avenir du site industriel wabco vehicle control systems

M. le président. La parole est à M. Michel Billout, auteur de la question n° 446, transmise à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

M. Michel Billout. Je souhaite attirer l’attention du Gouvernement concernant l’avenir du site industriel WABCO, à Claye-Souilly, en Seine-et-Marne.

Ce site appartient à l’un des plus grands équipementiers mondiaux de système de freinage électronique, de contrôle de stabilité, de suspension et de transmission automatisée pour les véhicules industriels. Parmi ses clients, figurent les principaux constructeurs de poids lourds, de remorques et d’autocars et autobus. Elle est la première entreprise industrielle de la commune, mais également la vingt-deuxième de Seine-et-Marne. Il s’agit donc d’un site industriel important d’Île-de-France.

L’entreprise, après s’être séparée d’une cinquantaine d’intérimaires en décembre dernier, vient d’annoncer un plan de quatre-vingt-quatre licenciements en faisant état d’une chute importante de ses commandes pour l’année 2009. On aurait pu croire cette entreprise solide : WABCO, dont le siège se trouve à Bruxelles, emploie en effet plus de 7 700 personnes, réparties dans trente et un pays.

En 2007, son chiffre d’affaires a augmenté de 20 % pour atteindre 2,4 milliards de dollars, avec un taux de croissance annuel global de 8 % sur les cinq dernières années.

WABCO est à l’origine de quelques-unes des plus importantes innovations du secteur : premier dispositif antiblocage, ABS, pour les poids lourds, en 1981 ; premier système de suspension pneumatique à pilotage électronique, ECAS, pour les véhicules industriels, en 1986 ; premier système CMS, avec freinage actif pour les véhicules industriels, en 2008 ; premier système autonome de freinage d’urgence pour les véhicules industriels, également en 2008.

Les emplois concernés, particulièrement sur le site de Claye-Souilly, requièrent un haut niveau de qualification, une intelligence et un savoir-faire qu’il serait regrettable de voir disparaître en raison d’une situation, certes difficile, mais conjoncturelle, dans ce secteur économique. Qui peut en effet prétendre que les poids lourds n’ont plus d’avenir ?

Dans le contexte du Grenelle de l’environnement – cette entreprise contribuant grandement à améliorer la performance, la sécurité, le rendement et la longévité des véhicules industriels – comme dans celui de la grave crise économique qui touche notre pays, je souhaiterais connaître les mesures que compte prendre le Gouvernement pour soutenir l’emploi sur ce site industriel, qui a déjà perdu plus d’un tiers de ses emplois en moins de dix ans.

Si cette entreprise est effectivement frappée par les conséquences de la crise économique, quels peuvent être les effets attendus du plan de relance ou, plus spécifiquement, du plan « automobile » ?

Si, au contraire, il s’agit pour ce groupe de prendre le prétexte de la crise afin d’accélérer la baisse des effectifs constatée depuis 2000, voire d’envisager une délocalisation totale, quelles dispositions compte prendre le Gouvernement pour le dissuader de s’engager dans une telle voie ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Monsieur Billout, vous évoquez la crise du secteur de l’automobile et le cas spécifique de la société WABCO.

Vous le savez, le secteur économique de la construction de véhicules, qu’ils soient destinés aux particuliers ou aux industriels, traverse depuis plusieurs mois une crise mondiale qui touche l’ensemble des marchés. En particulier, le secteur du véhicule industriel est frappé par la crise financière et ses conséquences économiques sur la filière du transport.

Confrontés à une situation critique due à l’effondrement des ventes et à une crise de liquidités, les constructeurs de véhicules ont été conduits à réduire les cadences de production et à introduire des jours de chômage partiel.

Cet état de fait est lourd de conséquences pour les équipementiers, dont le marché des véhicules représente souvent le principal, voire l’unique débouché commercial.

Cette situation très préoccupante de l’ensemble de la filière a conduit le Gouvernement à se mobiliser. Le 9 février dernier, le Président de la République a annoncé un ensemble de mesures, faisant jouer de multiples leviers, en faveur de l’ensemble du secteur, notamment des constructeurs de véhicules et de leurs sous-traitants. L’objectif est de conforter la compétitivité de la filière automobile. Certaines de ces mesures participent également de la volonté d’améliorer la compétitivité à long terme de l’ensemble du secteur.

