Article 24
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article additionnel avant l'article 25

Article additionnel après l'article 24

M. le président. L'amendement n° 137, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 24, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Lors des fouilles, le personnel applique une procédure dont les modalités sont fixées par décret en Conseil d'État.

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Il est souvent reproché aux règles pénitentiaires européennes d’être purement déclaratoires et pas suffisamment normatives.

En l’espèce, nous disposons justement d’une règle pénitentiaire européenne, la règle 54-1, qui est normative et précise que, lors des fouilles, le personnel applique une procédure dont les modalités sont fixées par décret en Conseil d’État.

Cette règle pénitentiaire européenne doit, à nos yeux, être transcrite dans notre droit : en effet, la fixation par décret en Conseil d’État des modalités d’application de la procédure, c'est-à-dire en quelque sorte la méthode, protégera à la fois le personnel surveillant et les détenus. Cela nous semble une très bonne chose.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission est tellement d’accord avec M. Anziani qu’elle considère que l’amendement est totalement satisfait ! (Sourires.) En effet, l’article 27 du projet de loi prévoit que les modalités d’application du présent chapitre, donc celles de l’article 24 relatives aux fouilles, sont fixées par un décret en Conseil d’État.

M. Alain Anziani. Puis-je vous interrompre, monsieur le rapporteur ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je vous en prie, mon cher collègue.

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, avec l’autorisation de M. le rapporteur.

M. Alain Anziani. Dans sa fougue, M. le rapporteur est passé un peu à côté de l’objet de mon amendement, qui vise en premier lieu, non pas un décret en Conseil d’État, mais une procédure appliquée par le personnel. Or cette disposition ne figure pas dans le texte initial.

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La procédure est définie pour l’essentiel à l’article 24, et tout ce qui n’a pas été prévu par cet article ne peut, en vertu de l’article 27, qu’être fixé par la procédure assez solennelle du décret en Conseil d’État.

Encore une fois, mon cher collègue, nous sommes tellement d’accord qu’il n’y a plus l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette entre nous ! (Nouveaux sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Pour les mêmes raisons, nous estimons que l’amendement est satisfait par l’article 27 du projet de loi.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Anziani, l'amendement n° 137 est-il maintenu ?

M. Alain Anziani. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 137 est retiré.

Section 8

Des détenus mineurs

Article additionnel après l'article 24
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 25

Article additionnel avant l'article 25

M. le président. L'amendement n° 236, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 25, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'emprisonnement de mineurs doit constituer une mesure de dernier recours. Le régime de détention doit, en toutes circonstances, être adapté aux spécificités des détenus mineurs.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Ce projet de loi fait peu de cas des mineurs incarcérés. Seulement deux articles y font référence et pourtant, cette année, selon la Défenseure des enfants, soixante-douze d’entre eux ont tenté de se suicider, soit quarante fois plus que parmi les jeunes en liberté et, en 2008, trois d’entre eux ont trouvé la mort.

La construction de sept établissements pénitentiaires pour mineurs, ou EPM, ne règle rien. À Meyzieu, pourtant présenté comme un modèle, un jeune s’est pendu il y a un an. Il avait seize ans et avait été incarcéré deux mois auparavant.

Madame le garde des sceaux, pour les jeunes, encore plus que pour les majeurs, la prison est dure, d’autant plus qu’ils sont fragiles et vulnérables.

C’est pourquoi il nous paraît essentiel de consacrer dans la loi le principe selon lequel la détention d’un mineur ne peut être qu’une mesure de dernier recours. Elle doit donc demeurer exceptionnelle dans son prononcé et minimale dans la durée.

C’est d’ailleurs ce que prévoit l’article 37, b), de la convention internationale des droits de l’enfant : « L’arrestation, la détention ou l’emprisonnement d’un enfant doit être en conformité avec la loi, n’être qu’une mesure de dernier ressort et être d’une durée aussi brève que possible. »

Hélas, la création de ces EPM est emblématique de la politique gouvernementale en matière de justice des mineurs : depuis 2002, toutes les réformes de l’ordonnance de 1945 donnent la prééminence à l’enfermement, bientôt peut-être dès douze ans en cas de crime ! Je n’ose même pas y penser…

Ainsi, les moyens supplémentaires affectés ces dernières années à la protection judiciaire de la jeunesse vont en quasi-totalité à l’enfermement, au détriment des suivis éducatifs en milieu ouvert et des structures d’hébergement classiques, déjà insuffisants, et sans considération pour les effectifs en juges et en greffiers qui seraient nécessaires pour que les juridictions des mineurs fonctionnent dans des délais normaux.

Construire des EPM, c’est nécessairement enfermer un nombre toujours plus grand de jeunes. C’est banaliser la prison pour les mineurs, quand tous les professionnels s’accordent à dire que les solutions résident dans la prise en charge individualisée, l’accompagnement adapté dans le temps, en accord avec la famille et en tenant compte du milieu social.

La seule construction des sept EPM coûte environ 90 millions d’euros et leur fonctionnement mobilise, pour soixante jeunes, une quarantaine de personnels de la PJJ !

Dans le même temps, en deux ans, entre 2006 et 2007, une dizaine de foyers éducatifs ont été fermés.

La création d’un seul EPM équivaut à six foyers éducatifs de dix places, huit services d’insertion professionnelle, soit la prise en charge de 250 mineurs, dix services de milieu ouvert, soit le suivi de 1 500 jeunes.

Or, quand nous écrivons la loi, n’oublions pas que l’enfance et l’adolescence sont des périodes structurantes de la vie, des périodes de très grande vulnérabilité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission sollicite le retrait de cet amendement, pour la seule raison qu’il est largement, pour ne pas dire intégralement satisfait.

D’une part, le texte proposé par l’article 32 du projet de loi pour l’article 132-24 du code pénal dispose, dans la rédaction retenue par la commission, qu’« une peine d’emprisonnement ferme ne peut être prononcée qu’en dernier recours… » Ces dispositions s’appliquent tant aux majeurs qu’aux mineurs.

Les articles 53 et 53 bis du texte élaboré par la commission relatifs aux sanctions disciplinaires et au placement administratif à l’isolement comportent des dispositions spécifiques propres aux mineurs.

Par ailleurs, l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante prévoit déjà que la détention provisoire – article 11 – ou l’emprisonnement – article 20-2 – d’un mineur doit intervenir soit dans un quartier spécial d’un établissement pénitentiaire, soit dans un établissement pénitentiaire spécialisé pour mineur, de manière à garantir un isolement complet d’avec les détenus majeurs ainsi que la présence en détention d’éducateurs.

J’ajoute que la refonte de cette ordonnance, dans le cadre d’un projet de loi en cours d’élaboration, sera l’occasion de réexaminer l’ensemble des règles applicables à l’incarcération des mineurs, à l’exception, bien évidemment, des règles qui ont été constitutionnalisées, c’est-à-dire la juridiction spécialisée, la primauté de l’éducatif et l’atténuation de responsabilité.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je fais miens tous les arguments invoqués par M. le rapporteur.

L’article 32 du projet de loi prévoit qu’en matière correctionnelle une peine d’emprisonnement ferme ne peut être prononcée qu’en dernier recours.

Ce texte ne distingue pas entre les détenus majeurs et mineurs, de sorte que la précision sur l’emprisonnement comme solution de dernier recours s’applique aussi aux mineurs. D’ailleurs, le code de procédure pénale évoque aussi bien les majeurs que les mineurs.

En outre, l’article 20-2 de l’ordonnance du 2 février 1945 dispose que l’emprisonnement des mineurs a lieu, soit dans un quartier spécial d’un établissement pénitentiaire, soit dans un établissement pénitentiaire spécialisé pour mineurs.

Cet amendement est totalement satisfait.

Effectivement, un EPM équivaut à plusieurs foyers éducatifs, mais il ne serait pas adapté de placer dans un même foyer éducatif des mineurs délinquants, notamment des mineurs criminels, et des mineurs victimes, qui sont souvent hébergés dans ces foyers, sous peine de voir la situation se dégrader plus encore.

Il est donc important de prévoir des établissements dédiés, adaptés à la délinquance des mineurs.

À ce propos, les EPM que vous critiquez ont pourtant été salués par le commissaire européen aux droits de l’homme.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Il a même suggéré aux autres pays européens de nous imiter ; cela mérite d’être souligné !

