’examiner les dispositions de l’article 13, il convient de s’arrêter quelques instants sur cette question de l’obstruction. Qui dénature l’activité des assemblées ? Qui pénalise le travail législatif ? Les parlementaires qui exercent leur droit constitutionnel d’amendement ou le Gouvernement qui multiplie les projets de loi aboutissant à une inflation législative incontrôlable, pour ne pas dire incontrôlée ?

Monsieur le secrétaire d’État, comment pouvez-vous parler d’obstruction alors que vous vous êtes vanté devant les députés d’avoir fait adopter par le Parlement cinquante-quatre projets de loi en un an, soit un par semaine, vacances comprises ?

Mme Josiane Mathon-Poinat. Pourtant, pour l’année 2006-2007, seuls 10 % des décrets nécessaires à l’application des lois votées ont été pris. (M. le secrétaire d'État proteste.)

L’inflation législative est l’une des principales raisons de l’affaiblissement du rôle du Parlement, inflation législative alimentée, pour une bonne part, par la transposition massive des normes européennes.

L’affaiblissement du rôle du Parlement, n’en déplaise aux présidents de la commission des finances et de la commission des affaires sociales, c’est aussi la réduction des pouvoirs en matière budgétaire, qui aboutit à transformer les assemblées en chambres d’enregistrement.

L’utilisation du droit d’amendement a symbolisé, en 1980, le retour de l’initiative parlementaire. Dans une constitution privant les assemblées d’un réel pouvoir d’initiative, l’amendement est devenu un outil d’expression majeur du Parlement, à gauche comme à droite, selon l’étiquette politique du Gouvernement : il permet de présenter une proposition, de la soumettre au vote, mais également de manifester une vive opposition.

Monsieur le secrétaire d’État, vous évoquez souvent avec nostalgie la période, antérieure à 1969, où le temps global s’appliquait à l’Assemblée nationale. Faut-il vous rappeler que c’est à cette époque qu’est née la fameuse expression « parlementaires godillots » ?

L’obstruction, que vous dénoncez tant, a surtout été développée par la droite parlementaire, précurseur en la matière. La loi de nationalisation, la loi sur l’enseignement supérieur ou la loi sur la presse furent l’objet de milliers d’amendements déposés par l’opposition d’alors, devenue aujourd’hui majoritaire.

L’amendement n’était d’ailleurs pas le seul moyen. En 1981, sur les nationalisations, la droite fut la première à utiliser de manière massive le rappel au règlement en en présentant cent huit.

Faut-il donc s’inquiéter des longs débats parlementaires ? Les grands textes qui régissent encore aujourd’hui notre société, comme les lois relatives à l’école ou à la liberté de la presse, ont nécessité plus d’un an de débat.

Aujourd’hui, un débat qui dure une semaine paraît excessif ; s’il dépasse quinze jours, il devient presque intolérable et s’apparente à une déstabilisation de l’exécutif !

Vous avancez des chiffres importants : 11 853 amendements sur le projet de loi portant sur les retraites, 137 665 amendements pour le projet de loi sur la privatisation de Gaz de France, 14 888 amendements sur le projet de loi relatif à La Poste. Or les débats n’ont jamais dépassé un mois, les outils de restriction du droit d’amendement étant déjà très nombreux, de l’irrecevabilité à la clôture des débats, en passant par l’ajout inopiné de séances.

Sur le contrat première embauche, le CPE, nous avions même siégé à l’heure de la messe, le dimanche matin ! Sur ce texte comme sur d’autres, n’aurait-il pas mieux valu prendre le temps du débat ?

Nous réfutons donc cet argument démagogique qui confine à l’antiparlementarisme.

M. le président. Veuillez conclure, madame Mathon-Poinat.

M. Jean-Pierre Sueur. Mais c’est très intéressant, monsieur le président !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Pour nous, l’initiative parlementaire est le corollaire indispensable de la démocratie, et le droit d’amendement en est le socle. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, aux termes de l’article 27 de la Constitution, « le droit de vote des membres du Parlement est personnel ». À un droit de vote « personnel » doit normalement correspondre un droit d’expression sur son vote du même ordre. C’est de la suppression de ce droit qu’il est ici question, sous prétexte qu’il peut en être fait mauvais usage.

Ainsi, l’« obstruction » de la procédure parlementaire consécutive à cette inflation verbale serait, nous dit-on, à ranger au rang des « pathologies » du parlementarisme. Certes, mais ne prenons pas le symptôme pour la maladie !

L’obstruction n’est pas une maladie facilement curable par des mesures réglementaires, elle est le symptôme d’une maladie bien plus profonde du parlementarisme français : la réduction comme peau de chagrin du pouvoir dont le Parlement est, en principe, détenteur.

Le parlementarisme « rationalisé » s’est progressivement fait parlementarisme « lyophilisé ». Que l’on me cite une seule disposition non secondaire que le Parlement a pu imposer à l’exécutif ! L’arsenal dissuasif de celui-ci et ses possibilités de contournement sont immenses. Il y a les moyens classiques constitutionnels – je vous en fais grâce – et les autres.

Je citerai deux exemples particulièrement clairs du peu de cas que l’exécutif fait de la prétendue « volonté » du législateur.

Tout récemment, il y eut l’injonction du Président de la République au conseil d’administration de France Télévisions de se passer de recettes publicitaires, alors même que le Parlement en débattait.

Il n’y a pas si longtemps, Jacques Chirac décidait de ne pas appliquer la loi instituant le CPE, alors même qu’elle avait été votée avec l’enthousiasme et la lucidité que l’on sait par sa majorité, et qu’il l’avait promulguée. Avouez qu’il est difficile de faire mieux !

On comprend que, dans ces conditions, pour le Gouvernement et ses zélotes, la discussion parlementaire ne soit que du temps perdu. Il faut certes sauver les apparences, mais pas plus.

L’efficacité du travail parlementaire – entendez par là la correction des fautes de syntaxe, de codification et l’élagage des pousses les plus calamiteuses des projets de loi – serait à ce prix, d’autant que l’essentiel du travail serait désormais fait en commission.

Privé du pouvoir de peser réellement sur le cours des choses par l’exercice régulier des prérogatives qui lui sont théoriquement reconnues, que peut faire le Parlement sinon exercer son pouvoir tribunicien, le seul qui lui reste ? Là est l’origine de l’obstruction parlementaire : une manière de se faire entendre du Gouvernement en prenant l’opinion à témoin, seule chose à laquelle celui-ci est parfois sensible.

Réduire le pouvoir d’expression des parlementaires sans changer la situation en profondeur est un remède pire que le mal, mais dans la logique d’un système qui n’a plus de parlementaire que le nom. Sa dénomination n’existe pas encore, mais l’expression qui le désigne le moins mal serait, selon moi, celle de « régime consulaire ».

Empêcher les représentants du peuple de parler a toujours été, comme l’a rappelé Louis Mermaz, la tentation des régimes consulaires.

Pour la constitution de l’an VIII, « le Corps législatif fait la loi en statuant par bulletin secret, et sans aucune discussion de la part de ses membres ». Que voilà des constituants efficaces ! Puisque, disait Sieyès, « la confiance doit venir d’en bas et le pouvoir d’en haut », inutile de parler pour manifester sa confiance.

Cette volonté de réduire autant que faire se peut le Parlement à un rassemblement de muets est la suite logique d’une révision constitutionnelle censée renforcer ses pouvoirs alors qu’elle marque une étape de plus vers un régime de type consulaire. En reconnaissant un droit de message au Président de la République, celle-ci consacre son rôle de chef de Gouvernement sans responsabilité, mais avec le droit de dissolution. Détenteur de la totalité du pouvoir exécutif, il dispose aussi, à travers ses ministres, d’un réel pouvoir de conduite du processus législatif et, in fine, de l’arme absolue : la dissolution.

Votre tentative de nous faire taire, monsieur le secrétaire d’État, me fait penser à ces sourds qui ne supportent pas que d’autres puissent parler : n’entendant pas ce qu’ils disent, ils en déduisent qu’ils ne disent rien ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, tout au long de l’histoire de la Ve République, y compris à l’occasion de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, le droit d’amendement s’est affirmé comme étant un droit individuel constitutionnellement garanti à tout parlementaire ainsi qu’au Gouvernement. Ce droit est garanti par le Conseil constitutionnel.

L’article 13 dont nous débattons aujourd'hui vise à organiser la discussion parlementaire en permettant la mise en œuvre d’un temps global de discussion. Pourquoi pas ?  Il en résulterait néanmoins une limitation du droit d’amendement une fois les délais écoulés.

Quelles sont, brièvement évoquées, les composantes du droit d’amendement dans notre droit public ? C’est la Ve République, avec l’article 44 de la Constitution de 1958, qui a constitutionnalisé le droit d’amendement. Avant, ce droit découlait de l’initiative des lois que reconnaissaient au Parlement les constitutions républicaines depuis 1875.

Le droit d’amendement est devenu essentiel. Le président du Sénat estime qu’il s’agit d’un droit « consubstantiel » au statut de parlementaire, et nous ne pouvons qu’adhérer à cette définition.

M. Jean-Pierre Plancade. C’est une vraie référence !

M. Jean-Pierre Sueur. Il ne faut donc pas voter l’article 13 !

M. Michel Mercier. Le président de l’Assemblée nationale a déclaré ceci : « Il n’y aura jamais, de ma part, de volonté de contenir ou de limiter en quoi que ce soit ce que je crois être l’un des droits les plus fondamentaux des parlementaires, le droit d’amendement ». Cela signifie qu’il n’y portera jamais atteinte.

Le droit d’amendement est devenu très important, et ce pour une raison très simple. Les textes législatifs devenant de plus en plus techniques, le droit d’initiative parlementaire est plus difficile à mettre en œuvre, ce qui n’est pas le cas du droit d’amendement.

L’objet même du droit d’amendement est devenu très large. À cet égard, la disposition que nous avons insérée au premier alinéa de l’article 45 de la Constitution va dans ce sens, puisqu’il est précisé que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». Ce droit est donc fondamental ; il est au cœur de la vie parlementaire.

Monsieur le secrétaire d’État, il faut bien remarquer que les seules limites apportées au droit d’amendement sont de nature constitutionnelle. L’article 40 définit les irrecevabilités financières, l’article 41 concerne l’irrecevabilité matérielle, lorsque l’objet d’un amendement ne relève pas du domaine de la loi, le deuxième alinéa de l’article 44 fixe une irrecevabilité procédurale, afin de protéger le droit des commissions d’étudier tout amendement avant son examen en séance publique, et le troisième alinéa de ce même article autorise le Gouvernement à solliciter un vote unique sur l’ensemble d’un texte, ce que l’on appelle communément le « vote bloqué ».

Le droit d’amendement est si large que l’on y a adjoint le droit de sous-amendement, tout aussi essentiel. D’ailleurs, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, ce dernier obéit aux mêmes règles que le premier.

Au demeurant, le Conseil constitutionnel a garanti à de très nombreuses reprises l’existence du droit d’amendement. Je pense par exemple à une décision du 3 juin 1986 par laquelle cette juridiction a précisé qu’il ne saurait être porté atteinte au droit d’amendement – cela vaut donc également pour le droit de sous-amendement – prévu par l’article 44 de la Constitution.

Il s’agit donc d’un droit constitutionnellement établi, qui, de mon point de vue, a deux composantes.

La première est le droit de présentation d’un amendement par son auteur. D’ailleurs, et cela a été souligné tout à l’heure, c’est ce qu’écrivait M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, dans son rapport sur le projet de loi organique. Il me semble donc inutile de continuer cette démonstration, qui est suffisamment parlante par elle-même.

La seconde composante est le droit de discussion et de vote en séance publique d’un amendement. Même lorsque le Gouvernement décide de recourir à la procédure de vote bloqué prévue par le deuxième alinéa de l’article 44, les amendements font l’objet d’une présentation et d’une discussion. Dans ce cas de figure, la seule différence réside dans le vote final, qui porte sur l’ensemble du texte en retenant seulement les amendements déposés ou acceptés par le Gouvernement.

Vous le voyez, le droit d’amendement est bien ancré dans notre droit public positif.

À cet égard, l’article 13 soulève, me semble-t-il, deux questions sur lesquelles je centrerai mon propos, mon collègue Pierre Fauchon intervenant tout à l’heure sur d’autres aspects de notre débat.

Premièrement, le droit d’amendement est un droit individuel. Chaque parlementaire peut déposer autant d’amendements qu’il le souhaite. Et même si l’institution d’un crédit-temps peut avoir ses partisans, peut-on appliquer une mesure collective à un droit individuel ? C’est un véritable problème.

Comme chacun peut déposer autant d’amendements qu’il le souhaite, il arrivera que des parlementaires soient empêchés de présenter ou de défendre certains de leurs amendements tout simplement parce que le temps de parole de leur groupe sera expiré, indépendamment de toute volonté d’obstruction. D’ailleurs, cette dernière notion est quelque peu difficile à définir. Où commence l’obstruction ? Au dépôt d’un seul amendement ou au dépôt de 10 000 amendements ? Vous en conviendrez, il y a un vaste éventail de possibilités entre ces deux options…

Deuxièmement, et il s’agit d’un problème très technique, supposons qu’un amendement soit appelé sans présentation ni discussion. J’indique d’ailleurs que, pour nous, il est impensable qu’un amendement ne soit pas présenté : dans notre esprit, un amendement appelé « sans discussion » fait quand même l’objet d’une présentation. Mais imaginons cependant que, faute de temps de parole, un amendement ne puisse pas être discuté. N’importe quel parlementaire appartenant à un groupe qui n’aurait pas épuisé son crédit-temps pourrait présenter un sous-amendement : nous nous retrouverions donc dans une situation où il serait interdit de discuter d’un amendement, mais pas du sous-amendement visant à le modifier ! Il y aurait là un véritable problème de constitutionnalité.

Les limites du droit d’amendement se trouvent toutes dans la Constitution, et nulle part ailleurs. Peut-on instituer une nouvelle restriction dans un texte qui ne serait pas de nature constitutionnelle ? Je souhaite connaître votre sentiment sur cette question, monsieur le secrétaire d’État.

Certes, le Conseil constitutionnel, qui sera amené à se prononcer sur le présent projet de loi organique, devra décider si le droit d’amendement s’applique dans les conditions qu’il a lui-même fixées ou si son exercice peut être modifié par une simple loi organique. Mais, en attendant, nous aimerions disposer d’une interprétation claire de l’article 13. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens également à exprimer ici mes plus vives inquiétudes, voire mon indignation, à propos du présent projet de loi organique, qui a été déposé à l’Assemblée nationale le 10 décembre 2008. Je pense particulièrement à son article 13, qui vise à limiter sévèrement le droit d’amendement des parlementaires.

D’abord, je trouve pour le moins curieux qu’un projet de loi organique oriente dans le sens de la volonté présidentielle les dispositions relevant des règlements d’assemblées souveraines. À la vérité, il s’agit – nous l’avons bien compris – d’une habilité par laquelle le Gouvernement s’emploie à corseter les « nouveaux droits » qu’il prétendait octroyer au Parlement dans le cadre de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008. C’est très certainement l’opposition qui est visée. Beaucoup de parlementaires ayant voté la révision au moment du Congrès de Versailles s’en mordent aujourd'hui les doigts ; nous avons entendu des remarques en ce sens ici même. Après tout, n’ont-ils pas été victimes des tromperies du Gouvernement ? La question est posée.

En effet, en renvoyant systématiquement aux règlements des assemblées, le projet de loi organique fait de la majorité de chaque chambre l’exécutrice des basses œuvres. Ainsi, la qualification de « textes qui [se] prêtent à une procédure d’examen simplifié », formulation qui figurait dans le projet de loi initial, laissait les coudées franches au Gouvernement pour limiter les amendements sur presque tous les textes.

Pis encore, la possibilité pour les règlements d’imposer un délai pour l’examen d’un texte, assorti d’un vote sans discussion quand il sera expiré, autrement dit le « temps-guillotine », porte atteinte à l’essence même du parlementarisme.

Monsieur le secrétaire d’État, outre la volonté de réduire l’expression de l’opposition et de tenir en laisse votre majorité, la philosophie de l’article 13 contrevient à la dimension individuelle du droit d’amendement des parlementaires. Dois-je le rappeler, aux termes de l’article 44 de la Constitution, ce sont « les membres du Parlement » qui possèdent chacun le droit d’amendement ? La nouvelle procédure fait des groupes et des commissions, donc de votre majorité, les seuls véritables cadres des débats. Elle réduit le travail parlementaire à sa dimension la plus grégaire.

Certes, le travail des commissions est essentiel. Mais au nom de quel principe devrait-il primer sur les séances publiques ? La démocratie se vit au grand jour, et pas uniquement dans des cénacles de spécialistes. Les débats publics sur les amendements permettent la libre confrontation des arguments et la transparence des choix politiques.

Vous nous parlez d’obstruction pour justifier votre dessein. N’avez-vous pas pensé qu’il y va tout simplement du respect du débat démocratique ? Les juristes de cette assemblée connaissent bien le principe du contradictoire, cette règle procédurale en vigueur devant les tribunaux qui permet à chaque partie de faire droit à ses arguments dans les mêmes conditions. Comme diraient les latinistes, « audi alteram partem » : chaque partie doit être entendue, car du débat contradictoire naissent souvent les solutions les plus équilibrées.

C’est sûrement un hasard, mais ce projet de loi organique a été déposé à l’Assemblée nationale le 10 décembre, date anniversaire de l’élection de Louis-Napoléon Bonaparte comme président de la IIe République. Voilà un président qui a berné le peuple en prétendant défendre le suffrage universel ! Lui aussi affirmait garantir les fondements de la démocratie. Mais ses propos rassurants ont été démentis avec fracas deux ans plus tard, lors de son coup d’État. Et l’on sait en quelle estime il tint son Parlement durant son règne ! Plus généralement, monsieur le secrétaire d’État, vous observerez que, au cours de l’histoire des parlements, la limitation du droit d’amendement a été la marque des régimes autoritaires.

Monsieur le secrétaire d’État, ne vous trompez pas de siècle ! Retirez l’article 13 tant qu’il est encore temps! La chambre haute à laquelle nous appartenons n’aspire pas à devenir un Sénat impérial ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Courtois.

M. Jean-Patrick Courtois. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’article 13 du projet de loi organique permet aux règlements des assemblées d’attribuer une durée programmée à certains débats législatifs.

L’objectif visé est de mieux organiser les débats, et non de réduire le temps d’examen d’un texte en séance.

L’enjeu essentiel est que le Parlement ne soit pas paralysé et incapable d’accomplir sa mission essentielle de législateur. Ainsi, quatre constats peuvent être dressés.

Premier constat, la loi organique n’impose rien. Elle ouvre simplement une voie que les assemblées pourront choisir d’emprunter ou non lors de la réforme de leur règlement respectif.

L’objet ultime du projet de loi organique est de permettre à chaque assemblée de fonctionner au mieux, conformément à ses souhaits, à ses traditions et à ses propres règles.

La Haute Assemblée ne connaît pas dans la même mesure les situations d’obstruction auxquelles l’Assemblée nationale peut être confrontée.

Chacun l’aura bien compris, le Sénat, contrairement à l’Assemblée nationale, n’a nullement l’intention d’introduire dans son règlement le temps de parole global.

Il eût sans doute été préférable que nous opérions un autre choix, car la nouvelle procédure nous aurait permis de recentrer nos débats autour des sujets fondamentaux qui engagent le destin de notre pays. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Personne ne peut aujourd’hui contester le besoin de rationalisation du travail parlementaire, en particulier des débats. Nos collègues de l’opposition l’ont d’ailleurs réclamé à plusieurs reprises lorsqu’ils étaient dans la majorité, et ils avaient raison de le faire.

Avec l’ordre du jour partagé, il nous faudra traiter en quinze jours les textes que nous discutons aujourd’hui en un mois. L’agenda parlementaire devra être beaucoup plus prévisible, faute de quoi le système tout entier risque d’être menacé de paralysie.

Il me paraît également essentiel de rendre nos débats plus concis et lisibles dans la mesure où, innovation capitale, nous discuterons en séance publique du texte issu des travaux de la commission, et non plus du texte présenté par le Gouvernement. Il ne faudrait pas que l’on assiste à une répétition du débat de commission en séance. Ce serait tout à fait dommageable.

Deuxième constat, contrairement à ce qu’ont pu marteler nos collègues de l’opposition, la procédure établissant la durée programmée des débats n’est pas antidémocratique. En effet, une telle procédure n’est pas inconnue de l’histoire institutionnelle française. Elle a été mise en œuvre à l’Assemblée nationale de 1935 à 1969.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’était pas le même système !

M. Jean-Patrick Courtois. Par ailleurs, en 2007, notre collègue Jean-Pierre Bel, président du groupe socialiste, avait lui-même suggéré d’introduire un tel dispositif dans sa proposition de loi tendant à réviser la constitution du 4 octobre 1958 afin de rééquilibrer les institutions en renforçant les pouvoirs du Parlement. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) D’ailleurs, il était même allé plus loin, en proposant que le temps global soit fixé non pas par la conférence des présidents, mais par le Gouvernement. Et j’aimerais répondre à son argument selon lequel il faudrait subordonner le recours à la réglementation du temps des débats à la suppression du troisième alinéa de l’article 49 de la Constitution, dit « 49-3 ». Depuis la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, la possibilité pour le Gouvernement d’engager sa responsabilité sur un texte a pratiquement disparu. Elle ne persiste que de manière résiduelle, en étant cantonnée à un seul texte par session.

Troisième constat, cette procédure existe dans les parlements des démocraties modernes et, au premier chef, au parlement britannique, au congrès espagnol,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce sont des régimes parlementaires !

M. Jean-Patrick Courtois. … ou encore au Parlement européen, qui ne sont pas considérés comme des mauvais exemples de démocratie.

Quatrième constat, cette procédure n’entrave pas le droit d’amendement. Les parlementaires pourront toujours déposer des amendements en commission, puis en séance. Le projet de loi organique prévoit que, si la durée programmée des travaux est achevée, les amendements seront mis au vote, quoi qu’il arrive.

Ainsi, la possibilité pour les règlements des assemblées d’introduire une durée programmée des débats est conforme à la Constitution. Elle n’est en rien antidémocratique, d’autant plus que les nouveaux articles 13 bis et 13 ter imposent expressément le respect des droits de l’opposition, ainsi que le droit d’explication de vote personnelle.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UMP votera les articles 13, 13 bis et 13 ter. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Charles Gautier. Nous voilà rassurés ! Nous étions inquiets !

M. Jean-Patrick Courtois. En effet, il ne nous appartient pas de priver l’Assemblée nationale de la possibilité de recourir, si elle le souhaite, à de telles dispositions dans le cadre des garanties fixées par la loi organique. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Pierre Bel. Je demande la parole pour un fait personnel.

M. le président. Monsieur Bel, je vous rappelle que l’article 36 du règlement du Sénat prévoit que la parole ne peut être accordée qu’en fin de séance au sénateur qui la demande pour un fait personnel.

Néanmoins, pour la clarté de nos débats et en vertu du pouvoir discrétionnaire du Président, à condition naturellement que votre intervention soit brève, je vous donne la parole.

M. Jean-Pierre Bel. Merci, monsieur le président. Il est en effet plus simple de m’autoriser à répondre immédiatement à l’interpellation de notre collègue Jean-Patrick Courtois.

Il ne faut pas me faire dire ce que je n’ai pas dit ! J’ai en effet adressé à une candidate à la dernière élection présidentielle un rapport contenant des propositions, afin qu’elle puisse choisir celles qui l’intéressaient. Ce rapport faisait état de mesures qui s’imposaient, notamment la suppression du « 49-3 » sauf pour les lois de finances, la limitation des procédures d’urgence et la suppression du vote bloqué.

Cette rénovation profonde du travail parlementaire, qui entraînait un autre équilibre, permettait d’envisager une organisation du temps de parole en conséquence.

Mais les dispositions constitutionnelles dont nous envisagions la suppression étant aujourd'hui maintenues, il est abusif, monsieur Courtois, de prétendre que mes écrits justifieraient ce que vous proposez, c’est-à-dire la limitation du droit d’amendement pour chaque parlementaire. C’est là un argument qui n’est intellectuellement pas recevable, et un excès que je tiens à dénoncer.

Mes chers collègues, nous sommes adultes et capables de comprendre la nécessité d’un rééquilibrage. Mais, en l’absence de ce dernier, vos préconisations conduisent au contraire à accentuer le déséquilibre que nous connaissons depuis longtemps. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l’article.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le secrétaire d’État, il n’est pas besoin de solliciter de manière totalement inexacte les propos de notre ami Jean-Pierre Bel, comme vous l’avez fait récemment à propos de Léon Blum, pour défendre des thèses indéfendables. Et je tiens, monsieur Courtois, à m’élever contre l’hypocrisie que je perçois dans ce débat, et qui est d’ailleurs facile à percevoir.

Monsieur le président du Sénat, vous avez affirmé à de nombreuses reprises que vous étiez attaché au droit d’amendement et qu’il était hors de question d’y porter atteinte. À l’instant, M. Mercier a dit la même chose, et, avant lui, M. le secrétaire d’État et M. Warsmann.

Alors, mes chers collègues, parlons vrai : si vous êtes attachés au droit d’amendement, …

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut le prouver !

M. Jean-Pierre Sueur. … à la possibilité – et je souscris entièrement à vos propos, monsieur Mercier – de déposer des amendements, de les présenter, …

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. C’est autre chose !

M. Jean-Pierre Sueur. … d’en discuter, …

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Indéfiniment !

M. Jean-Pierre Sueur. … d’expliquer votre vote et puis de voter, …

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bien sûr !

M. Jean-Pierre Sueur. … ce droit est de toute évidence contradictoire avec l’article 13. (M. le rapporteur proteste.)

M. Jean-Pierre Sueur. Je dis bien que c’est contradictoire !

Pour ma part, comme j’ai eu l’occasion de l’indiquer lors des réunions du groupe de travail que vous avez bien voulu organiser, monsieur le président, si nous voulons faire preuve de logique, de clarté d’esprit et réagir avec évidence, on ne peut, d’une part, affirmer que nous pourrons défendre les amendements, en discuter, que c’est un droit individuel permettant à chacun de s’exprimer, et, d’autre part, dire que, à partir d’un certain moment, le débat sera terminé, que nous ne discuterons plus ni des articles ni des amendements, et que nous voterons dans le silence !

Si quelqu’un peut m’expliquer, ce soir, où est la cohérence entre ces deux affirmations, je lui en serai très reconnaissant.

Si personne ne le peut, et personne ne l’a fait,…

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. M. Courtois l’a expliqué !

M. Jean-Pierre Sueur. … alors, il ne faut pas voter l’article 13.

Et, de grâce, ne nous réfugions pas dans les petits arrangements en déclarant, comme M. Courtois : le problème se pose pour l’Assemblée nationale, certes, mais – rassurez-vous, mes chers collègues – pas pour le Sénat! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat rit.)

Non ! Le Sénat vote la loi, qui s’applique à l’ensemble du Parlement et vaudra à l’avenir pour tous les parlements, ainsi que pour tous les gouvernements. Nous, sénateurs, sommes donc dépositaires de ce droit de nous exprimer, de ce droit d’amendement si précieux.

Mes chers collègues, si nous voulons que le Parlement soit le lieu où nous parlons de ce qui se passe dans la société, des souffrances des hommes et des femmes, des luttes sociales, des problèmes éthiques, des convictions, de tous les sujets qui ont fait l’objet des grands débats parlementaires au cours des trois dernières décennies, voire davantage, il faut que nous votions tous ensemble contre l’article 13.

Mais aucun argument ne peut justifier, si ce n’est au prix de contorsions que je qualifierai clairement d’hypocrites, de se déclarer pour le droit d’amendement tel que nous l’avons tous ensemble défini et vécu, tout en votant par ailleurs l’article 13. Ce n’est pas du tout cohérent ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin.

M. Yannick Bodin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais dénoncer une incohérence majeure de la période que nous venons de vivre.

Au mois de juillet dernier, nous avons été convoqués en Congrès à Versailles, en vue de réviser la Constitution.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est généralement ce que l’on fait à Versailles !

M. Yannick Bodin. L’objectif affiché par le Président de la République, le Premier ministre, son gouvernement et sa majorité, était de renforcer les droits du Parlement. C’était naturellement tentant !

Pourtant, nous étions un certain nombre à nous montrer méfiants. Aujourd'hui, la démonstration est faite que nous avions raison.

En effet, comment faire confiance au président du pouvoir d’achat et du « travailler plus pour gagner plus » et croire qu’il suffit de réviser la Constitution pour renforcer les pouvoirs du Parlement, quand, au retour de Versailles, se dresse au coin d’un bois un projet de loi organique qui, sous couvert de renforcer les droits du Parlement, nous invite à nous taire, après nous avoir octroyé un temps de parole limité tout de même ?

L’article 13 du projet de loi organique, en contradiction flagrante avec les principes énoncés lors de l’examen du projet de loi de révision constitutionnelle tant à l’Assemblée nationale et au Sénat qu’au Congrès de Versailles, apporte à lui seul la démonstration que le discours d’alors était un leurre.

M. le président du Sénat estime que le droit d’amendement est un droit « consubstantiel » au statut des parlementaires : c’est le droit de s’exprimer, de défendre une idée nouvelle et d’essayer de la faire partager.

On a même entendu affirmer par certains que le droit d’amendement était « sacré » pour les parlementaires. Mais les défenseurs de l’article 13 disent en substance : « le droit d’amendement est sacré, mais nous avons droit au sacrilège » !

Certes, monsieur le président, lors des réunions du groupe de travail sur la révision constitutionnelle et la réforme du règlement, nous avons entendu des propos à même de nous rassurer quant au règlement intérieur du Sénat applicable à partir du mois de mars. Mais de quelles garanties disposons-nous pour l’avenir, que ce soit d’ici à quelques mois ou à quelques années ?

Déclarer que l’Assemblée nationale peut s’organiser comme elle l’entend et que le Sénat peut faire ce qu’il veut, c’est oublier que les droits et les devoirs des députés et des sénateurs doivent être identiques et traités de la même façon.

Les évolutions à l’Assemblée nationale nous préoccupent autant que celles du Sénat. Dans cette optique, globaliser le temps de parole à l’Assemblée nationale ou au Sénat reviendrait à bafouer le droit d’amendement des parlementaires, tant au niveau des groupes qu’à titre individuel.

Supposons que le temps de parole accordé à un groupe soit épuisé après l’examen de son amendement n° 100 et que l’un de ses membres intervienne au motif que, ayant déposé l’amendement n° 101 et ne s’étant pas encore exprimé, il estime devoir bénéficier du droit que lui confère la Constitution de défendre son texte et de le faire voter : comment appliquer alors un tel règlement pour respecter le droit individuel et inaliénable de ce parlementaire ?

Je le dis résolument, il faut supprimer purement et simplement l’article 13, que vous allez traîner comme un boulet au pied.

À l’occasion de cet article 13, j’ai entendu les intervenants précédents se référer aux périodes de l’histoire où la démocratie était la plus malmenée. Je serais particulièrement peiné, comme nombre de mes collègues, de faire partie d’une assemblée à une époque où le Parlement n’a que le droit de se taire ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

(M. Roger Romani remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani

vice-président

M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot.

M. Claude Jeannerot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nombre de mes collègues l’ont dit avec éloquence et conviction, l’article 13 visant à fixer par avance la durée d’examen des textes n’est pas acceptable.

Mais revenons aux attendus proposés. L’exposé des motifs du présent projet de loi organique évoque l’objectif de renforcer l’efficacité du travail parlementaire pour améliorer la qualité de la loi. Cet objectif, nous le partageons évidemment, et c’est bien pourquoi nous récusons les dispositions proposées qui nous paraissent précisément contraires à celui-ci.

Le travail législatif exige réflexion, confrontation, échange. Il a besoin de temps et de distance. Ce n’est pas une tâche comme les autres. L’encadrer conduirait à coup sûr à nuire à sa qualité et à son efficacité et, par voie de conséquence à renforcer ce que nous connaissons déjà aujourd’hui, à savoir le caractère d’urgence de quasiment tous les textes. Le résultat serait donc pis que la situation actuelle.

Convenez-en, le fonctionnement d’aujourd’hui est loin d’être satisfaisant. Nous assistons déjà à une inflation législative forte. Le temps des annonces est de plus en plus rapide, au rythme d’une conjoncture elle-même de plus en plus folle.

Le temps parlementaire doit-il en être le reflet ? Sûrement pas ! La frénésie législative dans laquelle nous vivons actuellement conduit déjà à un déferlement de textes.

Pourtant, ce déferlement, présenté comme une nécessité d’agir vite, n’est pas synonyme d’efficacité. Jugez-en au résultat : pour l’année 2007-2008, le taux moyen de mise en œuvre des textes est de 24,6 % ! On veut contraindre les parlementaires à aller vite, alors que le pouvoir réglementaire prend tout son temps. Aujourd’hui déjà, on marche à l’envers !

