M. le président. Mes chers collègues, j’invite les différents orateurs au respect de leur temps de parole ; les trois afficheurs chronomètres installés dans l’hémicycle devraient les aider en cela. Je vous rappelle en effet que nous devons aborder à dix-sept heures précises le point suivant de l’ordre du jour, à savoir des questions cribles thématiques sur l’immigration.

La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, nous ne faisons là qu’imiter les autres parlements nationaux qui limitent, depuis très longtemps, les temps de parole, et pas seulement pour les questions européennes !

À propos de l’observation de M. le secrétaire d’État, je voudrais rappeler à tous nos collègues que nous avons obtenu de haute lutte l’organisation par le Sénat d’un débat préalable au Conseil européen. Nous l’avions demandé depuis longtemps, car un tel débat avait lieu dans tous les autres parlements nationaux. En 2005, après que les Français ont rejeté le référendum, le Premier ministre a estimé nécessaire de prendre un certain nombre de mesures, dont celle-ci. Mes chers collègues, nous devons veiller à étoffer notre présence dans l’hémicycle pour montrer que les questions européennes sont au cœur de nos préoccupations.

Le traité de Lisbonne est le premier point à l’ordre du jour du Conseil européen. Sur ce sujet, comme l’a indiqué M. le secrétaire d'État, l’horizon s’éclaircit et, désormais, tout laisse espérer une entrée en vigueur rapide du nouveau traité.

Certes, le prix à payer sera la promesse d’une nouvelle dérogation aux règles communes, après celles qui sont déjà garanties à l’Irlande et celles qui figurent dans le traité lui-même pour le Royaume-Uni.

On peut bien sûr le regretter et se demander comment la Cour de justice assurera l’unité d’application du droit de l’Union, puisque la Charte des droits fondamentaux ne s’appliquera pas à tous les États membres.

C’est une préoccupation légitime, mais, en même temps, il faut se rendre à l’évidence. L’Europe à vingt-sept, et bientôt plus, ne pourra pas être une Europe uniforme. Elle comportera plusieurs niveaux d’intégration – c’est d’ailleurs déjà le cas aujourd’hui –, et ses avancées reposeront en partie sur des « coopérations spécialisées » entre États membres, pour reprendre une formule chère à notre collègue Pierre Fauchon. Cela ne veut pas dire que nous aurons une Europe « à la carte », mais ce ne sera pas non plus le menu unique à prix fixe.

Je ne suis d’ailleurs pas sûr qu’il faille s’en lamenter. À l’échelon national, nous avons renoncé au jacobinisme ; il serait paradoxal de vouloir le faire triompher à l’échelon européen, où l’exigence d’uniformité paraît encore plus irréaliste.

Et, pour ma part, je préfère une Europe qui avance en ordre dispersé à une Europe immobile en bon ordre.

M. Jacques Blanc, vice-président de la commission des affaires étrangères. Bravo !

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. L’essentiel, dans la construction européenne, ce n’est pas de respecter en tout point tel ou tel schéma institutionnel préétabli. L’essentiel, c’est que l’Union contribue effectivement à résoudre les problèmes pour lesquels elle est le bon échelon, les problèmes pour lesquels nous la construisons.

Parmi ces problèmes, figurent les grandes questions de politique étrangère, pour lesquelles le traité de Lisbonne nous donne des instruments permettant de favoriser une approche commune.

Monsieur le secrétaire d'État, je voudrais vous faire part de mon inquiétude à cet égard.

Avec la création d’un Haut représentant pour la politique étrangère de l’Union européenne et d’un service européen d’action extérieure, nous avons essayé de dépasser les conflits de compétence entre la Commission et le Conseil, pour avoir une action extérieure qui soit non seulement plus cohérente et efficace, mais également plus lisible et visible.

Il est préoccupant de voir que le Parlement européen s’emploie à remettre en cause cet équilibre, en voulant s’octroyer dans ce domaine des pouvoirs que les traités ne lui attribuent pas, ce qui n’est d’ailleurs pas la première fois.

Je souhaiterais savoir, monsieur le secrétaire d’État, quelle est la position de la France sur ce sujet, et si le Gouvernement va veiller à ce que l’on reste bien dans la lettre et dans l’esprit du traité de Lisbonne.

Je ferme cette parenthèse, car la présidence suédoise a souhaité, à juste titre, que le Conseil européen se concentre non pas sur les questions institutionnelles – vous l’avez dit, cela fait quinze ans que l’on fait de l’institutionnel ! –, mais sur un petit nombre de sujets politiques essentiels.

