M. Éric Besson, ministre. Non, madame la sénatrice !

Mme Christiane Demontès. Alors, ce n’est vrai que depuis quelques jours seulement !

M. Éric Besson, ministre. Pas du tout : ce n’est pas moi qui ait signé ces circulaires, elles l’ont été par mes prédécesseurs. Je dois reconnaître modestement que je n’y suis pour rien, puisque ces circulaires existaient déjà avant mon entrée en fonctions !

M. Alain Anziani. Alors il faut les appliquer !

M. Éric Besson, ministre. Madame Escoffier, vous avez indiqué ne pas aimer l’expression « sans-papiers », ce qui est aussi mon cas. C'est pourquoi je m’efforce de ne pas l’utiliser, l’expression adéquate étant : « étranger en situation irrégulière ».

S’agissant du prétendu « délit de solidarité », j’aurai l’occasion de revenir plus longuement sur cette question à l’Assemblée nationale, où un texte y afférent sera débattu demain après-midi.

Je rappellerai néanmoins que l’article L. 622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est suivi d’un article L. 622-4, dont il convient également de tenir compte pour avoir une vision objective des choses.

Je voudrais réaffirmer avec force que ce prétendu « délit de solidarité » n’existe pas. Vous vous êtes demandé, madame Escoffier, si une personne qui offrirait une pomme à un enfant, qui rechargerait la batterie du téléphone portable d’un migrant ou qui apporterait un vêtement à quelqu'un qui a froid serait susceptible d’être poursuivie et, a fortiori, condamnée. La réponse est évidemment non, mille fois non, comme je l’ai déjà dit et répété lors de l’émission de radio à laquelle vous avez fait allusion. Je persiste et je signe !

M. Alain Anziani. Sauf qu’il y a eu des condamnations !

M. Éric Besson, ministre. Non, pas une seule sur cette base !

M. Éric Besson, ministre. Nous sommes à la veille d’un débat sur ce sujet à l’Assemblée nationale, une proposition de loi « visant à supprimer le délit de solidarité » ayant été déposée. Or voilà près de trois mois que l’on m’annonce très régulièrement que des listes de condamnations de cette nature vont m’être remises. Toutefois, j’observe que les auteurs de ces annonces deviennent plus prudents au fil du temps !

On se contente d’évoquer un « climat » ou une « épée de Damoclès », faute de pouvoir apporter la preuve de quelconques condamnations… On ne parle même plus tellement du fameux « délit de solidarité » ces derniers temps. Si j’ai bien compris, les critiques se focalisent désormais, depuis hier, sur la notion de « délit amoureux ». « Délit de solidarité », « délit amoureux », je préfère m’arrêter là et ne pas imaginer quelles expressions seront inventées dans les prochains jours, car je risquerais de déraper… (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Éliane Assassi. Mais vous dérapez déjà !

M. Charles Gautier. Et depuis longtemps !

M. Éric Besson, ministre. Quoi qu’il en soit, je persiste et signe : il n’y a pas eu une seule condamnation. D’ailleurs, même à la veille de l’examen par l’Assemblée nationale de la proposition de loi tendant à supprimer ce prétendu délit, personne n’a été capable de me prouver le contraire.

Mme Éliane Assassi. Si vous voulez, nous pouvons vous en apporter les preuves devant l’Assemblée nationale, demain !

M. Éric Besson, ministre. Par ailleurs, et vous l’avez souligné vous-même, madame Escoffier, l’État lui-même appuie les associations d’aide aux étrangers en situation irrégulière, en leur offrant des capacités d’hébergement et l’aide médicale d’État, qui coûte fort cher aux contribuables français. Même si je ne souhaite pas faire un usage excessif de cet argument, nous devons tout de même tenir compte de la réalité : notre générosité a un coût,…

Mme Alima Boumediene-Thiery. Les expulsions aussi !