Mes chers collègues, en résumé, une seule raison justifie notre opposition. Cette raison est décisive : en réintroduisant la notion de temps global pour la discussion des textes, le Gouvernement remet en cause le pouvoir d’amender, c’est-à-dire de proposer une modification de la loi et d’en discuter devant l’opinion publique.

Y renoncer – de nombreux collègues se sont exprimés sur ce thème –, c’est revenir au Tribunat du premier Empire, qui approuvait les lois sans les discuter.

Le droit d’amendement des parlementaires n’est pas moins essentiel, il n’est pas moins sacré que la liberté d’expression des citoyens. Ces deux principes s’appellent et se complètent réciproquement. Attenter à l’un, c’est attenter à l’autre ! En d’autres termes, le droit d’amendement est par nature sans limite, absolu.

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C’est faux !

M. Claude Jeannerot. C’est précisément pour cette raison qu’il permet d’améliorer les textes.

Mes chers collègues, référez-vous à l’expérience sénatoriale. Voyez comment s’est passé le débat sur le Grenelle de l’environnement. Nos discussions ont été de qualité précisément parce qu’elles étaient totalement libres et ouvertes.

A contrario, nous avons gardé le souvenir des conditions d’examen au Sénat du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de télévision. Ces conditions sont emblématiques de la volonté d’un pouvoir pressé et impatient de mettre en œuvre des réformes avant même qu’elles ne soient votées. Nous ne voulons plus de cela, mes chers collègues !

Nous avons le devoir de nous opposer au bâillonnement des parlementaires. Nous voulons imposer le temps des parlementaires, qui est celui de la libre confrontation, de l’analyse, de la contre-expertise, c’est-à-dire, en définitive, le temps de la démocratie ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier.

Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le secrétaire d'État, au travers de l’article 13, vous vous attaquez à la liberté de parole de l’opposition. Que vous la baptisiez « temps programmé » ou « rationalisation des débats », cette modification constitutionnelle vise à instituer le pouvoir de faire taire celui qui n’est pas d’accord avec vous !

Le pire est que rien ne justifie une telle remise en cause des droits de l’opposition. Depuis que Nicolas Sarkozy est élu, une nouvelle loi est votée tous les dix jours : c’est du jamais vu !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais si !

Mme Raymonde Le Texier. Ce que vous appelez « obstruction » n’est, dans les faits, qu’une mobilisation de l’opposition pour porter un débat. Chacun le sait, une telle mobilisation n’a jamais empêché l’adoption d’un texte.

Êtes-vous à ce point faibles et peu sûrs de vous pour vouloir, en plus de la maîtrise de la décision, le contrôle de la parole ?

Si ce qui motive ce projet de loi est, en revanche, le constat d’une production législative dont la profusion se fait au détriment de la qualité, si ce qui vous anime est le ras-le-bol face à des lois inappliquées parce qu’inapplicables, si vous êtes exaspérés de constater que le taux d’application des lois votées en urgence en 2007-2008 ne dépasse pas 10 % et que seules 55 % des mesures votées en 2006-2007 sont effectives, si vous refusez de continuer à traduire chaque fait divers en loi compassionnelle, alors il faut vous en prendre non pas à l’opposition, mais à la frénésie législative d’un Président de la République qui confond gesticulation et action, et réduit sa majorité au rang d’exécutants !

Que le Président de la République ne réussisse pas à prendre les dimensions de sa charge et vive comme une agression personnelle le fait que l’opposition porte des valeurs différentes, des convictions fortes et une parole autre serait risible si ce n’était pas aussi pathétique et dangereux.

Avoir réduit ses ministres au rang d’attachés de presse, évaluer leur compétence à leur dextérité à manier l’encensoir et leur avenir à la souplesse de leur échine ne lui suffit donc plus : il lui faut également museler l’opposition puisqu’elle a l’outrecuidance de vouloir jouer son rôle.

C’est finalement un hommage involontaire qui nous est rendu, car cette attaque démontre que, au Parlement, l’opposition travaille et dérange. En effet, loin d’être le fruit de l’obstruction, les débats qui mobilisent l’énergie des parlementaires et qui prennent du temps rencontrent toujours un écho fort dans la société, tant ils correspondent à des attentes ou à des craintes profondes et tant ils interrogent sur notre devenir ou interpellent nos principes. École obligatoire, abolition de l’esclavage, laïcité, IVG, peine de mort, PACS : tous ces débats ont été riches, difficiles, houleux, non parce qu’ils étaient instrumentalisés, mais parce qu’ils interpellaient nos consciences.

Monsieur le secrétaire d'État, le 10 février dernier, dans votre intervention lors de la discussion générale, vous avez volontairement occulté tout cela. Selon vous, l’article 13 dont nous abordons l’examen ne posait pas de problème au sein du Sénat, raison pour laquelle vous nous exhortiez à le voter tel quel, le président de notre assemblée s’engageant à ne pas le mettre en pratique dans le règlement.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Je n’ai pas dit ça !

Mme Raymonde Le Texier. Notre collègue Bernard Frimat vous a fait alors remarquer que, si vous ne comptiez pas appliquer cette disposition, il était inutile de nous demander de la voter.

Il est vrai que les promesses n’engageant que ceux qui les écoutent, vous aviez beau jeu de nous demander de nous dessaisir d’une garantie constitutionnelle et de nous contenter d’un règlement amendable à volonté et reposant sur l’engagement personnel de l’actuel président du Sénat.

Non, nous ne nous dessaisirons pas de notre droit à débattre et à discuter des amendements, car c’est à l’aune de la garantie des droits accordés à l’opposition que se juge la qualité d’une démocratie ! Si le Gouvernement a oublié cette exigence, c’est à nous qu’il revient de lui rappeler sans cesse !

C’est pourquoi nous nous opposerons de toutes nos forces à cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous vivons sous la constitution de 1958, qui a limité considérablement les droits du Parlement. Ce texte fondamental manifestait d’ailleurs une grande défiance à l’égard des parlementaires.

L’article 34 de la Constitution ne fait-il pas de la loi un domaine résiduel laissé aux parlementaires, tout le reste étant du domaine du décret ?

Et, dans ce domaine résiduel, on souhaite encore restreindre notre possibilité de prendre la parole, de débattre, d’apporter une contradiction sur les textes qui nous sont présentés ! Telle est la situation dans laquelle nous sommes !

En faculté de droit, j’avais des cours magistraux et des travaux dirigés ; ni le rapporteur, ni le secrétaire d'État, ni personne ne répondant aux questions pratiques que je pose, je vais à nouveau les présenter.

Comment sera comptabilisé le temps global ? Les suspensions de séance en feront-elles partie ou seront-elles défalquées au fur et à mesure qu’il y en aura ? Monsieur le secrétaire d'État, pourriez-vous répondre à cette question ?

Par ailleurs, comment seront comptabilisés les rappels au règlement ? Faudra-t-il restreindre leur usage ? Dans ce cas, bien entendu, l’opposition aura intérêt à faire de l’obstruction parlementaire pour allonger les débats indéfiniment et, quelquefois, sans raison. L’objectif que vous visez ne sera donc pas atteint.

Comment les services de la séance et les groupes eux-mêmes pourront-ils connaître le temps qu’il restera ? Installerons-nous des écrans électroniques géants pour décompter le temps imparti afin que les responsables de chaque groupe et les parlementaires puissent se concerter avant de décider d’appuyer tel ou tel amendement ou d’avancer plus vite jusqu’à un amendement plus lointain dans le texte, mais risquant, au final, de se faire guillotiner ?

Monsieur le secrétaire d'État, vous haussez les épaules et, s’agissant de ces questions intéressantes qui relèvent de l’application pratique de nos débats, peu vous chaut : on se débrouillera, dites-vous ! Mais vous ne serez peut-être plus là pour le voir, puisque vous serez président de région, …paraît-il ! (M. le secrétaire d'État s’esclaffe.)

M. Josselin de Rohan. Karoutchi président ! Bravo ! (Sourires sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Pierre Michel. Mme Pécresse étant hors-jeu, il ne reste plus que M. le secrétaire d'État !

De plus, comment chaque groupe pourra-t-il anticiper sur la séance ? Le texte qui nous occupe cet après-midi est un peu spécial, mais prenons une séance d’amendements ordinaire, sur un texte normal, par exemple la séance de mercredi dernier, au cours de laquelle nous avons discuté d’une proposition de loi relative à l’exécution des décisions de justice et aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées.

L’examen de certains articles nous a pris plus de temps que ce que nous escomptions quand d’autres articles ont été examinés plus rapidement que prévu. Finalement, nous avons passé l’après-midi à discuter de ce texte, alors que certains d’entre nous pensaient qu’une heure ou deux de débat suffiraient !

Eh bien non, nous avons débattu de questions importantes ! Chacun a eu le droit de donner son avis et, au final, l’adoption de certains amendements par la majorité ne s’est jouée qu’à une voix !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Celle du président !

M. Jean-Pierre Michel. Tout à fait ! Celle du président, qui, contre toute attente et contre toute pratique, a voté !

M. Jean-Louis Carrère. À l’insu de son plein gré ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Michel. J’ai présidé deux fois l’Assemblée nationale et je ne me suis jamais permis de voter, même quand la gauche était en très grande difficulté à la suite de l’obstruction pratiquée par la droite à l’époque !

Que dire également des non-inscrits – pauvres non-inscrits ! – ou de ceux qui, n’étant pas sanctionnés, agissent en francs-tireurs au sein de leur groupe, n’acceptent pas la discipline collective et déposent des amendements à titre individuel ? On nous répond qu’il reviendra à chaque groupe de faire sa discipline. Les présidents de groupe doivent-ils donc se transformer en surveillants généraux de potaches ? Je ne le pense pas !

Les amendements de ces parlementaires seront-ils comptabilisés dans le temps des groupes si ces derniers ne le désirent pas ? Certes, il y aura un temps supplémentaire.

Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, comme notre collègue Michel Mercier l’a fort opportunément relevé, il est possible à l’heure actuelle de déposer des sous-amendements. Mais nous ne pourrons plus nous livrer à cette pratique si les amendements sont appelés sans être discutés : c’est donc tout le droit parlementaire qui s’effondrera !

En réalité, l’enjeu de l’article 13 est beaucoup plus grave que tout ce qu’on a bien voulu nous faire croire puisqu’il revient à museler le temps de parole de l’opposition. Cet article fait tomber tout un pan du droit parlementaire patiemment établi par la règle constitutionnelle et par la pratique des présidents de séance, des bureaux des assemblées et des groupes politiques parlementaires. Le tout, pour un résultat qui n’est pas à l’honneur de la démocratie ni du Gouvernement, monsieur le secrétaire d'État, un résultat que vous défendez mollement, sans le soutenir. (M. le secrétaire d'État s’esclaffe.) M. le rapporteur n’ose même pas en parler, car ce serait grossier.

On nous dit que ce texte passera comme une lettre à la poste : eh bien non, ce ne sera pas le cas, y compris au Sénat ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin.

M. Martial Bourquin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, je souhaite intervenir brièvement sur l’article 13 pour vous faire part de mon opinion de parlementaire nouvellement élu.

Si je ne maîtrise pas encore totalement toutes les subtilités du droit parlementaire, je me rappelle en revanche très bien le mandat qui m’a été confié par les grands électeurs, voilà maintenant six mois : ils m’ont demandé de défendre des convictions, d’avancer des propositions concrètes chaque fois que cela est possible et de relayer parfois devant la Haute Assemblée des situations spécifiques.

Or le droit d’amendement est l’un des moyens de mener à bien le mandat qui m’a été confié. Il me paraît donc véritablement anormal qu’il soit réduit à la portion congrue.

Amender, mes chers collègues, n’est pas un simple droit d’expression ; amender, c’est proposer ; amender, c’est instaurer un dialogue entre une majorité ouverte et une opposition responsable ; amender, c’est offrir une occasion d’unité nationale d’où peuvent naître des compromis ; amender, c’est discuter en amont des spécificités locales, des cas particuliers, et non les régler à coup de jurisprudence.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bien sûr !

M. Martial Bourquin. Amender est un espace de convictions, et donc de démocratie.

Au fur et à mesure des séances auxquelles j’ai pu assister, j’ai été frappé de constater qu’il pouvait naître beaucoup plus de la discussion d’un amendement qu’un simple avis couperet, adopté ou rejeté. D’un amendement, surgit parfois une étude ou un groupe de travail.

J’ai été frappé que la discussion d’un amendement mette très souvent à jour des difficultés d’application futures d’une loi et soit un instrument précieux d’efficacité législative.

Le groupe socialiste ne défend pas l’obstruction parlementaire.

M. Josselin de Rohan. Non ! Il ne l’a jamais pratiquée ! (Sourires.)

M. Martial Bourquin. Pour preuve, il entend limiter la possibilité de disposer d’un temps plus long de discussion au cours d’une session. Les socialistes savent bien que la majorité actuelle, quand elle sera dans l’opposition – cela arrivera ! – et comme elle a su le faire dans le passé, usera de toutes les possibilités pour défendre ses convictions. J’ai, pour ma part, toujours préféré la force de l’argument à l’argument de la force.

Notre très illustre prédécesseur Victor-Hugo mettait cette formule dans la bouche de l’un des héros des Misérables : « Rien n’est stupide comme vaincre ; la vraie gloire est convaincre. » Car, après tout, qu’a-t-on à craindre de la discussion d’un amendement ? De quoi le Gouvernement a-t-il donc si peur ? Craignez-vous seulement de perdre du temps, ou craignez-vous d’être convaincus de la pertinence de telle ou telle argumentation ?

Monsieur le secrétaire d’État, bon nombre de nos concitoyens vivent des moments difficiles et l’engagement de tous est requis. Or vous restreignez les postes dans la fonction publique : des milliers de postes sont supprimés dans l’éducation nationale et l’administration et vous effectuez des coupes sévères dans les budgets. Aujourd’hui, on nous propose une autre version de la RGPP : la révision générale des pouvoirs des parlementaires !

Effectivement, mes chers collègues, nous sommes en crise ! Mais la parole et la vitalité de la démocratie ne doivent pas s’inscrire dans une démarche comptable ; plus la démocratie est forte, plus elle prend le temps de s’exprimer et mieux notre société se porte ! Notre assemblée ne doit pas faire l’économie du temps de la démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Jacques Mézard applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi de vous rappeler qu’en première lecture du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République, nous avions supprimé, à l’unanimité, le renvoi à la loi organique la fixation du cadre d’exercice du droit d’amendement des parlementaires.

Voici la teneur des propos tenus par le président de notre commission des lois, lors de ce débat : « La référence faite ici à la loi organique limite la compétence de principe que la Constitution reconnaît aux règlements des assemblées et contredit l’autonomie des assemblées pour fixer les modalités d’exercice du droit d’amendement. Aussi, nous proposons de supprimer cette référence ».

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est vrai !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Tout est dit : la fixation de limites au droit d’amendement contredit l’autonomie des assemblées et porte un coup intolérable à notre droit sacré de parlementaires de déposer et défendre des amendements.

Finalement, le constituant a maintenu le renvoi à la loi organique et les limitations possibles du droit d’amendement qui lui sont attachés. Peu importe quelle forme prend aujourd’hui cette limitation, qu’elle porte plutôt sur le droit de défendre des amendements que sur celui de les déposer, qu’elle se manifeste par un crédit-temps ou par toute autre formule : avec cet article 13, le droit d’amendement devient une chimère !

Les conclusions du groupe de travail sur la réforme du règlement, dont nous sommes ici plusieurs à faire partie, peuvent laisser penser que nous ne sommes pas concernés par ce crédit-temps. Il s’agirait là, en réalité, d’une mesure disciplinaire à l’égard de députés avides de défendre, à tour de bras, des amendements sans réelle portée pour le débat. J’entends encore ces propos selon lesquels nous ferions beaucoup de bruit pour rien au sujet de cet article 13, puisque le règlement du Sénat pourra prévoir ce qu’il veut, dans la mesure où la loi organique le lui permet…

Mais je vous rappelle, mes chers collègues, que nous faisons la loi pour l’ensemble du Parlement. Alors, pourquoi cette loi organique ? Pour dire que, finalement, il n’y a pas de limite au droit d’amendement ? Certainement pas ! Pour dire qu’il peut, éventuellement, rencontrer des limites dans le cadre fixé par le règlement ? Évidemment, oui ! Et de cette éventualité découle un certain nombre de conséquences qui peuvent mener au musellement des parlementaires, condamnés à voir leurs amendements mis aux voix sans discussion.

Ce procédé est malsain puisqu’il impose une discipline interne, des arbitrages entre des amendements, bref, il oblige à faire un choix.

La première conséquence est simple : il n’y aura plus d’amendements de parlementaires, mais des amendements de groupes parlementaires, puisque c’est au sein de ces groupes que sera centralisée la gestion du crédit-temps.

Ensuite, je souhaite attirer votre attention sur la situation des parlementaires qui, bien que rattachés à un groupe, n’en demeurent pas moins autonomes pour le dépôt et la défense des amendements. Aujourd’hui, les sénateurs Verts jouissent dans ce domaine d’une liberté précieuse que vous voulez transformer en dépendance arithmétique malsaine ! Il faut le reconnaître, grâce au groupe socialiste et à notre mode de fonctionnement, nous avons toujours eu la possibilité de nous exprimer en discussion générale. Mais que se passera-t-il demain, avec votre nouveau dispositif, pour la défense des amendements ? Les sénateurs Verts, qui ne constituent pas un groupe mais sont seulement rattachés au groupe socialiste, seront-ils considérés comme des membres de ce groupe ou un temps spécifique leur sera-t-il accordé ?

Le dispositif que vous nous proposez de voter est une atteinte à notre droit absolu de nous opposer, de nous exprimer et de défendre nos idées dans cet hémicycle ! Ce dispositif est castrateur et vous comprendrez que nous ne puissions pas l’accepter. Au nom de notre droit, au nom de notre responsabilité de parlementaires, nous affirmons que ce système représente un danger, pour notre démocratie parlementaire et pour notre République tout entière ! C’est la raison pour laquelle nous ne pourrons pas voter cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il me semble important d’intervenir aujourd’hui sur l’article 13 du projet de loi organique. Certes, on nous dit que son objet n’intéressera pas le Sénat, puisqu’il est prévu que cette disposition ne s’appliquera pas à notre chambre. Doit-on pour autant laisser passer sans rien dire un article dont le contenu même est une insulte au travail parlementaire ?

Le droit d’amendement constitue l’une des prérogatives essentielles de la fonction de parlementaire, que nous soyons députés ou sénateurs. L’article 13, qui prévoit une limitation des débats dans le temps, présuppose donc que l’on ne pourra plus discuter certains amendements une fois ce délai dépassé. Il s’agit donc bel et bien d’une atteinte au droit d’amendement, contraire à l’esprit de notre Constitution. Nous ne pouvons que nous élever contre une attaque constituant une remise en cause du rôle du Parlement.

On justifie cette disposition par la nécessité de ne pas retarder le travail gouvernemental. Cette explication, apparemment simple et légitime, ne saurait résister à l’épreuve des faits et je ne puis que m’élever contre une telle mauvaise foi. Plusieurs rapports ont souligné que notre droit devient de plus en plus « bavard » à mesure qu’il tend à intervenir sur un nombre croissant de sujets. Cette inflation législative, dangereuse pour la loi dont elle mine le pouvoir, est le véritable frein à l’action gouvernementale.

Votre gouvernement, monsieur le secrétaire d’État, tend à vouloir légiférer rapidement dans tous les domaines. On voit donc se multiplier des textes mal ficelés, sans étude d’impact préalable. Le vrai frein à une action efficace résulte de cette précipitation qui frise l’agitation pathologique, sous couvert de réformes.

Pire, nous sommes bien placés pour savoir que la plupart des lois votées ne sont pas applicables, faute d’une publication rapide de leurs décrets d’application. On multiplie donc des textes de qualité médiocre, sans les appliquer ensuite, et l’on voudrait nous faire croire que le Parlement, dont le rôle n’est pas d’enregistrer les décisions de l’exécutif mais bien de les discuter, est responsable de cette situation calamiteuse ! De qui se moque-t-on ?

Enfin, alors qu’une révision de la Constitution a été entreprise l’année passée pour reconnaître un rôle plus important au Parlement, voici qu’un texte censé mettre en application cette révision tâche de limiter le droit d’amendement, donc le droit du Parlement. Il y a donc une contradiction majeure, et inacceptable, entre l’esprit de la révision constitutionnelle et ce projet de loi organique. Bien des parlementaires de la majorité auraient sans doute refusé de voter la révision constitutionnelle s’il leur avait été annoncé qu’elle aboutirait à cet article 13 !

Après toutes les atteintes aux libertés publiques, après tous ces textes liberticides fondés sur des réactions émotionnelles et non sur l’intérêt général, vous vous attaquez maintenant à un droit consubstantiel à la fonction de parlementaire !

Cet article 13 est un déni de démocratie puisque le droit d’amendement du parlementaire est la manifestation, voire le prolongement, de la liberté d’expression du citoyen. Nous sommes les dépositaires de ce droit démocratique que le citoyen remet entre nos mains. Je m’adresse donc à mes collègues de la majorité : refusons ensemble cette régression démocratique ! C’est la raison pour laquelle je vous demande, mes chers collègues, de voter unanimement pour la suppression de cet article 13. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon.

M. Pierre Fauchon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avec cet article 13, nous voici donc arrivés au point crucial de notre débat.

Point crucial pour des raisons bien différentes, puisqu’elles opposent ceux, dont nous sommes, qui ont voté la révision constitutionnelle et cherchent résolument la voie d’une rénovation parlementaire, à ceux qui, ne l’ayant pas votée, ne voient guère d’inconvénient à la poursuite des errements actuels parce qu’ils n’en imaginent guère d’autres ! Ou peut-être parce qu’ils peinent à surmonter leur regret d’avoir rejeté une réforme qui, en fait, répondait souvent à leurs attentes… (Très bien ! sur les travées de lUMP.)

Mme Bariza Khiari. Certainement pas !

M. Pierre Fauchon. Peut-être aussi, enfin, parce qu’ils ne sont pas suffisamment associés au fonctionnement de nos assemblées pour en souhaiter l’amélioration. À cet égard, je souscris à certaines des réflexions formulées par M. Bel.

Cependant, cette rénovation – avouons-le, chers amis – relève de l’intérêt général ! Je me plais à citer ici notre collègue Jean-Pierre Michel, que j’ai entendu dire, la semaine dernière : « La seule question qui vaille, c’est bien celle de la revalorisation de nos travaux ! » Qui ne souscrit à ce souhait ? Mais revaloriser suppose de changer quelque chose, figurez-vous !

M. Jean-Pierre Michel. Supprimer la procédure d’urgence, par exemple !

M. Pierre Fauchon. Qui, dès lors, n’est pas conscient de la nécessité de mesures fortement incitatives pour que cette revalorisation soit effective ?

Sans doute serait-il infiniment préférable que ces mesures soient arrêtées dans le cadre de chaque assemblée, en fonction de son caractère propre et dans un consensus aussi large que possible – le Sénat est d’ores et déjà bien engagé dans cette voie. Mais enfin, nous légiférons pour l’ensemble du Parlement et pour un avenir dont la connaissance nous échappe.

Les habitudes étant ce qu’elles sont, il faut bien évidemment des incitations fortes, et c’est le rôle que peut jouer l’article 13 en prévoyant, comme ultime recours – d’ailleurs facultatif –, la limitation globale du temps d’un débat, limitation pouvant comporter des « rallonges », lorsque celles-ci seraient justifiées. On oublie un peu tous ces détails et on caricature ainsi le projet de loi !

N’est-ce pas une sage mesure, comme le rappelait tout à l’heure mon ami Jean-Patrick Courtois ? D’autant plus sage que sa mise en œuvre éventuelle se traduirait par un crédit de temps réparti proportionnellement entre les groupes politiques. Personnellement, j’y vois un progrès, car ces groupes se trouveraient, du même coup, associés à une gestion responsable du débat, privilégiant les points réellement significatifs de celui-ci et réduisant la part faite aux manœuvres et discours qui l’encombrent trop souvent et qui font que le débat parlementaire, détourné de sa légitime raison d’être pour la satisfaction de quelques-uns – dont je suis parfois, je l’avoue ! – a cessé d’intéresser nos concitoyens. Il a en effet cessé d’être le forum majeur de notre vie publique, au profit des multiples débats offerts par les moyens de communications modernes : télévision, radio, réseau internet. Telle est la réalité, mes chers collègues !

Pour autant, pouvons-nous ignorer le risque que, les groupes organisant le débat à leur convenance, le point de vue particulier de tel ou tel parlementaire soit privé de toute possibilité d’expression ? Or il s’agit bien d’un droit élémentaire – on l’a qualifié d’inaliénable, mais il n’est pas question de le vendre ! Cela me conduit à une seconde réflexion visant la formule passablement lapidaire selon laquelle, après expiration du temps global, les amendements pourraient être « mis aux voix sans discussion ». Je ne peux m’empêcher de penser au « sans dot ! » de Molière ! (Sourires.)

Je n’oublie pas – mais presque tous l’oublient – que la révision constitutionnelle prévoit que tout amendement est aussi examiné en commission. Nous ne sommes pas assurés cependant que cet examen présente toutes les garanties souhaitables. En particulier, parce que tous les sénateurs ne sont pas présents en commission…

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Pas plus en séance publique !

M. Pierre Fauchon. Il faut donc prévoir un dispositif de sécurité qui empêche que la discussion des amendements, en fin de séance, soit expédiée d’une manière excessivement sommaire, c’est-à-dire plus ou moins escamotée. On n’a pas tort de s’en inquiéter ! Il faudrait, à tout le moins, que tout amendement soit présenté, entraînant automatiquement l’exposé de l’avis de la commission et de celui du Gouvernement. C’est un minimum. Il m’a d’ailleurs semblé que cette analyse n’était pas très éloignée de celle qu’a développée tout à l’heure notre collègue Bernard Frimat.

Dans mon esprit et – sauf erreur – dans la langue française usuelle, la discussion n’englobe pas la présentation d’un texte, qui n’en est que le point de départ. Elle commence après cette présentation.

Si le Gouvernement – auquel je m’adresse à travers vous, monsieur le secrétaire d’État –, auteur du texte, souscrit clairement à mon interprétation, l’ensemble des membres de mon groupe se tiendront pour satisfaits, car l’efficacité nécessaire de la mesure comportera dès lors un correctif légitime et acceptable, la présentation de l’amendement suivie de l’avis de la commission et de celui du Gouvernement, qui ne devrait pas alourdir excessivement le temps consacré à l’examen du texte.

Telle est la question que je me permets de vous poser, monsieur le secrétaire d’État, en mon nom et en celui de la plupart des collègues de mon groupe.

À défaut de réponse de votre part, nous serions obligés de faire valoir notre point de vue par la voie d’un sous-amendement et, bien entendu, de nous interroger sur notre vote final. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca.

Mme Catherine Tasca. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nombre de bonnes raisons de ne pas voter l’article 13 ont été évoquées ici.

On aurait aimé faire crédit aux auteurs de ce projet de loi d’une ambition de moderniser notre Parlement, de rendre ses débats plus efficaces et plus intelligibles pour l’ensemble de nos concitoyens, ce qui doit être notre préoccupation constante.

Or, si notre Parlement est un, les parlementaires, qui sont ici par la volonté des électeurs, représentent toute la diversité des opinions de notre pays. Chaque loi, qui s’impose à tous, doit tout au long de son élaboration tenir compte de cette diversité, rendre compte de la réalité des débats qui engagent la responsabilité de nos groupes et de chaque parlementaire.

C’est pourquoi le droit d’amendement est, comme l’a dit M. le président du Sénat, « consubstantiel » aux droits du Parlement. Vouloir contraindre ce droit, le limiter sous le fallacieux prétexte d’un risque d’abus du temps de parole, c’est de fait refuser l’expression de notre diversité, c’est stériliser a priori le travail législatif.

La définition d’un temps global n’est certainement pas la réponse aux attentes que nous partageons d’un meilleur travail parlementaire. La vraie réponse serait une autre méthode de gouvernement, respectueuse de la séparation des pouvoirs, précédant la présentation des projets de loi d’une sincère et véritable concertation avec les citoyens, les partis, les associations, les syndicats et toutes les forces vives de la société. C’est à ce prix, mes chers collègues, que nous aurions de bons débats parlementaires.

Or, nous le constatons chaque jour, ce n’est pas la manière d’agir de ce gouvernement et moins encore du Président de la République. Aux nombreux passages en force qu’il tente d’imposer par des annonces imprévues et imprévisibles : suppression de la publicité sur la télévision publique, suppression du juge d’instruction, suppression de la taxe professionnelle, il veut maintenant ajouter cet article 13, qui ampute gravement l’expression parlementaire.

Le droit d’amendement n’est pas un privilège des parlementaires. Il est pour nos concitoyens une des garanties du pluralisme. Il est donc un droit dont nous sommes les garants et c’est ce qu’exprimera notre vote contre l’article 13. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux.

Mme Odette Herviaux. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, sur cet enjeu du temps des débats législatifs, il convient de dépasser les affichages et les promesses, qui ont pour unique objectif, me semble-t-il, de diviser le Parlement en opposant le fonctionnement de l’Assemblée nationale et celui du Sénat.

La vraie question, mes chers collègues, est celle de notre conception du travail parlementaire.

Depuis de trop nombreuses années, et de façon encore plus criante depuis la dernière élection présidentielle, le Parlement est réduit à une chambre d’enregistrement, sous la pression permanente d’un exécutif agité d’une frénésie législative et réglementaire. De là naît le cercle vicieux que l’article 13 tend à concrétiser : quand on attend du Parlement une adoption express de textes qui se succèdent à une vitesse effrénée, il serait sûrement dangereux de lui laisser trop de temps pour débattre.

À travers un dispositif intellectuellement et politiquement coercitif, cet article 13 méconnaît et rejette dans les oubliettes de l’Histoire certaines vérités qui sont le fondement de notre pacte républicain : la rationalisation n’a jamais été synonyme de rationnement, ni l’urgence de précipitation.

Sans vouloir ignorer les difficultés que traverse notre société, il semble pourtant que non seulement l’immédiateté de la réponse politique est une illusion, qui ferait croire que pour chaque problème il existe une solution miracle disponible dans l’instant, mais qu’également elle peut à long terme remettre en cause la crédibilité même du pouvoir politique.

En effet, la première responsabilité de l’action politique n’est pas de satisfaire une à une toutes les revendications particulières qui peuvent se faire jour en se fondant souvent sur des émotions exacerbées mais fugaces, elle est de fixer un cap, de mettre en mouvement la société tout entière et de veiller à sa cohésion en répondant aux besoins collectifs.

Au-delà de ce nécessaire rappel, notre mobilisation constitue aussi un avertissement adressé à tous ceux qui croient ou qui espèrent que l’action solitaire et arbitraire pourrait seule sauver le pays, voire le monde tout entier... Ceux-là devraient connaître plus sérieusement, parfois même plus concrètement les exigences, les complexités et la richesse du travail parlementaire pour se rendre compte que le temps n’est pas l’ennemi de la raison et que le nombre ne s’oppose pas à l’efficacité.

À ce titre, le projet de loi Grenelle I a été un exemple éclairant. Ceux qui s’en souviennent savent que le travail parlementaire auquel il a donné lieu a été pleinement respecté et a montré ainsi toutes ses vertus.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !

Mme Odette Herviaux. L’urgence écologique réclamait, en effet, la patience de la précision législative, dans une ambiance constructive et apaisée, après les nombreux mois d’échanges plus vifs entre l’ensemble des acteurs concernés.

Au Sénat, pendant deux semaines et plus de cinquante heures d’échanges, après des dizaines d’auditions et de longues heures de réunions, les débats en séance publique et le droit d’amendement ont montré toute leur pertinence, leur utilité et leur légitimité. Sur les 825 amendements examinés, 263 ont été adoptés, dont plus du tiers provenait des groupes d’opposition, qui ont démontré ainsi face aux doutes de certains leur sens des responsabilités et leur capacité à construire un élan commun au service de tous.

Nous le voyons bien, mes chers collègues, quand le Gouvernement calme ses convulsions législatives, quand il est disposé à écouter le Parlement, à lui laisser une liberté d’expression et d’argumentation pleine et entière, c’est toute notre République qui en sort grandie et renforcée.

C’est cet esprit que l’article 13 condamne et renie, en dépit des tentatives désespérées du Gouvernement pour justifier ce bâillonnement démocratique. Ce projet de loi vise non seulement à museler l’opposition parlementaire, mais aussi en fin de compte – c’est le plus grave – à faire taire la diversité des avis et des positions qui s’expriment sur tous les bancs de nos assemblées.

