Article 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés et portant diverses dispositions relatives aux transports
Article 2

Articles additionnels après l'articler 1er

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 6 rectifié, présenté par M. Grignon, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Nul ne peut assurer la conduite d'un train sur le réseau ferroviaire s'il n'est titulaire d'une licence dont la délivrance est subordonnée à des conditions de formation scolaire, de connaissances professionnelles et d'aptitudes physiques et psychologiques.

Un recours devant une commission d'aptitudes ferroviaires peut être formé à l'encontre d'une décision du médecin ou du psychologue.

Les dispositions du premier alinéa entrent en vigueur au 1er décembre 2010 et au 1er décembre 2012 pour les conducteurs n'effectuant que des services intérieurs. Ces dates sont repoussées au 1er décembre 2017 pour les personnes régulièrement habilitées à la conduite de trains avant le 1er décembre 2010.

La licence délivrée dans un État membre de la Communauté européenne ou dans un État appliquant des règles équivalentes à celles de l'Union européenne en vertu d'accords conclus avec celle-ci, est valable sur le territoire national. 

II. - Le fait de conduire un train sans être titulaire de la licence et des documents requis par la réglementation de sécurité, ou d'affecter à la conduite de trains une personne qui n'est pas titulaire de ces documents est puni d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 75 000 euros. L'amende est quintuplée lorsque l'infraction est commise par une personne morale. 

III. - Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article et notamment les conditions d'organisation et de fonctionnement de la commission d'aptitudes  ferroviaires.

 

La parole est à M. le rapporteur.

M. Francis Grignon, rapporteur. Cet amendement vise à transposer la directive 2007/59/CE relative au certificat européen de conduite des trains. Cette transposition doit avoir lieu avant la fin de l’année 2009 et le début d’ouverture à la concurrence du transport de voyageurs.

Il est à noter que les 20 000 conducteurs français en service intérieur verront leurs compétences reconnues automatiquement jusqu’en 2017.

La peine d’emprisonnement et l’amende prévues pour le délit défini au II de l’article sont destinées, en vue d’assurer la sécurité des circulations ferroviaires, à avoir un effet dissuasif notamment à l’égard des personnes qui affecteraient à la conduite d’un train en connaissance de cause une personne dépourvue des documents obligatoires.

Les peines retenues sont similaires à celles qui sont prévues pour le transport aérien lorsqu’un pilote conduit un aéronef sans être titulaire d’un brevet ou d’une licence.

M. le président. L'amendement n° 87, présenté par MM. Teston, Daudigny, Bourquin, Ries et Mirassou, Mme Bourzai, MM. Patriat, Percheron, Courteau et Boutant, Mme Bonnefoy, M. Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Nul ne peut assurer la conduite d'un train sur le réseau ferroviaire national s'il n'est titulaire d'une licence dont la délivrance est subordonnée à des conditions d'âge, de formation scolaire, de connaissances professionnelles et d'aptitudes physiques et psychologiques, et d'une ou plusieurs attestations indiquant les infrastructures sur lesquelles le titulaire est autorisé à conduire le matériel roulant.

La licence est délivrée par l'autorité de sécurité compétente, qui tient à jour un registre de toutes les licences délivrées. L'attestation est délivrée par chaque entreprise ferroviaire et chaque gestionnaire d'infrastructure, selon ses propres procédures. 

Le titulaire d'une licence se soumet à des examens et contrôles périodiques afin de vérifier qu'il remplit les conditions spécifiées au premier alinéa. Il en est de même pour le titulaire d'une ou plusieurs attestations.

II. - Les dispositions du premier alinéa entrent en vigueur au 1er décembre 2009 et au 1er décembre 2010 pour les conducteurs n'effectuant que des services intérieurs. Ces dates sont repoussées au 1er décembre 2017 pour les personnes régulièrement habilitées à la conduite de trains avant le 1er décembre 2010.

Les entreprises ferroviaires et le gestionnaire du réseau ferré national prennent tous les moyens nécessaires en vue de former et d'habiliter les conducteurs opérant avant le 1er décembre 2010.

La licence délivrée dans un État membre de la Communauté européenne est valable sur le territoire national. La licence délivrée par un État tiers peut être reconnue sur le territoire national, sous réserve d'un accord bilatéral avec l'État en question.

