conditions de recrutement par les communes d’agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles

M. le président. La parole est à Mme Esther Sittler, auteur de la question n° 418, adressée à M. le secrétaire d’État chargé de la fonction publique.

Mme Esther Sittler. Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte sur les conditions de recrutement par les communes d’agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, ou ATSEM. Ces agents doivent être titulaires d’un certificat d’aptitude professionnelle « petite enfance » et sont sélectionnés sur concours.

Cette double condition pose des problèmes aux petites communes, encore suffisamment dynamiques pour avoir une école maternelle sur leur territoire, qui rencontrent des difficultés de recrutement.

En effet, d’une part, le nombre de concours organisés n’apparaît pas suffisant pour permettre aux communes de faire face à leurs besoins de recrutement. Ainsi, dans le Bas-Rhin, aucun concours n’est prévu en 2009 et aucun n’a été organisé en 2008. Or, pour être titularisées, les personnes recrutées par les communes doivent passer ce concours dans les deux ans suivant leur embauche. Les maires sont donc contraints de se séparer de personnels qui leur donnent pourtant entière satisfaction.

D’autre part, pour des personnes bien souvent mères de famille et exerçant une activité d’assistante maternelle agréée par le conseil général, mais sans détenir de qualification, certaines épreuves du concours, telles que celle portant sur la connaissance de l’organisation administrative de la France, se révèlent bien trop difficiles. Or, la compétence et l’expérience professionnelles de ces personnes seraient tout à fait utiles dans les communes rurales, bon nombre de maires en témoignent.

Ne conviendrait-il pas par conséquent, monsieur le secrétaire d’État, d’accroître la fréquence des concours et d’aménager les épreuves afin de les rendre plus accessibles ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports. Madame la sénatrice Esther Sittler, vous interpellez le secrétaire d’État chargé de la fonction publique sur la question du recrutement des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, plus communément appelés ATSEM. Permettez-moi tout d’abord d’excuser l’absence de M. André Santini, retenu à Bercy pour la présentation de l’agenda social aux huit organisations syndicales de la fonction publique.

Votre question soulève deux problèmes : la périodicité et le contenu du concours.

Concernant la périodicité des concours, vous le savez, le recrutement dans le cadre d’emplois des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles s’effectue par un concours externe ouvert aux candidats titulaires du CAP petite enfance.

Comme pour tous les cadres d’emplois de catégorie C accessibles par concours, la réglementation prévoit que le concours d’ATSEM est organisé soit par les centres de gestion, soit par les collectivités et établissements non affiliés à ces centres. Dans les faits, il est cependant le plus souvent organisé par les centres de gestion non seulement pour les collectivités affiliées, mais également par convention pour celles qui ne le sont pas.

Des règles particulières régissent l’organisation des concours, notamment en ce qui concerne le nombre de postes à ouvrir. Conformément à l’article 43 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, ce nombre résulte d’une évaluation précise effectuée par le centre de gestion, prenant en compte le nombre des nominations de candidats inscrits sur la liste d’aptitude établie à l’issue du concours précédent, le nombre de fonctionnaires du même cadre d’emplois pris en charge par le centre de gestion et les besoins prévisionnels recensés par les collectivités territoriales.

Dès lors, compte tenu de ces données, les concours, notamment celui d’ATSEM, peuvent ne pas être organisés de façon régulière.

À cet égard, il convient de le signaler, si certaines communes ont recruté, en l’absence de concours, des agents contractuels pour faire face à un besoin immédiat, il leur appartient de déclarer leurs vacances d’emplois et leurs créations de poste au centre de gestion afin que celui-ci puisse organiser le concours. En effet, faute de déclarations, le centre de gestion peut ne pas ouvrir un concours.

En ce qui concerne le second point que vous avez soulevé, l’aménagement des épreuves de ce concours, le groupe de travail chargé, au sein du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, du réaménagement des concours et des mécanismes de recrutement dans la fonction publique territoriale a engagé depuis plusieurs mois une réflexion tendant à adapter les épreuves des concours du secteur médico-social aux besoins en personnels des employeurs locaux. Il s’agirait de mettre plus particulièrement l’accent sur la vérification des aptitudes et de la motivation des candidats à exercer les missions dévolues aux agents de ces cadres d’emplois.