M. Éric Besson, ministre. … et nous ne devons pas en abuser.

En réalité, ce prétendu « délit de solidarité » est un vieux serpent de mer.

Ainsi, pour préparer mon intervention de demain sur la proposition de loi que je viens de mentionner, je me suis replongé dans le compte rendu des débats de 1998 et j’ai pu constater en effet que M. Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l’intérieur, était accusé de vouloir instituer un « délit d’humanité ». (Murmures sur les travées du groupe socialiste.) À cette époque, le député Noël Mamère menait une véritable fronde parlementaire sur ce thème et demandait à M. Chevènement de modifier l’article L. 622-1, afin de mettre les associations à l’abri.

On parle à présent de « délit de solidarité ». Gageons que d’aucuns évoqueront peut-être dans dix ans un « délit de charité » ou un « délit de compassion »…

Cela étant, même s’il s’agit d’un serpent de mer, cette thématique correspond à une thèse. En effet, selon certaines associations, au demeurant parfaitement respectables – je pense notamment au Groupe d’information et de soutien des immigrés, le GISTI, et au Réseau éducation sans frontières, ou RESF –, il faudrait, acte I, régulariser tous les étrangers en situation irrégulière et, acte II, ouvrir les frontières de l’Europe pour que les règles de libre circulation applicables aux pays de l’espace Schengen deviennent la norme entre les pays du Sud et les pays du Nord.

À mon sens, non seulement c’est utopique, mais cela pourrait même se révéler extrêmement dangereux. Une telle politique minerait le pacte républicain et les fondements de notre protection sociale. Mais il faut au moins reconnaître à ces organisations le mérite de la cohérence intellectuelle.

Pour le reste, et je m’adresse à toutes celles et à tous ceux qui souhaitent une maîtrise de nos flux migratoires, je maintiens que le vieux serpent de mer du « délit d’humanité », rebaptisé « délit de solidarité » pour l’occasion, ne correspond à rien. Personne n’a jamais été capable d’apporter le moindre début de preuve de son existence !

Par ailleurs, madame la sénatrice, je ne vois pas bien le lien entre la politique de lutte contre l’immigration clandestine et les statistiques ethniques. Quoi qu’il en soit, et même si ce n’est pas le sujet du débat d’aujourd'hui, je vous réponds très simplement qu’il n’y aura pas de statistiques ethniques en France.

Comme le Président de la République l’a clairement indiqué lors de son discours devant l’école Polytechnique à Palaiseau, nous respectons les principes républicains que vous avez bien voulu rappeler et, en même temps, nous souhaitons nous doter d’un certain nombre d’outils de mesure de la diversité. C’est pourquoi M. Yazid Sabeg rendra prochainement ses conclusions sur le sujet et formulera des propositions. Il a notamment réuni une commission d’experts chargée d’examiner comment garantir le respect fondamental de ces principes tout en répondant à notre volonté de valoriser la diversité de la société française et d’en mesurer l’évolution.

Vous avez qualifié nos centres de rétention administrative d’« indignes ». Il faut faire très attention aux mots que l’on emploie. Sur les vingt-six CRA que compte la France métropolitaine, vingt-quatre n’ont absolument rien à se reprocher en termes de conditions d’hygiène, de salubrité ou de qualité d’accueil.

Mme Alima Boumediene-Thiery. De « qualité d’accueil » ? Vous pensez parler d’un hôtel trois étoiles ?

M. Éric Besson, ministre. Il est vrai qu’il y en a deux où des investissements s’imposent incontestablement.

Mais faisons un peu de comparaisons européennes.

Nous sommes le pays d’Europe où les délais de rétention dans de tels centres, c'est-à-dire trente-deux jours, sont les plus courts. D’autres pays, qui n’en sont pas moins tout à fait démocratiques, ont opté pour des durées de trois, six, douze ou vingt-quatre mois, voire pour des rétentions illimitées. Quant aux pays qui ne disposent pas de centres de rétention administrative comparables aux nôtres, ils placent les étrangers en situation irrégulière en prison, parfois dans des cellules simplement aménagées.

