Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour présenter l’amendement n° 58.

Mme Isabelle Pasquet. Nous partageons le souhait des associations de consommateurs de voir renforcer l’information sur les opérations de regroupement de crédits.

Certains ménages ont tendance à multiplier les crédits. Ils y sont fortement incités par les banques, les enseignes de la grande distribution, les organismes spécialisés qui leur proposent quotidiennement des crédits par courrier, par mail ou encore aux caisses des supermarchés ou des magasins de vente de matériels informatiques, de produits culturels, d’appareils électroménagers. Les opérations de regroupement de crédits leur apparaissent alors comme une solution simple. C’est en quelque sorte la deuxième phase du crédit : une première catégorie d’organismes démarche les consommateurs en leur proposant des crédits pour tout, une seconde leur offre de regrouper ceux-ci.

Tout paraît simple et pleinement favorable à l’emprunteur, mais cette opération de regroupement de crédits a un coût. Les frais qui permettent aux organismes spécialisés de se rémunérer sont souvent mal connus des contractants, ce qui ne permet pas à ces derniers de prendre une décision en toute connaissance de cause. En outre, si le coût réel de l’opération n’apparaît pas clairement, comment l’emprunteur peut-il comparer les différentes offres pour choisir celle qui lui convient le mieux ?

Il nous semble donc opportun d’insérer dans le texte une disposition réglementant la publicité sur les opérations de regroupement de crédits, afin que toute offre fasse apparaître, de façon claire, lisible et normée, le surcoût engendré par le rachat de crédits, qui est obtenu en déduisant du coût total de celui-ci le coût des différents crédits initiaux.

Dans l’intérêt du consommateur, pour lui permettre de disposer des éléments nécessaires à un choix conscient et éclairé, je vous demande, mes chers collègues, de voter cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Dominati, rapporteur. Ces deux amendements soulèvent une question qui préoccupe un grand nombre de membres de la commission.

Comme l’a souligné M. le président de la commission spéciale, en matière de regroupement de crédits, si de nombreux organismes rendent un réel service social aux consommateurs en leur permettant d’entamer une réflexion sur leur endettement tout en proposant de véritables solutions, il existe aussi des opérateurs aux agissements beaucoup plus contestables, voire condamnables. Certaines de nos auditions l’ont bien montré.

Pour autant, ces amendements concernent la publicité et l’information. Or, dans cette phase préliminaire, les variables à prendre en compte sont tellement nombreuses qu’il est quasiment impossible de donner satisfaction à leurs auteurs. En effet, on peut regrouper des crédits à taux variable avec des crédits à taux fixe, il peut y avoir des échéances impayées, des frais de dossier différents… Je ne vois donc pas comment les publicités pourraient comporter les informations mentionnées dans les deux amendements.

Il appartiendra au Gouvernement d’enrichir sa réflexion des travaux de la commission spéciale. Le décret est sans doute une solution souple pour résoudre une question qui nous a semblé très compliquée, madame Bricq.

Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements, tout en comprenant l’intention de leurs auteurs.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements, pour les raisons qui ont été évoquées par M. le rapporteur. En effet, il n’est pas possible de mesurer le surcoût lié à une opération de rachat de crédits.

Je souhaite remercier la commission spéciale d’avoir engagé un débat sur cette question importante.

Monsieur le président de la commission spéciale, vous m’avez interrogée sur une éventuelle homologation des sociétés de rachat de crédits, afin d’aider le consommateur à faire la distinction entre les organismes sérieux, présentant toutes les garanties souhaitables, et ceux qui sont moins recommandables, moins solides et moins respectueux des obligations qui s’imposent à eux.

J’avais demandé à M. Bruno Deletré et à l’Inspection générale des finances de rédiger un premier rapport sur la réforme des autorités de contrôle, à savoir la Commission bancaire, l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles et l’Autorité des marchés financiers.

M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. Très bon rapport !

Mme Christine Lagarde, ministre. Tout à fait ! Il nourrit d’ailleurs notre réflexion, et le haut comité de place qui se tiendra le 2 juillet prochain sera consulté sur certaines préconisations que nous mettrons en œuvre avant le mois de décembre. La loi de modernisation de l’économie autorise le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance en cette matière.