En réduisant à leur plus simple expression l’autonomie d’analyse et l’indépendance d’esprit de tous les parlementaires, le projet du Gouvernement s’éloigne de l’idéal républicain.

Face aux dangers du monde et aux menaces permanentes qui pèsent sur la vie de nos démocraties, cette régression est inacceptable. C’est donc en tant que gardiens des héritages démocratiques et en tant que sentinelles des valeurs de la République que nous nous opposerons à ces tentations autoritaires concentrées dans l’article 13 et que nous vous demandons, mes chers collègues, de voter la suppression de cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cela va être un grand moment !

M. Jean-Louis Carrère. Puisque M. le rapporteur nous dit que cela va être un grand moment, je vais essayer de m’appliquer ! Je suis obligé de dire que quand je l’écoute, ce n’est pas toujours un grand moment...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Forcément, pour vous, ce ne peut jamais être un bon moment !

M. Jean-Louis Carrère. J’en viens à cet article 13.

Qui a peur du Parlement ? Vous, les parlementaires de la majorité ? Non, vous réussissez peu ou prou malgré vos divisions que vous arrivez à camoufler ici ou là, à faire passer les textes. La peur, à mon sens, vient d’ailleurs.

Qui ici peut penser un seul instant que l’intérêt général ne prévaudra pas le moment venu ? Même pas Michel Charasse ; je suis sûr qu’il pense, comme moi, que l’intérêt général peut prévaloir à un moment donné.

M. Michel Charasse. Pas à un moment, tout le temps !

M. Jean-Louis Carrère. Qui peut penser que le temps dévolu à l’examen des amendements peut nuire à l’expression de l’intérêt général ?

Par ailleurs – cela me semble absolument extraordinaire – comment la majorité du Sénat peut-elle affirmer qu’il ne sera pas porté atteinte au droit d’amendement dans le règlement intérieur et qu’il ne sera pas institué un temps de parole global et, dans le même temps, vouloir absolument voter cet article ?

Puisque vous ne voulez pas l’utiliser, ne le votez pas et il n’y aura plus aucune suspicion ! Ou alors dites-nous avec loyauté que cela pourrait servir à l’Assemblée nationale, mais que cela pourra également servir à d’autres… Tout cela est d’une incohérence absolument pathétique.

On veut accréditer l’idée auprès du grand public que l’on donne du pouvoir à l’opposition, que l’on démocratise le Parlement et qu’on lui permet d’exercer ses pouvoirs. Mais, mes chers collègues, c’est le contraire qui a lieu : on veut faire taire le Parlement et l’empêcher de s’exprimer !

En voici un bref exemple.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées – au sein de laquelle j’ai l’honneur de siéger – a auditionné des ministres sur le changement de cap de notre pays par rapport à l’OTAN. Mes chers collègues, rendez-vous compte, ils sont arrivés, à leur convenance, à midi. (Exclamations amusées sur les travées de lUMP.) Ce n’est pas un sacrilège, cela ne pose pas de problèmes existentiels, mais c’est la preuve d’un manque de considération absolu.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais non !

M. Jean-Louis Carrère. La moindre des courtoisies, monsieur le rapporteur, si j’allais chez vous – rassurez-vous, je ne viendrais pas sans invitation – serait de ne pas arriver à midi.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais je vous inviterais à déjeuner ! (Rires.)

M. Jean-Louis Carrère. Sauf si vous m’invitiez à déjeuner, bien sûr ! (Exclamations ironiques sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.) Mes chers collègues, mes invitations, je les réserve à mes amis ! Ce n’est pas pour ceux qui me combattent à longueur de journée ou qui combattent l’idéal que j’essaie de promouvoir…

Mais revenons à notre débat. Mes chers collègues, vouloir accréditer l’idée qu’il faut voter un tel article donnant apparemment au Parlement la possibilité de réduire une éventuelle obstruction est tellement pernicieux que vous devez accepter de voter sa suppression.

Cet article 13 contredit totalement les affirmations du Président de la République et votre volonté de réforme constitutionnelle. Si nous, nous en avons perçu les pièges, vous avez, hélas ! réussi à entraîner dans la spirale de ce vote des gens qui n’auraient pas dû s’y associer.

Mais il est encore temps, mes chers collègues, je vous en conjure, respectez le Parlement, soutenez l’idée que la parole est encore libre dans ce pays et que les parlementaires peuvent individuellement déposer des amendements, les défendre et délibérer utilement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce fut un grand moment !

M. le président. La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je n’avais pas du tout l’intention d’intervenir cet après-midi sur l’article 13, mais cela fait maintenant un peu plus de deux heures que nombre de mes collègues défendent les droits des parlementaires, ceux de tous les parlementaires, et pas uniquement de ceux qui appartiennent à l’opposition. Toutes leurs interventions s’inscrivent dans la défense de l’intérêt général. D’ailleurs, comme cela a été rappelé, la majorité d’aujourd'hui sera – c’est bien connu – l’opposition de demain !

Pour ce qui me concerne, je m’attacherai plutôt à vous faire part brièvement de certains commentaires émis par les citoyens électeurs.

Depuis quelque temps, on entend souvent dire à propos de la vie politique et de la vie parlementaire notamment que les élus font preuve d’un manque absolument manifeste de spontanéité et pratiquent la langue de bois.

Ces critiques sont très souvent injustes, mais elles démontrent que la vie parlementaire est très mal comprise. Il faut en tenir compte. Or, avec l’adoption de l’article 13, vous allez aggraver cette incompréhension en creusant davantage le fossé entre les citoyens et leurs représentants.

Comment expliquerez-vous aux Français que leurs représentants n’auront plus ni le droit d’amender ni le droit de s’expliquer ? En supprimant ce droit personnel d’expression du parlementaire, c’est le peuple que vous voulez bâillonner ! Oui, le Parlement est le lieu de la parole ! Le parlementaire est l’avocat du droit du peuple ! Limiter ce droit d’expression ou le droit d’amender, c’est s’attaquer à l’essence même du rôle du Parlement et de la fonction du parlementaire !

Aujourd'hui, la France est encore considérée comme une démocratie, mais cette réputation s’émousse réforme après réforme. (M. le secrétaire d’État s’exclame.) Notre ami Louis Mermaz a rappelé tout à l'heure, avec quelques autres de nos collègues, l’évolution historique de cette tendance régressive. Or vous nous invitez aujourd'hui, monsieur le secrétaire d’État, à franchir une étape supplémentaire. Ne comptez pas sur nous ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. François Rebsamen.

M. François Rebsamen. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la démocratie est, on le sait, un bien précieux qui nous est cher à tous. Durement conquise, elle nous donne le droit de penser et de nous exprimer différemment ; c’est ce droit qui la fait vivre. Il en est de même pour la démocratie parlementaire. Quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, nous avons le droit de penser, de nous exprimer différemment et de défendre nos idées aussi longtemps que nous le souhaitons.

Or, curieusement, au moment même où le Président de la République a conquis – permettez-moi de le dire ainsi ! – le droit de s’exprimer devant le Parlement, sans qu’aucun parlementaire puisse lui répondre, on veut restreindre le droit des parlementaires à s’exprimer au sein de leur assemblée ! (M. Jean-Louis Carrère et Mme Bariza Khiari applaudissent.) Avouez, mes chers collègues, qu’il s’agit là d’une bien curieuse conception de la liberté de discussion parlementaire !

Chaque membre de notre groupe l’a exprimé ici avec sa sensibilité et sa conviction propres, nous pensons tous au fond de nous-mêmes que la liberté de discussion parlementaire est incompatible avec ce que d’aucuns ont appelé le « concept du forfait-temps ».

Dans une démocratie, il ne peut y avoir, d’un côté, le temps en quelque sorte illimité – celui de toutes ses annonces –du Président de la République, qui occupe tout l’espace médiatique, et, de l’autre, un temps limité pour le Parlement, essence même de l’expression démocratique, avec notamment une expression restreinte pour l’opposition, quelle que soit bien sûr cette opposition. Avec l’article 13, on va à l’encontre de cette démocratie apaisée qu’on se plaît à invoquer aujourd'hui.

Il n’est vraiment pas possible de limiter les débats au Parlement alors que c’est le lieu même où ils doivent se développer. La procédure du « crédit-temps » les assécherait. Un groupe qui aurait épuisé son temps de parole ne pourrait plus défendre un amendement ! Or, cela a été souligné à maintes reprises, mais je tiens à le répéter car il est important de le redire en permanence, l’exercice du droit d’amendement est essentiel au débat démocratique, certains ajoutant même qu’il est consubstantiel au rôle du parlementaire. Il permet tout simplement à chacun d’exprimer ses positions et de formuler des contre-propositions, sans que cela empêche in fine, vous le savez très bien, monsieur le secrétaire d'État, l’adoption des textes présentés par le Gouvernement.

Nous pensons que l’article 13 du projet de loi organique a pour objectif de scléroser la parole de l’opposition dans le débat parlementaire. Le président du Sénat a réaffirmé que le temps global ne serait pas appliqué ici même. Fort bien ! Mais – et je reprends là des arguments qui ont déjà été développés – si le Sénat vote l’article 13 dans sa rédaction actuelle, nous allons, dans les faits, limiter le temps de parole des députés, en empêchant un nouveau débat sur ce même article, alors même que nous connaissons les conditions dans lesquelles il a été adopté à l'Assemblée nationale.

Pour éviter toute hypocrisie, il faut que les mêmes droits s’appliquent au Sénat et à l'Assemblée nationale. Et, afin de mettre nos actes en conformité avec les déclarations du président du Sénat, la seule chose à faire est tout simplement de ne pas voter l’article 13 du projet de loi organique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Piras.

M. Bernard Piras. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la discussion de l’article 13 du projet de loi organique me donne l’occasion de vous faire part d’une interrogation qui me taraude depuis quelque temps en considérant la pratique actuelle du pouvoir, celle du Président de la République et de l’exécutif.

Dans quelle République vivons-nous ? Vers quelle République allons-nous ? Quel qualificatif faut-il lui attribuer ?

On essaie de museler tous les pouvoirs.

Concernant le pouvoir judiciaire, on nous annonce pour bientôt la suppression des juges d’instruction au profit des procureurs. Le garde des sceaux, le Premier ministre et le Président de la République pourront intervenir et régler les affaires comme ils en auront envie. Pourtant, dans cette période, il y a bien d’autres choses à faire, alors même que l’on apprend que certains juges ne lisent pas leur courrier, que des détenus s’évadent de prison avec des explosifs et que l’on déplore un nouveau suicide en prison, qui s’ajoute à une liste déjà longue !

En ce qui concerne les médias, notre collègue François Rebsamen vient de parler du temps de parole du Président de la République. Mais que dire de la presse écrite, où tous les propriétaires de journaux sont les amis du Président de la République, l’un d’entre eux siégeant même sur les travées de la majorité de notre assemblée ?

S’agissant de la presse télévisée, le débat sur la réforme de l’audiovisuel nous a permis de constater que le CSA a été réduit à un rôle de potiche, le Président de la République s’octroyant le pouvoir de nomination.

Et aujourd'hui, on veut supprimer ou limiter le droit d’amendement des parlementaires, qui est l’essence même, j’oserai dire les tripes mêmes, de la vie parlementaire ! On veut que nous nous fassions hara-kiri ! Mais vous allez, vous aussi, vous faire hara-kiri, mes chers collègues de la majorité, en votant cet article 13, puisque vous êtes l’opposition de demain.

J’en reviens à ma question : quel qualificatif donner à cette République qui intervient dans le fonctionnement de la justice, limite son indépendance, restreint considérablement le pouvoir du Parlement et s’octroie tous les pouvoirs concernant la presse. Autoritaire ? Certainement ! Va-t-on aller au-delà ? Louis Mermaz a rappelé tout à l'heure ce qui s’est passé dans l’histoire ; je crains que nous n’allions dans ce sens.

Quoi qu’il en soit, mes chers collègues, ne votez pas l’article 13 : il se retournera demain contre vous et contre le Parlement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur quelques travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur la faille essentielle de l’article 13 en ce sens que l’amendement est un droit individuel de chaque parlementaire. J’ai été élu, comme vous, pour pouvoir m’exprimer, pour expliquer les raisons pour lesquelles je dépose tel amendement, pour lesquelles je vote ou ne vote pas tel ou tel amendement. Et nous ne pouvons nous remplacer les uns les autres pour exercer ce droit !

Au cours de cette discussion, nous avons beaucoup parlé du Parlement, de nous-mêmes aussi, mais peut-être avons-nous un peu trop oublié les citoyens, qui ont le droit de savoir pourquoi nous votons tel ou tel amendement ou tel ou tel texte.

Si l’article 13 était adopté, imaginons ce que deviendrait un débat d’amendements lorsque le temps de parole d’un groupe serait épuisé ?

Dans le cas où ce groupe déposerait un amendement, j’ose espérer que le rapporteur n’expliciterait pas les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis favorable ou défavorable, pas plus que le Gouvernement, car cela reviendrait à déséquilibrer le débat, l’auteur de l’amendement n’ayant pas eu le droit de le défendre. Je vous laisse alors imaginer, mes chers collègues, la stupéfaction du public assistant à la séance ou celle du lecteur du Journal officiel, car les débats seraient très limités, comme l’a souligné notre collègue François Trucy, qui, pour l’instant, n’est pas du tout intéressé par mes propos…

M. François Trucy. Mais si ! Mais si… (Sourires sur les travées de l’UMP.)

M. Claude Domeizel. Prenons un exemple.

Le président de séance appellerait en discussion l’amendement n° 152. Le rapporteur, tout comme le Gouvernement se cantonneraient à émettre un avis favorable. Ensuite, le président mettrait aux voix cet amendement et le proclamerait adopté. Aucune explication ne serait donnée sur les raisons pour lesquelles cet amendement serait adopté ! Voilà qui est inadmissible.

N’oublions pas que les amendements déposés permettent de faire avancer les idées. C’est pour nous la possibilité de faire passer des messages, y compris au Conseil constitutionnel dans le cas où il serait saisi.

C’est la raison pour laquelle je demande que cet article 13 soit supprimé. Nous devons respecter nos concitoyens, qui ont le droit de savoir ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli.

M. Hugues Portelli. En écoutant s’exprimer tous nos collègues de l’opposition les uns après les autres, j’ai finalement trouvé des arguments pour défendre l’article 13 ! (Exclamations amusées sur les travées de lUMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela ne nous étonne pas !

M. Hugues Portelli. Soyons un peu sérieux et ne nous focalisons pas sur un seul article du projet de loi organique. Rappelons-nous plutôt que, depuis l’entrée en vigueur de la révision constitutionnelle, le contexte est totalement nouveau. Il est notamment marqué par deux dispositions essentielles.

Premièrement, l’ordre du jour n’est plus totalement entre les mains du Gouvernement. Il est en grande partie maîtrisé par les assemblées. Dès lors, les parlementaires ont l’initiative de déposer non seulement des amendements, mais aussi des propositions de lois, lesquelles peuvent provenir de la majorité comme de groupes minoritaires ou de l’opposition, cette dernière ayant en effet la garantie de disposer d’une partie de l’ordre du jour. Voilà un changement essentiel !

Deuxièmement, le débat en séance publique portera désormais sur le texte issu des travaux de la commission, y compris pour les projets de lois. Ce changement radical est primordial ! En conséquence, l’examen du droit d’amendement doit être revu sous un angle tout à fait nouveau.

Rappelons-nous qu’il a fallu attendre la loi constitutionnelle de 1995 pour que chaque assemblée dispose une fois par mois d’une séance réservée à un ordre du jour fixé par elle ! Il est évident que, avant, le droit d’amendement était la seule et unique façon pour les parlementaires de s’exprimer.

À partir du moment où le travail parlementaire redevient ce qu’il est dans les autres démocraties parlementaires d’Europe, le droit d’amendement change bien évidemment de nature et, du coup, son usage abusif, tel qu’il s’est développé depuis 1981, n’a plus lieu d’être.

Nous, membres de la majorité, ne devons pas oublier que c’est nous qui avons inventé le concept de l’obstruction parlementaire en 1981 et qui l’avons mis en pratique. (M. Jean-Pierre Michel applaudit.)

Mme Nathalie Goulet. Quelle honnêteté !

M. Hugues Portelli. Par conséquent, nous sommes bien placés pour savoir ce que c’est qu’abuser du droit d’amendement !

Lorsque le nombre d’amendements déposés atteint 248 000 comme sous la précédente législature, alors qu’il était à peine supérieur à 5 000 sous la première législature de la Ve République, il est évident que l’usage du droit d’amendement n’est plus normal ; il devient pathologique !

Très franchement, si j’étais député, je voterais l’article 13 sans hésiter une seconde. Trouvez-vous normal qu’en 2006 l’opposition ait déposé 136 000 amendements sur le seul projet de loi relatif au secteur de l’énergie ? Est-ce cela la démocratie ? (Non ! sur les travées de lUMP.) Il est évident que non !

Le problème du temps de parole global doit être considéré à partir de cette situation-là !

Mme Isabelle Debré. Très bien !

M. Hugues Portelli. Combien de fois avons-nous vu des amendements déposés en cascade, dupliqués en trois ou quatre exemplaires, sans modification de la moindre virgule, sans même que les parlementaires qui devaient les défendre en soient informés !

M. Jean-Louis Carrère. Est-ce une raison pour limiter le droit d’amendement ?

M. Hugues Portelli. On avait déposé pour eux des amendements qu’ils présenteraient en séance avant de disparaître.

M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est pas une raison !

M. Hugues Portelli. Est-ce la conception que nous devons avoir du droit individuel de dépôt d’amendements, de la liberté de parole individuelle ? Bien évidemment non ! Le prétendre serait une escroquerie intellectuelle.

Notre position est très simple. Comme nous avons la chance – sauf cet après-midi ! – d’avoir une opposition qui n’abuse pas de son droit de parole et s’exprime de façon mesurée et démocratique, en respectant les points de vue des uns et des autres, nous n’avons aucun intérêt à inscrire dans notre règlement intérieur une disposition de ce genre.

M. Jean-Louis Carrère. C’est pour cela qu’il ne faut pas la voter !

M. Hugues Portelli. Toutefois, je me mets à la place de nos amis députés. Personnellement, je serais totalement incapable de supporter en séance des situations de ce genre. Par conséquent, je comprends parfaitement qu’ils aient intégré une disposition comme celle-là dans le projet de loi organique.

Soyons honnêtes ! Sous la Ve République, le législateur principal est l’Assemblée nationale et cela pour une raison très simple : elle a le dernier mot en cas de désaccord entre les deux chambres ! Il est donc normal qu’elle veille à ce qu’à l’avenir ses travaux ne soient plus sabotés, car c’est bien de sabotage qu’il s’agit, par le dépôt de dizaines, voire de centaines, de milliers d’amendements sur un texte.

N’oubliez pas, mes chers collègues, le point de départ de notre raisonnement. Ce n’est pas la contestation du droit de parole, c’est la question de l’abus du droit d’amendement.

M. Jean-Louis Carrère. C’est une loi de circonstance !

M. Hugues Portelli. Avec la révision constitutionnelle de 2008, avec le rétablissement de l’initiative parlementaire et l’examen en séance du texte issu des travaux de la commission, cet abus du droit d’amendement n’est plus tolérable ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur certaines travées de lUnion centriste.)

M. Jean-Louis Carrère. Les lois de circonstance sont toujours très mauvaises !

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai, sur l'article.

Mme Bernadette Bourzai. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la qualité d’une loi dépend largement des conditions de son élaboration.

Si l’obstruction parlementaire ne peut empêcher une majorité de faire voter une loi, en revanche l’utilisation par le Gouvernement de manœuvres de procédure pour contourner l’obstruction, comme le vote bloqué ou l’application de l’article 49, alinéa 3, a récemment abouti à de mauvaises lois qui furent censurées par le Conseil constitutionnel ou inappliquées. Souvenez-vous du cas exceptionnel du CPE ! À l’instant même où le Président de la République d’alors promulguait la loi, il s’engageait à ne pas l’appliquer !

Que dire d’ailleurs du présent article ? Le principal argument que l’on nous avance pour le voter est qu’il ne sera pas appliqué. Si l’on n’applique pas une loi, c’est qu’elle est mauvaise, et si on la reconnaît telle avant de la voter, alors il ne faut pas l’adopter !

Sur le fond, l’un des problèmes, et non des moindres, posé par cet article est de n’accorder d’importance qu’à la quantité des lois au détriment de leur qualité. Permettez-moi de confronter ce qui est prévu dans cet article à l’utilité du travail législatif en séance publique.

La conception unanime des acteurs et des commentateurs de la vie politique est qu’un nombre restreint de lois de qualité, bien appliquées et donc utiles à nos concitoyens, est préférable à un grand nombre de lois. Malheureusement, l’actuel Gouvernement multiplie les lois aux seules fins d’affichage. On aboutit ainsi à des lois sans portée normative ou redondantes avec d’autres lois ou règlements, et finalement inappliquées.

Lorsque les gesticulations tiennent lieu d’action, il est fatal que celui qui gesticule en vienne à chercher à crédibiliser son comportement en l’associant à la solennité du passage par le Parlement. Tel est l’objectif visé à l’article 13 !

Les lois qui seraient discutées selon la procédure permise par cet article 13 le seraient dans la négation de ce qui fonde le caractère républicain de la représentation parlementaire, c’est-à-dire la confrontation démocratique des attentes de tous nos concitoyens. Sans doute cette pratique longuement élaborée au cours de l’histoire apparaît-elle ringarde au Gouvernement et à son inspirateur, le Président de la République...

Limiter le temps consacré à l’examen d’un texte aura une conséquence très simple et très grave : toutes les idées, les initiatives, les observations, les propositions et les contre-propositions de nos concitoyens, dont chaque parlementaire est susceptible de se faire le porte-parole pour les traduire dans la volonté générale, ne pourront être exprimées dans toute leur richesse. La loi n’en sera que plus pauvre et plus réductrice. Gageons qu’elle sera plus faite pour le monde que nous renvoient les médias que pour le monde tel qu’il est et dont la représentation démocratique par des assemblées élues est encore la moins mauvaise représentation.

Avec l’article 13, des parties entières de la population seront négligées. Elles seront renvoyées dans l’ombre, parce que les parlementaires chargés de représenter la société française dans sa diversité sociale, politique, géographique ou culturelle ne pourront plus tous avoir accès au débat législatif en séance publique, dès lors que le temps limite sera écoulé.

L’article 13 va introduire une inégalité entre parlementaires et, à travers eux, entre nos concitoyens, en créant une distinction entre les parlementaires qui auront pu participer à l’élaboration d’une loi et ceux qui ne l’auront pas pu, faute de temps.

Au demeurant, prévoir des béquilles par les articles 13 bis et 13 ter, c’est-à-dire un temps minimal pour des orateurs de l’opposition ou des minorités parlementaires, une sorte d’exception qui confirme la règle du bâillonnement, ne changera rien au fait que tous les parlementaires, de l’opposition comme de la majorité, ne pourront pas participer à l’enrichissement du texte dès lors que le temps global sera épuisé. L’article 13 institutionnalise l’absentéisme parlementaire et cette incitation ne revigorera guère l’image de la vie politique aux yeux de nos concitoyens.

L’article 13 revient sur toute la construction du droit parlementaire depuis le XIXe siècle et ce qu’il a tendu à assurer : l’égalité entre chaque parlementaire, dont le rôle individuel est garanti par la Constitution.

L’instauration du temps global que l’on nous propose n’a rien à voir avec l’encadrement du temps de parole individuel lors de la discussion des articles ou des amendements. Cet encadrement vise à ce qu’aucun parlementaire ne puisse monopoliser la parole au détriment des autres. L’encadrement du temps de parole individuel pour chaque disposition examinée ne fait rien d’autre que traduire en droit parlementaire le principe qu’énonce l’article IV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 sur la liberté des uns qui ne doit pas entraver celle des autres. Or c’est précisément ce que l’article 13 est en train de fabriquer, à l’envers !

J’en reviens ici à la question de la qualité de la loi.

Quel sens cela aura-t-il de passer au vote d’amendements sans en avoir débattu de manière publique, en séance ? Contrairement à d’autres assemblées – en tant que députée européenne, je pense au Parlement européen où les réunions de commissions, qui sont publiques, sont très suivies –, les débats en commission ne sont pas publics et chaque parlementaire ne peut siéger que dans une commission.

La séance publique permet à ceux qui le souhaitent d’intervenir sur des sujets qui ne sont pas forcément ceux de la commission dont ils sont membres, mais sur lesquels ils souhaitent réagir. Les amendements de l’opposition sont rarement votés. Mais, en séance, le rôle de l’opposition, comme de chaque parlementaire, sénateur ou député, ne se réduit pas à proposer et à voter ou non des amendements. Il consiste à débattre avec les autres membres de son assemblée et avec le Gouvernement, à conduire celui-ci à préciser sa position sur l’interprétation de ce que l’on est en train de voter, à obtenir de celui-ci des engagements, en échange desquels des amendements sont souvent retirés.

Les parlementaires arrivent peut-être à faire avancer plus d’idées par la discussion d’amendements qui seront retirés au terme de leur discussion que par le vote d’amendements, a fortiori d’amendements dont l’intérêt n’aurait pas été éclairé par un débat.

C’est une autre vertu du débat parlementaire public que de permettre à tous ceux qui ont un doute sur l’interprétation d’une loi obscure, et souvent obscure car votée dans la précipitation, de se référer à son compte rendu pour comprendre l’intention objective du législateur. Le rôle d’éclairage et de prospective du débat parlementaire est si évident que notre Constitution comprend une disposition permettant à chaque parlementaire de faire reculer le domaine de l’ambiguïté en allant au fond des choses, plus que cela est permis à tout citoyen.

L’article 26 de la Constitution précise : « Aucun membre du Parlement ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l’occasion des opinions ou votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions. » La République se donne les moyens d’évoquer ce qu’elle peut vouloir réprouver.

M. le président. Chère collègue, je vous prie de conclure !

Mme Bernadette Bourzai. Bien volontiers !

Cet article révèle une obsession de la mise au pas et une défiance envers le pluralisme qui, pour ne pas être nouvelles de la part du Gouvernement, n’en sont pas moins préoccupantes.

Ce n’est pas parce que la parole omniprésente du Président de la République ne porte plus dans l’opinion qu’il faut empêcher toute autre parole d’avoir de l’effet.

Ce n’est pas parce que le Président de la République s’agite plus qu’il n’agit qu’il faut empêcher la représentation nationale de faire de bonnes lois, en fixant, par le couperet du temps limite, un numerus clausus de parlementaires pouvant participer à l’élaboration de la loi.

Parce que l’article 13 et ses scories font de la démocratie une exception octroyée, il faut empêcher que ce texte ait sa place dans notre droit. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État. (Ah ! sur les travées de l’UMP.)

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne répondrai pas à chacun d’entre vous. Vous avez été si nombreux à intervenir que, si j’essayais, je pourrais me perdre dans les méandres de la pensée.

M. Jean-Louis Carrère. Encore faut-il en avoir une !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Vous parlez des intervenants ?...

J’ai entendu des choses intéressantes, mais aussi des inexactitudes.

Pour commencer, qu’en est-il de l’évolution du débat démocratique ? J’ai entendu beaucoup de choses sur Louis-Napoléon Bonaparte, le Directoire et les débuts de la iiie République.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et la Restauration !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Chacun a fait sa petite leçon d’histoire. Je pourrais faire la mienne, …

M. Louis Mermaz. Allons-y !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. … mais je préfère l’éviter.

À mon sens, la révision constitutionnelle a d’ores et déjà entraîné des conséquences tangibles. Les présidents de groupe, les vice-présidents, les présidents de commission et les questeurs qui siègent à la conférence des présidents du Sénat pourraient d’ailleurs en témoigner.

J’entends souvent dire : « Vous avez prétendu donner plus de pouvoirs au Parlement, mais tout ça, c’est grelots et pipeaux ! »

M. Jean-Louis Carrère. Saxophone et météo !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Peut-être, mais n’empêche que le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, qui participe à la conférence des présidents, disposait jusqu’ici de la totalité de l’ordre du jour ; il en a désormais la moitié. L’autre moitié, c’est la conférence des présidents qui en décide : une semaine peut être consacrée au contrôle, une autre à l’initiative législative.

Je n’ai d’ailleurs rien à y redire, puisque j’ai fait voter cette révision constitutionnelle. Je suis donc favorable au nouveau système, qui donne incontestablement plus de pouvoirs au Parlement d’un point de vue matériel.

M. Jean-Louis Carrère. Vous le regrettez ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Monsieur Carrère, je vous ai écouté avec attention sans vous interrompre.

M. Jean-Louis Carrère. Je ne vous interromps pas, je vous commente !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. C’est inutile, vous le ferez plus tard !

Le Parlement, et donc le Sénat, disposera d’une semaine de contrôle qu’il organisera comme il l’entend, par exemple en demandant à entendre les ministres, pour faire un bilan des politiques menées. Il organisera également à sa manière la semaine d’initiative législative, sans que le Gouvernement puisse bloquer ou empêcher quoi que ce soit, ce qui n’est d’ailleurs pas son objectif. Naturellement, les membres du Gouvernement seront à la disposition du Sénat comme de l’Assemblée nationale pour l’organisation de cette seconde moitié de l’ordre du jour, décidée par les assemblées elles-mêmes.

À ce moment-là, on nous dit : « Bon ! le Parlement pourra maîtriser la moitié de l’ordre du jour, très bien, n’en parlons plus ! Mais, sur la moitié qui lui reste, le Gouvernement n’accorde rien de plus ».

Et pourtant, un texte ne pourra plus désormais être étudié dans l’hémicycle moins de six semaines après son dépôt par le Gouvernement sur le bureau de l’assemblée concernée. La commission compétente disposera donc, constitutionnellement, de six semaines pour étudier le texte qui lui sera transmis, quel qu’il soit. Aujourd’hui, le délai habituel est en moyenne de deux à trois semaines.

Mieux, c’est le texte élaboré par la commission qui sera examiné dans l’hémicycle et non pas le texte du Gouvernement. Par conséquent, non seulement on donne deux fois plus de temps aux commissions pour examiner un texte, mais on choisit aussi de faire porter le débat en séance publique sur des textes qui auront été modifiés par elles, si l’on excepte le cas des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale. En commission, il pourra y avoir autant de débats que les commissaires le souhaiteront.

On reproche ensuite au Gouvernement d’avoir « tout en main » au moment où le texte est examiné dans l’hémicycle. Comment dire une chose pareille alors qu’il a choisi de lui-même de restreindre l’utilisation de l’article 49, alinéa 3 !

M. Michel Charasse. Grosse erreur !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Je le rappelle, certains prônaient sa suppression pure et simple, tandis que d’autres souhaitaient le conserver en l’état.

Vous dites avoir affaire à un Gouvernement qui « impose », mais puis-je vous faire remarquer, mesdames, messieurs les sénateurs, que, depuis le début de cette législature et la nomination de ce Gouvernement – c'est-à-dire depuis environ vingt et un mois –, l’article 49, alinéa 3, de la Constitution n’a jamais été utilisé ? Il l’avait été dix-sept fois entre 1981 et 2006. Pour un Gouvernement qui impose et ne veut pas débattre, c’est paradoxal !

M. Jean-Louis Carrère. C’est plus subtil !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. De la même manière, nous n’avons jamais utilisé le vote bloqué.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Prenez vos responsabilités !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Comment pouvez-vous dire que nous diminuons les droits du Parlements ? Voyons ! Nous sommes disposés à encadrer le « 49-3 », nous n’avons pas utilisé le vote bloqué, …

M. Jean-Pierre Michel. Et la procédure d’urgence ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. … nous avons instauré un ordre du jour partagé et c’est le texte de la commission qui doit être étudié dans l’hémicycle…

La révision constitutionnelle a prévu qu’une loi organique détermine le cadre dans lequel seront fixées les dispositions relatives au droit d’amendement. Le Gouvernement présente donc ce texte à l’Assemblée nationale et au Sénat. À ce propos, monsieur Frimat – je le rappelle indépendamment de tout souci de préséance – ce n’est pas la conférence des présidents qui a demandé que l’article 13 soit mis à l’ordre du jour d’aujourd’hui, mais bien le Gouvernement.

La révision constitutionnelle avait également prévu que les propositions de résolution devaient faire l’objet d’une loi organique qui prévoit leur dépôt. Cependant, ce sont les règlements du Sénat et de l’Assemblée nationale qui décideront de la manière dont elles seront étudiées. Il en ira de même des procédures simplifiées.

Comme je l’ai dit à l’Assemblée nationale, je suis sincèrement étonné de l’ampleur que prend cet article 13, qui n’avait pas vocation à faire l’objet d’une aussi grande attention.

Je ne reviens pas sur l’article 49, alinéa 3, ni sur tout ce qui a été dit à ce propos. Je souhaite simplement remettre les choses à leur place.

