M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. L’amendement n° 125 rectifié me pose un véritable problème. Il n’est pas anodin en effet de remplacer le mot « surveillance » par le mot « évaluation ». Le mot « surveillance » a un caractère opérationnel. Il s’agit d’identifier les pics d’émission de polluants qui ont un effet sur la santé, afin de déclencher des mesures. Le mot « évaluation » désigne ce qui se pratique dans d’autres cadres ; c’est par exemple ce que fait l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie ou d’autres organismes.

Il y a ensuite la question des gaz à effet de serre, dont sont en charge le Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique, le CITEPA – son inventaire national va être régionalisé –, ou le Laboratoire central de surveillance de la qualité de l’air.

Face aux problèmes de santé liés à l’environnement, la surveillance devient de plus en plus cruciale. Passer de la « surveillance » à l’ « évaluation » soulève vraiment un problème. Vous avez d’ailleurs été le premier, monsieur Richert, à souligner le lien entre qualité de l’air et lutte contre les changements climatiques.

M. Philippe Richert. Cela a été dur !

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. La question de la qualité de l’air est au cœur du plan national santé-environnement. Je rappelle que la mauvaise qualité de l’air est responsable de 30 000 décès prématurés par an, ce qui est considérable.

Telles sont les raisons pour lesquelles j’émets un avis défavorable sur votre amendement, monsieur Richert. Sur la question de la régionalisation, je suivrai l’avis de M. le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote sur les sous-amendements identiques nos 920 rectifié ter et 929.

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est une intervention d’humeur, monsieur le président !

La vocation du présent projet de loi est de faire prendre en compte les considérations environnementales par le plus grand nombre. Or, plus nous avançons dans le débat, plus nous assistons à une inflation sémantique, qui témoigne d’ailleurs de la richesse de la langue française. Il a d’abord été question de la différence entre un avis et une recommandation. Nous nous intéressons maintenant à la différence entre la notion de surveillance et celle d’évaluation, et l’on se penche en outre, de manière très savante, sur la différence entre l’air et l’atmosphère !

Je crains que, si nous persistons dans cette voie, le texte ne gagne guère en clarté… Or, je le répète, la vocation d’une loi est d’être accessible au plus grand nombre !

M. le président. La parole est à M. Philippe Richert, pour explication de vote.

M. Philippe Richert. Pourquoi faire une différence entre « air » et « atmosphère » ? Mme la secrétaire d’État vient de le rappeler, ce qui nous préoccupe, ce n’est pas simplement la qualité de l’air et ses conséquences sanitaires, ce sont aussi les émissions de gaz à effet de serre. Or, on le sait, les gaz à effet de serre ne s’accumulent pas juste dans l’air qui est autour de nous. Ils participent à la modification de l’atmosphère. Dans sa démonstration effectivement très savante, M. le rapporteur a bien expliqué la différence entre ces deux mots.

Il ne s’agit pas seulement de mesurer la pollution « classique » de l’air que nous respirons, il faut également prendre en compte les impacts sanitaires considérables de la pollution, notamment de celle qui est liée à l’émission de fines particules. Je rappelle, car c’est important, que la pollution est responsable de la mort prématurée de 350 000 personnes par an en Europe. Par ailleurs, nous devons également prendre en compte le réchauffement climatique, qui n’est pas d’effet immédiat.

Le mot « atmosphère » est donc important pour ne pas en rester à la dichotomie qui a trop longtemps caractérisé l’approche du ministère et contre laquelle il a fallu se battre. Cette époque est aujourd'hui révolue, et je m’en réjouis.

De même, il y a une différence entre évaluation et mesure. Il ne suffit plus simplement de mesurer les polluants « historiques » comme on le fait traditionnellement. Il est de plus en plus nécessaire, notamment pour les émissions de CO2, de procéder à des évaluations.

Nous avons adopté un amendement qui vise à permettre à des organismes agréés de surveiller, à la demande du Gouvernement, les émissions de gaz à effet de serre. Nous devons être cohérents dans nos votes. Il importe d’aller au-delà de la simple surveillance. Nous devons effectuer des mesures précises et évaluer les conséquences de la pollution à la fois sur l’air que nous respirons et sur l’atmosphère.

Pour conclure, permettez-moi de revenir sur la question du passage à un seul organisme de surveillance par région. C’est déjà le cas dans la quasi-totalité des régions de France, ce qui permet de réaliser des économies et d’obtenir une plus grande efficacité. Le but n’est évidemment pas – soyons raisonnables ! – de supprimer les capteurs qui permettent de mesurer la différence de qualité de l’air entre les départements ou entre une vallée et les sommets. Simplement, le maintien de multiples associations serait source de complexité sur le terrain et entraînerait des dépenses supplémentaires.