J’ai décidé de confier à l’Inspection générale des finances un deuxième travail, portant sur la commercialisation des produits financiers, et je lui ai demandé d’inclure dans le champ de sa réflexion les activités de rachat de crédits à la consommation, afin d’examiner les conditions et les garanties offertes, en particulier lorsque les offres émanent de sociétés étrangères. Cela permettra de faire le tri entre les sociétés sérieuses et scrupuleuses et les autres.

M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. Merci beaucoup !

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 29 et 58.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 18.

(L'article 18 est adopté.)

CHAPITRE III

MICRO-CRÉDIT

Article 18
Dossier législatif : projet de loi portant réforme du crédit à la consommation
Article 18 bis

Article additionnel avant l'article 18 bis

Mme la présidente. L'amendement n° 16, présenté par Mmes Bricq et Chevé, MM. Sueur, Angels, Anziani, Collombat et Fauconnier, Mme Ghali, MM. Guérini, Hervé, Patriat, Raoul, Teulade, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 18 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Les établissements de crédit mentionnés à l'article L. 511-1 du code monétaire et financier passibles de l'impôt sur les sociétés, de l'impôt sur le revenu ou d'un impôt équivalent, ayant leur siège dans un État membre de la Communauté européenne, ou dans un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale, peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre d'avances remboursables assorties d'un taux d'intérêt dont le plafond est fixé par décret.

Le montant de l'avance remboursable consentie, sur une durée maximale de 120 mois, à des personnes physiques dont les ressources sont inférieures à un seuil fixé par le même décret, ne peut excéder 3 000 € par foyer fiscal.

II. - Cette disposition n'est applicable qu'aux sommes venant en déduction de l'impôt dû.

III. - Les conséquences financières pour l'État résultant de la création du crédit d'impôt pour les établissements de crédits qui octroient un crédit social aux emprunteurs sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. À nos yeux, cet amendement est fondamental. Il se situe au cœur de toute notre argumentation sur l’accès au crédit.

Je ne reviens pas sur le constat général : nous savons que 40 % de la population est exclue du crédit, soit en raison d’une très grande pauvreté – je pense notamment aux titulaires de revenus sociaux –, soit à cause d’un statut précaire. En effet, certaines personnes ne sont pas considérées comme solvables par les établissements de crédit, notamment par les plus classiques d’entre eux, à savoir les banques, alors même qu’elles ont un travail.

Dès lors, tout le discours sur le crédit dit « responsable » relève surtout de l’affichage. J’en ai déjà longuement parlé hier. L’adoption de ce projet de loi n’empêchera pas que de nombreuses personnes continuent à être exclues du crédit. Cette situation, qui prend évidemment un relief particulier dans le contexte de crise que nous connaissons, devrait nous conduire à nous interroger sur le modèle de crédit que nous souhaitons proposer aux Français.

Je le répète, le projet de loi ne bouleverse en rien le système actuel. Au contraire, il s’inscrit dans le cadre de l’offre actuelle de crédit des banques, qui imposent aux populations jugées « à risques » de recourir au crédit renouvelable, dont on connaît les taux d’intérêt élevés et les incidents qu’il peut engendrer, ou aux services sociaux des collectivités territoriales, lesquelles interviennent également par le biais du microcrédit consenti par les caisses de crédit municipal des grandes villes. Toutefois, le développement du microcrédit n’a pas été à la hauteur des besoins.

Certes, la commission spéciale a conforté l’assise légale du microcrédit, mais en liant l’attribution de celui-ci à l’activité. Pour ma part, je lie son attribution à la vie tout court : d’un montant inférieur ou égal à 3 000 euros, il doit permettre de modifier le modèle économique, en offrant à des personnes aujourd’hui contraintes de recourir au crédit renouvelable la possibilité de bénéficier d’un crédit responsable, au montant limité et assorti d’un taux d’intérêt bonifié par l’État.

Si nous avons retenu le principe du prêt personnel bonifié par l’État, c’est d’abord pour éviter de tomber sous le coup de l’article 40 de la Constitution, que nous n’avons pas abrogé lors de la dernière révision constitutionnelle.