III.  - En cas de non-respect des règles du présent article, l'autorité de sécurité compétente peut décider de la suspension ou du retrait de la licence, la suspension ou le retrait de l'attestation, en fonction des problèmes créés pour la sécurité ferroviaire. Elle peut décider d'interdire à un conducteur constituant une grave menace pour la sécurité ferroviaire, d'opérer sur le territoire national.

IV. - Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article et notamment les conditions d'obtention, de vérification, de suspension des licences, les conditions de suspension des attestations, les conditions d'organisation et de fonctionnement de la commission d'aptitudes ferroviaires.

La parole est à M. Michel Teston.

M. Michel Teston. L’objet de cet amendement portant article additionnel est de pallier une lacune fondamentale du droit français en matière de transport ferroviaire.

En effet, ce projet de loi ne prévoit pas la transposition de la directive 2007/59/CE relative à la certification des conducteurs de train assurant la conduite de locomotives et de trains sur le système ferroviaire dans l’Union européenne.

Malgré la mise en demeure de la France pour transposition insuffisante des règles adoptées dans le cadre des paquets ferroviaires, ce projet de loi fait l’impasse sur une disposition adoptée dans le troisième paquet ferroviaire : la directive instaurant une « certification européenne pour les conducteurs de trains », ce que l’on a appelé « le permis de conduire ferroviaire européen ».

Cet outil d’harmonisation sociale découle en partie d’un accord paritaire au niveau européen entre la Fédération européenne des travailleurs des transports et la Communauté européenne du rail, fait sans précédent au niveau européen !

Je me permets également d’attirer votre attention sur le fait extrêmement rare que cette directive inscrit un accord de branche patronat-syndicats en droit positif européen. Celui-ci fixe les exigences de compétences, de formation, de contrôle continu, de capacités physiques et psychiques et de connaissances linguistiques des générations futures de conducteurs de train européens.

Il s’agit d’un système de licence et d’attestations qui permettra une plus grande mobilité professionnelle des conducteurs de trains. C’est aussi – j’insiste sur ce point – la garantie d’un haut niveau de sécurité sur le territoire national, quelles que soient les entreprises ferroviaires opérant sur le territoire, puisque la décision est désormais prise de permettre qu’il y ait effectivement des systèmes non intégrés dans le ferroviaire.

Par le vote de cet amendement, vous permettrez à la France de marquer le coup en devançant les exigences européennes sur un texte fondamental d’un point de vue tant technique et professionnel que social.

Enfin, vous me permettrez de vous rappeler, monsieur le secrétaire d'État, qu’en commission des affaires économiques, en réponse à une question que je vous avais posée, vous aviez indiqué que vous souhaitiez déposer un amendement, ce que vous n’avez pas fait, laissant probablement le soin au rapporteur de le faire.

En déposant le nôtre, nous montrons combien nous tenons à cet outil d’harmonisation sociale et sommes prêts à en discuter plus avant, bien sûr, le cas échéant, par voie de sous-amendements, afin de parvenir à un accord.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Francis Grignon, rapporteur. L’amendement n° 87, quoique différent de l’amendement n° 6 rectifié adopté par la commission, vise, lui aussi, à transposer en droit français le certificat de conduite ferroviaire européen. Il serait largement satisfait par l’adoption de ce dernier.

Cela dit, il appelle plusieurs observations.

Premièrement, la deuxième phrase du deuxième alinéa du I du nouvel article et tout le troisième alinéa de ce I sont d’ordre réglementaire.

Deuxièmement, le quatrième alinéa de ce I n’est pas réellement normatif.

Troisièmement, l’alinéa suivant pose une condition d’accord bilatéral qui n’est pas conforme au droit européen puisque c’est la commission européenne qui est compétente pour signer les accords.

Quatrièmement, enfin, le III est redondant avec les dispositions déjà contenues dans la loi du 5 janvier 2006 relative aux pouvoirs de l’EPSF.

Pour toutes ces raisons et tout en partageant, bien évidemment, l’objectif visé par M. Teston, nous lui proposons de retirer son amendement au profit de celui de la commission. À défaut de retrait, la commission émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Je partage l’avis exprimé par le rapporteur.