En ce qui concerne plus particulièrement le recrutement des ATSEM, le groupe de travail poursuit plusieurs pistes de réflexion permettant d’élargir le vivier des candidats, titulaires du CAP petite enfance, aux fonctions d’ATSEM.

Une des pistes consisterait à conserver l’architecture actuelle des épreuves du concours externe – une épreuve écrite d’admissibilité constituée par un questionnaire à choix multiples et une épreuve orale d’admission d’entretien avec un jury –, tout en professionnalisant leur contenu.

Ainsi, l’épreuve du questionnaire à choix multiples pourrait être recentrée sur des questions permettant de privilégier les compétences des candidats dans le domaine spécifique de la petite enfance. Les questions relatives à l’organisation institutionnelle de la France ne devraient porter que sur quelques sujets simples. Quant à l’environnement institutionnel dans lequel les agents exerceront leur profession, il pourrait faire l’objet de modules appropriés lors de la formation d’intégration et de professionnalisation, à laquelle tous les fonctionnaires de catégorie C ont désormais accès.

Une autre piste consisterait à mettre en place un second concours externe, réservé aux candidats titulaires du diplôme requis et justifiant d’une expérience professionnelle dans le domaine de la petite enfance, que ce soit au sein d’associations, de collectivités locales ou encore en qualité d’assistantes maternelles, pour celles qui souhaitent intégrer la fonction publique territoriale et développer ainsi une nouvelle carrière professionnelle.

Compte tenu de la prise en compte de l’expérience professionnelle, le recrutement par ce second concours consisterait en une seule épreuve d’entretien, qui pourrait comporter une première phase de conversation avec le jury portant sur les connaissances du candidat en matière de petite enfance ainsi que sur ses motivations à exercer la profession au sein d’une commune. La seconde phase consisterait en une mise en situation permettant d’apprécier l’aptitude du candidat à appréhender et à exercer les missions dévolues aux membres du cadre d’emplois.

M. le président. La parole est à Mme Esther Sittler.

Mme Esther Sittler. Monsieur le secrétaire d’État, toutes les pistes de réflexion que vous avez mentionnées me satisfont ; j’espère qu’elles déboucheront sur des décisions concrètes. Je vous prie de transmettre mes remerciements à M. Santini pour les éléments de réponse qu’il a fournis.

remise en cause du contrat d'équipement entre l'armée et l'entreprise marbot-bata

M. le président. La parole est à Claude Bérit-Débat, auteur de la question n° 414, adressée à M. le ministre de la défense.

M. Claude Bérit-Débat. Monsieur le secrétaire d'État, le ministère de la défense a décidé de ne plus faire appel à la société Marbot-Bata, implantée sur la commune de Neuvic en Dordogne, pour la fabrication de brodequins destinés à l’armée de terre.

Alors que cette décision condamne une usine et pénalise toute une région, les raisons techniques pour justifier ce choix sont discutables et peu convaincantes.

L’armée a en effet reconnu depuis longtemps le savoir-faire incontesté de l’entreprise périgourdine, savoir-faire qui a été breveté.

Or, aujourd’hui, le ministère de la défense préfère désormais faire appel aux services de la société allemande Meindl et de la société Argueyrolles, qui sous-traite une partie de sa production en Tunisie.

Vous imaginez très certainement l’incompréhension de la direction et le désarroi des salariés de Marbot-Bata, ainsi que leur colère de voir partir à l’étranger un contrat d’équipement destiné à nos propres forces armées, avec lesquelles cette société travaillait depuis plus de cinquante ans.

L’appel de cette décision auprès du tribunal administratif de Versailles vient d’être rejeté. Ce jugement sonne le glas de Marbot-Bata, pour qui les commandes de l’armée représentent près de 70 % de sa production. Déjà en chômage partiel, les salariés de l’entreprise, qui comprend en grande majorité des femmes, vont donc bientôt connaître le chômage tout court.

Voilà comment un obscur raisonnement sur l’ergonomie des brodequins menace la survie d’une entreprise et le maintien de soixante-quinze emplois dans un bassin économique déjà affecté par le recul de l’industrie de la chaussure. Cette décision vient après l’annonce de la fermeture programmée de l’ESCAT – l’Établissement spécialisé du commissariat de l’armée de terre – de Bergerac en 2014, dans le cadre de la restructuration des activités de défense nationale et de la révision de la carte militaire. Or ce site emploie 124 personnes, dont 113 civils.