L’article 13 vise simplement à ouvrir une possibilité qui avait été évoquée clairement lors de la révision constitutionnelle et qui faisait l’objet d’une proposition du comité Balladur.

L’avant-projet de modification du règlement de l’Assemblée nationale qui permettra de mettre en œuvre cet article 13 est en cours de négociation. Le groupe de travail doit d’ailleurs se réunir demain sous la présidence de Bernard Accoyer. Si les groupes ne se sont pas définitivement mis d’accord, ils ont au moins donné un accord de principe au texte qui leur a été proposé. Par conséquent, la situation évolue. Et ce n’est pas le Gouvernement qui a les clés de cette négociation !

Il faut aussi considérer que le droit parlementaire – permettez à un ancien membre de la Haute Assemblée de l’affirmer – est un droit vivant, sans doute le plus vivant, fait de pratiques, de précédents, d’usages, de tolérance. Je crois que rien n’est figé par les règlements et que la pratique permettra de donner toute la souplesse nécessaire au bon fonctionnement d’un mécanisme qui peut a priori sembler rigide.

En effet, le temps programmé, qui est sous-entendu dans l’article 13, peut être envisagé de deux manières différentes, qui ne sont pas incompatibles.

La première est celle du mode consensuel. Le temps programmé serait un moyen de répondre à la question : « Comment organiser les travaux en séance ? » J’ai encore l’espoir qu’on puisse trouver un gentlemen’s agreement entre tous les groupes, notamment à l’Assemblée nationale, puisque le Sénat a d’ores et déjà œuvré en ce sens. L’idée est de permettre à chaque groupe, à chaque parlementaire, de mieux s’organiser pour atteindre un seul objectif : valoriser le travail en séance.

Je l’ai dit tout à l’heure, le travail en commission sera plus étendu, donc plus lourd. Je m’en excuse auprès des présidents de commission et de tous les commissaires régulièrement présents. (Sourires.)

J’entends souvent dire que ces travaux ne seront pas publics. Je précise que la révision constitutionnelle permet aux commissions d’être publiques si elles le souhaitent. Rien ne leur est interdit, chaque commission décidera de la manière dont elle travaillera.

En tout cas, il est évident qu’à l’Assemblée nationale les travaux sont trop souvent déséquilibrés. Vous le savez, beaucoup de temps est consacré aux premiers articles ; on « met en route le texte ». Ainsi, on met quatre jours pour examiner ses dix premiers articles, et puis, après accord entre la majorité et l’opposition – je le dis sans aucune agressivité envers quiconque –, on décide d’en finir et on précipite l’examen des derniers articles. J’ai pu constater que, sans avoir rien demandé, mais à la suite d’une entente intervenue au sein de l’hémicycle, quatre cents amendements pouvaient être « évacués » en deux heures.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Telle est dans certains cas la vraie pratique parlementaire ! Est-ce ce que nous souhaitons ? Non, bien entendu !

Messieurs Fauchon, Mercier, Collin, le Gouvernement estime simplement que chaque règlement intérieur doit permettre un mode de fonctionnement harmonieux qui puisse favoriser un débat démocratique de fond. Personne ne veut empêcher que le débat ait lieu !

Si la durée d’examen des textes par les commissions a été allongée, c’est pour leur permettre d’adopter un texte plus abouti, qui fera l’objet du débat dans l’hémicycle. Le travail effectué par la commission sera ensuite valorisé dans l’hémicycle. Pour cette raison, nous avons précisé que les amendements pourraient être examinés en commission ou dans l’hémicycle. En effet, selon nous, le travail dans l’hémicycle doit porter sur des amendements « lourds », qui donnent lieu à un véritable débat politique de fond et qui intéressent les sénateurs ou les députés.

C’est d’ailleurs par ce biais que les hémicycles se rempliront. Pour ma part, je me bats régulièrement dans les médias contre les critiques portant sur l’absentéisme parlementaire. Je suis en effet convaincu que les parlementaires se dévouent énormément dans les commissions et dans les groupes de travail.

M. Jean-Louis Carrère. Surtout dans les groupes d’amitié !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Les juger sur leur simple présence dans l’hémicycle est une aberration.

M. Michel Charasse. Très bien !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Cependant, quand on dépose dans une assemblée 1 000, 10 000, 50 000 ou 120 000 amendements, on décourage quelque peu les parlementaires d’assister aux séances, ce qui nuit à la bonne image du Parlement.

Je ne suis pas convaincu que, sur la base de 500, voire de 800 amendements importants, on n’ait pas la capacité d’avoir un vrai débat démocratique. Franchement, je ne pense pas qu’il soit préférable pour le débat d’en examiner 120 000,…

M. Josselin de Rohan. C’est de la dérision !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. … et que le fait de ne pas tous les défendre étoufferait l’expression démocratique ! N’oublions pas que la Constitution nous impose des délais pour l’examen du projet de loi de finances. Et cela ne marche pas si mal !

Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous lire quelques mots qui, je vous rassure par avance, ne me sont pas imputables ; je n’ai pas pour habitude de me citer.

« Le filibustering n’est pas lié à la démocratie parlementaire, il en est la maladie infantile. Il dessert la fonction législative. Le fait que certains de mes prédécesseurs se soient laissés aller à l’organiser lorsque nous étions dans l’opposition n’implique pas que je les comprenne ; encore moins que je les approuve. […]

« L’Assemblée nationale fonctionne mal. Et cela nourrit l’antiparlementarisme. Je comprends que les députés socialistes se lassent de voir leurs emplois du temps bouleversés par l’anticipation de ces moments d’embuscade ou par l’étirement des débats : cette situation entrave le bon exercice de leur mandat.

« L’opposition ne renoncera pas, non à ses droits, mais à son harcèlement : c’est ce qu’on fait quand on n’a rien à dire.

« La majorité voudra-t-elle, non diminuer la nécessaire expression de l’opposition, mais instaurer les conditions d’un fonctionnement normal et plus moderne du débat législatif ? »

Ces propos ne remontent pas à la IVe République ou à des temps plus anciens, ils ont été prononcés par le président Jean-Marc Ayrault, il y a quelques années, alors qu’un gouvernement de gauche dirigeait ce pays ! Le président Ayrault estimait donc, même avant de connaître des textes à 120 000 amendements, que l'Assemblée nationale ne pouvait pas continuer de fonctionner comme elle le faisait alors. Volontairement, je n’ai pas fait référence à la proposition de M. Jean-Pierre Bel, dont je veux bien admettre qu’elle était, à certains égards, plus équilibrée.

J’en reviens au texte.

Monsieur Mercier, le mécanisme du temps programmé est conforme à la Constitution, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, il a été évoqué lors des débats sur la révision constitutionnelle devant les deux chambres. Je l’ai fait moi-même et M. Bernard Accoyer a fait de même lors de la première lecture à l’Assemblée nationale. La proposition n° 33 du comité Balladur prévoyait, quant à elle, que « chaque assemblée aurait la capacité de fixer, de manière concertée, une durée programmée des débats pour éviter l’obstruction ». Pour notre part, nous n’avons pas mentionné ce dernier objectif, le nouvel article 44 de la Constitution disposant que le droit d’amendement « s’exerce en séance ou en commission selon les conditions fixées par les règlements des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique ». Lors des débats, il a été clairement établi que cette rédaction ouvrirait la voie aux procédures simplifiées et au temps programmé.

Ensuite, je rappelle que cette procédure a existé jusqu’en 1969 sans que le Conseil constitutionnel ait jamais remis en cause sa conformité à la Constitution.

Ce n’est que si ce système avait pour conséquence de bafouer les droits de l’opposition, des groupes minoritaires ou des parlementaires pris individuellement que l’on pourrait douter de sa constitutionnalité. Ce point rejoint les appréciations portées par MM. Fauchon et Mercier, ainsi que plusieurs de leurs collègues.

Je vous rappelle au demeurant que la loi organique sera automatiquement soumise au Conseil constitutionnel.

M. Michel Charasse. Ainsi que le règlement !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Exactement, et le Conseil appréciera sans doute sévèrement toute disposition excessive figurant dans le règlement du Sénat ou dans celui de l'Assemblée nationale.

J’entends dire : nous sommes peut-être tranquilles pour aujourd’hui, mais cela ne garantit rien pour demain. D’abord, la loi organique ne permet pas d’aller trop loin, ensuite, le Conseil constitutionnel vérifiera que les règlements, quelles que soient les majorités au pouvoir, respectent effectivement ce droit fondamental qu’est le droit d’amendement.

J’ajoute que le Conseil constitutionnel sera aussi amené à connaître des lois auxquelles on appliquerait le temps programmé. Il censurerait donc vraisemblablement une loi qui aurait été examinée dans des conditions incompatibles avec les droits que je viens d’énoncer. C’est d’ailleurs tout l’intérêt des dispositions de l’article 13 bis, qui imposent clairement aux règlements de respecter les droits des groupes d’opposition et des groupes minoritaires pour ce cas spécifique. Je vous rappelle que le nouvel article 51-1 de la Constitution a, pour la première fois, reconnu l’existence et le travail de ces groupes. Le Conseil constitutionnel disposera ainsi d’une accroche très claire pour censurer tout abus.

Bien évidemment, le droit d’amendement demeure un droit individuel, monsieur Fauchon. Les amendements ne transiteront pas par les groupes. Il appartiendra simplement à ceux-ci d’organiser une sorte d’autodiscipline en leur sein. Cela ne me paraît pas insensé dans une assemblée au sein de laquelle le débat dans l’hémicycle s’engagera sur le texte élaboré par la commission, et non sur celui du Gouvernement. Ce dernier devra alors déterminer son attitude face à un texte qui ne sera pas le sien, et un vrai débat s’engagera. Chaque parlementaire pourra déposer ses amendements sans droit de regard de son groupe et s’exprimer ensuite en séance. Il appartiendra simplement à chacun de faire preuve, sinon d’autodiscipline, du moins d’une certaine rapidité, dans un esprit de courtoisie et de responsabilité.

Reste bien sûr le cas de l’obstruction massive, que l’on peut connaître à l’Assemblée nationale. On prétend que le temps programmé va empêcher les parlementaires de s’exprimer. Mais, rappelez-vous, lorsque 15 000, 20 000 ou 100 000 amendements étaient déposés sur un projet de loi, le Gouvernement n’avait d’autre choix que de recourir à ces armes atomiques que sont l’article 49, alinéa 3, ou le vote bloqué, avec des conséquences bien pires pour le droit d’amendement, puisque le débat était immédiatement interrompu et que bien des amendements ne pouvaient, dès lors, ni être présentés ni être mis aux voix.

M. Jean-Pierre Bel. Ces outils subsistent !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Oui, mais, d’une part, le recours à l’article 49, alinéa 3, a été considérablement restreint par la dernière révision constitutionnelle et, d’autre part, en ce qui nous concerne, nous n’avons jamais utilisé ces procédures. On peut toujours me rétorquer que nos successeurs pourront le faire. Certes, c’est une vraie question…

En tout cas, les discussions qui ont lieu aujourd’hui à l’Assemblée nationale autour du président Accoyer montrent que, en dehors des cas d’obstruction massive, le temps qui sera attribué à chaque groupe sera large et profitera, en particulier, aux groupes d’opposition et minoritaires. En effet, un temps identique sera attribué à chacun des groupes, auquel s’ajoutera un temps proportionnel à leur importance. Il s’agit quand même d’une avancée significative.

M. Jean-Louis Carrère. Les grands groupes seront perdants !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Les groupes d’opposition et minoritaires n’y perdront pas, y compris les grands groupes. Seul le groupe majoritaire sera légèrement perdant.

Ce matin, lors de la conférence des présidents de l'Assemblée nationale, un accord a été trouvé sur la répartition des questions au Gouvernement. Jusqu’ici, ces questions étaient réparties à la proportionnelle. La majorité et l’opposition se les partageront désormais par moitié. Un équilibre a donc été trouvé, et je vois que le président Louis Mermaz sait de quoi je veux parler.

Si l’on regarde le nombre d’amendements déposés habituellement sur un texte, il est clair, monsieur Mercier, que ceux-ci pourront être normalement discutés et mis aux voix. La présentation des amendements est un élément important du débat. J’insiste sur le fait que l’article 13 n’entend nullement porter atteinte au temps dont disposent les parlementaires pour présenter leurs amendements.

M. Bernard Frimat. C’est faux !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Il ne pourra évidemment pas en aller ainsi si 120 000 amendements sont déposés sur un texte. De toute façon, le recours au vote bloqué ou à l’article 49-3 ne le permettait pas non plus. À condition de rester dans un cadre normal, le temps de discussion des amendements sera donc large à l'Assemblée nationale et ne sera nullement contraint au Sénat, dont le fonctionnement est un peu différent. Qui pourrait d’ailleurs imaginer que les parlementaires de l’opposition, mais aussi et surtout ceux de la majorité, accepteraient une telle restriction ?

L’hypothèse ultime d’une mise aux voix sans discussion est réservée aux cas où des dizaines de milliers d’amendements auraient été déposés. Mais ce problème se posait déjà sans l’article 13.

Je tiens à rassurer chacun d’entre vous et à réaffirmer l’importance du droit d’amendement et la nécessité de pouvoir discuter aussi bien en commission qu’en séance.

De même, le droit de sous-amender demeure, évidemment. Dans le cas de figure où un parlementaire souhaiterait sous-amender un amendement qui ne pourrait plus être défendu par un groupe dont le temps programmé serait épuisé, il faudrait que ce groupe retrouve du temps de parole pour défendre cet amendement que l’on propose de sous-amender. Je le dis pour le Conseil constitutionnel.

M. Michel Mercier. C’est pourquoi j’avais posé la question.

M. Jean-Louis Carrère. Nous allons systématiquement sous-amender et ce sera réglé !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Il faut être pragmatique. Je ne crois absolument pas que l’on puisse enserrer le débat dans un carcan absolu. Simplement, le Gouvernement cherche sincèrement à rendre le débat démocratique plus lisible et plus visible, en lui laissant le temps de se dérouler, aussi bien en commission que dans l’hémicycle, mais aussi en cherchant à éviter les quelques rares dérives auxquelles on a assisté à l'Assemblée nationale.

Le temps programmé ne s’appliquera que de manière souple et claire ; c’est d’ailleurs ce qui a été acté entre le président Accoyer et les présidents de groupe. Il ne faut imaginer ni le couperet, ni le bâillon, mais une organisation harmonieuse permettant à chacun de mieux travailler au Parlement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées de lUnion centriste et du RDSE.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 53 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

L'amendement n° 121 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 181 est présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mme Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Nous avons déjà défendu en grande partie cet amendement dans le cadre de nos prises de parole sur l’article.

M. Charles Revet. C’est bien de le reconnaître !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je souhaite néanmoins ajouter un commentaire qui, je pense, relève du bon sens.

Depuis le début du débat, on nous dit que cet article 13 ne concernerait pas le Sénat. Nous débattrions donc d’une disposition qui n’intéresserait que l’Assemblée nationale, puisque les sénatrices et sénateurs seraient plus disciplinés que leurs collègues députés.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Plus raisonnables !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Nous prenons acte de cette désolidarisation de l’objet et de l’esprit de l’article 13 du projet de loi organique et de cette volonté de ne pas le voir appliqué aux travaux de la Haute Assemblée.

Toutefois, nous nous retrouvons bien aujourd’hui pour voter cet article d’un projet de loi qui a vocation à s’appliquer à l’ensemble du Parlement, et je rappelle que ce dernier comprend deux chambres, dont la nôtre.

De la décision du Sénat découlera la réouverture du débat ou pas. Il nous appartient de décider si le débat est clos ou si cet article n’est pas acceptable en l’état. Et, même si cet article ne nous concernait pas, il concernerait tout de même tous les Français, car ce sont eux qui confient à leurs députés le soin de les représenter. Ce sont eux, en conséquence, que l’on prive de la possibilité de s’exprimer sur des questions les intéressant. Ce sont eux qui pâtiront de cette restriction au droit des parlementaires de discuter et d’améliorer la loi.

Au demeurant, arrêtons de dire que cet article ne nous concerne pas ! Si, un jour, la procédure devait être également instaurée au Sénat, que dirions-nous alors ?

En tout cas, si cette disposition porte atteinte à l’autonomie des assemblées, comme beaucoup ici le pressentent, il serait préférable de la supprimer.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien entendu, nous nous sommes déjà exprimés sur les raisons qui justifient cet amendement de suppression. Mais le débat et tout particulièrement la longue réponse de M. le secrétaire d’État, au travers de laquelle il a tenté de nous expliquer que le Gouvernement n’avait nullement l’intention de brider les parlementaires, comme l’intervention de M. Portelli, qui n’a rien trouvé de mieux que de traiter nos collègues députés de malades pour justifier l’action du Gouvernement, appellent quelques commentaires.

Monsieur le secrétaire d'État, avec votre bonhomie habituelle, vous nous expliquez que, malgré la révision constitutionnelle, qui, d’ailleurs, selon vous, offrirait de nouveaux droits au Parlement, malgré le présent projet de loi organique, par lequel vous vous apprêtez à réduire le temps de parole des parlementaires, le Gouvernement n’a pour seule volonté que de permettre aux parlementaires de s’exprimer davantage.

Vous avouerez que, en cette période de crise économique et sociale très grave, cette bonne volonté du Gouvernement est difficile à croire, surtout si l’on en juge par la manière dont le Premier ministre et le secrétaire d’État chargé de l’outre-mer gèrent le mouvement social qui traverse actuellement les départements d’outre-mer, mouvement qui prend de l’ampleur et dont les acteurs ne se satisfont pas des promesses qui leur sont faites.

Certes, le Président de la République, qui, nul n’en doute, est le chef du Gouvernement, après être intervenu durant quatre-vingt-dix minutes voilà quelques jours à la télévision, s’exprimera de nouveau par le même biais demain ou après-demain. Mais pour autant, aucun débat n’est prévu au Parlement et aucune information ne lui est transmise.

Pardonnez-moi, mais nous ne pouvons aucunement vous croire, monsieur le secrétaire d'État, lorsque vous nous affirmez que le Président de la République et le Gouvernement ont la volonté de rendre les parlementaires plus actifs dans la vie politique.

Pourquoi toutes ces explications ? Pour essayer de justifier ce projet de loi organique visant à limiter le droit de parole des parlementaires ! En fait, l’ensemble de vos propos nous confortent dans l’idée qu’une loi organique n’est pas nécessaire et que le règlement de chaque assemblée suffit à organiser le déroulement des débats.

À vous entendre, nos concitoyens pourraient croire que, à l’heure actuelle, la parole des députés ou des sénateurs est libre et que ces derniers peuvent parler à satiété. Il n’en est rien ! Des procédures existent actuellement. Mes chers collègues de la majorité, même si vous le réfutez, vous y avez-vous-mêmes eu recours ! (Exclamations sur les travées de lUMP.) Quand le dépôt de milliers d’amendements vous a-t-il empêchés d’aller au bout de la discussion d’un projet de loi, c'est-à-dire jusqu’à son adoption ? Jamais ! Les procédures existent, et le Gouvernement n’a qu’à les utiliser.

En réalité, vous voulez instaurer un « 49-3 parlementaire ». Or il relève de la responsabilité du Gouvernement d’imposer, s’il le souhaite, à un moment donné, la fin d’un débat. Ensuite, à l’évidence, c’est à la majorité de trancher. Respectueux de la démocratie, nous ne contestons absolument pas cette procédure majoritaire. En revanche, nous refusons que les parlementaires limitent par eux-mêmes leur temps de parole. Vos explications toutes plus longues et plus fumeuses les unes que les autres pour démontrer qu’il n’en est rien ne nous convainquent aucunement. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

J’ajoute que l’article 44 révisé de la Constitution visait sans aucun doute à contourner la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 7 novembre 1990, par laquelle les magistrats de la rue Montpensier avaient précisé que, pour que le droit d’amendement soit réel, il fallait que les amendements puissent être défendus et discutés. À l’évidence, je le répète, le nouvel article 44, qui dispose simplement que le droit d’amendement « s’exerce en séance ou en commission », n’a d’autre objet que de contourner cette décision. Chaque amendement doit pouvoir être défendu. Il est certain, quoi que vous prétendiez, que l’impossibilité de défendre un amendement contreviendrait à la jurisprudence du Conseil constitutionnel telle qu’elle résulte de sa décision rendue en 1990.

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Mais non !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La loi organique ne peut pas, tant soit peu, limiter le droit de défense des amendements des parlementaires, qu’ils soient députés ou sénateurs.

Nous ne sommes pas convaincus par les explications de la majorité ou du Gouvernement, lesquelles, au contraire, nous confortent dans l’idée qu’il vaut mieux supprimer l’article 13 du projet de loi organique. Du reste, mes chers collègues de la majorité, vous reconnaissez vous-mêmes que nos collègues de l’Assemblée nationale appartenant à la majorité aimeraient bien parvenir à un accord, accord dont il n’est pas possible de se passer et auquel ils ne sont pas parvenus lors de la première lecture.

Pour toutes ces raisons, je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement de suppression.

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Je remercie M. le secrétaire d'État de sa réponse et de ses explications. (Murmures continus sur les travées de l’UMP.)

Je serais heureux que nos collègues de l’UMP qui n’écoutent pas aient l’obligeance de bien vouloir aller jouer ailleurs…

M. le président. Mes chers collègues, nous suspendrons la séance après que le Sénat se sera prononcé sur ces trois amendements identiques. En attendant, je vous demande de bien vouloir laisser s’exprimer M. Frimat et de l’écouter attentivement.

Mon cher collègue, veuillez poursuivre, s’il vous plaît.

M. Bernard Frimat. Merci, monsieur le président.

Je tiens donc à rendre justice à M. le secrétaire d'État d’avoir accepté, sur la proposition unanime de la conférence des présidents, et à l’instigation du groupe socialiste, que cet article 13 soit examiné cet après-midi. Nous souhaitions en effet que l’examen de cet article par le Sénat donne lieu à un débat de qualité et qu’il permette d’échanger des arguments, ce qui n’avait pas été le cas, à notre grand regret, à l’Assemblée nationale, nos collègues et amis députés socialistes ayant été placés dans l’incapacité d’exposer leurs positions.

Monsieur le secrétaire d'État, vous nous avez fait part de votre point de vue sur cette question du droit d’amendement et je ne doute pas que vous aurez encore l’occasion d’y revenir. Certes, votre position ne souffre d’aucune ambigüité et j’ai l’intuition que vous serez plutôt défavorable, même si cela vous en coûte, aux amendements de suppression de l’article. Néanmoins, j’aimerais savoir précisément ce que vous répondez à Pierre Fauchon, à Michel Mercier et à moi-même lorsque nous vous demandons si la question de la présentation des amendements peut être détachée de celle du droit d’amendement. Vous nous avez dit qu’il sera possible aux parlementaires de présenter des amendements chaque fois que le temps global ne jouera pas. Mais vous ne garantissez rien dans l’hypothèse où le temps global serait dépassé.

Ensuite, bien que vous n’y ayez pas assisté, vous nous avez relaté les débats internes à l’Assemblée nationale sur son règlement. Ce n’est pas notre problème ! Nous examinons le projet de loi organique. Le moment venu, nous discuterons du règlement du Sénat, sur lequel nous avons eu des discussions intéressantes et ouvertes dans le cadre du groupe de travail constitué en vue de sa modification.

Si, aujourd’hui, nous votons conforme l’article 13, comme le propose la commission, le débat ne pourra plus se poursuivre à l’Assemblée nationale. Reconnaissez que c’est bien là ce que vous recherchez ! Si la commission réunie autour de Bernard Accoyer est parvenue à un accord, pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, refusez-vous aux députés le droit de rouvrir le débat sur l’article 13 ? Pourquoi ne laissez-vous pas l’Assemblée nationale parvenir à un accord qui garantirait ce que nous demandons, à savoir l’assurance que tout amendement pourra être non pas seulement déposé – ce sera toujours le cas – mais, surtout, présenté ?

Vous ne nous apportez aucune garantie en la matière. Vous vous contentez de dire que, si tout se passe bien, il sera loisible à tout parlementaire de présenter ses amendements. Pour notre part, nous demandons que cette faculté lui soit reconnue dans tous les cas. Certes, la question ne se pose pas au Sénat, mais elle se pose pour nos collègues députés.

Faute d’obtenir cette garantie, nous proposons bien évidemment de supprimer l’article 13. D’ailleurs, mes chers collègues, l’adoption de notre amendement de suppression nous ferait gagner un temps considérable, puisque les autres amendements déposés à l’article 13 deviendraient sans objet, ainsi que les articles 13 bis et 13 ter. Sans doute serez-vous sensible, monsieur le secrétaire d'État, aux efforts que nous déployons pour accélérer les débats ! (Sourires.)

Certes, ce n’est pas « sept d’un coup », mais, le cas échéant, nous gagnerions un temps considérable. (Nouveaux sourires.)

Mes chers collègues, la suppression de l’article 13 n’emporterait aucune conséquence néfaste ; en revanche, elle permettrait aux députés, lors de la seconde lecture, de trouver un accord sur sa rédaction. Pourquoi priver nos collègues de la possibilité d’en débattre, s’ils le souhaitent ?

S’agissant de points essentiels du droit parlementaire, toute précipitation est à bannir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet après-midi, j’ai entendu de nombreuses références erronées au droit parlementaire. Comme l’ont rappelé certains de nos collègues, notamment ceux qui sont un peu plus anciens, le dispositif visé à l’article 13 était en vigueur sous la IIIe comme sous la IVe République. Du reste, le règlement de l’Assemblée nationale, dans les premiers temps de la Ve République, a reproduit intégralement les dispositions qui étaient en vigueur sous la IVe République. Ce n’est qu’en 1969 que l’Assemblée nationale a supprimé de son règlement un dispositif visant à fixer un temps limite, dispositif que, pour sa part, le Sénat n’a jamais introduit dans son propre règlement.

Je rappelle que, à l’époque, la conférence des présidents décidait souverainement de l’organisation du débat et fixait l’heure limite à laquelle les votes auraient lieu. Cette organisation concernait non seulement les interventions dans la discussion générale, mais aussi les motions, les articles, les amendements, les explications de vote et même les interruptions de séance et les pointages de scrutins dus à l’initiative d’un membre d’un groupe.

M. Bernard Frimat. Cet article n’a jamais été appliqué !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Certes, mais c’était inscrit dans le règlement de l’Assemblée nationale ! Le droit, ce n’est pas seulement ce qui est appliqué, c’est tout ce qui est prévu dans les textes !

Quoi qu'il en soit, à l’époque, personne n’avait considéré que cet article du règlement violait le droit d’amendement tel que vous le définissez aujourd’hui.

Du reste, par différents mécanismes, la commission avait la possibilité de rendre du temps aux groupes. En outre, s’il devenait manifeste, au cours des débats, que les temps de parole étaient devenus insuffisants, l’Assemblée nationale, sur proposition d’un de ses membres, pouvait décider, sans débat, d’augmenter le temps de parole de chaque groupe, et les groupes étaient ainsi en mesure d’utiliser ce temps supplémentaire pour présenter des amendements, ceux qui leur paraissaient évidemment les plus substantiels, pas pour faire de l’obstruction en défendant des amendements purement répétitifs.

En réalité, ce que nous cherchons, c’est avoir des débats organisés. Je signale d’ailleurs que le professeur Marcel Prélot s’est toujours montré très favorable à une organisation des débats. Au demeurant, bien souvent, actuellement, sans le dire, nous faisons en sorte que le débat soit organisé, et c’est heureux !

Mes chers collègues, vous vous souvenez que, lors de la première lecture de la loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République, ainsi que l’a rappelé Alima Boumediene-Thiery, il était prévu de confier au seul règlement des assemblées le soin de déterminer les conditions d’exercice du droit d’amendement. Ce n’est qu’au cours de la navette qu’ont été ajoutés les mots « dans le cadre déterminé par une loi organique ». Comme l’a expliqué M. le secrétaire d'État, l’Assemblée nationale avait dans l’idée de prévoir un temps global de débat sur un certain nombre de textes, conformément à la proposition qu’avait faite en ce sens son président de l’époque, Jean-Louis Debré, en 2006.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument ! Mais il avait finalement retiré cette proposition !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Elle avait été retirée, mais cela montrait bien qu’il y avait une difficulté. Bien sûr, on peut toujours vouloir être en mesure de débattre indéfiniment de tout et dans n’importe quelles conditions, mais, aujourd’hui, les débats parlementaires sont déjà organisés : il y a des temps de parole, parfois assez longs et difficiles à supporter.

M. Jean-Pierre Sueur. Cela dépend !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Certes, monsieur Sueur. J’ai d’ailleurs eu souvent l’occasion de constater que vous aimiez beaucoup parler… (Rires et exclamations sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.). Mais c’est ainsi que je vous apprécie, car vous êtes excellent orateur,….

M. Jean-Pierre Sueur. Je vous remercie !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … bien que parfois un peu long ! Je suis d’ailleurs persuadé que vous ne manquerez pas d’expliquer votre vote !

M. Jean-Pierre Sueur. Vous pouvez compter sur moi ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Si l’Assemblée nationale veut réintroduire de telles dispositions dans son règlement, il faut le prévoir dans le projet de loi organique puisqu’elles doivent être prises « dans le cadre fixé par une loi organique ». Si tel n’avait pas été le cas, l’Assemblée nationale aurait pu inscrire ces dispositions dans son règlement sans qu’il soit nécessaire d’en faire état dans le projet de loi organique.

J’avais mis en garde nos collègues de l’Assemblée nationale. Je leur avais d’abord conseillé de veiller à préserver l’autonomie des assemblées. C’était mon souci permanent et cela doit être notre préoccupation constante en cet instant.

Les députés devront concilier respect du droit d’amendement, peut-être avec quelques aménagements, une présentation brève par exemple, et respect d’un temps global de discussion. Le Sénat ne souhaite pas adopter un tel système, mais, dès lors que l’Assemblée nationale l’a voté et qu’elle souhaite se l’appliquer, ce n’est pas moi qui vais lui imposer de ne pas le faire.

Dans ces conditions, je ne peux qu’être défavorable aux amendements de suppression de l’article 13.

C’est cohérent avec la démarche que nous avons adoptée tant lors de la révision constitutionnelle que dans la discussion du présent projet de loi organique. Il s’agit de laisser la plus grande autonomie possible aux assemblées. N’empêchons pas les autres de faire ce que nous ne voulons pas nous imposer à nous-mêmes.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Je serai bref, car je me suis déjà longuement exprimé sur l’article 13.

L’ancien article 55, alinéa 4, du règlement de l’Assemblée nationale, qui fut applicable entre 1958 et 1969, permettait d’imposer le vote sans débat d’un amendement. Cet article avait été déclaré conforme par le Conseil constitutionnel en l’absence, à l’époque, de toute habilitation constitutionnelle ou organique.

Pour autant, je souhaite livrer un élément à votre réflexion. J’admets bien volontiers que chaque assemblée, dans son règlement, fera l’interprétation qu’elle souhaite de cette question.

Selon l’interprétation de M. Fauchon, la présentation des amendements doit être possible. Cela peut se défendre. Il reviendra à chaque assemblée de livrer sa propre interprétation et de la mettre en œuvre dans son règlement. En tout état de cause, il n’y a pas là pour nous un interdit : c’est effectivement une interprétation envisageable de l’article 13.

Bref, cet article ouvre la possibilité du temps programmé et laisse des marges très larges au règlement des deux assemblées.

C’est pourquoi le Gouvernement s’oppose à la suppression de l’article 13.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, il est des moments où l’on doit faire des choix qui ne sont pas sans signification devant l’Histoire. Nous vivons un tel moment.

Ce qui est en jeu, ce sont les libertés parlementaires,…

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Mais non !

M. Jean-Pierre Sueur. … qui constituent un point essentiel de la démocratie et de la République.

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Dramatisation inutile !

M. Jean-Pierre Sueur. On nous dit que tout cela est très bénin ? Mais alors, pourquoi cette crispation ? Pourquoi cette volonté, monsieur le président de la commission des lois, mesdames, messieurs du groupe UMP, de ne présenter aucun amendement afin que l’Assemblée nationale n’ait plus à discuter de l’article 13 ?

Si l’on inscrit dans la loi que des amendements peuvent, après un temps couperet, être mis aux voix sans discussion,…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Comme sous la IIIe, la IVe et même la Ve République.

M. Jean-Pierre Sueur. … sans avoir été présentés par leur auteur, sans qu’on ait entendu les avis du Gouvernement et de la commission, sans explication de vote, on entre dans un système très différent de celui que nous connaissons.

On ne peut pas invoquer à cet égard la IIIe ni la IVe République, car les contextes étaient alors très différents, vous le savez parfaitement, monsieur Gélard. L’exécutif a aujourd’hui un poids bien plus important, ce qui doit nous conduire à exercer une vigilance toute particulière quant aux libertés parlementaires et aux droits des parlementaires.