J’ai parfaitement compris l’argumentation de M. Michel Teston, et il a d’ailleurs bien fait de rappeler que nous en avions parlé en commission. Mais, comme l’a souligné le rapporteur, je pense que les demandes légitimes de M. Teston sont satisfaites par l’amendement n° 6 rectifié, auquel le Gouvernement est favorable.

M. le président. Monsieur Teston, l'amendement n° 87 est-il maintenu ?

M. Michel Teston. Il nous semble que notre texte est plus proche de la directive que l’amendement n° 6 rectifié.

Cela étant, l’essentiel est que ce certificat de conduite européen soit instauré en droit français. C’est la raison pour laquelle nous retirons notre amendement au profit de celui de la commission.

M. le président. L'amendement n° 87 est retiré.

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l'amendement n° 6 rectifié.

Mme Nathalie Goulet. J’aimerais savoir si les « connaissances linguistiques » dont a parlé M. Teston dans la présentation de son amendement font partie de la formation des conducteurs de train. En effet, dans la mesure où un certain nombre de trains traversent les frontières, des problèmes linguistiques peuvent se poser. J’aimerais obtenir une précision sur cette donnée qui me semble importante pour la compréhension générale des mesures de sécurité.

M. Charles Revet. C’est du domaine réglementaire ! (M. le secrétaire d’État approuve.)

M. le président. Les cheminots parleront plusieurs langues ! (Sourires.)

Je mets aux voix l'amendement n° 6 rectifié.

(L'amendement est adopté à l'unanimité des présents.)

M. le président. Un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er.

M. Christian Cointat. Il est bienvenu !

M. le président. L'amendement n° 132, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - À compter du 4 décembre 2009, le règlement (CE) n° 1371/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires s'applique aux voyages et services ferroviaires pour lesquels une entreprise doit avoir obtenu une licence conformément à la directive 95/18/CE du Conseil du 19 juin 1995 concernant les licences des entreprises ferroviaires.

II. - Les services publics de transport ferroviaire de voyageurs organisés par le syndicat des transports d'Île-de-France et par les régions sont soumis à l'application des seuls articles 9, 11, 12, 19, 20, paragraphe 1, et 26 du règlement précité.

Les autres services intérieurs de transport ferroviaire de voyageurs sont soumis à l'application des seuls articles 9, 11, 12, 19, 20, paragraphe 1, et 26 du règlement pour une période de cinq ans. Celle-ci peut être renouvelée, par décret, deux fois par période maximale de cinq ans. À l'issue de cette période, l'ensemble des dispositions du règlement est applicable à ces services.

Le présent article ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente pour l'organisation d'un service public ferroviaire de transport de voyageurs décide de l'application de tout ou partie des dispositions non obligatoires du règlement précité.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Cet amendement vise à transposer dans notre droit le règlement européen sur les droits et obligations des voyageurs. Il faut en effet penser aux compagnies, aux entreprises mais il faut aussi penser aux voyageurs.

Il s’agit des droits en matière de tarifs, de billets, de réservations, d’indemnités de retard ou de perte de bagages, et des droits de nos concitoyens européens handicapés ou à mobilité réduite.

Ces mesures s’inspirent de celles qui existent dans le transport aérien. Elles s’appliquent moins bien pour les trajets régionaux ou nationaux. C’est pourquoi nous prévoyons des assouplissements, en particulier pour les transports régionaux qui sont organisés par nos conseils régionaux ou ceux qui relèvent du syndicat des transports d’Île-de-France.

Nous pensons que seules les dispositions impératives des règlements seront obligatoires et qu’il appartiendra aux régions de fixer les règles. La question des droits des collectivités est un point dont nous débattons actuellement dans notre pays. Nous sommes pour la liberté des collectivités ; pour les autres transports, l’État prend ses responsabilités.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Francis Grignon, rapporteur. La Commission a émis un avis favorable sur cet amendement pour deux raisons essentielles.

D’une part, les exceptions posées pour les trains de grandes lignes ne sont que temporaires, comme le prévoit le règlement européen, ce qui permet aux entreprises concernées de se préparer à apporter les nouvelles garanties de remboursement des voyageurs d’ici à quelques années.