Certes, l’armée n’a pas pour mission de créer des emplois. Le Gouvernement pourrait cependant s’abstenir de faire de cette institution un « outil à délocaliser ».

En Dordogne, les élus locaux et les citoyens s’interrogent, légitimement, sur la stratégie de l’État. N’ont-ils pas entendu le Président de la République affirmer à diverses reprises que les usines devaient rester en France ? C’est tout de même un comble de constater que, malgré les appels au patriotisme économique lancés par le chef de l’État, l’armée française délocalise ses commandes !

Monsieur le secrétaire d’État, face à cette crise qui n’épargne pas la Dordogne, département dont le taux de chômage a augmenté de 17 % en un an, frappant plus particulièrement les jeunes, je souhaiterais connaître les mesures que vous comptez prendre pour sauver cette entreprise et ainsi permettre au Gouvernement et au chef de l’État de mettre enfin en concordance leurs paroles et leurs actes.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants. Monsieur le sénateur Claude Bérit-Débat, le ministère de la défense, par l’intermédiaire de l’état-major de l’armée de terre, a annoncé sa volonté d’équiper son personnel de nouvelles chaussures de combat mieux adaptées aux conditions d’engagement actuelles des unités, en particulier en opérations extérieures. Sur le principe, il était temps ! Je suis en effet très souvent en contact avec des unités sur le terrain : le changement de type de chaussures était attendu depuis longtemps, surtout si l’on compare l’équipement de notre armée à celui d’autres pays, en Europe ou ailleurs.

Un appel d’offres a donc été lancé afin de notifier un marché public de réalisation de nouvelles chaussures de combat. Jusque-là, il n’y a rien à redire. Dans le cadre de la consultation ouverte au niveau européen – obligation que la loi nous impose, je le rappelle –, plusieurs entreprises ont soumissionné, dont Marbot-Bata.

Il n’y a eu aucune communication du ministère de la défense sur la confirmation du choix de son ou de ses futurs fournisseurs, la notification officielle du marché public n’ayant toujours pas été effectuée.

Monsieur le sénateur, vous y avez fait allusion, la procédure a en effet été suspendue en raison d’un recours précontractuel introduit auprès du tribunal administratif de Versailles par l’entreprise Marbot-Bata, qui a ainsi, en préalable de son action contentieuse, pris l’initiative de communiquer les résultats de l’appel d’offres.

Face au mécontentement manifesté par l’entreprise, M. le ministre de la défense a reçu personnellement, le 28 janvier dernier, M. Jean-Claude Jégou, dirigeant de l’entreprise, ainsi que le maire de la commune de Neuvic, où se trouve Marbot-Bata.

La décision du tribunal administratif est aujourd’hui connue : le recours de Marbot-Bata a été rejeté. La notification du marché peut désormais intervenir.

Soucieux de la situation de cette entreprise, dont les activités sont, vous l’avez souligné, très fortement dépendantes des marchés de la défense faute d’une diversification de ses activités, en tout cas à ce jour, M. le ministre a demandé qu’une attention particulière soit portée aux autres commandes en cours ou à celles qui peuvent être passées dans le cadre des marchés dont bénéficie par ailleurs l’entreprise avec la marine et l’armée de l’air.

Enfin, en ce qui concerne les mesures annoncées en juillet 2008 de restructuration des implantations militaires, le ministère de la défense, en liaison notamment avec celui qui est chargé de l’aménagement du territoire, veille à ce que les sites concernés bénéficient des mesures d’accompagnement et de redynamisation adéquates, en parfaite relation avec les acteurs territoriaux.

Monsieur le sénateur, après vous avoir écouté, j’ai bien conscience qu’il faut être particulièrement attentif à ce que la transition puisse s’effectuer de la façon la plus douce et la plus adaptée possible entre, d’une part, une nécessaire diversification – à laquelle je suis certain que l’entreprise travaille – ainsi que la poursuite des marchés en cours et, d’autre part, les effets que peut avoir la perte de ce marché de chaussures sur le plan de charges et, donc, sur les emplois. Le fait que le ministre de la défense ait reçu le responsable de l’entreprise il y a quelques semaines montre bien l’attention toute particulière que nous portons à la situation de Marbot-Bata.