M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. On a bien fait de le garder !

Mme Nicole Bricq. Je n’ignore pas que M. le rapporteur général le trouve fort utile ! (Sourires.)

Nous avons également choisi ce dispositif, madame la ministre, parce qu’il est homothétique de celui que vous avez mis en place en matière de crédit immobilier avec le prêt à taux zéro, bonifié par l’État.

M. le rapporteur nous oppose le coût d’une telle mesure pour les finances publiques. Parlons donc de celui de la baisse de la TVA pour les restaurateurs, qui atteint 2 milliards d’euros ! Parlons également des multiples niches fiscales qui perdurent !

M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. Ce n’est pas une raison pour en rajouter !

Mme Nicole Bricq. Notre dispositif permettrait en outre d’inciter les acteurs du crédit à s’intéresser aux publics les plus défavorisés.

À cet égard, a été évoqué un projet de réforme du taux de l’usure, qui varierait selon le montant de l’emprunt. Or cette réforme serait sans effet pour les emprunts d’un montant inférieur à 3 000 euros : le taux de l’usure, dans ce cas, demeurerait inchangé. Vous ne faites donc aucun effort en faveur de ceux qui ont besoin de tels crédits. Les très pauvres et les exclus seront renvoyés aux services sociaux des collectivités territoriales ou aux prêts consentis par les caisses de crédit municipal des grandes villes.

Si l’on ne se préoccupe pas de ces populations, comme je le fais, pour ma part, en préconisant la mise en place d’un crédit social, les mécanismes qu’il nous est proposé d’instituer conduiront inévitablement, compte tenu de la montée de la paupérisation et de la hausse du chômage dans la période de crise actuelle, à un accroissement supplémentaire des risques de surendettement. Il nous faut donc modifier en profondeur l’offre de crédit, et la crise nous en donne l’occasion. J’ai ici un document, émanant non pas du parti socialiste, mais d’un institut très lié au secteur bancaire, qui montre bien que l’offre de bons crédits n’est pas assez ouverte.

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Dominati, rapporteur. Sur cet amendement, la majorité de la commission spéciale a une divergence d’ordre idéologique avec Mme Bricq.

Mme Nicole Bricq. Je le sais !

M. Philippe Dominati, rapporteur. Nous sommes convaincus d’avoir obtenu une avancée significative en matière de microcrédit : dans le projet de loi figurent des dispositions qui permettront de lui donner un nouvel élan, et pas uniquement dans le cadre d’un projet de retour à l’emploi, comme vous l’avez affirmé, ma chère collègue. Ces microcrédits pourront en effet également être accordés en vue de la réalisation de projets d’insertion sociale non directement liés à un objectif professionnel. Nous avons constaté que ce mécanisme fonctionne dans des conditions satisfaisantes, surtout s’il est assorti d’un accompagnement social. Tous les acteurs du microcrédit ont souligné ce point.

La commission spéciale estime que votre proposition tend à dénaturer l’esprit même du projet de loi, qui est de responsabiliser les établissements prêteurs. Si l’on dispense les banques de vérifier la solvabilité de l’emprunteur,…

M. Philippe Dominati, rapporteur. … on déresponsabilise l’ensemble du système.

M. Daniel Raoul. Hors sujet !

Mme Nicole Bricq. Il n’en est pas question !

M. Philippe Dominati, rapporteur. Enfin, comme vous l’avez souligné, la mise en œuvre de la mesure que vous préconisez engagerait, d’une manière ou d’une autre, les finances publiques. Si l’on considère que la puissance publique doit intervenir en matière de crédit, on peut imaginer d’autres formes d’aide, beaucoup plus directes. Pour ma part, je n’en suis pas partisan, et tous ceux qui sont soucieux de l’équilibre des finances publiques ne le sont pas non plus.

Cela étant, dans cette perspective, j’ai envisagé quelques dispositions concernant, par exemple, la part amortissable du remboursement de la dette. Mais c’est un autre sujet, dont nous pourrons discuter à l’occasion d’un débat budgétaire ultérieur.