Honnêtement, madame la sénatrice, je pense que la France n’a pas à rougir de ses CRA.

Enfin, madame Escoffier, j’ai mal saisi le sens de votre « chute », inspirée d’une célèbre citation de Winston Churchill. Si je me souviens bien, selon l’homme d’État britannique, pour ceux qui avaient préféré le déshonneur à la guerre, c’était, au fond, « la peste et le choléra », c'est-à-dire le déshonneur et la guerre ! Dans votre propos final – mais j’imagine que ce n’est pas ce que vous souhaitiez suggérer – vous semblez mettre en parallèle l’immigration et la guerre. Or l’immigration, ce n’est pas la guerre, ce n’est pas un mal. Il me paraît donc peu opportun de procéder à des extrapolations à partir d’une telle citation !

Cela étant, ainsi que je l’ai déjà souligné, au-delà des divergences que nous pouvons avoir, j’ai trouvé votre intervention extrêmement intéressante, constructive et nuancée, madame la sénatrice.

Je souhaite à présent répondre à M. Anziani.

Monsieur le sénateur, j’ai des points d'accord avec certains des propos que vous avez tenus, notamment dans votre introduction.

Vous avez raison, l’immigration est – hélas! – rarement heureuse. Je n’ignore pas la situation des femmes et des hommes qui souhaitent venir sur notre territoire ou en Europe, souvent parce qu’ils ont des raisons de fuir leur pays ou parce qu’ils recherchent une vie meilleure pour eux-mêmes ou pour leur famille.

Je ne crois pas qu’il faille s’offusquer de l’expression « immigration choisie ». D’ailleurs, il ne s’agit pas d’une invention du candidat, devenu Président de la République, Nicolas Sarkozy ; elle est utilisée dans la plupart des pays européens. Ainsi, nos voisins britanniques parlent de « targeted immigration », c'est-à-dire d’immigration ciblée, et les Espagnols d’« inmigración selectionada», c'est-à-dire d’immigration sélectionnée. Et tous les États européens ont recours à des expressions similaires. Cela signifie tout simplement que ces pays souhaitent choisir les migrants venant sur leur territoire pour être capables de les accueillir dignement.

La formule n’a donc rien de choquant.

Mme Éliane Assassi. Non ! À peine !

M. Éric Besson, ministre. Monsieur le sénateur, je souscris également à vos propos lorsque vous plaidez pour une sévérité accrue à l’égard des filières.

En revanche, je suis évidemment en désaccord avec vous lorsque vous évoquez la circulaire que j’ai présentée en application d’une directive européenne déjà retranscrite dans le droit interne de la plupart des pays européens. En l’occurrence, il s’agit non pas de satisfaire une lubie personnelle, mais bien de faire entrer en application une directive européenne que nous n’avions pas encore traduite dans notre droit.

D’ailleurs, celle-ci ne vise ni l’immigration clandestine traditionnelle ni même le travail illégal classique. Elle concerne un certain nombre de cas relevant de l’esclavagisme. On pense, par exemple, à ces femmes et à ces hommes cloîtrés qui ne peuvent pas voir le jour et qui sont exploités ou, pire encore, à ces jeunes filles qui, travaillant dans la domesticité clandestine, sont abusées sexuellement. La situation de ces personnes est telle qu’elles n’ont pas accès à l’information et que nombre d’entre elles ne pourront – hélas ! – pas bénéficier du dispositif mis en place par la circulaire que j’ai signée.

Par conséquent, autant le procès d’intention est insupportable, autant les interrogations sur l’efficacité d’une telle mesure pour les personnes auxquelles elle est destinée sont légitimes. Pour l’instant, il y a effectivement peu de bénéficiaires, mais le fait de pouvoir déjà sauver quelques personnes suffit à mon bonheur. Comme vous le savez, la politique est un art du relatif, et non de l’absolu.

Avant cette circulaire, si les femmes et les hommes concernés dénonçaient les passeurs ou les exploiteurs auprès des services de police ou de gendarmerie, ils pouvaient légitiment craindre d’être interpellés et reconduits à la frontière. Grâce à la circulaire, ils bénéficieront automatiquement d’un titre de séjour de six mois et d’un régime de protection sociale, qui leur seront accordés par les préfets.

J’accepte donc que l’on s’interroge sur l’efficacité d’un tel dispositif pour lutter contre l’immigration clandestine, dans la mesure où il y aura vraisemblablement peu de bénéficiaires. En revanche, il est inadmissible d’assimiler à de la « délation » la dénonciation par une victime de ses bourreaux. Je vous remercie d’ailleurs de n’avoir pas employé le terme, monsieur le sénateur, mais d’autres que vous l’ont fait. Il y aurait « délation » seulement si des personnes en situation irrégulière en dénonçaient d’autres pour obtenir des papiers !

M. Alain Anziani. Mais que fait-on contre les risques de représailles ?

M. Éric Besson, ministre. Vous avez raison de soulever le problème, monsieur le sénateur.

Nous ne pouvons évidemment pas envoyer l’armée française dans les pays d’origine pour protéger les familles des personnes qui pourraient craindre des représailles, mais nous donnons aux victimes la possibilité de témoigner sous X.

En d’autres termes, afin d’éviter qu’elles ne soient menacées, les personnes coopérant avec la police ou avec la justice pour dénoncer les passeurs et les exploiteurs pourront témoigner anonymement. Il s’agit d’une simple possibilité, et non d’une obligation. La semaine dernière, à Calais, un étranger en situation irrégulière a dénoncé son passeur et a tenu à le faire sans dissimuler son identité.

Vous disiez que le respect des droits de l’homme devrait être au cœur de la politique. Mais c’est le cas ! Contrairement à ce que vous avez insinué, nous ne voulons pas que les étrangers soient considérés comme des coupables. On n’est pas coupable parce que l’on est étranger. Mais reconnaissez aussi que ce n’est pas la même chose d’être en situation régulière ou en situation irrégulière ! C’est toute la différence. Ce n’est que cela, mais c’est tout cela.

Vous avez évoqué la « politique du chiffre ». En réalité, compte tenu de tout ce que je viens d’évoquer, il vaudrait mieux parler de « politique des chiffres », c'est-à-dire, d’abord et avant tout, les chiffre des reconduites à la frontière.

Nous sommes dans un monde ouvert, où l’information circule. Par conséquent, lorsque la France dit qu’elle reconduit à la frontière un certain nombre de personnes en situation irrégulière, elle adresse un signal très fort aux éventuels candidats à l’immigration clandestine.

Et ce ne sont pas des mots ou des vœux pieux. Dans tous les pays d’émigration, des associations ou des parents d’éventuels migrants se fondent sur nos chiffres de reconduites à la frontière et font de l’action pédagogique auprès de leurs enfants ou de leurs proches afin de les dissuader de traverser les mers et de risquer leur vie pour gagner un pays qui ne les accueillera pas.

Plus important encore, le message est également reçu par les passeurs. Car autant nous nous contentons de reconduire à la frontière les personnes en situation irrégulière, autant nous menons une véritable guerre contre les exploiteurs, les passeurs et les filières criminelles de l’immigration clandestine. Or, quand on est en guerre, il faut bien adresser des signaux clairs, et les chiffres que vous évoquez en font partie.

Par ailleurs, la fermeture de Sangatte était, me semble-t-il, une décision nécessaire, dont les effets en termes de diminution du nombre d’étrangers en situation irrégulière ont été pendant longtemps extrêmement favorables.

Mme Alima Boumediene-Thiery. C’est faux ! Cela n’a rien réglé !

M. Éric Besson, ministre. Malheureusement, depuis six mois, la courbe a remonté et les passeurs ont repris leur triste commerce. À cet égard, j’ai entendu beaucoup de constats, mais peu de propositions.