D’autre part, l’exception posée pour les services régionaux nous a paru acceptable dans la mesure où, nous le savons bien, la plupart des conseils régionaux ont prévu des systèmes d’indemnisation diverse en cas de retard.

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

M. Hervé Maurey. J’aimerais que le Gouvernement me rassure ; en effet, la notion d’assouplissement m’inquiète un peu. Je ne voudrais pas, sous prétexte qu’il ne faut pas indemniser des retards trop courts et des transports insuffisamment longs, que, finalement, le voyageur se retrouve perdant.

M. Bussereau vient de dire qu’il faut penser aux voyageurs et je souscris tout à fait à ce principe. Je souscris aussi au principe selon lequel il ne faut pas que le traitement des indemnisations de retards soit plus onéreux que les indemnisations elles-mêmes. Il faut quand même être très vigilant d’autant que l’on constate malheureusement sur certaines lignes de plus en plus de retards. Je considère que la moindre des choses, en cas de retard, c’est que les voyageurs soient indemnisés à hauteur du préjudice subi.

Donc, j’aimerais au moins recevoir quelques assurances du Gouvernement sur ce point.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. M. Maurey a raison de poser ces questions.

Nous souhaitons que la SNCF, ainsi que je le lui ai demandé à plusieurs reprises, aille plus loin en matière d’indemnisation, par exemple, en remboursant le voyageur au lieu de lui donner des bons de voyage. Le bon de voyage présente un peu l’inconvénient de rendre le client captif pour son trajet suivant. Cela, en tout état de cause, concerne la SNCF.

Les régions, quant à elles, comme vous le savez, ont passé des conventions et ont leurs propres grilles. Nous avons eu récemment un débat avec la région Basse-Normandie qui, à un certain moment, ne souhaitait plus régler à la SNCF ce qu’elle lui devait. Aujourd'hui, les cahiers des charges qui ont été établis par les régions avec les transporteurs répondent à vos souhaits.

En matière de transport ferroviaire, il importe d’assurer une indemnisation réelle et de répondre véritablement à la préoccupation du client, quelle que soit la nature du trajet, en laissant l’État, de son côté, instaurer ses règles et les régions, puisqu’elles paient, instaurer leurs propres règles.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 132.

(L'amendement est adopté à l'unanimité des présents.)

M. le président. Un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er.

Articles additionnels après l'articler 1er
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Articles additionnels avant l’article 3

Article 2

La loi n° 97-135 du 13 février 1997 portant création de l'établissement public « Réseau ferré de France » en vue du renouveau du transport ferroviaire est ainsi modifiée :

1° À la fin du deuxième alinéa de l'article 1er, il est ajouté la phrase suivante : « Cependant, pour des lignes à faible trafic réservées au transport de marchandises, Réseau ferré de France peut confier par convention ces missions à toute personne selon les mêmes objectifs et principes de gestion. » ;

2° À la fin de la deuxième phrase de l'article 1-1, les mots : « qui demeurent régis par le deuxième alinéa de l'article 1er » sont remplacés par les mots : « qui sont assurés par la Société nationale des chemins de fer français, pour le compte du cocontractant qui la rémunère à cet effet, dans le respect des objectifs et principes de gestion du réseau ferré national définis par Réseau ferré de France » ;

3° Le premier alinéa de l'article 2 est complété par la phrase suivante : « Pour l'application à Réseau ferré de France de l'article 5 de cette loi, la personnalité mentionnée au dernier alinéa est choisie parmi les représentants des usagers du service de transport public » ;

4° Au sixième alinéa de l'article 13, après les mots : « des conditions de la concurrence intermodale ; » sont insérés les mots : « il tient compte, lorsque le marché s'y prête, de la valeur économique, pour l'attributaire du sillon, de l'utilisation du réseau ferré national, et respecte les gains de productivité réalisés par les entreprises ferroviaires ; ».

M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, sur l'article.

Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, lors de l’examen de l’article 10 du projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, dit Grenelle I, j’avais défendu deux amendements qui concernent directement l’article 2 du projet de loi que nous examinons aujourd’hui.

D’abord, j’avais proposé que l’on inscrive à l’article 10 de la loi de programme que le transport de marchandises participe de l’intérêt général et revêt un caractère prioritaire, relayant une partie des conclusions du Grenelle de l’environnement, qui prévoit sans aucune ambiguïté que « le développement du fret ferré, maritime et fluvial est déclaré d’intérêt général et inscrit dans la loi d’orientation des transports intérieurs ».

Le Gouvernement et la commission des affaires économiques avaient, en séance publique le 29 janvier 2009, émis des avis défavorables sur ces amendements au motif que ceux-ci concernaient les wagons isolés dont nous discuterions une semaine plus tard dans le cadre du projet de loi relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires. Après le report de ce projet, nous y voilà.

Le Gouvernement a déjà eu l’occasion de nous expliquer que l’intérêt général n’était pas un concept assez précis. Je continue pour ma part de penser, et je ne suis pas la seule, que la notion d’intérêt général se trouve au centre de la pensée politique et juridique française, en tant que finalité ultime de l’action publique, qu’elle a forgé notre droit public et a été au cœur de la jurisprudence du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel.

Ensuite, j’avais demandé que l’on insère, toujours à l’article 10, que la « la SNCF reste engagée sur le trafic ferroviaire de wagons isolés. ». Je vous l’ai dit, sur un territoire comme l’Auvergne par exemple, l’état catastrophique du réseau annihile toute initiative privée. Or ce trafic de wagons isolés est souvent primordial pour l’aménagement du territoire et pour les entreprises locales. Il faut créer alors des obligations de service public pour offrir aux utilisateurs du fret et au grand public des possibilités de déplacement qui n’existeraient pas sans ces services publics.

J’avais donc défendu l’idée du maintien de la SNCF sur ce réseau afin que la création d’opérateurs ferroviaires de proximité n’entraîne pas, corrélativement, le désengagement de la SNCF sur une telle activité.

Le rapporteur avait demandé que la question soit discutée lors de l’examen de l’amendement n° 33 de la commission des affaires économiques. Notre collègue Bruno Sido avait souligné la nécessité de déclarer le trafic de wagons isolés d’intérêt général, première étape nécessaire, mais non suffisante, pour autoriser l’octroi de subventions au secteur du fret, dans la ligne de la jurisprudence Altmark, et ce sans courir le risque de voir ces versements qualifiés d’« aides déguisées de l’État ».

Cet amendement partait aussi d’un constat clair : « La SNCF est aujourd’hui la seule entreprise à conserver une activité pour le trafic de wagons isolés ». Ses concurrents ne se positionnent pas sur ce créneau, préférant se concentrer sur des activités plus rentables.

Le Gouvernement a proposé que nous en discutions à l’occasion du présent projet de loi, affirmant : « La SNCF peut d’ailleurs elle-même être aussi opérateur ferroviaire de proximité, par le biais de ses filiales ou directement. »

Cela a motivé le retrait de cet amendement n° 256. De même, le retrait de l’amendement n° 33 fait suite à l’engagement du Gouvernement d’œuvrer de concert avec la commission pour qu’une solution soit introduite dans le projet de loi que nous examinons sous la forme d’un amendement.

Mais où est-il affirmé que le trafic de wagons isolés est d’intérêt général ? Quelle est la lisibilité de la politique gouvernementale en termes de développement durable, quand le plan fret a eu pour conséquence de remettre plus d’un million de camions sur les routes ?

Pourtant, comme l’a affirmé la commission des affaires économiques, le problème des wagons isolés a gravement affecté les départements en raison des fermetures de gares et de leurs conséquences négatives sur l’aménagement du territoire. Le Gouvernement nous l’a dit lui-même : la SNCF peut être directement l’opérateur ferroviaire de proximité.

Mes chers collègues, il nous appartient aujourd’hui d’affirmer clairement que le transport de marchandises par wagons isolés relève de l’intérêt général et qu’il est exploité soit par des opérateurs de proximité, soit par la SNCF et son groupe.

Nous demandons, par conséquent, que le Gouvernement s’engage à déposer un amendement pour reconnaître le caractère d’intérêt général de l’activité de wagons isolés.