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.

M. Claude Bérit-Débat. Monsieur le secrétaire d’État, je voudrais remettre en perspective la décision de ne plus faire appel à la société Marbot-Bata pour l’équipement de l’armée en chaussures. L’usine avait 2 000 salariés dans les années quatre-vingt. À l’issue de la crise qui a touché l’industrie française de la chaussure et de l’article chaussant, notamment en Dordogne, l’entreprise, qui compte aujourd'hui soixante-quinze salariés, s’est recentrée sur le créneau, qui était porteur, de la fabrication de chaussures pour l’armée.

Les chaussures produites par Marbot-Bata – j’aurais pu vous en apporter une paire ! – font la satisfaction de nombreux militaires qui les utilisent. J’ai évoqué l’ergonomie, mais les raisons pour lesquelles l’armée va changer de fournisseur sont assez obscures. Par ailleurs, la société Marbot-Bata est parfaitement capable de s’adapter et de fournir un autre type de chaussures.

Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi d’être dubitatif sur les éléments de réponse que vous m’avez apportés. Il est vrai que le dirigeant de Marbot-Bata a été reçu, avec le maire de Neuvic, par M. le ministre de la défense, mais, aujourd'hui, les 70 % de la production de cette entreprise qui sont destinés au ministère des armées sont mis en péril.

Je rappelle que la décision prise l’année dernière de fermer l’ESCAT dans notre département entraîne la suppression de 130 emplois, qui, ajoutés aux 75 emplois de la société Marbot-Bata, concernent plus de 200 personnes. C’est un coup dur porté à la Dordogne !

Encore une fois, sans vouloir faire de la politique politicienne, à l’heure où l’on entend dire qu’il faut faire preuve de patriotisme économique, il me semble que l’État, en particulier l’armée, devrait donner l’exemple.

rapport de la commission de réflexion sur la modernisation des commémorations publiques

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, auteur de la question n° 420, adressée à M. le secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants.

M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez adressé, à la fin de l’année dernière, le rapport de la commission Kaspi, qui avait été chargée par votre prédécesseur de mener une réflexion sur la modernisation des commémorations publiques, ce qui est louable.

Malheureusement, on assiste à une certaine désaffection du public pour ces commémorations. Il est important de lancer une réflexion qui puisse permettre de mettre en place une politique mémorielle – terme quelque peu barbare ! – permettant de répondre de façon plus pertinente à l’évolution de notre société et aux attentes des jeunes. On le sait bien, ces derniers sont parfois réticents à participer à ce type de commémoration qu’ils considèrent comme une tradition passéiste. Pourtant ces commémorations sont éminemment pédagogiques ; elles permettent d’éclairer l’avenir en s’appuyant sur les leçons de l’histoire.

Certains errements ont, il est vrai, contribué à un brouillage des cartes : le choix arbitraire de la date du 5 décembre, qui n’a aucune signification historique, pour rendre hommage aux morts des combats d’Afrique du Nord n’est pas de nature à crédibiliser les commémorations, alors que le rapport avait établi que la date du 19 mars était beaucoup plus pertinente.

Au-delà des intentions, qui sont louables, ce rapport suscite un certain nombre d’interrogations.

Dans la lettre que vous nous avez adressée et qui accompagnait ce rapport, vous sollicitez l’avis de l’ensemble des acteurs de ce champ d’activité afin de connaître leur point de vue sur les suites qu’il convient de donner à ce rapport.

Or ce rapport a été rendu public et vous avez dû comme moi vous apercevoir qu’il suscitait, au sein du monde combattant, de larges interrogations pour ne pas dire une contestation assez importante.

Effectivement, ce rapport précise que, sur les douze dates mémorielles qui sont reconnues à l’échelon national, seules trois subsisteraient – le 8 mai, le 14 juillet et le 11 novembre – les autres dates seraient laissées à la discrétion des collectivités locales, des départements et des régions.