D’ailleurs, monsieur le sénateur, si votre intervention, sur laquelle j’avais des points d'accord et de désaccord, était intéressante, je n’ai pas entendu dans votre bouche l’expression d’une politique migratoire susceptible de se substituer à celle qui est menée par le Gouvernement.

M. Alain Anziani. En cinq minutes, c’était difficile !

M. Éric Besson, ministre. Je vous le concède. Je souhaitais même ajouter que vous n’en aviez peut-être pas eu le temps, mais je craignais que vous ne vous mépreniez sur le sens de mon propos, en y percevant à tort de l’ironie. Toutefois, compte tenu de votre observation, je reconnais que vous avez effectivement manqué de temps…

Madame Assassi, votre intervention était modérément nuancée, si vous me permettez la formule. Si j’ai bien compris votre introduction, selon vous, c’est la loi qui, parce qu’elle est modifiée en permanence, crée des hors-la-loi. Vous opérez là un curieux retournement du principe : il revient à un État de droit, souverain, de dire qui peut entrer et séjourner sur son territoire et qui ne le peut pas, et ceux qui ne respectent pas les règles ainsi définies se mettent hors la loi.

Mme Éliane Assassi. Vous faites semblant de ne pas comprendre !

M. Éric Besson, ministre. Vous nous avez reproché de nous servir de l’espace où se trouvent les migrants à Calais comme d’un affreux épouvantail. Pourtant, d’autres intervenants ont estimé, à juste titre, que nous devions cesser de nous autoflageller à ce sujet.

Pourquoi une telle situation s’est-elle développée à Calais ?

Tout d’abord, un certain nombre de ressortissants de pays en proie à des guerres intestines, à des guerres civiles, anglophones et anglophiles, veulent à tout prix gagner le Royaume-Uni et ne souhaitent pas rester en France, considérant notre pays uniquement comme une zone de transit.

Ensuite, les personnes rassemblées dans cette « jungle » de Calais pourraient être hébergées par l’État français, comme elles le sont parfois dans la zone du port, si toutefois elles acceptaient d’être déplacées dans des lieux d’hébergement où elles seraient accueillies plus dignement. Mais elles refusent, parce qu’elles veulent dormir à proximité du port à partir duquel elles espèrent entrer clandestinement au Royaume-Uni. Or la loi française ne peut obliger quelqu’un à aller dormir là où il ne veut pas aller. D’où ces images épouvantables, certes, mais à propos desquelles rien ne sert de nous autoflageller.

J’ai été surpris par ce que vous avez dit sur les fonctionnaires, que vous soupçonnez – peut-être est-ce plus qu’un soupçon, une accusation - de participer à une chasse aux étrangers. Je préfère vous laisser la responsabilité de ces propos.

Mme Éliane Assassi. Cela fait plusieurs fois que je le dis ! Je l’assume !

M. Éric Besson, ministre. En revanche, je vous remercie d’avoir évoqué la nécessité de lutter contre le travail illégal, lequel, je le redis, sape les fondements de notre protection sociale, surtout dans un pays qui prétend concilier compétitivité et haut niveau de protection sociale.

M. Jean-Luc Fichet. C’est clair !

M. Éric Besson, ministre. Je vous remercie également d’avoir dénoncé clairement les marchands de sommeil. J’indique au passage à Mme Boumediene-Thiery que ce sont ces trafiquants, ces marchands de sommeil, ces personnes qui font travailler les étrangers en situation irrégulière, qui sont les « aidants » mentionnés dans le texte qu’elle a cité, c'est-à-dire un document de police dépourvu de force juridique, mais qui a été évoqué lors du débat budgétaire.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Il n’est pas appliqué !

