Mme la présidente. En conséquence, l'article 11 bis est ainsi rédigé, et l'amendement n° 227 n'a plus d'objet.

Article 11 bis
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 11 ter

Article additionnel après l'article 11 bis

Mme la présidente. L'amendement n° 188, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Après l'article 11 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Sous réserve des interdictions édictées par l'administration pénitentiaire liées à la sécurité et à la santé, les détenus peuvent recevoir ou acheter en cantine les produits alimentaires de leur choix.

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis. Cet amendement tend à mettre un terme à la diversité des pratiques en matière de cantine des détenus et de réception de colis alimentaires.

Des restrictions, comme, par exemple, l’interdiction du café, dont on ne comprend pas la raison, s’appliquent dans certains établissements. Un directeur m’a dit qu’il y avait des textes prévoyant telle ou telle interdiction, qu’il ne pouvait pas m’indiquer précisément quels étaient ces textes, mais que c’était interdit !

Je considère que ces restrictions, qui ne se justifient par aucun impératif de santé ou de sécurité, ont plutôt un caractère vexatoire et qu’il faut donc y mettre fin. C’est le sens de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. J’ai parfois eu le même sentiment que le président Nicolas About lors de mes visites dans les établissements pénitentiaires. Les réglementations varient en effet beaucoup d’un établissement à un autre : un produit sera autorisé à la cantine dans tel établissement et interdit dans tel autre.

Malgré tout son intérêt, cet amendement ne nous paraît pas pouvoir être retenu pour la simple raison qu’il ne relève pas du domaine de la loi.

Cela étant, nous examinerons plus tard une disposition incorporée au texte par la commission et prévoyant la mise en place de règlements-types par catégorie d’établissements pénitentiaires – maisons d’arrêt, maisons centrales, centres de détention. Nous souhaitons que ces règlements-types, en harmonisant la réglementation sur l’ensemble du territoire de la République, permettent d’éviter ces incohérences comme celle qui aboutit à l’interdiction du café certains établissements, que le président Nicolas About cite dans son rapport et qu’aucune raison médicale ne justifie.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je suis sensible aux difficultés que vous avez pu rencontrer lors de vos visites et j’ai demandé à la direction de l’administration pénitentiaire de me tenir informée de ces problèmes pratiques.

Il arrive ainsi que certains détenus achètent des produits et ne puissent pas les emporter avec eux lorsqu’ils changent d’établissement.

Nous essayons de régler ce type de problèmes mais, comme l’a indiqué M. le rapporteur, ils relèvent du règlement et non de la loi.

Nous sommes donc défavorables à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Cette référence au domaine réglementaire m’inquiète quelque peu, car des pans entiers de ce projet de loi pourraient disparaître si le Gouvernement invoquait le caractère réglementaire de certaines mesures. J’espère qu’il s’abstiendra de le faire pour sauver le texte que nous examinons ! (Sourires.)

Cela étant, les dispositions de l’article 49 A du projet de loi et les engagements pris par Mme la ministre me satisfont. En conséquence, je retire cet amendement. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. L'amendement n° 188 est retiré.

M. Richard Yung. Je le reprends, madame la présidente.

Mme la présidente. Il s’agit donc de l’amendement n° 188 rectifié.

Je le mets aux voix.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)

Un sénateur socialiste. Les buveurs de thé ont tranché !

M. Louis Mermaz. Courage, fuyons !

Section 1 bis

De l'obligation d'activité

Article additionnel après l'article 11 bis
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 11 quater

Article 11 ter

Toute personne condamnée est tenue d'exercer au moins l'une des activités qui lui est proposée par le chef d'établissement et le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation dès lors qu'elle a pour finalité la réinsertion de l'intéressé et est adaptée à son âge, à ses capacités et à sa personnalité.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je n’abuserai pas de mon temps de parole pour présenter l’ensemble des modifications apportées par la commission, mais il me semble que l’obligation d’activité mérite quelques mots, ne serait-ce que pour informer ceux de nos collègues qui appartiennent à d’autres commissions que la commission des lois ou la commission des affaires sociales, et qui n’ont pas nécessairement suivi nos travaux avec la même attention.

L’article 11 ter du projet de loi tend à instituer une obligation d’activité pour la personne condamnée.

La réinsertion des détenus passe par l’exercice, pendant la détention, d’une activité destinée à favoriser la socialisation de la personne, qu’il s’agisse d’emploi, de formation professionnelle, de cours, d’alphabétisation, d’activité socio-culturelle ou sportive ou de participation à un groupe de parole dans le cadre de la prévention de la récidive.