J’en viens à la question de fond qu’a soulevée M. Hyest en déclarant que certains débats sont un peu longs et fatigants.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je n’ai pas dit cela !

M. Jean-Pierre Sueur. Je ne me souviens plus de vos paroles exactes, mais vous vous êtes fait l’écho d’une idée assez communément partagée : nos débats sont trop longs et l’on pourrait en faire l’économie.

Je ne suis pas du tout en accord avec une telle assertion. Je crois profondément au débat parlementaire. J’ai la conviction que c’est parce que nous passons des heures à écouter des interventions sur les amendements des uns et des autres que, peu à peu, se façonne la loi que nous avons pour mission d’élaborer au nom du peuple français.

Chaque mot, chaque ligne, chaque phrase de la loi s’applique, souvent pendant un temps très long, à tous les citoyens et citoyennes de la République française.

Notre travail, même s’il est très facile de le traiter par la dérision, consiste à écrire la loi, dans le feu du débat, avec toute la sincérité qu’y met chacun d’entre nous, en pensant à chaque citoyen que nous représentons. Ce travail est tout à fait essentiel.

La vérité, c’est que le fonctionnement actuel de la Ve République – je pense aux excès du présidentialisme – déséquilibre les choses au profit d’une logique médiatique dans laquelle le Président de la République annonce la bonne parole tous les jours – quitte à en annoncer une autre le lendemain –, précède le Parlement, le devance, le contredit !

M. Jean-Louis Carrère. Ne le consulte plus !

M. Jean-Pierre Sueur. C’est une autre forme de République, et de cette République-là nous ne voulons pas.

Voilà pourquoi le débat sur l’article 13 est très important. C’est en vain que vous vous efforcerez de soutenir qu’il s’agit d’une question mineure, d’une question de procédure.

Certes, monsieur le président de la commission des lois, il y a des temps de parole et des règles qu’il faut bien sûr respecter. Mais, à ce jour, aucune règle ne prive un parlementaire, à quelque groupe qu’il appartienne, de la possibilité de présenter son amendement. Cela n’existe pas et je considère que c’est bien ainsi.

Ce que nous défendons ici ce soir pourra vous servir demain. Nous n’acceptons pas qu’à partir d’un délai, quel qu’il soit, le président de séance – ce sera peut-être vous, monsieur Romani – doive demain énumérer les amendements restant en discussion et énoncer : adopté, rejeté, terminé. Ce n’est pas possible ! Aucun d’entre nous ne peut accepter cela !

C’est pourquoi, dans un ultime effort, avec toute notre conviction, nous vous demandons, mes chers collègues, de ne pas adopter l’article 13, ou au moins d’accepter de le modifier.

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Mes chers collègues, je veux revenir aux textes.

La deuxième phrase du premier alinéa de l’article 44 de la Constitution, relatif au droit d’amendement, précise : « Ce droit s’exerce en séance ou en commission selon les conditions fixées par les règlements des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique. »

Le droit d’amendement, c’est le droit de déposer un amendement et d’obtenir qu’il soit soumis au vote, avec ou sans débat.

Le fait de pouvoir s’exprimer sur un amendement est un élément facultatif d’un droit obligatoire. (Marques d’approbation sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, de désapprobation sur celles du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) .)

Mes chers collègues, il y a de nombreuses circonstances – à deux heures du matin, par exemple, lorsqu’on en a assez – dans lesquelles les uns et les autres, sur toutes les travées, disent : « l’amendement est défendu ». (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.)

Que veut dire cette disposition ? Le cadre visé au premier alinéa de l’article 44 de la Constitution vise-t-il tout le droit d’amendement ?

Dans l’affirmative, la loi organique, avec l’article 13, est incomplète. Il manque de nombreuses dispositions pour expliquer comment s’exprimer sur un amendement, comment le défendre.

Dans le cas contraire, si le cadre ne vise que les cas d’examen en commission ou en séance, l’article 13 est inutile, car il ne concerne pas cette hypothèse.

Dans ces conditions, je me demande si l’article 13 est vraiment nécessaire.

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. On revient à la case départ !

M. Michel Charasse. Je me demande s’il est indispensable pour que le Conseil constitutionnel accepte ensuite que son dispositif, qui, personnellement, ne m’indigne pas, soit inséré dans les règlements des assemblées parlementaires.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je le crois !

M. Michel Charasse. Après tout, comme le rappelait M. Hyest voilà un instant, sous l’empire de la Constitution de 1958, le règlement de l’Assemblée nationale adopté en 1958, dans son article 55, alinéa 4, abrogé en 1969, prévoyait : « Lorsqu’un amendement est ou a été déposé par un membre d’un groupe dont le temps de parole est épuisé, cet amendement est lu par le président et mis aux voix sans débat. » C’est en quelque sorte l’objet de l’article 13.

Le Conseil constitutionnel, à l’époque, sans habilitation constitutionnelle et sans loi organique, a accepté que cette disposition figure dans un règlement parlementaire. Comme M. le président de la commission des lois le faisait observer à juste titre voilà un instant, le Sénat n’a jamais adopté une disposition analogue.

Dès lors que le Conseil constitutionnel a toujours considéré le droit d’amendement comme un droit fondamental, je serais très étonné qu’il ne considère pas aussi que les règlements sont un cadre suffisant pour traiter du point particulier visé par l’article 13, qui, je le répète, ne concerne pas la totalité du droit d’amendement et de ses conditions d’exercice.

À cette heure tardive, monsieur le président, vous voudrez bien m’excuser de poser cette question : l’article 13 est-il vraiment nécessaire pour que l’Assemblée nationale mette ce qu’elle veut dans son règlement à ce sujet et, après tout, ne sommes-nous pas en train de discuter pour rien depuis quatre heures de l’après-midi ? (Rires.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Monsieur Charasse, je vous rappelle tout de même que, lors du débat sur la révision constitutionnelle,…

M. Michel Charasse. J’y étais !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. …. j’avais demandé que les conditions soient inscrites, non pas dans la loi organique, mais dans les règlements des assemblées, comme c’était le cas sous la Ve République jusqu’en 1969.

M. Roland du Luart. C’est ce qu’il fallait faire !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. À partir du moment où l’on prévoit que le cadre dans lequel s’exerce le droit d’amendement est fixé par une loi organique, si celle-ci n’en fait aucune mention, à mon avis, le Conseil constitutionnel censurerait l’introduction du « crédit-temps » dans le règlement des assemblées.

M. Michel Charasse. Il manque des tas de choses dans la loi organique !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Une seule disposition est indispensable et doit être inscrite dans la loi organique, c’est celle qui concerne le temps global.

En dehors de cela, tout ce qui concerne le droit d’amendement est fixé par des règles générales, qui sont posées par le Conseil constitutionnel et n’ont pas à figurer dans la loi organique.

Vous le savez, le Sénat avait cherché à trouver une solution pour que l’examen des amendements ait lieu soit en séance publique, soit en commission – nous examinerons ensuite l’article concernant les procédures abrégées –, quitte à revenir en séance publique pour un certain nombre de textes, comme des conventions internationales, si tout le monde est d’accord. Nous allons être obligés de prévoir un article sur ce sujet parce que la loi organique l’impose.

Monsieur le secrétaire d’État, j’attire votre attention sur le fait que, si l’Assemblée veut mettre en œuvre un dispositif de cette nature, il faut absolument que la loi organique le prévoie. En effet, l’article 44 de la Constitution envisage le droit d’amendement, qui serait limité, c’est-à-dire sans discussion, ce qui ne veut pas dire forcément sans présentation succincte. Dans ce cas, il est indispensable de l’inscrire. En effet, on ne pourrait pas mettre en œuvre cette procédure sans qu’elle soit prévue par la loi organique.

M. Michel Charasse. Ce droit s’exerce dans les conditions fixées par les règlements !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je formulerai juste quelques observations qui montrent que nous pouvons nous passer de l’article 13.

Je vous le rappelle, le Conseil constitutionnel dit que le droit de présentation de l’amendement est un élément substantiel du droit d’amendement. Cela signifie que ce que le Conseil constitutionnel consacre dans sa décision du 7 novembre 1990, ce n’est pas seulement le droit de déposer un amendement et de le proposer au vote, c’est aussi celui de le défendre.

Or le fait de dire, dans l’article 44 de la Constitution actuelle, que le droit d’amendement s’exerce soit en commission, soit en séance publique n’entre pas en contradiction avec la décision du Conseil constitutionnel : un amendement doit pouvoir être défendu.

La Constitution ne dit pas que la loi organique doit interdire d’une façon ou d’une autre qu’un amendement puisse être présenté. Le fait que la Constitution prévoie une loi organique ne veut absolument pas dire que cette loi organique peut permettre de ne pas défendre un amendement. Je pense donc que cet article 13 est vraiment abusif !

Monsieur Hyest, vous avez évoqué la proposition Debré de 2006 qui tendait à organiser une limitation du droit de parole. Mais, à l’époque, les dispositions de cette proposition avaient été retirées avant leur examen en séance publique, vous le disiez vous-même, faute d’accord politique.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Vous lisez mon rapport !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je cite évidemment votre rapport !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cela montre bien que je suis complet et objectif !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Aujourd’hui, on reporte le problème du règlement, qui devrait faire l’objet d’un consensus à l’Assemblée nationale et au Sénat, vers la loi organique. Or il vaudrait mieux ne pas faire adopter de force l’article 13 !

La question de l’organisation des débats nécessite tout de même, au sein de chaque assemblée, un consensus entre les groupes, entre la majorité et l’opposition. À défaut, ce n’est pas la peine d’essayer, au travers de la loi organique, de rendre possible l’adoption d’un règlement plus restrictif à l’Assemblée nationale.

Pour toutes ces raisons, mieux vaut se passer de l’article 13 ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.

M. Christian Cointat. J’ai écouté avec beaucoup d’attention les différents intervenants, notamment notre excellent collègue Bernard Frimat, lors de la présentation de son amendement de suppression. Si j’ai bien compris, il a beaucoup insisté sur le fait que tout amendement devait être présenté et soumis au vote.

Je ne pourrai pas voter son amendement pour deux raisons.

La première, c’est que, si nous le votons, tous les autres amendements deviendront sans objet. Cela entre en contradiction avec les propos de notre collègue et prouve bien que, dans la vie parlementaire, il est des moments, au cours d’un débat, où l’on ne peut pas présenter un amendement et le soumettre au vote ! Le déroulement des débats peut en décider ainsi, et c’est très bien comme ça. Sinon, certaines séances seraient bien encombrées…

Autrement dit, mon cher collègue, je ne peux pas voter votre amendement parce que votre raisonnement lui-même suffit à démontrer qu’il n’est pas compatible avec le déroulement d’une séance publique.

Par ailleurs, nous le savons tous, les assemblées sont jalouses de leurs prérogatives et soucieuses de leur autonomie. Je suis sénateur, je ne suis pas député. Si j’étais député, il est vraisemblable que je n’aurais pas voté dans le même sens. Nos collègues députés prennent leur responsabilité, nous prenons la nôtre, cela a été fort bien expliqué. Au Sénat, au moins, nous pourrons montrer l’exemple, une fois de plus.

M. Jean-Pierre Sueur. C’est la même loi qui s’applique à tous !

Mme Éliane Assassi. C’est n’importe quoi !

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour explication de vote.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Je voudrais soulever un problème de nature constitutionnelle auquel ni M. le ministre, ni M. Hyest, ni même M. Portelli n’ont répondu. Il s’agit de la différence excessive qui existerait entre le règlement de l’Assemblée nationale et celui du Sénat si l’Assemblée nationale appliquait l’article 13 et si le Sénat ne voulait pas l’appliquer.

En effet, M. Gicquel, professeur de droit constitutionnel, lors de son audition par la commission des lois, a indiqué à deux reprises qu’une telle différence serait contraire à la Constitution,…

MM. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, et Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Il n’a pas dit cela !

Mme Josiane Mathon-Poinat. … et il s’est demandé « si le Conseil constitutionnel accepterait les différences marquées entre les règlements des deux assemblées ».

M. Michel Charasse. Cela a toujours été le cas. M. Gicquel n’y connaît rien ! (Sourires.)

Mme Josiane Mathon-Poinat. Il a ajouté plus tard que les deux règlements devaient être compatibles et prévoir des prérogatives similaires pour les deux assemblées.

Les articles 44 et 45 de la Constitution exposent, d’une part, les conditions de l’exercice du droit d’amendement, qui doit être possible dans les deux assemblées, et, d’autre part, les conditions d’exercice de la navette parlementaire, qui exige, elle, une certaine harmonie sur le plan des procédures d’examen.

J’aimerais que M. le secrétaire d’État nous réponde sur ce point précis. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.

Mme Bariza Khiari. Cela a déjà été dit, il nous semble paradoxal que le Président de la République puisse s’exprimer devant le Congrès sans que s’exerce un droit de réponse, qu’il ait aussi la possibilité d’utiliser sans limite les supports médiatiques sans que son temps de parole soit décompté par le CSA du temps de la majorité,…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cela n’a aucun rapport !

Mme Bariza Khiari. … et que, par ailleurs, l’article 13 que vous vous apprêtez à voter limite le temps de parole de nos collègues députés dans ce droit consubstantiel à la fonction de parlementaire.

Par cet article 13, c’est la liberté d’expression de chaque citoyen que vous amputez dans son prolongement, à savoir la voix des parlementaires, au sein de ce que l’on appelle une démocratie apaisée. Nous considérons qu’il s’agit là d’une régression importante de la démocratie, et je crains que ce que vous bâillonnez dans l’hémicycle, vous ne le retrouviez dans la rue !

Mes chers collègues, les humiliations que vous avez subies ont été grandes, qu’il s’agisse de la suppression de la publicité dans le service public audiovisuel, de la suppression de la taxe professionnelle ou de la suppression du juge d’instruction, annoncées en direct à la télévision, dans le plus grand mépris du Parlement.

Vous sous-estimez l’application d’une telle mesure au sein même de votre majorité : ce sera « Silence dans les rangs ! », plus d’opposition interne…

C’est pourquoi nous vous appelons à ne pas participer à cette mascarade. À défaut de nous entendre, vous porterez une lourde responsabilité devant l’histoire de notre démocratie. (Protestations sur les travées de lUMP. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)

M. Bernard Frimat. Je me réjouis de ces « Oh ! » d’admiration. (Sourires.)

Cher collègue Cointat, je crois que votre intervention mérite une réponse et une explication.

Le président Hyest a proposé à la conférence des présidents, qui l’a accepté, de dissocier les amendements de suppression des autres, donc de ne pas les mettre en discussion commune, de façon à rendre nos débats un peu plus vivants. Ainsi est évité le long tunnel d’une présentation de tous les amendements déposés sur l’article 13. Il est certain que celui qui, dans une position de scribe accroupi, écoute sagement, jusqu’à ce que mort s’ensuive, ne saurait lui en vouloir !

Nous avons donné pleinement notre accord à cette modalité de présentation des amendements, même si elle emporte une conséquence importante : si le Sénat, dans sa souveraineté, vote un amendement de suppression d’un article, les autres amendements déposés sur cet article deviennent sans objet.

C’est un risque que nous avons pris consciemment ensemble, à l’unanimité, pour essayer d’accroître l’intérêt de ces débats, auxquels nombre d’entre vous sont attachés et dont ils se sentiraient privés s’ils ne se déroulaient pas dans le temps nécessaire pour que toutes les finesses de la discussion soient bien comprises.

Comme je sais que la rigueur intellectuelle qui est la vôtre vous amènera à sauver les droits du Parlement en votant la suppression de l’article 13,…

M. Christian Cointat. Il est facétieux !

M. Bernard Frimat. … je voulais vous prévenir !

Il n’est pas interdit de cultiver de temps en temps, même dans cette assemblée, un certain humour. Quelques-uns y sont sensibles, et rien que pour ceux-là, je continuerai dans ce sens. Pour les autres, dès lors que cet humour leur échappe, il n’y a rien de dramatique !

Voilà pourquoi, mon cher collègue, j’ai estimé nécessaire de rappeler que les autres amendements n’auraient plus d’objet, et j’ai proposé à M. le secrétaire d’État, qui a une certaine obsession temporelle,…

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Ah bon ?

M. Bernard Frimat. … de profiter de cette ouverture et du gain de temps extraordinaire qui en résulterait pour faire avancer le débat.

Au demeurant, il me semble fondamental de voter la suppression de cet article. Si d’aventure, cela n’advenait pas, la suite de l’examen de l’article 13 nous permettrait de vous proposer d’autres perspectives pour ouvrir le débat à l’Assemblée nationale. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.

M. Michel Mercier. Ce débat est long, mais il était nécessaire et, finalement, il en est ressorti bien des éléments positifs.

De toute évidence, il y a une seule Constitution, une seule loi organique ; on ne peut pas sortir de cette vérité.

Monsieur le secrétaire d’État, Pierre Fauchon et moi-même vous avions posé, au nom de notre groupe, deux questions fort simples. Elles ne visaient qu’à nous assurer que le droit d’amendement serait préservé.

Nous pouvons parfaitement comprendre qu’un débat soit organisé dans le temps. Cela s’est fait dans le passé, cela peut se faire demain. Toutefois, si nous devons tirer des leçons de l’histoire, celles-ci ne sauraient se muer en certitudes, car nous ne pouvons être sûrs que ce qui s’est passé une fois se reproduira nécessairement ensuite.

N’oublions pas non plus que le Conseil constitutionnel a lui-même sa propre histoire.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !

M. Michel Mercier. Dans les années 1970, notamment avec la possibilité de saisine ouverte en 1974, il n’était déjà plus le même qu’en 1958 !

Nous sommes donc dans un temps nouveau.

Vous avez finalement répondu à nos questions, monsieur le secrétaire d’État. Cela a été un peu long, mais, après tout, cela peut se comprendre. (Sourires.)

Je rappellerai les deux questions, et les deux réponses.

Nous avions admis que les amendements puissent ne pas être discutés, mais nous voulions nous assurer qu’ils seraient à tout le moins présentés. Vous avez confirmé que, en effet, il fallait distinguer la présentation et la discussion. (M. le secrétaire d'État hoche la tête.)

Nous vous avions également interrogé pour savoir si, lorsqu’un amendement ne pourrait plus être discuté parce qu’il se trouverait hors du temps accordé au groupe de son auteur, le dépôt d’un sous-amendement, dès lors que celui-ci nécessiterait une discussion globale, rouvrirait un droit de parole pour l’auteur de l’amendement. (M. le secrétaire d'État hoche la tête derechef.)

M. Jean-Louis Carrère. Il va y avoir des sous-amendements à chaque amendement, et qui ne proviendront pas forcément du même groupe que l’amendement !

M. Michel Mercier. Et alors ? En quoi cela vous gêne-t-il ? Vous ne devriez pas vous en plaindre ! Vous devriez au contraire vous réjouir que, grâce aux centristes, on parvienne à un résultat satisfaisant ! Je suis bien obligé de le préciser, mon cher collègue, car vous ne le reconnaîtrez pas spontanément ! (Rires sur les travées de l’UMP.)

Monsieur le secrétaire d’État, compte tenu de vos deux réponses, que je viens de rappeler et que vous confirmez en hochant de la tête – et dans le bon sens ! (Sourires) –, notre groupe ne votera pas les amendements de suppression. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est un résultat bien mince !

M. Michel Mercier. Si vous en obteniez autant, avec tous les discours que vous nous faites, ce serait bien !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 53, 121 et 181.

Je suis saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin no 117 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 323
Majorité absolue des suffrages exprimés 162
Pour l’adoption 142
Contre 181

Le Sénat n’a pas adopté. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quinze.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-deux heures vingt, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Article 13 (priorité) (début)
Dossier législatif : projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution
Discussion générale

8

Communication relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

9

Article 13 (priorité) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution
Article 13 (priorité)

Application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution

Suite de la discussion d'un projet de loi organique

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution
Article 13 bis (priorité)

Article 13 (priorité) (suite)

M. le président. Dans la suite de la discussion des articles 13, 13 bis et 13 ter du projet de loi organique, appelés en priorité, nous en sommes parvenus, au sein de l’article 13, à l’examen de seize amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 182, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Les règlements des assemblées ne peuvent instituer une procédure impartissant des délais pour l'examen d'un texte.

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Après vous avoir offert une chance au tirage en vous proposant de supprimer l’article 13, ce que vous avez refusé, nous vous donnons maintenant, avec l’amendement n° 182, une chance au grattage ! (Sourires.)

Cela étant, nous aimerions savoir si votre but est de préciser le droit d’amendement, ce qui est une chose, ou s’il est simplement de tout faire pour ne pas rouvrir le débat à l’Assemblée nationale, ce qui en est une autre.

M. le secrétaire d’État nous a dit que la situation progressait à l’Assemblée nationale, que des solutions étaient en vue ; il semble donc urgent de permettre aux députés de magnifier ces solutions en se prononçant de nouveau sur l’article 13.

M. Laurent Béteille. C’est une interprétation !

M. Bernard Frimat. Vous n’avez pas voulu le supprimer ; dont acte ! Nous vous proposons donc dans cet amendement une mesure qui consiste à préciser – vous apprécierez la sobriété de langage qui sied aux lois organiques, dont l’objet est d’affirmer des principes ! –…

M. Laurent Béteille. Nous adorons la sobriété ! (Sourires sur les travées de lUMP.)

M. Bernard Frimat. Dans ce cas, vous allez être comblé, mon cher collègue, puisque notre amendement prévoit dispose simplement ceci : « Les règlements des assemblées ne peuvent instituer une procédure impartissant des délais pour l’examen d’un texte. »

Nous nous contentons donc d’affirmer un principe, celui selon lequel on ne peut pas bloquer les débats.

Que nous ayons un ordre du jour organisé, que nous fassions un certain nombre de prévisions correspondant, après discussion entre les présidents de groupe, au temps nécessaire pour discuter un texte, que nous nous entendions pour organiser un certain nombre de discussions comme nous l’avons fait aujourd’hui, tout cela fait partie des choses possibles. Mais ce que nous ne voulons pas – et je me permets de le répéter, car je ne suis pas sûr que vous ayez saisi toute la force de notre argumentation –…

M. Adrien Gouteyron. Vous nous sous-estimez ! (Nouveaux sourires sur les mêmes travées.)

M. Bernard Frimat. Au contraire, j’ai beaucoup de respect pour les positions de chacun et je crois qu’il faut à tout moment être attentif, mais vous savez comme moi que le diable se cache dans les détails. (M. Michel Mercier s’exclame.)

Nous voulons donc que les choses soient tout à fait claires. Je ne veux pas que l’on puisse, comme l’a fait l’un de nos collègues, donner une interprétation toute personnelle d’une réponse afin de pouvoir s’y rallier. Mais chacun écrit l’histoire comme il l’entend !

« Les règlements des assemblées ne peuvent instituer une procédure impartissant des délais pour l’examen d’un texte. » Voilà qui est simple, clair et qui devrait vous enthousiasmer ! (Rires sur les travées de lUMP.)

M. le président. L'amendement n° 183, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Le droit d'amendement est consubstantiel aux principes républicains et démocratiques qui fondent l'activité parlementaire.

Il est imprescriptible et individuel.

La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz. Cet amendement va dans le même sens que les précédents. Nous vous proposons de rédiger l’article 13 différemment puisque vous n’avez pas voulu le supprimer. Nous l’améliorons donc en précisant que « le droit d’amendement est consubstantiel » – on parle beaucoup de « consubstantialité » dans ce débat : on se croirait à la Curie romaine ! – « aux principes républicains et démocratiques qui fondent l’activité parlementaire » et en ajoutant qu’« il est imprescriptible et individuel ».

Compte tenu de tout ce que j’ai entendu sur l’ensemble des travées de cette assemblée, je vois mal comment vous pourriez voter contre cet amendement, qui a pour objet de réaffirmer solennellement dans la loi organique – c’est la moindre des choses ! – que l’exercice individuel des membres du Parlement de déposer et de défendre des amendements ne peut être aboli ou effacé par l’effet d’un temps préfiguré, préfix, antérieur à la discussion parlementaire.

Les sénateurs socialistes souhaitent donc inscrire dans la loi organique que ce droit des parlementaires ne peut être aboli ou effacé par l’effet de quelque texte que ce soit.

Il serait en effet paradoxal qu’il ait été jugé utile d’inscrire dans cette loi organique relative à la procédure législative que les projets de loi doivent être précédés d’un exposé des motifs, que les amendements sont présentés par écrit et sommairement motivés, mais qu’il ne soit pas possible d’y affirmer que le droit d’amendement est consubstantiel aux principes républicains et démocratiques qui fondent l’activité parlementaire.

Voilà pourquoi nous vous invitons à voter cet amendement dans un grand mouvement d’enthousiasme.

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Cet amendement ne veut rien dire !

M. le président. L'amendement n° 184, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Le droit d'amendement est imprescriptible.

La parole est à M. Yannick Botrel.

M. Yannick Botrel. En présentant cet amendement, nous souhaitons affirmer les principes fondamentaux sur lesquels repose notre régime parlementaire.

Les articles 3 et 24 de la Constitution disposent que les parlementaires sont des représentants élus qui élaborent et votent la loi, expression de la volonté générale.

L’article 44 de la Constitution énonce que « les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d’amendement ».

Enfin, l’article VI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 dispose : « La loi est l’expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. »

Le droit d’amendement ne se résume pas à une technique parlementaire s’inscrivant dans un processus au terme duquel les assemblées décident de la rédaction de la loi. C’est le moyen privilégié pour les députés et les sénateurs, à titre individuel, et singulièrement ceux de l’opposition, de provoquer éventuellement un débat sur un sujet particulier ou sur le bien-fondé d’une disposition existante et de susciter une réponse du Gouvernement.

Les amendements permettent également de compléter ou d’infléchir les mesures proposées par le Gouvernement et par la majorité qui le soutient.

L’amendement est à la fois l’instrument et le critère de la démocratie parlementaire.

L’article 13 doit être combattu, car il présuppose que le droit d’amendement revêt une connotation péjorative, alors que, dans tous les domaines, le terme d’amendement est synonyme d’amélioration, de progrès, de redressement.

M. le président. L'amendement n° 185, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Le droit d'amendement est consubstantiel aux principes républicains et démocratiques qui fondent l'activité parlementaire. 

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Cet amendement, plus concis que l'amendement n° 183, est néanmoins plus profond dans ses objectifs.

Fondamentalement, les arguments qui ont été avancés pour limiter le droit d’amendement se placent sur un terrain exclusivement technique, qui ne saurait être le seul valide. Ils se résument à l’idée qu’amender, c’est perdre du temps, à quelques amendements près, à portée essentiellement cosmétique.

Au-delà les problèmes techniques, qui seront effectivement, dans la nouvelle organisation, réglés en commission, il y a un autre aspect : un amendement est un outil pour porter la voix des citoyens dans une assemblée parlementaire et faire en sorte que la réponse apportée leur parvienne. Sous cet angle, le droit d’amendement correspond à la fonction tribunitienne ainsi qu’à une fonction de réflexion politique fondamentale.

Il ne nous paraît donc pas superfétatoire de dire que le droit d’amendement fonde l’activité parlementaire, qui, elle-même, est l’une des bases du régime républicain.

Tel est le sens de cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 186, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Le droit d'amendement est un droit individuel.

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Monsieur le président, je souhaite rectifier cet amendement. Il s’agirait non plus de faire de l’article 13 cette simple phrase – « Le droit d’amendement est un droit individuel. » –, ce qui pourrait être contraignant pour un certain nombre de nos collègues, mais de faire figurer cette même phrase en tête de l’article tel qu’il nous a été transmis par l’Assemblée nationale.

Cela ne gênera personne puisque tout le monde a réaffirmé que le droit d’amendement était un droit individuel !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, rapporteur. C’est idiot !

M. Bernard Frimat. Au moment où certains envisagent de contraindre le droit d’amendement, il nous paraît important de réaffirmer ici ce principe fondamental.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 186 rectifié, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :

Au début de cet article, ajouter une phrase ainsi rédigée:

Le droit d'amendement est un droit individuel.

Veuillez poursuivre, monsieur Frimat.

M. Bernard Frimat. Qu’on ne vienne pas me dire que c’est inutile parce que cela figure déjà dans la Constitution ! Plusieurs dispositions de ce projet de loi organique ne sont, en effet, que des reprises très précises de la Constitution.

Le droit d’amendement étant un droit individuel, je ne vois pas qui dans cette assemblée pourrait s’y opposer. C’est la raison pour laquelle nous demanderons un scrutin public sur cet amendement n° 186 rectifié.

M. le président. L'amendement n° 187, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Tout amendement est défendu en séance publique par l'un de ses signataires et donne lieu à des explications de vote.

La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz. La phrase que nous proposons ici paraît relever de l’évidence, mais il ne nous semble pas inutile de la faire figurer dans le présent projet de loi organique, de manière à garantir le respect des articles 3, 24 et 27 de la Constitution, qui portent sur la représentation par les parlementaires et sur le droit de vote personnel des membres du Parlement.

Le droit d’amendement est un élément essentiel de la vie du Parlement, d’autant que l’initiative des lois, depuis fort longtemps, pas seulement depuis ces dernières années, appartient la plupart du temps au Gouvernement. Les parlementaires, faute de voir leurs propositions de loi suffisamment retenues, interviennent donc par voie d’amendement.

Dès lors, on mesure l’importance de cet amendement, qui tend à préciser dans la loi organique les modalités d’examen des amendements en séance publique.

Il est d’autant plus essentiel de consacrer cet article 13 à la procédure d’examen des amendements en séance publique que l’article 11 du projet de loi organique, que nous examinerons prochainement, traite de la recevabilité des amendements et notamment de leurs modalités de présentation. L’article 11 précise ainsi : « Les amendements sont présentés par écrit et sont sommairement motivés. »

Si le législateur prend le soin, dans une loi organique, de veiller au support écrit des amendements, on est en droit d’attendre également que les modalités de présentation des amendements en séance publique figurent également dans la loi organique. Faire seulement état de la présentation écrite pourrait laisser penser que le droit d’amendement se réduit à cette présentation, et qui plus est avec un exposé qui doit être sommaire !

La quasi-totalité des autres dispositions figurant dans le projet de loi que nous examinons tendent à limiter et à encadrer le droit d’amendement et le droit d’expression des parlementaires. En conséquence, il est essentiel d’affirmer à l’article 13 que tous les amendements sont défendus en séance publique par l’un de leurs signataires et donnent lieu à des explications de vote.

L’adoption de cet amendement s’impose à tous.

Le 7 décembre 2008, devant les sénateurs et députés de l’UMP, le Président de la République engageait fermement la majorité à travailler plus : « Quel parlementaire, disait-il, pourrait se plaindre d’avoir trop de travail dans la situation actuelle de notre pays ? »

Mais le Président de la République mesure-t-il à leur juste valeur les travaux des législateurs ?

« J’ai été parlementaire pendant vingt ans », a-t-il déclaré. En réalité, comme il a souvent été ministre, cela n’a duré que douze ans... Mais peu importe, il participait à l’activité législative et se tenait parmi nous.

Il convient toutefois de souligner que, selon la table des débats de l’Assemblée nationale, M. Sarkozy, en tant que député, n’aurait pris la parole que dix fois en séance publique. Il n’aurait déposé, si mes informations sont exactes, qu’un seul amendement. Vous me pardonnerez de ne pas vous en dire plus sur celui-ci : je ne l’ai pas en tête.

Quoi qu'il en soit, la totalité des interventions du député Nicolas Sarkozy représente moins d’une heure de parole en douze ans de mandat ! (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Michel Mercier. Au moins, il n’a pas abusé du temps de parole ! (Sourires sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. Louis Mermaz. Après tout, cela peut effectivement être regardé comme une qualité ! Cela compense les débordements de ceux qui sont trop bavards ! (Nouveaux sourires.)

Il reste que le principal promoteur de cette réforme n’est pas forcément, chacun en conviendra, au courant de ce qu’est le débat parlementaire, avec, parfois, ses excès et ses grands mouvements !

C’est la raison pour laquelle le Sénat ferait preuve d’attention et de pédagogie en rappelant à tous cette règle élémentaire : tout amendement doit être défendu en séance publique par l’un de ses signataires et donner lieu à des explications de vote.

C’est une question de bon sens. Je vois donc mal comment le Gouvernement et surtout le président et rapporteur de la commission des lois pourraient s’y opposer.

M. le président. L'amendement n° 188, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Aucune disposition réglementaire relative à la durée des débats ne peut limiter ni le nombre des amendements susceptibles d'être déposés sur chacun des articles d'un projet ou d'une proposition de loi, ni porter atteinte à la possibilité pour l'un des auteurs de chaque amendement de le défendre en séance publique ni pour les membres du Parlement d'expliquer leur vote sur les amendements, les articles et les projets ou propositions de loi.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Il s’agit d’éviter qu’une disposition réglementaire relative à la durée des débats puisse venir contrecarrer le principe fondamental du parlementarisme en limitant le nombre des amendements susceptibles d’être déposés sur les articles d’un projet ou d’une proposition de loi ou en portant atteinte à la possibilité pour l’un des auteurs des amendements de défendre en séance publique cette proposition.