Ainsi, des prêts pourront être octroyés aux constructeurs, notamment de poids lourds, implantés en France. Ils doivent leur permettre de mettre rapidement en œuvre des programmes de développement de nouveaux modèles, plus respectueux de l’environnement et moins consommateurs d’énergie, programmes qui mobilisent naturellement et largement les sous-traitants des constructeurs.

En outre, l’ensemble des acteurs de la filière ont souhaité bâtir une véritable relation clients-fournisseurs, ce qui a abouti à la signature, le 9 février dernier, par les organisations professionnelles représentatives, d’un code de performances et de bonnes pratiques.

J’en viens au cas spécifique de WABCO France, entreprise qui, comme vous l’avez indiqué, est une filiale du groupe international WABCO Vehicle Control Systems, un des leaders mondiaux des systèmes de sécurité et de contrôle pour véhicules industriels.

En 2008, le groupe a enregistré de bons résultats : son chiffre d’affaires a progressé de 7 %, pour atteindre 2,6 milliards de dollars. Cependant, depuis le quatrième trimestre de 2008, le groupe a été confronté, comme l’ensemble de la filière, à la baisse générale des ventes de véhicules industriels. Au quatrième trimestre de l’année 2008, l’activité du groupe a diminué d’un tiers rapport au quatrième trimestre de l’année précédente. Sur le seul marché européen, cette baisse est de 22 %. C’est dire la profondeur de la dépression qui a affecté ce groupe, comme l’ensemble du secteur.

Les prévisions pour 2009 sont évidemment marquées par la poursuite du recul des ventes en volume de camions en Europe, qui ne dépasseront pas 200 000 unités, au mieux, contre plus de 300 000 en 2008.

Devant de telles perspectives, le groupe a entrepris d’adapter ses sites, avec la suppression de 1 400 emplois, représentant près de 20 % de ses effectifs, la réduction des coûts de structure et l’optimisation des fonctions d’achats et de logistique.

La filiale française du groupe, sise en Seine-et-Marne, a connu un fort développement depuis 2005, pour atteindre un chiffre d’affaire de 200 millions d’euros. En 2007, elle employait 374 personnes. Toutefois, depuis le dernier semestre de 2008, et à l’instar des autres entreprises du secteur, cette société se trouve confrontée à une forte baisse de ses commandes. Le 1er décembre dernier, elle a été amenée à démarrer une procédure de licenciement collectif pour motif économique, concernant quatre-vingt-quatre salariés.

Nous avons demandé des améliorations des mesures contenues dans le plan de sauvegarde de l’emploi, et l’entreprise en a tenu compte. Il s’agit notamment d’une augmentation du budget prévisionnel alloué à la formation des salariés potentiellement concernés par ce plan.

Par ailleurs, compte tenu des effets économiques et sociaux de ce plan sur le territoire concerné, WABCO France est également – c’est la loi – assujettie à une obligation de revitalisation, obligation qui n’a pas fait l’objet de contestation de la part de l’entreprise.

Pour le premier trimestre de 2009, WABCO France a déposé une demande de chômage partiel concernant 300 salariés, demande qui a été acceptée par nos services au vu du carnet de commande de l’entreprise. Cette mesure permet de sauvegarder des emplois et d’éviter que des salariés en nombre plus important soient licenciés.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, nous assumons nos responsabilités. Nous attendons évidemment que les acteurs privés en fassent autant.

Comme le montrent l’ensemble des actions qui ont été menées depuis l’annonce du plan par le Président de la République, notre pays n’abandonnera pas son industrie automobile. C’est, me semble-t-il, important pour l’avenir, notamment dans la perspective de la sortie de crise. Il y aura toujours de la production automobile, et nous entendons bien que la France y prenne toute sa part.

M. le président. La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de vous faire part de ma perplexité.

Certes, j’ai bien entendu les annonces présidentielles et gouvernementales relatives au plan de relance ou au plan de sauvetage de la filière automobile. Toutefois, j’avoue ne pas en percevoir très concrètement les effets, notamment s’agissant d’un équipementier aussi important que celui-ci. Par conséquent, j’imagine que les effets seront encore plus limités sur de plus petits sous-traitants.

En fait, il s’agit simplement de demander à la direction de WABCO France d’améliorer un peu son plan social de licenciement, mais, en aucune façon, d’essayer d’y renoncer, voire de prendre des garanties pour que le site soit pérennisé.

La situation actuelle est effectivement difficile, mais je veux rappeler que 200 emplois ont été supprimés depuis 2000. Dès lors, force est de constater la volonté du groupe de se désengager de notre territoire.

Ce qui est paradoxal, c’est que, avec la suppression de 200 emplois, de l’aveu même des responsables de l’entreprise, la productivité du site n’a cessé d’augmenter. Il conviendrait donc d’examiner d’un peu plus près la démarche qui est actuellement menée. À mon sens, le Gouvernement devrait inciter plus fortement le groupe à préserver ses emplois, emplois dont nous aurons besoin demain, mais qui auront peut-être disparu d’ici là.

gestion opaque du calcul et du recouvrement des impôts locaux par l'état

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, auteur de la question n° 443, adressée à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

M. Claude Biwer. Le tout récent rapport public annuel de la Cour des comptes s’est intéressé à la détermination des bases cadastrales et à leur gestion par les services de l’État.

La Cour y souligne que le processus d’établissement des bases apparaît d’une extrême et inutile complexité, relevant par exemple qu’il ne faut pas moins de treize étapes pour déterminer le montant de l’impôt foncier dû par un particulier. Elle ajoute que le fisc ne prend pas la peine de transmettre au contribuable les calculs ayant servi à déterminer la valeur cadastrale d’un logement ou d’un terrain. Cela explique d’ailleurs sans doute le faible nombre de réclamations concernant les impôts locaux par rapport à ceux d’État, ce qui contribue également à l’opacité dénoncée par la Cour des comptes.

Le rapport regrette également à nouveau l’absence de révision des bases locatives, entraînant un classement des biens peu équitable et sans aucun rapport avec la réalité d’aujourd’hui. Souvenons-nous que la dernière révision générale des bases remonte à 1970 pour le foncier bâti et à 1962 pour le foncier non bâti !

Mais ce qui m’a surtout frappé à la lecture de ce rapport, ce sont les observations relatives aux coûts de gestion de la fiscalité locale.

Tout d’abord, un satisfecit a été adressé à l’administration des finances, et la Cour des comptes s’est félicitée que le coût de gestion des taxes foncières ait diminué au cours des dernières années pour aboutir à un taux de 1,75 %. Mais ce taux a aussitôt été rapproché de celui qui est prélevé sur les contribuables, soit 4,4 %. Dès lors, il apparaît clairement que les gains de productivité réalisés par l’administration fiscale ne profitent nullement aux contribuables locaux, ce qui ne me semble pas très convenable.

À ces 4,4, % s’ajoutent 3,6 %, liés à ce que l’on appelle les frais de dégrèvements et d’admissions en non-valeur. Le montant total de l’imposition au titre des taxes foncières s’élève donc à 8 %.

Certes, on me répondra probablement que ces frais de gestion constituent la contrepartie des dépenses supportées par l’État pour le financement de l’ensemble des dégrèvements,…

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Exactement !

M. Claude Biwer. … en ajoutant sans doute que ces derniers dépassent désormais 13 milliards d’euros.

Encore convient-il de s’entendre sur ce que l’on appelle « frais de dégrèvements et d’admission en non-valeur ». S’il s’agit des dégrèvements accordés aux contribuables du fait d’un changement de situation ou de leur insolvabilité, je suis d'accord. Mais il ne faut surtout pas y mêler les dégrèvements législatifs, qui doivent être compensés par l’État, et non supportés par les contribuables.

Dans ces conditions, ma question est très simple. Sachant que le coût de gestion des taxes foncières s’élève désormais à 1,75 %, à quelle date le prélèvement de 4,4 % opéré sur tous les contribuables locaux sera-t-il diminué ? Cela permettrait aux services de l’administration des finances de se conformer à la recommandation formulée par la Cour des comptes et suivant laquelle « il n’est pas acceptable que l’État laisse se pérenniser deux prélèvements détachés des fondements réels que sont les dépenses qu’ils sont censés compenser ».

Par ailleurs, vous me permettrez d’insister sur les difficultés que nous rencontrons dans un grand nombre de petites communes quand on nous demande de créer les commissions communales des impôts et de désigner vingt-quatre personnes pour en trouver six… À mon sens, c’est un peu abusif. Bientôt, nous devrons y mettre toute la population. Et encore, dans certains cas, cela ne sera même pas suffisant ! (Sourires.)

À cela s’ajoutent des règles de sectorisation, qui ont été fixées dans un souci de représentativité. Bref, l’opération devient tellement difficile que, finalement, tout le monde s’en fiche !

Au fond, s’il n’y a pas beaucoup de réclamations, c’est probablement parce que le contribuable de base n’y comprend pas grand-chose ! (Nouveaux sourires.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Monsieur Biwer, la technicité de la question que vous posez démontre l’ampleur de vos connaissances en matière de fiscalité locale, même si vous avez conclu en disant que plus personne n’y comprenait rien. (Nouveaux sourires.)

Je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui ne pouvait pas être là ce matin, et je vais vous essayer de vous apporter les réponses que vous attendez.

Vous attirez l’attention du Gouvernement sur la gestion du calcul et de recouvrement des impôts locaux par l’État, en faisant allusion au rapport annuel de la Cour des comptes pour 2009, qui porte notamment sur la détermination des bases cadastrales et sur leur gestion par les services de l’État.

Pour ma part, je partage votre point de vue et le constat de la Cour des comptes sur l’ancienneté des valeurs locatives, qui n’ont pas été redéfinies depuis leur création. Une réforme s’impose à l’évidence. Du reste, à la fin de l’année 2007, lors du Congrès des maires et des présidents de communautés de France, le Président de la République a appelé de ses vœux une telle réforme de la fiscalité locale. De même, le Premier ministre s’est récemment exprimé en ce sens, à l’occasion de la Conférence nationale des exécutifs.

La Cour des comptes recommande de clarifier les relations avec les collectivités territoriales. Une telle clarification a déjà été présentée à l’occasion des derniers débats budgétaires.

Cela étant, votre question ne donne qu’une vision partielle du financement des charges qui incombent à l’État en matière d’impôts locaux.

En effet, le rapport de la Cour des comptes indique également ceci : « Il est vrai que, si les coûts de gestion sont surfacturés, les coûts réels pour l’État des dégrèvements et des admissions en non-valeur représentent, en revanche, beaucoup plus que 3,6 % des taxes locales, la surfacturation venant compenser une sous-facturation. »

De plus, ce rapport ne prend pas en compte l’ensemble des relations financières entre l’État et les collectivités territoriales. En effet, l’État a bien plus que les seuls coûts de gestion des impôts locaux à sa charge. Au-delà des dégrèvements ordinaires et des admissions en non-valeur mentionnés dans le rapport, l’État doit également supporter le coût de trésorerie, lié au fait qu’il verse mensuellement le produit des recettes locales aux collectivités locales, alors qu’il ne perçoit les impôts qu’en toute fin d’année, ainsi que les activités de conseil auprès des collectivités que ses services assurent.

En face, l’État perçoit non seulement les frais de recouvrement et de dégrèvements, mais, pour être exhaustif, il allège aussi sa charge de trésorerie, grâce au dépôt gratuit des fonds de collectivités au Trésor public, ce qui représente également une garantie de sécurité de ces fonds pour lesdites collectivités. En moyenne, sur la période 2001-2007, ces ressources ont représenté 5 milliards d’euros, les charges atteignant un montant équivalent.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, l’État ne s’enrichit pas au détriment des contribuables ou des collectivités locales. Il y a un équilibre parfait, et non fortuit – en tout cas, c’est mon interprétation –, entre les coûts supportés par l’État et ses recettes. Vous trouverez des explications détaillées sur ce sujet dans l’annexe du projet de loi de finances pour 2009 retraçant l’effort financier de l’État en faveur des collectivités territoriales.

Je souligne par ailleurs que ce calcul ne prend pas en compte les dégrèvements législatifs qui relèvent, eux, de l’initiative du législateur. Or on ne peut pas en faire complètement abstraction.

Prenons l’exemple des dégrèvements sur la taxe d’habitation pour les contribuables les plus modestes, dégrèvements, qui représentent 2,2 milliards d’euros par an. Je ne suis pas certain que, si l’État ne les prenait pas en charge, les collectivités territoriales dont le potentiel fiscal est faible pourraient accorder à leurs contribuables des mesures d’allégement équivalentes. Or, sans ces dégrèvements, un grand nombre de contribuables ne pourraient pas acquitter leur impôt, ce qui se traduirait par une augmentation des admissions en non-valeur, qui sont prises en charge par l’État. L’équilibre auquel nous sommes parvenus, et dont je faisais état à l’instant, serait rompu, au détriment de l’État.

À l’heure actuelle, il n’y a donc pas lieu de modifier les frais d’assiette et de recouvrement.

Telle est la réponse que je souhaitais, monsieur le sénateur, vous apporter au nom de Eric Woerth.

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie des précisions que vous venez de m’apporter et dont la technicité dépasse largement celle de mes questions. (Sourires.)

Vous avez démontré que l'État ne s’enrichissait pas. Ce dont je suis certain, pour ma part, c’est que le contribuable s’appauvrit ! (Nouveaux sourires.)

Afin de tempérer certaines de ses réactions, il importe de lui faire savoir comment les choses se passent. Il est vrai que l’État consent de gros efforts à travers toute une série de dispositifs, mais encore faut-il en informer le public !

Nous sommes parfois très embarrassés par les déclarations différentes que nous entendons : la Cour des comptes a cerné un sujet ; vous le cernez d’une autre manière et les services du ministère du budget peut-être encore d’une autre.

Cela dit, je prends acte des éléments que vous venez de mettre en avant et dont une bonne part ne peut être discutée.

levée de la clause de sauvegarde sur le maïs mon 810

M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck, auteur de la question n° 431, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.

M. Christian Demuynck. Je souhaite revenir sur le débat que suscite maïs MON 810 et qui a connu ces dernières semaines de nouveaux développements.

Voilà un an, à l’issue du Grenelle de l’environnement, la France décidait d’activer la clause de sauvegarde concernant le MON 810, l’unique plante transgénique jusqu’alors cultivée en France, et ce sur la base du principe de précaution.

En octobre dernier, l’Autorité européenne de sécurité des aliments, ou AESA, écartait l’idée selon laquelle cet organisme génétiquement modifié pouvait comporter un risque pour la santé humaine et animale ou pour l’environnement. L’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l’AFSSA, vient d’ailleurs de confirmer cette absence de risque sanitaire dans un avis rendu le 20 février 2009.

Ces deux autorités scientifiques, à l’expertise reconnue, ont conclu qu’aucun fait scientifique nouveau ne justifiait cette clause de sauvegarde et que cette dernière pouvait donc être levée.

Sachant que le MON 810 est cultivé sur 20 millions d’hectares dans le monde, en Espagne depuis 1998, que les autorités compétentes ne voient aucune justification à une quelconque interdiction, je souhaiterais connaître les raisons qui conduisent notre pays à refuser son expérimentation et sa culture.

Ce refus crée, par ailleurs, un climat de suspicion autour des OGM, alors que nous en mangeons tous les jours ! Il est tout de même paradoxal qu’un pays offrant des OGM à la consommation en refuse la culture et l’expérimentation.

Cette position est particulièrement préjudiciable à notre pays. Elle nous fait prendre un retard considérable dans la compétition mondiale en matière de biotechnologies, notamment par rapport aux États-Unis, retard d’autant plus dommageable que la France est le deuxième producteur mondial de semences et qu’elle dispose d’une remarquable expertise en recherche agronomique.

En outre, si elle ne prend pas la mesure du sujet, la France s’expose à de grands risques, soit de dépendance à l’égard des détenteurs étrangers, en particulier américains, de procédés protégés par la propriété intellectuelle, soit de fuite de ses chercheurs. Il faut d’ailleurs remarquer que le laboratoire de recherche Bayer a quitté la France.

Madame la secrétaire d’État, je profite de l’occasion qui m’est donnée pour vous interroger sur le retard pris dans la nomination du président du Haut conseil des biotechnologies.

Depuis les avis défavorables émis par les deux commissions parlementaires compétentes concernant le premier candidat, aucun autre nom n’a été proposé par le Gouvernement, même si celui de Catherine Bréchignac circule actuellement pour occuper ce poste. Or ce retard voit la France dans l’impossibilité d’expérimenter des OGM en 2009.

Madame la secrétaire d’État, je vous demande de nous préciser les motifs qui vous conduisent à maintenir cette clause de sauvegarde et de nous informer sur les intentions du Gouvernement pour développement la recherche en matière de biotechnologies dans notre pays.

M. le président. Avant de vous donner la parole, madame la secrétaire d’État, étant pour la première fois amené à présider la séance en votre présence, le vieux parlementaire que je suis tient à vous souhaiter la bienvenue et à vous dire le plaisir, voire le trouble – privilège de l’âge ! – qu’il éprouve à vous voir au banc du Gouvernement. (Sourires.) Je vous souhaite d’ailleurs la même longévité dans vos fonctions que celle qui est la mienne au Parlement de la République ! (Nouveaux sourires.)

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Merci, monsieur le président !

M. le président. Vous avez la parole, madame la secrétaire d'État.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Monsieur Demuynck, le Gouvernement a effectivement décidé de prendre une mesure de sauvegarde et d’interdire la culture, sur le territoire français, du maïs MON 810 par arrêté du 7 février 2008.

Cette décision fait suite à l’avis du Comité de préfiguration de la haute autorité sur les OGM et a été prise en raison des interrogations soulevées par les scientifiques français au sujet des impacts environnementaux potentiels de cet OGM.

Quelles sont les incertitudes ? À l’évidence, elles concernent non pas les impacts sanitaires, mais bien les impacts environnementaux, notamment celui de la toxine contenue dans ce maïs sur les espèces dites « non cibles » et sur le sol. D’ailleurs, reconnaissant elle-même l’existence de telles incertitudes, l’agence européenne a demandé des informations supplémentaires à Monsanto sur ce point.

Nous avons besoin d’éléments de réponse clairs. L’arrêté prévoit la levée de la clause de sauvegarde lorsque la procédure européenne de renouvellement de l’autorisation de l’OGM MON 810 sera terminée. Or cette dernière est en cours et les résultats sont attendus pour cette année. Les analyses sont conduites par l’Espagne.

J’ajoute que le Conseil des ministres européens de l’environnement, a confirmé, à l’unanimité, dans ses conclusions du 4 décembre 2008, la nécessité de revoir les procédures d’expertises qui sont conduites par l’AESA. À ce jour, nous n’avons pas eu de propositions de la Commission sur ce point.

Par conséquent, tant que ni la réévaluation et ni procédure de révision du dispositif d’expertise européen ne sont achevées, il nous semble tout à fait prématuré de proposer une levée de la clause de sauvegarde.

Cette question a d’ailleurs été posée hier, pour l’Autriche et la Hongrie, au Conseil «Environnement » à Bruxelles. Une très forte majorité – vingt-deux États, y compris l’Espagne, sur vingt-sept – a voté contre la Commission sur cette question, pour des motifs identiques.

Cela étant, vous avez tout à fait raison, monsieur le sénateur, il ne faut pas renoncer aux biotechnologies et à la recherche dans ce domaine. C’est pourquoi le Gouvernement a décidé d’y consacrer 45 millions d’euros sur une période de trois ans.

M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck.

M. Christian Demuynck. Madame la secrétaire d’État, j’ai bien entendu vos propos et je suis quelque peu rassuré par le montant de l’enveloppe qui sera consacrée à la recherche sur les biotechnologies, car nous ne devons absolument pas prendre de retard par rapport aux États-Unis.

Je crois utile de rappeler que tant l’AESA que l’AFSSA ont indiqué que le MON 810 ne présentait aucun risque pour la santé humaine ou animale. Il importe de le dire et de le répéter, compte tenu des affirmations et des contrevérités qui circulent sur les OGM.

À l’évidence, en vertu du principe de précaution, il faut se montrer prudent quant à l’utilisation qui est faite des OGM. Pour autant, si je suis favorable à la culture du maïs MON 810, c’est qu’elle est largement pratiquée dans le monde, que ce soit aux États-Unis, en Amérique du Sud, en Espagne, et depuis plus de dix ans. L’expertise liée à l’histoire de cette culture permet d’être pleinement rassuré.

L’inquiétude tient au risque de pollinisation. Or, selon l’ensemble des études menées par les organismes et chercheurs dans les pays de culture du MON 810, ce risque est réduit à néant dès lors que les bonnes techniques sont appliquées.

J’attire l’attention du Gouvernement sur l’obligation que nous avons de ne pas rater la marche des biotechnologies et d’investir énormément dans ce domaine. La terre est confrontée à de graves problèmes alimentaires. Elle compte aujourd’hui 6 milliards d’habitants, dont 800 millions meurent de faim. Nous serons 9 milliards en 2050 !

Madame la secrétaire d'État, les 45 millions d’euros que vous avez annoncés sont de nature à me rassurer, et je suivrai avec attention l’avenir du MON 810.