Cela veut dire de fait que, au-delà de la suppression de neuf dates nationales, on assisterait à une sorte de hiérarchisation entre les commémorations qui auraient une portée nationale et celles qui seraient laissées à la discrétion des collectivités territoriales. Nous y voyons, comme une grande partie du monde combattant, la dévalorisation d’un certain nombre de dates qui, pourtant, parce qu’elles jalonnent l’histoire de notre pays, ont, sur le plan pédagogique, une valeur inestimable et sont de nature à rapprocher la jeunesse de l’histoire de son pays et des principes républicains.

Tout récemment, lors de l’assemblée générale de l’union départementale des anciens combattants de Haute-Garonne, j’ai constaté que l’ensemble des orateurs qui se sont exprimés avaient manifesté la même hostilité à cette forme de hiérarchisation des dates mémorielles.

J’ajoute, à cet égard, qu’un certain nombre de collectivités locales ont engagé des démarches afin que le 27 mai – date de la création du Conseil national de la résistance - avec tout ce que cela implique, notamment par rapport à certains débats actuels, puisse entrer dans le calendrier mémoriel.

Ma question est simple, monsieur le secrétaire d’État : j’aimerais savoir quelles suites vous entendez réserver au rapport Kaspi et si, en même temps, conformément à ce que vous écrivez dans la lettre que vous nous avez adressée, vous allez consulter les élus locaux et toutes les parties prenantes de ces commémorations qui engagent la responsabilité collective.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants. Monsieur le sénateur Jean-Jacques Mirassou, le rapport de la commission de réflexion sur la modernisation des commémorations publiques, présidée par l’historien André Kaspi, a été remis au Gouvernement le 12 novembre 2008, à l’issue d’une année de réflexion et de larges consultations effectuées au sein du monde combattant.

J’ai d’ailleurs moi-même participé à la séance lors de laquelle a été rendu public ce rapport, que j’ai transmis à l’ensemble des parlementaires et des responsables d’associations.

Ce rapport est intéressant à bien des égards, même si, comme vous le savez déjà, nous n’en avons pas repris toutes les conclusions. Il a mis en exergue plusieurs phénomènes préoccupants parmi lesquels figurent l’augmentation significative du nombre de commémorations nationales entre 1999 et 2003 et, parallèlement, la désaffection relative du public vis-à-vis des commémorations nationales.

Alors que six grandes dates avaient été créées par le législateur ou le Gouvernement entre 1880 et 1999, six nouvelles dates sont venues enrichir notre calendrier commémoratif en l’espace de quatre ans, portant ainsi le nombre total de ces commémorations à douze.

Il convient d’ajouter – vous l’avez d’ailleurs fait  – que certaines associations, appuyées par des membres du Parlement, sollicitent aujourd’hui du Gouvernement la création de nouvelles dates commémoratives nationales, afin d’honorer notamment le souvenir des combats de l’Armée d’Afrique ou marquer l’importance historique de la première réunion du Conseil national de la Résistance le 27 mai 1943, rue du Four, à Paris. D’autres revendications existent, notamment en ce qui concerne la guerre d’Algérie, qui toutes méritent attention.

J’en profite d’ailleurs pour vous dire, anticipant la conclusion de ma réponse, que beaucoup de dates sont aujourd’hui commémorées et qu’elles le sont souvent de manière officielle, parfois très large, sans avoir la dénomination de commémoration nationale. Bien plus de douze dates sont commémorées chaque année, ce qui est d’ailleurs très heureux, certaines le sont sur le plan local ou régional, d’autres ont un écho national.

La tendance haussière qui s’exprime a été relevée par la commission Kaspi, qui s’est inquiétée de ce phénomène d’« inflation mémorielle », c’est son expression, non la mienne ; je considère que chaque fois que des personnes veulent commémorer un événement, une tragédie, un combat, c’est un point de vue qui doit être respecté.

Cela dit, le phénomène d’organisation de manifestations ouvertes largement au public et les difficultés que nous rencontrons sur le terrain – je suis moi-même maire – sont une réalité que vous avez d’ailleurs vous-même soulignée. C’est dans ce contexte que la commission Kaspi - c’est l’un des apports positifs de son travail - a formulé un certain nombre de recommandations, visant, d’une part, à mieux valoriser les commémorations les plus fédératrices de notre communauté nationale, le 8 mai, le 14 juillet, le 11 novembre – personne ne nie l’importance de ces dates, ce n’est pas créer une hiérarchie que de le dire – et, d’autre part, à renouveler les rites commémoratifs afin de pérenniser et de renouveler le public assistant à ces commémorations.

C’est un sujet que je connais puisque, que dans ma commune, j’ai initié, après plusieurs tentatives mitigées, un renouvellement de ces pratiques en y associant davantage les jeunes générations, à travers des associations comme le Souvenir Français et les écoles.

Le 11 novembre dernier, pour la première fois, j’ai pu constater combien il était possible d’intéresser les jeunes à ces événements – ils ont été des centaines à y participer -, dès lors qu’un certain nombre d’enseignants sont motivés. Par là même, cela permet de renouveler l’attention du public et de donner, pour la grande satisfaction du monde combattant, une autre dimension, plus pédagogique, à ces manifestations, faisant davantage le lien entre les événements qui sont commémorés et les enjeux d’aujourd’hui. Cette démarche, à laquelle vous avez fait allusion dans votre propos, est aussi celle de la commission Kaspi.

En tout cas, le Gouvernement a clairement affirmé qu’il n’était pas dans son intention de supprimer, ni même de hiérarchiser, les grandes commémorations nationales aujourd’hui existantes. Il n’est pas non plus dans ses intentions d’introduire une forme de concurrence des mémoires en direction de quiconque. Le rôle du Gouvernement est, au contraire, de valoriser tous les pans de notre mémoire nationale, sans exclusive, en s’assurant également de la bonne transmission de ces mémoires en direction des jeunes générations, j’y faisais allusion à l’instant.

Telle est l’orientation donnée par le Gouvernement à sa politique de mémoire, dans le respect de l’engagement des générations passées et dans l’intérêt civique des générations futures.

Je pense avoir été extrêmement clair lors de la publication du rapport Kaspi en novembre dernier en écartant d’emblée tout motif d’inquiétude, comme je l’avais d’ailleurs déjà fait dans le cadre des polémiques qui avaient précédé cette publication. Ces interrogations resurgissent effectivement aujourd’hui après que le rapport Kaspi a été diffusé dans un certain nombre de réunions d’anciens combattants. Pour autant, c’est un débat intéressant.

Tout ce qui pouvait être dit pour rassurer le monde combattant a été exprimé très clairement, a même été répété par le Président de la République le 11 novembre dernier.

Gardons du rapport Kaspi le meilleur, c’est-à-dire les propositions visant à la fois à renforcer certaines très grandes commémorations nationales et à valoriser la démarche mémorielle dans le cadre de commémorations qui n’ont pas le caractère national qu’ont les douze commémorations auxquelles je faisais allusion tout à l’heure.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.

M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le secrétaire d’État, votre réponse relève de la déclaration d’intention, ou, pour le dire avec plus de mansuétude, de bonnes intentions.

Quand, sur douze dates à portée nationale, on constate, de manière arithmétique, que trois seulement seront préservées, cela veut dire que, par exemple, la commémoration du 18 juin 1940 disparaît, au même titre que la Journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’État français et d’hommage aux « Justes » de France ou la Journée nationale du souvenir des victimes et héros de la déportation.

Cela ne semble guère opportun alors même que la jeunesse s’interroge, que reviennent dans l’actualité les discours négationnistes de certains et les actes odieux de ceux qui profanent les cimetières ou autres lieux, témoignant d’une résurgence du racisme et de la xénophobie.

Supprimer du calendrier mémoriel national les dates que j’évoquais, qui sont parfaitement emblématiques et qui rappellent les combats de ceux qui, à d’autres époques, se sont illustrés en luttant contre le racisme ou la xénophobie, n’est pas l’aspect le plus intéressant du rapport Kaspi. Quand il ne resterait que douze dates nationales, on ne peut pas dire que cela relève de l’inflation mémorielle.

Monsieur le secrétaire d’État, le monde combattant, que vous fréquentez sans doute plus assidûment que moi du fait de vos fonctions, mais que je connais quand même aussi, a exprimé de grandes inquiétudes sur ce sujet. Le maintien des choix du rapport Kaspi ne manquerait pas d’engendrer de vives réactions.