Ce n’est pas seulement un problème technique ni une question concernant la droite ou la gauche. Il s’agit au contraire d’un problème de fond relatif aux rapports entre le législatif et l’exécutif, lequel, nous l’avons vu, aujourd’hui occupe presque la totalité des pouvoirs.

De ce point de vue, on assiste plutôt, tout le monde en conviendra, à une dérive. Contrairement à ce qu’on a pu dire, loin de l’atténuer, la dernière modification constitutionnelle n’a fait que renforcer cette dérive. En effet, maintenant, le Président de la République est devenu le véritable chef de l’exécutif,...

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il l’a toujours été !

M. Pierre-Yves Collombat. ... tout en contrôlant le processus législatif et en conservant le pouvoir de dissoudre l’Assemblée nationale.

Dans ces conditions, il est absolument essentiel de maintenir le pouvoir d’amendement des parlementaires.

M. le président. L'amendement n° 189, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Tout article de tout projet ou de toute proposition de loi donne lieu à un débat en séance publique. Ce débat inclut la présentation de l'ensemble des amendements déposés sur cet article, l'exposé de l'avis de la commission et du Gouvernement et les explications de vote des membres du Parlement présentées dans les conditions fixées par les règlements des assemblées parlementaires.

La parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. Au fond, ce qui semble déranger la majorité, c’est que l’opposition use du droit d’amendement comme d’une tribune politique.

L’exercice du droit d’amendement constitue en effet un excellent instrument de combat politique.

Vous ne retenez que les manœuvres d’obstruction pour justifier votre action. Mais ces cas ne sont pas les plus intéressants ni les plus fréquents.

Vous vous attardez volontairement sur cet aspect essentiellement négatif.

Or l’utilisation politique du droit d’amendement, dans un but pédagogique auprès de l’opinion ou pour illustrer la capacité d’alternance de l’opposition, présente un aspect positif, qui enrichit de façon sensible le débat parlementaire.

Lorsque les parlementaires socialistes, par exemple, défendent un contre-plan de relance, qu’ils reprennent dès que l’occasion le permet sous forme d’amendements, ou lorsqu’ils déposent une motion de censure à l’encontre du Gouvernement, ils usent d’une prérogative qui leur permet de défendre un contre-projet pour démontrer que l’opposition est capable de réformes législatives d’ampleur.

En agissant de la sorte, nous opposons notre propre logique politique à celle du Gouvernement.

Il existe une contradiction entre la volonté de mieux programmer le travail parlementaire et la frénésie législative, doublée de l’urgence.

Pour le Gouvernement, en limitant le temps de la discussion, on va forcer tous les parlementaires à prendre leur parole au sérieux.

Il s’agit de programmer le travail parlementaire, de lutter contre l’absentéisme et d’améliorer la qualité du travail parlementaire.

Par ailleurs, la limitation drastique de l’usage du « 49-3 » porte en elle la possibilité d’un blocage absolu du système parlementaire. On ne peut nier ces difficultés.

Cependant, la meilleure façon de programmer les débats est non de limiter ceux-ci dans le temps, mais de faire moins de lois en rafales, longues et très complexes.

Ce dont souffre la qualité des normes, ce n’est pas du temps excessif que leur auraient consacré les parlementaires : c’est d’un empressement retirant au débat sa sérénité et favorisant les malfaçons.

Le Président de la République évoque le « besoin d’agir », et d’agir « vite », bien sûr. Il confond l’annonce de l’action et l’action elle-même !

Le temps de l’annonce n’est pas celui de l’action, surtout en matière législative. Ce n’est pas parce qu’une loi est vite faite qu’elle est bien faite et appliquée. Ce n’est pas la quantité de lois qui fait leur efficacité.

Dans son dernier rapport sur l’application des lois, le Sénat relève qu’à peine un quart des mesures réglementaires attendues pour les lois votées au cours de l’année parlementaire 2007-2008 a été publié, contre 32,1 % l’année précédente. Pour les lois dont le projet avait fait l’objet d’une déclaration d’urgence, ce taux d’application tombe à 10 % ! On croit rêver ! Seules dix lois votées depuis le début de la législature sont devenues pleinement applicables.

Le nombre et la longueur des textes augmentent sans cesse sous la double influence de la décentralisation et de la construction européenne, mais aussi parce que le Gouvernement ajoute de nombreux articles additionnels à ses propres projets de loi.

La qualité de la loi, la sécurité juridique et la clarté de la loi ne sont plus assurées de façon satisfaisante.

Ainsi, que doit-on penser de l’article 13 figurant dans le présent projet de loi organique alors que le Sénat a annoncé par avance qu’il ne le mettrait pas en application ? Nous connaîtrons sur ce point une situation de bicamérisme inégalitaire, ce qui n’est pas acceptable au regard du bon fonctionnement de l’institution parlementaire.

La loi organique a pour objet de mettre en application certaines dispositions de la Constitution afin d’uniformiser la procédure législative et d’apporter de la cohérence au vote de la loi, puisque la loi est l’expression du Parlement.

C’est la raison pour laquelle nous vous proposons d’inscrire dans la loi organique que tout article de tout projet ou de toute proposition de loi donne lieu à un débat en séance publique. Ce débat doit inclure la présentation de l’ensemble des amendements déposés sur cet article, l’exposé de l’avis de la commission et du Gouvernement et les explications de vote des membres du Parlement, dans les conditions fixées par les règlements des assemblées parlementaires.

M. le président. L'amendement n° 42 rectifié, présenté par MM. Charasse, Collin, Alfonsi, Barbier, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mmes N. Goulet et Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, de Montesquiou, Plancade, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :

À la demande du Gouvernement ou sur décision de la Conférence des présidents, un délai maximum peut être fixé pour l'examen d'un texte en séance publique. Les règlements des assemblées déterminent les modalités de mise en œuvre de cette procédure et les conditions dans lesquelles, à seule fin de respecter le délai d'examen, les amendements des membres du Parlement peuvent être soumis au vote sans discussion.

La parole est à M. Michel Charasse.

M. Michel Charasse. Monsieur le secrétaire d’État, l’article 13 me fait penser à une espèce de repentance d’une révision que personne, sur les points concernés en tout cas, n’avait vraiment réclamée et qui a abouti, vous l’avez largement démontré dans votre brillant exposé tout à l’heure, à priver l’exécutif de prérogatives aussi essentielles que l’ordre du jour prioritaire illimité ou l’usage de l’article 49, troisième alinéa, cette invention de notre ami Guy Mollet.

Nous avons supprimé en juillet dernier une partie des dispositions qui ont mis un terme à la faiblesse de la République et de l’État et à l’instabilité gouvernementale.

Il faut donc rattraper ce coup malencontreux. Faute de pouvoir le faire par la Constitution, texte suprême, on se rabat sur les règlements des assemblées, ces textes que le doyen Vedel, je crois, comparait aux « règlements de garnison » !

Cruel dilemme pour ceux qui, comme moi, sont très attachés à la République, à l’État et au régime parlementaire !

Peut-on revenir aux dispositions modifiées ou supprimées en juillet dernier ? Non, en tout cas pas dans le cadre de cette loi organique.

Veut-on revenir aux régimes précédents ? Sûrement pas !

Il faut donc trouver une autre formule, conforme à la Constitution. L’article 13 constitue-t-il « la » formule ? Peut-être ! En tout cas, c’en est une !

Je ne vais pas m’éterniser sur la question de savoir si le dispositif de l’article 13 remet vraiment en cause le droit d’amendement. Il n’interdit pas à tout député ou sénateur de déposer autant d’amendements qu’il veut : 10 000, 20 000, ou 50 000 ! Il y a simplement un temps global ; s’il est dépassé, les amendements seront mis aux voix sans débat, mais ils figureront au Journal officiel. L’article 13 n’empêche donc pas qu’ils soient imprimés, distribués, diffusés, examinés en commission, et soumis au vote de l’assemblée concernée.

Avec le système de l’article 13, on peut gagner un peu de temps ; il y aura simplement une absence de parole.

Monsieur le secrétaire d’État, comme ce dispositif ne sera pas, à mon avis, finalement très opérant, autant l’utiliser avec prudence, à titre exceptionnel, et sans chercher à humilier ou à brimer qui que ce soit. C’est l’esprit dans lequel je présente mon amendement. J’aurais évidemment pu proposer la suppression de l’article, mais, puisque nous sommes engagés dans sa discussion, autant essayer d’en améliorer la rédaction.

Tout d’abord, je crois qu’il faut être clair : le temps global imposé est un geste politique ; il faut donc que l’on sache d’où vient le « coup ». C’est pourquoi je propose d’ajouter « À la demande du Gouvernement ou sur décision de la conférence des présidents », c'est-à-dire à la demande de la majorité de l’assemblée concernée, étant entendu que la procédure du temps global n’est évidemment pas de droit.

Ensuite, cette procédure ne pourra être utilisée que si l’on ne peut pas faire autrement, c'est-à-dire uniquement pour faire respecter le temps global s’il y a un risque qu’il soit dépassé ou s’il l’est déjà.

En définitive, ce système ne devrait ni aller très loin ni compromettre les droits sacrés des parlementaires, tout au plus contrecarrer des droits qui ont pu, en raison de la faiblesse de l’institution parlementaire, prospérer dans un passé récent, comme le filibustering, même si, M. Mercier le faisait remarquer, le terme n’est pas approprié.

La rédaction différente que je propose tend à préciser que le temps global ne peut pas être utilisé à n’importe quelle condition. Le texte de la loi organique doit, à mon avis, donner une indication claire à ceux qui auront à rédiger le ou les règlements. Nous savons que, en l’espèce, cela concerne principalement le règlement de l'Assemblée nationale, compte tenu de la position prise par la commission des lois du Sénat.

Monsieur le secrétaire d’État, j’appelle à une application souple et intelligente du dispositif, marquée par la volonté de laisser la priorité au débat. Plus que les textes, la pratique sera vraiment essentielle sur ce sujet.

M. le président. L'amendement n° 123, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots :

peuvent être mis aux voix sans discussion

par les mots :

sont discutés

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Il s’agit évidemment pour nous d’un amendement de repli.

S’il est un élément que nous jugeons totalement inacceptable dans cet article, c’est la non-discussion des amendements en séance publique.

En admettant que la conférence des présidents limite le temps d’examen d’un projet de loi – ce que nous refusons –, il paraît important de réaffirmer le principe de la discussion des amendements.

Nous avons déjà démontré, et M. le secrétaire d’État n’a répondu précisément à cette argumentation, que la Constitution et la jurisprudence du Conseil Constitutionnel imposent un examen « effectif » des amendements, ce que ne permet pas l’article 13 dans sa rédaction actuelle.

M. le président. L'amendement n° 122, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

À la fin du premier alinéa de cet article, supprimer les mots :

sans discussion

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement de repli vise à retirer du texte des mots qui devraient être bannis du vocabulaire du droit parlementaire : l’article 13 précise en effet que les amendements peuvent être adoptés « sans discussion ». Une telle radicalité dans la restriction du droit d’expression des parlementaires est pourtant contraire aux propos tenus par les principaux porte-parole du Gouvernement ou de la majorité, notamment à l’Assemblée nationale.

Monsieur le secrétaire d’État, il y a quelques jours, en commission, vous avez souligné que « l’objectif [était] de mieux organiser les débats, non de réduire le temps d’examen des textes en séance ». Comment pouvez-vous affirmer cela et soutenir en même temps que les amendements peuvent être examinés sans discussion ?

Il suffit que la majorité de la conférence des présidents, votre majorité en l’occurrence, décide d’un temps global de discussion très court pour que les amendements, dans leur ensemble, ne puissent être présentés.

Vous nous avez d’ailleurs indiqué qu’il pourrait être décidé de fixer un « temps plus important pour les textes d’intérêt majeur ». Cette phrase est révélatrice d’une certaine conception des institutions. C’est le Gouvernement ou la majorité qui décide quels textes pourront bénéficier d’un temps de débat plus long. Là est bien le problème, car c’est le droit de chaque parlementaire, le droit de l’opposition, de faire porter le débat sur un point jugé important.

M. le président. L'amendement n° 126, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Cette procédure peut être engagée si elle ne fait pas l'objet d'une opposition du Gouvernement, de la commission saisie au fond ou d'un président de groupe.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Bien que nous n’ayons pas encore examiné l’article 12 du projet de loi organique, nous avons pu noter que l’extension de la procédure simplifiée des projets de loi était soumise à la règle de l’unanimité. En effet, tout président de groupe pourra s’opposer à sa mise en œuvre.

Cette modification du texte intervenue à l’Assemblée nationale est un recul par rapport au texte originel, la majorité de l’Assemblée nationale souhaitant à tout prix, nous l’avons bien compris, l’adoption conforme de cet article 13. Pourquoi mettre un tel verrou démocratique sur la mise en œuvre de la procédure simplifiée et non sur l’organisation d’une discussion limitée dans le cadre du crédit-temps ?

La modification apportée à l’article 12 montre bien que le veto d’un groupe constitue une garantie démocratique. A contrario, le fait de ne pas modifier l’article 13 en ce sens accroît le caractère autoritaire de ce dernier et accentue l’expression du fait majoritaire.

Permettre à un président de groupe d’exiger une discussion pleine et entière, sans restriction, d’un projet, c’est reconnaître au Parlement son rôle politique, son statut de lieu de confrontation d’idées.

J’estime que le Sénat et son président s’honoreraient de proposer une nouvelle fois de placer les groupes politiques au cœur de l’institution parlementaire et, plus largement, au cœur des institutions. Je rappelle que le Sénat avait proposé un droit de saisine du Conseil constitutionnel pour les groupes politiques à l’occasion de la révision constitutionnelle, ce qui avait finalement été rejeté par l’Assemblée nationale.

Notre amendement se situe dans cet objectif de revalorisation du Parlement, en favorisant le rôle et la place des groupes politiques.

M. le président. L'amendement n° 128, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Deux groupes politiques peuvent s'opposer à la mise en œuvre de cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Cet amendement s’inscrit dans la même logique que le précédent. Nous proposons que le droit de veto puisse être exercé par deux groupes politiques.

Comment imaginer, monsieur le secrétaire d’État, qu’un débat viole expressément le principe du droit d’amendement, alors que l’opposition rassemblée, par exemple, demande le débat ? Notre proposition est la garantie que le fait majoritaire n’entraîne pas une dérive autoritaire.

Vous aurez noté que nous puisons notre inspiration dans le projet de réforme du règlement actuellement discuté au Sénat qui permettrait à deux groupes de saisir la conférence des présidents.

Même si nous préférons la valorisation des groupes politiques eux-mêmes à la notion de statut de l’opposition, j’estime que notre proposition n’est pas excessive et qu’elle apporterait la garantie d’un bon fonctionnement de notre assemblée.

M. le président. L'amendement n° 127, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

La décision par la Conférence des Présidents des assemblées de recourir à la procédure prévue par cet article doit être prise aux trois cinquièmes.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous sommes toujours dans la même logique : nous estimons que la décision de la conférence des présidents d’une assemblée de recourir à la procédure du crédit-temps, telle qu’elle est prévue à l’article 13, doit être prise à la majorité des trois cinquièmes. La gravité d’une telle décision nécessite, à nos yeux, l’assentiment d’une majorité qualifiée.

Monsieur le secrétaire d’État, une telle disposition permettrait d’éviter les trop longs débats que vous avez évoqués et qui nuisent finalement à la clarté de la discussion. Pour autant, un consensus relatif entre une partie de la majorité et l’opposition serait nécessaire.

M. le président. L'amendement n° 125, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après les mots :

des membres du Parlement

rédiger comme suit la fin du second alinéa de cet article :

la procédure organisée par cet article cesse de s'appliquer, chaque amendement déposé pouvant être discuté.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il s’agit là d’un amendement de bon sens constitutionnel, si j’ose dire.

Le crédit-temps, qui est, selon moi, une sorte de « 49-3 » parlementaire, constitue une mise en cause radicale du droit des parlementaires. Nous l’avons dit et redit, et cette observation est même acceptée implicitement par la majorité sénatoriale puisqu’elle ne souhaite pas appliquer une telle faculté, ce crédit-temps bafouant quelque peu le principe d’imprescriptibilité du droit d’amendement, cher à M. le président du Sénat et à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je n’ai pas parlé d’imprescriptibilité !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’inaliénabilité, si vous préférez, monsieur Hyest ! Je n’irais pas jusqu’à parler de « sacré », terme que vous-même ou d’autres avez déjà employé.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. On peut utiliser ce mot ! L’amour sacré de la patrie, c’est dans la Marseillaise !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Si l’article 13, qui prévoit le crédit-temps, est adopté, le temps d’expression des parlementaires sera, quoi qu’on en dise, limité. Or le Gouvernement disposera toujours du droit de déposer des amendements à tout moment et, bien entendu, de les défendre et de les présenter en séance publique.

En ce qui nous concerne, nous avons toujours contesté ce droit qui permet au Gouvernement de modifier en profondeur un projet à la dernière minute, sans nous laisser le temps nécessaire pour examiner le contenu des textes ainsi que leurs conséquences juridiques et politiques.

Monsieur le secrétaire d’État, vous ne serez donc pas étonné : nous considérons qu’il s’agit d’un droit exorbitant du Gouvernement, qui reflète à l’évidence la prédominance de l’exécutif sur le législatif telle qu’elle ressort de nos institutions, c'est-à-dire de la Constitution de 1958, y compris dans sa dernière mouture.

Quand les parlementaires ne peuvent plus amender, le Gouvernement le peut toujours. La question des délais devra être rediscutée lors de la réforme du règlement. Mais l’avantage conféré au Gouvernement prend une dimension toute nouvelle dans le cadre de l’article 13.

Certes, des modalités d’intervention sur l’amendement gouvernemental sont prévues, mais elles ne nous paraissent pas suffisantes. Nous estimons que la procédure du crédit-temps doit être abandonnée lorsque le Gouvernement décide d’amender un texte en cours de débat, et c’est la moindre des choses pour quiconque souhaite défendre sincèrement les droits du Parlement, comme cela semble être votre cas, monsieur le secrétaire d’État. Il s’agit, en quelque sorte, de modifier le délai accordé aux uns et aux autres pour s’exprimer.

M. le président. L'amendement n° 124, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Lorsque l'une des deux assemblées décide de ne pas appliquer cet article, l'autre ne peut, seule, le mettre en application.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. (Brouhaha sur les travées de lUMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nos collègues ont l’air tout à fait intéressés par le débat ! (Exclamations amusées sur les travées de lUMP.)

M. Jean Bizet. Il y a certainement une raison !

M. Charles Revet. L’intérêt de vos propos les fait échanger entre eux ! (Sourires sur les mêmes travées.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Intéressez-vous plutôt aux droits du Parlement !

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez admis que cet article permettait une différenciation des règlements des assemblées. Cependant, vous n’avez pas tout à fait raison, car cette différenciation porte non pas sur leur fonctionnement propre ou leur « mode de vie », ce que l’on pourrait appeler leur règlement intérieur, mais bien sur le rôle institutionnel des assemblées, notamment leur rôle législatif et leurs rapports avec l’exécutif.

Ne confondons pas l’autonomie qui concerne les demandes de vérification du quorum, les demandes de suspension de séance, voire les explications de vote et celle qui a trait à la capacité des parlementaires d’amender un texte. Ainsi, les articles 44 et 45 de la Constitution disposent très clairement que le Parlement est une entité unique – les assemblées ne sont en effet pas différenciées – pour ce qui est du droit d’amendement ou de la navette parlementaire. Quel sens aura cette harmonie affichée si, dans l’une des chambres, le droit d’amendement s’exerce de façon pleine et entière alors que, dans l’autre, les amendements déposés sont mis aux voix sans discussion ?

Il m’a été rétorqué à plusieurs reprises que le règlement de l’Assemblée nationale sous la IVe République et sous la Ve République jusqu’en 1969, à la différence de celui de la Haute Assemblée, prévoyait une forme de débat global. Mais la IVe République avait un régime parlementaire, ce qui est tout de même assez différent.

M. Michel Charasse. Non, un régime d’assemblée !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En outre, je rappelle que c’était inscrit dans le règlement de l’Assemblée nationale, et non dans une loi organique.

J’ajoute un argument de bon sens : si le règlement de l’Assemblée nationale a été modifié en 1969, c’est pour tenir compte du fait que la France n’avait plus un régime parlementaire.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, rapporteur. Un régime d’assemblée !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il aura semble-t-il fallu dix ans pour le constater. Il n’était évidemment alors plus nécessaire de limiter le temps global de parole des députés, car la Constitution de 1958 offrait tous les outils à l’exécutif pour arrêter un débat. Cet argument que l’on se plaît à nous opposer se retourne donc contre ses auteurs.

Enfin, je veux avancer un argument politique de poids : est-il concevable que les députés, élus au suffrage universel direct, aient moins de droits que les sénateurs, élus au suffrage universel indirect ? Ce n’est pas un point de détail que l’on peut balayer d’un revers de main !

Aujourd’hui, le Sénat doit prendre ses responsabilités, car nous légiférons pour l’ensemble du Parlement. Or, si vous ne voulez pas que l’article 13 s’applique ici, mes chers collègues, c’est parce que vous estimez qu’il est contraire aux principes constitutionnels régissant le droit d’amendement. Votre devoir est donc de signifier clairement à nos collègues députés le danger que représente une telle disposition pour la démocratie, soit en la supprimant, soit en empêchant sa mise en œuvre en ne votant pas ce texte conforme.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. Tout à l’heure, la commission a refusé de supprimer l’article 13. Elle ne peut donc qu’être défavorable aux amendements qui visent à instaurer des dispositions qui lui sont totalement contraires. C’est le cas de l’amendement n° 182, qui prévoit que « les règlements des assemblées ne peuvent instituer une procédure impartissant des délais pour l’examen d’un texte ». Ses auteurs auraient tout aussi bien pu écrire : « supprimer cet article ».

M. Michel Charasse. Cet amendement contredit l’article 13 !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Effectivement !

Mes chers collègues, je ne sais pas ce que veut dire « le droit d’amendement est imprescriptible », formulation qui est inscrite aux amendements nos 183 et 184. Est-ce à dire que celui qui n’a pas fait usage de son droit d’amendement pourrait l’invoquer dix ans après ?

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Ce serait ridicule !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Permettez-moi de vous dire qu’il y a des mots dont vous méconnaissez le sens. Je pense aussi au terme « inaliénable », qui ne figure pas dans ces amendements, mais que j’ai entendu prononcer tout à l’heure.

Quant à la phrase selon laquelle « Le droit d’amendement est consubstantiel aux principes républicains et démocratiques qui fondent l’activité parlementaire », c’est une déclaration de principe qui n’a pas sa place dans un texte législatif.

Puisque les amendements nos 182, 183, 184 et 185 visent à rédiger l’article 13 et donc à supprimer la possibilité d’établir un crédit-temps, ils sont en contradiction avec la position déjà exprimée par le Sénat.

Monsieur Frimat, c’est très bien d’écrire que « le droit d’amendement est individuel », mais c’est totalement inutile : cela figure déjà dans la Constitution. En outre, l’amendement n° 186 rectifié aurait pour effet de modifier l’article 13. Or, même si vous nous avez longuement expliqué qu’il fallait le modifier, vous aurez bien compris qu’il n’était pas question d’y toucher.

MM. Bernard Frimat et Daniel Raoul. Oh oui !

M. Jean-Pierre Sueur. C’est de la petite tactique !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non, monsieur Sueur, c’est de la grande stratégie !

M. Jean-Pierre Sueur. De la médiocre stratégie !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais vous mélangez tout, ce qui ne me surprend pas. (Rires sur les travées de lUMP.)

Un sénateur de l’UMP. Ce n’est pas gentil ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Quand on me cherche, on me trouve !

L’amendement n° 187 contredit explicitement l’objectif poursuivi avec la détermination d’un crédit-temps pour l’examen d’un texte. Je ferai les mêmes observations pour les amendements nos 188 et 189.

Je signale tout de même que, au lieu d’écrire « aucune disposition réglementaire », il eut mieux valu inscrire « aucune disposition du règlement des assemblées », tout comme il eut été préférable de parler de « l’auteur » – d’autant que vous ne cessez de dire que le droit d’amendement est individuel – plutôt que des « auteurs » ou du « premier signataire », notion qui a disparu.

M. Michel Mercier. Et en plus, c’est mal écrit ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Absolument !

La rédaction proposée par M. Charasse dans son amendement n° 42 rectifié est intéressante.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Toutefois, elle paraît moins protectrice pour le Parlement que le texte résultant des travaux de l’Assemblée nationale, qui renvoie la mise en œuvre du crédit-temps au règlement de chaque assemblée.

Vous avez parfaitement défendu votre point de vue, monsieur Charasse.

M. Charles Revet. Comme toujours !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Néanmoins, cette disposition permettrait au Gouvernement de demander l’application d’un crédit-temps alors même que le règlement des assemblées ne le prévoirait pas, ce qui serait un paradoxe.

Vous nous avez expliqué pourquoi vous souhaitiez que l’on revienne à des règles permettant au Gouvernement d’agir plus efficacement, mais, en tout état de cause, malgré votre rédaction, votre amendement serait en contradiction avec l’objectif de l’article 13. Je vous invite donc, mon cher collègue, à le retirer.

J’en viens aux amendements du groupe CRC-SPG.

L’amendement n° 123, qui vise à remplacer les mots « peuvent être mis aux voix sans discussion » par les mots « sont discutés », et l’amendement n° 122, qui tend à supprimer les mots « sans discussion », sont contraires au sens de l’article 13.

En ce qui concerne l’amendement n° 126, les conditions prévues pour l’application du crédit-temps, en particulier le droit de veto d’un président de groupe, « neutraliseraient » la procédure. Je ferai les mêmes observations pour les amendements nos 128 et 127.

J’en viens à l’amendement n° 125, qui prévoit que le dépôt hors délai d’amendements par le Gouvernement ou par la commission aurait pour effet de mettre fin à la procédure du crédit-temps. Cette question est indépendante de l’article.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Parce que le crédit-temps est déjà fixé. Le fait que des amendements soient déposés ensuite ne change rien.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non ! Je vous rappelle, ma chère collègue, que l’Assemblée nationale a prévu la possibilité de déposer de nouveaux amendements si le Gouvernement propose des modifications au texte discuté en séance.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est ce que je disais !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais ce cas de figure doit être prévu par le règlement et non par la loi organique.

Enfin, s’agissant de l’amendement n° 124, je pense que vous avez une curieuse conception de l’autonomie des assemblées. (Exclamations amusées sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Vous voulez absolument que le Sénat fasse comme l’Assemblée nationale. Certains députés en rêvent aussi. Je pense que c’est contraire à l’autonomie des assemblées, principe auquel je suis attaché.

Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur tous ces amendements.

Mme Éliane Assassi. C’est quand même tiré par les cheveux !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Je ne vais pas reprendre les arguments qui ont été développés par M. le rapporteur ni revenir sur ce qui a été dit tout à l’heure, même si je comprends qu’un certain nombre d’amendements de repli aient été déposés.

Monsieur Frimat, vous le savez, l’amendement n° 182 contredit totalement l’article 13. Même s’il ne s’agit pas à proprement parler d’un amendement de suppression, son adoption reviendrait à gommer la rédaction initiale. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.

Dans le reste de la batterie d’amendements du groupe socialiste, certains reprennent des dispositions figurant déjà dans la Constitution, d’autres sont des affirmations de principe. Cela étant, je ne reviens pas sur les amendements nos 183 et 184 visant à ce que le droit d’amendement soit imprescriptible, car moi non plus je ne sais pas ce que cela veut dire.

M. Pierre-Yves Collombat. Je vous le dirai, monsieur le secrétaire d’État !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. À M. Hyest, qui ne souhaite pas que le Sénat modifie l’article 13, l’un des membres de votre groupe a répondu qu’il s’agissait d’une manœuvre. Permettez-moi de vous faire remarquer que le dispositif de votre amendement n° 186 rectifié, selon lequel le droit d’amendement est individuel, est déjà inscrit dans l’article 44 de la Constitution. Expliquez-moi donc pourquoi vous avez demandé un vote par scrutin public sur un tel amendement ? Dans le même ordre d’idée, vous auriez tout aussi bien pu présenter un amendement qui aurait dit que le Parlement est élu, puis arguer qu’il serait inconcevable de voter contre une telle disposition !

Reconnaissez-le, ce type d’amendement n’apporte rien. Le fait que le droit d’amendement est individuel est une évidence. Non seulement, cela a été dit dans tous les débats, mais c’est aussi inscrit dans la Constitution. Je pourrais dire la même chose sur des dispositions dont on a longuement débattu tout à l’heure concernant les amendements qui doivent être défendus en séance publique, des amendements qui doivent être suivis d’explication de vote, etc.

Dans ces conditions, vous comprendrez que le Gouvernement émette un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

J’en viens à l’amendement n° 42 rectifié.

Monsieur Charasse, si je me laissais aller,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oh non ! (Sourires.)

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. … mais je vais me contenir (Exclamations amusées sur les travées de lUMP) car je ne veux pas rouvrir le débat, je dirais que je n’aurais jamais osé rêver d’un tel amendement.

Je reconnais bien volontiers que votre logique se défend. Vous dites : n’imposons pas le temps global, n’introduisons pas cette limite dans les règlements de l’Assemblée nationale et du Sénat ; prévoyons que son application soit décidée non pas par les groupes, mais sur l’initiative du Gouvernement – c’est trop d’honneur ! Si l’article 13 avait prévu un tel dispositif, l’ensemble des groupes de gauche aurait poussé une belle bronca – ou de la conférence des présidents.

En fait, vous préconisez, comme dans le système anglais, que le Gouvernement, lorsqu’il considère que la chambre a été assez éclairée, demande un vote, ce qui met un terme au débat. Mais ce n’est pas le choix qui a été fait lors de la révision constitutionnelle. Nous avons préféré faire confiance aux règlements des assemblées et au fait que l’ensemble des groupes à l’Assemblée nationale comme au Sénat puissent se mettre d’accord sur un mode de fonctionnement.

L’adoption de votre amendement modifierait donc l’équilibre de l’article 13, même si j’en comprends la logique. Quels que soient mes souhaits personnels, mes rêves secrets ou la facilité que cela donnerait au Gouvernement, je vous invite donc à le retirer. Je connais vos réserves, mais je pense que la rédaction actuelle est plus respectueuse des droits du Parlement et ménage mieux le consensus qui doit se dégager entre les groupes sur le règlement des deux assemblées.

Les amendements nos 123, 122, 126, 128, 127, 125 et 124 présentés par le groupe CRC-SPG sont des amendements de repli : la commission, un président de groupe, deux groupes politiques peuvent s’opposer à la procédure ; la décision est prise à la majorité des trois cinquièmes de la conférence des présidents ; elle est abandonnée en cas d’amendements du Gouvernement ; une assemblée ne peut, seule, la mettre en œuvre, etc.

Nous avons déjà longuement débattu sur le fond. L’article 13 doit être considéré dans sa globalité. Chacune des deux assemblées travaille à l’élaboration et à l’adoption d’un règlement.

Les règlements des deux assemblées sont d'ailleurs très différents sur bien des sujets. Ainsi, le règlement du Sénat prévoit que le Gouvernement n’est pas présent en commission au moment du vote sur les amendements,…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est très bien, d'ailleurs !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. …ce qui n’est pas le cas à l’Assemblée nationale. Les règlements des assemblées peuvent donc différer sur une question aussi essentielle, et le Conseil constitutionnel n’a jamais invalidé l’un ou l’autre du fait de cette différence.

M. Michel Charasse. Exactement !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Laissons les deux assemblées rédiger leur règlement, laissons les groupes de chaque assemblée se mettre d’accord sur sa rédaction ! Ainsi, me semble-t-il, on trouvera une meilleure solution que celle qui serait imposée dans la loi organique.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

M. le président. Monsieur Charasse, l'amendement n° 42 rectifié est-il maintenu ?

M. Michel Charasse. J’ai bien écouté ce qu’ont dit le président-rapporteur et le secrétaire d’État.

M. Jean Desessard. Laissez-vous aller, monsieur Charasse ! (Sourires.)

M. Michel Charasse. J’avais essayé de trouver une rédaction qui détermine clairement, dans cette affaire, les prérogatives du Gouvernement, parce que j’y suis attaché par priorité.