Quoi qu’il en soit, en matière de finances publiques, nous n’avons effectivement pas la même approche, madame Bricq.

Mme Nicole Bricq. C’est sûr : on ne travaille pas pour les mêmes !

M. Philippe Dominati, rapporteur. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.

M. Jean-Pierre Sueur. C’est le contraire du bouclier fiscal !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

Votre amendement, madame Bricq, vise à mettre en place un mécanisme de microcrédit. Il s’agit non pas d’une bonification, mais d’un crédit d’impôt qui s’appliquerait à l’intégralité de la somme, si j’ai bien compris.

Mme Nicole Bricq. Non, ça dépend !

Mme Christine Lagarde, ministre. Nous partageons votre objectif, à savoir soutenir les ménages les plus défavorisés, mais nous voulons l’atteindre par d’autres voies. La montée en puissance du revenu de solidarité active permettra, nous en sommes convaincus, de rapprocher graduellement du marché du travail les plus défavorisés de nos concitoyens. Nous voulons faire œuvre utile en mettant plus de moyens à la disposition de ceux qui reprennent un travail.

Par ailleurs, nous sommes évidemment très désireux de poursuivre l’expérimentation du microcrédit social. À cet égard, j’appelle l’attention du Sénat sur le fait que, le 14 juin dernier, le Gouvernement a publié un décret d’application de la loi de modernisation de l’économie qui permettra en particulier à un nombre bien plus grand d’associations et de fondations de pratiquer le microcrédit. Au cours de ces trois derniers jours, certaines ont déjà pu utiliser le dispositif du décret.

Nous voulons multiplier les acteurs du microcrédit. C’est également pour cette raison que le financement du Fonds de cohésion sociale est désormais assuré dans une mesure plus importante par des crédits de la DGEFP, la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle, qui dépend de mon ministère.

En outre, le Président de la République m’a tout récemment demandé de mobiliser une enveloppe de prêts à prix coûtant sur fonds d’épargne pour assurer le développement du microcrédit.

Nous répondons ainsi à la demande de multiples associations pratiquant le microcrédit, en particulier PlaNet Finance. Notre ambition est donc bien de soutenir les ménages modestes, mais par d’autres voies que celle que vous préconisez, madame Bricq.

Bien sûr, l’éco-PTZ et le PTZ sont des mécanismes qui permettent, d’une certaine manière, une bonification de taux d’intérêt, mais ils correspondent à des objectifs d’intérêt général, comme favoriser l’accession à la propriété ou la rénovation de l’habitat pour se conformer à certaines normes environnementales.

Pour votre part, vous avez choisi le crédit d’impôt pour éviter l’irrecevabilité au titre de l’article 40, mais je ne suis pas certaine d’avoir bien compris sur quelle assiette il s’appliquerait. Quoi qu’il en soit, mettre aujourd’hui en place, au bénéfice des ménages défavorisés, des prêts à la consommation, fussent-ils assortis d’un crédit d’impôt, ne me paraît pas être la façon la plus responsable d’augmenter le pouvoir d’achat.

Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. J’ai l’impression, madame la ministre, que nous ne parlons pas du même sujet.

Je pars du principe que le métier de base d’un banquier est avant tout de consentir des crédits, même si les banques se sont beaucoup écartées de cette vocation ces derniers temps, en allant quelquefois jusqu’à se lancer dans des investissements très hasardeux. La nécessité de mettre en œuvre des plans destinés à lutter contre la crise économique issue de la crise financière témoigne, s’il en était besoin, de certains dysfonctionnements…

Vous avez ainsi dû régler des problèmes très délicats. À titre d’exemple, nous avons débattu, voilà une quinzaine de jours, du rapprochement des caisses d’épargne et des banques populaires, qui encourageaient les épargnants à acheter des actions de leur filiale commune Natixis, dont la valeur est aujourd’hui presque nulle.

M. Charles Revet. Il ne faut pas tout mélanger !

Mme Nicole Bricq. Quand les banquiers ne font pas leur métier, ils se défaussent de leurs véritables responsabilités sur le secteur social et les fondations. C’est trop facile ! L’État doit réamorcer l’offre de crédits. Cela permettrait au passage de « dégonfler » le crédit renouvelable, qui est la forme de crédit la plus intéressante pour les établissements prêteurs à l’heure actuelle, son taux d’intérêt étant proche du plafond du taux de l’usure. Beaucoup de gens souscrivent un crédit renouvelable faute d’une offre qui corresponde réellement à leurs besoins. De nombreux salariés qualifiés de « travailleurs pauvres », même s’ils ne sont pas tous pauvres – je ne parle pas ici des bénéficiaires du RMI, demain du RSA –, qui sont parfois obligés, avec le développement du temps partiel, de cumuler deux voire trois emplois, n’osent même plus pousser la porte des établissements bancaires pour demander un prêt. Ils ont donc recours aux crédits les plus chers.

Cet amendement reflète un certain choix de société, et je sais gré à M. le rapporteur d’avoir reconnu franchement que nous divergions sur ce sujet. Nous ne partageons pas le même objectif, madame la ministre. Je parle non pas des fondations, de l’action sociale, mais des professionnels du crédit, qui ne font pas leur métier. Je vous mets au défi de nous dire, dans un an, combien de bénéficiaires du RSA se seront vu proposer un crédit personnel, et à quel taux ! En effet, la réforme du taux de l’usure que vous envisagez ne changera rien pour les prêts d’un montant inférieur à 3 000 euros ; leur taux d’intérêt pourrait même augmenter, puisque ce sont les plus risqués aux yeux des banquiers.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. Je voudrais redire à Nicole Bricq pourquoi la majorité de la commission ne peut pas accepter son amendement.

Vous voudriez que les banques fassent leur métier, mais votre amendement vise en fait à les transformer en caisses de distribution, sans la moindre analyse préalable des dossiers, d’un droit au crédit de 3 000 euros à un taux bonifié par l’État pour toute personne dont les ressources sont inférieures à un certain seuil. Est-ce là le métier de banquier ? Non, c’est celui d’une caisse publique !

Il vaudrait sans doute mieux, selon cette logique, augmenter le SMIC et les prestations sociales, comme le recommandait tout à l’heure Mme Terrade !

Mme Nicole Bricq. Je ne vous parle pas du pouvoir d’achat !

M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. C’est pourtant bien de cela qu’il s’agit ! Vous proposez de créer, par cet amendement, pour toute personne dont les ressources sont inférieures à un certain seuil, un droit…

Mme Nicole Bricq. Non, une capacité !

M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. … à un crédit de 3 000 euros à un taux bonifié par l’État. La banque n’étudiera pas les dossiers, mais elle ne prendra aucun risque, puisque la compensation, gagée sur une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs, sera assurée par l’État !

Sincèrement, nous ne pouvons accepter cet amendement, pour des raisons de principe, car c’est la négation du crédit ! Vous voudriez améliorer la situation des futurs bénéficiaires du RSA – dispositif dont vous n’avez pas voté la généralisation, si je ne me trompe – en leur allouant d’office un crédit de 3 000 euros. Ces personnes ont-elles vraiment besoin d’un tel crédit ?

Mme Nicole Bricq. Il ne sera pas attribué d’office ! Vous n’avez pas lu mon amendement !

M. Philippe Marini, président de la commission spéciale. Mais si, je l’ai analysé de manière extrêmement précise.

La majorité de la commission ne peut qu’appeler la majorité du Sénat à réserver à cet amendement le sort qu’il mérite !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel avant l'article 18 bis
Dossier législatif : projet de loi portant réforme du crédit à la consommation
Article 19 (Texte non modifié par la commission) (début)

Article 18 bis

Le III de l'article 80 de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale est ainsi rédigé :

III. - 1° L'État abonde par une dotation dont le montant est arrêté annuellement en loi de finances un fonds ayant pour objet de garantir des prêts à des fins sociales. Les établissements de crédit, les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale peuvent également contribuer à son financement.

