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Nomination d’un membre d’un organisme extraparlementaire

M. le président. Je rappelle que la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Daniel Soulage membre titulaire du conseil d’administration de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures dix, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de M. Roger Romani.)

PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani

vice-président

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Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Simon Sutour, pour un rappel au règlement.

M. Simon Sutour. Monsieur le président, ce rappel au règlement a pour objet l’organisation de nos travaux et en particulier la séance de questions cribles thématiques qui doit avoir lieu à dix-sept heures.

À l’origine, cette séance de questions cribles thématiques devait porter sur la crise, le plan de relance et l’emploi. Or on nous a indiqué, il y a à peine quelques jours, qu’aucun ministre n’était disponible aujourd’hui, à dix-sept heures, pour débattre de ce thème particulièrement important. Pourtant, le secrétaire d’État chargé de l’emploi a déclaré ce matin même, sur les ondes – il a trouvé le temps de le faire ! –, que le nombre de chômeurs s’accroissait et qu’il ne fallait pas s’attendre à une amélioration en 2010. Cela devrait interpeller nos concitoyens !

Il nous paraissait essentiel que la représentation nationale en général, et le Sénat en particulier, puisse débattre de ce sujet. Mais on nous a suggéré, la semaine dernière, que ces questions cribles thématiques portent non plus sur la crise, le plan de relance et l’emploi, mais sur l’immigration. Le hasard a bien fait les choses : en début de semaine, le ministre de l’immigration a annoncé un grand débat sur ce thème.

Au nom de mon groupe, je regrette, monsieur le président, cet état de fait qui nuit au travail de notre assemblée et à son efficacité. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Jean-Pierre Chevènement applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je partage tout à fait les propos de M. Sutour concernant la séance de questions cribles thématiques.

Mon intervention porte sur un autre point de l’organisation de nos travaux. Notre président M. Gérard Larcher est absent, mais je suis certaine que ces propos lui seront transmis.

Nous avons appris, vendredi après-midi, que M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, serait auditionné par la commission des lois sur la réforme des collectivités territoriales mercredi, c’est-à-dire demain, à vingt et une heures. La réunion sera ouverte à tous les sénateurs, ce qui est normal, car le Sénat est particulièrement intéressé par la réforme des collectivités territoriales, mais, avec un tel horaire, elle sera peu productive.

M. Simon Sutour. C’est catastrophique !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Or il s’agit d’une réforme importante, puisque le projet de loi serait scindé en quatre textes.

Comme l’a remarqué mon collègue, il y a beaucoup à dire concernant l’organisation de nos travaux. La présidence du Sénat doit s’en rendre compte, car nous ne pouvons accepter de tels débordements.

En outre, nous avons acté, il y a seulement quinze jours, la création d’une délégation aux collectivités territoriales, au sein de laquelle les groupes sont représentés à la proportionnelle. Apparemment, cette délégation n’est pas saisie de la réforme des collectivités territoriales, ne serait-ce que pour avis. Quel est donc son objet ?

Ces remarques sont peut-être désagréables, mais elles sont partagées, j’en suis sûre, par nombre de sénateurs. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Jean-Pierre Chevènement applaudit également.)

M. le président. Acte vous est donné de ces rappels au règlement, mes chers collègues.

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Conseil européen des 29 et 30 octobre 2009

Débat sur une déclaration du Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, préalable au Conseil européen de 29 et 30 octobre 2009.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires européennes, mesdames, messieurs les sénateurs, le Président de la République et le Premier ministre participeront jeudi et vendredi prochain, les 29 et 30 octobre, à Bruxelles, au Conseil européen. J’aurai l’honneur, avec Bernard Kouchner, de les accompagner.

Cette réunion des chefs d’États et de gouvernements comporte à son ordre du jour des sujets d’une importance particulière pour la France et les Français et je suis heureux de pouvoir en débattre avec vous aujourd’hui.