J’ai siégé dans des gouvernements qui n’ont jamais proposé de modifier la Constitution sur les dispositions victimes de la révision de juillet dernier, je le précise au passage. Et je suis loin d’être persuadé que le Président de la République que j’ai servi serait allé jusque-là, surtout après le blocage du Sénat sur l’école en 1984, mais peu importe.

L’article 13, mes chers collègues, c’est une simple faculté pour les règlements et si c’est dans le règlement, une possibilité de mise en œuvre, sans aucune obligation.

Pour ma part, monsieur le secrétaire d’État, je souhaitais surtout rappeler la nécessité pour une assemblée qui choisit de retenir cette disposition de l’appliquer avec une grande souplesse, de façon à éviter les brimades, les incidents et à faire en sorte que la procédure, tout de même un peu rigoureuse, passe le mieux possible.

Certes, il faut savoir être modeste et j’avoue que je ne suis pas très satisfait de ma rédaction. J’ai sans doute manqué de temps pour cerner les choses d’une façon plus fine et plus précise. Je n’aurai certainement pas l’occasion d’y revenir puisque le règlement du Sénat n’entrera sans doute pas dans ce processus, si j’en crois les déclarations de la commission des lois. C’est donc une affaire que l’Assemblée nationale réglera seule pour son propre compte.

À l’issue de ce processus, il vaudrait mieux éviter que l’on n’ait le sentiment – faux, bien sûr ! – qu’en fait de donner plus de pouvoirs au Parlement, on se retrouve dans une situation pouvant être considérée comme une brimade portant atteinte à un droit ancien et sacré. L’impact politique et psychologique sur l’opinion serait alors raté.

Cela étant, c’est bien volontiers que je retire l’amendement n° 42 rectifié, mais je n’en pense pas moins…

M. le président. L’amendement n° 42 rectifié est retiré.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l’amendement n° 182

M. Jean-Pierre Sueur. Mes chers collègues, nous parlions tout à l'heure de tactique. La majorité de notre assemblée a clairement décidé que les articles 13, 13 bis et 13 ter avaient atteint un haut degré de perfection…

Plusieurs sénateurs de l’UMP. Absolument !

M. Jean-Pierre Sueur. …puisqu’elle considère que la moindre modification serait préjudiciable.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il y a des députés !

M. Jean-Pierre Sueur. En fait, vous savez très bien qu’il s’agit surtout d’éviter que l’on ne rouvre le débat à l’Assemblée nationale.

Plusieurs sénateurs de l’UMP. Ah bon ?

M. Jean-Pierre Sueur. Vous le savez tous ! Ce que j’énonce est d’une telle évidence que même M. Courtois souscrit à mes propos. (Sourires.)

M. Mercier a bien voulu nous expliquer les raisons pour lesquelles le dispositif proposé aux articles 13, 13 bis et 13 ter lui paraissait finalement acceptable.

M. Michel Mercier. Je n’ai parlé que de l’article 13 !

M. Jean-Pierre Sueur. Nous en sommes à l’article 13, mais nous débattrons des deux autres articles ultérieurement.

Nous avons obtenu une grande avancée, a dit M. Mercier, M. le secrétaire d’État ayant reconnu que tout amendement pourrait toujours être présenté. C’est du moins ce que M. Mercier prétend,…

M. Michel Mercier. C’est ce que j’ai entendu !

M. Jean-Pierre Sueur. …même si M. Karoutchi ne hoche pas la tête de manière particulièrement explicite. (Sourires.) En tout cas, mes chers collègues, vous remarquerez que cela ne figure dans aucun texte. Pour le moment, il s’agit d’une parole que M. Mercier a perçue. (Rires et exclamations.)

M. Jean-Pierre Sueur. M. Mercier a invoqué une seconde avancée pour justifier son vote sur l’article 13 : même si nous ne pouvions pas discuter des amendements qui apparaîtraient après le délai-couperet, nous pourrions déposer des sous-amendements, sur lesquels nous aurions le loisir de nous exprimer sans limite de temps. (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Cela figurera dans le compte rendu des débats, puisque M. Mercier l’a entendu.

De ma place, je ne vois M. le secrétaire d’État que de dos, mais il ne semble pas souscrire tout à fait à ce que M. Mercier a cru entendre…

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Je ne souscris certainement pas à vos propos, monsieur Sueur !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Son exégèse n’est guère pertinente !

M. Jean-Pierre Sueur. Cette explication n’était sans doute pas inutile pour ceux qui liront le compte rendu de nos débats, mes chers collègues.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. C’est incohérent !

M. Jean-Pierre Sueur. Vous décidez que l’article 13 est acceptable en l’état – même si vous savez, au fond, que ce n’est guère justifié –, et vous accordez une grande liberté aux assemblées qui pourront restreindre à leur gré, dans leur règlement, les capacités d’expression des parlementaires sur les amendements.

Nous ne sommes pas d’accord, parce que nous défendons les droits de tous les parlementaires, qu’ils appartiennent à la majorité ou à l’opposition, d’aujourd’hui et de demain !

M. Jean Desessard. Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur. Pour notre part, nous considérons que la loi doit garantir le droit d’amendement. La loi étant supérieure au règlement, il doit être exclu qu’un quelconque règlement limite aujourd'hui ou à l’avenir le droit d’amendement auquel nous sommes tous profondément attachés, où que nous siégions, au Sénat comme à l’Assemblée nationale. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 182.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Article liberticide !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 183.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l'amendement n° 184.

M. Pierre-Yves Collombat. Le président Hyest est si convaincant qu’il parviendrait presque à faire vaciller nos maigres certitudes !

M. Jean Bizet. Quel aveu !

M. Pierre-Yves Collombat. L’article II de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 évoque les « droits naturels et imprescriptibles de l’homme ». Le Petit Robert retient la définition suivante de l’adjectif « imprescriptible » : « qui a une existence, une valeur immuable ».

Pour nous, le droit d’amendement est un droit imprescriptible du parlementaire, un droit immuable.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cela n’a rien à voir avec le droit d’amendement !

M. Pierre-Yves Collombat. Même si nos débats peuvent paraître byzantins – et non pas « sibyllins », comme l’a dit M. le secrétaire d’État, qui confond les deux adjectifs –, ils n’auront pas été inutiles puisqu’ils nous auront permis d’enrichir notre connaissance de la langue française !

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Ce n’est pas un terme juridique !

M. Pierre-Yves Collombat. C’est tout de même assez extraordinaire !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 184.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 185. (Protestations sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Pierre Sueur. Nous pensons que les débats parlementaires peuvent contribuer à l’édification d’une loi qui exprime au mieux la volonté générale.

Nous avons déposé cet amendement en hommage à M. Gérard Larcher, président du Sénat. Je vois que M. le secrétaire d’État s’associe à cet hommage. (Rires.)

Les collègues ayant participé au groupe de travail que M. le président du Sénat a réuni sur ces questions auront noté qu’il n’a cessé de réaffirmer le caractère consubstantiel du droit d’amendement.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est un principe !

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Ce n’est pas un terme juridique !

M. Jean-Pierre Sueur. Nous nous sommes parfois étonnés de l’apparition de ce terme à connotation théologique dans le vocabulaire juridique, mais puisque M. Larcher y tient, nous avons pensé qu’il était utile de le rappeler.

M. Michel Mercier. C’est un principe républicain !

M. Jean-Pierre Sueur. C’est tout simplement une manière de dire qu’il est très imprudent, et même déraisonnable, monsieur Charasse, de toucher si peu que ce soit au droit d’amendement.

Le droit d’amendement est vraiment essentiel. On peut regretter certains abus,…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ah oui !

M. Jean-Pierre Sueur. …mais nous nous alarmons bien davantage des conséquences qu’aurait la limitation du droit d’amendement.

Nous nous exprimons non seulement en notre nom, c'est-à-dire pour notre groupe et pour la partie gauche de l’hémicycle,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et pour l’Assemblée nationale !

M. Jean-Pierre Sueur. …mais également au nom de la République. Nous y tenons particulièrement.

Mes chers collègues, j’aimerais vous donner lecture d’un extrait de l’article VI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « La loi est l’expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. » Cela est fort bien dit. C’est même magnifique. En d’autres termes, chaque citoyen a le droit de concourir à la formation, à l’élaboration de la loi.

Et nous, qui sommes les représentants des citoyens, avons ce droit imprescriptible, en effet, très important, qu’il est déraisonnable de chercher à restreindre comme vous voulez le faire en vous obstinant sur cette rédaction de l’article 13. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean Desessard. Excellent !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 185.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l'amendement n° 186 rectifié.

M. Bernard Frimat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaiterais vous apporter une précision.

En effet, comme nous connaissions par avance les arguments qui seraient avancés par M. le rapporteur, selon lesquels nos amendements seraient contraires à l’article 13 puisqu’ils en proposent une nouvelle rédaction, nous avons déposé cet amendement n° 186 rectifié, afin d’apporter une démonstration la plus limpide possible.

Nous avons retenu un point qui fait consensus et qui figure dans la Constitution.

Certes, je devine ce qui nous sera rétorqué : « Cela relève non pas d’une loi organique, mais de la Constitution. » D’ailleurs, pendant le débat sur le projet de loi constitutionnelle, on nous a très souvent répondu : « Cela relève non pas de la Constitution, mais d’une loi organique. » (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Toutefois, et je pourrais facilement le démontrer, les auteurs du présent projet de loi organique ont eux-mêmes recopié la Constitution en de nombreuses reprises…

Il est un élément qui fait consensus au sein de la Haute Assemblée, y compris pour nos collègues qui ne s’expriment pas. Le droit d’amendement est un droit individuel ; il appartient à chaque parlementaire. Comme je l’ai expliqué à l’occasion de la discussion générale, ce droit est le corollaire de l’absence de mandat impératif, en vertu duquel chaque parlementaire a la liberté de vote et ne peut être contraint par personne, pas même par son groupe parlementaire, à s’exprimer dans un sens ou un autre. Il s’agit d’un principe de base.

Si j’ai tenu à ce que l’amendement n° 186 rectifié soit mis aux voix par scrutin public, c’est parce que je considère que le Sénat ne se grandit pas forcément en adoptant le vote conforme comme règle de conduite.

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Ce n’est pas un vote conforme ! Des amendements ont été adoptés !

M. Bernard Frimat. Or on tient absolument à ce que les articles 13, 13 bis et 13 ter fassent l’objet d’un vote conforme. Sur ces dispositions, il ne peut rien exister ; aucun argument ne peut être recevable et aucune démonstration ne peut être acceptable ! Et si on tient absolument à un vote conforme sur ces trois articles – après tout, je peux comprendre qu’il y ait des solidarités partisanes –, c’est pour éviter que le débat ne soit rouvert sur le sujet à l’Assemblée nationale !

Au demeurant, monsieur le secrétaire d’État, d’après les renseignements que nous avons pu obtenir lors de la suspension de séance, les différents groupes politiques de l’Assemblée nationale ne sont pas parvenus à un accord en conférence des présidents ; nous en avons eu confirmation.

Par conséquent, il nous semble bien qu’il y a un danger. Certes, ce danger, nous dit-on, ne concerne pas le Sénat, puisque notre Haute Assemblée a trouvé une solution et n’envisage pas d’appliquer la procédure prévue par l’article 13. Néanmoins, l’existence de cet article a pour finalité l’entrée en vigueur de la nouvelle procédure à l’Assemblée nationale. Sur ce point, les propos du président du groupe UMP ont été parfaitement clairs.

M. Henri de Raincourt. Le président du groupe UMP à l’Assemblée nationale !

M. Bernard Frimat. Tout à fait, mon cher collègue. C’est bien de lui que je parlais. Cela étant, il est vrai que M. Copé ne tient pas toujours ses engagements. D’ailleurs, nous sommes ravis de constater qu’il est toujours vivant malgré l’augmentation de la redevance. (Sourires.) Nous aurions été peinés qu’il en vînt aux extrémités qu’il avait annoncées, puisque lui vivant, la redevance ne devait jamais augmenter… Mais, à l’instar du canard, M. Copé est toujours vivant ! (Nouveaux sourires.)

Mais j’en reviens au cœur du débat, mes chers collègues. Nous avons demandé un scrutin public sur cet amendement pour démontrer que la seule préoccupation du Gouvernement et de sa majorité était d’obtenir un vote conforme sur les articles 13, 13 bis et 13 ter. En réalité, cet amendement ne défigure en rien le projet de loi organique. Et affirmer qu’une telle disposition figure déjà dans la Constitution relève de la billevesée ! M. le rapporteur est trop averti de la réalité des textes pour croire en un argument aussi faible.

En d’autres termes, mes chers collègues, vous allez voter contre cet amendement par hostilité non pas à l’affirmation du caractère individuel du droit d’amendement, mais à la possibilité pour l’Assemblée nationale de débattre dans des conditions normales de l’amélioration de l’article 13. (M. le secrétaire d’État manifeste son impatience.)

Nous pourrions pourtant nous accorder au moins sur un point : les conditions dans lesquelles le débat a eu lieu à l’Assemblée nationale sur le sujet sont loin d’être optimales. Il aurait donc été intéressant de donner une deuxième chance à nos collègues députés, ce que vous refusez. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Monsieur le président, mes chers collègues, l’article 44 de la Constitution dispose que « les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d’amendement ». Cela me paraît largement suffisant !

En réalité, monsieur Frimat, vous voulez modifier l’article 13 dans l’unique objet de rouvrir le débat. Or je vous ai déjà expliqué pourquoi il était important que l’Assemblée nationale puisse utiliser cette nouvelle procédure et pour quelle raison de telles dispositions devaient figurer dans la loi organique. Il est inutile de revenir sur ce point.

À mon sens, à l’issue de nos débats, onze des quatorze articles du projet de loi organique seront concernés par la navette. N’affirmez donc pas que le vote du Sénat sera un vote conforme !

Par ailleurs, la commission n’a pas non plus déposé d’amendements sur les articles 13 bis et 13 ter, qui forment un ensemble cohérent avec l’article 13. Au demeurant, il s’agit de dispositions importantes. Ainsi, l’article 13 bis a pour effet de permettre des temps supplémentaires, même dans le cadre du crédit global, en garantissant l’expression des groupes d’opposition ou des groupes minoritaires.

En fait, mon cher collègue, vous parlez simplement pour le plaisir de parler.

M. Jean Desessard. Il a tout de même le droit de parler !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La Constitution dispose que – cela n’a pas changé depuis 1958 – les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d’amendement. Il n’est jamais venu à l’idée de quiconque de préciser que ce droit devait être individuel. Dès lors que l’on évoque les « membres du Parlement », c’est bien qu’il s’agit d’un droit individuel.

Une telle précision serait donc complètement inutile. C'est la raison pour laquelle je vous propose de rejeter cet amendement, mes chers collègues.

Et, monsieur Frimat, cessez de faire croire que nous serions opposés à la reconnaissance du caractère individuel du droit d’amendement !

M. Jean Desessard. C’est pourtant le cas, puisque vous refusez cet amendement !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est ridicule !

M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi, pour explication de vote.

M. Nicolas Alfonsi. Je souhaite simplement formuler une observation, qui s’inscrit d’ailleurs dans la perspective des propos de M. le rapporteur.

Comme cela a été souligné, l’article 44 de la Constitution dispose que le droit d’amendement appartient aux membres du Parlement et au Gouvernement. Or, et cela n’aurait pas dû échapper à la subtilité de notre collègue Bernard Frimat, que serait un « droit individuel du Gouvernement » ?

Pour que cet amendement ait une véritable signification, il faudrait le rectifier pour préciser que c’est le droit d’amendement des membres du Parlement qui est individuel. Dans sa rédaction actuelle, cet amendement est contraire au texte constitutionnel. Peut-être faudrait-il donc le sous-amender.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce n’est plus possible !

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.

M. Yves Détraigne. Monsieur le président, je serai très bref, puisque ce que je souhaitais dire vient d’être souligné à la fois par M. le rapporteur et par notre collègue Nicolas Alfonsi.

Je voudrais simplement apporter un argument complémentaire. Jeudi dernier, au début de la discussion des articles de ce projet de loi organique, nous avons débattu de l’extension du droit de résolution, dont ne voulions pas qu’il soit seulement individuel. En effet, nous avons estimé qu’il devait également pouvoir être exercé au nom d’un groupe.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Eh oui !

M. Yves Détraigne. Si nous réduisions le droit d’amendement en précisant dans le projet de loi organique que ce droit est strictement individuel, nous nous plaindrions bientôt de ne plus pouvoir l’utiliser comme nous l’avons fait jusqu’à présent, c'est-à-dire en laissant aux groupes la possibilité de déposer collectivement des amendements. Il faut savoir ce que l’on veut !

Pour ma part, je trouve la rédaction du projet de loi organique parfaitement satisfaisante sur ce point. Notre collègue Nicolas Alfonsi vient de nous rappeler l’alinéa premier de l’article 44 de la Constitution, qui est très clair et qui laisse une grande souplesse dans le dépôt des amendements. Je crois qu’il faut en rester là. (Très bien ! sur les travées de lUMP.)

M. Michel Charasse. L’amendement Wallon était un amendement individuel !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 186 rectifié.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 118 :

Nombre de votants 336
Nombre de suffrages exprimés 334
Majorité absolue des suffrages exprimés 168
Pour l’adoption 151
Contre 183

Le Sénat n'a pas adopté.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 187.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je devisais avec notre collègue Michel Mercier. (Exclamations ironiques.)

Monsieur le secrétaire d’État, compte tenu des propos que M. Mercier a tenus et des assurances qu’il dit avoir obtenues de vous, je pense qu’il aura plaisir à voter en faveur de l’amendement n° 187.

En effet, quel est l’objet de cet amendement ? (M. le secrétaire d’État s’exclame.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Vous justifiez presque le crédit-temps, monsieur Jean-Pierre Sueur !

M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement vise simplement à préciser que « tout amendement est défendu en séance publique par l’un de ses signataires et donne lieu à des explications de vote ».

M. Michel Charasse. Et en commission aussi !

M. Jean-Pierre Sueur. Naturellement, mon cher collègue.

Mes chers collègues, c’est le minimum minimorum de l’activité parlementaire que les amendements puissent être défendus par l’un de leurs signataires. Jamais au Sénat un signataire n’a été empêché de défendre son amendement !

Pourtant, vous le savez très bien, la lettre – et non pas les interprétations – de l’article 13 tel qu’il est issu des travaux de l’Assemblée nationale permet qu’un parlementaire ne puisse même pas défendre un amendement.

Vous ne seriez pas dans la configuration tactique actuelle, déjà évoquée, vous vous dresseriez tous, y compris à cette heure tardive, contre l’idée même qu’un amendement puisse ne pas être présenté. On n’a jamais vu cela !

Or, monsieur Alfonsi,…

M. Nicolas Alfonsi. Je n’ai rien dit !

M. Jean-Pierre Sueur. …mais je vous regarde avec attention et intérêt,…

M. Nicolas Alfonsi. Vous interprétez !

M. Jean-Pierre Sueur. …ce projet de loi organique rend possible une telle situation. C’est tout à fait déraisonnable !

Nous sommes confus, monsieur le président, de devoir insister sur ce point, mais c’est absolument nécessaire compte tenu de l’état véritablement critique de l’article 13, qui devrait susciter des réactions plus vives au sein de notre assemblée, même à cette heure ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Louis Mermaz. Il est excellent, M. Sueur !

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Il est nul !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Chacun d’entre nous devrait pouvoir soutenir cet amendement, comme je m’apprête à le faire, car il confirme ce que le Conseil constitutionnel a dit en 1990 : le droit de présentation de l’amendement est un élément substantiel – il n’a pas utilisé l’adjectif « consubstantiel » – du droit d’amendement.

M. Michel Mercier. C’est pour cela que M. le secrétaire d'État l’a reconnu tout à l'heure !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La loi organique renvoie au règlement.

Certains pensaient qu’elle n’était pas nécessaire…

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Si, la Constitution l’a prévue !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. …mais puisqu’elle est prévue par la Constitution dont vous avez voté la révision, elle doit encadrer les errements qui pourraient résulter de règlements restrictifs ou liberticides, sait-on jamais…

Il est donc normal qu’elle prévoit ce que les règlements peuvent faire, et l’amendement de notre collègue y contribue, en tenant compte toutefois du principe énoncé par le Conseil constitutionnel, selon lequel, je le répète, le droit de présentation de l’amendement est un élément substantiel du droit d’amendement.

Cet amendement s’inscrit dans la logique du débat parlementaire : un amendement qui n’est ni présenté ni défendu n’existe pas ! (M Jean Desessard applaudit.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 187.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 188.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 189.

M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement explicite ce qui devrait être une charte de la bonne conduite du débat parlementaire.

Il dispose que « Tout article de tout projet ou de toute proposition de loi donne lieu à un débat en séance publique. Ce débat inclut la présentation de l’ensemble des amendements déposés sur cet article, l’exposé de l’avis de la commission et du Gouvernement et les explications de vote des membres du Parlement présentées dans les conditions fixées par les règlements des assemblées parlementaires. »

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Mais non ! C’est une interprétation !

M. Jean-Pierre Sueur. Les règlements des deux assemblées diffèrent en ce qui concerne les explications de vote, comme d’ailleurs certains d’entre nous le savent pour avoir expérimenté les deux systèmes.

Je veux insister sur le fait que nous évoquons toujours le droit d’amendement, mais si le temps global et, par conséquent, le couperet de la durée sont institués, seront laissés en déshérence non seulement des amendements, mais aussi des articles qui n’auront pas pu être examinés dans le cadre du temps réglementaire.

Monsieur le président, supposez que la discussion d’un texte soit parvenue à l’article 27, mais que le temps global soit épuisé et donc que l’on ne puisse pas examiner les sept articles suivants, que ferez-vous ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. On se réunira pour dire comment on arrête ce cirque ! On ajoutera un délai supplémentaire !

M. Jean-Pierre Sueur. Vous direz : Mes chers collègues, voilà sept articles du texte de loi qui vont s’appliquer à l’ensemble du peuple français et que vous allez voter…

M. Michel Charasse. Un par un !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !

M. Jean-Pierre Sueur. En effet, nous voterons un par un chaque sous-amendement, chaque amendement, chaque article, sur lesquels personne – pas un sénateur, pas un député, pas un ministre, pas un rapporteur – ne pourra rien dire !

M. Michel Charasse. Le ministre, si !

M. Jean-Pierre Sueur. Vous voyez, monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le caractère absurde de la situation créée par l’article 13.

Mon ami Louis Mermaz disait qu’il faut raisonner par l’absurde. En l’occurrence, la scène que je viens de vous décrire, qui serait la conséquence possible de ce que vous vous apprêtez à voter, mes chers collègues, est si absurde qu’on ne peut imaginer qu’elle existe demain ! Tirez-en les conséquences ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Je voudrais simplement faire observer à notre collègue M. Sueur, dont j’ai écouté l’explication avec beaucoup d’attention, que dans le cas où plus personne n’a la parole, le ministre l’a toujours, puisque le Gouvernement est entendu quand il le demande.

M. Michel Charasse. Il faudra que le règlement de l’Assemblée nationale prévoie ce qui se passe dans ce cas-là.

En effet, si le ministre pousse une charge terrible contre l’auteur d’un amendement, il est tout de même impensable de ne pas reconnaître un droit de réponse au collègue intéressé, ne serait-ce que deux minutes, pour lui permettre de se justifier.

Mais c’est une question qui ne pourra pas être éludée par le règlement de l’Assemblée.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Absolument !

M. Jean-Pierre Sueur. Le ministre parlera seul !

M. Michel Mercier. Monsieur Sueur, cessez de jouer à ce jeu !

M. Jean-Pierre Sueur. Je ne joue pas, je dis les textes !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 189.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur l'amendement n° 123.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mon explication de vote vaudra pour l’ensemble des amendements.

Monsieur le président de la commission des lois, vous ne m’avez pas du tout convaincue !

M. Charles Revet. C’est dommage !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous vous efforcez toujours de convaincre, vous y parvenez parfois,…

M. Charles Revet. On est ravi !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’essentiel, c’est de convaincre la majorité !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. …mais cette fois vous n’y avez pas réussi !

Force est de constater que la loi organique est tantôt trop précise et intervient alors que les règlements suffiraient, tantôt pas assez.

Notre amendement n° 125 prévoit que, lorsque le Gouvernement a la possibilité d’intervenir de nouveau dans un débat, de façon impromptue, parce que personne ne lui interdit de s’exprimer ou parce qu’il dépose un nouvel amendement, le délai global défini préalablement, c’est-à-dire très en amont de cette phase du débat, ne doit plus s’appliquer, puisque le Gouvernement rouvre en quelque sorte la discussion.

Or vous refusez cet amendement. C’est inacceptable et absurde, comme le débat qui vient d’avoir lieu le montre, puisque vous déclarez vous-même qu’un temps supplémentaire sera ajouté, ce qui veut bien dire que la procédure définie à l’avance ne peut pas s’appliquer si elle est rompue par une intervention du Gouvernement.

C’est donc un point que la loi organique doit impérativement prévoir.

Concernant la différence entre les règlements des deux assemblées, M. Hyest – comme M. Gélard, qui s’est peu exprimé à ce sujet, mais que j’ai vu nier la nécessité d’avoir des règlements pour le moins compatibles – ne s’est pas montré convaincant.

Certes, chaque assemblée peut définir un certain nombre de règles propres, sachant que les deux chambres n’ont pas le même rôle. Mais envisager qu’elles puissent avoir des procédures législatives très différentes, notamment en matière de limitation du droit d’expression des parlementaires, est indéfendable. D’ailleurs, vous n’avez pas avancé d’arguments en ce sens.

Vous vous êtes attaché à souligner l’autonomie du Sénat, ce qui fait plaisir. Mais, au-delà, comment peut-on justifier de telles différences entre le règlement des deux assemblées s’agissant d’une procédure législative commune ?

D’ailleurs, on pourrait aussi vous objecter que ce que vous qualifiez d’obstruction et que vous voulez éviter à l’Assemblée nationale risque fort de se reporter au Sénat, sachant que nos groupes politiques respectifs sont voisins dans les deux assemblées.

Votre affaire ne tient pas ! Soyons sérieux : la loi organique ne peut pas ouvrir la porte à de telles différences entre l’Assemblée nationale et le Sénat !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 123.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 122.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 126.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 128.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 127.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 125.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 124.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 13.

(L'article 13 est adopté.)

Article 13 (priorité)
Dossier législatif : projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution
Article 13 ter (priorité)

Article 13 bis (priorité)

Les règlements des assemblées, lorsqu'ils instituent une procédure impartissant des délais pour l'examen d'un texte en séance, garantissent le droit d'expression de tous les groupes parlementaires, en particulier celui des groupes d'opposition et des groupes minoritaires.

M. le président. L'amendement n° 190, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Il convient de se resituer dans le contexte du vote de l’article 13 bis à l’Assemblée nationale : après une séance plutôt animée, avec un hémicycle resté à moitié plein ou à moitié dégarni selon les appréciations, un Nouveau Centre quelque peu perturbé, mais allant tout de même là l’herbe était plus verte, c’est-à-dire vers la majorité.

Le texte de l’article 13 bis issu de ces travaux est, sur le plan de la qualité, un tel chef-d’œuvre que l’on comprend la volonté du président de la commission des lois de l’adopter conforme.

L’article 13 bis contredit l’article 13 ? Bagatelle ! Au demeurant, il constate lui-même que l’article 13 constitue une entrave, puisque, à peine voté, dans les conditions que nous savons, d’emblée il faut affirmer que quand il y a un crédit-temps global le droit d’expression doit être garanti.

Si l’on éprouve le besoin de le dire dès l’article 13 bis, c’est bien parce que sans ce dernier une telle garantie n’existerait plus.

On arrive à cette rédaction tout à fait étonnante : « Les règlements des assemblées, lorsqu’ils instituent une procédure impartissant des délais pour l’examen d’un texte en séance, garantissent le droit d’expression ». Ne les garantissent-ils pas dans les autres cas ? Aux termes de cette rédaction, le droit d’expression est seulement garanti quand on institue un délai global.

Et dans les autres cas ? Si le français à un sens, que signifie cet article ? Il s’agit en fait d’un amendement de circonstance, rédigé pour essayer de colmater une émotion très forte chez un certain nombre de députés du Nouveau Centre.

Puis on pousse l’approximation jusqu’à affirmer que l’on garantit le droit d’expression de tous, en particulier celui des groupes d’opposition et des groupes minoritaires ! Tous, mais en particulier : si on garantit le droit d’expression de tous, c’est le droit d’expression de tous ! Que signifie garantir « en particulier », sans donner aucune explication ?

On nous rebat les oreilles avec l’article 51–1 de la Constitution, aux termes duquel les groupes minoritaires et les groupes de l’opposition disposent de droits spécifiques. Il paraît que la révision constitutionnelle visait, comme nous l’avons constaté au moment de l’adoption de l’article 13, à renforcer les droits de l’opposition. Les travaux pratiques que nous venons d’effectuer montrent de quel renforcement il s’agit !

Or, sur l’article 51–1, aucune proposition n’est faite : ce n’est pas important. Ce qui importe, M. Karoutchi nous l’a dit, c’est que le Gouvernement a lâché tellement qu’il doit bien essayer de récupérer de différentes façons le temps qu’il a concédé à sa majorité !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. N’importe quoi !

M. Bernard Frimat. En effet, le temps de l’autre moitié du mois est bien concédé à la majorité !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Pas du tout !

M. Bernard Frimat. D’où, le temps global.

Cet article 13 bis a peu de sens, il est mal rédigé mais il faut le voter conforme, peut-être afin de pouvoir gloser par la suite sur un exemple de mauvaise rédaction.

Ou bien nous garantissons dans un principe général que les règlements des assemblées garantissent le droit d’expression de tous les groupes, ou bien nous supprimons l’article 13 bis.

Nous vous proposons de le supprimer, car nous refusons d’entrer dans la logique du délai imparti et donc dans celle des amodiations censées rendre supportable une mesure qui ne l’est pas au niveau du principe ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. J’ai déjà donné l’avis de la commission. Avec l’article 13 bis, il s’agit d’introduire une précision. Il est vrai que l’article 51–1 de la Constitution définit les droits des groupes d’opposition et des groupes minoritaires, en renvoyant au règlement de chaque assemblée. Cependant, dans le cadre précis du crédit-temps, il faut reconnaître des droits spécifiques aux groupes d’opposition et aux groupes minoritaires. La précision apportée par l’article 13 bis me paraît donc utile par rapport à l’article 13.

Aussi, j’émets un avis défavorable sur cet amendement de suppression de l’article.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Monsieur Frimat, je ne comprends pas que le groupe socialiste demande la suppression de cet article.

Autant j’ai compris le débat sur l’article 13, autant je ne comprends pas celui sur l’article 13 bis. Comment un groupe aujourd'hui dans l’opposition, au Sénat ou à l’Assemblée nationale, peut-être demain majoritaire – qui sait ? –, peut-il défendre une telle position ? Par définition, la majorité soutenant globalement le Gouvernement, il me semble assez logique et normal que les groupes minoritaires et les groupes d’opposition puissent, à travers les règlements des assemblées, disposer dans le débat parlementaire d’un temps fixe et d’un temps proportionnel, par exemple, en tout cas bénéficier d’un « plus ».

En réalité, vous êtes en train de me dire que l’idéal serait d’en rester strictement à la proportionnelle. Or, à l’Assemblée nationale, avec un groupe majoritaire qui a quelque 320 sièges, cela signifie que le groupe Nouveau Centre aura très peu de temps, comme le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, et que le groupe Socialiste, radical, citoyen et divers gauche disposera de beaucoup moins que ce qu’il utilise en moyenne.

Je ne comprends donc pas. Autant je comprends le débat sur l’article 13 : vous ne voulez pas du temps global. Autant je ne comprends pas votre position sur l’article 13 bis.

Cet article, qui a été introduit à l’Assemblée nationale grâce à l’adoption d’un amendement d’origine parlementaire, traduit réellement la volonté de faire en sorte que l’expression soit la plus diverse et la plus soutenue possible, même pour des groupes qui ont peu de sièges. Or vous refusez ce principe et vous demandez l’application stricte de la proportionnelle, ce qui reviendrait à réduire le temps des groupes d’opposition et des groupes minoritaires.

Sur ce point, je ne peux vous suivre. L’article 13 bis, d’origine parlementaire, veille à ce que l’équilibre du temps soit plus respectueux. Je demande donc le rejet de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. Monsieur le secrétaire d'État, je vais tenter de vous expliquer ma position.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Oh là là, non !

M. Bernard Frimat. Je vais vous l’expliquer quand même ! À l’impossible nul n’est tenu !

Monsieur Hyest, soit vous utilisez une fois l’argument de l’inutilité, soit vous ne l’utilisez pas du tout. Qu’est-ce que cet article 13 bis apporte de plus par rapport à l’article 51–1 de la Constitution ? Rien !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur et M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Mais si !