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 51, présenté par Mme Schurch, M. Billout, Mme Didier, MM. Danglot et Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer le 1° de cet article.

La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Le premier alinéa de cet article est relatif à la mise en place des fameux opérateurs de proximité pour le fret ferroviaire.

Nous tenons à préciser que la création de ces opérateurs de proximité n’est nullement une obligation communautaire : elle résulte donc d’une volonté délibérée du Gouvernement, celui-ci n’étant en l’occurrence soumis à aucune contrainte extérieure.

Cette disposition est d’ailleurs « rampante » depuis quelque temps. En effet, le rapport Chauvineau, dont les premiers travaux remontent à octobre 2005, avait proposé de confier à des « PME ferroviaires » locales le soin d’organiser les flux régionaux.

Ce rapport s’appuyait sur le constat suivant : « Pour surmonter le recul de l’offre ferroviaire résultant du plan fret SNCF, les chargeurs veulent susciter la création en France d’opérateurs ferroviaires de proximité, inspirés des short lines créés dans d’autres pays, en les adaptant aux conditions françaises. Ils veulent également associer la relance du trafic fret à une remise en état des infrastructures. »

La création de ces opérateurs de proximité est donc justifiée, d’abord, par l’échec du plan fret, qui a jeté sur les routes plus d’un million de camions, comme l’a indiqué Mireille Schurch, et qui a abouti à une contraction du réseau et de l’offre de transport de marchandises, ensuite, par les attentes des régions et des entreprises pour renforcer le dynamisme économique des territoires.

Sans préjuger de l’intérêt de ce dispositif pour certaines lignes présentant un fort particularisme local, le principal reproche que nous faisons à la mise en place de ces opérateurs est qu’elle concrétise clairement le désengagement de l’État au regard des missions d’aménagement du territoire qu’il est censé remplir par le biais des entreprises publiques que sont la SNCF et RFF.

De plus, les expériences conduites ne sont pas particulièrement concluantes, à l’image de celle de Proxirail. En effet, la rentabilité de ces opérateurs n’est pas au rendez-vous. On en revient aux principes de base : certaines lignes ne sont pas rentables, mais participent à l’aménagement du territoire et au maintien du tissu économique. Leur exploitation relève donc de l’intérêt général et, partant, d’une mission de service public.

Or les réponses apportées aux interrogations portant sur les moyens à mettre en œuvre pour assurer la gestion de ces lignes ne sont pas satisfaisantes.

Monsieur le secrétaire d’État, non content de confier l’exploitation de service à ces nouveaux opérateurs, vous indiquez que RFF pourra, par voie de convention, leur confier également la gestion des infrastructures.

Cet article 2 induit donc la menace d’un désengagement supplémentaire à l’égard de l’infrastructure ferroviaire, avec le risque d’un transfert, voire d’un abandon de tout ou partie des charges d’infrastructures des lignes UIC 7 à 9, soit près de la moitié de la consistance du réseau.

Le plus probable, c’est que RFF, pour se dédouaner de la responsabilité de fermer des lignes jugées trop dégradées ou pas assez fréquentées, pourra proposer aux régions de se constituer opérateurs de proximité, afin de maintenir une offre de service dans des lieux très enclavés. Il s’agit donc de faire prendre à la collectivité – de manière particulièrement habile, reconnaissons-le – la responsabilité de la fermeture d’une ligne sur son territoire.

Pourtant, les collectivités ont déjà été lourdement sollicitées dans le cadre de la décentralisation des transports par la reprise des TER. Elles ont énormément investi pour garantir aux usagers un service performant de qualité.

Je ferai remarquer que les régions réclament depuis longtemps la possibilité de bénéficier de nouveaux financements pour leur politique de transport. Par exemple, la généralisation du versement transport, que nous vous avons régulièrement soumise par voie d’amendement, n’a malheureusement jamais trouvé un écho favorable au Gouvernement.

Nous craignons donc que cette nouvelle disposition ne conduise une nouvelle fois, après le plan fret, à une contraction importante du réseau.

Pour notre part, nous continuons de penser que la politique d’abandon du service de wagons isolés de la SNCF est une erreur.