Je reçois d’ailleurs assez souvent des personnalités de pays européens voisins, qui souhaitent s’inspirer du modèle des établissements pénitentiaires pour mineurs.

À ce jour, le succès est au rendez-vous, en raison de la prise en charge pluridisciplinaire effectuée dans l’intérêt du mineur et destinée à lutter contre la délinquance.

Pour toutes ces raisons, nous sommes défavorables à cet amendement.

M. le président. Madame Mathon-Poinat, l'amendement n° 236 est-il maintenu ?

Mme Josiane Mathon-Poinat. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je le mets aux voix.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel avant l'article 25
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Article additionnel après l'article 25

Article 25

L'administration pénitentiaire garantit aux mineurs détenus le respect des droits fondamentaux reconnus à l'enfant.

M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, sur l'article.

M. Louis Mermaz. L'article 25 est des plus brefs, qu’il s’agisse de la rédaction du Gouvernement ou de celle de la commission des lois. Il n’a pas nécessité beaucoup d’encre : l'article 40 est passé par là, probablement !

M. Philippe Dallier. Note collègue est traumatisé !

M. Louis Mermaz. Les articles 26 et 27 ne sont guère plus détaillés. La question des détenus mineurs aurait toutefois mérité davantage.

Nous sommes tous solidaires et je souhaite prendre la défense de mon collègue Robert Badinter, dont tout le monde se souvient qu’il a été ministre de l’agriculture. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme  le garde des sceaux n’était pas encore entrée en politique et sans doute n’est-elle pas au courant de cet épisode de notre histoire, pourtant récente ! (Sourires.)

Je me rappelle avoir un jour déclaré à Élisabeth Guigou que le garde des sceaux qui mérite d’être félicité est celui qui quitte ses fonctions avec moins de personnes détenues qu’à son arrivée.

Hélas ! ce n’est pas votre cas, madame le garde des sceaux !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Avant, les criminels étaient dehors !

M. Louis Mermaz. Vous pouvez en effet vous prévaloir d’une surpopulation carcérale dont sont victimes à la fois les détenus et le personnel pénitentiaire. Il faut le rappeler, pour replacer les choses dans leur juste ordre.

Pour remédier à l’indigence de l'article 25, le Sénat, je l’espère, prendra en considération deux amendements déposés par mon groupe.

L'amendement n° 140 rectifié vise à compléter l'article 25 par un alinéa ainsi rédigé : « Dans chaque établissement pénitentiaire, il sera mis en place un dispositif pénitentiaire propre à garantir l’intégrité physique des détenus mineurs. » En effet, ce problème très important n’est pas traité dans le projet de loi pénitentiaire.

L'amendement n° 141 rectifié tend, lui, à insérer un article additionnel après l'article 25 ainsi rédigé : « Le service public pénitentiaire garantit la prévention totale du risque de confusion entre l’incarcération de mineurs et celle de majeurs. »

En effet, dans un certain nombre d’établissements pénitentiaires, notamment outre-mer, il existe une détention conjointe des majeurs et des mineurs, ce qui entraîne de très importantes difficultés.

Par conséquent, sur ce sujet, il est plus que jamais nécessaire de se référer aux règles pénitentiaires européennes.

Les mineurs de dix-huit ans devraient être détenus non dans des prisons pour adultes, mais dans des établissements spécialement conçus à cet effet.

Si des mineurs sont néanmoins exceptionnellement détenus dans des prisons pour adultes, leur situation et leurs besoins doivent être fixés par des règles spéciales. Sur cette question, les recommandations et les mises en demeure des institutions européennes sont très claires.

Se pose également le problème des enfants en bas âge, lorsque l’un des deux parents est incarcéré.

Les parents d’enfants en bas âge ne devraient pas être incarcérés, mais ce n’est pas toujours possible. Lorsqu’ils le sont, il faut prévoir des dispositions qui tiennent pleinement compte de l’intérêt de l’enfant.

Il faut tout faire pour que l’autorité parentale de la mère, si elle ne lui a pas été retirée par la justice, soit véritablement reconnue et exercée. Il en est de même pour celle du père.