Puisqu’il a été fait allusion à l’absence de tel ou tel ministre, permettez-moi de vous dire, étant moi-même un ancien parlementaire, combien je regrette que cette séance de contrôle du travail de l’exécutif, à la veille d’un important Conseil européen, soit suivie par aussi peu d’honorables sénateurs. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Didier Guillaume. C’est l’organisation de l’ordre du jour qui est à revoir !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Je le déplore, car ce sont des sujets qui intéressent tous les Français ! (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit – Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Simon Sutour. Il faudra le dire au président Gérard Larcher, qui est bien loin d’ici !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. La préparation du Conseil européen a été l’œuvre du Gouvernement dans son ensemble. La semaine dernière, Christine Lagarde et Jean-Louis Borloo étaient au conseil Ecofin et au conseil Environnement pour préparer les points de l’ordre du jour portant sur la crise économique et le climat. J’ai moi-même représenté le Gouvernement hier, à Luxembourg, au conseil Affaires générales, au cours duquel nous avons examiné les différents sujets qui seront soumis en fin de semaine aux chefs d’États et de gouvernements. Bernard Kouchner était ce matin même à Luxembourg pour la partie « Relations extérieures ».

Au-delà, ce Conseil européen a naturellement été préparé par de nombreux contacts politiques. J’ai ainsi effectué, au cours des dernières semaines, et encore récemment, des déplacements au Luxembourg, en Slovénie, en Italie, en Hongrie, en Pologne et en Espagne, par exemple, pour discuter de l’ensemble de ces sujets avec nos partenaires, suivant en cela l’exemple du Président de la République et du Premier ministre qui, avant la présidence française de l’Union européenne, avaient pris soin de se rendre dans le plus grand nombre possible d’États membres de l’Union.

Dans une Union à vingt-sept, cet effort – un peu chronophage, je dois dire – qui est aussi celui de chacun des membres du Gouvernement, et de chacun de vous, mesdames, messieurs les sénateurs, est indispensable. Chaque relation bilatérale compte.

Je précise que j’étais accompagné, lors de ces déplacements, par un parlementaire, député ou sénateur.

Le Conseil européen de cette semaine intervient un an après la crise financière et au moment où se mettent en place nos institutions, le tout dans un contexte international lourd de défis. Dès lors, il revêt pour nous une importance particulière.

Ma conviction, c’est que l’Europe est à l’aube d’une nouvelle ère. Comme l’a dit le Président de la République, « l’Europe peut faire l’histoire et contribuer à forger le XXIe siècle, au lieu de se contenter de le subir ». C’est exactement la question qui se joue en ce moment : la place de l’Europe dans la gouvernance mondiale. Tout ici est affaire de volonté.

Vous comprendrez, mesdames, messieurs les sénateurs, que je commence par un premier rendez-vous, celui des institutions.

J’espère tout d’abord que ce Conseil européen permettra de dégager la voie qui mène à l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne.

Dès juin 2007, le Président de la République a posé avec Angela Merkel les bases du traité de Lisbonne. Cette évolution de l’Europe vers de nouvelles institutions plus efficaces est une nécessité. Mais il importe maintenant de tourner cette page ; il est temps non plus de parler du traité, mais de s’en servir.

Le 2 octobre, le vote sans ambiguïté du peuple irlandais, qui s’est prononcé à plus de 67 % en faveur du traité, a levé la dernière hypothèque politique qui pesait sur la ratification de celui-ci.

Nous savons le rôle qu’ont joué, dans ce résultat, les garanties énoncées au Conseil européen en décembre 2008, sous la présidence française, avant d’être formalisées par le Conseil de juin 2009. C’est un résultat de l’engagement du Président de la République française en faveur de la ratification du traité.

L’Irlande a, depuis, parachevé ce processus en déposant, vendredi dernier, son instrument de ratification à Rome ; la Pologne l’avait imitée une semaine auparavant. Nous attendons maintenant l’achèvement de la procédure en République tchèque.

Permettez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, d’ajouter quelques mots sur ce point.

À la suite du recours déposé à la fin du mois de septembre par un groupe de sénateurs tchèques appartenant à l’ODS, une procédure est actuellement en cours devant la Cour constitutionnelle tchèque qui se réunit aujourd’hui même. Dans le plein respect des pouvoirs du juge tchèque, nous pouvons attendre la conclusion de cette procédure constitutionnelle avec confiance, car la Cour s’est déjà prononcée l’année dernière à l’unanimité de ses juges sur la conformité du traité européen à la constitution tchèque.

Puis il y a les demandes formulées par le président de la République tchèque concernant la charte des droits fondamentaux. La présidence suédoise mène des consultations avec toutes les autorités tchèques en ce moment même : elle dira, lors du Conseil européen, les conclusions qu’elle tire de ses échanges et les solutions qu’elle recommande.