M. Bernard Frimat. Il n’apporte strictement rien de plus puisque l’article 51–1 précise « Le règlement de chaque assemblée détermine les droits des groupes…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Lorsqu’ils instituent une procédure !

M. Bernard Frimat. Je vous prie de me laisser continuer, car mon propos a une certaine cohérence !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui, mais vous ne lisez pas complètement l’article !

M. Bernard Frimat. « Le règlement de chaque assemblée détermine les droits des groupes parlementaires constitués en son sein. Il reconnaît des droits spécifiques ». Il n’ajoute pas « en particulier », mais il garantit des droits spécifiques, au sujet desquels nous sommes toujours dans une situation d’attente.

Monsieur le secrétaire d'État, faut-il vous répéter que nous refusons le crédit global ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais c’est fini !

M. Bernard Frimat. C’est peut-être fini pour vous, monsieur le rapporteur, mais pas pour nous !

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. L’article 13 a été adopté !

M. Bernard Frimat. Nous n’entrerons pas dans cette discussion et nous restons sur notre position de fond, qui est de refuser le crédit global. Il n’est pas question de l’aménager avec des hochets que vous concédez au Nouveau Centre comme remerciement de son soutien !

Nous demandons non pas à avoir un traitement privilégié, mais que les droits des parlementaires soient respectés. Or avec l’article 13 vous avez refusé ces droits aux parlementaires. Assumez votre position jusqu’au bout !

De toute manière, le problème n’est pas de discuter du contenu de l’article 13 bis ou de l’article 13 ter : ils doivent être votés conformes. L’ordre est venu pour qu’il en soit ainsi, et le Sénat va montrer son indépendance d’esprit en les adoptant conformes !

Monsieur Hyest, si nous débattons aujourd'hui de ces problèmes dans le cadre d’un projet de loi organique, c’est parce que le Sénat l’a accepté. Le Sénat a peut-être dit en première lecture qu’il était contre ce principe, mais il l’a accepté en seconde lecture et il l’a voté au Congrès. Vous en êtes pleinement responsable : le fait d’avoir eu dans un premier temps un avis différent ne vous exonère pas du fait de l’avoir accepté in fine.

Voilà pourquoi nous demandons la suppression de cet article. Les droits des groupes parlementaires doivent être respectés : c’est tout !

Il n’y a pas besoin de s’abriter. Nous ne voterons pas en faveur d’un article qui contient l’acceptation du principe du délai, du crédit-temps, du temps-guillotine ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le secrétaire d'État, vous avez été auditionné par la commission des lois, salle Clemenceau, il me semble.

Au cours de cette réunion très intéressante, M. Portelli a pris la parole et a affirmé, cela figure au procès-verbal de la commission, qu’il y a une totale contradiction entre l’article 13 et l’article 13 bis.

Dans la logique de M. Portelli, l’article 13 posant le principe d’un temps global, on ne peut plus s’exprimer une fois que ce dernier est dépassé. Si l’article 13 bis garantit le droit d’expression, cela signifie que le droit d’expression est assuré au-delà du temps global. Ou alors, cela signifie que le temps d’expression est garanti pendant le temps global, mais cet article 13 bis  n’aurait pas d’intérêt.

Soit cet article 13 bis n’a aucune raison d’exister, soit il reconnaît à chacun un droit d’expression après le temps global, et il est alors contradictoire avec l’article 13.

C’est le raisonnement qu’a tenu M. Portelli. Je regrette que ce dernier ait été retenu…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. J’aimerais que vous le soyez également, monsieur Sueur !

M. Jean-Pierre Sueur. …tant j’aurais été curieux de savoir comment il eût voté s’il avait été présent ce soir ! C’est d’ailleurs une question que je me permets de lui poser par l’intermédiaire de ceux qui voudront bien relayer auprès de lui mon interrogation.

Monsieur le secrétaire d'État, ou bien l’article 13 bis est contradictoire avec l’article 13, et dans ce cas, c’est tout le dispositif qui tombe et vous ne pouvez pas l’adopter ; ou bien l’article 13 bis exprime des banalités, parce qu’il est absurde de présenter un tel article pour dire que les règlements des assemblées garantissent le droit d’expression de tous les groupes parlementaires. Ce ne sont pas les règlements qui garantissent cela : c’est la Constitution !

Imaginez-vous un Parlement où les groupes, y compris minoritaires et d’opposition, ne pourraient pas s’exprimer ? Ce ne serait plus un Parlement : ce serait les assemblées que nous avons connues sous certains régimes, à certaines époques, où il n’y avait qu’un seul parti et une parole officielle !

Je ne comprends pas comment vous pouvez voter cet article !

La situation est très claire : soit cet article est contradictoire avec le précédent, et il ne faut pas l’adopter ; soit il s’agit d’affirmer que les différents groupes ont la capacité de s’exprimer et, franchement, il ne sert à rien ! Dans les deux cas de figure, vous avez toutes les raisons de voter contre cet article 13 bis.

Si quelqu’un parmi vous est en désaccord avec mon raisonnement, je lui demande de bien vouloir s’expliquer. Je suis tout disposé à écouter ses arguments avec beaucoup d’intérêt. Mais s’il n’y a pas d’arguments contre ce que je viens de dire, il faut en tirer les conséquences ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Certes, il est assez difficile de refuser cet article 13 bis puisque, en apparence, il semble contredire l’article 13.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non, il le complète !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’article 13 étant liberticide à l’égard des droits des parlementaires, on lui ajoute un article 13 bis afin d’en atténuer la portée.

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Nous n’avons jamais dit ça !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il existe donc une certaine embrouille !

Il est dramatique que l’article 13 ait suscité beaucoup d’émois parmi les députés, puisque l’examen du texte a commencé à l’Assemblée nationale.

Au lieu de prendre en compte cette réalité, à savoir que l’article 13 mettait en cause la liberté d’expression des parlementaires et le droit d’amendement – dont on n’ose plus dire s’il est inaliénable, imprescriptible ou autre –, le Gouvernement s’embourbe dans cet article en lui adjoignant un article 13 bis qui soit est en contradiction avec l’article 13, soit, pour reprendre les propos de mon collègue Frimat, ne sert strictement à rien ! Vous avouerez que, en matière de législation, ce n’est pas très glorieux !

Nous allons laisser passer cet article 13 bis, mais il n’est pas normal que les parlementaires se trouvent dans la situation d’avoir à accepter des contradictions internes à la majorité et de devoir ajouter des garde-fous à un article que le Gouvernement a lui-même mis en discussion !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 190.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 191, présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Le règlement des assemblées garantit les droits d’expression de tous les groupes parlementaires.

La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz. Cet amendement tend à modifier l’article 13 bis que l’on peut interpréter comme un remords. Dans cet hémicycle, les statues de Turgot, d’Aguesseau, Michel de l’Hôpital, Colbert, Molé, Malesherbes…

M. Louis Mermaz. … et Portalis – que je ne vois pas de ma place – nous regardent.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il est zéro heure quinze ! Nous avons autre chose à faire dans la matinée !

M. Louis Mermaz. Mais, dans le fond, la seule statue qui manque est celle de Molière, qui a beaucoup fait pour le droit à l’expression dans notre pays. En effet, cet article 13 bis, c’est Le Tartuffe : « Couvrez ce sein que je ne saurais voir ! » (Sourires.)

La présence de cet article se justifie par la volonté d’atténuer la portée de l’article 13. Je ne me lasse pas de le relire : « Les règlements des assemblées, lorsqu’ils instituent une procédure impartissant des délais pour l’examen d’un texte en séance, » – ce dont nous ne voulons pas – « garantissent le droit d’expression de tous les groupes parlementaires, » – on ne dit pas comment. Puis, vient l’aumône : « en particulier des groupes d’opposition et des groupes minoritaires ».

J’ai récemment discuté avec des parlementaires vietnamiens des minorités ethniques qui, chez eux, sont représentées par des députés : il s’agit essentiellement de populations vivant dans les montagnes. Je ne sais pas si les groupes minoritaires, chez nous, représentent les populations montagnardes, mais ils ne siègent pas sur la Montagne, au sens de 1793 ! Ils siègent plutôt dans ce que l’on appelait à l’époque, sans que le mot soit insultant, le Marais – c’était le terme technique ! Il existe d’ailleurs de magnifiques marais, George Sand en a très bien parlé !

Nous vous proposons de remplacer cet article 13 bis par une déclaration toute simple qui devrait recueillir l’unanimité – je vous présente toujours des amendements qui devraient susciter la satisfaction générale dans toutes les travées – : « le règlement des assemblées garantit les droits d’expression de tous les groupes parlementaires ». Cela signifie que l’on ne peut plus limiter leur temps de parole et que l’on fait confiance à l’autodiscipline des assemblées, dans la grande tradition parlementaire française.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Autodiscipline ! Parlons-en !

M. le président. L’amendement n° 52, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Dans cet article, supprimer les mots :

, lorsqu’ils instituent une procédure impartissant des délais pour l’examen d’un texte en séance,

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Comme M. Mermaz l’a très justement dit, cet amendement n’est pas un amendement de coordination avec l’amendement de suppression de l’article 13. En effet, nous nous opposons à la mise en place d’une procédure impartissant des délais et nous refusons également que la garantie du droit d’expression des parlementaires intervienne sous cette réserve.

Avec cet amendement, je vous propose donc de reconnaître de manière claire, et indépendamment de la procédure du crédit-temps, le droit d’expression des groupes parlementaires et minoritaires.

À la lecture de l’article 13 bis, on pourrait penser que cette garantie n’existe que lorsqu’une procédure impartissant des délais à la discussion d’un texte est mise en place. Or, comme l’ont très bien dit MM. Frimat et Sueur, puisque l’article 13 en a posé le principe, il est inutile de faire référence à la procédure du crédit-temps dans cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. L’amendement n° 139 rectifié bis, présenté par M. Collin et les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :

Dans ce cas, les règlements des assemblées prévoient que chaque groupe peut s’exprimer par l’intermédiaire d’au moins deux de ses membres.

La parole est à M. Nicolas Alfonsi.

M. Nicolas Alfonsi. Cet amendement aurait été mieux défendu par les membres de mon groupe qui ont voté la révision constitutionnelle… Le hasard fait que je me retrouve seul dans l’hémicycle pour défendre un amendement qui a été déposé au nom de l’ensemble des membres du groupe RDSE, mais pas à titre individuel, je le souligne. Je pense qu’il traduit ainsi les sensibilités diverses de notre groupe.

J’ai eu souvent l’occasion de dire, lors d’explications de vote, que notre groupe ne défendait pas seulement deux orientations politiques, mais souvent trois ou quatre. La situation est compliquée mais, pour l’instant, les choses se passent très bien !

Cet amendement a dû être déposé à titre conservatoire, parce que l’on ne sait jamais ce que réserve l’avenir, et peut-être pour nourrir le sentiment que le vote émis lors de la révision constitutionnelle commence à porter ses fruits ! Il tend donc à ce que deux membres de chaque groupe politique puissent intervenir dans chaque explication de vote.

M. Pierre Fauchon. Pourquoi pas trois ?

M. Jean Desessard. Pour les sénateurs Verts, il vaudrait mieux prévoir trois membres !

M. Nicolas Alfonsi. Si c’était trois, je serais le troisième ! (Sourires.)

M. le président. L’amendement n° 129, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux phrases ainsi rédigées :

Tout groupe peut demander, au cours d’une séance publique consacrée à l’examen d’un projet de loi dans le cadre de la procédure définie à l’article 13, la réunion de la Conférence des Présidents. Cette demande est de droit.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet article est censé renforcer les droits des groupes d’opposition et minoritaires, alors que l’article 13 lui-même est une arme contre l’expression de ces groupes. Nous estimons donc nécessaire d’accorder à tout groupe la possibilité de saisir la conférence des présidents dans le cadre d’une discussion encadrée par la procédure dite du « temps global ». Cette demande serait de droit.

La procédure du temps global est si violente à l’égard du droit d’expression, elle met en cause si brutalement les principes républicains et les libertés, qu’il faut prévoir – c’est vraiment un minimum – des moyens permettant de signifier un rappel au droit et à la démocratie, dès que nécessaire.

M. Jean Desessard. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ces quatre amendements ont pour objet de dénaturer l’article 13 bis.

L’amendement n° 191, qui tend à rédiger l’article, reprend les dispositions de l’article 51-1 de la Constitution. Ses auteurs disaient, tout à l’heure, qu’il était inutile de les rappeler et, maintenant, ils souhaitent le faire ! Cette attitude est contradictoire et la commission a donc émis un avis défavorable.

S’agissant de l’amendement n° 152, je comprends bien la position de Mme Boumediene-Thiery : la garantie des droits des groupes minoritaires est une disposition de portée générale, puisqu’elle figure dans la Constitution. L’article 13 bis prévoit cependant le cas spécifique où une procédure impartirait des délais pour l’examen d’un texte en séance. Si vous supprimez cette précision, cela revient à supprimer l’article. L’avis de la commission est donc défavorable.

En ce qui concerne l’amendement n° 139 rectifié bis, déposé par le président Yvon Collin, la commission comprend la préoccupation exprimée par son auteur. Mais la précision souhaitée trouverait mieux sa place dans le règlement des assemblées, au moins dans celui du Sénat, parce que l’Assemblée nationale n’a pas de groupe politique comparable au RDSE.

M. Jean Desessard. À l’Assemblée, on fait plaisir au Nouveau Centre ! Faites plaisir aux radicaux !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Monsieur Desessard, les groupes parlementaires se constituent librement. Il se trouve qu’au Sénat la composition des groupes politique n’est pas la même qu’à l’Assemblée nationale, et c’est tant mieux, c’est ce qui fait notre originalité et notre spécificité ! Ne venez pas empêcher un groupe de se constituer comme il le souhaite ! (Exclamations amusées sur les travées de lUMP.)

Ayez un peu de respect pour vos collègues et cessez d’exprimer votre mépris pour certains groupes, comme je l’ai entendu faire pour le Nouveau Centre ! Chacun a le droit de défendre ses opinions !

M. Jean Desessard. Dans un cercle, il y a un centre, mais je ne sais pas ce qu’est un nouveau centre !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cela ne m’étonne pas de vous !

M. Louis Mermaz. Il est temps d’aller dormir !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Moi, je ne sais pas ce qu’est un apparenté ou un rattaché !

Un sénateur socialiste. Il y en a pourtant chez vous !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pour en revenir à l’amendement, si une telle disposition devait être retenue, elle aurait sa place dans le règlement de l’Assemblée nationale. Je demande donc le retrait de cet amendement.

M. Nicolas Alfonsi. Je le retire très volontiers !

M. le président. L’amendement n° 139 rectifié bis est retiré.

Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Quant à l’amendement n° 129, il recueille un avis défavorable. En effet, la possibilité de demander une réunion de la conférence des présidents, alors même que celle-ci a déjà décidé la détermination de délais pour l’examen d’un texte, n’a pas de sens, puisque la décision a été prise antérieurement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Même avis que la commission sur l’ensemble des amendements. Je remercie M. Nicolas Alfonsi d’avoir retiré son amendement.

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote sur l’amendement n° 191.

M. Claude Domeizel. Je ne comprends pas très bien le raisonnement tenu par notre rapporteur-président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cela ne m’étonne pas !

M. Claude Domeizel. Mais je vais essayer de m’expliquer et de me faire comprendre.

Nous avons voté pour la suppression de l’article 13 bis

M. Jean Bizet. Ça a raté !

M. Claude Domeizel. …parce qu’il comportait le membre de phrase « lorsqu’ils instituent une procédure impartissant des délais pour l’examen d’un texte en séance ».

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous ne sommes pas d’accord et vous avez été battus !

M. Claude Domeizel. Mon cher collègue, je ne vous ai pas interrompu !

J’ai voté pour la suppression de l’article parce que, interprété a contrario, si on n’institue pas cette procédure impartissant des délais pour l’examen d’un texte en séance, cela signifie que le règlement des assemblées pourrait ne pas garantir le droit d’expression.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais non ! C’est dans la Constitution !

M. Claude Domeizel. L’amendement n° 191 est tout à fait logique, il garantit le droit d’expression de tous les groupes parlementaires, dans tous les cas de figure. C’est la raison pour laquelle vous devriez le voter.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 191.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 52.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 129.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 13 bis.

(L’article 13 bis est adopté.)

Article 13 bis (priorité)
Dossier législatif : projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution
Article additionnel après l'article 13 ter (priorité) (début)

Article 13 ter (priorité)

Les règlements des assemblées peuvent, s’ils instituent une procédure impartissant des délais pour l’examen d’un texte, déterminer les conditions dans lesquelles la parole peut être donnée, à l’issue du vote du dernier article de ce texte, pour une durée limitée et en dehors de ces délais, à tout parlementaire qui en fait la demande pour une explication de vote personnelle.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 130 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L’amendement n° 192 est présenté par MM. Frimat, Bel, Mermaz, Sueur, Rebsamen et Michel, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Anziani, Bérit-Débat, Bodin, Collombat, C. Gautier et Godefroy, Mme Klès, MM. Mahéas, Peyronnet, Povinelli et Sutour, Mme Tasca, MM. Tuheiava, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l’amendement n° 130.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet article 13 ter, comme le précédent, est assez surprenant. Nous croyons comprendre, puisque nous suivons les débats en cours à l’Assemblée nationale, qu’il est le signe d’un malaise parmi les députés de la majorité.

Ainsi, avec cet article 13 ter, tout sénateur pourra exprimer son vote sur l’ensemble d’un texte par une explication de vote personnelle. Je m’étonne que le président de la commission des lois du Sénat ait permis le maintien de cet article qui, sans polémique aucune, ne pourrait avoir sa place que dans le règlement de l’Assemblée nationale puisque l’explication de vote personnelle est déjà prévue par le règlement du Sénat. Nous ne voyons donc pas pourquoi la loi organique devrait en prévoir l’existence.

Faut-il penser que la pression du Gouvernement sur la majorité sénatoriale est très forte pour obtenir un vote conforme du projet de loi organique lors de sa deuxième lecture à l’Assemblée nationale ? Probablement !

L’argumentation censée justifier l’introduction de cet article est assez stupéfiante : en substance, elle revient à reconnaître que le temps de parole est si réduit en séance publique qu’il faut trouver un moyen pour permettre aux différentes sensibilités des groupes de s’exprimer. Cet article est incongru dans le contexte de réduction du droit d’expression des parlementaires. L’existence de dissensions au sein du groupe UMP de l’Assemblée nationale doit expliquer l’introduction de cet article, qui résulte d’un amendement déposé par M. Mariani, car personne ne comprend sa véritable raison d’être. Nous ne pouvons donc cautionner une telle démarche.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l'amendement n° 192.

M. Jean-Pierre Sueur. Il suffit de lire cet article 13 ter pour comprendre immédiatement qu’il s’agit d’un bricolage qui n’est pas du tout acceptable.

Je prendrai un seul exemple.

L’article 13 bis est normatif (M. le rapporteur opine) : « Les règlements des assemblées, lorsqu’ils instituent une procédure impartissant des délais pour l’examen d’un texte en séance, garantissent le droit d’expression de tous les groupes parlementaires… »

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Tout à l’heure, vous disiez que ce n’était pas bien !

M. Jean-Pierre Sueur. L’article 13 ter dispose que les règlements des assemblées « peuvent », s’ils instituent une procédure impartissant des délais des délais pour l’examen d’un texte, déterminer les conditions dans lesquelles la parole « peut » être donnée.

Cet article est vraiment très mal rédigé : les règlements des assemblées « peuvent » déterminer les conditions dans lesquelles la parole « peut » être donnée.

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. C’est l’autonomie des assemblées !

M. Jean-Pierre Sueur. Croyez-vous qu’il s’agisse d’un bon exercice législatif ?

En fait, vous êtes tous consternés de devoir voter cette disposition…

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Oh !

M. Jean-Pierre Sueur. …parce qu’elle ne signifie pas grand-chose.

Dans un texte de loi, – vous le savez tous – on utilise le présent de l’indicatif, qui a la même valeur que le verbe « devoir ».

Pourquoi faut-il faire un texte de loi pour dire que les règlements pourront prévoir dans quelles conditions les parlementaires auront la possibilité de parler ?

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. C’est une liberté !

M. Jean-Pierre Sueur. Chacun voit le caractère incongru de cette disposition.

Pour ce qui est de l’article 13 bis,…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est fini !

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Il a été adopté !

M. Jean-Pierre Sueur. …nous n’avons pas compris s’il s’agissait, après le temps limite, de permettre à tout groupe de s’exprimer sur tout sujet, auquel cas il n’y a plus de temps limite et donc c’est contradictoire. Ou alors, si ce n’est pas contradictoire, cela ne signifie rien, puisqu’il va de soi que les groupes ont le droit de s’exprimer. À l’article 13 ter, on nous dit que lorsque l’on aura achevé l’examen du dernier article, chacun pourra s’exprimer.

Si je comprends bien, cela veut dire qu’il y aura un temps-couperet. On nous dira : chers amis, c’est terminé, vous ne pouvez plus parler. Le président de séance appellera les articles, les amendements et les sous-amendements restant en discussion et il les mettra aux voix. Le Gouvernement pourra, en effet, comme l’a dit Michel Charasse, rompre le silence de temps à autre ; nous, nous ne pourrons rien dire !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Quel bonheur !

M. Jean-Pierre Sueur. Puis lorsque le vote du dernier article aura eu lieu, tout le monde pourra s’exprimer, sans restriction, encore que cela ne soit pas sûr parce que, d’après la loi, c’est le règlement qui le permet.

M. Jean Bizet. C’est fait pour vous !

M. Jean-Pierre Sueur. Mes chers collègues, tout le monde comprend que cette disposition est mal rédigée et que c’est du bricolage. Personne ne peut prétendre le contraire. On va néanmoins nous expliquer qu’il faut voter cette disposition.

M. Jean-Pierre Sueur. Si quelqu’un est content ici, je le félicite. (Sourires.)

M. Louis Mermaz. Dans le temps, un gouvernement serait tombé pour moins !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le texte reprend le mot « peuvent » de l’article 13. Ce n’est donc pas une obligation, c’est une possibilité.

Si l’Assemblée nationale a souhaité préciser que, en tout état de cause, même en cas de crédit global, chacun aura un droit d’expression, c’est très bien et nous ne nous y opposons pas.

Il s’agit de compléments à l’article 13 qui nous semblent bienvenus et qui ne sont pas si mal rédigés.

Par ailleurs, monsieur Sueur, vous avez fait une confusion entre l’impératif, l’indicatif et la possibilité.

M. Jean-Pierre Sueur. Non, je n’ai pas parlé de l’impératif, et je n’ai pas parlé de l’indicatif non plus !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais c’est ce que cela voulait dire !

M. Jean-Pierre Sueur. Vous dites que j’ai fait une confusion entre l’impératif et l’indicatif !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non, quand on emploie l’indicatif dans la loi c’est impératif, tandis que là c’est « peuvent ».

M. Jean-Pierre Sueur. Quand c’est le présent, pas l’indicatif !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le présent. Monsieur le professeur de grammaire, ne vous énervez pas !

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Nous sommes d’accord mais pas avec le verbe « pouvoir ».

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Quoi qu’il en soit, j’émets un avis défavorable. (Rires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Je ne vais pas faire une analyse grammaticale.

J’ai bien entendu les commentaires selon lesquels l’article 13 ter aurait été demandé par M. Mariani. Cet article répond aussi à une demande des non-inscrits de l’Assemblée nationale…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. …qui souhaitaient faire respecter leurs droits.

C’est une possibilité supplémentaire pour respecter les droits individuels, qui étaient tellement vantés tout à l’heure, notamment les droits individuels de ceux qui n’appartenant pas à un groupe seront moins bien défendus. C’est un « plus ». Il n’y a pas de quoi en faire un tel débat !

M. Michel Charasse. Il n’y a pas de quoi fouetter un chat !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 130 et 192.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 131, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Dans cet article, remplacer les mots :

à l'issue du vote du dernier article de ce texte

par les mots :

avant le vote de chaque article

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Chacun sait que le temps accordé pour les explications de vote prévues dans le cadre de cet article 13 ter n’excédera pas trois ou cinq minutes, peut-être moins.

Est-il sérieux, même dans l’objectif qui a généré cet article, c'est-à-dire l’expression de dissidence interne, de n’accorder qu’une seule explication de vote ?

Le désaccord, le point de vue original peut intervenir sur tel ou tel article d’un projet de loi.

Certains souhaiteront même s’exprimer sur un point précis sans remettre en cause leur appréciation sur la globalité du projet.

De manière plus générale, surtout dans un contexte où la présentation des amendements sera interdite, il faut permettre aux parlementaires d’exprimer leur vote sur chaque article afin que les débats puissent refléter l’appréciation des uns et des autres sur des points précis. La discussion générale ne permet pas cette précision, seule la discussion sur les articles le permet !

Ce que nous voulons avec cet amendement, c’est que chaque parlementaire puisse exprimer son vote sur chaque article dans le cadre de la procédure de temps global.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission émet un avis défavorable, parce que cette disposition est contraire à tout ce que nous avons voté jusqu’à présent.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 131.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 54, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les règlements des assemblées peuvent, s'ils instituent une procédure impartissant des délais pour l'examen d'un texte, déterminer les conditions dans lesquelles la parole peut être donnée, avant l'examen de chaque article de ce texte, pour une durée limitée et en dehors de ces délais, à tout parlementaire qui en fait la demande pour une prise de parole personnelle sur l'article.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement a pour objet d'exclure du crédit-temps les prises de parole sur l’article.

Il procède de la même logique que l’article 13 ter, qui énonce une exception au principe d’un temps défini pour l’examen d’un texte.

Les possibilités ouvertes par l’article 13 vont bien plus loin qu’une mise à mort du droit d’amendement des parlementaires.

En faisant référence à un délai pour l’examen d’un texte, l’article 13 vise non seulement les amendements qui interviendraient après ce délai, mais également toutes les prises de parole sur les articles.

C’est la raison pour laquelle, tout en nous opposant au principe même de l’article 13, nous vous proposons d’en atténuer l’effet sur les prises de parole personnelles des parlementaires sur chaque article.

Celui qui ne pourra défendre son amendement pourra néanmoins s’exprimer sur l’article pour en évoquer le contenu et les modifications souhaitées, sachant que cela ne sera pas imputé sur le crédit-temps.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission émet un avis défavorable, parce que cet amendement détruirait complètement le dispositif prévu à l’article 13.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 54.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 55, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les règlements des assemblées peuvent, s'ils instituent une procédure impartissant des délais pour l'examen d'un texte, déterminer les conditions dans lesquelles la parole peut être donnée, à l'issue du vote de chaque article de ce texte, pour une durée limitée et en dehors de ces délais, à tout parlementaire qui en fait la demande pour une explication de vote personnelle.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement vise également à contenir le champ de l’article 13.

Il concerne les explications de vote sur l’article, qui ne doivent pas être supprimées au motif d’une rationalisation du temps d’examen d’un article.

Nous avons compris que la majorité ne souhaitait pas ouvrir la boîte de Pandore en touchant à cet article 13.

Cela dit, nous ne souhaitons pas clore le débat sur la question de savoir que ce signifie « temps pour l’examen d’un texte ».

Dans une logique similaire à l’amendement précédent, nous vous proposons d’exclure du champ des délais les explications de vote sur l’article.

Ces temps de parole nous sont précieux, puisqu’ils permettent de réagir à un vote de l’assemblée ou tout simplement d’expliquer sur son propre vote.

À ce moment, certaines explications peuvent être précieuses et nous ne souhaitons pas nous en priver.

C’est pourquoi nous vous proposons d’exclure des délais impartis pour l’examen d’un texte les explications de vote sur les articles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission émet un avis défavorable pour les mêmes motifs.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 55.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 13 ter.

(L'article 13 ter est adopté.)

Article 13 ter (priorité)
Dossier législatif : projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution
Article additionnel après l'article 13 ter (priorité) (interruption de la discussion)

Article additionnel après l'article 13 ter (priorité)

M. le président. L'amendement n° 56, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Après l'article 13 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les règlements des assemblées peuvent, s'ils instituent une procédure impartissant des délais pour l'examen d'un texte, déterminer les conditions dans lesquelles la parole peut être donnée, pour une durée limitée et en dehors de ces délais, à tout parlementaire qui en fait la demande pour un rappel au règlement.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je suis obstinée. Cet amendement a pour objet d'exclure du champ de la procédure du crédit-temps les rappels au règlement.

L’article 13, auquel nous nous opposons de manière catégorique, pose le principe selon lequel un texte sera enfermé dans un délai précis.

Or, vous le savez bien, l’examen d’un texte ne se limite pas à la défense des amendements.

Ainsi, qu’en sera-t-il de la possibilité donnée aux parlementaires de faire des rappels au règlement ?

Cette faculté restera-t-elle libre ou les demandes de rappel au règlement seront-elles refusées en raison de l’épuisement du temps fixé pour l’examen du texte ?

Cette question n’est pas absurde car si les parlementaires ne peuvent plus défendre des amendements et sont réduits au silence, pourquoi ne seraient-ils pas privés de la possibilité de faire un rappel au règlement ?

Afin de garantir à tout parlementaire la possibilité d’obtenir un temps de parole pour faire état d’un incident de séance ou pour exprimer son point de vue sur une entorse au règlement, puisqu’il n’aura plus le droit ni à l’explication de vote, ni à une prise de parole sur l’article sans être pris dans ces délais, je vous propose de préciser dans un article additionnel que le rappel au règlement est exclu des délais mentionnés à l’article 13.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mme Boumediene-Thiery est persévérante, moi aussi : avis défavorable !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 56.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article additionnel après l'article 13 ter (priorité) (début)
Dossier législatif : projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution
Discussion générale

10

Dépôt d'une proposition de loi

M. le président. J’ai reçu de M. Jean-Paul Virapoullé une proposition de loi portant encadrement des prix de cent produits de première nécessité dans les départements d’outre-mer.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 221, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

11

Transmission d'une proposition de loi

M. le président. J’ai reçu de M. le président de l’Assemblée nationale une proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à créer une allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 223, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

12

Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de virement de crédits nº DEC1/2009 à l’intérieur de la section III. Commission du budget général pour l’exercice 2009 (DNO).

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4269 et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en ce qui concerne les règles de facturation.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4270 et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un programme d’aide à la relance économique par l’octroi d’une assistance financière communautaire à des projets dans le domaine de l’énergie.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4271 et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Conseil définissant la position à adopter, au nom de la Communauté, au sein du Comité de l’aide alimentaire en ce qui concerne la prorogation de la Convention relative à l’aide alimentaire de 1999.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4272 et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Conseil concernant l’interdiction provisoire de l’utilisation et de la vente, en Autriche, de maïs génétiquement modifié (Zea mays L. lignée T25), conformément à la directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4273 et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Conseil concernant l’interdiction provisoire de l’utilisation et de la vente, en Autriche, de maïs génétiquement modifié (Zea mays L. lignée MON810), conformément à la directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4274 et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 637/2008 en ce qui concerne les programmes nationaux de restructuration du secteur du coton.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4275 et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Conseil corrigeant la directive 2008/73/CE simplifiant les procédures d’établissement des listes et de publication de l’information dans les domaines vétérinaire et zootechnique, et modifiant les directives 64/432/CEE, 77/504/CEE, 88/407/CEE, 88/661/CEE, 89/361/CEE, 89/556/CEE, 90/426/CEE, 90/427/CEE, 90/428/CEE, 90/429/CEE, 90/539/CEE, 91/68/CEE, 91/496/CEE, 92/35/CEE, 92/65/CEE, 92/66/CEE, 92/119/CEE, 94/28/CE, 2000/75/CE, la décision 2000/258/CE et les directives 2001/89/CE, 2002/60/CE et 2005/94/CE.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4276 et distribué.

13

Dépôt d'un rapport

M. le président. J’ai reçu de M. Dominique Braye, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion.

Le rapport sera imprimé sous le n° 224 et distribué.

14

Dépôt d'un avis

M. le président. J’ai reçu de M. Nicolas About un avis présenté au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi pénitentiaire (n° 495, 2007-2008).

L’avis sera imprimé sous le n° 222 et distribué.

15

Addendum aux dépôts rattachés à la séance du jeudi 12 février 2009

M. le président. J’ai reçu de M. Hubert Haenel un rapport d’information fait au nom de la commission des affaires européennes sur la libéralisation des transports ferroviaires dans l’Union européenne.

Le rapport d’information sera imprimé sous le n° 220 et distribué.

16

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 18 février 2009, à quinze heures et le soir :

1. Suite du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution (n° 183, 2008-2009).

Rapport de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 196, 2008-2009).

2. Projet de loi relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés et portant diverses dispositions relatives aux transports (Urgence déclarée) (n° 501, 2007-2008).

Rapport de M. Francis Grignon, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 184, 2008-2009).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 18 février 2009, à zéro heure quarante-cinq.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD