M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 226, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

L'administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect des droits fondamentaux inhérents à la personne. L'exercice de ces droits ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant du maintien de la sécurité, de la prévention de la récidive et de la protection de l'intérêt des victimes. Ces restrictions doivent être exceptionnelles, justifiées et proportionnées à l'objectif recherché.

Elle est tenue à l'impartialité, sans distinction aucune tenant à l'origine, à l'orientation sexuelle, aux mœurs, à la situation familiale ou sociale, à l'état de santé, au handicap, aux opinions politiques, aux activités syndicales, à l'appartenance ou à la non-appartenance vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J’ai défendu cet amendement dans mon intervention sur l’article.

M. le président. L'amendement n° 94 rectifié, présenté par MM. Tuheiava, Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans la dernière phrase de cet article, après le mot :

âge

insérer les mots :

, de l'état de santé

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Cet amendement, auquel tient M. Richard Tuheiava, est de bon sens.

Il convient de tenir compte également de l’état de santé du détenu. Nous devrions tous approuver cet ajout.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La rédaction proposée par le premier alinéa de l’amendement n° 226 ne mentionne pas, contrairement à la version retenue par la commission des lois, la prévention de la récidive, la protection de l’intérêt des victimes et les éléments de différenciation des conditions de détention selon l’âge et la personnalité des détenus.

Le second alinéa de cet amendement, comme toute énumération, présente des lacunes. Il est plus sage de s’en tenir à la rédaction initialement proposée par la commission, étant entendu que le respect des droits des détenus affirmé par cet article implique que toute discrimination soit proscrite.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

En revanche, la commission est favorable à l’amendement n° 94 rectifié. Il paraît en effet légitime de moduler les restrictions apportées à l’exercice des droits des détenus en fonction de leur état de santé.

Par ailleurs, je souhaite proposer un complément à la rédaction de l’article 10, puisque nous avons envisagé tout à l’heure la possibilité d’insérer la notion de dignité à ce niveau du texte. Je propose donc de rédiger ainsi la dernière phrase de l’article 10 : « Ces restrictions tiennent compte de l’âge, de l’état de santé et de la personnalité des personnes détenues, sans porter atteinte à leur dignité. »

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. L’article 10 du projet de loi vise à garantir la protection des droits des personnes détenues et à encadrer par une norme législative les restrictions apportées à l’exercice de ces droits.

L’article, en lui-même, pose un principe général concernant l’ensemble des droits des détenus. Nous n’avons pas souhaité le décliner davantage.

Imaginons qu’il y ait un droit nouveau. Faudra-t-il à chaque fois modifier la loi pour l’ajouter ? Il me semble préférable de poser un principe général.

L’article 10, d’ailleurs, inclut les hypothèses qui sont visées par l’amendement n °226.

Nous sommes donc défavorables à cet amendement.

J’en viens à l’amendement n° 94 rectifié. Il est vrai que la prise en compte de l’état de santé d’un détenu peut paraître opportune à certains égards pour déterminer les restrictions éventuelles apportées à l’exercice des droits des personnes incarcérées.

En tout état de cause, je ne suis pas favorable à la nouvelle rédaction proposée par M. le rapporteur. En effet, le respect de la dignité est consubstantiel à tous les droits. Pourquoi le faire figurer en cet endroit du texte et pas ailleurs ? À mon sens, il vaut mieux en rester au principe général.

Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. C’est le dernier endroit où l’on peut introduire la notion de dignité dans le texte.

Il est bien certain que, de toute manière, différentes restrictions s’appliqueront ; je pense aux fouilles, par exemple. Il faudra ainsi faire en sorte que les conditions dans lesquelles se dérouleront les fouilles soient compatibles avec le respect de la dignité des personnes.

M. Nicolas About. Ça va être dur en matière de fouilles !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je ne comprends pas que le Gouvernement ne soit pas d’accord avec la commission sur cette rédaction, qui est presque une lapalissade, à savoir que les différentes restrictions ne peuvent pas porter atteinte à la dignité des personnes détenues.

M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, pour explication de vote.

M. Louis Mermaz. Ne serait-il pas préférable, pour répondre aux préoccupations de la garde des sceaux et du rapporteur de rédiger ainsi le début de l’article 10 : « L’administration pénitentiaire garantit à tout détenu le respect de ses droits et de sa dignité » ?

Mme Dati a raison de souligner que la dignité à respecter n’est pas seulement celle des personnes âgées ou malades ; c’est celle de tous.

La rédaction que je vous propose respecte l’universalité de ce principe, que l’on peut ensuite décliner avec l’âge ou l’état de santé.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. J’ai également envisagé la solution de M. Mermaz. Mais, si l’on rédige ainsi la première phrase de l’article, cela revient à dire que les restrictions pouvant être mises en place affecteront tant les droits que la dignité.

Je comprends que des restrictions concernent les droits, mais il ne peut être porté atteinte à la dignité.

C'est la raison pour laquelle j’ai écarté la rédaction que vous nous proposez, mon cher collègue, même si je vous sais gré de votre effort, qui me fait regretter que vous ne soyez pas membre de la commission des lois. (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz. Nous pourrions ajouter une phrase pour que la mention de la dignité n’ait pas l’air de porter uniquement sur les personnes âgées, malades ou qui souffrent de troubles de la personnalité. On pourrait ainsi ajouter que le respect de la dignité doit être assuré à tous les détenus.

Votre objection, monsieur le rapporteur, ainsi que celle de Mme la garde des sceaux, me semble valable mais, si nous procédons comme je le propose, il n’y aura plus de problème.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J’ai l’impression que Mme la ministre ne s’est pas penchée sur mon amendement.

J’en conviens, l’énumération présente toujours des défauts, et je ne m’y arrête pas. En revanche, écrire « ces restrictions doivent être exceptionnelles, justifiées et proportionnées à l’objectif recherché » me semble tout à fait pertinent.

Monsieur le rapporteur, en vue du contrôle qui pourra intervenir, il me semble important de préciser que de telles restrictions doivent être « exceptionnelles, justifiées et proportionnées à l’objectif recherché ».

Je vous propose donc de prendre position sur ce membre de phrase.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous avons tous exprimé la volonté d’introduire dans le texte de l’article 10 la notion de dignité de la personne, c’est pourquoi il me semblerait opportun de suspendre brièvement la séance pour établir une rédaction qui recueille l’accord général.

L’objectif de la rectification serait d’introduire la notion de dignité humaine dans le texte de l’article, en la distinguant nettement de la référence aux droits, car ces derniers peuvent subir des restrictions pour des raisons diverses, contrairement à la dignité de la personne.

C’est pourquoi, je demande une suspension de séance de quelques minutes, monsieur le président.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Après concertation, la commission propose d’ajouter au début de l’article 10 un nouvel alinéa ainsi libellé : « La personne détenue a droit au respect de sa dignité. »

Le texte de l’article 10, sans modification, constituerait le deuxième alinéa de l’article.

M. le président. Pour la clarté des débats, je donne lecture de l’article 10 ainsi rectifié :

La personne détenue a droit au respect de sa dignité.

L'administration pénitentiaire garantit à tout détenu le respect de ses droits. L'exercice de ces droits ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la récidive et de la protection de l'intérêt des victimes. Ces restrictions tiennent compte de l'âge et de la personnalité des détenus.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 226.

M. Jean-Pierre Sueur. Je me réjouis de cette suspension de séance qui nous a permis d’avancer. Je souhaite toutefois faire remarquer, en me fondant sur l’argumentation développée tout à l’heure par Louis Mermaz, que l’amendement n° 226 comprend un certain nombre d’expressions très importantes qui ne figurent pas dans l’article 10 tel qu’il est rédigé.

Même si nous pouvons nous réjouir de la rectification du texte de l’article 10, je ferai remarquer, en premier lieu, que la rédaction proposée par l’amendement n° 226 mentionne explicitement le maintien de la sécurité, mais aussi la prévention de la récidive et la protection de l’intérêt des victimes.

J’ajouterai, en second lieu, que l’amendement précise que les restrictions susceptibles d’être apportées aux droits des personnes détenues doivent être « exceptionnelles, justifiées et proportionnées ». L’idée de proportionnalité est très importante : elle a le mérite d’être très claire et il serait bon qu’elle figure dans la loi.

En troisième lieu, cet amendement évoque l’impartialité de l’administration et le refus de toute distinction tenant à l’origine, à l’orientation sexuelle, aux mœurs, à la situation familiale ou sociale, à l’état de santé, au handicap, aux diverses opinions, etc. Ce point est également important.

Autrement dit, puisque nous répétons depuis le début de cette discussion que la mention des droits de la personne est primordiale et que tout être humain détenu doit être avant tout considéré comme être humain, la rédaction proposée par l’amendement n° 226 me semble tout à fait en harmonie avec l’affirmation de ces principes tout en définissant d’une manière également claire les restrictions nécessaires.

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

M. Robert Badinter. Même si, à ce stade de la discussion, seuls la commission et le Gouvernement ont le droit de déposer des amendements, je me permets d’insister sur la rédaction proposée pour l’article 10, car c’est un point essentiel.

L’article 10 tel qu’il a été rectifié précise : « La personne détenue a droit au respect de sa dignité. L’administration pénitentiaire garantit à tout détenu le respect de ses droits… »

Je rappelle à Mme la garde des sceaux et à notre rapporteur la formule qui figure à l’article 1er de la Déclaration universelle des droits de l’homme, texte sacré s’il en est : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. » C’est René Cassin qui a fait ajouter les mots « en dignité », qui ne figuraient pas dans la version initiale de l’article.

C'est la raison pour laquelle il est selon moi infiniment préférable que l’on reprenne le texte de la Déclaration universelle et que l’on précise à l’article 10 : « L’administration pénitentiaire garantit à tout détenu le respect de sa dignité et de ses droits », la suite de l’article restant inchangée. Dans la Déclaration universelle est en effet solennellement consacrée la dignité de la personne humaine, qui précède la mention des droits.

Cette formulation me paraît donc plus légitime que celle que vous avez retenue, qui ne fait qu’énoncer un principe général – « la personne détenue a droit au respect de sa dignité » – puisque la dignité est notre attribut à tous. C’est l’administration qui doit garantir la dignité et les droits.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Permettez-moi de vous dire à quel point le rôle du rapporteur peut parfois être ingrat, quand, ayant été convaincu par les arguments des uns et des autres, il ne peut toutefois se résoudre à les suivre.

Je répondrai tout d’abord à l’argumentation exposée par Jean-Pierre Sueur à propos de l’amendement n° 226.

La précision selon laquelle les « restrictions doivent être exceptionnelles… »

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La restriction à la liberté d’aller et venir ne peut pas être exceptionnelle !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. … ou en tout cas « justifiées et proportionnées à l’objectif recherché » nous paraît effectivement tout à fait intéressante. C’est un objectif que la commission s’est efforcée de décliner, article par article.

Ainsi, sur les fouilles, qui font l’objet de l’article 24, nous avons précisé : « Les fouilles doivent être justifiées par la présomption d’une infraction ou par les risques que le comportement des détenus fait courir à la sécurité des personnes. » La justification apparaît bien comme un critère.

Lorsque, au troisième alinéa de ce même article, nous indiquons que « les investigations corporelles internes sont proscrites, sauf impératif spécialement motivé », c’est bien le critère de proportionnalité qui est respecté.

La philosophie qui sous-tend l’amendement de nos collègues du groupe CRC ne nous est pas étrangère, mais nous tentons de la déterminer concrètement.

Monsieur Badinter, permettez-moi de dire que nous nous approchons pas à pas – la procédure législative n’est pas terminée – de la meilleure façon de présenter les choses. Je pense, comme l’a à juste raison souligné Mme Alima Boumediene-Thiery, qu’il aurait été dommage de ne pas insérer la notion de dignité dans une loi pénitentiaire. (Mme Alima Boumediene-Thiery et M. Robert Badinter opinent.) C’est certainement la dernière opportunité que nous avons de le faire d’une manière convenable et cohérente.

À ce stade, nous en restons effectivement à la rédaction que nous avons retenue pour l’article 10 : « La personne détenue a droit au respect de sa dignité », avant d’enchaîner sur la suite de l’article.

La formulation que vous proposez est certainement plus séduisante et mieux pensée. Mais, selon moi, elle présente malgré tout deux inconvénients auxquels, pour l’instant, je ne vois pas comment remédier.

Premier inconvénient : après avoir énoncé le principe selon lequel « l’administration pénitentiaire garantit à tout détenu le respect de sa dignité et de ses droits », il est fait ensuite référence aux restrictions. Je crains que l’on ne puisse entendre par là qu’il peut y avoir des restrictions à la dignité comme aux droits, alors que seuls les droits peuvent faire l’objet d’une restriction.

Le second inconvénient de votre formulation, monsieur Badinter, est qu’elle met en jeu le respect que nous devons à l’administration pénitentiaire.

Je reprendrai un argument que j’ai déjà présenté à diverses reprises. Si nous imposons à l’administration pénitentiaire de garantir à tout détenu le respect de sa dignité, que répondrai-je aux personnels que je rencontre lors de mes visites dans les prisons quand ils me diront que, s’il y a quatre personnes dans une cellule, des matelas par terre et que la dignité n’est pas assurée, ce n’est pas leur faute ?

C’est pourquoi, pour le moment, je préfère m’en tenir à la rédaction que nous avons retenue il y a quelques instants pour cet article.

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour explication de vote.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Nous précisons dans notre amendement que les « restrictions doivent être exceptionnelles, justifiées et proportionnées à l’objectif recherché », et, apparemment, vous souscrivez à ce principe.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Certaines restrictions ne sont pas exceptionnelles !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Pour autant, vous ne souhaitez pas l’inscrire dans l’article 10 au motif que ce principe est décliné ensuite dans plusieurs des articles suivants. Or l’article 10 est l’article introductif sur le droit des détenus et il est important de lui donner une forme plus générale.

Nous avons ensuite tenu à mentionner l’impartialité de l’administration pénitentiaire. Au demeurant, pour éviter l’énumération nous pourrions nous en tenir à la rédaction suivante : « Elle est tenue à l’impartialité, sans distinction et sans discrimination. »

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

M. Alain Anziani. Sur cet amendement très important, j’ai entendu ce que nous a dit M. le rapporteur ainsi que les différents intervenants. Je ferai quelques observations qui sont dans le droit-fil de celles qui ont été développées par Robert Badinter.

D’abord – et je vous le dis sans passion –, ne donnons pas l’impression de jouer à cache-cache avec la dignité. Ne faisons pas l’erreur, dès l’instant où le mot « dignité » apparaît dans ce texte, de céder aux trente-six objections qui s’élèvent pour ne pas le retenir. Ce serait une erreur grave que nous pourrions commettre là.

Par ailleurs, je ne comprends pas la logique qui consiste à affirmer que tout le monde a droit à la dignité. Il est inutile de le préciser, c’est une évidence. Tout homme, même s’il est détenu, a droit à la dignité. Mais alors, justement, qu’est-ce qui fait la différence ? L’important est que cette dignité soit garantie. Si vous dites simplement qu’une personne détenue a droit à la dignité, vous n’ajoutez rien. En précisant que l’administration pénitentiaire doit garantir ce droit à la dignité, c’est tout différent.

En fin de compte, M. le rapporteur a fait un aveu considérable. Il nous a dit avec beaucoup de sincérité qu’il ne fallait pas inscrire ce principe dans la loi car il ne pourrait pas être respecté, que l’administration pénitentiaire ne pourrait pas assurer ce respect de la dignité au sein des prisons. Je crois qu’il ne faut pas poser la question de cette façon. Il y a des droits et ils s’imposent à tous, y compris à l’administration pénitentiaire.

Admettre une telle logique – si un principe ne peut pas être respecté, nous ne devons pas le retenir – ne serait pas sans conséquences. Monsieur le rapporteur, avez-vous bien mesuré les incidences de cette logique sur la suite du texte ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 226.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 94 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote sur l’article 10, rectifié.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je me bats depuis le début de cette discussion pour que la dignité figure dans ce texte. Comme l’a d’ailleurs très justement rappelé M. Badinter, la dignité et les droits sont rappelés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Le minimum que l’on puisse attendre d’une loi pénitentiaire où il est question des droits des détenus, c’est que la notion de dignité y apparaisse.

En revanche, déclarer que la personne détenue a droit au respect de sa dignité - cela va de soi ainsi que je viens de le dire – sans exiger que le respect de cette dignité soit de la responsabilité de quiconque me semble être une grave erreur. Si cette responsabilité n’est pas celle de l’administration pénitentiaire, qui justement peut faire respecter la dignité, la déclaration restera vide de sens.

M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, pour explication de vote.

M. Louis Mermaz. Nous constatons que le rapporteur et la garde des sceaux ont fait un effort, puisque nous avons presque obtenu satisfaction sur la dignité, ce qui n’est pas rien.

En revanche, aucune des objections que j’ai formulées sur le flou qui caractérise la phrase « l’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que… » n’a été retenue, et la longue énumération qui suit permettra toujours au service public pénitentiaire de choisir ses priorités et de faire ce qu’il veut dans la gestion quotidienne.

Pour ces raisons, il me semble logique de ne pas voter l’article 10.

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

M. Robert Badinter. Tout être humain, par définition, a droit au respect de sa dignité. C’est un principe universel qui figure dans la Déclaration universelle des droits de l’homme.

En énonçant que « la personne détenue a droit au respect de sa dignité », on rappelle une évidence : tout détenu est un être humain. Si nous voulons faire œuvre constructive, il faut aller au-delà de ce simple rappel, en apportant la précision que j’ai proposée tout à l’heure : « L’administration pénitentiaire garantit à tout détenu le respect de sa dignité et de ses droits. »

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On ne va pas recommencer indéfiniment le débat !

M. Robert Badinter. Si M. le rapporteur et la majorité continuent de camper sur leur position, nous ne voterons pas contre l’article, puisque le mot « dignité » y figure, mais nous nous abstiendrons.

Je le répète, si on veut faire œuvre constructive, il faut que la dignité et les droits soient liés et que les deux termes figurent dans la première phrase.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est dommage que nous n’ayons pu arriver à un accord pour garantir le respect de la dignité, alors que cela paraît vraiment être le minimum.

Par ailleurs, je regrette vraiment que notre amendement n’ait pas été adopté, car y figurait notamment un aspect de cette garantie, à savoir la nécessité de justifier précisément les restrictions apportées aux droits fondamentaux.

Je sais que la commission ne veut pas en entendre parler, mais je crois que ce point est essentiel : si on veut faire respecter un droit, il faut que les restrictions soient motivées pour qu’un juge, ou le contrôleur général des prisons, puisse savoir si elles étaient effectivement justifiées.

Notre groupe s’abstiendra donc sur cet article.

M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour explication de vote.

M. Claude Jeannerot. Monsieur le président, je souhaiterais apporter un ultime argument. Nous discutons là d’une question primordiale : confier à l’administration pénitentiaire une mission aussi fondamentale, qui touche aux principes fondamentaux, la grandit et la magnifie.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !

M. Claude Jeannerot. Nous offrons à l’administration pénitentiaire une occasion de se valoriser considérablement. J’insiste donc pour que qu’on ne se contente pas de rappeler un principe de manière éthérée, mais que l’administration pénitentiaire soit chargée d’en assurer l’application.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Nous tournons autour du pot, mais j’ai le sentiment que nous sommes tous à peu près d’accord. Nous sommes gênés, car nous n’avons pas trouvé la formulation qui conviendrait à tous.

D’une part, toute personne, et donc tout détenu, a droit au respect de sa dignité. D’autre part, l’administration pénitentiaire qui devrait garantir le respect de ces droits n’a pas les moyens de le faire. Comment concilier ces deux points de vue ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ah non, on ne va pas refaire le texte !

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Monsieur le président de la commission des lois, vous pourrez penser ce que vous voulez, mais laissez-moi parler !

La seule obligation que l’on puisse imposer à l’administration pénitentiaire, c’est de prévoir qu’elle doit contribuer par tous ses moyens au respect de la dignité des détenus. Elle devra alors apporter la preuve qu’elle a mis en œuvre tous les moyens dont elle dispose, mais on ne pourra pas lui demander d’aller au-delà.

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Je suis bien entendu favorable à l’inscription dans le texte des notions de dignité humaine et de garantie des droits. Je voudrais simplement rappeler qu’aux droits sont toujours associés des devoirs.

On a évoqué la garantie des droits des détenus. Le président Hyest et M. le rapporteur l’ont rappelé avec beaucoup de force et de conviction, il ne faudrait pas pour autant oublier tous les personnels qui œuvrent au quotidien pour les détenus.

Je reconnais que cet article 10 est très complexe et que la tâche n’est pas simple.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. En énonçant que toute « personne détenue a droit au respect de sa dignité », nous engageons une responsabilité collective. Il ne s’agit pas de nous décharger de notre responsabilité sur l’administration pénitentiaire : elle a certes un rôle à jouer, mais elle n’est pas la seule.

Mes chers collègues, cette responsabilité collective est d’abord la nôtre. J’ai constaté que ce sont toujours les mêmes collègues qui visitent les établissements pénitentiaires. Si nous étions plus nombreux à nous y rendre, chacun s’en porterait mieux !

Par ailleurs, dans cette même expression « toute personne détenue a droit au respect de sa dignité », il y a le mot « droit ». Lorsque, ensuite, est mentionnée la garantie des droits, cela comprend dans une certaine mesure la garantie de la dignité. Et cette garantie, nous devons vraiment en assumer collectivement la responsabilité. Loin d’être anodine, cette phrase engage, selon moi, le Parlement, et donc nous tous.

M. le président. Je mets aux voix l'article 10, rectifié et modifié.

(L'article 10, rectifié, est adopté.)

Article 10 (début)
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Discussion générale