2° Les prêts garantis par le fonds sont :

a) Les prêts destinés à participer au financement des projets d'insertion accordés à des personnes physiques confrontées à des difficultés de financement, dont les capacités de remboursement de ces prêts sont jugées suffisantes par les prêteurs et qui bénéficient d'un accompagnement social. Ces prêts sont accordés dans une perspective d'accès, de maintien ou de retour à un emploi. Ils peuvent également être accordés pour la réalisation de projets d'insertion sociale qui ne sont pas directement liés à un objectif professionnel.

b) Les prêts alloués aux entreprises durant les cinq premières années suivant leur création ou leur reprise et n'employant pas plus de trois salariés.

Les modalités et la durée de la garantie sont fixées par décret.

3° Le fonds peut également prendre en charge des dépenses d'accompagnement des bénéficiaires liées à la mise en œuvre des projets financés par les prêts qu'il garantit, ainsi que les frais afférents à l'évaluation de ces opérations.

Mme la présidente. L'amendement n° 7 rectifié ter, présenté par MM. Portelli et del Picchia, Mmes Desmarescaux et B. Dupont, M. B. Fournier, Mme Keller, MM. Laménie, Lefèvre, Leleux et Leroy, Mme Malovry, MM. Milon, Pierre et Pinton, Mmes Payet et Garriaud-Maylam, MM. Demuynck et Juilhard, Mlle Joissains et M. Revet, est ainsi libellé :

Après le quatrième alinéa (a) cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...) Les prêts destinés à participer uniquement au financement de projets d'accès, de maintien ou de retour à l'emploi pour les personnes en surendettement, après avis de la commission de surendettement compétente.

La parole est à M. Hugues Portelli.

M. Hugues Portelli. Les personnes qui sont en phase de retour à l’emploi, notamment dans les professions indépendantes, ont souvent besoin, pour s’installer, de contracter un crédit.

Il s’agit, par cet amendement, de permettre aux personnes en situation de surendettement de bénéficier d’un tel crédit, après avis de la commission de surendettement compétente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Dominati, rapporteur. La commission souhaiterait connaître l’avis du Gouvernement sur cet amendement. Il existe un risque de rupture d’égalité, dans la mesure où l’État devrait garantir les sommes dues aux créanciers. Le principe de ce mécanisme semble difficilement acceptable.

Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur Portelli, le Gouvernement est évidemment sensible au problème que vous soulevez.

Nous menons actuellement une expérimentation de microcrédit social, garanti par le Fonds de cohésion sociale, en faveur de personnes en situation de surendettement, afin de mesurer l’efficacité d’un tel dispositif.

Dans l’immédiat, je vous appelle à la prudence, monsieur le sénateur, et je vous invite à retirer votre amendement.

En effet, le mécanisme que vous proposez consiste à assortir des prêts consentis par des organismes bancaires ou des institutions financières à des personnes surendettées de la garantie de l’État. Cela revient finalement à faire peser sur l’autorité publique un risque qui doit normalement être assumé par le prêteur.

Par ailleurs, faut-il encourager le développement du crédit pour des personnes surendettées ? Soyons prudents, et attendons les résultats de l’expérimentation actuelle avant d’aller plus loin. Je ne manquerai pas de vous les communiquer.

Mme la présidente. Monsieur Portelli, l'amendement n° 7 rectifié ter est-il maintenu ?

M. Hugues Portelli. Je le maintiens pour deux raisons.

La première, c’est que, dans la situation économique actuelle, l’urgence commande.

La seconde, c’est qu’aucun des amendements que j’ai déposés n’a été accepté par le Gouvernement, qui m’a systématiquement demandé de les retirer, y compris ceux pour lesquels les collaborateurs de Mme la ministre m’avaient laissé espérer un avis favorable ou de sagesse. J’ai une overdose de demandes de retrait, madame la ministre ! (Sourires.)

Mme Nicole Bricq. Nous soutenons cet amendement !

M. Daniel Raoul. Nous sommes solidaires !

Mme Odette Terrade. Nous aussi !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 7 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 18 bis.

(L'article 18 bis est adopté.)

TITRE III

CONTRÔLE DE LA COMMERCIALISATION DES PRODUITS ET SERVICES FINANCIERS, BANCAIRES, D'ASSURANCE ET DES OPÉRATIONS DE CRÉDIT