M. Éric Besson, ministre. Le terme « aidants » me paraissant maladroit, j’ai souhaité que l’on parle désormais de trafiquants ou de personnes qui facilitent ce trafic. Reste que, au-delà de ce problème de terminologie, ce sont bien ceux-là qui sont visés dans les tableaux.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cela permet d’autres interprétations !

M. Éric Besson, ministre. Je ne reviens pas sur le « délit de solidarité », au sujet duquel je me suis déjà exprimé.

Vous vous étonnez, madame Assassi, de même que Mme Boumediene-Thiery, que je puisse mettre en doute la parole des associations. Permettez-moi de vous répondre par un argument d’autorité : comment pouvez-vous mettre en doute la parole de l’État, de la police, de la justice, des fonctionnaires ? Nous sommes dans une démocratie ! Alors, oui, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai le droit, moi, de m’interroger sur les propos d’un certain nombre d’associations.

Je vais même plus loin : je viens de publier un communiqué par lequel je démontre que la liste des trente-deux supposées condamnations au titre du supposé « délit de solidarité » présentée par le GISTI est, en fait, une très lourde et très grave erreur, ainsi que j’ai pu le constater après une dizaine de jours de vérifications, parce que je préfère ne m’exprimer qu’à partir d’arguments solides et non de on-dit.

La preuve, qui est consultable dès à présent sur le site du ministère de l’immigration, est cruelle pour le GISTI. Je ne m’étendrai pas, afin que vous ne me soupçonniez pas de le faire intentionnellement, ce qui me blesserait profondément. (Mme Éliane Assassi s’exclame.)

Vous avez évoqué, ce qui m’a choqué au moins autant, le chantage sur les pays d’immigration qui aurait permis les huit accords bilatéraux signés par mon prédécesseur.

Lors de la visite que je viens d’effectuer dans plusieurs pays africains, notamment au Sénégal, au Cap-Vert, en Tunisie, les dirigeants, chefs d’État ou ministres concernés que j’ai pu rencontrer m’ont demandé – entendez-moi bien – de tout faire pour renforcer la lutte contre l’immigration clandestine parce qu’ils s’en estiment les premières et principales victimes. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Éliane Assassi. Vous parlez de liberté en Tunisie, monsieur le ministre ? Vous ne pouvez pas dire de telles choses !

M. Éric Besson, ministre. Madame, je ne vous ai pas interrompue, tout à l’heure, et Dieu sait – Dieu laïc, s’entend –que la tentation a été grande à plusieurs reprises ! Souffrez donc que j’aille au terme de ma réponse.

Mieux encore, considérant que nos accords bilatéraux sont exemplaires, ces pays ont demandé que l’Assemblée nationale française les ratifie au plus vite – le Sénat l’a déjà fait – de façon qu’ils puissent s’en prévaloir auprès des autres États européens pour en signer de similaires avec eux.

Mme Alima Boumediene-Thiery. L’organisation d’un nouvel esclavagisme !

M. Éric Besson, ministre. Vous le voyez, nous sommes loin, très loin du chantage. Ce sont des pays souverains, aux dirigeants intelligents et responsables, qui assument les intérêts de leur pays et considèrent que ce sont des accords que l’on qualifierait aujourd’hui de « gagnants-gagnants ».

Vous vous inquiétez du « pillage » des cerveaux et des ressources humaines de ces pays. Nous sommes sensibles à votre préoccupation. C’est la raison pour laquelle nous voulons promouvoir une immigration de circulation.

À cet égard, la carte de séjour « compétences et talents » mise en place par mon prédécesseur, et que je compte développer autant que possible, permet à un étranger de demeurer en France pendant une durée de trois ans renouvelable, d’y acquérir une formation ou une expérience complémentaires, étant entendu, dès le départ, qu’il a vocation à retourner dans son pays d’origine pour faire profiter ses compatriotes des compétences et des talents qu’il aura pu développer.

Vous avez conclu en disant que cette politique était coûteuse, inefficace, dangereuse.