Or, comme j’ai pu le constater à l’occasion de nombreuses visites dans les établissements pénitentiaires, une majorité de détenus suit très peu d’activités, voire aucune. Ainsi, le temps de la peine risque de rester un temps mort. Sans doute, dans les maisons d’arrêt surpeuplées, cette inactivité des détenus est-elle plus souvent subie que choisie. Cependant, cette oisiveté se rencontre aussi, bien que dans une moindre mesure, dans les établissements pour peine, qui ne sont pourtant pas soumis aux mêmes contraintes de démographie carcérale.

Depuis la suppression par la loi du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire de l’obligation, au reste peu appliquée, de travailler, aucune disposition ne contraint le détenu à exercer une activité, quelle qu’elle soit. Lorsque vous visitez les prisons, il est relativement choquant de trouver, quelle que soit l’heure de la journée, les personnes allongées en train de regarder la télévision. Je précise au passage que, parfois, un seul détenu regarde pendant que trois « subissent »…

Sous couvert du principe libéral mis en place par la loi de 1987, comme le soulignait le rapport de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale, « la tentation peut ainsi être grande pour les surveillants, les directeurs d’établissement, les travailleurs sociaux ou les médecins d’attendre la “demande”, laissant ainsi de côté les détenus les plus fragiles ou les plus dangereux ».

À cet égard, j’observe que la situation française se singularise par rapport à celle qui est observée dans d’autres démocraties. J’ai pu constater, lors de visites d’établissements pénitentiaires au Royaume-Uni et au Canada, notamment, que la journée du détenu y était beaucoup plus occupée qu’en France. Plusieurs pays, comme le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie et les Pays-Bas, imposent d’ailleurs aux personnes condamnées à une peine privative de liberté de travailler, même s’ils ne sont pas toujours en mesure d’offrir les emplois nécessaires.

J’ajoute que, contrairement à ce que d’aucuns avaient supposé, cette disposition n’est nullement contraire aux conventions européennes, notamment à la Convention européenne des droits de l’homme.

Ce n’est pas une obligation de travail que la commission propose ; c’est une obligation d’activité. Dès lors que l’établissement pénitentiaire est en mesure de proposer plusieurs formes d’activités au détenu, il paraît très contestable de laisser à celui-ci la faculté de n’en exercer aucune. Il ne s’agit pas de rétablir l’obligation de travail et, en tout état de cause, l’obligation d’activité ne saurait être imposée qu’à quatre conditions.

Premièrement, elle ne s’appliquerait que si l’établissement est en mesure de proposer plusieurs activités.

Deuxièmement, l’activité ou les activités obligatoires devraient avoir pour finalité la réinsertion du détenu et être déterminées par le chef d’établissement et le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation.

Troisièmement, elle ne vaudrait que pour les personnes condamnées et non pour les prévenus dont le statut en détention relève par priorité de l’autorité judiciaire.

Enfin, quatrièmement, cette obligation serait adaptée à l’âge, aux capacités et à la personnalité de chacun.

De manière complémentaire, la commission propose, d’une part, que les détenus puissent être consultés sur les activités qui leur seraient proposées, d’autre part, que les plus démunis puissent bénéficier, en contrepartie de cette activité, d’une aide versée partiellement ou intégralement en numéraire. Cela permettrait à un jeune de suivre une formation professionnelle et d’obtenir une aide financière pour pouvoir cantiner, ce qui le dispenserait de devoir s’adonner éventuellement à un travail non qualifiant.

Mme la présidente. L'amendement n° 19 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Dans cet article, remplacer les mots :

au moins l'une des activités qui lui est proposée par le chef d'établissement et le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation

par les mots :

soit une activité professionnelle, soit une formation professionnelle ou générale

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. L'objet de cet amendement est de préciser les types d'activités susceptibles d’être proposés par le chef d’établissement ou le directeur du SPIP, service pénitentiaire d’insertion et de probation. L’idée est avant tout de mentionner explicitement les types d’activités disponibles pour le détenu et que l’administration pénitentiaire se doit de proposer.

Le travail et la formation doivent, en l’occurrence, figurer parmi les principales activités disponibles dans l’établissement, de manière à impulser une politique active dans le domaine de la réinsertion du détenu.

Maintenir cet article en l’état reviendrait finalement à laisser au chef d’établissement ou au SPIP le choix discrétionnaire de diriger les détenus vers un seul type d’activité, comme par exemple le sport, sans considération aucune des nécessités de formation des détenus à un travail.

Cet article porte d’ailleurs en lui les germes d’un traitement différencié entre détenus : certains seront dirigés vers des activités ne comportant aucune valeur pédagogique, tandis que d’autres pourront se former, voire travailler et gagner de l’argent.

Nous proposons donc de préciser que les activités obligatoires constituent essentiellement des activités ayant une valeur pédagogique.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Nous comprenons votre intention, madame Boumediene-Thiery. Il va de soi qu’elle devra être satisfaite le plus fréquemment possible. La commission estime néanmoins que l’obligation d’activité doit rester souple. Il s’agira sans doute principalement d’une activité professionnelle ou d’une formation mais, dans certains cas, une activité sociale, culturelle, voire sportive pourra se révéler préférable.

Lorsqu’on visite les prisons, on se rend compte du vieillissement de la population carcérale. Imaginons par exemple un détenu âgé et indigent : à quoi bon lui donner une activité professionnelle ou une formation professionnelle alors qu’il pourrait exercer des responsabilités associatives, culturelles ou sociales ?

Mieux vaut conserver une certaine souplesse dans le choix de l’activité ou des activités proposées. L’avis de la commission est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. La rédaction de cet amendement est extrêmement restrictive quant aux activités qu’il est prévu, dans cet article, de rendre obligatoires.

Je signale que, pour certains détenus, une activité peut constituer une thérapie, s’intégrant dans un programme de prévention de la récidive, prenant la forme d’une thérapie de groupe ou consistant en des activités artistiques. En ne visant que les activités professionnelles et les formations professionnelles ou générales, votre amendement, madame la sénatrice, exclut ces catégories d’activités.

Aussi le Gouvernement émet-il un avis défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 19 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 61 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Le chef d'établissement et le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation favorisent l'égal accès de toutes les personnes condamnées aux activités mentionnées à l'alinéa précédent.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Madame la ministre, les activités ne s’opposent pas les unes aux autres : il est parfaitement possible de suivre une thérapie de groupe ou de pratiquer un sport tout en bénéficiant d’une formation professionnelle, laquelle est indispensable dans une optique de réinsertion.

L’objet du présent amendement est de préciser que le chef d’établissement et le directeur du SPIP favorisent – c’est-à-dire garantissent, dans la mesure du possible – l’égal accès de tous les détenus à une activité professionnelle ou à une formation.

Nous savons que l’accès à une activité professionnelle répond avant tout à des critères de compétence. Mais, à compétence égale, qu’est-ce qui justifie que tel détenu puisse travailler tandis que tel autre ne le peut pas ?

Nous avons pu observer que le travail était un instrument privilégié de pression sur les détenus ; quelquefois, le refus de laisser un détenu exercer une activité professionnelle est même une sanction déguisée, qui ne peut faire l’objet d’aucune contestation. À plusieurs reprises, nous avons été saisis par des détenus de cette question.

En réalité, l’égal accès des détenus à une activité professionnelle est un principe important, car ceux qui travaillent vont pouvoir cantiner, tenter de vivre un peu mieux leur détention, tandis que d’autres ne pourront pas accéder à ces améliorations de leurs conditions de vie quotidienne en raison du refus qui leur aura été opposé.

Le travail est devenu un outil de gestion de la détention par l’administration pénitentiaire. Il faut donc mettre un terme à certaines pratiques discriminantes, notamment aux refus qui ne sont pas justifiés par des raisons objectives.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission émet un avis défavorable parce qu’elle estime que l’égal accès de toutes les personnes condamnées aux activités va de soi et que cette disposition devrait être considérée comme étant satisfaite d’office.

Ma chère collègue, imaginez que l’on mette à la forme négative l’alinéa que vise à insérer votre amendement. Il serait ainsi rédigé : « Le chef d’établissement et le directeur du SPIP ne favorisent pas l’inégal accès de toutes les personnes condamnées aux activités mentionnées. » Ce serait presque insultant pour eux !

En outre, en prévoyant l’obligation d’activité, nous mettons en quelque sorte une épée dans les reins : elle implique une multiplication et une diversification des offres d’emploi et de formation professionnelle. Bien évidemment, plus celles-ci seront nombreuses, plus facilement il pourra être fait droit à cette exigence d’un égal accès des détenus à des activités. D’ailleurs, de nombreuses dispositions du projet de loi, issues pour certaines d’entre elles de la commission des lois, visent à favoriser le travail en prison.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le classement d’une personne détenue est établi en fonction non seulement de sa personnalité et de son profil, mais aussi de l’offre de travail existante. À cet égard, il est toujours possible qu’il faille attendre un certain temps avant de lui proposer une activité.

Quelles sont les raisons qui peuvent justifier qu’un détenu soit déclassé ? Le déclassement peut être lié à son inaptitude à l’activité exercée ou à la disparition de l’offre. Dans ces deux cas, la décision de déclassement est motivée. Le déclassement peut aussi intervenir à titre de sanction. Là encore, la décision est motivée et elle peut faire l’objet d’un recours.

Peut-on réellement favoriser l’égal accès aux activités de toutes les personnes condamnées dans la mesure où certaines d’entre elles sont fragiles, souffrent d’inaptitudes ou d’addictions ? Il arrive que l’administration pénitentiaire refuse de classer certains détenus voulant travailler mais souffrant, par exemple, d’une addiction parce qu’elle estime qu’il est préférable pour eux de se soigner préalablement à l’exercice d’une activité. Il faut conserver cette souplesse.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 61 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 100, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Le travail en prison doit être considéré comme un élément positif du régime carcéral et en aucun cas être imposé comme une punition. Les autorités pénitentiaires doivent s'efforcer de procurer un travail suffisant et utile.

La parole est à M. Claude Jeannerot.

M. Claude Jeannerot. Cet article 11 ter représente incontestablement un progrès. Nous souhaitons néanmoins en renforcer la portée en précisant que l’activité en prison, pour obligatoire qu’elle soit, doit non pas être imposée comme une punition, mais être considérée comme un élément positif du régime carcéral.

Nous nous référons à la règle pénitentiaire européenne qui souligne que l’activité accomplie par un détenu doit précisément s’insérer dans une vision positive de sa réinsertion. C’est pourquoi nous proposons de lutter contre les risques évidents d’abus dans ce domaine.

Le travail ou l’activité doivent remplir une fonction générale de développement pour les détenus. En conséquence, nous devons plutôt faire en sorte que les autorités pénitentiaires s’efforcent de procurer à tous une activité suffisante et utile.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Sur le fond, comment pourrait-on être en désaccord avec ce que propose notre collègue ? Seulement, cette précision, même si elle est issue d’une règle pénitentiaire européenne, apparaît réellement beaucoup plus déclaratoire que normative.

Quant au « travail suffisant et utile », ces mots ont fait surgir dans mon esprit l’image des Dalton cassant des cailloux dans leur pénitencier ! (Sourires.) Ce n’est évidemment pas à cela que nous pensons !

La commission émet un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le travail en prison est considéré comme positif puisqu’on en tient compte dans l’aménagement ou la réduction des peines et dans la perspective de la réinsertion. À aucun moment l’activité en prison n’a été considérée comme une punition. D’ailleurs, un détenu sanctionné est, au contraire, déclassé.

Les activités sont proposées en fonction de l’offre qui est faite aux établissements pénitentiaires. Souvent, des détenus classés sont en attente d’une activité, parfois très longtemps, l’offre s’étant raréfiée dans certains établissements. En outre, compte tenu de la vétusté de certains d’entre eux, les activités qui pourraient y être proposées ne sont pas adaptées. En revanche, tous les nouveaux établissements pénitentiaires sont dotés d’ateliers permettant l’exercice d’activités.

Si le Gouvernement est défavorable à cet amendement, c’est donc non pour des raisons de fond, mais parce qu’il est à tous égards satisfait. Le travail est utile, car il est considéré comme un gage de réinsertion. Simplement, il dépend avant tout de l’offre d’activité qui est faite à l’établissement pénitentiaire.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut veiller à ne pas assimiler progressivement activité et travail, comme si ces deux notions étaient identiques. Autrefois, le travail obligatoire, c’est ce qu’on appelait les travaux forcés ; voilà bien longtemps qu’ils ont été supprimés !

Une activité est nécessaire à condition qu’elle contribue à la reconstruction du détenu, voire à sa construction. En revanche, une activité rémunérée ne peut être proposée que si l’offre en est faite. Et cette question ne dépend pas seulement de l’administration pénitentiaire. En outre, l’activité doit être en adéquation avec les capacités du détenu auquel elle est proposée et faire l’objet d’une rémunération suffisante, de manière qu’elle ne constitue pas une façon d’utiliser le travail carcéral à un très bas coût.

Je suis favorable au travail et aux activités rémunérés, mais uniquement dans ce cadre. Or j’ai l’impression que, petit à petit, l’idée s’impose selon laquelle le travail devrait être obligatoire. Attention, ce peut être un peu dangereux !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Force est de reconnaître que M. le rapporteur a su soulever avec lucidité cette question difficile de l’activité en prison, qui est au cœur du projet de loi.

Comme l’a rappelé à l’instant Mme Borvo Cohen-Seat, les travaux forcés ont été supprimés ; par conséquent, le travail obligatoire ne saurait revenir sous la forme qu’il revêtait jadis.

Par ailleurs, lorsqu’on s’entretient avec les personnels pénitentiaires, comme j’ai eu l’occasion de le faire la semaine dernière, on entend toujours la même remarque : le travail pour les détenus, c’est très bien, mais il n’y a pas de travail !

Du reste, en cette période de forte augmentation du chômage, beaucoup de nos concitoyens estiment que le travail disponible ne doit certainement pas aller en priorité à des personnes qui sont en prison. S’ils y sont, pensent-ils, ce n’est pas sans raison ! Cette réaction-là existe, nous le savons bien.

Il est donc très important de trouver le bon équilibre. Le travail ne doit pas être une punition, mais il nous appartient de convaincre nos concitoyens que la réinsertion des personnes détenues passe nécessairement par le travail. Ce n’est pas facile à expliquer, car cela ne va pas de soi.

En tout cas, l’exercice d’une activité par une personne détenue doit impérativement avoir pour objectif sa réinsertion. Or celle-ci, qui mobilise tout l’être humain, est très difficile lorsqu’une cellule accueille, dans des conditions lamentables, trois ou quatre détenus. C’est d’ailleurs ce que nous confirment les personnels pénitentiaires, qui, tous, dénoncent la surpopulation carcérale.

Par conséquent, si l’on veut vraiment que chaque détenu puisse bénéficier d’une formation utile, exercer une activité utile, un travail rémunéré – car il doit l’être –, lui permettant de se réinsérer professionnellement, alors, il faut des moyens et de la volonté. Il nous faut surtout, madame le garde des sceaux, rompre avec une politique pénale qui tend à priver l’administration pénitentiaire des moyens nécessaires à la mise en œuvre des excellentes intentions affichées dans ce projet de loi.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 100.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 189, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Lorsque la personne condamnée ne maîtrise pas les enseignements fondamentaux, l'activité consiste obligatoirement dans l'apprentissage de la lecture, de l'écriture et du calcul. Lorsqu'elle ne maîtrise pas la langue française, l'activité consiste obligatoirement dans l'apprentissage de celle-ci. L'organisation des apprentissages est aménagée lorsqu'elle exerce une activité de travail.

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. La commission des affaires sociales, qui se réjouit de la proposition figurant à l’article 11 ter, dû à l'initiative de la commission des lois, propose d’utiliser cette obligation d'activité comme un instrument de lutte contre l’illettrisme.

Dans son bilan pour l’année 2006, la Commission nationale de suivi de l’enseignement en milieu pénitentiaire évaluait à 12,3 % la proportion de détenus illettrés, auxquels il faut ajouter les 12,9 % connaissant de sérieuses difficultés de lecture.

Or toute personne qui sort de prison rencontre déjà de grandes difficultés de réinsertion. Si elle ne sait ni lire, ni écrire ni compter, sa réinsertion devient presque impossible.

La commission des affaires sociales souhaite donc que, pour les personnes illettrées ou qui ne parlent pas le français, l’obligation d’activité prenne la forme, au moins pour partie, d’un apprentissage des savoirs fondamentaux et de la langue française.

Afin de ne pas pénaliser les personnes illettrées qui choisissent la voie de la réinsertion par l’emploi, l’amendement prévoit en outre que l’organisation de cet apprentissage sera aménagée de façon que ces personnes puissent conserver leur travail.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. C’est effectivement l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul que l’on doit favoriser pour les personnes qui en ont un urgent besoin.

La commission considère néanmoins qu’inscrire cette obligation dans le projet de loi rigidifie le dispositif, le prive de souplesse.

Dans certains cas, certes peu fréquents, je l’admets, l’obligation de l’apprentissage de la lecture, du français, peut ne pas correspondre au souhait de la personne détenue. Je pense notamment à une personne étrangère qui doit être expulsée du territoire français et renvoyée dans son pays d’origine à l’issue de son incarcération. Si elle a l’occasion d’avoir un travail rémunéré, pourquoi la forcer à suivre un apprentissage de la langue française plutôt que de la laisser faire ce travail ? De telles situations sont sans doute marginales, mais il s’agit tout de même de cas bien réels.

Certes, M. About a prévu que l’organisation des apprentissages serait aménagée de façon à permettre à une personne détenue à la fois de suivre une formation et de travailler. Toutefois, pour avoir étudié le fonctionnement de nombreux établissements pénitentiaires, je sais qu’entre le vœu et la réalité il y a un pas important qui ne peut pas toujours être franchi.

Pour toutes ces raisons, la commission souhaite le retrait de l’amendement no 189.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?