Il convient également de souligner que, lorsqu’ils sont incarcérés, les enfants en bas âge ne doivent pas être considérés comme des détenus : ils conservent tous les droits des enfants en bas âge en milieu libre, comme le précise la convention de New York, ou convention internationale des droits de l’enfant.

La règle européenne ne définit aucune limite supérieure en ce qui concerne l’âge à partir duquel un enfant en bas âge doit être séparé de son parent détenu. Il faut agir ici avec le plus d’humanité possible.

Il est nécessaire de tenir compte des prescriptions et des conseils formulés par la Commission nationale consultative des droits de l'homme, notamment en transposant le plus rapidement possible au niveau législatif de nombreuses dispositions qui, jusque-là, n’ont jamais été réglées ou adoptées que par voie réglementaire.

Le projet de loi devrait prévoir des mesures qui ont été demandées plusieurs fois par le Conseil d’État.

Enfin, il serait regrettable que l’affirmation positive des droits fondamentaux des détenus mineurs ne soit pas suivie de leur énumération précise ou d’un renvoi explicite aux sources internes et internationales les consacrant.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il fallait déposer des amendements en ce sens !

M. Louis Mermaz. Or la singularité de la prise en charge des détenus mineurs est uniquement mise en évidence dans l’article 53 du présent texte, qui est relatif au régime disciplinaire des personnes détenues placées en détention provisoire ou exécutant une peine privative de liberté et qui évoque le cas des détenus mineurs de plus seize ans. Une telle situation reflète d’ailleurs bien l’esprit trop souvent répressif du projet de loi.

C’est pourquoi les amendements qui seront défendus dans un instant sont nécessaires, si nous voulons rendre plus humaines les dispositions prévues par ce texte.

M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je n’ai certainement pas oublié que Robert Badinter avait été garde des sceaux. En revanche, monsieur le sénateur, vous avez raison d’indiquer que je suis depuis beaucoup moins longtemps que vous en politique. Il n’en reste pas moins que je suis depuis beaucoup plus longtemps que vous sur le terrain ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Il serait bon que les arguments que vous avancez soient de temps en temps pris à la source et un peu plus connectés aux réalités !

Peut-être les prisons comptent-elles plus de détenus aujourd'hui, mais la délinquance a fortement diminué. Entre 1997 et 2002 – une référence ! –, celle-ci avait augmenté de plus de 20 %...

M. Louis Mermaz. Nous ne sommes plus en campagne électorale !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. ... et les atteintes aux personnes, de 50 % !

Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, je ne fais que rappeler les résultats de la politique mise en œuvre par vos gouvernements !

Vous n’avez rien fait ni sur la condition pénitentiaire ni sur la délinquance, laquelle, à cette époque, avait littéralement explosé. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

Il n’est qu’à voir les chiffres ! Je les tiens d’ailleurs à votre disposition. Le nombre de mineurs détenus était beaucoup plus important sous votre gouvernement qu’aujourd'hui. Entre 2000 et 2008, il a fortement diminué. Les mineurs détenus étaient plus de 800 à l’époque ; ils sont moins de 700 aujourd'hui, et ce malgré une politique pénale qui se caractérise par sa fermeté et que nous assumons : nous sanctionnons les criminels et les délinquants, et les condamnations sont exécutées.

Mme Raymonde Le Texier. Ce n’était pas le cas avec la gauche, peut-être ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Parallèlement, nous prenons beaucoup mieux en charge les mineurs, notamment avec la création des centres éducatifs fermés. À l’époque, vous avez voté contre ; aujourd'hui, vous reconnaissez leur pertinence, comme celle des établissements pour mineurs, qui évitent la récidive.

La sécurité des Français est ma première préoccupation.

Dans le même temps, j’entends favoriser la réinsertion des personnes délinquantes, notamment des mineurs, car personne ne peut se satisfaire de voir ces derniers s’ancrer dans la délinquance. C’est le seul objectif politique de la majorité.

Pour ma part, je refuse les polémiques stériles ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur l'article.

M. Richard Yung. Je ne nourrirai pas la polémique, madame le garde des sceaux.

Il nous semble nécessaire de compléter l’article 25, qui se caractérise par sa très grande concision, par une disposition concernant les détenus mineurs étrangers, sujet que nous avons eu l’occasion d’évoquer hier.

Les problèmes des détenus mineurs étrangers sont spécifiques. Étant à la fois mineurs et étrangers, ils sont doublement victimes des conditions difficiles de l’incarcération et les vivent encore plus durement que les autres mineurs ou les autres détenus.

Les détenus mineurs étrangers sont séparés de leurs parents à la suite de différents événements. Quelquefois même, ils ont été instrumentalisés dans la poursuite de différentes actions que le code civil ou le code pénal punissent.

La législation française prévoit, pour de tels mineurs, un régime spécifique. Il faut notamment que la régularisation administrative de leur situation se fasse le plus rapidement possible et qu’ils aient accès à des informations précises ; je n’ose ajouter « dans une langue qu’ils comprennent », pour ne pas relancer un débat qui nous a occupés longtemps. En particulier, il est indispensable que leur soit alloué un titre de séjour dans les plus brefs délais.

Malheureusement, tous les amendements que nous avons déposés en ce sens, qui semblaient utiles et de bon sens, ont été rejetés au titre de l'article 40 de la Constitution. Je le rappelle, car cela ne doit pas être oublié.

Je conclus en précisant que nous voterons les amendements présentés par notre collègue Richard Tuheiava.

M. le président. L'amendement n° 140 rectifié, présenté par MM. Tuheiava, Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Dans chaque établissement pénitentiaire, il sera mis en place un dispositif pénitentiaire propre à garantir l'intégrité physique des détenus mineurs.

La parole est à M. Richard Tuheiava.

M. Richard Tuheiava. L’amendement n° 140 rectifié a pour objet d’attirer l’attention de la Haute Assemblée sur la question de l’incarcération des mineurs. Il s’agit de mettre en place un dispositif pénitentiaire propre à garantir l’intégrité physique - et morale, cela va sans dire - des détenus mineurs.

À la lecture de ce projet de loi ou du texte issu des travaux de la commission, on peut déplorer que seuls trois articles soient consacrés à la question de la détention des mineurs.

Je ne peux me satisfaire des arguments qui ont été opposés par le rapporteur à l'amendement n° 236, selon lesquels l’ordonnance du 2 février 1945 contient des dispositions de nature à satisfaire cet amendement ou qu’un projet de loi en cours d’élaboration permettra de couvrir ces points, à l’exception de ceux qui sont déjà constitutionnellement prévus.

Nous examinons un projet de loi pénitentiaire et nous en sommes parvenus à la section réservée à la détention des mineurs. S’il est bien un endroit dans le texte où il convient de mentionner la question du droit des détenus mineurs de manière un peu plus précise, c’est bien l’article 25 !

Je tiens ici à rappeler les dispositions de l’article 37 paragraphe c) de la convention internationale des droits de l’enfant :

« Les États parties veillent à ce que :

« c) Tout enfant privé de liberté soit traité avec humanité et avec le respect dû à la dignité de la personne humaine, et d’une manière tenant compte des besoins des personnes de son âge. En particulier, tout enfant privé de liberté sera séparé des adultes, à moins que l’on estime préférable de ne pas le faire dans l’intérêt supérieur de l’enfant... »

Cette convention a été ratifiée par la France en 1990 et trouve donc à s’appliquer dans l’ordre juridique national.

En 2005, la Cour de cassation s’est ralliée à la jurisprudence du Conseil d’État, qui reconnaissait la possibilité pour les tribunaux judiciaires français de se référer, dans leurs décisions, directement aux dispositions de la convention internationale des droits de l’enfant.

Dans la pratique, la confusion entre détention - ou incarcération - de détenus mineurs et majeurs est de nature à porter directement atteinte aux dispositions que je viens de rappeler.

Pour la Polynésie française en particulier, dont je me fais ici le porte-parole, cette situation a déjà été pointée dans un rapport alternatif rédigé conjointement par la Ligue polynésienne des droits de l’homme et par la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme le 3 juin 2004, rapport qui a été officiellement déposé sur le bureau du Comité des droits de l’enfant de l’ONU, à Genève.

J’ai personnellement défendu ce rapport alternatif à Genève et cette situation a été à juste titre retenue par le Comité des droits de l’enfant de l’ONU, qui a émis des recommandations claires et précises à l’égard de la France.

Bien qu’elle soit régularisée dans la pratique, cette atteinte aux dispositions de la convention internationale des droits de l’enfant n’a toujours pas trouvé de solution législative.

Il s’agit donc de poser clairement dans la loi ce principe de séparation entre les quartiers réservés aux mineurs et ceux qui accueillent les majeurs. Ce projet de loi pénitentiaire, qui est présenté comme le texte permettant, à bien des égards, de mettre la France en conformité avec ses engagements internationaux, vis-à-vis de l’Europe comme des Nations unies, est le cadre adéquat.

Je souhaite donc que le consensus le plus large se dégage sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Certains points me semblent parfois difficilement compréhensibles

Je rappelle aux uns et aux autres que la convention internationale des droits de l’enfant de New York est directement applicable, même sans transposition dans la législation nationale, et, par conséquent, elle a toute vocation à s’appliquer.

Par ailleurs, monsieur Tuheiava, je comprends mal que vous vous insurgiez, avec la plus grande courtoisie d’ailleurs, contre la non-séparation des détenus majeurs et mineurs.

Quelle est réellement la situation actuelle ? Depuis la loi d’orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, sept établissements pénitentiaires pour mineurs, dotés d’une capacité d’accueil de 420 places, ont été créés. Dans ce cas, on peut parler de séparation intégrale, puisque ces établissements n’accueillent que des mineurs, et je les ai pour ainsi dire tous visités.

En outre, un programme de rénovation de l’ensemble des quartiers pour mineurs qui se trouvent dans les centres de détention a été engagé en 2003. Il a déjà permis la création de 330 places répondant aux normes européennes et la remise à niveau de 326 places.

Nous disposons donc d’une capacité de l’ordre d’un millier de places, qui, au plan des normes européennes et des impératifs de séparation des détenus, ne peut pas susciter de critiques.

Au 1er novembre 2008, 673 mineurs étaient incarcérés. Je précise d’ailleurs que ce nombre s’élevait à 713 au 1er novembre 2007. Par conséquent, si on évalue les gardes des sceaux à la diminution de l’effectif de mineurs incarcérés, votre situation s’améliore, madame le garde des sceaux. (Sourires.) Je vais vous passer un peu de mon auréole, dont je sens d’ailleurs qu’elle n’est plus aussi confortablement installée sur ma tête qu’elle ne l’était hier ou avant-hier…

Nous ne cherchons pas à obtenir des médailles, mais je pense tout de même que, en matière de séparation entre détenus majeurs et mineurs, nous avons fait énormément.

Cela étant, la situation des établissements pénitentiaires pour mineurs pose effectivement des problèmes.

Je peux dire que, au cours des visites que j’ai effectuées, certains de ces établissements m’ont donné l’impression d’être nettement plus efficaces que d’autres. C’est le site de Quiévrechain, situé dans mon département, le Nord, qui m’a semblé être le plus opérationnel, mais c’est un pur hasard.

En ce qui concerne les établissements pénitentiaires pour mineurs, je m’inquiète surtout de l’importance du coût de la journée de détention. Il évoluera sans doute, mais il s’élevait tout de même, l’an dernier, à 1 400 euros. (Exclamations sur les travées de lUMP.) C’est ingérable ! C’est insupportable !

Certes, le programme n’en est qu’à ses débuts et, pour le moment, les établissements pénitentiaires pour mineurs sont loin d’être totalement remplis. Reste qu’il faudra faire baisser, rapidement et largement, le coût de la journée de détention et obtenir des résultats spectaculaires, faute de quoi nous ne pourrons pas poursuivre cette démarche.

Je rappelle, avec émotion, que cette remarque m’avait été adressée par notre regretté collègue Michel Dreyfus-Schmidt, lorsque nous visitions ensemble l’établissement pénitentiaire pour mineurs de Meyzieu.

Vraiment, mes chers collègues, je pense que, sur ce point, le Gouvernement a correctement fait son travail !

Il existe peut-être des problèmes spécifiques, par exemple en Polynésie française.