Du point de vue français, nous sommes disposés à rechercher une solution, à la condition que celle-ci ne conduise pas à rouvrir les procédures de ratification.

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. Très bien !

M. Jacques Blanc, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Heureusement !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Pour la France, il est en effet exclu que le texte du traité, désormais accepté par tous les États membres – soit par la voie parlementaire, soit, en Irlande, par celle du référendum –, puisse être renégocié.

Je rappelle que les deux chambres du parlement tchèque ont voté en faveur du traité et que le gouvernement tchèque est favorable à sa ratification. En décembre 2008, la République tchèque s’est engagée, comme ses vingt-six partenaires, à tout faire pour que le traité entre en vigueur avant la fin de cette année. Cet engagement a même été confirmé en juin 2009, sous la présidence tchèque.

J’ai reçu, jeudi dernier, mon homologue tchèque, qui m’a confirmé que les autorités de son pays feraient tout pour tenir cet engagement.

Alors que nous sommes prêts à rechercher une solution, nous devons également avoir la garantie que le président tchèque signera l’acte de ratification. C’est tout l’objet du travail qui est mené en ce moment par la présidence suédoise.

J’évoquerai à présent la mise en œuvre du traité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nonobstant la situation prévalant à Prague, les travaux préparatoires à la mise en œuvre du traité se sont accélérés après le référendum irlandais. Le traité introduit en effet plusieurs innovations institutionnelles dont les conditions de mise en œuvre doivent être précisées.

Le Conseil européen fera le point sur ces travaux. En particulier, les chefs d’État et de gouvernement approuveront les grandes lignes de ce que sera le « service européen d’action extérieure », le futur service diplomatique européen. Nous en attendons une action extérieure plus efficace et plus cohérente.

Cette cohérence doit d’abord se manifester dans la conduite de l’action diplomatique de l’Union européenne elle-même. Il s’agit ainsi, sous l’autorité du Haut représentant, de mettre en œuvre un meilleur pilotage politique de l’action extérieure et une mobilisation de tous les moyens disponibles au service de nos objectifs politiques. L’action extérieure européenne doit également être cohérente, et c’est au moins aussi capital, avec l’action extérieure des États membres.

Je ne veux plus voir ce qui s’est passé il y a quelques années dans l’ex-Yougoslavie, lorsque l’Union européenne a financé l’aéroport de Sarajevo et que celui-ci a ensuite été inauguré par le secrétaire d’État américain. Je ne veux pas non plus que se reproduisent des situations comme celle que j’ai vécue lorsque j’étais représentant spécial de la France en Afghanistan et au Pakistan et qu’une aide massive était donnée par l’Union européenne au Pakistan sans que cette stratégie – si stratégie il y avait –, ait fait le moins du monde l’objet d’une concertation avec les États qui engageaient des forces de l’autre côté de la montagne en Afghanistan.

Nous devrons donc très vite, dès l’entrée en vigueur du traité, former un embryon de ce service européen d’action extérieure, au service du Haut représentant. Ce service devra puiser ses membres au sein de la Commission, du Secrétariat général du Conseil, mais aussi des vingt-sept États membres. Nous nous y préparons, du côté français, afin de renforcer notre politique d’influence.

M. Jacques Blanc, vice-président de la commission des affaires étrangères. Très bien !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Le Conseil européen de cette semaine ne sera sans doute pas en mesure de décider du paquet de nominations dans les institutions : les membres de la Commission, le président stable du Conseil européen, le Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune, ou PESC, le Secrétaire général du Conseil.

En tout état de cause et en attendant l’entrée en vigueur définitive du traité, les chefs d’État et de gouvernement pourront confirmer le maintien en fonction de la Commission actuelle, ainsi d’ailleurs que l’actuel Haut représentant pour la PESC. C’est ce qui avait été fait pour la Commission Prodi, par exemple.

Nous sommes donc véritablement dans la dernière ligne droite s’agissant de l’entrée en vigueur de cette boîte à outils nouvelle : nous allons connaître cet automne, j’en suis convaincu, l’achèvement du très long processus institutionnel qui a occupé les quinze ou vingt dernières années, où l’Europe, approximativement depuis la chute du mur de Berlin, n’a cessé, de traité en traité, de référendum en référendum, de courir derrière ses institutions, au risque d’éloigner les citoyens de l’idée de construction européenne.