Le premier est le réchauffement climatique.

Il est certain que la seule chance pour l’Union européenne de se faire entendre à Copenhague, c’est de se présenter unie. Pour cela, le mandat doit être ambitieux, sans être déraisonnable.

Sur le fond, l’Union européenne est peut-être la seule puissance à prendre la mesure exacte des défis. Mais, à elle seule, elle ne pourra obtenir aucun résultat tangible pour la planète.

C’est donc à un équilibre délicat que devra parvenir le Conseil européen, puisque les conseils « Ecofin » et « Environnement » de la semaine dernière n’ont pas réussi à aplanir tous les points encore en discussion.

En premier lieu, l’Union doit conserver son rôle d’aiguillon dans ces négociations. Les vingt-sept États membres se sont d’ores et déjà dotés d’outils contraignants pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Le paquet « énergie-climat » fut l’un des succès de la présidence française. Il a démontré la réalité de l’engagement européen, au-delà des déclarations généreuses, et donné à l’Europe une expertise irremplaçable.

Cette position nous conduit naturellement à vouloir un accord ambitieux comprenant des objectifs chiffrés de réduction des émissions. Toutefois, il faut prendre garde à ce que l’ambition européenne, qui découle de l’urgence de la situation, ne soit interprétée comme une position « moralisante » par les autres parties prenantes. La Chine, l’Inde ou la Russie ont des contraintes propres : l’Europe doit montrer qu’elle en est consciente.

En second lieu, le Conseil européen doit absolument réduire les derniers désaccords au sein de l’Union. C’est indispensable si nous voulons que la position européenne s’impose comme la base des négociations pendant les quarante jours précédant Copenhague.

Le seul point d’achoppement véritable concerne le partage de l’effort européen entre les États membres, les États d’Europe centrale et orientale estimant être dans une situation proche des pays émergents.

Le désaccord se cristallise sur la question du financement de l’aide aux pays en développement destinée à les aider à passer à une économie moins « carbonée ».

La Commission européenne juge ainsi que l’effort européen dans le cadre d’un accord à Copenhague pourrait s’élever à 15 milliards d’euros par an jusqu’en 2020 sur un total de 100 milliards d’euros, le solde provenant de financements privés ou publics d’autres États.

La stratégie de négociation pour Copenhague justifie que l’Union ne définisse pas trop précisément le montant exact de son engagement. Mais il est également compréhensible que certains États membres d’Europe orientale souhaitent que la clef de répartition de l’effort financier entre les États membres soit définie avant la conclusion d’un accord.

Il est certain que, pour la Pologne par exemple, une compensation financière devra être prévue, car elle ne sera pas en situation d’assumer strictement sa part, compte tenu de la crise économique et de la proportion du charbon dans sa consommation énergétique.

Sur cette question de la compensation financière, pouvez-vous nous indiquer, monsieur le secrétaire d’État, si les États membres d’Europe centrale et orientale pourraient bénéficier sur la période post-2012 des quotas d’émission qui leur ont été alloués dans le cadre du protocole de Kyoto et qui n’auraient pas été utilisés à cette date ? Cette voie de compromis est-elle envisagée ?

La perspective d’un accord à Copenhague nous invite aussi à penser très fort, à défaut d’en parler ouvertement, à la création d’un mécanisme d’inclusion carbone aux frontières, qui pourrait prendre la forme, mais pas uniquement, d’une taxe carbone à la frontière sur les importations.

Sans en faire une arme dans la négociation, cette idée doit dès à présent être discutée pour préparer l’après-Copenhague.

Enfin, préparer l’après-Copenhague, c’est aussi préciser les conditions de la mise en place du marché de quotas de CO2 à partir de 2012. Le paquet « énergie-climat » de 2008 en change profondément les règles, et de nombreuses incertitudes demeurent sur l’organisation future de ce marché. À l’heure actuelle, aucune réglementation ou régulation de ce marché européen n’est prévue.

Or, en cas d’accord à Copenhague, il est fort probable que de tels marchés se développeront à travers le monde. La perspective d’un marché global du carbone pleinement intégré, comme l’appelle de ses vœux le conseil « Environnement » de la semaine dernière, doit nous amener à définir rapidement des standards élevés au niveau européen, afin de ne pas perdre notre exemplarité.

Le projet de loi Waxman, en cours d’examen au Congrès des États-Unis, est à la fois précis et ambitieux. Il serait dommage que l’Europe paraisse en retrait après avoir été précurseur.

Sur cette question de l’organisation du marché du carbone, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer les grandes lignes de la position française ?

Le deuxième sujet essentiel à l’ordre du jour du Conseil européen est la crise économique et financière.

Il est clair que la riposte concertée des États nous a permis d’éviter une nouvelle grande dépression. Cependant, il serait dangereux de commencer trop vite à baisser la garde. Les conséquences de la crise, notamment en termes d’emploi, sont toujours là. Nous risquons donc de compromettre la reprise qui s’amorce si, dès maintenant, il n’est plus question que d’augmenter les prélèvements et de réduire la dette.

C’est pourquoi je me réjouis de voir l’Allemagne s’engager durablement dans une importante baisse d’impôts pour un montant d’ailleurs bien supérieur à celui de la loi TEPA tant décriée. On ne pourra plus dire que l’Allemagne est un « passager clandestin » profitant des efforts de relance des autres.

En réalité, la bonne démarche est de faire chaque chose en son temps : à l’avenir, il faudra utiliser les périodes de croissance pour réduire vraiment les déficits, ce que nous n’avons pas fait dans le passé ; mais, tant que la crise est là, nous devons continuer à la combattre.

Que se passera-t-il si nous nous croyons trop vite tirés d’affaire ? Il paraîtra moins nécessaire, moins urgent, de renforcer la supervision financière. Il paraîtra moins utile d’agir ensemble pour limiter les fluctuations excessives des marchés internationaux. Nous retrouverons alors les causes de la crise, après avoir tant dépensé pour limiter ses conséquences. Si nous voulons éviter la rechute, il faut donc aller jusqu’au bout du traitement.

À mon avis, ce traitement devrait comprendre un effort pour maintenir les fluctuations des grandes monnaies dans des limites raisonnables.

Quand l’euro a été lancé, voilà dix ans, il valait 1,18 dollar. Deux ans plus tard, il était tombé à 0,8 dollar. Depuis lors, il est remonté à 1,5 dollar. Ainsi, nous avons eu une baisse de 40 %, suivie d’une hausse de 90 %.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous dépassez votre temps de parole !

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. On se demande à quoi servent les négociations commerciales multilatérales portant sur une fraction des droits de douane quand les fluctuations monétaires peuvent affecter à ce point les échanges ! Il n’y a pas de raison que l’Europe accepte passivement d’être la variable d’ajustement des fluctuations monétaires.

En conclusion, je dirai que nous attendons du Conseil européen des réponses concrètes. C’est à partir de là que, petit à petit, nous pourrons réconcilier les Européens avec l’Europe de Bruxelles. Ils sauront alors à quoi sert l’Europe aujourd’hui ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est M. le président de la commission des affaires étrangères.

M. Jacques Blanc, en remplacement de M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord d’excuser le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, M. Josselin de Rohan, qui effectue actuellement un déplacement au siège de l’Organisation des Nations unies, à New-York. En tant que vice-président de la commission des affaires étrangères, j’ai donc le privilège de le remplacer aujourd’hui.

Après l’intervention fort intéressante de M. le secrétaire d’État et celle particulièrement étayée de M. le président de la commission des affaires européennes, je vais concentrer mon propos sur deux sujets directement liés aux travaux de la commission des affaires étrangères : d’une part, la ratification et la mise en œuvre du traité de Lisbonne, notamment la mise en place du service européen d’action extérieure ; d’autre part, certains thèmes de politique étrangère et d’actualité.

Après le « oui » irlandais au traité de Lisbonne et la signature du président polonais, celle du président de la République tchèque paraît désormais une question de jours ou de semaines. À cet égard, rendons hommage à l’action du Président Sarkozy, qui a osé dire pendant la campagne électorale qu’il fallait trouver une réponse au problème institutionnel afin de passer véritablement à un stade opérationnel, et qui a su le faire une fois élu.

Cela étant, nous sommes aujourd’hui face à des interrogations.

Le traité de Lisbonne contient des avancées importantes pour rendre l’Europe plus légitime, plus efficace et pour donner aux parlements nationaux ainsi qu’au Comité des régions, dont personne ne parle, …

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. Cela viendra !

M. Jacques Blanc, en remplacement de M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères … des pouvoirs supplémentaires afin que vive cette Europe que nous espérons.

Je mentionnerai la création d’un président stable du Conseil européen, qui est nécessaire, celle d’un Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, qui est tout aussi nécessaire, le passage de l’unanimité à la majorité qualifiée pour une cinquantaine de matières ou encore le renforcement des pouvoirs du Parlement européen et des parlements nationaux ainsi que ceux du Comité des régions. Ainsi, l’Union européenne sera dotée d’un cadre institutionnel rénové lui permettant de fonctionner efficacement dans une Europe élargie à vingt-sept.

Néanmoins, je pense que la mise en application posera problème. C’est pourquoi je me permets de vous interroger, monsieur le secrétaire d’État, sur les positions que la France sera appelée à prendre dans cette mise en œuvre opérationnelle.

J’ai personnellement, avec d’autres, défendu le traité de Lisbonne. Pour autant, ce n’est pas me déjuger que de souligner que celui-ci contient certaines zones d’ombre ou d’ambiguïté inhérentes à ce type d’exercice. C’est maintenant qu’il faut apporter des réponses. Le Conseil européen de cette semaine sera donc important.

Quelle sera l’étendue exacte des pouvoirs du président du Conseil européen ? Sera-t-il uniquement un président chairman, comme le souhaitent par exemple les pays du Benelux, ou bien aura-t-il réellement le rôle d’un leader, comme le voudrait la France ? Je souhaite que vous nous confirmiez cette volonté, monsieur le secrétaire d’État.

Qu’en sera-t-il de la présidence tournante du Conseil ? Contrairement à ce que certains pensent, le traité de Lisbonne ne met pas un terme à cette procédure. En effet, elle continuera à s’exercer pour les formations spécialisées du conseil des ministres, à l’exception du conseil « Affaires étrangères ». Pour avoir participé au conseil des ministres de l’agriculture, voilà déjà quelques années, j’en connais l’importance.

Or, le président du Conseil européen, n’étant pas lui-même titulaire d’un mandat national, n’aura pas d’autorité directe sur les ministres chargés de présider les différentes formations spécialisées du Conseil. Il faudra donc prévoir des mécanismes de coordination entre le président du Conseil européen et la présidence en exercice du Conseil pour assurer la cohérence et la continuité de l’action de l’Union. Cette coordination pourrait peut-être s’appuyer sur le conseil « Affaires générales », qui sera détaché à l’avenir du conseil « Affaires étrangères ».

Le partage des tâches entre le président du Conseil européen, le président de la Commission et le Haut représentant en matière de politique étrangère ne sera pas non plus évident. Notre conviction est qu’il sera indispensable de trouver un modus vivendi entre ces différents responsables, afin que chacun exerce la plénitude de ses pouvoirs sans empiéter sur celui des autres. Naturellement, cela dépendra des personnalités qui seront choisies pour exercer ces différentes fonctions.

Toutefois, l’entrée en vigueur différée du traité de Lisbonne soulève des interrogations, étant donné que le mandat de l’actuelle Commission arrive à son terme au 1er novembre et que, en principe, ce sont les règles du traité de Nice qui devraient s’appliquer. Mais sans doute y aura-t-il une prolongation du mandat de l’actuelle Commission. La nomination de ces personnalités risque donc d’être repoussée de quelques mois. Pourriez-vous nous éclairer sur ce point, monsieur le secrétaire d’État ?

Lors du Conseil européen, les chefs d’État et de gouvernement devraient évoquer en particulier la physionomie du futur service européen d’action extérieure. C’est un point majeur.

Le traité de Lisbonne prévoit en effet la création d’un service européen pour l’action extérieure, placé sous l’autorité du Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, composé « de fonctionnaires des services compétents du secrétariat général du Conseil et de la Commission, ainsi que de personnel détaché des services diplomatiques nationaux ».

Or, là encore, il existe différentes approches sur les contours de ce service, en particulier selon que l’on se place du point de vue du Conseil, de la Commission européenne ou du Parlement européen.

Ainsi, à titre anecdotique, l’emplacement de ce service n’est pas fixé. Sera-t-il situé dans les locaux de la Commission européenne ou bien dans ceux du Conseil, ou encore à mi-chemin entre les deux ? Cette précision peut paraître anodine, mais, en fait, cela compte beaucoup. Quel sera surtout son périmètre ?