Je m’attendais à une proposition de votre part, la définition d’une politique migratoire alternative, d’autant que vous aviez dit, et j’avais été par l’odeur alléché (Sourires sur les travées de lUMP.), qu’il n’était pas question pour vous de ne rien faire.

Mme Éliane Assassi. Le partenariat, la coopération, le codéveloppement, ces mots ont un sens !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Les régularisations !

M. Éric Besson, ministre. Malheureusement, comme pour votre collègue M. Anziani, le temps vous a sans doute manqué pour formuler une proposition, mais j’espère qu’une autre occasion se présentera. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

En revanche, vous avez parlé de populisme et, là, je n’ironiserai plus.

Puis-je vous faire remarquer, madame la sénatrice, que la France est actuellement l’un des rares pays d’Europe, pour ne pas dire le seul –  mais soyons généreux – à ne pas connaître de montée de la xénophobie ?

Non, mesdames, messieurs les sénateurs, il ne se développe pas de mouvements xénophobes en France, ni de stigmatisation des travailleurs étrangers, en situation régulière ou irrégulière.

Vous trouverez toutes les raisons de la terre à cela. Moi, j’y vois une explication majeure : le peuple, dans le sens le plus noble et le plus profond du terme, adhère à notre politique migratoire, faite de fermeté et d’humanité, et c’est bien parce que nous concilions les deux qu’il n’existe pas de poussée xénophobe dans notre pays. (Mme Éliane Assassi proteste.)

Je salue maintenant la qualité de l’intervention de François-Noël Buffet, riche de précision, de pondération et d’humanisme.

Je veux vous remercier, monsieur le sénateur, d’avoir rappelé quelques éléments fondamentaux, en particulier que le respect de la règle devait être concilié avec la prise en compte de ce que vous avez appelé, à juste titre, le « facteur humain ».

Je le disais à l’instant : fermeté et humanité sont les deux piliers de notre politique migratoire et nous ne transigerons ni avec l’un ni avec l’autre.

Vous avez également très justement souligné, et je vous en remercie, que la lutte contre l’immigration clandestine ne constituait qu’un élément d’une politique globale. J’assume cet élément, mais il faut le replacer, en effet, dans un cadre plus général. La France et l’Europe ont mis fin au mythe de l’« immigration zéro », ne l’oublions jamais. Le Pacte européen sur l’immigration et l’asile adopté par le Conseil européen vise l’immigration légale assumée, ce qui implique la lutte contre l’immigration illégale et la promotion du développement solidaire, c’est-à-dire la création d’emplois, d’activités dans les pays d’émigration.

Je vous sais également gré d’avoir mis l’accent sur le fléau que constituent la professionnalisation, la criminalisation des filières de l’immigration clandestine. Dans les décennies à venir, nous aurons à lutter tous ensemble, les cinq continents confondus – les Latino-Américains, les Africains et les Asiatiques nous le disent avec force – contre la criminalisation croissante de ces filières et leur fusion progressive, et quasi inexorable à l’heure actuelle, avec d’autres réseaux d’activités criminelles, notamment le proxénétisme, le trafic de drogues, le prélèvement forcé d’organes.

C’est un fléau majeur dont il nous faut prendre la mesure dans nos politiques et sur lequel nous devons alerter les populations.

Oui, le signal de fermeté doit être donné en permanence. Je l’ai dit, dans un monde ouvert, globalisé, où règnent les nouvelles technologies de l’information et de la communication, les informations circulent vite, d’où l’importance de ce signal.

Je vous remercie enfin d’avoir rappelé que l’État apporte sa contribution en consacrant 20 millions d’euros en faveur des associations qui aident les étrangers en situation irrégulière, notamment pour l’hébergement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous ne sommes pas schizophrènes ! Comment pourrions-nous apporter une aide matérielle et physique aux étrangers en situation irrégulière, une contribution financière aux associations qui les soutiennent, et, en même temps, les pourchasser ? On peut nous faire tous les procès, mais pas celui de la schizophrénie !