Cette querelle institutionnelle est désormais, pour l’essentiel, derrière nous. C’est une excellente nouvelle, car il est temps de passer à autre chose, c’est-à-dire aux points fondamentaux, qui concernent directement la vie de 500 millions d’Européens : la sécurité, l’emploi, l’environnement, l’énergie.

Les institutions ne valent en effet que s’il existe une vision et une volonté. La crise économique et financière qui a frappé le monde depuis 2008 montre qu’aucun pays européen pris isolément ne peut faire face seul à une tourmente d’une telle ampleur. À l’inverse, quand l’Union européenne s’unit, comme elle a su le faire lors du récent G20 de Pittsburgh, autour de la France et de l’Allemagne, rejointes par le Royaume-Uni et par l’ensemble des partenaires, elle sait peser et produire des résultats.

Je suis frappé de voir à quel point, dans toutes les capitales européennes que j’ai visitées, chacun a désormais conscience du risque que nous courons tous, nous Européens, d’une marginalisation de l’Europe dans un monde multipolaire. (M. Yves Pozzo di Borgo acquiesce.) Je suis frappé aussi par les attentes qui existent en Europe vis-à-vis du couple franco-allemand, vécu comme une force d’impulsion au service de l’Europe. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)

J’en viens maintenant aux autres points inscrits à l’ordre du jour du Conseil européen. Au-delà des institutions, l’Europe doit en effet agir sur une série de problèmes fondamentaux, dont trois sont inscrits à l’ordre du jour du Conseil : le climat, la crise économique et les migrations

Le climat est l’un des enjeux majeurs de ce Conseil européen, dont le cœur est la préparation de la conférence qui se tiendra à Copenhague du 7 au 18 décembre, soit dans moins de deux mois, et qui ne concernera rien de moins que l’avenir de la planète.

Les objectifs à atteindre sont connus, ils ont été définis par les travaux du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, ou GIEC : il s’agit d’obtenir une réduction d’au moins 50 % des émissions mondiales de CO2 en 2050, en prenant 1990 comme année de référence, afin de limiter le réchauffement climatique à moins de deux degrés par rapport à l’ère préindustrielle.

Pour cela, il faut obtenir des engagements chiffrés des pays développés sur des objectifs à moyen terme d’une réduction de 25 % à 40 % de leurs émissions d’ici à 2020, ce qui implique un engagement contraignant des pays développés sur une réduction à moyen terme comparable à l’engagement actuel de l’Union européenne. Il faut également obtenir un engagement des pays émergents sur une déviation chiffrée de leurs émissions à moyen terme.

L’Union européenne peut s’enorgueillir d’avoir pris très tôt le leadership de cette négociation avec l’adoption du paquet « énergie-climat » sous la présidence française. C’est elle qui, la première, a formulé des propositions ambitieuses de réduction de ses émissions de CO2 : 20% d’ici à 2020 et 30 % dans le cas d’un accord international global et satisfaisant.

Cette position de force acquise sous la présidence française doit impérativement être préservée, ce qui implique de nous mettre d’accord au Conseil européen sur une position globale et ambitieuse de négociation, que nous défendrons ensemble à Copenhague.

Les Conseils Ecofin et Environnement de la semaine dernière ont permis d’importantes avancées, mais ils n’ont pas encore apporté toutes les réponses nécessaires ; il revient donc aux chefs d’État et de gouvernement de « fixer la ligne » sur l’ensemble des points.

Permettez-moi, de ce point de vue, de vous dresser très brièvement l’état des lieux sur les quatre grands paramètres de la négociation.

Le point le plus délicat porte sur la contribution financière de l’Union européenne à l’effort international des pays en développement et sur les modalités de calcul de cet effort. Tous les éléments sont sur la table, mais rien n’est acté, qu’il s’agisse de l’évaluation des besoins de financement d’ici à 2020, de la contribution de l’Union à ce financement, de la répartition de cette contribution entre pays de l’Union, mais aussi de la possibilité d’utiliser des financements innovants.

Comme vous le savez, les ministres des finances ne sont pas parvenus à dégager un accord définitif sur ce sujet ; ce sera donc l’un des grands enjeux du Conseil européen des 29 et 30 octobre prochain que d’obtenir un consensus sur ce point.

Le deuxième paramètre porte sur la définition des conditions dans lesquelles nous pourrions accepter de porter notre taux de réduction d’émissions de gaz à effet de serre de 20 % à 30 %. Le Conseil Environnement du 21 octobre dernier nous a permis d’obtenir satisfaction sur la conditionnalité du passage de 20 % à 30 %, si – j’insiste sur ce point – tous les pays développés prennent des engagements comparables aux nôtres.

Troisième paramètre : nous devons pouvoir mettre en œuvre le « mécanisme d’inclusion carbone », autre expression pour la fameuse taxe carbone aux frontières, si certains de nos partenaires internationaux refusaient de jouer le jeu à Copenhague.

Ce mécanisme, destiné à empêcher les « fuites de carbone », fait partie des options retenues par le paquet « énergie-climat » adopté sous la présidence française. Il a été reconnu compatible avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce, et, dans une lettre commune adressée en septembre par le Président de la République et la Chancelière allemande à M. Ban Ki-moon, la France et l’Allemagne ont rappelé leur détermination à en user si cela était nécessaire.

Je rappelle que nous ne pouvons pas accepter de pénaliser nos industriels en leur imposant des obligations supérieures à leurs compétiteurs qui n’en auraient aucune. L’Europe ne sera pas la variable d’ajustement de la négociation sur le climat. Le Conseil Environnement du 21 octobre et le Conseil Affaires générales qui s’est tenu hier à Luxembourg nous ont permis de confirmer que cette option était bien sur la table. Du point de vue français, cela est très important.

Quatrième paramètre : nous devons, et c’est une question plus générale, mieux porter et faire connaître le message politique de l’Union. Je rappelle que l’Union a réussi à Bangkok le tour de force d’être à la fois la plus ambitieuse dans ses propositions sur le climat et celle qui a été le plus mise en accusation publiquement par l’ensemble de ses partenaires.

C’est tout l’enjeu d’une communication efficace et d’une visibilité de notre position de négociation : lorsque le négociateur américain ou le négociateur chinois quitte la salle des négociations, il organise immédiatement une conférence de presse. Qui « incarne » aujourd’hui la position de l’Europe dans cette négociation ?

Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne vous cacherai pas que les négociations sont aujourd’hui difficiles, bien sûr au sein de l’Union, mais plus encore avec nos partenaires. Le mois de novembre sera à cet égard décisif ; après Bangkok en octobre, la prochaine session de négociation aura lieu à Barcelone du 2 au 6 novembre. II faudra mettre à profit tous les grands événements pour faire avancer nos positions. Je pense, notamment, au sommet intermédiaire des chefs d’État, que le Président de la République a appelé de ses vœux, à Pittsburgh, mais aussi aux sommets UE-États-Unis du 3 novembre, UE-Inde du 6 novembre, UE-Chine du 30 novembre. Nous avons besoin, pour réussir, d’un engagement renouvelé de l’ensemble des partenaires de la négociation, et ce au plus haut niveau.

Nous sommes encore loin d’un accord, mais l’espoir est permis, car des partenaires importants, comme le Japon ou le Brésil, ont déjà commencé à bouger. Du côté des États-Unis, un vote déterminant du Clean Energy Act est attendu du Sénat avant Copenhague sur les engagements américains de réduction de CO2 en 2020. Les discussions entre démocrates et républicains sont en cours, avec une cristallisation des débats sur le financement du nucléaire, la taxe aux frontières, les avantages accordés aux énergies renouvelables.

J’en viens maintenant à la préparation de la sortie de la crise économique et financière et à la réforme de la supervision financière, qui feront également partie de l’agenda du Conseil européen.

Il faut souligner les bons résultats en matière de supervision financière de la présidence suédoise, laquelle est parvenue à dégager en octobre un accord sur le volet dit « macrofinancier », qui prévoit la création d’un comité européen du risque systémique, chargé de prévenir l’apparition de grands risques systémiques comparables à ceux que le monde a connus en 2007 et en 2008. Le volet « microfinancier », qui programme la transformation des comités de superviseurs en « autorités » dotées de pouvoirs contraignants, est en cours de négociation, avec la perspective d’un accord en décembre.

Nous serons aux côtés de la présidence suédoise pour obtenir, d’ici à la fin de l’année, un accord global sur ces deux volets, afin de respecter les conclusions du Conseil européen de juin dernier, qui prévoyaient que la nouvelle architecture de supervision européenne devrait être pleinement opérationnelle en 2010. Mesdames, messieurs les sénateurs, tel sera le cas.

Enfin, le dernier grand sujet est celui des questions migratoires, qui a déjà été évoqué.

Le Conseil européen avait décidé, en juin dernier, de revenir, lors de sa session d’octobre, sur les réponses apportées à l’urgence migratoire en Méditerranée.

Il s’agit pour nous, comme pour nos partenaires du Sud, d’un sujet tout à fait fondamental. Le Pacte européen sur l’immigration et l’asile a posé des principes, qui doivent désormais être pleinement mis en œuvre.

Pour reprendre l’expression judicieuse de Jacques Barrot, vice-président de la Commission européenne, il est temps de « passer du Pacte aux actes ». Nous sommes totalement engagés sur ce sujet, et nous attendons de nos partenaires une mobilisation équivalente.

En septembre dernier, lors du conseil « Justice et affaires intérieures », mon collègue Eric Besson a soumis des propositions à ses homologues pour renforcer le rôle de l’Agence européenne aux frontières extérieures, FRONTEX, en Méditerranée. En relais de son action, je travaille moi-même en étroite collaboration avec mes homologues grecs, espagnols, et surtout italiens.

Voilà quelques jours, le Président de la République et le président du Conseil italien ont adressé une lettre commune à la présidence suédoise pour demander que le Conseil européen fixe des orientations concrètes et opérationnelles sur ces sujets.

Les 29 et 30 octobre prochains, les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne auront l’occasion de prendre les décisions courageuses qu’impose la lutte contre les filières d’immigration irrégulière. Nous devons rechercher des conclusions de substance, et pas seulement de procédure, au Conseil européen. Le Président Nicolas Sarkozy est déterminé à ce que le Conseil européen ne rate pas ce rendez-vous, car l’Europe ne peut plus attendre. J’ai pu le constater, la situation d’un certain nombre de ces pays montre bien qu’il y a urgence à agir.

Enfin, permettez-moi quelques développements sur la crise du lait.

Comme vous le savez, le Gouvernement a pris l’initiative d’une nouvelle régulation européenne du marché du lait dès le mois de juillet dernier.

Mon collègue Bruno Le Maire a bâti une proposition franco-allemande pour réguler les marchés, et a convaincu vingt et un autres États membres du bien-fondé de cette proposition, garantissant de fait une majorité qualifiée au Conseil.

Sur l’initiative de la France, lors d’une réunion informelle des ministres de l’agriculture qui s’est tenue le 5 octobre dernier, un signal fort des États membres et de la Commission européenne a été envoyé en faveur d’une nouvelle régulation européenne du marché du lait. Le groupe des experts de haut niveau créé à cette occasion et réuni pour la première fois le 13 octobre rendra son rapport en juin prochain.

Lors du conseil « Agriculture » du 19 octobre, vingt-deux États membres ont obtenu de la Commission deux types de mesures.

Premièrement, des mesures supplémentaires vont être mises en place, visant en particulier à améliorer les dispositifs de stockage et à étendre le programme de distribution de lait dans les écoles. Le Conseil de novembre devrait également valider la possibilité, pour les États, de racheter des quotas à titre national et, pour la Commission, de prendre plus facilement des mesures d’urgence, à l’instar de ce qui existe dans d’autres secteurs agricoles.

Deuxièmement, la Commission proposera au conseil « Ecofin » de novembre l’inscription dans le budget pour 2010 d’une enveloppe exceptionnelle de 280 millions d’euros, pour faire écho aux propositions du Parlement européen.

Notre souhait est que la situation préoccupante des producteurs laitiers soit bien à l’ordre du jour du Conseil européen et que les chefs d’État et de gouvernement puissent accélérer les travaux en cours dans un nouveau cadre de régulation pour ce marché. C’est là aussi une priorité du Président de la République.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la lutte contre le changement climatique, la réponse à la crise économique et financière, la préparation à la sortie de crise, les questions migratoires, tels sont les défis que l’Union entend relever.

Le traité de Lisbonne peut et doit nous y aider. Nous souhaitons qu’il entre rapidement en vigueur, c'est-à-dire d’ici à la fin de l’année. Le moment est en effet venu de clore le chapitre institutionnel : l’Union ne peut demeurer durablement dans une phase d’entre-deux. Elle doit aujourd'hui se mettre au travail au service des citoyens européens. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)