Il semble que la politique européenne de voisinage sera de la compétence du Conseil. Celle-ci est peu connue. Toutefois, grâce au président de la Commission européenne, nous avons rédigé un rapport d’étape sur ce sujet ainsi que sur les différents partenariats, avec l’Europe orientale, par exemple. Il s’agit d’un nouvel axe majeur de la politique de l’Europe.

M. Jacques Blanc, en remplacement de M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Souvenons-nous de ce qu’était la politique de voisinage : un plan d’action négocié seulement entre un État et la Commission européenne. Regardons désormais ce qui va se passer avec l’Union de la Méditerranée. À ce propos, quelles que soient les conséquences de Gaza, ne renonçons pas à cet ambitieux projet du Président de la République. Il mérite que nous soyons tous mobilisés. (M. le président invite l’orateur à conclure.)

Je le répète, la politique de voisinage avec sa dimension méditerranéenne, sa dimension « mer Noire » et sa dimension « Mer baltique » sera un élément majeur de la politique extérieure de l’Union européenne.

Quels transferts seront-ils accordés ? Cela dépendra de la volonté politique. En l’occurrence, nous nous réjouissons que la France ait un rôle majeur à jouer. Cela dépendra aussi de la capacité des hommes qui seront chargés de ces différentes fonctions.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il vous reste cinq secondes de temps de parole !

M. Jacques Blanc, en remplacement de M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. J’aurais voulu évoquer des sujets internationaux tels que l’Afghanistan ou le Pakistan. En commission, monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez dressé un constat remarquable, qui s’est d’ailleurs révélé exact. Ce fut un grand moment.

J’aurais voulu évoquer les grands défis de L’Union européenne et de la mer Baltique.

J’aurais voulu évoquer la situation au Moyen-Orient et le très important rapport de nos éminents collègues, Jean François-Poncet et Monique Cerisier-ben Guiga.

J’aurais voulu évoquer l’Union pour la Méditerranée, et aborder le problème de l’accord d’association entre l’Union européenne et la Syrie.

Malheureusement, je n’en ai pas le temps.

Je vais donc conclure en me réjouissant que vous ayez rappelé, monsieur le secrétaire d’État, au moment où le Président de la République engage une grande politique pour répondre aux problèmes de l’agriculture française, que le ministre de l’agriculture a su mobiliser plus de vingt de ses collègues à Bruxelles.

M. le président. Il vous faut conclure, mon cher collègue !

M. Jacques Blanc, en remplacement de M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Je me réjouis que la France, par la voix du secrétaire d’État chargé des affaires européennes, soit totalement en phase avec les attentes du monde agricole auxquelles le Président de la République devrait répondre à l’instant même. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Mes chers collègues, il n’est pas agréable pour un président de séance d’interrompre les orateurs. Je vous invite donc à nouveau à respecter votre temps de parole afin de permettre à M. le secrétaire d’État de vous faire une réponse argumentée. Je serai en effet dans l’obligation de suspendre la séance un peu avant dix-sept heures.

La parole est à M. le président de la commission de l'économie.

M. Pierre Hérisson, en remplacement de M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, de l'aménagement du territoire et du développement durable. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le compte à rebours a commencé. Quarante jours nous séparent désormais de la conférence des Nations unies sur le climat, qui se tiendra à Copenhague du 7 au 18 décembre prochain.

Sur le fond, nous partageons tous la même conviction : nous devons saisir l’occasion de la crise actuelle pour passer à une économie durable à faible émission de CO2, qui stimulera l’activité et sera créatrice d’emplois. Cette transition est d’autant plus nécessaire que le dérèglement climatique, plus rapide que prévu, a déjà commencé à produire ses effets.

Face à cette urgence climatique, nous devons défendre un accord ambitieux qui comporte des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour les pays industrialisés comme pour les pays en développement, des engagements financiers en faveur de ces derniers, mais aussi un mécanisme de sanctions pour les pays qui ne respecteraient pas leurs engagements.

Il est de la responsabilité de l’Union européenne de tout mettre en œuvre pour éviter un échec de la conférence de Copenhague.

Sur ce point, monsieur le secrétaire d’État, à quelles conditions les représentants des États membres peuvent-ils trouver un accord, notamment sur la question de la contribution financière de l’Union européenne, pour aider les pays à s’adapter au changement climatique ?

Certes, c’est une bataille difficile que nous engageons, en particulier pour rallier les pays en développement à cette cause. Mais l’Europe a fait la preuve de son engagement en acceptant de réduire d’ici à 2020 ses émissions de gaz à effet de serre d’au moins 20 % par rapport à 1990, et jusqu’à 30 % en cas d’accord international.

S’agissant des voies et moyens pour assurer la transition vers une économie éco-efficiente, la France a fait le choix de la taxation du carbone. Et nous sommes nombreux, mes chers collègues, à souhaiter que soit rapidement mise en place la taxe carbone aux frontières. Notre volontarisme ne doit pas conduire à détruire des emplois dans nos territoires parce que d’autres États ne seraient pas aussi vertueux en matière de rejets de CO2. Il nous faut préserver, voire rétablir, la compétitivité des industries européennes. À cet égard, où en est la réflexion de l’Union européenne sur l’utilisation de cet instrument économique ?

Par ailleurs, il faut agir à d’autres niveaux pour conforter la transition vers une économie durable : la formation, l’éducation et le volet industriel, en encourageant l’utilisation de technologies propres. Dans tous ces domaines, les collectivités territoriales peuvent jouer un rôle majeur.

Comment comptez-vous agir, monsieur le secrétaire d’État, pour faire prendre en compte, au niveau de l’Union, le potentiel que représentent les collectivités dans la lutte contre le changement climatique ?

Je suis convaincu que le cours des cinquante prochaines années se décidera dans les prochaines semaines ; mais il n’y aura pas de plan B pour la planète si nous échouons collectivement.

Monsieur le secrétaire d’État, nous ne pourrons régler seuls la question du changement climatique puisque l’Europe représente aujourd’hui 17 % des émissions mondiales de CO2. En outre, nous ne prendrons pas le risque de voir nos industries supporter des contraintes bien plus fortes qu’ailleurs et être pénalisées lourdement dans la compétition internationale.

Chacun doit apporter sa contribution selon ses capacités et son niveau de responsabilités. Mais, à la double peine – pas d’accord et des engagements unilatéraux pénalisants –, la France doit préférer le double dividende : un accord international et une transition environnementale accélérée ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Dans la suite du débat, la parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le prochain Conseil européen se tiendra dans la perspective de la mise en œuvre du traité de Lisbonne. Beaucoup ici s’en satisferont tant il aura fallu d’acharnement pour arriver à ce résultat.

M. Jacques Blanc, vice-président de la commission des affaires étrangères. Et de volonté politique !

M. Michel Billout. M. le ministre des affaires étrangères et européennes y voit même un traité qui conduit « à une Europe plus démocratique et plus proche des citoyens ». Curieux traité, pourtant, qui prétend construire la démocratie tout en la piétinant dans son mode d’adoption. Inquiétante Europe qui se construit sans les citoyens, loin de leurs préoccupations.

M. Haenel nous rappelait le rejet du projet de traité constitutionnel européen par les électeurs français et néerlandais en 2005.

Or, loin de respecter le verdict des urnes, les principaux dirigeants européens ont décidé de le contourner en rédigeant une sorte de plagiat du projet de traité. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est un expert en la matière qui décrivait ainsi le traité de Lisbonne, il y a exactement deux ans, jour pour jour : « Si l’on en vient maintenant au contenu, le résultat est que les propositions institutionnelles – les seules qui comptaient pour les conventionnels – se retrouvent intégralement dans le traité de Lisbonne, mais dans un ordre différent, et insérés dans les traités antérieurs.[…] Ainsi l’expression “concurrence libre et non faussée”, qui figurait à l’article 2 du projet, est retirée à la demande du président Sarkozy, mais elle est reprise, à la requête des Britanniques, dans un protocole annexé au traité qui stipule que : “le marché intérieur, tel qu’il est défini à l’article 3 du traité, comprend un système garantissant que la concurrence n’est pas faussée” […] Quel est l’intérêt de cette subtile manœuvre ? D’abord et avant tout d’échapper à la contrainte du recours au référendum, grâce à la dispersion des articles, et au renoncement au vocabulaire constitutionnel. »

Vous avez certainement reconnu l’analyse de Valéry Giscard d’Estaing, parue dans le quotidien Le Monde ; et là, malheureusement, il ne s’agit pas d’un roman !

La ratification du traité de Lisbonne aura bien été une parodie de démocratie. Les chefs d’États, M. Sarkozy en tête, ont de concert choisi de passer outre les avis des peuples en ne les consultant pas. Ainsi, seule l’Irlande a invité ses électeurs à s’exprimer, sa constitution imposant cette démarche. Là encore, nous nous souvenons du résultat : les Irlandais ont rejeté le traité de Lisbonne, qui devait donc être caduc le 12 juin 2008.

Pourtant, les chefs d’État et de gouvernement ont de nouveau piétiné cette décision en poursuivant le processus de ratification et en faisant pression sur les Irlandais jusqu’à ce qu’ils revotent, puisqu’ils n’avaient pas fait le bon choix. Ainsi, les Irlandais ont voté une nouvelle fois le 2 octobre dernier pour accepter le traité de Lisbonne.

Les partisans du « oui » peuvent à ce titre remercier les médias et les puissances de l’argent, dont les grands patrons d’Intel et de Ryanair. La diabolisation du « non » et les mensonges sur les risques d’isolement de l’Irlande ont fini par payer.

Conception étrange du référendum où, finalement, nous n’aurions le choix qu’entre « oui » et « oui »…

Ce résultat est aussi la conséquence de bas arrangements en coulisses. Les artisans du traité, pour assurer son adoption, sont allés jusqu’à favoriser les mouvements anti-avortement irlandais. C’est ainsi que l’Union européenne s’implique courageusement pour l’évolution du droit des femmes ! (Mme Annie David s’exclame.)

Plus récemment, afin d’arracher la signature du président Klaus, on s’accorde sur une solution pour enterrer les revendications des Allemands expulsés des Sudètes entre 1945 et 1946, en prévoyant la non-application de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne en République tchèque.

Au regard de ces pratiques, la crise démocratique qui traverse l’Union européenne n’est pas près d’être résolue.

Après le vote prétendument « raisonné » des Irlandais, le Conseil européen est donc, selon la volonté de la présidence suédoise, l’occasion d’accélérer la mise en œuvre du traité en se mettant d’accord, notamment, sur le nom du futur président stable du Conseil européen.

Je n’épiloguerai pas sur ce qui risque d’être un curieux casting pour décerner la couronne à la personnalité la plus européenne. Comme pour le reste, les critères se devront d’êtres souples. Nul doute que l’euro ou l’espace Schengen ne seront plus des symboles très importants. Or, si je ne suis pas un grand admirateur de ce que le député Axel Poniatowski a qualifié de « véritable cœur de l’Union européenne », il me semble qu’une Europe porteuse de paix pourrait être, elle, un symbole fort au moment où devrait se mettre en place le futur service européen d’action extérieure. Aussi, faire le choix d’un président du Conseil européen dont l’action en faveur de la paix dans le monde serait incontestable pourrait être un signe majeur, très positif à l’égard des habitants de notre planète.

Concernant la situation économique et sociale de l’Union, ce Conseil européen sera marqué une fois de plus par la faiblesse de la réponse de l’Union à la crise financière et économique, une réponse essentiellement marquée par l’action individuelle des États, souvent peu cohérente, rarement efficace.

Loin d’une sortie de crise, c’est la prolongation d’une situation économique atone qui se profile, dans laquelle une croissance molle cohabiterait avec un taux de chômage durablement élevé. Le président de l’Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, a déclaré que l’Union européenne ne connaîtrait au cours des dix prochaines années qu’une croissance annuelle moyenne de 1,5 %, tout au plus.

L’Europe se trouve donc dans une situation économique très difficile : non seulement la croissance ne sera pas au rendez-vous, mais le chômage va progresser et les déficits vont continuer à exploser. Dans ce contexte, la plupart des pays européens n’ont plus la capacité de dégager des marges de manœuvre pour répondre à la situation économique. Le tableau est donc extrêmement sombre pour l’Europe.

Or, pour conduire une véritable politique de sortie de crise, l’Union européenne – nous le disons régulièrement – doit agir au moins sur quatre leviers : un véritable budget avec des recettes propres qui pourraient reposer sur une taxation des mouvements de capitaux spéculatifs ; une véritable politique industrielle fondée avant tout sur la coopération ; une Banque centrale européenne, placée sous le contrôle du pouvoir politique, qui agisse efficacement sur l’utilisation du crédit en faveur de l’emploi et de la recherche ; une BCE qui agisse aussi sur l’équilibre monétaire international. L’Europe ne peut pas durablement s’offrir le luxe d’une monnaie surévaluée par rapport au dollar. La situation est, de ce point de vue aussi, très préoccupante : l’euro n’a jamais été aussi fort, le dollar aussi bas. Cela pénalise très lourdement l’économie européenne.

Enfin, nous avons besoin d’une Europe protectrice de ses citoyens, conduisant une véritable action pour l’amélioration des droits sociaux.

Le traité de Lisbonne, en l’espèce, n’apportera aucune arme à l’Union pour affronter la crise. C’est un outil au service des règles qui ont prévalu jusqu’à maintenant dans la construction européenne, celles de la financiarisation de l’économie et du dogme de la concurrence entre les hommes et les territoires.

La crise laitière en constitue une bonne illustration : c’est une crise mondiale de surproduction qui a entraîné un effondrement des prix payés aux producteurs depuis le printemps dernier. Alors que les producteurs manifestent depuis des semaines, dénonçant des prix du marché inférieurs aux coûts de production et demandant un renforcement des quotas, la réunion extraordinaire des ministres européens de l’agriculture, le 5 octobre dernier, a été « une réunion pour rien ». Il a simplement été décidé de créer une commission qui rendra son rapport en juin prochain. La revendication des organisations de producteurs réclamant un renforcement des quotas de production à la place de leur suppression, programmée pour 2015, n’a pas non plus été satisfaite. La mise en place d’un nouveau système visant à réguler le marché après la disparition des quotas laitiers n’est pas à l’ordre du jour, et nous le déplorons.

De manière plus générale, c’est tout le secteur agricole qui pâtit des conséquences désastreuses du capitalisme. L’Europe poursuit indéfectiblement sa route vers une plus grande libéralisation des échanges agricoles et l’absence d’une véritable politique des prix pour les producteurs.

Comment donner aux citoyens européens le sentiment d’appartenir à une même communauté lorsqu’on soutient une concurrence aussi féroce entre les membres de cette communauté ?

Les institutions européennes doivent au contraire abandonner les mécanismes libéraux en faillite aujourd’hui, au premier rang desquels la libre circulation des capitaux, le pacte de stabilité et la marchandisation de l’ensemble des activités humaines.

Face à la crise, il faut mettre en œuvre un vrai bouclier social à l’échelon européen. Celui-ci doit notamment permettre de s’opposer aux plans de licenciements comme aux délocalisations, d’augmenter les salaires, les minimas sociaux et les pensions. Il faut s’appuyer sur des services publics européens développés, soutenir une politique industrielle créatrice d’emplois de qualité et respectueuse de l’environnement.

À ce sujet, le sommet de Copenhague, en décembre prochain, doit donner une suite au protocole de Kyoto et instaurer ainsi un cadre international de lutte contre le changement climatique. Nous sommes très inquiets face à un possible échec de ce sommet si les États-Unis refusent de s’orienter résolument vers une économie décarbonée, donnant un signe très négatif à l’Inde ou à la Chine.

Or, pour parvenir à un accord suffisamment ambitieux à Copenhague, les pays industrialisés devront prendre des engagements contraignants pour leurs économies. Ils devront également apporter un soutien financier et technologique important aux pays en voie de développement, afin que ceux-ci puissent atteindre leurs propres objectifs, et ce au regard de la responsabilité historique que portent les pays industrialisés.

À ce titre, nous pensons que l’Union européenne doit jouer un rôle essentiel. À l’instar des aides financières, l’Union doit s’engager plus fortement dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Elle doit s’engager à atteindre l’objectif de 30 % de réduction, tout en créant une taxe carbone à ses frontières pour éviter qu’au dumping social ne s’ajoute le dumping environnemental.

Cependant, combattre sérieusement le réchauffement climatique et préparer une révolution énergétique, c’est avant tout s’attaquer aux logiques de rentabilité qui caractérisent le capitalisme financier mondialisé. Nous devons, par exemple, proscrire tout marché des « droits à polluer » et lutter contre les spéculations qui les accompagnent.

Nous insistons sur la nécessité de politiques publiques fortes pour permettre de réduire les émissions de CO2, par exemple dans le bâtiment ou les transports publics.

Enfin, nous réaffirmons la nécessité de donner un caractère contraignant aux décisions qui pourraient être prises à Copenhague, afin que les paroles puissent enfin se transformer en actes. Parce que le bien commun de l’humanité qu’est notre planète ne peut attendre, nous ne pourrons nous satisfaire d’un simple contrat d’objectifs ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. –M. Pierre Fauchon applaudit également.)