Il paraît donc sage, ne serait-ce que dans un souci de cohérence législative, compte tenu de l’amendement que nous avons déjà adopté, de passer de plusieurs organismes de surveillance à un seul organisme de surveillance par région.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Vial. J’ai bien entendu l’argumentation de M. le rapporteur, qui se fonde sur un souci de cohérence avec les dispositions adoptées précédemment. Dont acte ! Mais ce n’est pas parce que le rapporteur en reste à sa jurisprudence ou à sa doctrine que l’hémicycle est tenu de le suivre.

Si le Sénat a adopté voilà quelques jours les dispositions que M. le rapporteur vient de mentionner, c’est, me semble-t-il – je n’étais pas présent dans l’hémicycle ce jour-là et le sous-amendement de même nature que j’avais déposé n’a pas été défendu –, parce qu’un certain nombre d’assurances avaient été apportées. Il avait notamment été expliqué que, comme les organismes concernés n’avaient pas de réalité effective, ils pouvaient de toute façon être regroupés.

Je tiens à rappeler que je ne demande rien d’autre que l’application de la loi telle qu’elle a été votée. Nous nous plaignons en permanence de changements législatifs trop fréquents qui nous empêchent de mettre en œuvre les textes adoptés. C’est d’ailleurs pour cela que nous avons retenu le principe d’évaluation !

En l’occurrence, nous avons une loi qui a prévu la mise en place d’organismes. Ceux-ci font-ils bien leur travail ou non ? S’ils ne le font pas bien, je suis tout à fait d'accord pour que nous les supprimions et que nous options pour des regroupements au niveau régional. Mais s’ils le font bien, pourquoi faudrait-il les supprimer ? Comme disent les Américains, « ce qui n’est pas cassé n’est pas à réparer ! »

Dans les départements de l’Ain, de la Savoie et de la Haute-Savoie, ces organismes ont non seulement fait leurs preuves, mais ils sont mêmes devenus de véritables structures de conseil et d’accompagnement des collectivités locales, et cela aussi bien dans le suivi de la qualité de l’air que dans d’autres actions ; je pense là, notamment, au Plan climat.

Par conséquent, avant de modifier une nouvelle fois l’ordonnancement juridique mis en place par la législation sur l’environnement, j’aimerais être certain que nous n’allons pas chambouler un dispositif efficace sans savoir par quoi il sera remplacé.

Aussi, je souhaiterais que nous fassions preuve de prudence, sans hypothéquer l’avenir. D’abord, si nous devions évoluer vers un regroupement avec un seul organisme par région, il vaudrait mieux le faire par étapes. Et surtout, avant de nous engager dans une telle démarche, attendons d’avoir la démonstration qu’elle est vraiment indispensable !

M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.

M. Marc Daunis. Monsieur le rapporteur, c’est précisément dans un souci de cohérence du projet de loi que nous avons déposé le sous-amendement n° 929. Le Sénat doit donc prendre position sur ces sous-amendements identiques.

Ce qui importe, bien sûr, c’est effectivement qu’une coordination s’établisse au niveau régional, comme nous le constatons avec les plans régionaux pour la qualité de l’air. Mais, à une époque où nombre de collectivités locales commencent à prendre en compte l’Agenda 21 et à intégrer cette dimension dans leur PLU, dans leur SCOT, n’enlevons pas aux grandes régions – je rappelle que trois régions seraient concernées par le dispositif – un outil fin qu’ils ont à leur disposition.

Imaginons qu’une structure soit créée pour coordonner le travail des trois acteurs concernés. Le temps qu’elle se mette en place, les régions perdraient une faculté de conseil. Il me semble donc important de faire preuve de prudence sur le sujet.

M. Didier Guillaume. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix les sous-amendements identiques nos 920 rectifié ter et 929.

(Les sous-amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 125 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 71 (début)
Dossier législatif : projet de loi portant engagement national pour l'environnement
Discussion générale

11

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 7 octobre 2009, à quatorze heures trente et le soir :

1. Nomination des dix membres de la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l’évaluation interne.

2. Suite du projet de loi portant engagement national pour l’environnement (Urgence déclarée) (n° 155, 2008-2009).

Rapport de MM. Dominique Braye, Louis Nègre, Bruno Sido et Daniel Dubois, fait au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (n° 552, 2008-2009).

Texte de la commission (n° 553, 2008-2009).

Avis de M. Ambroise Dupont, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 563, 2008-2009).

Avis de M. Dominique de Legge fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale (n° 576, 2008-2009).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 7 octobre 2009, à zéro heure trente.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD